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13/10/2015 | CEDH | N°001-157756

CEDH | CEDH, AFFAIRE BREMNER c. TURQUIE, 2015, 001-157756


DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE BREMNER c. TURQUIE

(Requête no 37428/06)

ARRÊT

STRASBOURG

13 octobre 2015

DÉFINITIF

13/01/2016

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Bremner c. Turquie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

Paul Lemmens, président,
Işıl Karakaş,
Helen Keller,
Ksenija Turković,
Egidijus Kūris,
Robert

Spano,
Jon Fridrik Kjølbro, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 15 septembre 2015,

Rend ...

DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE BREMNER c. TURQUIE

(Requête no 37428/06)

ARRÊT

STRASBOURG

13 octobre 2015

DÉFINITIF

13/01/2016

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Bremner c. Turquie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

Paul Lemmens, président,
Işıl Karakaş,
Helen Keller,
Ksenija Turković,
Egidijus Kūris,
Robert Spano,
Jon Fridrik Kjølbro, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 15 septembre 2015,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 37428/06) dirigée contre la République de Turquie et dont un ressortissant australien, M. Dion Ross Bremner (« le requérant »), a saisi la Cour le 28 août 2006 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant a été représenté par Me Y. Öztürk, avocat à Samsun. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent.

3. Le requérant allègue en particulier une atteinte à son droit au respect de sa vie privée.

4. Le 2 mai 2011, la requête a été communiquée au Gouvernement.

5. Le 15 août 2011, l’Alliance Defense Fund, agissant pour le compte de l’association Portes Ouvertes, a sollicité l’autorisation de présenter des observations écrites.

6. Cette demande a été rejetée par la Présidente de la Section.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

7. Le requérant est né en 1967 et réside à Strathfield en Australie.

8. À l’époque des faits, il était correspondant d’un journal australien en Turquie. En outre, il travaillait à titre bénévole pour une librairie spécialisée dans les livres concernant le christianisme.

9. Le 24 juin 1997, il apparut dans un reportage télévisé, dans le cadre de l’émission Son çare (« Dernier recours »), présentée par l’animatrice Hülya Koçyiğit.

A. Le contenu du reportage

10. Lors de l’émission, la présentatrice indiqua en introduction que le reportage concernait les activités secrètes menées en Turquie par des « marchands de religion étrangers » (yabancı din tüccarları).

Suivait le reportage, qui se présente comme suit.

Sur des images de mosquées puis de cérémonie religieuse chrétienne, une voix hors champ rappelle que chacun, qu’il soit membre de la majorité musulmane ou d’une minorité religieuse, dispose du droit d’adhérer à la religion de son choix et de la liberté de pratiquer celle-ci. Selon la voix, il paraissait curieux que certaines activités de prosélytisme soient menées de manière secrète alors même qu’existait la liberté de conscience et de religion.

Au moment où apparaissent des images d’une cérémonie de dhikr d’une confrérie musulmane montrant des fidèles en transe, la voix hors champ s’interroge sur le point de savoir si « pour s’opposer à ces bigoteries (yobazlık), on tent[ait] de constituer des groupes de convertis au christianisme et d’entraîner le pays vers le chaos ».

La voix hors champ indique que l’objectif de l’émission n’est pas de critiquer ou de porter un jugement sur telle ou telle religion, mais de montrer que, quelle que soit leur nationalité ou leur croyance religieuse, les marchands de religion utilisent tous les mêmes méthodes.

11. La voix hors champ explique que les producteurs de l’émission ont été contactés par un certain A.N., résidant à Samsun. Celui-ci avait été intrigué par une annonce proposant de lire des livres gratuitement et y avait répondu. En retour, il avait reçu par la poste un certain nombre de livres, tous consacrés au christianisme. Il avait écrit une seconde fois et avait à nouveau été destinataire de livres portant sur le même sujet. Ce second envoi était accompagné d’une lettre le remerciant pour l’intérêt qu’il portait au sujet.

12. Il y eut ensuite des contacts téléphoniques entre A.N. et l’expéditeur, qui se trouvait être le requérant.

13. À l’issue de l’échange, il fut convenu que le requérant se rendrait à Samsun pour rencontrer A.N.

14. C’est à ce moment que ce dernier aurait décidé d’informer les producteurs de l’émission et de les inviter à réaliser un reportage.

15. Le 17 juin 1997, le requérant se rendit à Samsun pour rencontrer pour la première fois A.N. et certains de ses supposés « amis intéressés par le christianisme » dans un restaurant. L’entretien fut filmé en caméra cachée.

