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03/09/2015 | CEDH | N°001-157288

CEDH | CEDH, AFFAIRE M. ET M. c. CROATIE, 2015, 001-157288


PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE M. ET M. c. CROATIE

(Requête no 10161/13)

ARRÊT

[Extraits]

STRASBOURG

3 septembre 2015

DÉFINITIF

03/12/2015

Cet arrêt est définitif.




En l’affaire M. et M. c. Croatie,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Isabelle Berro, présidente,
Mirjana Lazarova Trajkovska,
Julia Laffranque,
Paulo Pinto de Albuquerque,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Erik Møse,
Ksenija Turković, juge

s,

et de Søren Nielsen, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 7 juillet 2015,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PRO...

PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE M. ET M. c. CROATIE

(Requête no 10161/13)

ARRÊT

[Extraits]

STRASBOURG

3 septembre 2015

DÉFINITIF

03/12/2015

Cet arrêt est définitif.

En l’affaire M. et M. c. Croatie,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Isabelle Berro, présidente,
Mirjana Lazarova Trajkovska,
Julia Laffranque,
Paulo Pinto de Albuquerque,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Erik Møse,
Ksenija Turković, juges,

et de Søren Nielsen, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 7 juillet 2015,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 10161/13) dirigée contre la République de Croatie et dont deux ressortissantes de cet État, Mme M. (« la seconde requérante ») et sa fille mineure M. (« la première requérante »), ont saisi la Cour le 3 janvier 2013 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »). La présidente de la section a accédé à la demande de non-divulgation de leur identité formulée par les requérantes (article 47 § 4 du règlement de la Cour – « le règlement »).

2. Les requérantes ont été représentées par Mme S. Bezbradica Jelavić et M. I. Jelavić, du cabinet d’avocats Jelavić & Partners, à Zagreb. Le gouvernement croate (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, Mme Š. Stažnik.

3. Les requérantes alléguaient en particulier que les autorités croates, en omettant de poursuivre dûment le père de la première requérante pour des violences supposément perpétrées contre celle-ci et de la retirer du domicile de son père afin de la protéger contre de nouveaux actes violents, avaient failli à leurs obligations positives découlant de l’article 3 et/ou de l’article 8 de la Convention.

4. Le 16 mai 2013, la requête a été communiquée au Gouvernement.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

A. La genèse de l’affaire

5. La seconde requérante est née en 1976 et la première en 2001. Toutes deux résident à Zadar.

6. Le 23 juin 2001, la seconde requérante épousa I.M.

7. Le 4 septembre 2001, la seconde requérante donna naissance à la première requérante.

8. Les relations entre les époux se détériorèrent et, en 2006, la seconde requérante engagea une action civile contre son époux en vue d’obtenir le divorce, la garde de la première requérante et une pension alimentaire pour celle-ci. I.M., son époux, déposa une demande reconventionnelle pour se voir attribuer la garde de la première requérante.

(...)

10. Dans un jugement rendu le 24 août 2007, le tribunal municipal de Zadar (Općinski sud u Zadru) prit plusieurs décisions : a) il prononça le divorce entre la seconde requérante et I.M., b) il attribua à I.M. la garde de la première requérante, c) il accorda à la seconde requérante un droit de visite (contact), et d) il ordonna à la seconde requérante de verser régulièrement une pension alimentaire pour la première requérante. Le tribunal fonda ses décisions sur le résultat des expertises psychiatrique et psychologique qui avaient été effectuées pour les besoins de la procédure, ainsi que sur la recommandation du centre d’action sociale de Zadar (Centar za socijalnu skrb Zadar, « le centre d’action sociale local »), lequel avait pris part de sa propre initiative à la procédure en qualité de partie intervenante, dans l’intention de protéger les intérêts de la première requérante. Le jugement devint définitif le 2 janvier 2008.

(...)

D. La procédure d’attribution de la garde

60. [Le] 30 mars 2011, la seconde requérante saisit le tribunal municipal de Zadar d’une action civile contre le père de la première requérante dans le but de faire modifier les modalités de garde et de visite décidées par le jugement rendu par ce même tribunal le 24 août 2007 (paragraphe 10 ci-dessus). Elle demanda en particulier la garde de la première requérante. Parallèlement, elle pria le tribunal de lui accorder la garde temporaire de la première requérante par une mesure provisoire, dans l’attente de l’issue définitive de la procédure principale.

61. Estimant que c’étaient les règles de la procédure non contentieuse et non les règles de la procédure civile ordinaire qui devaient s’appliquer en cette affaire, le tribunal considéra que l’action civile introduite par la seconde requérante relevait de la matière gracieuse. Il tint des audiences le 29 avril et le 16 mai 2011.

62. Le centre d’action sociale local prit part de sa propre initiative à cette procédure en qualité de partie intervenante, dans le but de protéger les intérêts de la première requérante.

63. Lors de l’audience du 29 avril 2011, la représentante de la seconde requérante insista pour que la mesure provisoire demandée fût adoptée. Le représentant du centre d’action sociale local qualifia de très complexe la situation qui régnait dans la famille de la première requérante, précisant que le père et la mère avaient porté plainte au pénal à de nombreuses reprises l’un contre l’autre et que les deux parents devraient être examinés par des experts médicolégaux. Il indiqua également qu’à ce stade, le centre se trouvait dans l’incapacité de formuler une recommandation concernant la mesure provisoire sollicitée, et que pareille recommandation ne pourrait être délivrée qu’à l’issue de l’évaluation du contexte familial qui serait effectuée par une équipe de professionnels travaillant au centre. La représentante de la seconde requérante répondit que le centre avait été informé d’un incident qui avait eu lieu le 1er février 2011, mais qu’il n’avait rien fait pour remédier à la situation qui régnait dans la famille de la première requérante. Elle insista donc pour maintenir la demande de mesure provisoire.

64. Le 12 mai 2011, le centre d’action sociale local remit son rapport et sa recommandation au tribunal. Pour établir ce rapport, le centre avait interrogé la seconde requérante et le père de la première requérante les 3 et 4 mai 2011, avait effectué des visites à leurs domiciles respectifs et avait sollicité l’avis de l’établissement scolaire que fréquentait la première requérante. Dans sa partie pertinente, le rapport rédigé par le centre se lisait ainsi :

« Les allégations des [parents de l’enfant], lesquels s’accusent mutuellement de mauvais traitements sur l’enfant, sont impossibles à vérifier, de même qu’il est impossible de parvenir à une conclusion tranchée sur la seule base des entretiens effectués avec eux ou des visites rendues dans leurs foyers respectifs.

Il se dégage l’impression que, accablés par les tensions permanentes qui affectent leur relation et par le besoin de chacun d’eux de vivre avec l’enfant, les parents font consciemment ou inconsciemment passer leur personne et leurs besoins au premier plan et négligent le bien-être et les besoins de l’enfant.

Une mesure de surveillance de l’exercice de l’autorité parentale a précédemment été ordonnée aux fins de la protection de l’enfant pendant la durée de la procédure de divorce, du 7 novembre 2006 au 31 août 2008.

