La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/03/2016 | CEDH | N°001-161541

CEDH | CEDH, AFFAIRE SAKIR c. GRÈCE, 2016, 001-161541


PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE SAKIR c. GRÈCE

(Requête no 48475/09)

ARRÊT

STRASBOURG

24 mars 2016

DÉFINITIF

24/06/2016

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Sakir c. Grèce,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Mirjana Lazarova Trajkovska, présidente,
Ledi Bianku,
Kristina Pardalos,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Paul Mahone

y,
Aleš Pejchal,
Armen Harutyunyan, juges,

et de André Wampach, greffier adjoint de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 1er ma...

PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE SAKIR c. GRÈCE

(Requête no 48475/09)

ARRÊT

STRASBOURG

24 mars 2016

DÉFINITIF

24/06/2016

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Sakir c. Grèce,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Mirjana Lazarova Trajkovska, présidente,
Ledi Bianku,
Kristina Pardalos,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Paul Mahoney,
Aleš Pejchal,
Armen Harutyunyan, juges,

et de André Wampach, greffier adjoint de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 1er mars 2016,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 48475/09) dirigée contre la République hellénique et dont un ressortissant afghan, M. Rafi Sakir (« le requérant »), a saisi la Cour le 10 septembre 2009 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant a été représenté par Me P. Masouridou, avocate au barreau d’Athènes. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par le délégué de son agent, M. K. Georghiadis, assesseur au Conseil juridique de l’État.

3. Le requérant allègue en particulier une violation des articles 3 et 13 de la Convention.

4. Le 3 mars 2014, les griefs concernant les articles 2, 3 et 13 de la Convention ont été communiqués au Gouvernement et la requête a été déclarée irrecevable pour le surplus conformément à l’article 54 § 3 du Règlement de la Cour.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

A. L’attaque subie par le requérant et sa détention au commissariat d’Aghios Panteleïmon

5. Le requérant est né en 1985 et réside à Athènes.

6. Il affirme avoir quitté son pays d’origine par crainte de subir des persécutions en raison de ses convictions politiques. Il allègue que lors de son entrée en Grèce, à une date non précisée, il essaya de déposer une demande d’asile, mais il se trouva dans l’impossibilité d’avoir accès aux services compétents.

7. Le 27 août 2009, vers 20 heures, le requérant se fit agresser par un groupe de personnes casquées, armées de couteaux et de barres de fer. Selon ses dires, ledit groupe se livrait souvent à des actes de violence à caractère raciste, notamment dans le quartier d’Aghios Panteleïmon, situé au centre d’Athènes. Le requérant allègue avoir reçu de nombreux coups de couteau au sternum, près du cœur et au poumon gauche. Il avait aussi été passé à tabac à coups de barres de fer et de bois. Juste après l’incident, A.S., compatriote du requérant qui se trouvait sur place, avertit la police et le requérant fut transféré à l’hôpital « Evangelismos ».

8. Suite à la dénonciation par A.S. de l’incident à la police, une procédure d’investigation préliminaire fut initiée par le commissariat de police d’Aghios Panteleïmon. A.S. désigna dans sa déposition vers 21 heures, deux personnes, A.P. et T.P., comme auteurs principaux de l’agression.

9. Le 28 août 2009, vers 3 heures du matin, A.S. fit une nouvelle déposition devant les policiers par laquelle il réfuta son témoignage précédent. En particulier, il affirma qu’il avait aperçu le soir du 27 août 2009, un groupe de cinq à six personnes, casquées et vêtues de noir, persécutant d’autres personnes sans pour autant voir les premiers frapper les seconds. D’autres personnes d’origine afghane l’avaient informé qu’une bagarre avait eu lieu à la place Attiki, mais A.S. affirma qu’il n’avait rien constaté. De plus, il déposa qu’à un certain moment il avait vu A.P. passer derrière le groupe de personnes vêtues de noir. Néanmoins, il n’était pas casqué et ne portait pas de barre de fer ou en bois. A.S. déposa aussi que T.P. ne portait pas d’objet avec l’intention de frapper quelqu’un ou de provoquer des dégâts matériels. Enfin, il dit ne rien savoir sur les blessures infligées au requérant. Vers 4h20, une procédure pénale fut engagée contre A.S. pour entrée illégale sur le territoire grec, parjure et fausse déclaration devant une autorité publique. Suite au dépôt d’une plainte pénale par A.P. et T.P., des poursuites pénales furent aussi engagées contre A.S. pour diffamation. Dans sa déposition recueillie le 28 août 2009 à 7h45, A.S. affirma qu’il n’avait pas menti dans sa première déposition dans laquelle il avait allégué que A.P. et T.P. étaient membres du groupe armé ayant infligé des blessures sérieuses au requérant. Aucune poursuite pénale ne fut engagée contre A.S. pour parjure et diffamation calomnieuse. Le 1er septembre 2009, le tribunal correctionnel acquitta A.S. de l’accusation de fausse déclaration devant les autorités publiques.

10. Par ailleurs, le 27 août 2009, le policier P.P. affecté au commissariat de police d’Aghios Panteleïmon, attesta dans son témoignage que vers 20 heures il se dirigeait vers l’endroit où le requérant avait été blessé. P.P. confirma que ce dernier souffrait d’une blessure thoracique et avait immédiatement été transféré à l’hôpital public « Evangelismos ». Il affirma aussi qu’A.K., d’origine étrangère, attesta devant les policiers en la présence de S.A., qui traduisait ce qu’il disait en grec, qu’un groupe de quinze à vingt personnes vêtues de noir et casquées avait attaqué un autre groupe d’étrangers qui se trouvait sur la place d’Attiki. P.P. témoigna aussi qu’avec d’autres agents de police, ils avaient enquêté sur l’incident immédiatement et que A.S. leur indiqua avec certitude que A.P. et T.P. faisaient partie du groupe des quinze à vingt personnes ayant attaqué les étrangers sur la place d’Attiki. P.P. affirma aussi que A.S. fut conduit au commissariat de police pour défaut de documents prouvant qu’il résidait légalement sur le territoire grec. De plus, P.P. affirma que les allégations d’A.S., selon lesquelles A.P. et T.P. portaient des casques et des vêtements noirs ne correspondaient pas à la réalité. Enfin, il confirma que le requérant n’avait pas de documents de voyage et qu’il n’était pas en mesure de faire une déposition sur les événements en cause.

11. Suite à la clôture de l’enquête préliminaire par la police et l’envoi du dossier sur l’agression subi par le requérant au procureur, celui-ci mit, le 17 septembre 2012, l’affaire aux archives des auteurs d’infraction non identifiés.

12. Entre-temps, le 31 août 2009, le requérant était sorti de l’hôpital. Selon le certificat médical délivré le même jour, il présentait sur le thorax des blessures faites par un objet tranchant et pointu et sortait de l’hôpital en bon état général. Selon le certificat, il devait être examiné de nouveau le lendemain par le département orthopédique et dans une semaine par le département de chirurgie thoracique. Un second certificat médical, délivré le 22 septembre 2009 par l’hôpital « Evangelismos » confirma que les blessures subies par le requérant étaient dues à des coups infligés par un objet tranchant et pointu sur le torse et le côté de la cage thoracique et sur la main gauche.