16. D’après la voix hors champ, le requérant avait ensuite présenté les enseignements de la Bible. Puis il s’était livré à une comparaison entre le christianisme et les autres religions, en faisant l’apologie de ses propres croyances. Toutefois, cette partie du tournage n’était pas montrée, car l’objectif du reportage n’était pas de débattre du bien-fondé de telle ou telle croyance mais d’exposer les méthodes utilisées.

17. A.N. et le requérant convinrent de se retrouver à nouveau le lendemain, dans un appartement toujours en présence d’un supposé groupe d’amis d’A.N. souhaitant découvrir la religion chrétienne.

18. Durant cette seconde rencontre, le requérant expliqua qu’il n’était pas seul et faisait partie d’un groupe travaillant partout en Turquie. Il précisa qu’il était possible de louer un local à Samsun pour les convertis mais qu’il devait en parler avec son « patron ». La question de l’origine de l’argent était complexe. Il fallait être disposé à avoir une attitude honnête mais intelligente sur cette question, car les convertis pouvaient être accusés d’avoir adopté une nouvelle religion non pas par conviction mais en raison de contreparties financières.

19. Le reportage montre ensuite le dialogue suivant entre un participant et le requérant :

« Le participant :

. Avez-vous lu le Coran ?

Le requérant :

– Oui.

Le participant :

– Comment l’avez-vous trouvé ?

Le requérant :

– Je l’ai trouvé bien. Il y des paroles qui sont bien, mais (...)

Le participant :

– (...) mais il contient des inepties ?

Le requérant :

– Non je ne dis pas cela, mais il ne me délivre pas. Car je sais que je suis un pécheur.

(...)

Le requérant :

– Le savoir que Dieu nous a adressé se trouve dans la Bible, la Torah et le Livre des Psaumes de David. [Ce savoir] est complet. Nous n’avons pas besoin d’un autre prophète. Car Jésus est d’essence divine (...) »

20. Au moment où le requérant semblait s’apprêter, devant une bassine d’eau, à expliquer à l’assistance la manière dont se déroule un baptême, la présentatrice de l’émission, Hülya Koçyiğit, fait irruption dans la pièce en présence d’une caméra et muni d’un microphone.

21. Elle dit au requérant qu’elle a entendu parler de cette réunion et qu’elle est venue pour le rencontrer. Elle lui demande qui il est et d’où il vient.

22. Le requérant répond qu’il est australien et présente une pièce d’identité à la caméra. Il précise qu’il est journaliste et qu’il explique la foi chrétienne de manière bénévole.

23. À la question de savoir pourquoi cette seconde activité est secrète, il répond qu’elle ne l’est pas et qu’il est venu à Samsun en faisant confiance à la personne qui l’a appelé.

24. Le reportage montre ensuite un entretien entre Mme Koçyigit et un universitaire de la faculté de théologie (islamique) d’Istanbul. Ce dernier explique que les musulmans se doivent de respecter et d’avoir foi en le caractère divin des livres saints des religions monothéistes, et rappelle que l’islam est une religion de tolérance. Il déclare cependant être surpris par le caractère secret des activités montrées dans le reportage.

25. À la fin de l’émission, les images montrent le requérant marcher avec un sac à la main. La voix hors champ indique qu’il s’agit de « Dion, le marchand de religion, se rendant au commissariat pour déposer ».

B. La procédure pénale

26. D’après le requérant, la présentatrice de l’émission était accompagnée de policiers lors de son irruption dans la pièce et ces derniers l’avaient placé en garde à vue à l’issue de la discussion.

27. Il aurait été libéré le lendemain après avoir fait sa déposition.

28. Le 25 juin 1997, le parquet de Samsun initia une action publique contre le requérant pour insulte envers Dieu et l’Islam.

29. Le 28 avril 1998, le tribunal correctionnel du même lieu déclara le requérant innocent, considérant que la preuve d’une quelconque infraction n’avait pas été rapportée.

C. La procédure civile

30. Le 24 juin 1998, le requérant introduisit une action en dommage et intérêts contre la présentatrice et les producteurs de l’émission.

31. Le tribunal de grande instance d’Istanbul (« le TGI ») débouta l’intéressé par un jugement du 18 mars 2003 au motif qu’il existait un intérêt à informer le public.

32. Par un arrêt du 15 juin 2004, la 4e chambre civile de la Cour de cassation infirma ce jugement par quatre voix contre une.

