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09/07/2015 | CEDH | N°001-155825

CEDH | CEDH, AFFAIRE MARTZAKLIS ET AUTRES c. GRÈCE, 2015, 001-155825


PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE MARTZAKLIS ET AUTRES c. GRÈCE

(Requête no 20378/13)

ARRÊT

STRASBOURG

9 juillet 2015

DÉFINITIF

09/10/2015

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Martzaklis et autres c. Grèce,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Isabelle Berro, présidente,
Khanlar Hajiyev,
Mirjana Lazarova Trajkovska,
Julia Laffr

anque,
Paulo Pinto de Albuquerque,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Erik Møse, juges,
et de Søren Nielsen, greffier de section,

Après en avoir déli...

PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE MARTZAKLIS ET AUTRES c. GRÈCE

(Requête no 20378/13)

ARRÊT

STRASBOURG

9 juillet 2015

DÉFINITIF

09/10/2015

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Martzaklis et autres c. Grèce,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Isabelle Berro, présidente,
Khanlar Hajiyev,
Mirjana Lazarova Trajkovska,
Julia Laffranque,
Paulo Pinto de Albuquerque,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Erik Møse, juges,
et de Søren Nielsen, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 16 juin 2015,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 20378/13) dirigée contre la République hellénique et dont treize ressortissants de cet État (dont les noms figurent en annexe) (« les requérants »), ont saisi la Cour le 19 mars 2013 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Les requérants ont été représentés par Mes E.-L. Koutra et R. Milkonova, avocates à Athènes. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par le délégué de son agent, M. K. Georghiadis, conseiller au Conseil juridique de l’Etat.

3. Les requérants allèguent en particulier une violation de l’article 3, pris isolément ou combiné avec les articles 13 et 14 de la Convention.

4. Le 8 avril 2014, les griefs concernant les articles 3, 13 et 14 ont été communiqués au Gouvernement et la requête a été déclarée irrecevable pour le surplus.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. Les requérants sont séropositifs avec un taux d’invalidité minimum de 67 %. Ils ont été ou sont encore détenus à l’hôpital Aghios Pavlos (section psychiatrique) de la prison de Korydallos.

A. La situation carcérale des requérants

6. Andreas Martzaklis : incarcéré le 7 mai 2011 et détenu en vertu d’un jugement du tribunal correctionnel d’Athènes, d’une décision de la chambre d’accusation du tribunal correctionnel de Khalkida de 2010 ordonnant l’exécution d’une peine infligée par la cour d’appel criminelle d’Athènes qui avait été suspendue, et d’un arrêt de la cour d’appel d’Athènes le condamnant à une peine d’emprisonnement de 4 ans. Détenu en tant que condamné à la date de la saisine de la Cour. Mis en liberté sous condition le 8 mai 2013 mais arrêté de nouveau le même jour et placé en détention provisoire.

7. Christos Sarris : détenu provisoirement du 5 décembre 2011 au 14 décembre 2012, puis détenu en vertu d’un arrêt du 14 décembre 2012 le condamnant à une peine de réclusion de 6 ans, puis en vertu d’un deuxième arrêt du 19 mars 2014, le condamnant à une peine de réclusion de 6 ans et 4 mois. Détenu en tant que condamné à la date de la saisine de la Cour. Mis en liberté sous condition le 9 mai 2014 en application de l’article 19 de la loi no 4242/2014.

8. Christos Efstathiou : incarcéré le 14 février 2011. Détenu en vertu d’une décision de la chambre d’accusation de Khalkida, du 22 décembre 2008, ordonnant l’exécution du restant d’une peine ayant eu un effet suspensif, et en vertu d’un jugement du tribunal correctionnel d’Athènes qui a prononcé une confusion des peines pour une durée de 25 mois. Détenu en tant que condamné à la date de la saisine de la Cour. Mis en liberté sous condition le 26 juin 2014 en application de l’article 105 du code pénal.