13. Suite à sa sortie de l’hôpital « Evangelismos », le requérant fut directement mis en détention au commissariat de police d’Aghios Panteleïmon, faute de posséder de titre de séjour. Le même jour le chef de la police des étrangers d’Attique ordonna son expulsion pour entrée illégale en Grèce et lui accorda trente jours pour quitter le territoire (arrêté no 4072550/2-α).

14. Le 7 septembre 2009, le requérant déposa une demande d’asile. Le même jour, il saisit aussi la Sous-direction des étrangers d’Attique d’une demande de ne pas procéder à son expulsion et de lever sa détention dans ce but. Il assortit cette demande des objections contre son maintien en détention. En particulier, il alléguait que malgré son mauvais état de santé après sa sortie de l’hôpital « Evangelismos », les autorités l’avaient mis tout de suite en détention en vue de son expulsion. Il ajoutait que malgré les instructions spécifiques données par ses médecins traitants aux autorités compétentes, aucun soin médical ne lui avait été administré. En particulier, il n’avait reçu aucune visite médicale, ses blessures n’avaient pas été nettoyées et portait les mêmes habits couverts de taches de sang. Le requérant attirait aussi l’attention des autorités sur le fait qu’il n’avait pas été invité par la police à reconnaître les deux personnes déjà identifiées par A.S. Il ressort du dossier que le requérant n’a reçu aucune réponse à ses objections.

15. Les 9 et 10 septembre 2009, le requérant fut transféré à l’hôpital pour examens. À cette dernière date, l’arrêté d’expulsion lui fut notifié. Le même jour, il fut remis en liberté avec l’ordre de quitter le territoire grec dans un délai de trente jours.

16. Le 31 mars 2014, l’examen de la demande d’asile du requérant fut interrompu et sa demande a été classée, considérée comme si le requérant l’avait tacitement révoquée.

B. La visite du médiateur de la République au commissariat d’Aghios Panteleïmon

17. Le 10 septembre 2009, le médiateur de la République fut alerté par l’association des avocats pour les droits des réfugiés et des migrants, dont la représentante du requérant faisait partie, sur les conditions de détention qui régnaient au sein du commissariat d’Aghios Panteleïmon. Dans un document signé par les représentants du requérant et soumis au médiateur de la République, le requérant dénonçait l’absence totale de suivi médical pendant sa détention. Il alléguait aussi que l’investigation policière avait été clôturée sans qu’il soit invité à donner sa déposition et qu’il soit informé sur sa situation médicale.

18. Se fondant sur l’article 4 § 5 de la loi no 3094/2005 (qui l’autorise à demander aux autorités des informations concernant une affaire, d’entendre des personnes, de faire des visites sur les lieux et d’ordonner des expertises), le médiateur se rendit au commissariat d’Aghios Panteleïmon pour s’enquérir de la situation du requérant ainsi que d’un autre étranger qui y était détenu. Dans son rapport, daté du même jour, le médiateur relevait, entre autres, ce qui suit :

« L’espace de détention était constitué de trois cellules avec quatre lits (d’une capacité totale de 12 personnes). À la date de notre visite (...) il y avait 21 personnes. À l’entrée des cellules, il y avait des couvertures et des matelas pour les détenus en surnombre. Comme informés par le policier qui nous accompagnait, il existait trois toilettes dans cet espace de détention. Les conditions étaient assez mauvaises (aération insuffisante, mauvais éclairage, propreté insuffisante, impossibilité de sortir dans une cour). En dépit du fait (...) que le commissariat avait été transféré dans ce bâtiment sept ans plus tôt, l’espace montrait des signes manifestes d’usure.

Par la suite, nous avons demandé à voir les deux détenus.

(...)

Ensuite, nous avons rencontré M. Rafi Sakar [sic] dont le bras droit était pansé jusqu’au coude. La communication avec lui était très difficile, parce qu’il ne parlait pas l’anglais ou le grec. Pour cette raison, notre discussion a eu lieu en présence de son codétenu. M. Sakar expliqua avoir été blessé lors d’une bagarre ayant eu lieu quelques jours plus tôt et qu’il avait été hospitalisé. Puis, il avait été transféré au commissariat d’Aghios Panteleïmon où il était détenu à ce jour. Il affirma qu’il n’avait pas d’autres blessures à part celle sur son bras droit. Suite à notre demande concernant un transfert éventuel vers un hôpital pendant sa détention, il nous a répondu qu’il y avait été transféré la veille et qu’il serait aussi transféré ce jour [note : le 10 septembre 2009]. Quant à la raison de sa détention, il nous a répondu qu’il n’avait pas de titre de séjour en Grèce.

(...)

Il convient de mentionner que, lors de notre visite, nous avons rencontré d’autres étrangers, eux aussi détenus dans le cadre de la procédure d’expulsion, et que certains d’entre eux ont déclaré se trouver là depuis plus de cent jours. »

II. LE DROIT INTERNE PERTINENT

19. En ce qui concerne le droit interne sur l’expulsion administrative applicable à l’époque des faits et la pratique y relative, voir, entre autres, C.D. et autres c. Grèce (nos 33441/10, 33468/10 et 33476/10, §§ 27-33, 19 décembre 2013).

III. LES RAPPORTS DES ORGANES NATIONAUX ET INTERNATIONAUX

A. Sur le phénomène des violences contre des étrangers au centre d’Athènes

1. Le médiateur de la République

20. Dans un rapport spécial sur la violence raciste de septembre 2013, le médiateur de la République expose ses conclusions après avoir effectué seize mois de recherche sur ce sujet. Il relève que depuis 1998, année de sa création, il constatait des incidents de discrimination au sein de la société grecque. Depuis 2011, il note avoir exprimé à plusieurs reprises son inquiétude sérieuse en raison de la multiplication des incidents de violences à caractère raciste. Le médiateur lie ce phénomène à l’entrée au Parlement de « L’Aube dorée » (Χρυσή Αυγή) en 2012, un parti politique qui a adopté un discours « extrêmement xénophobe, haineux et raciste ». Il estime que ce fait a entraîné une déculpabilisation progressive de la rhétorique raciste et la mise en œuvre de pratiques analogues par des groupes organisés (page 8 du rapport).

21. Le médiateur considère que le nombre et les similitudes entre les incidents à caractère raciste ayant eu lieu dans le quartier d’Aghios Panteleimon et la place d’Attiki esquissent un schéma d’actes organisés et perpétrés par des milices privées présentes constamment dans ces quartiers et possédant des moyens pour organiser des « ratonnades » contre des étrangers et leurs magasins au centre d’Athènes. Selon ce rapport, trois sur quatre des agressions enregistrées eurent lieu à Aghios Panteleïmon et sur la place d’Attiki. Leur caractère extrêmement violent est aussi relevé. Il est considéré que ces attaques devaient plutôt viser la mort des victimes plus que leur intimidation.