Étant donné que la communication entre les parents, déjà mauvaise, s’est encore détériorée, ce qui entraîne des tensions qui pourraient nuire au développement affectif de l’enfant, et que les parents vont à nouveau se retrouver devant les tribunaux, le centre a décidé d’imposer la même mesure en vue de protéger les droits et le bien-être de [l’enfant], et ce en surveillant la relation qu’entretiennent le père et la mère avec l’enfant et en dispensant aux parents des conseils sur la manière d’améliorer la communication entre eux et de renforcer leurs compétences parentales. »

65. Le centre d’action sociale locale recommanda que l’on procédât à une double expertise (psychiatrique et psychologique) de la première requérante et de ses parents dans le but de définir les aptitudes parentales de ces derniers, ainsi que les conséquences éventuelles de leur comportement sur le développement physique et psychique de l’enfant. Il considérait que la situation de la famille de la première requérante était complexe, mais qu’il n’y avait alors aucune raison de supposer que la vie de cette dernière était menacée. La partie pertinente de la recommandation formulée par le centre d’action sociale local était ainsi libellée :

« À l’issue de la procédure d’évaluation du contexte familial (...) il a été établi que les parents expriment des points de vue opposés concernant les mauvais traitements et la négligence envers [leur enfant]. [La mère] accuse le père de maltraiter l’enfant physiquement et psychologiquement, et lui reproche de faire obstacle aux contacts entre l’enfant et elle-même et de recourir à des méthodes éducatives inappropriées. [Le père] accuse [la mère] de négliger les intérêts de l’enfant : il lui reproche de ne pas payer la pension alimentaire, de ne pas aller rencontrer les enseignants de l’enfant à l’école et de ne pas participer aux réunions de parents, et de manipuler l’enfant (...)

Compte tenu du dossier médical dont dispose le centre, des arguments des parties, des visites effectuées dans les foyers respectifs [du père et de la mère] et des entretiens menés avec eux, nous recommandons que les parents et l’enfant soient soumis à une double expertise [psychiatrique et psychologique] qui permettra d’évaluer l’aptitude des parents à continuer de s’occuper de [leur fille], ainsi que les éventuelles conséquences de leur comportement sur le développement psychologique et physique de l’enfant.

Il est vrai que la situation de la famille est complexe. Cependant, à l’heure actuelle, rien n’indique que la vie [de l’enfant] soit menacée au sein du foyer de son père. »

66. Par des décisions rendues le 16 mai et les 6 et 16 juin 2011, le tribunal ordonna la réalisation d’une double expertise par des experts psychiatres et psychologues chargés d’apprécier a) les aptitudes parentales de la seconde requérante et du père de la première requérante, b) l’état de la première requérante, et c) l’éventualité que la première requérante ait subi des mauvais traitements et, le cas échéant, de déterminer qui en serait l’auteur.

67. Par une décision du 7 juin 2011, le tribunal refusa d’adopter la mesure provisoire sollicitée par la seconde requérante (paragraphe 60 ci-dessus). Pour rendre sa décision, le tribunal s’était appuyé sur le rapport produit par [un] ophtalmologue le 2 février 2011, sur les avis présentés par des experts psychiatres le 19 février et le 7 mai 2011, ainsi que sur les avis remis par un psychologue le 5 mars et le 22 avril 2011 (...) Il consulta également le dossier de la procédure pénale pour coups et blessures et examina le rapport, ainsi que la recommandation établis par le centre d’action sociale local le 12 mai 2011 (paragraphes 64-65 ci-dessus). Au vu des divergences entre les avis rendus par les psychiatres, de l’ordonnance pénale prise contre le père de la première requérante, qui n’est jamais devenue définitive, ainsi que de la recommandation formulée par le centre d’action sociale local, le tribunal conclut qu’à ce stade, les allégations selon lesquelles la première requérante avait subi des mauvais traitements de la part de son père ne présentaient pas une plausibilité suffisante pour justifier que la garde de l’enfant fût immédiatement retirée à titre provisoire à son père. En particulier, le tribunal déclara :

« (...) il n’est pas démontré de manière suffisamment plausible que pareille mesure soit nécessaire en vue d’empêcher des violences ou la concrétisation d’un risque de préjudice irréparable, étant donné que nul ne peut dire pour le moment si [l’enfant] a subi des mauvais traitements de la part de son père ou si [elle] a été manipulée par sa mère, et que ces points restent sujets à controverse (...) »

68. Le 2 mars 2012, le tribunal du comté de Zadar (Županijski sud u Zadru) rejeta un recours formé par la seconde requérante et confirma la décision rendue en première instance.

69. Le 29 décembre 2011, les experts médicolégaux avaient remis leur avis (paragraphe 66 ci-dessus) au tribunal municipal de Zadar. Dans cet avis, les experts constataient que la seconde requérante comme le père de la première requérante présentaient des aptitudes parentales limitées et souffraient de troubles de la personnalité (tous deux étaient émotionnellement instables et le père de la première requérante était également narcissique). Les experts concluaient par ailleurs que la première requérante était psychologiquement traumatisée par la séparation de ses parents, par le différend qui les opposait, ainsi que par le manque de communication entre eux. Ils précisaient qu’au lieu de l’en tenir à l’écart, ses parents l’avait placée au cœur de ce différend, la manipulant parfois jusqu’à atteindre le stade de la maltraitance psychologique. Les experts recommandaient donc de soumettre la première requérante et ses parents à une thérapie appropriée. Ils constataient également que la première requérante nourrissait des sentiments ambivalents envers son père et idéalisait sa mère, qu’elle considérait comme une « amie », et exprimait le souhait de vivre avec elle. Les experts estimaient qu’il était possible de satisfaire ce désir de proximité avec sa mère par des contacts (plus) fréquents entre la première requérante et la seconde. Ils ajoutaient que si, après avoir reçu la thérapie recommandée pendant un an, la première requérante souhaitait toujours vivre avec sa mère, une nouvelle expertise double serait demandée.

70. Les experts ne répondaient pas à la question posée par le tribunal, qui souhaitait savoir si la première requérante avait été exposée à des mauvais traitements et, le cas échéant, de la part de qui (paragraphe 66 ci-dessus). Ils concluaient a) que la première requérante devait néanmoins continuer de vivre chez son père à ce stade, tout en entretenant des contacts fréquents avec sa mère, b) qu’elle et ses deux parents devaient suivre un traitement et bénéficier d’un accompagnement psychologique, c) que la surveillance de l’exercice de l’autorité parentale (mesure de protection de l’enfant imposée par le centre d’action sociale local (...)) devait être maintenue, et d) que la première requérante et ses parents devaient faire l’objet d’une nouvelle expertise au bout de un an. En particulier, les experts énonçaient les conclusions suivantes :

« Nous ne décelons [aucun] élément qui s’opposerait à ce que [l’enfant] vive avec son père. [Nous estimons] que pour le moment il n’est ni nécessaire ni souhaitable que l’enfant change de lieu de résidence, c’est-à-dire que nous recommandons que [l’enfant] continue de vivre chez son père. »

71. À la suite d’une demande formulée par la seconde requérante, par une décision du 27 juillet 2012, le tribunal municipal de Zadar désigna G.Š., avocat à Zadar, comme représentant spécial de la première requérante chargé de défendre les intérêts de celle-ci dans le cadre de la procédure, conformément à l’article 9, paragraphe 1, de la Convention européenne sur l’exercice des droits des enfants (paragraphe 98 ci-dessous).