9. Efthymios Karatzoglou : incarcéré le 18 juillet 2011. Détenu en vertu d’un arrêt de la cour d’appel criminelle du Pirée du 12 avril 2013, le condamnant à une peine de 2 ans et 8 mois d’emprisonnement. Détenu en tant que condamné à la date de la saisine de la Cour. Mis en liberté sous condition le 15 mai 2013 en application de l’article 1 de la loi no 4043/2012.

10. Achilleas Papadiotis : incarcéré le 17 février 2011. Détenu en vertu d’un arrêt de la cour d’appel criminelle d’Athènes du 10 juin 2013, le condamnant à une peine de réclusion de 10 ans et 4 mois (date du début d’exécution de la peine : 8 décembre 2012). Détenu en tant que condamné à la date de la saisine de la Cour. Transféré à la prison de Patras le 6 octobre 2014.

11. Dimitrios Nikolopoulos: incarcéré le 20 août 2012 et détenu en vertu d’un arrêt de la cour d’appel criminelle d’Athènes du 9 février 2012, le condamnant à une peine de réclusion de 10 ans et d’un arrêt du tribunal correctionnel d’Athènes du 1er décembre 2010, le condamnant à une peine de 3 mois d’emprisonnement. Détenu en tant que condamné à la date de la saisine de la Cour. Placé à l’hôpital Aghios Pavlos.

12. Spyridon Petrenitis : détenu depuis le 18 avril 2012 en vertu d’un arrêt de la cour d’appel de Larissa du 1er avril 2013 le condamnant à une peine de 2 ans d’emprisonnement. Détenu en tant que condamné à la date de la saisine de la Cour. Mis en liberté sous condition le 23 mai 2013 en application de l’article 1 de la loi no 4043/2012.

13. Chrysafis Chatzikos : incarcéré le 13 juillet 2012 et détenu depuis en vertu des décisions suivantes : l’arrêt du tribunal correctionnel d’Athènes du 17 mars 2010, le condamnant à une peine de 10 mois d’emprisonnement ; l’arrêt du tribunal correctionnel d’Athènes du 23 février 2012, le condamnant à une peine de 7 mois d’emprisonnement ; l’arrêt du tribunal correctionnel d’Athènes du 24 février 2012, le condamnant à une peine de 10 mois d’emprisonnement ; la décision de la chambre d’accusation du tribunal correctionnel de Chios du 8 juin 2012 ordonnant l’exécution du restant d’une peine ayant eu un effet suspensif et qui avait été imposée par le tribunal correctionnel d’Athènes le 31 août 2011 ; l’arrêt de la cour d’appel criminelle d’Athènes du 5 avril 2013, le condamnant à une peine de réclusion de 18 ans (détenu provisoirement du 16 août 2012 au 5 avril 2013).

14. Christos Dorizas : incarcéré le 21 septembre 2012 et détenu en vertu d’un arrêt de la cour d’appel criminelle du Pirée du 11 novembre 2011, le condamnant à une peine de réclusion de 10 ans, puis d’un arrêt de la même cour, du 14 décembre 2012, le condamnant à une peine de 15 mois d’emprisonnement. Détenu en tant que condamné à la date de la saisine de la Cour et sans interruption depuis lors.

15. Panagiotis Kormalis : incarcéré le 25 juillet 2012 et détenu en vertu d’un arrêt de la cour d’appel criminelle de Crète du 10 juin 2013, le condamnant à une peine de réclusion de 5 ans et 3 mois. Détenu en tant que condamné à la date de la saisine de la Cour. Mis en liberté sous condition le 17 mars 2014 en application de l’article 19 de la loi no 4242/2014. Sa levée d’écrou précisait qu’il avait développé le VIH.