2. Le Réseau d’enregistrement d’agressions à caractère raciste

22. Le Réseau d’enregistrement d’agressions à caractère raciste (« le Réseau ») est un réseau de coordination de plusieurs organisations non gouvernementales, créé en 2011 et s’activant dans le domaine de la protection des droits de l’homme. Son objectif est d’enregistrer de manière systématique des incidents de violence ayant des motifs racistes. Sa fonction est coordonnée par la Commission nationale des droits de l’homme et le Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. En ce qui concerne la période de janvier à septembre 2012, le Réseau a enregistré 87 incidents de violence raciste, surtout dans le centre d’Athènes. Dans 48 cas, les victimes ont affirmé que les auteurs appartenaient à des groupes extrémistes. En 2013, 166 incidents de violence raciste ont été enregistrés, dont 143 concernaient des migrants ou des réfugiés. Selon le Réseau, un certain nombre de violences provenaient de groupes organisés et dans certains cas elles émanaient d’agents de la police. En 2014, 81 incidents de violence policière ont été enregistrés dont 46 concernaient des migrants ou des réfugiés. Le Réseau constatait une tendance à banaliser le phénomène de violence raciste. Elle relevait aussi que le grand nombre de victimes d’actes de haine étaient des migrants ou des réfugiés. Elle notait aussi avec inquiétude l’implication d’agents des forces de l’ordre dans les incidents racistes. L’absence d’un cadre d’investigation indépendante des incidents de violence raciste au sein de la police était, selon le Réseau, l’une des raisons principales de l’attitude abusive de la part de certains policiers.

3. Amnesty International

23. Dans un rapport intitulé « Imperium in imperio: une culture d’abus et d’impunité au sein de la police grecque », publié en mars 2014, Amnesty International a fait état d’un « accroissement dramatique » des violences envers des réfugiés et des migrants en Grèce depuis 2011. L’organisation a fait référence à des incidents majeurs de violence à caractère raciste survenus en 2013 à Athènes, à savoir l’homicide présumé de deux individus par des extrémistes, qui ont déclenché des poursuites pénales contre plusieurs personnes, parmi elles des députés, membres du parti « néo-fasciste » l’Aube dorée. Selon Amnesty International, la police a souvent échoué à enquêter efficacement sur des crimes de haine, à mener des enquêtes promptes, approfondies et impartiales, et cela bien que les auteurs présumés aient été soupçonnés d’appartenir à des groupes d’extrémistes et d’agir de manière organisée.

24. Amnesty International a exprimé sa grave préoccupation quant à la réaction inadéquate de la police face à des crimes de haine. Selon le rapport, les défaillances de son intervention se manifestent dans les domaines suivants : absence d’intervention des policiers sur les lieux de l’agression, malgré leur présence, ou intervention après que les auteurs du crime aient quitté les lieux ; arrestation des victimes et non pas des auteurs des actes d’agression ; dissuasion des victimes à déposer une plainte pénale contre les auteurs présumés de leur agression (pages 27 et 28 du rapport).

25. Selon Amnesty International, l’enquête menée par le bureau des affaires internes de la police sur la participation de membres du parti l’Aube dorée dans la commission de crimes de haine et le rôle subséquent des officiers de police dans le traitement de ces affaires a débouché sur un rapport, rendu public par la police le 30 octobre 2013. Le rapport a constaté que dix officiers de police entretenaient des liens avec des activités criminelles attribuées à l’Aube dorée. Parmi ces policiers, se trouvait le chef du commissariat d’Aghios Panteleïmon. Des poursuites pénales ont été engagées contre lui, entre autres, pour abus de pouvoir, infractions à la législation sur les produits stupéfiants et les armes et blanchiment d’argent (page 37 du rapport).

4. Human Rights Watch

26. L’organisation Human Rights Watch a publié en 2012 un rapport de quatre-vingt-dix-neuf pages, intitulé « De la haine dans les rues-Violence xénophobe en Grèce ». Il a constaté l’augmentation constante des incidents à caractère raciste en Grèce ces dernières années. En particulier, 51 attaques envers des étrangers au centre d’Athènes ont été enregistrées par Human Rights Watch d’août 2009 en mai 2012. Plusieurs entretiens avec des victimes d’agression sont inclus au rapport. Celui-ci s’est concentré sur l’échec de la police et de la justice à faire face au phénomène de violence raciste. Il a affirmé que malgré des signes clairs d’intensification de ce type de violence, la police a échoué à traiter le problème de manière efficace, à protéger les victimes et à amener les auteurs de ces actes devant la justice.

27. Le rapport a noté que la plupart des attaques perpétrées entre 2009 et 2011 contre des étrangers ont eu lieu à Aghios Panteleïmon et sur la place d’Attiki. Elles ont été commises par des groupes d’individus agissant comme des milices privées. L’absence de stratégie générale mise en œuvre par la police pour prévenir et parer les attaques violentes et récurrentes contre les migrants est relevée (page 77). Le rapport a souligné que ce manque de stratégie est significatif du fait que des médias, des organisations non gouvernementales et même des fonctionnaires de l’État s’étaient déjà référés au rôle des milices privées dans ces attaques ayant aussi des liens avec le parti politique « néo-fasciste » l’Aube dorée (page 78).

28. Le rapport a souligné qu’il y avait peu de chances que les victimes des attaques voient leurs agresseurs rendre compte de leurs actes devant la justice. En effet, des défaillances sérieuses ont été constatées dans le déroulement des enquêtes policières. Les victimes ont souvent rencontré l’indifférence de la police dans l’enregistrement de leurs plaintes pénales. Le rapport a recensé des cas où des policiers ont dissuadé des victimes d’agression à déposer une plainte pénale (pages 74-76, 78-79, 83, 84, 87 du rapport). Enfin, il a conclu que les défaillances dans la poursuite des responsables font apparaître un schéma d’indifférence de la part de la police au mieux ou de négligence au pire.

B. Quant aux conditions de détention au commissariat d’Aghios Panteleïmon

29. Le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture a effectué une visite en Grèce du 10 au 20 octobre 2010. En ce qui concerne les conditions de détention dans les commissariats de police qu’il a visités (ceux d’Aghios Panteleïmon, d’Omonia et de l’Acropole), il constatait que les commissariats semblaient servir de lieux de détention pour les immigrés clandestins pour des périodes pouvant aller jusqu’à six mois. Il indiquait que les détenus devaient obtenir l’autorisation des policiers pour utiliser les toilettes, qu’ils ne pouvaient pas se doucher, qu’ils étaient obligés de dormir pour des périodes de deux semaines sur des bancs ou par terre, et que les cellules du commissariat d’Aghios Panteleïmon étaient sombres et étouffantes.