72. Statuant sur un recours formé par le père de la première requérante, le tribunal du comté de Zadar décida le 26 octobre 2012 d’annuler cette décision et de renvoyer l’affaire pour nouvel examen. Il estimait que la juridiction de première instance n’avait pas établi si les intérêts de la première requérante entraient effectivement en conflit avec ceux de (l’un de) ses parents, ce qui constituait une condition préalable nécessaire à la désignation d’un représentant spécial.

73. Par une décision du 13 novembre 2012, le centre d’action sociale local désigna la même personne en qualité de tuteur ad litem de la première requérante en vertu de l’article 167 de la loi sur la famille (...)

74. Le tribunal municipal de Zadar tint de nouvelles audiences relatives à l’affaire le 6 septembre et le 11 décembre 2012 et le 8 mars 2013.

75. Lors de cette dernière audience, le tribunal entendit les auteurs de la double expertise du 29 décembre 2011. Lesdits experts déclarèrent, entre autres a) que les résultats de leur expertise étaient caducs, parce que un an et deux mois s’étaient écoulés depuis la rédaction de leur rapport, b) qu’ils n’avaient pas répondu à la question du tribunal, qui souhaitait savoir si la première requérante avait été exposée à des mauvais traitements, parce que c’était aux autorités judiciaires et non à eux-mêmes qu’il appartenait de procéder à cette appréciation, et c) qu’il serait inutile de déterminer avec lequel de ses deux parents la première requérante devrait vivre si ses parents se comportaient mieux tous les deux.

76. La seconde requérante demanda la modification des modalités de garde et de visite décidées par le jugement du 24 août 2007. Par une décision du 30 avril 2013, le tribunal municipal de Zadar la débouta. La seconde requérante et le tuteur ad litem de la première requérante firent appel de cette décision.

77. Le 15 novembre 2013, le tribunal du comté de Zadar annula la décision rendue en première instance au motif qu’elle reposait sur un établissement des faits incomplet et il renvoya l’affaire devant la juridiction inférieure. Il ordonna au tribunal de première instance a) de rechercher si la condamnation du père de la première requérante pour l’infraction pénale de coups et blessures portés à sa fille était devenue définitive, b) de déterminer si la première requérante était capable de comprendre l’importance de la procédure, et, le cas échéant, de lui permettre d’exprimer son avis et recueillir son témoignage, c) d’apprécier la nécessité de désigner un représentant spécial pour la première requérante, et d) de solliciter un avis et une recommandation auprès du centre d’action sociale local.

78. Lors du réexamen de l’affaire, le 18 novembre 2013, le tribunal municipal de Zadar mit un terme à la procédure gracieuse et décida d’appliquer les règles de la procédure civile (ordinaire). Le tribunal expliqua en effet que, si elle était accueillie, la demande introduite par la seconde requérante afin d’obtenir la modification des modalités de garde et de visite arrêtées dans son jugement du 24 août 2007 (paragraphe 10 ci-dessus) entraînerait nécessairement l’adoption d’une nouvelle décision relativement au paiement d’une pension alimentaire par le parent non titulaire de la garde, et que cette question ne pouvait pas être tranchée dans le cadre d’une procédure gracieuse, mais devait l’être au cours d’une procédure civile ordinaire. Il ajouta que, pour autant, les actes de procédure qui avaient été accomplis jusque-là n’avaient rien perdu de leur validité ou de leur pertinence.

79. Le 27 février 2014, la seconde requérante, qui se plaignait de la durée de la procédure, engagea une action tendant à faire protéger son droit à ce que sa cause fût entendue dans un délai raisonnable.

80. Le 9 juillet 2014, le président du tribunal municipal de Zadar rejeta la demande de la seconde requérante.

81. Il apparaîtrait que la procédure est actuellement toujours pendante devant le tribunal municipal de Zadar, qui doit statuer en première instance.

(...)

III. LE DROIT INTERNATIONAL PERTINENT

A. La Convention relative aux droits de l’enfant

1. Dispositions pertinentes

94. Les dispositions pertinentes de la Convention relative aux droits de l’enfant du 2 septembre 1990, qui est entrée en vigueur à l’égard de la Croatie le 12 octobre 1992, sont les suivantes :

Article 12

« 1. Les États parties garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité.

2. À cette fin, on donnera notamment à l’enfant la possibilité d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un représentant ou d’une organisation approprié, de façon compatible avec les règles de procédure de la législation nationale. »

Article 19

« 1. Les États parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l’enfant contre toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d’abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation, y compris la violence sexuelle, pendant qu’il est sous la garde de ses parents ou de l’un d’eux, de son ou ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié.

2. Ces mesures de protection doivent comprendre, selon qu’il conviendra, des procédures efficaces pour l’établissement de programmes sociaux visant à fournir l’appui nécessaire à l’enfant et à ceux à qui il est confié, ainsi que pour d’autres formes de prévention, et aux fins d’identification, de rapport, de renvoi, d’enquête, de traitement et de suivi pour les cas de mauvais traitements de l’enfant décrits ci-dessus, et comprendre également, selon qu’il conviendra, des procédures d’intervention judiciaire. »

(...)

3. Observation générale no 12 (2009) sur le droit de l’enfant d’être entendu (article 12)

97. Dans sa partie pertinente, l’Observation générale no 12 (2009) sur le droit de l’enfant d’être entendu, qui a été adoptée par le Comité des droits de l’enfant à l’occasion de sa cinquante et unième session, du 25 mai au 12 juin 2009, est ainsi libellée :

« A. Analyse juridique

15. L’article 12 de la Convention [relative aux droits de l’enfant] consacre le droit de chaque enfant d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant et le droit de voir ces opinions dûment prises en considération, eu égard à son âge et à son degré de maturité. Il impose clairement aux États parties l’obligation de reconnaître ce droit et veiller à sa mise en œuvre en écoutant les opinions des enfants et les prenant dûment en considération. Cette obligation impose aux États parties, dans le respect de leur système judiciaire, soit de garantir directement ce droit, soit d’adopter des lois ou de réviser les lois existantes afin que les enfants puissent exercer pleinement ce droit.

(...)