16. Aimilianos Chamitoglou : incarcéré le 5 avril 2012 et détenu en vertu : d’une part, d’un mandat de mise en détention provisoire du 1er octobre 2013 (accusé pour vol à main armée) ; d’autre part, d’un arrêt de la cour d’appel d’Athènes du 25 février 2014, le condamnant à une peine de réclusion de 6 ans pour vols qualifiés (début de l’exécution de la peine : 27 mars 2012). Le 10 février 2014, la cour d’appel criminelle d’Athènes l’acquitta de l’accusation de vol à main armée. Mis en liberté sous condition le 17 mars 2014 en application de l’article 19 de la loi no 4242/2014.

17. Antonios Poulopoulos : incarcéré le 19 août 2011 et détenu en vertu d’un arrêt de la cour d’appel criminelle d’Athènes du 20 juin 2012, le condamnant à une peine de réclusion de 6 ans. Détenu en tant que condamné à la date de la saisine de la Cour. Mis en liberté sous condition le 13 septembre 2013 en application de l’article 105 du code pénal.

18. Nikolaos Drosakis : incarcéré le 24 avril 2012. Détenu en vertu de la décision de la chambre d’accusation du tribunal correctionnel de Nauplie du 17 octobre 2012, et des arrêts de la cour d’appel criminelle de Nauplie et de la cour d’appel criminelle d’Athènes des 11 février et 24 avril 2013 respectivement, le condamnant à différentes peines d’emprisonnement. Détenu en tant que condamné à la date de la saisine de la Cour. Mis en liberté sous condition le 26 mars 2014 en application de l’article 1 de la loi no 4043/2012. Actuellement de nouveau en détention.

19. Selon les informations fournies par ceux des requérants qui firent l’objet d’arrêts de condamnation, et non contestées par le Gouvernement, les tribunaux n’accordèrent pas un effet suspensif aux appels interjetés par ceux-ci (article 497 § 4 du code de procédure pénale).

B. Les conditions de détention à l’hôpital Aghios Pavlos de la prison de Korydallos

20. Dans une pétition envoyée le 5 octobre 2012 sur le fondement de l’article 572 du code de procédure pénale au procureur-superviseur responsable de la prison de Korydallos, quarante-cinq séropositifs détenus à l’hôpital Aghios Pavlos, dont les requérants, se plaignirent des conditions de leur détention au deuxième étage de cet hôpital. Ils soulignaient l’état de surpopulation qui y régnait, l’admission incontrôlée de nouveaux malades, le fait qu’ils étaient détenus avec d’autres détenus souffrant d’un cancer, d’asthme, d’hépatite, de maladies vénériennes, de bronchite, de gale, de psoriasis et même de tuberculose, maladies qui nécessitaient une hospitalisation dans des cellules individuelles car plusieurs d’entre elles étaient transmissibles. Une petite quantité de crèmes avaient été distribuée à certains détenus séropositifs atteints aussi de la gale. Alors qu’il leur était conseillé de changer de draps et de sous-vêtements quotidiennement et de les faire laver à haute température, le lave-linge était hors service. Lorsqu’ils allaient chercher leurs médicaments, les infirmières leur disaient de ne pas toucher aux barreaux par lesquels elles passaient les médicaments, pour éviter le risque d’infection. Aucune information officielle n’a été donnée aux détenus par le personnel administratif ou médical afin de minimiser la gravité de l’épidémie.

21. Le 12 octobre 2012, le procureur-superviseur informa les détenus que les cas de gale concernaient « seulement 15 personnes ».

Se fondant sur l’article 6 du code pénitentiaire, les détenus séropositifs, dont les requérants, se plaignirent également auprès du conseil de l’hôpital de la prison, mais ne reçurent aucune réponse.

22. Une délégation de détenus séropositifs fut accueillie par le procureur-superviseur pour appeler l’attention sur le fait que le nombre de personnes détenues dans l’hôpital Aghios Pavlos ne cessait de croître et que les conditions de détention étaient devenues insupportables.

23. Les requérants soutiennent que les cellules sont tellement surpeuplées que l’espace personnel de chaque détenu est de moins de 2 m², superficie incluant les lits et la toilette.