Dans ses motifs, la chambre releva que le litige portait sur un conflit de droits, entre la liberté d’expression d’un côté et les droits de la personnalité de l’autre. Après avoir rappelé l’importance primordiale de la liberté de la presse, elle indiqua que celle-ci n’était néanmoins pas sans limites. Elle estima qu’en l’espèce le demandeur n’avait commis aucun acte contraire à la loi, qu’il avait simplement fait usage de ses droits à la liberté d’expression et à la liberté de conscience, tous deux garantis aussi bien par la Constitution que la Convention européenne des droits de l’homme. Dans ces conditions, estima-t-elle, le droit à la vie privée du demandeur avait été doublement violé, une première fois au moment de l’enregistrement en caméra cachée et une seconde fois lors de la diffusion des images, accompagnée de termes tels que « marchand de religion » ou « bigoterie ».

33. Le 18 mars 2003, statuant sur renvoi, le TGI décida de ne pas suivre le raisonnement de la 4e chambre civile et de maintenir son jugement antérieur.

34. Du fait de la résistance ainsi opposée par le TGI, l’affaire fut déférée de plein droit à l’Assemblée des chambres civiles de la Cour de cassation. Par un arrêt du 7 décembre 2005, celle-ci entérina, par trente-cinq voix contre onze, la solution retenue par la juridiction de première instance.

Dans leurs motifs, les juges de la haute juridiction considérèrent que les images litigieuses ne concernaient pas les détails de la vie privée du requérant, mais qu’elles faisaient partie d’un reportage sur une question d’actualité intéressant l’opinion publique. Ils estimèrent qu’il y avait un intérêt général important dans la diffusion du reportage en cause et que les auteurs avaient su maintenir un équilibre entre le fond et la forme du sujet.

35. Selon les éléments du dossier, cet arrêt fut notifié au requérant le 28 février 2006.

D. Autres faits allégués par le requérant

36. Le requérant soutient que le propriétaire du domicile qu’il louait lui aurait donné congé après la diffusion du reportage pour des raisons de sécurité.

37. Il soutient par ailleurs avoir été expulsé vers la Bulgarie.

II. LE DROIT INTERNE PERTINENT

38. Les dispositions pertinentes en l’espèce de la Constitution se lisent comme suit :

« Secret de la vie privée

Article 20 : Toute personne est en droit d’exiger le respect de sa vie privée et de sa vie familiale. Le secret de la vie privée et familiale est inviolable, sous réserve des exceptions rendues nécessaires par une enquête ou des poursuites judiciaires.

(...)

Liberté d’expression et de propagation de la pensée

Article 26 : Chacun possède le droit d’exprimer, individuellement ou collectivement, sa pensée et ses opinions et de les propager oralement, par écrit, en images ou par d’autres voies. Cette liberté comprend également la faculté de se procurer ou de livrer des idées ou des informations en dehors de toute intervention des autorités officielles. La disposition du présent alinéa ne fait pas obstacle à l’instauration d’un régime d’autorisation en ce qui concerne les diffusions par la voie de la radio, de la télévision, du cinéma ou d’autres moyens similaires.

L’exercice de ces libertés peut être limité dans le but de prévenir les infractions, de punir les délinquants, d’empêcher la divulgation des informations qui sont reconnues comme des secrets d’État, de préserver l’honneur et les droits ainsi que la vie privée et familiale d’autrui ou le secret professionnel prévu par la loi, et pour assurer que la fonction juridictionnelle soit remplie conformément à sa finalité.

(...)

Liberté de la presse

Article 28 : La presse est libre et ne peut être censurée. La création d’une imprimerie ne peut être subordonnée à une autorisation ni au versement d’une garantie financière. «

39. Le code civil dispose :

« Article 24

Celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité peut agir en justice pour sa protection contre toute personne qui y participe. Une atteinte est considérée comme illicite si elle n’est pas justifiée par le consentement de la victime, par un intérêt prépondérant privé ou public, ou par la loi.

Article 25

Saisi de conclusions à cette fin, le juge peut interdire une atteinte illicite si elle est imminente, la faire cesser si elle dure encore, ou constater l’illicéité d’une atteinte déjà consommée, si le trouble qu’elle a créé subsiste.

Le demandeur peut en particulier solliciter la publication du jugement ou d’un rectificatif, ou sa communication à des tiers.