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES ARTICLES 2, 3 ET 13 DE LA CONVENTION

30. Le requérant allègue, sous l’angle de l’article 2 de la Convention, que les autorités nationales ne se sont pas acquittées de leur obligation de mener une enquête effective suite à son agression sérieuse. Il se plaint aussi des conditions de détention au commissariat d’Aghios Panteleïmon ainsi que des insuffisances quant à son suivi médical. Enfin, il dénonce l’absence d’un recours effectif qui lui aurait permis de se plaindre des conditions de sa détention. Il invoque les articles 3 et 13 respectivement à cet égard. Ces dispositions sont ainsi libellées :

Article 2

« 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d’une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi.

2. La mort n’est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d’un recours à la force rendu absolument nécessaire :

a) pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale ;

b) pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l’évasion d’une personne régulièrement détenue ;

c) pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection. »

Article 3

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

Article 13

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

A. Remarque préliminaire

31. Le requérant se plaint sous l’angle de l’article 2 de la Convention des défauts de la procédure suivie après son harcèlement physique par un groupe de personnes. La Cour rappelle que la première phrase de l’article 2 § 1 peut imposer une obligation positive à l’État : protéger la vie de l’individu contre les tiers ou contre le risque d’une maladie pouvant entraîner la mort (Osman c. Royaume-Uni, 28 octobre 1998, §§ 115-122, Recueil des arrêts et décisions 1998‑VIII ; L.C.B. c. Royaume-Uni, 9 juin 1998, §§ 36-41, Recueil 1998‑III). La Cour a aussi reconnu que l’article 2 de la Convention peut trouver à s’appliquer lorsque l’intéressé a été victime d’une conduite qui, par sa nature même, a mis sa vie en danger, même s’il a finalement survécu (Makaratzis c. Grèce [GC], no 50385/99, § 55, CEDH 2004‑XI). Tel serait par exemple le cas où la personne concernée a en fin de compte survécu à un grave accident mettant en danger sa vie (voir Iliya Petrov c. Bulgarie, no 19202/03, § 54, 24 avril 2012). La Cour a suivi une approche similaire dans des affaires qui ne concernaient pas des agents d’état (Dimitar Shopov c. Bulgarie, no 17253/07, § 29, 16 avril 2013).

32. En l’espèce, selon les certificats médicaux dressés par l’hôpital « Evangelismos », le requérant avait été blessé par un objet tranchant et pointu sur le thorax et la main gauche. Pour autant que les blessures du requérant aient pu être sérieuses, il ne ressort pas du dossier que le pronostic de vie du requérant avait été engagé. Partant, l’article 2 ne peut pas trouver application dans le cas d’espèce.

33. Par ailleurs, la Cour rappelle que, maîtresse de la qualification juridique des faits de la cause, elle ne se considère pas comme liée par celle que leur attribuent les requérants ou les gouvernements. Elle rappelle en outre qu’un grief se caractérise par les faits qu’il dénonce et non par les simples moyens ou arguments de droit invoqués (voir, mutatis mutandis, Guerra et autres c. Italie, 19 février 1998, § 44, Recueil 1998-I ; Eugenia Lazăr c. Roumanie, no 32146/05, § 60, 16 février 2010). À la lumière de ces principes, la Cour estime nécessaire, dans les circonstances de la présente affaire, d’examiner les doléances du requérant quant au caractère effectif de l’enquête sur l’incident en cause, sous l’angle de l’article 3 de la Convention.

B. Sur la recevabilité

1. Thèses des parties

34. Le Gouvernement allègue tout d’abord que vu le temps écoulé depuis l’enregistrement de la présente requête, le requérant pourrait ne plus vouloir maintenir sa requête devant la Cour. Il demande à la Cour de lui fournir un pouvoir plus récent par lequel le requérant confirmerait son intention de poursuivre l’examen de la requête par la Cour.

35. En second lieu, le Gouvernement excipe le non-épuisement des voies de recours internes. Il allègue que le requérant a omis d’épuiser les voies de recours tant en ce qui concerne la décision ordonnant son expulsion qu’à l’égard des conditions de sa détention. En ce qui concerne l’arrêté d’expulsion, le Gouvernement note que comme il ressort du dossier, le requérant n’a pas saisi les juridictions administratives d’un recours en annulation contre l’arrêté d’expulsion. Il observe qu’il pouvait assortir son recours en annulation d’un recours en sursis à exécution du renvoi. Afin même d’éviter l’exécution du renvoi jusqu’à ce que le tribunal statue sur la demande de sursis, le Gouvernement relève qu’il était possible d’introduire une demande tendant à obtenir un ordre provisoire, qui est examinée selon une procédure extrêmement rapide.

36. En outre, quant aux conditions de détention, le Gouvernement estime que le requérant a omis d’introduire une action en dommages-intérêts sur le fondement de l’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil combiné avec les dispositions applicables aux étrangers qui font l’objet d’une décision administrative d’expulsion, et notamment : les articles 66 § 4, 66 § 5 d), 90 § 3 b), 91 § 1 et 92 §§ 6 et 7 du décret présidentiel no 141/1991 relatif aux compétences des organes du ministère de l’Ordre public, ainsi que les articles 2 et 3 du décret présidentiel no 254/2004 portant code de déontologie des fonctionnaires de police. De l’avis du Gouvernement, l’action en dommages intérêts constituait une voie de recours qui aurait pu être intentée par le requérant.

37. En faisant référence à la jurisprudence de la Cour, le requérant soutient que les recours invoqués par le Gouvernement ne sont pas efficaces.

2. Appréciation de la Cour

38. En premier lieu, la Cour note que le requérant a produit un pouvoir de représentation par son avocate et signé par lui-même, daté du 9 septembre 2009. La Cour considère que ledit document fait ressortir, conformément à l’article 45 de son Règlement, l’intention du requérant de soumettre la présente requête à la Cour par l’intermédiaire de sa représentante. Par conséquent, l’objection d’irrecevabilité ratione personae soulevée en substance par le Gouvernement ne saurait être retenue.

39. En deuxième lieu, s’agissant des principes généraux régissant l’application de la règle de l’épuisement des voies de recours internes au sens de l’article 35 § 1 de la Convention, la Cour renvoie à sa jurisprudence pertinente en la matière (voir notamment Akdivar et autres c. Turquie, 16 septembre 1996, §§ 65-69, Recueil 1996‑IV, et Vučković et autres c. Serbie [GC], no 17153/11, §§ 69-77, 25 mars 2014).

40. La Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle, d’une part, le recours en annulation de la décision d’expulsion ainsi que le recours en sursis à exécution et, d’autre part, l’action en dommages-intérêts prévue à l’article 105 précité ne constituent pas des recours effectifs en matière de rétention d’étrangers en voie d’expulsion (S.D. c. Grèce, no 53541/07, 11 juin 2009 ; Tabesh c. Grèce, no 8256/07, 26 novembre 2009 ; A.A. c. Grèce, no 12186/08, 22 juillet 2010 ; R.U. c. Grèce, no 2237/08, 7 juin 2011 ; A.F. c. Grèce, no 53709/11, 13 juin 2013 ; De los Santos et de la Cruz c. Grèce, nos 2134/12 et 2161/12, 26 juin 2014).