1. Analyse littérale de l’article 12

a) Paragraphe 1 de l’article 12

i) « Garantissent »

19. Le paragraphe 1 de l’article 12 dispose que les États parties « garantissent » à l’enfant le droit d’exprimer librement son opinion. « Garantissent » est un terme juridique particulièrement fort, qui ne laisse aucune marge de discrétion aux États parties. Par conséquent, les États parties sont strictement tenus de prendre des mesures appropriées pour mettre pleinement en œuvre ce droit pour tous les enfants. Cette obligation comprend deux éléments qui permettent de garantir que des mécanismes sont mis en place pour solliciter l’opinion de l’enfant sur toute question le concernant et pour prendre dûment cette opinion en considération.

ii) « Capable de discernement »

20. Les États parties doivent garantir le droit d’être entendu à tout enfant « capable de discernement ». Cette expression ne doit pas être perçue comme une restriction, mais plutôt comme l’obligation pour les États parties d’évaluer la capacité de l’enfant de se forger une opinion de manière autonome dans toute la mesure possible. Cela signifie que les États parties ne peuvent pas partir du principe qu’un enfant est incapable d’exprimer sa propre opinion. Au contraire, les États parties doivent présumer qu’un enfant a la capacité de se forger une opinion propre et reconnaître qu’il a le droit de l’exprimer ; il n’appartient pas à l’enfant de faire la preuve préalable de ses capacités.

21. Le Comité souligne que l’article 12 n’impose aucune limite d’âge en ce qui concerne le droit de l’enfant d’exprimer son opinion, et décourage les États parties d’adopter, que ce soit en droit ou en pratique, des limites d’âge de nature à restreindre le droit de l’enfant d’être entendu sur toutes les questions l’intéressant. (...)

(...)

iv) « Sur toute question l’intéressant »

26. Les États parties doivent s’assurer que l’enfant est capable d’exprimer son opinion « sur toute question l’intéressant », ce qui constitue la deuxième qualification de ce droit : l’enfant doit être entendu si la question à l’examen le concerne. Cette condition de base doit être respectée et entendue au sens large.

(...)

v) « Étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité »

28. Les opinions de l’enfant doivent être « dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité ». Cette clause fait référence à la capacité de l’enfant, qui doit être évaluée pour prendre dûment en considération son opinion, ou pour expliquer à l’enfant la manière dont ses opinions ont influé sur l’issue du processus. L’article 12 dispose qu’écouter simplement l’enfant ne suffit pas ; les opinions de l’enfant doivent être sérieusement examinées lorsque l’enfant est capable de discernement.

(...)

30. Le degré de maturité fait référence à l’aptitude de l’enfant à comprendre et évaluer les implications d’une question donnée, et doit donc être pris en compte pour déterminer la capacité individuelle d’un enfant. Le degré de maturité est difficile à définir. Dans le contexte de l’article 12, c’est la capacité d’un enfant d’exprimer ses vues sur des questions d’une manière raisonnable et indépendante. Les incidences de la question sur l’enfant doivent également être prises en considération. Plus la question a des incidences importantes sur la vie de l’enfant, plus il est primordial d’évaluer précisément le degré de maturité de l’enfant.

31. Il convient également de tenir compte de la notion d’évolution des capacités de l’enfant, et de l’orientation et des conseils donnés par les parents (...)

b) Paragraphe 2 de l’article 12

i) Le droit de l’enfant « d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant »

32. Le paragraphe 2 de l’article 12 précise qu’il faut donner à l’enfant la possibilité d’être entendu, notamment « dans toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant ». Le Comité souligne que cette disposition s’applique à toutes les procédures judiciaires pertinentes concernant l’enfant, sans restriction, y compris, par exemple, celles qui concernent la séparation des parents, la garde, la prise en charge et l’adoption (...)

(...)

ii) « Soit directement, soit par l’intermédiaire d’un représentant ou d’un organisme approprié »

35. Après que l’enfant a décidé de se faire entendre, il doit décider de la façon dont il va le faire : « soit directement, soit par l’intermédiaire d’un représentant ou d’un organisme approprié ». Le Comité recommande de donner à l’enfant, chaque fois que possible, la possibilité d’être entendu directement dans toute procédure quelle qu’elle soit.

36. Le représentant de l’enfant peut être le ou les parents, un avocat, ou toute autre personne (notamment un travailleur social). Toutefois, il convient de souligner que, dans de nombreuses affaires (civiles, pénales ou administratives), il existe des risques de conflit d’intérêts entre l’enfant et son représentant le plus évident (le ou les parents). Si l’enfant est entendu par l’intermédiaire d’un représentant, il est primordial que ses opinions soient transmises correctement par ce représentant à la personne chargée de rendre la décision. La méthode choisie doit être déterminée par l’enfant (ou par l’autorité compétente si nécessaire) en fonction de sa situation particulière. Le représentant doit avoir une connaissance et une compréhension suffisantes des différents aspects du processus décisionnel et avoir l’expérience du travail avec les enfants.

37. Le représentant doit être conscient qu’il représente exclusivement les intérêts de l’enfant et non les intérêts d’autres personnes (parent(s)), d’institutions ou d’organismes (par exemple le foyer d’accueil, l’administration ou la société). Des codes de conduite devraient être élaborés à l’intention des représentants désignés pour présenter les opinions de l’enfant.

(...)

2. Mesures d’application du droit de l’enfant d’être entendu

40. L’application des deux paragraphes de l’article 12 suppose l’adoption de cinq mesures pour réaliser effectivement le droit de l’enfant d’être entendu chaque fois qu’une question le concerne ou lorsque l’enfant est invité à donner son opinion dans une procédure formelle ou dans un autre contexte. Ces mesures doivent être prises d’une manière adaptée compte tenu du contexte.

(...)

c) Évaluation de la capacité de l’enfant

44. Les opinions de l’enfant doivent être dûment prises en considération, quand l’analyse au cas par cas montre que l’enfant est capable de discernement. Si l’enfant est capable de se forger sa propre opinion de manière raisonnable et indépendante, le décideur doit considérer l’opinion de l’enfant comme un facteur important dans le règlement de la question. Il convient d’élaborer de bonnes pratiques pour l’évaluation des capacités de l’enfant.

d) Information sur le poids donné à l’opinion de l’enfant (retour d’information)

45. Étant donné que l’enfant jouit du droit de voir ses opinions dûment prises en compte, le décideur doit l’informer de l’issue du processus et lui expliquer comment son opinion a été prise en considération. Ce retour d’information garantit que l’opinion de l’enfant n’est pas simplement entendue à titre de formalité, mais qu’elle est prise au sérieux. Ce retour d’information peut conduire l’enfant à insister, à exprimer son accord ou à formuler une autre proposition ou, dans le cas d’une procédure judiciaire ou administrative, à former un recours ou à déposer une plainte.

(...)

3. Obligations des États parties

(...)

b) Obligations spécifiques concernant les procédures judiciaires et administratives

i) Le droit de l’enfant d’être entendu dans les procédures judiciaires civiles

50. Les principales questions sur lesquelles l’enfant doit être entendu sont les suivantes :

Divorce et séparation

51. En cas de séparation ou de divorce, les enfants sont, de toute évidence, concernés par les décisions des tribunaux. Les décisions relatives à la pension alimentaire de l’enfant, à la garde et au droit de visite sont prises par le juge lors d’un procès ou dans le cadre d’une médiation menée par le tribunal. Dans de nombreux États, la loi prévoit que, lors de la dissolution d’une relation, le juge doit accorder une attention primordiale à « l’intérêt supérieur de l’enfant ».

(...)