Sont réservées les actions en dommages-intérêts et en réparation du tort moral, ainsi que la remise du gain selon les dispositions sur la gestion d’affaires. »

40. En vertu de l’article 49 du code des obligations :

« Celui qui subit une atteinte illicite à sa personnalité a droit à une somme d’argent à titre de réparation morale, pour autant que la gravité de l’atteinte le justifie et que l’auteur ne lui ait pas donné satisfaction autrement. Le juge peut substituer ou ajouter à l’allocation de cette indemnité un autre mode de réparation. »

41. Sous l’empire du code pénal en vigueur à l’époque des faits, il n’existait pas de disposition érigeant en infraction le fait d’enregistrer autrui à son insu ou de diffuser de telles images contre le gré de l’intéressé.

42. Le nouveau code pénal, entré en vigueur en 2005, incrimine désormais en son article 134 alinéa 1, la violation de la vie privée.

43. Le second alinéa du même article précise :

« Toute personne qui dévoile de manière contraire à la loi des enregistrements audio ou vidéo relatives à la vie privée des personnes est punie de 1 à 3 ans d’emprisonnement. La peine prononcée est la même lorsque l’infraction est commise par voie de presse. »

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION

44. Le requérant allègue que la diffusion du reportage et le refus des autorités judiciaires de faire droit à sa demande d’indemnisation ont porté atteinte à son droit au respect de sa vie privée tel que prévu par l’article 8 de la Convention, ainsi libellé :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien‑être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

45. Le Gouvernement conteste cette thèse.

A. Sur la recevabilité

46. La Cour constate que le présent grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. Relevant par ailleurs qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, elle le déclare recevable.

B. Sur le fond

1. Thèses des parties

47. Le requérant se plaint du contenu de l’émission diffusée le 24 juin 1997 et du refus des tribunaux de faire droit à sa demande d’indemnisation. Il estime que la réalisation d’un enregistrement vidéo sans son consentement au cours d’une réunion organisée à son insu par les journalistes ainsi que sa diffusion ont emporté violation de l’article 8 de la Convention

48. Le Gouvernement indique qu’il n’y a pas eu d’ingérence de la part des autorités. Il admet que l’État avait une obligation positive, mais estime que celle-ci a été respectée, étant donné que le système judiciaire turc prévoyait une voie de recours par le biais de laquelle le requérant a pu faire examiner ses griefs. La circonstance que les tribunaux aient finalement rejeté les prétentions de l’intéressé ne saurait, selon lui, être regardée comme rendant la voie de recours ineffective.

49. Il fait valoir que les tribunaux étaient en présence d’un conflit entre d’une part le droit du requérant au respect de sa vie privée et d’autre part la liberté de la presse.

50. Il estime que l’émission portait sur un sujet d’intérêt général, domaine où la protection journalistique est élargie (Bladet Tromsø et Stensaas c. Norvège [GC], no 21980/93, § 39, CEDH 1999-III). Il souligne en outre que la liberté journalistique implique aussi le recours possible à une certaine dose d’exagération, voire de provocation.

51. Pour le Gouvernement, les termes « bigoterie » ou « marchand de religion » constituent un jugement de valeur, dont la véracité n’est pas susceptible d’être prouvée, et non une attaque personnelle gratuite. À cet égard, il cite l’affaire Unabhängige Initiative Informationsvielfalt c. Autriche (no 28525/95, CEDH 2002‑I), où la Cour aurait statué dans le même sens s’agissant de l’expression « agitation fasciste » utilisée par un journaliste.

52. Le Gouvernement indique qu’outre la substance des idées et informations exprimées, l’article 10 protège leur mode de diffusion (Thoma c. Luxembourg, no 38432/97, § 45, CEDH 2001‑III). Les activités faisant l’objet du reportage étant menées de manière secrète, les journalistes auraient estimé que la réalisation d’un enregistrement secret durant la réunion était la meilleure méthode envisageable.

53. Le Gouvernement précise de plus que les limites de la critique admissible sont plus larges à l’égard d’un personnage public, visé en cette qualité, que d’un simple particulier : à la différence du second, le premier s’expose inévitablement et consciemment à un contrôle attentif de ses faits et gestes tant par les journalistes que par la masse des citoyens. Il cite, à cet égard, les affaires Katamadze c. Géorgie ((déc.), no 69857/01, 14 février 2006), et Krutil c. Allemagne ((déc.), no 71750/01, 20 mars 2003). Il relève qu’en l’espèce, le requérant n’était pas un simple particulier mais un journaliste, et qu’il exerçait une activité de missionnaire.