41. Au demeurant, et s’agissant en particulier du recours en annulation contre l’arrêté d’expulsion no4072550/2-α, la Cour note que les présents griefs ne visent pas la procédure d’expulsion entamée contre le requérant ; celui-ci ne se plaint que des défaillances procédurales dans la poursuite de l’enquête visant l’identification et la punition de ses agresseurs ainsi que des conditions de sa détention, y compris son suivi médical. Par conséquent, le recours en annulation mettant en cause la légalité de l’arrêté d’expulsion n’aurait pas pu remédier aux violations de la Convention dont le requérant se plaint en l’espèce.

42. En tout état de cause, la Cour rappelle que le 7 septembre 2009, le requérant a saisi la Sous-direction des étrangers d’Attique afin que l’administration ne procède pas à son expulsion et que sa détention soit levée. Dans la même demande, le requérant soulevait aussi des questions quant à la pertinence de son suivi médical ainsi que de l’enquête policière sur l’agression en cause. En faisant ainsi, le requérant a porté à la connaissance des autorités compétentes la situation dont il se plaint dans le cas d’espèce.

43. Au vu de ce qui précède, la Cour rejette l’exception tirée du non-épuisement des voies de recours internes. Elle constate, en outre, que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’elle ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Elle la déclare donc recevable.

C. Sur le fond

1. Thèses des parties

44. Le Gouvernement affirme que les autorités policières ne pouvaient pas savoir à l’avance que l’intégrité physique du requérant pourrait être menacée par le groupe de personnes armées qui l’ont attaqué. Il ajoute que, pour des raisons objectives, il n’est pas possible d’agir de manière préventive dans ce type de situations. Il relève que l’enquête policière a été adéquate et qu’un dossier a été ouvert suite à la dénonciation des faits litigieux à la police. Sur ce point, il note que la mise de l’affaire aux archives des auteurs d’infraction non identifiés n’exclut pas qu’elle soit de nouveau ouverte à l’avenir en cas d’identification des auteurs de l’agression.

45. Quant aux conditions matérielles de la détention du requérant, le Gouvernement affirme notamment que celles-ci étaient acceptables en ce qui concerne l’hygiène, la nourriture et la communication du requérant avec ses proches et ses avocats. Il ajoute que le suivi médical du requérant a été satisfaisant et que celui-ci a été transféré à deux reprises à l’hôpital. Le Gouvernement conclut que, vu la courte période pendant laquelle le requérant a été détenu au commissariat d’Aghios Panteleïmon, aucune violation de l’article 3 ne saurait être constatée en l’espèce.

46. Le requérant rétorque que l’attaque subie par le groupe d’extrémistes aurait pu lui coûter la vie. Il soutient notamment que les autorités internes ont omis de mener une enquête effective afin d’arrêter et punir les auteurs de son agression. Il ajoute que la procédure suivie par les autorités policières et judiciaires était entachée de plusieurs défaillances. Il se réfère notamment à l’attitude arbitraire et punitive que la police a réservée à A.S. et conclut que le fait de l’interroger tout au long de la nuit et d’engager des poursuites pénales contre lui ne pouvait avoir d’autre objectif que de l’intimider. Le requérant se réfère aussi aux rapports dressés par des instances internationales et nationales et qui, selon lui, confirment la progression au centre d’Athènes de crimes à caractère raciste, perpétrés par des groupes de personnes appartenant à l’extrême droite. Il note que son agression n’était pas un cas isolé mais qu’elle faisait partie d’un schéma d’attaques systématiques perpétrées par des extrémistes contre des étrangers au centre d’Athènes. Il ajoute que malgré cette situation alarmante ayant trait à un problème systémique et qui aurait dû alerter les instances compétentes, la police d’Aghios Panteleïmon n’a fait preuve d’aucune volonté de procéder à une enquête effective.

47. Enfin, le requérant note que les 7 et 9 septembre 2009, il a reçu des visites d’un groupe d’avocats pour les droits des réfugiés et des migrants. Il allègue que lors de ces visites, les avocats étaient suivis par des individus se trouvant dans les locaux du commissariat d’Aghios Panteleïmon et qui connaissaient le dossier concernant l’attaque subie par le requérant. Il affirme que ces individus ont entravé, en présence des policiers, son accès aux avocats, qu’ils ont proféré des menaces contre eux et qu’ils les ont tenus responsables pour les problèmes qu’ils rencontraient avec des personnes d’origine étrangère.

48. Quant aux conditions de sa détention, le requérant se réfère notamment aux conclusions du médiateur de la République qui a effectué une visite sur les lieux. Il relève que sa mise en détention, malgré son état de santé, était inacceptable. Il ajoute que son suivi médical a été inadéquat et que les autorités n’ont aucunement pris en compte son état d’extrême vulnérabilité. De surcroît, les autorités policières ne l’ont pas conduit à l’hôpital les 1er et 8 septembre 2009, bien que les recommandations des médecins aient été précises sur ce point.

49. En outre, le requérant allègue qu’il était détenu au commissariat de police d’Aghios Panteleïmon dans une cellule avec vingt-six autres personnes. La cellule n’était pas éclairée et aérée de manière appropriée, les lits n’étaient pas suffisants et il n’y avait aucune possibilité de se promener dans une cour intérieure.

2. Appréciation de la Cour

a) Sur les conditions matérielles de détention

i. Rappel des principes généraux

50. En ce qui concerne les principes généraux concernant l’application de l’article 3 de la Convention dans des affaires soulevant des questions similaires à celles posées par la présente, la Cour renvoie à sa jurisprudence pertinente en la matière (voir notamment, Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, §§ 90-94, CEDH 2000-XI ; Peers c. Grèce, no 28524/95, §§ 67-68, CEDH 2001‑III ; Kalachnikov c. Russie, no 47095/99, § 95, CEDH 2002‑VI ; Riad et Idiab c. Belgique, nos 29787/03 et 29810/03, § 97, 24 janvier 2008 ; Tabesh, précité, §§ 34-37 ; Rahimi, précité, §§ 59‑62 ; R.U. c. Grèce, précité, §§ 54-56 ; A.F. c. Grèce, précité, §§ 68‑70 ; De los Santos et de la Cruz, précité, § 43).

51. Par ailleurs, la Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle l’article 3 ne peut être interprété comme établissant une obligation générale de libérer un détenu pour motifs de santé ou de le placer dans un hôpital civil afin de lui permettre d’obtenir un traitement médical d’un type particulier. Néanmoins, cet article impose à l’État de s’assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions qui sont compatibles avec le respect de la dignité humaine, que les modalités d’exécution de la mesure ne soumettent pas l’intéressé à une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention et que, eu égard aux exigences pratiques de l’emprisonnement, la santé et le bien-être du prisonnier sont assurés de manière adéquate, notamment par l’administration des soins médicaux requis (Kudła, précité, § 94).