24. Les salles d’eau ne remplissent pas le standard minimum d’hygiène et la propreté des lieux est laissée à la discrétion de quelques personnes séropositives qui reçoivent une allocation et qui peuvent ainsi acheter des produits de nettoyage.

25. La nourriture est tellement pauvre en valeur nutritionnelle que les personnes séropositives risquent de déclarer la maladie en raison de l’affaiblissement de leur organisme.

26. Les lieux ne sont pas suffisamment chauffés et les détenus sont exposés à de basses températures surtout pendant la nuit.

27. La question des fumeurs n’est pas non plus réglée. Plusieurs détenus fument dans les espaces communs, les cellules et les chambrées et les non-fumeurs, surtout ceux qui ont des problèmes respiratoires, deviennent des fumeurs passifs.

28. Il n’y a pas de médecin spécialiste des maladies infectieuses à l’hôpital, de sorte que les détenus séropositifs encourent des risques suite à des diagnostics de non-spécialistes en la matière.

29. Lors de la distribution des médicaments, l’infirmier, équipé de gants, laisse les boîtes au sol de l’autre côté des barreaux des cellules et les personnes séropositives doivent les récupérer à travers les barreaux en évitant de toucher les autres, comme l’infirmier le leur recommande.

30. Les requérants se plaignent aussi du fait que les diagnostics sont faits de manière automatique et que les médecins prescrivent toujours les mêmes médicaments sans procéder à un examen individuel de chaque patient. Les transferts vers les hôpitaux externes, en cas de besoin, sont toujours faits avec beaucoup de retard. La distribution des médicaments prescrits à certains requérants est souvent interrompue sans explication pour des périodes variant entre une semaine et un mois. D’autres requérants n’ont pas encore entamé leur traitement et ce retard est justifié par les médecins affirmant que « la limite [du virus dans le sang] pour rendre nécessaire le commencement du traitement a été augmentée ».

31. Les requérants dénoncent aussi le manque d’accès au monde extérieur, aux actualités voire même au téléphone, et le fait que les prévenus ne sont pas séparés des condamnés.

32. Enfin, les requérants affirment qu’une vidéo sur les conditions de détention ayant fait l’objet d’une fuite en novembre 2014 a poussé le procureur près la Cour de cassation d’ordonner une enquête qui est actuellement en cours.

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

33. Les articles pertinents du code pénal sont ainsi libellés :

Article 110A

« 1. La libération conditionnelle est accordée, indépendamment de la réalisation des conditions visées aux articles 105 et 106, si le condamné a développé (νοσεί) le syndrome d’immunodéficience acquise, d’insuffisance rénale chronique imposant une hémodialyse régulière ou de tuberculose tenace, s’il est tétraplégique, s’il est atteint d’une cirrhose du foie ayant entraîné une invalidité de plus de 67 %, s’il souffre de démence sénile et qu’il a dépassé l’âge de quatre-vingts ans révolus, ou s’il est atteint de néoplasmes malins en phase terminale.

2. La vérification des conditions du premier paragraphe est faite, à la demande du condamné, par la chambre d’accusation du tribunal correctionnel compétent, qui ordonne une expertise spéciale dont le déroulement est fixé par une décision commune des ministres de la Justice et de la Santé, de la Prévoyance et de la Sécurité sociale.

3. La libération conditionnelle décidée en vertu du premier paragraphe du présent article est inscrite au casier judiciaire du condamné, est accordée une seule fois et s’étend d’office à toutes les peines prononcées si une peine globale peut être fixée en application de l’article 551 du code de procédure pénale.

4. La condamnation pendant la période de sursis avec mise à l’épreuve pour une infraction commise avant le début de l’exécution de la peine, et pour laquelle la libération conditionnelle a été décidée, n’entraine pas l’annulation de cette libération. »

Article 105

« 1. Ceux qui ont été condamnés à une peine privative de liberté peuvent être mis en liberté sous condition, conformément aux dispositions ci-dessous et lorsqu’ils ont purgé :

a) en cas de peine d’emprisonnement, les deux cinquièmes de leur peine ;

b) en cas de peine de réclusion, les trois cinquièmes de leur peine ;

(...)