B. Le droit d’être entendu et ses liens avec les autres dispositions de la Convention

68. L’article 12, en tant que principe général, est lié aux autres principes généraux de la Convention, comme l’article 2 (droit à la non-discrimination), l’article 6 (droit à la vie, la survie et au développement) et, en particulier, entretient une relation d’interdépendance avec l’article 3 (primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant). L’article est aussi étroitement lié aux articles relatifs aux libertés et droits civils, en particulier l’article 13 (droit à la liberté d’expression) et l’article 17 (droit à l’information). En outre, l’article 12 est lié à tous les autres articles de la Convention, qui ne peuvent être pleinement mis en œuvre si l’enfant n’est pas respecté en tant que sujet avec ses propres opinions sur les droits consacrés par les différents articles et sur leur application.

(...)

1. Article 12 et article 3

70. L’article 3 vise à garantir que, dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant est une considération primordiale. Cela signifie que chaque mesure prise au nom de l’enfant doit respecter son intérêt supérieur. Le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant est similaire à un droit procédural qui oblige les États parties à intégrer à leurs processus d’action des mesures visant à garantir que l’intérêt supérieur de l’enfant est pris en considération. La Convention oblige les États parties à veiller à ce que les personnes responsables de ces mesures entendent l’enfant comme l’exige l’article 12. Cette mesure est obligatoire.

71. L’intérêt supérieur de l’enfant, établi en consultation avec l’enfant, n’est pas le seul facteur à prendre en compte dans les actions des institutions, des autorités et de l’administration. Il est, cependant, d’une importance cruciale, tout comme les opinions de l’enfant.

(...)

74. Il n’y a pas de conflit entre les articles 3 et 12 ; ils énoncent deux principes généraux qui ont un rôle complémentaire : le premier fixe pour objectif de réaliser l’intérêt supérieur de l’enfant et le deuxième définit la méthode pour atteindre l’objectif d’entendre l’enfant ou les enfants. De fait, l’article 3 ne saurait être correctement appliqué si les composantes de l’article 12 ne sont pas respectées. De même, l’article 3 renforce la fonctionnalité de l’article 12, en facilitant le rôle essentiel des enfants dans toutes les décisions intéressant leur vie.

(...)

E. Conclusion

135. La Convention impose aux États parties l’obligation claire et immédiate de s’employer à faire respecter le droit de l’enfant d’être entendu sur toute question l’intéressant, son opinion étant dûment prise en considération. Tel est le droit de chaque enfant, sans discrimination. Pour permettre véritablement l’application de l’article 12, il convient de lever les obstacles juridiques, politiques, économiques, sociaux et culturels qui empêchent les enfants de se faire entendre et de participer à toutes les décisions les intéressant. Pareille entreprise suppose d’être disposé à remettre en cause les postulats relatifs aux capacités de l’enfant et à encourager la mise en place d’un contexte dans lequel les enfants peuvent renforcer et démontrer leurs capacités. Elle suppose aussi de mobiliser des ressources et de prévoir des activités de formation.

136. Honorer ces obligations est un défi pour les États parties. Mais c’est un défi qui peut être relevé, en appliquant systématiquement les stratégies exposées dans la présente Observation générale et en instaurant une culture du respect des enfants et de leurs opinions. »

B. La Convention européenne sur l’exercice des droits des enfants

1. Dispositions pertinentes

98. Les dispositions pertinentes de la Convention européenne sur l’exercice des droits des enfants du 25 janvier 1996, qui est entrée en vigueur à l’égard de la Croatie le 1er août 2010, sont les suivantes :

« Chapitre I – Champ d’application et objet de la Convention, et définitions

Article 1 – Champ d’application et objet de la Convention

1. La présente Convention s’applique aux enfants qui n’ont pas atteint l’âge de 18 ans.

2. L’objet de la présente Convention vise à promouvoir, dans l’intérêt supérieur des enfants, leurs droits, à leur accorder des droits procéduraux et à en faciliter l’exercice en veillant à ce qu’ils puissent, eux-mêmes, ou par l’intermédiaire d’autres personnes ou organes, être informés et autorisés à participer aux procédures les intéressant devant une autorité judiciaire.

3. Aux fins de la présente Convention, les procédures intéressant les enfants devant une autorité judiciaire sont des procédures familiales, en particulier celles relatives à l’exercice des responsabilités parentales, s’agissant notamment de la résidence et du droit de visite à l’égard des enfants.

4. Tout État doit, au moment de la signature ou au moment du dépôt de son instrument de ratification, d’acceptation, d’approbation ou d’adhésion, désigner, par déclaration adressée au Secrétaire général du Conseil de l’Europe, au moins trois catégories de litiges familiaux devant une autorité judiciaire auxquelles la présente Convention a vocation à s’appliquer.

5. Toute Partie peut, par déclaration additionnelle, compléter la liste des catégories de litiges familiaux auxquelles la présente Convention a vocation à s’appliquer ou fournir toute information relative à l’application des articles 5, 9, paragraphe 2, 10, paragraphe 2, et 11.

6. La présente Convention n’empêche pas les Parties d’appliquer des règles plus favorables à la promotion et à l’exercice des droits des enfants.

(...)

Chapitre II – Mesures d’ordre procédural pour promouvoir l’exercice des droits des enfants

A. Droits procéduraux d’un enfant

Article 3 – Droit d’être informé et d’exprimer son opinion dans les procédures

Un enfant qui est considéré par le droit interne comme ayant un discernement suffisant, dans les procédures l’intéressant devant une autorité judiciaire, se voit conférer les droits suivants, dont il peut lui-même demander à bénéficier :

a) recevoir toute information pertinente ;

b) être consulté et exprimer son opinion ;

c) être informé des conséquences éventuelles de la mise en pratique de son opinion et des conséquences éventuelles de toute décision.

(...)

B. Rôle des autorités judiciaires

Article 6 – Processus décisionnel

Dans les procédures intéressant un enfant, l’autorité judiciaire, avant de prendre toute décision, doit :

a) examiner si elle dispose d’informations suffisantes afin de prendre une décision dans l’intérêt supérieur de celui-là et, le cas échéant, obtenir des informations supplémentaires, en particulier de la part des détenteurs de responsabilités parentales ;

b) lorsque l’enfant est considéré par le droit interne comme ayant un discernement suffisant :

– s’assurer que l’enfant a reçu toute information pertinente ;

– consulter dans les cas appropriés l’enfant personnellement, si nécessaire en privé, elle-même ou par l’intermédiaire d’autres personnes ou organes, sous une forme appropriée à son discernement, à moins que ce ne soit manifestement contraire aux intérêts supérieurs de l’enfant ;

– permettre à l’enfant d’exprimer son opinion ;

c) tenir dûment compte de l’opinion exprimée par celui-ci.

(...)

Article 9 – Désignation d’un représentant

1. Dans les procédures intéressant un enfant, lorsqu’en vertu du droit interne les détenteurs des responsabilités parentales se voient privés de la faculté de représenter l’enfant à la suite d’un conflit d’intérêts avec lui, l’autorité judiciaire a le pouvoir de désigner un représentant spécial pour celui-là dans de telles procédures.