52. La Cour rappelle aussi que les autorités nationales doivent s’assurer que les diagnostics et les soins dans les prisons, y compris les hôpitaux des prisons, interviennent rapidement et soient appropriés. Elles doivent aussi s’assurer que lorsqu’il est rendu nécessaire par l’état de santé du détenu, le suivi intervienne à des intervalles réguliers et inclut une stratégie thérapeutique complète tendant à obtenir le rétablissement du détenu ou, du moins, éviter que son état ne s’aggrave (Pitalev c. Russie, no 34393/03, § 54, 30 juillet 2009). Tout en étant consciente des exigences pratiques de la détention, la Cour se reconnait suffisamment de flexibilité pour décider, au cas par cas, si les carences dans les soins médicaux ont été compatibles avec la dignité humaine du détenu (Aleksanyan c. Russie, no 46468/06, § 140, 22 décembre 2008). Ces soins dispensés en milieu carcéral doivent être appropriés, c’est-à-dire d’un niveau comparable à celui que les autorités de l’Etat se sont engagées à fournir à l’ensemble de la population (Cara‑Damiani c. Italie, no 2447/05, § 66, 7 février 2012).

53. Enfin, la Cour réitère que les informations concernant les conditions de détention, y compris les questions de soins médicaux, sont plus facilement accessibles aux autorités nationales qu’aux personnes intéressées. En effet, les requérants peuvent rencontrer des difficultés à produire des éléments de preuve de nature à étayer leurs griefs à cet égard. Ce qui est attendu des requérants en général dans ces cas est de soumettre au moins un compte rendu détaillé des faits dont ils se plaignent. Il incombera alors au Gouvernement de fournir des explications et des documents à l’appui de celles-ci (voir Salakhov et Islyamova c. Ukraine, no 28005/08, § 132, 14 mars 2013).

ii. Application au cas d’espèce

54. La Cour note que, lors de sa visite au commissariat d’Aghios Panteleïmon, le 10 septembre 2009, où se trouvait alors détenu le requérant, le médiateur de la République a fait un constat de surpeuplement. En particulier, il a relevé que l’espace de la détention avait une capacité totale de douze personnes et qu’à la date de la visite il y en avait vingt-et-un. Le médiateur a également souligné le manque d’aération, l’insuffisance de l’éclairage, le manque de propreté et l’impossibilité pour les détenus de sortir dans une cour. Il a en outre noté que, en dépit du transfert relativement récent du commissariat dans ce bâtiment (sept ans auparavant), celui-ci présentait des signes manifestes d’usure.

55. De même, le Rapporteur spécial des Nations unies sur la torture, en visite en Grèce du 10 au 20 octobre 2010, soit un an après la détention du requérant, a constaté, s’agissant des conditions de détention dans les commissariats de police qu’il avait visités (parmi eux, celui d’Aghios Panteleïmon), que ces commissariats semblaient servir de lieux de détention d’immigrés irréguliers pour des périodes pouvant aller jusqu’à six mois. Le Rapporteur a notamment indiqué que les détenus devaient obtenir l’autorisation des policiers pour utiliser les toilettes, qu’ils ne pouvaient pas se doucher, qu’ils étaient obligés de dormir pour des périodes de deux semaines sur des bancs ou par terre et que, au commissariat d’Aghios Panteleïmon, les cellules étaient sombres et étouffantes (voir, aussi, Ahmade c. Grèce, no 50520/09, § 99, 25 septembre 2012).

56. En outre, en ce qui concerne la situation spécifique du requérant, la Cour note que suite à l’attaque subie le 27 août 2009, il a été transféré à l’hôpital « Evangelismos » où il est resté quatre jours. À sa sortie, il a été directement mis en détention dans le commissariat d’Aghios Panteleïmon faute de posséder un titre de séjour en Grèce. La Cour rappelle que l’article 3 n’établit pas une obligation générale de libérer un détenu pour des motifs de santé (voir paragraphe 51 ci-dessus). Il s’ensuit donc a fortiori que la mise en détention d’une personne ayant des problèmes de santé ne contredit pas en soi la disposition précitée. Il n’en reste pas moins que les autorités doivent assurer à la personne concernée des conditions de détention compatibles avec son état de santé et le respect de la dignité humaine. En l’espèce, les autorités policières n’ont pas cherché au préalable à savoir auprès des autorités de l’hôpital « Evangelismos » si l’état de santé du requérant permettait sa mise en détention juste après sa sortie de l’hôpital.

57. De surcroît, certaines carences peuvent être constatées quant à la prise suffisante en compte par les autorités policières de la situation médicale du requérant et de son état de vulnérabilité pendant sa détention dans le commissariat d’Aghios Panteleïmon. Ainsi, le requérant soutient, sans qu’il soit contredit par le Gouvernement, que lors de sa mise en détention, il portait toujours les mêmes vêtements tachés de sang et que les autorités policières ne lui ont pas offert des habits propres pendant sa détention. À cela, s’ajoute l’impossibilité pour le requérant de prendre une douche et de soigner ses blessures tout au long de sa détention. La Cour note sur ce point que malgré les instructions spécifiques contenues dans le certificat médical daté du 31 août 2009 par l’hôpital « Evangelismos », à savoir que le requérant devait y être amené les 1er et 8 septembre 2009 pour être soumis à des nouveaux examens, celui-ci n’y fut transféré que le 9 septembre 2009, c’est-à-dire un jour avant sa remise en liberté. Le Gouvernement ne fournit pas d’explications à cet égard.

58. Au vu de ce qui précède, la Cour considère que les autorités compétentes n’ont pas garanti au requérant des conditions de détention conformes à l’article 3 de la Convention ni assuré sa santé et son bien-être de manière adéquate. Partant, il y a eu violation de la disposition précitée.

59. Enfin, étant donné ses considérations ci-dessus quant à la question de l’épuisement des voies de recours internes, la Cour conclut que l’État a également manqué à ses obligations découlant de l’article 13 de la Convention (voir Ahmade, précité, § 104).

b) Sur l’effectivité de la procédure suivie concernant l’agression du requérant

i. Rappel des principes généraux

60. La Cour rappelle d’emblée que des mauvais traitements doivent atteindre un minimum de gravité pour tomber sous le coup de l’article 3. Cette appréciation est relative : elle dépend de l’ensemble des données de la cause. Il faut prendre en compte des facteurs tels que la nature et le contexte du traitement, sa durée, ses effets physiques ou mentaux ainsi, parfois, que le sexe, l’âge et l’état de santé de la victime (voir Price c. Royaume-Uni, no 33394/96, § 24, CEDH 2001‑VII). En l’espèce, la Cour estime que les sévices subis par le requérant lors de son agression le 27 août 2009 dans la rue sont suffisamment graves pour s’analyser en un mauvais traitement au sens de l’article 3 de la Convention.