7. Chaque jour de détention dans un établissement pénitentiaire des détenus souffrant d’hémiplégie ou de paraplégie, de sclérose en plaques, (...) ou étant porteurs (φορείς) du syndrome d’immunodéficience acquise (...), est calculée de manière favorable comme deux jours de peine purgée. La même chose est valable pour chaque pathologie entrainant (...) un taux d’invalidité d’au moins 67% (...). »

34. Le paragraphe 3 de l’article 110A a été amendé le 8 juillet 2014 de manière à inclure la phrase « s’étend d’office à toutes les peines prononcées si une peine globale peut être fixée en application de l’article 551 du code de procédure pénale ». Dans sa version antérieure le paragraphe 3 disposait : « La libération conditionnelle décidée en vertu du premier paragraphe du présent article est inscrite au casier judiciaire et est accordée une seule fois. »

35. La libération conditionnelle ne constitue pas une dispense de l’exécution de la peine, mais une étape de celle-ci qui tend à éviter la récidive et obtenir l’amélioration et la réinsertion du condamné (arrêt de la Cour de cassation, siégeant en formation plénière, no 106/1991, Poinika Khronika MA, 852).

36. Les articles pertinents du code de procédure pénale disposent :

Article 497

« 4. Si la décision de condamnation impose une peine de réclusion, il incombe au tribunal qui juge l’affaire de prendre une décision quant à l’effet suspensif de l’appel. Le tribunal se prononce, par des motifs détaillés et en appliquant les critères du paragraphe 8 du présent article, tout de suite après le prononcé de sa décision, soit d’office soit à la demande d’accusé qui souhaite interjeter appel.

5. Le tribunal peut dans tous les cas ordonner des mesures restrictives.

(...)

7. Lorsque l’accusé a été condamné par un jugement d’une juridiction de première instance à une peine privative de liberté et qu’il a formé un appel n’ayant pas d’effet suspensif, le procureur ou lui-même peuvent demander qu’il soit sursis à l’exécution du jugement jusqu’à ce que la juridiction d’appel se prononce de manière définitive. La demande est adressée à la juridiction de deuxième instance et si celle-ci est la cour d’appel criminelle mais qui ne siège pas en ce moment, à la cour d’appel siégeant en formation de cinq juges. L’accusé peut se voir imposer des conditions restrictives. Si la demande est rejetée, une nouvelle demande ne peut être déposée avant un mois à compter de la date de rejet de la précédente. (...)

8. L’appel n’a pas d’effet suspensif, conformément au paragraphe 4 du présent article, et la demande de sursis à exécution de la décision de première instance est rejetée, lorsqu’il est considéré de manière motivée que les mesures restrictives ne suffisent pas, que l’accusé n’a pas de résidence connue et stable dans le pays, ou s’est livré à des actes préparatoires pour faciliter sa fuite, ou il a été dans le passé condamné par contumace ou contumax ou a été jugé coupable pour l’évasion d’un autre détenu ou de violation des restrictions imposés à son lieu de résidence. Ceci vaut d’autant plus lorsque la réunion de certains de ces éléments susmentionnés laisse présager que l’accusé a l’intention de fuir ou qu’il risque de commettre de nouvelles infractions s’il est mis en liberté (...). Le tribunal accorde dans tous les cas un effet suspensif ou un sursis à exécution s’il considère de manière motivée que le fait pour le condamner de purger immédiatement sa peine ou de continuer à la purger causera à lui ou sa famille un dommage démesuré et irréparable (...).