2. Les Parties examinent la possibilité de prévoir que, dans les procédures intéressant un enfant, l’autorité judiciaire ait le pouvoir de désigner un représentant distinct, dans les cas appropriés, un avocat, pour représenter l’enfant.

C. Rôle des représentants

Article 10

1. Dans le cas des procédures intéressant un enfant devant une autorité judiciaire, le représentant doit, à moins que ce ne soit manifestement contraire aux intérêts supérieurs de l’enfant :

a) fournir toute information pertinente à l’enfant, si ce dernier est considéré par le droit interne comme ayant un discernement suffisant ;

b) fournir des explications à l’enfant, si ce dernier est considéré par le droit interne comme ayant un discernement suffisant, relatives aux conséquences éventuelles de la mise en pratique de son opinion et aux conséquences éventuelles de toute action du représentant ;

c) déterminer l’opinion de l’enfant et la porter à la connaissance de l’autorité judiciaire.

2. Les Parties examinent la possibilité d’étendre les dispositions du paragraphe 1 aux détenteurs des responsabilités parentales. »

2. Déclaration de la Croatie relative à l’article 1 § 4 de la Convention européenne sur l’exercice des droits des enfants

99. Le 6 avril 2010, lorsqu’il a déposé auprès du Secrétaire général du Conseil de l’Europe l’instrument de ratification de cette Convention, le ministre croate des Affaires étrangères a fait les déclarations suivantes (contenues dans l’instrument de ratification) :

« Conformément à l’article 1, paragraphe 4, de la Convention, la République de Croatie désigne les catégories de litiges familiaux suivantes auxquelles la Convention a vocation à s’appliquer devant ses autorités judiciaires :

– procédures relatives à la détermination de la personne chargée de la garde de l’enfant lors du divorce des parents ;

– procédures relatives aux modalités d’exercice de l’autorité parentale ;

– mesures pour la protection des droits personnels et intérêts d’un enfant ;

– procédure d’adoption, et

– procédure relative à la tutelle des mineurs. »

(...)

D. Lignes directrices du Conseil de l’Europe sur une justice adaptée aux enfants

102. Les Lignes directrices sur une justice adaptée aux enfants, qui ont été adoptées par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe le 17 novembre 2010 lors de la 1098e réunion des Délégués des Ministres, se lisent ainsi en leur partie pertinente :

« III. Principes fondamentaux

1. Les lignes directrices s’appuient sur les principes existants consacrés par les instruments cités dans le préambule ainsi que par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

2. Ces principes sont développés de manière plus approfondie dans les parties ci-après et s’appliquent à tous les chapitres des présentes lignes directrices.

A. Participation

1. Le droit de chaque enfant d’être informé de ses droits, d’avoir un accès approprié à la justice, d’être consulté et entendu dans les procédures le concernant directement ou indirectement devrait être respecté. Cela inclut la prise en considération de l’avis de l’enfant, compte tenu de sa maturité et de ses éventuelles difficultés de communication, de sorte que sa participation ait un sens.

2. Les enfants devraient être considérés et traités en tant que titulaires à part entière de leurs droits et devraient être habilités à les exercer tous d’une manière qui reconnaisse leur discernement et selon les circonstances de l’espèce.

(...)

IV. Une justice adaptée aux enfants avant, pendant et après la procédure judiciaire

(...)

3. Droit d’être entendu et d’exprimer son point de vue

44. Les juges devraient respecter le droit des enfants d’être entendus dans toutes les affaires les concernant, ou à tout le moins de l’être dès lors qu’ils sont censés être capables de discernement pour ce qui est des affaires en question. Les moyens utilisés à cette fin devraient être adaptés au niveau de compréhension de l’enfant et à sa capacité à communiquer, et prendre en considération les circonstances particulières de l’espèce. Les enfants devraient être consultés sur la manière dont ils souhaitent être entendus.

45. Une place importante devrait être accordée aux points de vue et avis de l’enfant en fonction de son âge et de sa maturité.

46. Le droit d’être entendu est un droit de l’enfant, non un devoir.

47. Un enfant ne devrait pas être empêché d’être entendu du seul fait de son âge. Si un enfant prend l’initiative de se faire entendre dans une affaire le concernant directement, le juge ne devrait pas, sauf dans l’intérêt supérieur de l’enfant, refuser de l’écouter et devrait entendre ses points de vue et avis sur les questions le concernant dans l’affaire.

48. Les enfants devraient recevoir toute information nécessaire portant sur la manière d’exercer effectivement le droit d’être entendu. Toutefois, il devrait leur être expliqué que leur droit d’être entendu et de voir leur point de vue pris en considération ne détermine pas nécessairement la décision finale.

49. Les arrêts et décisions judiciaires concernant des enfants devraient être dûment motivés et leur être expliqués dans un langage compréhensible pour les enfants, en particulier les décisions pour lesquelles leurs points de vue et avis n’ont pas été suivis. »

(...)

EN DROIT

(...)

II. AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION

167. La Cour rappelle que, maîtresse de la qualification juridique des faits de la cause, elle ne se considère pas comme liée par celle que leur attribuent les requérants ou les gouvernements. En vertu du principe jura novit curia, elle a par exemple examiné d’office plus d’un grief sous l’angle d’un article ou d’un paragraphe que n’avaient pas invoqué les parties, et même d’une clause au regard de laquelle elle l’avait déclaré irrecevable tout en le retenant sur le terrain d’une autre. Un grief se caractérise par les faits qu’il dénonce et non par les simples moyens ou arguments de droit invoqués (voir, par exemple, Şerife Yiğit c. Turquie [GC], no 3976/05, § 52, 2 novembre 2010).

168. La Cour rappelle que, pendant la procédure d’attribution de la garde, divers thérapeutes et experts médicolégaux ont établi que la première requérante était une enfant traumatisée (paragraphes (...) 69 (...) ci-dessus). Elle note en outre que dans les déclarations qu’elle a faites à la police, devant divers experts cliniciens et devant les experts médicolégaux qui l’ont examinée dans le cadre de la procédure d’attribution de la garde, la première requérante a dit à plusieurs reprises qu’elle souhaitait vivre avec sa mère, c’est-à-dire la seconde requérante (paragraphes (...) et 69 ci-dessus). La Cour observe également que, dans sa dissertation scolaire du 27 octobre 2014, la première requérante a écrit qu’elle avait commencé à s’automutiler, et qu’elle a ultérieurement expliqué à un psychologue clinicien qu’elle avait fait ce geste, entre autres, parce qu’elle était « dans l’impossibilité de gérer elle-même son emploi du temps et parce qu’on lui refusait le droit de vivre avec sa mère, ce qui l’aurait rendue heureuse » et « parce qu’elle ne pouvait pas choisir avec qui vivre » (...) Selon le rapport établi par ce psychologue, la première requérante a commencé à s’automutiler sous l’effet de la frustration résultant de ces freins à sa liberté d’action (...)