61. Combinée avec l’article 3, l’obligation que l’article 1 de la Convention impose aux Hautes Parties contractantes de garantir à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés consacrés par la Convention leur commande de prendre, sous certaines conditions, des mesures propres à empêcher que lesdites personnes ne soient soumises à des mauvais traitements, même administrés par des particuliers (voir M.C. c. Bulgarie, no 39272/98, § 149, CEDH 2003‑XII ; C.A.S. et C.S. c. Roumanie, no 26692/05, § 68, 20 mars 2012). L’article 3 de la Convention peut aussi faire naître dans le chef des autorités une obligation positive de mener une enquête officielle. Une telle obligation positive ne saurait en principe être limitée aux seuls cas de mauvais traitements infligés par des agents de l’État (voir M.C. c. Bulgarie, précité, § 151 ; Šečić c. Croatie, no 40116/02, § 53, 31 mai 2007).

62. S’agissant de la situation d’un individu qui se plaint de mauvais traitements infligés par des particuliers, comme en l’espèce, et non pas par des fonctionnaires de l’État défendeur lui-même, la Cour se réfère aux principes généraux qui se dégagent de sa jurisprudence, notamment dans les affaires Membres de la Congrégation des témoins de Jéhovah de Gldani et autres c. Géorgie (no 71156/01, §§ 96-97, 3 mai 2007), Šečić, (précité, § 52), Denis Vasilyev c. Russie (no 32704/04, §§ 98-99, 17 décembre 2009), T.M. et C.M. c. République de Moldova (no 26608/11, §§ 35-39, 28 janvier 2014), et İbrahim Demirtaş c. Turquie (no 25018/10, §§ 25-29, 28 octobre 2014).

63. La Cour relève en particulier que les autorités de l’État doivent mener une enquête approfondie et effective pouvant conduire à l’identification et à la punition des responsables (voir, entre autres, Krastanov, c. Bulgarie, no 50222/99, § 48, 30 septembre 2004 ; Çamdereli c. Turquie, no 28433/02, §§ 28-29, 17 juillet 2008 ; Vladimir Romanov c. Russie, no 41461/02, §§ 79 et 81, 24 juillet 2008). Cet aspect de l’obligation positive ne requiert pas nécessairement une condamnation mais l’application effective des lois, notamment pénales, pour assurer la protection des droits garantis par l’article 3 de la Convention (Beganović c. Croatie, no [46423/06](http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/Pages/search.aspx#%7B%22appno%22:%5B%2246423/06%22%5D%7D), §§ 69 et suivants, CEDH 2009 (extraits), et Ebcin c. Turquie, no 19506/05, § 39, 1er février 2011 et les références qui y figurent). De plus, les autorités doivent avoir pris toutes les mesures raisonnables dont elles disposaient pour assurer l’obtention des preuves relatives aux faits litigieux (Šečić, précité, § 54).

64. Une exigence de célérité et de diligence raisonnable est aussi implicite dans l’obligation d’enquêter (voir, mutatis mutandis, McKerr c. Royaume‑Uni, no 28883/95, §§ 113-114 ; Tahsin Acar c. Turquie [GC], no 26307/95, §§ 223-224, CEDH 2004‑III). Les mécanismes de protection prévus en droit interne doivent fonctionner en pratique dans des délais raisonnables permettant de conclure l’examen au fond des affaires concrètes qui leur sont soumises (voir, mutatis mutandis, G.N. et autres c. Italie, no 43134/05, §§ 96-102, 1er décembre 2009, et Opuz c. Turquie, no 33401/02, §§ 150-151, CEDH 2009). En effet, l’obligation de l’État au regard de l’article 3 de la Convention ne peut être réputée satisfaite si les mécanismes de protection prévus en droit interne n’existent qu’en théorie : il faut surtout qu’ils fonctionnent effectivement en pratique, ce qui suppose un examen de l’affaire prompt et sans retard inutile (İbrahim Demirtaş, précité, § 30). Enfin, lorsque l’on soupçonne que des attitudes racistes sont à l’origine d’un acte de violence, il importe particulièrement que l’enquête officielle soit menée avec diligence et impartialité, eu égard à la nécessité de réaffirmer en permanence la condamnation, par la société, du racisme et de la haine ethnique et de préserver la confiance des minorités dans la capacité des autorités à les protéger de la menace de violences racistes (Natchova et autres c. Bulgarie [GC], nos 43577/98 et 43579/98, § 160, CEDH 2005‑VII ; Menson c. Royaume-Uni (déc.), no 47916/99, CEDH 2003‑V).

ii. Application au cas d’espèce

65. La Cour a des doutes quant à l’existence d’une enquête approfondie et effective dans le cadre de la procédure pénale engagée contre les auteurs de l’agression du requérant. Elle relève tout d’abord des déficiences quant à l’obtention des preuves. En premier lieu, aucune déposition n’a été recueillie du requérant lui-même sur les circonstances de son agression et sur l’identité des auteurs de cet acte. Il est à noter que les autorités compétentes disposaient de tout le temps nécessaire pour procéder à l’audition du requérant, puisqu’après son hospitalisation celui-ci est resté en détention au commissariat d’Aghios Panteleïmon pour une période de dix jours environ. Les autorités policières ne l’ont pas même invité à identifier A.P. et T.P., initialement dénoncés par A.S. comme faisant partie du groupe d’agresseurs. Aucune procédure d’identification d’autres personnes ayant un historique d’appartenance à des groupes d’extrémistes s’étant déjà livrés à des violences racistes au centre d’Athènes n’a non plus eu lieu.

66. En deuxième lieu, il n’est pas contesté par les parties que les blessures du requérant étaient le résultat d’une agression physique ; comme il était mentionné dans les deux certificats médicaux délivrés par l’hôpital « Evangelismos », les lésions avaient été effectuées par un objet tranchant et pointu. Or, ni les autorités policières ni le procureur n’ont cherché à établir en détail la nature et la cause des lésions infligées au requérant en commandant, par exemple, une expertise médico-légale dont les conclusions auraient pu élucider des aspects techniques de l’agression et contribuer à l’identification des auteurs.

67. En outre, des manquements sont constatés quant à l’audition des témoins par les autorités policières. Il ressort ainsi du dossier que la police n’a entendu comme témoins que le policier P.P., présent lors de incident en cause, et A.S., la personne qui avait averti la police de l’agression du requérant. Or, il ressort du témoignage de P.P. qu’il y avait au moins un autre témoin oculaire, A.K., qui n’a jamais été cité à comparaître devant les autorités compétentes. En particulier, P.P. avait affirmé dans son témoignage qu’A.K. lui avait confirmé l’attaque lancée sur un groupe d’étrangers par quinze à vingt personnes vêtues de noir et casquées. Or, malgré sa qualité de témoin oculaire, A.K. n’a jamais été convoqué par la police pour donner sa déposition.