54. Le Gouvernement rappelle que dans son arrêt Aydın Tatlav c. Turquie (no 50692/99, § 27, 2 mai 2006), la Cour a indiqué que « ceux qui choisissent d’exercer la liberté de manifester leur religion, qu’ils appartiennent à une majorité ou à une minorité religieuse, ne peuvent raisonnablement s’attendre à le faire à l’abri de toute critique ; [ils] doivent tolérer et accepter le rejet par autrui de leurs croyances religieuses et même la propagation par autrui de doctrines hostiles à leur foi ».

55. Enfin, le Gouvernement soutient que rien n’indique que les journalistes aient agi de mauvaise foi ou qu’ils aient eu un autre objectif que celui de communiquer des informations sur des questions qu’ils estimaient devoir porter à la connaissance du public. Il considère que c’est à bon droit que les juridictions internes ont en l’espèce donné la priorité au droit du public à recevoir des informations sur un sujet d’intérêt général sur le droit du requérant à sa vie privée.

56. Le requérant, quant à lui, réitère son grief et soutient que l’atteinte portée à sa vie privée par les journalistes était illégale et qu’elle l’a exposé à un risque d’agression. Il expose que, par peur de représailles, son bailleur l’a invité à quitter son appartement. Il cite plusieurs cas d’agressions, parfois mortelles, dont des chrétiens ont été victimes en Turquie depuis 2006, selon lui à la suite de diffusions d’émissions similaires à celle en cause.

57. Il affirme que la diffusion du reportage a affecté ses relations avec des collègues turcs et étrangers.

58. Selon lui, les explications du Gouvernement sur la liberté de la presse pourraient être pertinentes si le reportage litigieux avait été réalisé honnêtement et de bonne foi. Or, ce n’est à ses yeux pas le cas en l’espèce, dans la mesure où il estime que les journalistes lui ont tendu un véritable guet-apens.

2. Appréciation de la Cour

a) Les principes généraux

59. La Cour note que le requérant ne se plaint pas d’un acte de l’État, mais d’une absence de protection suffisante de la part de celui-ci, de sa vie privée face aux atteintes commises par des tiers.

60. Si l’article 8 a essentiellement pour objet de prémunir l’individu contre les ingérences arbitraires des pouvoirs publics, il ne se contente pas de commander à l’État de s’abstenir de pareilles ingérences : à cet engagement négatif peuvent s’ajouter des obligations positives inhérentes au respect effectif de la vie privée ou familiale. Elles peuvent nécessiter l’adoption de mesures visant au respect de la vie privée jusque dans les relations des individus entre eux (Fernández Martínez c. Espagne [GC], no 56030/07, § 114, CEDH 2014 (extraits)).

61. La frontière entre les obligations positives et négatives de l’État au regard de l’article 8 ne se prête pas à une définition précise ; les principes applicables sont néanmoins comparables. En particulier, dans les deux cas, il faut prendre en compte le juste équilibre à ménager entre l’intérêt général et les intérêts de l’individu, l’État jouissant en toute hypothèse d’une marge d’appréciation (ibidem).

62. La notion de « vie privée » est une notion large, non susceptible d’une définition exhaustive, qui recouvre l’intégrité physique et morale de la personne et peut donc englober de multiples aspects de l’identité d’un individu, tels le nom ou des éléments se rapportant au droit à l’image. Cette notion comprend les informations personnelles dont un individu peut légitimement attendre qu’elles ne soient pas publiées sans son consentement. La publication d’une photo interfère dès lors avec la vie privée d’une personne. Il en va de même pour un enregistrement vidéo (De La Flor Cabrera c. Espagne, no 10764/09, § 30, 27 mai 2014).

63. Dans des affaires, comme la présente, où cette protection de la vie privée doit être mise en balance avec la liberté d’expression garantie par l’article 10 de la Convention, l’issue de la requête ne saurait en principe varier selon qu’elle a été portée devant la Cour, sous l’angle de l’article 8 de la Convention, par la personne faisant l’objet du reportage ou, sous l’angle de l’article 10, par l’éditeur qui l’a publié (Hachette Filipacchi Associés (ICI PARIS) c. France, no 12268/03, § 41, 23 juillet 2009, Timciuc c. Roumanie (déc.), no 28999/03, § 144, 12 octobre 2010, Mosley c. Royaume-Uni, no 48009/08, § 111, 10 mai 2011, et Axel Springer AG c. Allemagne (no 2), no 48311/10, § 56, 10 juillet 2014). En effet, ces droits méritent a priori un égal respect. Dès lors, la marge d’appréciation devrait en principe être la même dans les deux cas. Si la mise en balance par les autorités nationales s’est faite dans le respect des critères établis par la jurisprudence de la Cour, il faut des raisons sérieuses pour que celle-ci substitue son avis à celui des juridictions internes (Axel Springer AG c. Allemagne [GC], no 39954/08, § 87, 7 février 2012, et Von Hannover c. Allemagne (no 2) [GC], nos 40660/08 et 60641/08, § 107, CEDH 2012).