169. À cet égard, la Cour rappelle que pour un parent et son enfant, être ensemble représente un élément fondamental de la « vie familiale » au sens de l’article 8 de la Convention (voir, entre autres, Olsson c. Suède (no 1), 24 mars 1988, § 59, série A no 130, et Gluhaković c. Croatie, no 21188/09, § 54, 12 avril 2011), et que la notion de « vie privée » au sens de cet article recouvre, entre autres, le droit à l’autonomie personnelle (voir, par exemple, Pretty c. Royaume-Uni, no 2346/02, § 61, CEDH 2002‑III) et à l’intégrité physique et morale de la personne (voir, par exemple, X et Y c. Pays-Bas, 26 mars 1985, § 22, série A no 91).

170. En particulier, dans l’affaire Fernández Martínez c. Espagne ([GC], no 56030/07, § 126, CEDH 2014), concernant le droit à la vie privée et familiale, la Cour a souligné l’importance pour les individus de pouvoir décider librement de la façon de conduire leur vie privée et familiale et rappelé que l’article 8 de la Convention protégeait aussi le droit à l’épanouissement personnel, que ce soit sous la forme du développement personnel ou du point de vue du droit de nouer et de développer des relations avec ses semblables et le monde extérieur, la notion d’autonomie personnelle reflétant un principe important qui sous-tend l’interprétation des garanties énoncées dans cette disposition.

171. Ce droit à l’autonomie personnelle, qui recouvre dans le cas des adultes le droit de choisir comment conduire sa vie, à condition de ne pas porter une atteinte injustifiable aux droits et libertés d’autrui, a une portée différente dans le cas des enfants. Ceux-ci, contrairement aux adultes, ne disposent pas d’une autonomie complète, mais ils sont néanmoins des sujets de droits (voir le préambule du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications [du 19 décembre 2011 entré en vigueur le 14 avril 2014] (...)). Les enfants exercent leur autonomie limitée, qui augmente progressivement à mesure qu’ils gagnent en maturité, par le biais de leur droit à être consultés et entendus. Comme le précise l’article 12 de la Convention relative aux droits de l’enfant (paragraphe 94 ci-dessus), un enfant qui est capable de discernement a le droit d’exprimer librement ses opinions et le droit de voir ces opinions dûment prises en considération, eu égard à son âge et à son degré de maturité et, en particulier, il doit se voir offrir la possibilité d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant.

172. À la lumière de ce qui précède, et considérant avant toute chose l’intérêt supérieur de l’enfant, la Cour estime que les griefs formulés par les requérantes selon lesquels les autorités n’ont pas pris en compte le souhait de la première requérante de vivre chez sa mère et n’ont pas encore entendu la première requérante dans le cadre de la procédure d’attribution de la garde, laquelle dure selon les requérantes depuis trop longtemps (...), soulèvent concernant le droit au respect de la vie privée et familiale des questions distinctes de celles qui ont été analysées dans le contexte des articles 3 et 8 de la Convention (...), ce qui appelle de sa part un examen distinct sous l’angle de cette dernière disposition.

A. Sur la recevabilité

173. La Cour rappelle que le Gouvernement soutient que la formulation par les requérantes de certains griefs sur le terrain de l’article 3 et/ou de l’article 8 de la Convention, à savoir ceux concernant le manquement allégué à l’obligation positive de prévenir d’autres actes de violence contre la première requérante, est prématurée, car la procédure d’attribution de la garde est toujours pendante (...) Dans le contexte de cette partie de la requête, pareil argument constitue une exception d’irrecevabilité et doit donc être examiné en tant que tel (...)

174. À cet égard, la Cour rappelle que ladite procédure d’attribution de la garde est à ce jour pendante depuis plus de quatre ans et trois mois, et elle note qu’après trois ans et demi la première requérante a commencé à s’automutiler, comportement que celle-ci a elle-même décrit comme une réaction à la frustration qu’elle éprouvait parce qu’elle n’était pas autorisée à vivre avec sa mère, la seconde requérante (...) La Cour rappelle de plus que la promptitude de la procédure interne constitue un critère à prendre en compte pour déterminer si un recours peut être jugé effectif, et donc nécessaire au sens de l’article 35 § 1 de la Convention. De fait, la durée excessive de la procédure interne peut s’analyser en une circonstance particulière de nature à dispenser les requérants de l’obligation d’épuisement des voies de recours internes à leur disposition (Šorgić c. Serbie, no 34973/06, § 55, 3 novembre 2011). Cela est d’autant plus vrai dans les cas semblables au cas d’espèce, dans lequel est en cause une situation continue (très) préjudiciable à la vie privée de la première requérante (voir, mutatis mutandis, X. c. Allemagne, no 6699/74, décision de la Commission du 15 décembre 1977, Décisions et rapports 11, pp. 16, 24). Compte tenu des circonstances particulières susmentionnées, la Cour considère qu’on ne saurait en l’espèce imposer aux requérantes d’attendre plus longtemps l’aboutissement de la procédure d’attribution de la garde.

B. Sur le fond

(...)

2. Appréciation de la Cour

a) La première requérante

176. Si l’article 8 tend pour l’essentiel à prémunir l’individu contre des ingérences arbitraires des pouvoirs publics, il peut de surcroît engendrer des obligations positives inhérentes à un « respect » effectif de la vie privée et familiale, et ces obligations peuvent impliquer l’adoption de mesures dans la sphère des relations des individus entre eux. Les enfants et autres personnes vulnérables, en particulier, doivent bénéficier d’une protection effective (voir, par exemple, Bevacqua et S. [c. Bulgarie, no 71127/01], § 64[, 12 juin 2008]).

177. Concernant le droit au respect de la vie privée, ces obligations peuvent impliquer l’adoption de mesures conçues pour garantir le respect de ce droit, y compris tant la création d’un cadre réglementaire instaurant un mécanisme judiciaire et exécutoire destiné à protéger les droits des individus que la mise en œuvre, là où il convient, de mesures spécifiques (voir, par exemple, P. et S. c. Pologne, no 57375/08, § 95, 30 octobre 2012).

178. Pour ce qui est du droit au respect de la vie familiale, il s’agit notamment de l’obligation faite aux autorités nationales de prendre des mesures dans le but de réunir parents et enfants et de faciliter pareille réunion. Cette obligation vaut également dans les cas de conflit entre les parents et/ou d’autres membres de la famille au sujet du droit de visite et de garde des enfants (voir, par exemple, Gluhaković, précité, § 56).

179. La Cour rappelle que la conduite ineffective d’une procédure d’attribution du droit de garde, et en particulier si la durée en est excessive, peut s’analyser en un manquement aux obligations positives découlant de l’article 8 de la Convention (Eberhard et M. c. Slovénie, nos 8673/05 et 9733/05, § 127, 1er décembre 2009, et S.I. c. Slovénie, no 45082/05, § 69, 13 octobre 2011).