68. De plus, la manière dont s’est déroulée l’audition d’A.S. ne peut que soulever des questions quant à l’effectivité de l’enquête policière. La Cour note qu’A.S. ne possédait pas de titre de séjour lorsqu’il a déposé en tant que témoin oculaire sur l’incident en cause. Se trouvant en même temps en situation irrégulière aux mains de la police, il était sans doute dans un état de vulnérabilité. La police devait donc lui réserver des conditions d’audition pouvant garantir la fiabilité et l’exactitude des informations fournies sur l’agression du requérant. Or, tandis qu’A.S. avait explicitement désigné dans sa déposition initiale, faite vers 21 heures, A.P. et T.P. comme auteurs principaux de l’agression, il est revenu sur celle-ci vers 3 heures du matin. Par la suite, vers 4h20 des poursuites pénales ont été engagées contre lui, entre autres pour parjure, fausse déclaration devant les autorités publiques et diffamation. Néanmoins, il ne ressort pas du dossier que les autorités policières aient questionné A.S. sur cette volte-face qui, de plus, a entraîné par la suite l’engagement d’une procédure pénale contre lui des chefs d’accusation précités.

69. Suite à l’engagement de la procédure pénale contre A.S. pour parjure, diffamation et fausse déclaration devant une autorité publique, le dossier de l’affaire a été transmis au procureur. Celui-ci n’a cependant pas institué de poursuites pénales pour les deux premiers chefs d’accusation. Quant à la dernière, A.S. fut acquitté par le tribunal correctionnel le 1er septembre 2015. Néanmoins, bien que les accusations contre A.S. se soient avérées infondées, aucune initiative n’a été ensuite prise par les autorités judiciaires compétentes afin d’élucider la question de la véracité du témoignage initial d’A.S. Ainsi, il ne ressort pas du dossier qu’elles aient convoqué A.P. et T.P. afin d’examiner à nouveau leur rôle dans l’incident litigieux, éventuellement en les confrontant avec A.S.

70. En dernier lieu, la Cour considère que le contexte général dans lequel s’inscrit la présente affaire revêt une importance particulière. En particulier, il n’est pas contesté par les parties que le requérant, ressortissant étranger, a été victime d’une agression effectuée par un groupe de personnes armées dans le centre d’Athènes, à savoir dans le quartier d’Aghios Panteleïmon. Sur ce point, des rapports provenant de plusieurs organisations non gouvernementales internationales, telles que Human Rights Watch et Amnesty International ainsi que des instances nationales, telles que le médiateur de la République et le Réseau d’enregistrement d’agressions à caractère raciste, ont mis l’accent sur le phénomène de violence à caractère raciste au centre d’Athènes. Les conclusions de ces rapports convergent sur deux points principaux : d’une part, ils soulignent la nette augmentation d’incidents violents à caractère raciste au centre d’Athènes depuis 2009, à savoir l’année durant laquelle les faits litigieux se sont produits. Ils relèvent l’existence d’un schéma récurrent d’assauts contre des étrangers, perpétués par des groupes d’extrémistes, entretenant souvent des liens avec le parti politique « néo-fasciste » l’Aube dorée. De plus, il est noté que la plupart de ces incidents ont eu lieu dans des quartiers spécifiques, notamment celui d’Aghios Panteleïmon et de la place d’Attiki. Ainsi, le médiateur de la République a relevé dans son rapport spécial de 2013 sur les assauts à caractère raciste au centre d’Athènes que trois sur quatre de ces incidents avaient eu lieu dans le quartier d’Aghios Panteleïmon.

71. D’autre part, ces rapports font état d’omissions sérieuses de la part de la police en ce qui concerne tant ses interventions au moment des agressions au centre d’Athènes que l’effectivité des enquêtes policières subséquentes. À ce titre, le rapport dressé par le médiateur de la République relate des incidents où les organes de la police, malgré leur présence sur le lieu du crime, ont omis d’intervenir, n’ont pas enregistré l’agression ou même ont arrêté la victime de l’agression au lieu de son auteur.

72. La Cour note que, bien que l’incident dans le cas présent ait eu lieu à Aghios Panteleïmon et que la nature de l’agression présentait les caractéristiques d’une attaque à caractère raciste, la police a complètement omis de placer cette affaire dans le contexte décrit par les rapports précités et l’a traitée comme un cas isolé. Il ne ressort pas ainsi du dossier qu’après le classement de l’affaire aux archives des auteurs d’infraction non identifiés, la police ou les instances judiciaires compétentes aient pris des initiatives pour repérer des liens éventuels entre les incidents violents à caractère raciste relatés dans les rapports précités et l’attaque subie par le requérant. Il n’en reste pas moins qu’une réponse adéquate des autorités compétentes, lorsqu’il s’agit d’enquêter sur des allégations de mauvais traitement avec motif éventuellement raciste, peut généralement être considérée comme essentielle pour préserver la confiance du public dans le principe de la légalité et pour éviter toute apparence de complicité ou de tolérance relativement à des actes illégaux. En effet, la tolérance des autorités envers de tels actes ne peut que miner la confiance du public dans le principe de la légalité et son adhésion à l’État de droit (voir, mutatis mutandis, Batı et autres c. Turquie, nos 33097/96 et 57834/00, § 136, CEDH 2004‑IV (extraits), Membres de la Congrégation des témoins de Jéhovah de Gldani et autres, précité, § 97).

73. Eu égard à l’ensemble des circonstances ci-dessus, la Cour conclut que les autorités compétentes n’ont pas traité la cause du requérant avec le niveau de diligence et d’efficacité requis par l’article 3 de la Convention. En conséquence, la Cour conclut à la violation de cette disposition sous son volet procédural.

II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

74. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

75. Le requérant ne présente pas de demande ni au titre du dommage matériel et moral ni au titre des frais et dépens. Il affirme que le constat par la Cour des violations de la Convention alléguées équivaudrait à un dédommagement suffisant pour lui-même. De plus, il serait satisfait si, suite à la constatation des violations alléguées par la Cour, le dossier de l’affaire soit ouvert de nouveau par les instances internes.

76. Vu l’absence de demande au titre du dommage matériel et/ou moral de la part du requérant, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu de lui octroyer de somme à ces titres. En outre, quant au souhait du requérant que son affaire soit rouverte par les instances internes, la Cour note que l’État défendeur reste libre, sous le contrôle du Comité des Ministres, de choisir les moyens de s’acquitter de son obligation juridique au regard de l’article 46 de la Convention pour autant que ces moyens soient compatibles avec les conclusions contenues dans l’arrêt de la Cour (Scozzari et Giunta c. Italie [GC] no 39221/98 et 41963/98, ECHR 2000-VIII ; Zafranas c. Grèce, no 4056/08, § 50, 4 octobre 2011).

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable ;

2. Dit qu’il y a eu violation des articles 3 et 13 de la Convention en ce qui concerne les conditions de détention du requérant ;

3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention en ce qui concerne l’effectivité de l’enquête en cause.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 24 mars 2016, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

André WampachMirjana Lazarova Trajkovska
Greffier adjointPrésidente


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award