64. La Cour estime par conséquent utile de rappeler également sa jurisprudence relative à la liberté d’expression.

65. Cette liberté constitue l’un des fondements essentiels d’une société démocratique, l’une des conditions primordiales de son progrès et de l’épanouissement de chacun. Sous réserve du paragraphe 2 de l’article 10, elle vaut non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent : ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l’esprit d’ouverture sans lesquels il n’est pas de société démocratique. Telle que la consacre l’article 10, la liberté d’expression est assortie d’exceptions qui appellent toutefois une interprétation étroite, et le besoin de la restreindre doit se trouver établi de manière convaincante (voir, parmi d’autres, Lindon, Otchakovsky-Laurens et July c. France [GC], nos 21279/02 et 36448/02, § 45, CEDH 2007‑IV, Editions Plon c. France, no 58148/00, § 42, CEDH 2004‑IV, ou encore, Handyside c. Royaume-Uni, 7 décembre 1976, § 49, série A no 24).

66. La Cour a par ailleurs souligné à de nombreuses reprises le rôle essentiel que joue la presse dans une société démocratique. Si la presse ne doit pas franchir certaines limites, concernant notamment la protection de la réputation et des droits d’autrui, il lui incombe néanmoins de communiquer, dans le respect de ses devoirs et de ses responsabilités, des informations et des idées sur toutes les questions d’intérêt général. À sa fonction qui consiste à diffuser des informations et des idées sur de telles questions s’ajoute le droit, pour le public, d’en recevoir. S’il en allait autrement, la presse ne pourrait jouer son rôle indispensable de « chien de garde » (Bladet Tromsø et Stensaas, précité, §§ 59 et 62, et Pedersen et Baadsgaard c. Danemark [GC], no 49017/99, § 71, CEDH 2004‑XI).

67. L’article 10 § 2 ne laisse guère de place pour des restrictions à ladite liberté dans le domaine du discours politique ou des questions d’intérêt général (Morice c. France [GC], no 29369/10, § 125, 23 avril 2015).

68. La liberté journalistique comprend le recours possible à une certaine dose d’exagération, voire même de provocation (Stoll c. Suisse [GC], no 69698/01, § 148, CEDH 2007‑V). Il n’appartient pas à la Cour, ni d’ailleurs aux juridictions internes, de se substituer à la presse dans le choix du mode de compte rendu à adopter dans un cas donné (Jersild c. Danemark, 23 septembre 1994, § 31, série A no 298, et Eerikäinen et autres c. Finlande, no 3514/02, § 65, 10 février 2009).

69. Dans ses arrêts de Grande Chambre Axel Springer et Von Hannover, précités, la Cour a résumé les critères pertinents pour la mise en balance du droit à la liberté d’expression et du droit au respect de la vie privée : ils comprennent notamment la contribution à un débat d’intérêt général, la notoriété de la personne visée, l’objet du reportage, la forme et les répercussions de la publication et la gravité de la sanction imposée.

70. Enfin, la Cour rappelle ensuite que peuvent entrer en ligne de compte la façon dont un reportage ou une photo sont publiés et la manière dont la personne visée y est représentée (voir Haldimann et autres c. Suisse, no 21830/09, §§ 63 et 65, CEDH 2015, ainsi que les références qui y figurent).

b) Application de ces principes au cas d’espèce

71. La Cour relève que la question des obligations positives de l’État défendeur se pose au niveau des décisions des juridictions internes – qui, selon le requérant, ne lui ont pas offert de protection contre l’ingérence des journalistes dans sa vie privée. C’est donc en ayant égard à la mise en balance par les juridictions internes du droit découlant de l’article 8 avec le droit à la liberté d’expression au regard de l’article 10, dont les journalistes concernés sont titulaires, que la Cour devra apprécier le degré satisfaisant ou non de la protection offerte à l’intéressé (Von Hannover, précité, § 58).

72. La Cour observe que le reportage concernait le prosélytisme religieux, qui est, à l’évidence, un sujet d’intérêt général, domaine où la liberté journalistique bénéficie d’une protection accrue.

73. Elle relève que le reportage était critique et que des termes offensants tels que « marchand de religion » y étaient utilisés pour caractériser le requérant. Quant au terme de « bigoterie », s’il n’est guère flatteur, la Cour note qu’il n’a pas été utilisé en relation avec le requérant mais pour qualifier les pratiques de certaines confréries.