180. La Cour réaffirme en outre que, si l’article 8 ne renferme aucune condition explicite de procédure, le processus décisionnel doit être équitable et propre à respecter comme il se doit les intérêts protégés par cette disposition (voir, par exemple, W. c. Royaume-Uni, 8 juillet 1987, §§ 62 et 64, série A no 121, et T.P. et K.M. c. Royaume-Uni [GC], no 28945/95, § 72, CEDH 2001‑V). En particulier, dans un certain nombre d’affaires de garde d’enfants, la Cour, cherchant à établir si les droits des parents découlant de l’article 8 avaient été méconnus, a examiné la question de savoir si ceux-ci avaient été suffisamment associés au processus décisionnel (voir, par exemple, W. c. Royaume-Uni, précité, §§ 62-68 et 70, Sommerfeld c. Allemagne [GC], no 31871/96, §§ 66-75, CEDH 2003‑VIII, et Sahin c. Allemagne [GC], no 30943/96, §§ 68-78, CEDH 2003‑VIII).

181. À la lumière de l’article 12 de la Convention relative aux droits de l’enfant (voir les paragraphes 94 et 97 ci-dessus, et en particulier l’Observation générale no 12 (2009) sur le droit de l’enfant d’être entendu, § 32), la Cour estime que les mêmes principes s’appliquent mutatis mutandis à toute procédure judiciaire ou administrative ayant une incidence sur les droits des enfants découlant de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. En particulier, en pareil cas, on ne saurait dire que des enfants capables de discernement ont été suffisamment associés au processus décisionnel lorsqu’il ne leur a pas été donné la possibilité d’être entendus et d’exprimer leur opinion.

182. Pour en venir au cas d’espèce, la Cour note que la procédure d’attribution de la garde est à ce jour pendante depuis plus de quatre ans et trois mois. À la lumière de sa jurisprudence (Eberhard et M., précité, §§ 138-142, et Kopf et Liberda c. Autriche, no 1598/06, §§ 46-49, 17 janvier 2012), la Cour estime que ce fait à lui seul suffirait pour conclure que l’État défendeur a failli à ses obligations positives découlant de l’article 8 de la Convention, et ce même si les circonstances de la présente espèce n’avaient pas nécessité une diligence supérieure à celle qui est normalement requise dans les affaires de garde d’enfants.

183. Or la présente affaire appelle effectivement une plus grande diligence, car elle concerne une enfant traumatisée qui, ne serait-ce qu’en raison de la relation conflictuelle existant entre ses parents, a connu une grande souffrance psychique l’ayant conduite à s’automutiler. Cependant, il apparaîtrait que les juridictions nationales n’aient pas perçu la gravité et l’urgence de la situation. Il apparaît en particulier qu’elles n’ont pas compris que la première requérante concevait la vie avec sa mère comme une façon d’échapper à la précarité de sa situation, et considérait la procédure d’attribution de la garde comme un moyen de parvenir à cet objectif. Les juridictions nationales ne se sont donc pas rendu compte que la prolongation de cette procédure ne faisait qu’aggraver les souffrances de la première requérante.

184. La Cour est particulièrement frappée de constater qu’après quatre ans et trois mois la première requérante n’a toujours pas été entendue dans cette procédure et n’a donc pas eu la possibilité d’indiquer avec quel parent elle souhaitait vivre. La Cour note que, dans sa décision du 15 novembre 2013, le tribunal de comté avait ordonné au tribunal municipal de déterminer si la première requérante était capable de comprendre l’importance de la procédure et, le cas échéant, de lui permettre d’exprimer son avis et recueillir son témoignage (paragraphe 77 ci-dessus), alors même que rien ne permettait de mettre en cause la présomption selon laquelle la première requérante, qui était alors âgée de douze ans, était capable de discernement et apte à exprimer librement ses opinions (voir l’Observation générale no 12 (2009), § 20, reprise au paragraphe 97 ci-dessus). En tout état de cause, plus de un an et sept mois ont passé sans qu’aucune mesure n’ait été prise ne serait-ce qu’en vue de l’observation de ladite instruction. Et il est encore plus surprenant qu’aucune démarche n’ait été entreprise pour accélérer la procédure, même après que la première requérante a commencé à s’automutiler.

185. De plus, la Cour note que selon la jurisprudence des tribunaux croates, dans les situations dans lesquelles les deux parents sont aussi aptes l’un que l’autre à s’occuper de l’enfant et où l’enfant est, compte tenu de son âge et de sa maturité, capable de discernement et apte à exprimer ses opinions, il y a lieu de respecter le souhait de l’enfant s’agissant du parent avec lequel il entend vivre (...) La Cour ne peut que souscrire à ce principe, estimant qu’un point de vue contraire viderait de son sens la règle voulant que les opinions de l’enfant soient dûment prises en considération.

186. La Cour observe qu’en l’espèce les experts psychologues et psychiatres ont conclu que les parents de la première requérante étaient tout aussi (in)aptes l’un que l’autre à s’occuper d’elle (paragraphe 69 ci-dessus), opinion que partage visiblement le centre d’action sociale local (...) Ces experts ont également établi que la première requérante souhaitait vivement vivre avec sa mère (paragraphe 69 ci-dessus). La Cour observe par ailleurs que les deux parents résident dans la même ville, si bien qu’une modification des modalités de garde ne contraindrait pas la première requérante à changer d’établissement scolaire ou à quitter son environnement social habituel. De plus, la première requérante, qui est une excellente élève et dont les capacités intellectuelles ont été jugées bonnes, voire supérieures à la moyenne, par les experts (...), avait neuf ans et demi au début de la procédure et est aujourd’hui âgée de treize ans et demi. Compte tenu de son âge et de sa maturité, il est donc difficile d’arguer qu’elle n’est ni capable de discernement ni apte à exprimer librement ses opinions. La Cour estime donc que, dans les circonstances particulières de l’espèce, la méconnaissance du souhait exprimé par la première requérante de vivre avec sa mère s’analyse en une atteinte au droit de l’intéressée au respect de sa vie privée et familiale.

187. Eu égard à l’ensemble des considérations exposées ci-dessus, la Cour conclut en l’espèce à la violation dans le chef de la première requérante du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l’article 8 de la Convention.

b) La seconde requérante

188. La Cour estime que ses conclusions relatives à la durée importante de la procédure d’attribution de la garde (paragraphe 182 ci-dessus) valent pareillement pour la seconde requérante.

189. Elle conclut par conséquent qu’il y a eu en l’espèce violation dans le chef de la seconde requérante du droit au respect de la vie familiale garanti par l’article 8 de la Convention.

(...)

PAR CES MOTIFS, LA COUR

1. Déclare, à l’unanimité, la requête recevable quant aux griefs formulés sur le terrain de l’interdiction des mauvais traitements et du droit au respect de la vie privée et familiale, et irrecevable pour le surplus ;

(...)

5. Dit, à l’unanimité, qu’il y a eu violation du droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l’article 8 de la Convention dans le chef de la première requérante à raison de la durée importante de la procédure d’attribution de la garde et du fait que l’intéressée a été tenue à l’écart du processus décisionnel ;

(...)

Fait en anglais, puis communiqué par écrit le 3 septembre 2015, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Søren NielsenIsabelle Berro
GreffierPrésidente

Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l’exposé de l’opinion séparée des juges Berro et Møse.

I.B.
S.N.

(...)


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