74. La Cour estime que l’utilisation du vocable « marchand de religion » relevait d’un jugement de valeur. Or, de tels jugements ne se prêtent pas à la démonstration de leur véracité. Par ailleurs, la Cour rappelle que la liberté journalistique comprend aussi le recours possible à une certaine dose d’exagération, voire même de provocation.

75. Elle considère que le reportage litigieux ne contenait pas d’attaque personnelle gratuite à l’encontre du requérant (voir Oberschlick c. Autriche (no 2), 1er juillet 1997, §§ 9 et 30, Recueil des arrêts et décisions 1997‑IV, pour l’utilisation du terme imbécile et, a contrario, Pakdemirli c. Turquie, no 35839/97, § 46, 22 février 2005). Elle estime par ailleurs qu’il ne relevait pas non plus du discours de haine, étant donné qu’il n’incitait pas à la haine ou à la violence envers un groupe religieux ni ne dénigrait les convictions et croyances d’un tel groupe (comparer avec Pavel Ivanov c. Russie (déc.), no 35222/04, 20 février 2007).

76. En ce qui concerne la méthode utilisée pour réaliser le reportage, la Cour considère que l’usage d’une technique aussi intrusive et aussi attentatoire à la vie privée que celle de la caméra cachée doit en principe être restreint. Néanmoins, la Cour n’ignore pas l’importance des moyens d’investigation secrets pour l’élaboration de certains types de reportage. En effet, dans certains cas, l’usage de la caméra cachée peut s’avérer nécessaire pour le journaliste, par exemple lorsque les informations sont difficiles à obtenir par un autre moyen (comparer avec l’affaire De La Flor Cabrera, précitée, § 40, qui portait sur la réalisation d’un enregistrement vidéo sans le consentement de la personne filmée à des fins d’administration de la preuve dans un débat judiciaire). Toutefois, cet outil de dernier ressort doit être utilisé dans le respect des règles déontologiques et en faisant preuve de retenue.

77. Quant à la balance des droits en jeu, la Cour réitère les critères mentionnés au paragraphe 69 plus haut, dont notamment la contribution à un débat d’intérêt général, la notoriété de la personne visée, l’objet du reportage ainsi que la forme et les répercussions de la publication.

78. Dans ce cadre, elle observe en premier lieu que le requérant ne s’était pas lui-même exposé au public si ce n’est en passant une annonce dans un journal. Il ne pouvait pas soupçonner qu’en discutant avec la personne qui l’avait contacté et ses amis, il risquait de se voir critiquer publiquement. Il pensait tout à fait légitimement avoir affaire à de simples particuliers intéressés par le christianisme.

79. Sur ce point, l’argument du Gouvernement consistant à dire que le requérant était lui-même journaliste et que les limites de la liberté d’expression à son égard étaient plus larges que pour un simple particulier n’est pas recevable. En effet, si le requérant était effectivement le correspondant d’un journal australien en Turquie, il était totalement inconnu du public turc et n’agissait pas en cette qualité.

80. En ce qui concerne la contribution que la diffusion de l’image du requérant pouvait apporter à un débat d’intérêt général, la Cour ne discerne aucun élément, ni dans le reportage litigieux ni dans les observations des parties, pouvant expliquer les éventuelles raisons d’intérêt général pour lesquelles les journalistes décidèrent de diffuser l’image du requérant sans précaution particulière, telle par exemple un voilage (voir, à cet égard, Peck c. Royaume-Uni, no 44647/98, § 80, CEDH 2003‑I). Eu égard notamment à l’absence de notoriété du requérant, rien ne laisse supposer que ladite diffusion ait eu une valeur d’information en tant que telle ou qu’elle ait été utilisée à bon escient (voir, mutatis mutandis, Gourguénidzé c. Géorgie, no 71678/01, §§ 59 et 60, 17 octobre 2006)

81. Dans ces conditions, la diffusion de l’image du requérant sans précaution ne saurait être regardée comme une contribution à un quelconque débat d’intérêt général pour la société, quel que soit le degré d’intérêt de celle-ci envers la question du prosélytisme religieux

82. À cet égard, la Cour rappelle que dans l’affaire Haldimann, précitée, qui concernait les sanctions infligées à des journalistes en raison de la diffusion de l’enregistrement, réalisé en caméra caché, d’une prétendue négociation entre un courtier en assurance et un journaliste, la Cour avait conclu à la violation du droit à la liberté d’expression des requérants. Pour ce faire, elle avait considéré comme déterminante la circonstance que les requérants avait pixélisé le visage du courtier et modifié sa voie (voir le paragraphe 65 de l’arrêt en question).

83. De surcroît, la Cour note qu’aucune des juridictions internes ne semble avoir procédé à une évaluation de ce dernier point, celui de la contribution au débat d’intérêt général de la diffusion de l’image du requérant sans floutage.

84. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, et malgré la marge d’appréciation dont l’État dispose en la matière, la Cour estime que, concernant la diffusion sans floutage ou voilage de l’image du requérant, les juridictions turques n’ont pas établi un juste équilibre entre les intérêts en conflit. La manière dont elles ont traité l’affaire n’a donc pas assuré au requérant une protection suffisante et effective de son droit à l’image et, partant, de sa vie privée.

85. Dès lors, il y a eu violation de l’article 8 de la Convention.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 9 DE LA CONVENTION

86. Le requérant dénonce une violation de l’article 9 de la Convention.

87. Le Gouvernement conteste cette thèse. Il excipe du non-épuisement des voies de recours internes, faisant valoir que le requérant n’a jamais soulevé ce grief devant les juridictions nationales.

88. La Cour souscrit à l’argument du Gouvernement et déclare le grief irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES ARTICLES 6 ET 10 DE LA CONVENTION

89. Le requérant se plaint d’une atteinte à son droit à la liberté d’expression au sens de l’article 10 de la Convention en raison de la diffusion du reportage. Il se plaint également des décisions judiciaires rendues dans sa cause, selon lui inéquitables ; il invoque à cet égard l’article 6 de la Convention.

90. Le Gouvernement récuse ces griefs.

91. Compte tenu des éléments en sa possession et dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour n’aperçoit aucune apparence de violation de la Convention.

92. Partant, elle déclare ces griefs irrecevables.

IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

93. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

94. Le requérant réclame pour le préjudice matériel qu’il aurait subi la somme de 43 200 dollars américains (USD), qu’il détaille de la manière suivante :

. 250 USD pour les frais d’hébergement hôtelier de sa femme et de ses enfants immédiatement après la diffusion du reportage ;

. 200 USD correspondant à un mois de loyer de son domicile, payé d’avance pour rien ;

. 1 500 USD de caution payés en vue de la location d’un nouvel appartement ;

. 2 000 USD de frais d’avocats ;

. 400 USD pour son installation en Bulgarie après son expulsion ;

. 4 300 USD pour sa réinstallation en Australie ;

. 12 000 USD de perte de revenus lors de son séjour en Bulgarie ;

. 22 000 USD de perte de revenus pour l’année 2000.

95. Il demande par ailleurs 100 000 euros (EUR) pour préjudice moral et 5 000 EUR pour les frais de représentation devant la Cour.

96. Le Gouvernement conteste l’ensemble de ces prétentions. Il estime qu’il n’existe aucun lien de causalité entre la violation et le préjudice matériel allégué. En ce qui concerne le préjudice moral, il estime que le constat de violation suffit à le compenser. Quant aux frais et dépens, il invite la Cour à rejeter la demande comme non étayée.

97. La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué et rejette cette demande. En revanche, elle considère qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 7 500 EUR au titre du préjudice moral.

98. S’agissant des frais et dépens, la Cour rappelle qu’au titre de l’article 41 de la Convention, le requérant ne peut en obtenir le remboursement que si leur montant est raisonnable et s’il est établi qu’ils ont été réellement et nécessairement exposés (voir, entre autres, Nikolova c. Bulgarie [GC], no 31195/96, § 79, CEDH 1999-II). De plus, l’article 60 § 2 du règlement de la Cour prévoit que toute prétention présentée à cet égard doit être chiffrée, ventilée par rubrique et accompagnée des justificatifs nécessaires, faute de quoi la Cour peut rejeter la demande en tout ou en partie (Zubani c. Italie (satisfaction équitable), no 14025/88, § 23, 16 juin 1999).

99. En l’espèce, la Cour note que la demande du requérant n’est accompagnée d’aucun justificatif. Partant, elle ne saurait l’accueillir.

100. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare recevable le grief tiré de l’article 8 et irrecevable le surplus de la requête ;

2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 8 de la Convention ;

3. Dit

a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention, la somme de 7 500 EUR (sept mille cinq cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

b) qu’à compter de l’expiration de ce délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

4. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 13 octobre 2015, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Stanley NaismithP. Lemmens
GreffierPrésident


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