9. L’accusé est cité à comparaître, conformément aux articles 155-161 et 166, devant le tribunal compétent selon les paragraphes 6 et 17 du présent article. S’il est détenu loin du siège du tribunal, il ne comparait pas. »

Article 572

« 1. Le procureur-superviseur près le tribunal correctionnel du lieu où la peine est purgée, exerce les compétences prévues par le code [de procédure pénale] concernant le traitement des détenus et contrôle l’exécution des peines et l’application des mesures de sécurité, conformément aux dispositions du présent code, du code pénal et des lois y afférentes.

2. En vue d’exercer les fonctions susmentionnées, le procureur-superviseur près le tribunal correctionnel visite la prison au moins une fois par semaine. Lors de ces visites, il entend les détenus qui ont préalablement sollicité une audition.

(...) »

37. L’article 6 du code pénitentiaire (loi no 2776/1999) se lit ainsi :

« 1. Les détenus ont le droit de s’adresser par écrit et à des intervalles raisonnables au Conseil de la prison, en cas d’actes ou d’ordres illégaux pris à leur encontre et si les dispositions du présent code ne prévoient pas d’autre recours. Dans les quinze jours suivant la notification d’une décision de rejet ou un mois après le dépôt de la demande, si l’administration a omis de prendre une décision, les détenus ont le droit de saisir le tribunal compétent de l’exécution des peines. Si le tribunal fait droit au recours, il ordonne les mesures susceptibles de pallier l’acte ou l’ordre illégal (...) »

38. L’article 19 de la loi no 4242/2014, relative (entre autres) à la mise en liberté pour des motifs de santé et entré en vigueur le 28 février 2014, dispose :

« Les condamnés qui, à la date de la publication de la présente loi, purgent des peines de réclusion jusqu’à dix ans et souffrent d’hémiplégie ou de paraplégie, de sclérose en plaques, ont été soumis à une greffe de cœur, de foie, de rein ou de moelle épinière ou sont porteurs (φορείς) du syndrome d’immunodéficience acquise, ou souffrent de néoplasmes malins (...) sont mis en liberté sous condition, s’ils ont purgé les deux cinquièmes de leur peine et sans que les autres conditions mentionnées aux articles 105 et 106 du code pénal soient réunies. La mise en liberté est ordonnée par le procureur près le tribunal correctionnel du lieu de l’exécution de la peine. Les maladies susmentionnées doivent être constatées par des certificats médicaux d’un établissement hospitalier public (...) »

39. L’article 1 de la loi no 4043/2012 relative à l’amélioration des conditions dans les prisons et leur désengorgement prévoit :

« 1. Les détenus qui, à la date de la publication de la présente loi, purgent une peine privative de liberté ne dépassant pas cinq ans, sont mis en liberté sous condition, par décision du procureur près le tribunal correctionnel du lieu de l’exécution de la peine, sans que les conditions prévues aux articles 105 et suivants du code pénal soient réunies : si leur peine ne dépasse pas trois ans et ils ont purgé un dixième de celle-ci ; b) si leur peine varie entre trois et cinq ans, y compris la réclusion, s’ils ont purgé un cinquième de celle-ci. »

III. LES CONSTATS DES INSTITUTIONS NATIONALES ET INTERNATIONALES

A. Le Médiateur de la République

40. Les 24 octobre et 9 novembre 2011, vingt-huit personnes séropositives détenues à l’hôpital Aghios Pavlos de la prison de Korydallos saisirent d’une pétition le Médiateur de la République pour se plaindre de leurs conditions de détention. Le 8 février 2012, une délégation du service du Médiateur visita les lieux.

41. Dans un rapport établi le 26 octobre 2012 suivant cette visite, le Médiateur de la République soulignait plus particulièrement en ce qui concernait les détenus séropositifs :

« (...) En même temps, l’hôpital accueille 51 détenus séropositifs dans un espace séparé d’une capacité de 35 personnes.

Le grand nombre de détenus par rapport aux infrastructures existantes constitue le problème le plus grave au sein de l’hôpital. En dépit de la grande taille des chambrées, la situation est devenue étouffante et les conditions de vie insupportables et dangereuses pour la vie des détenus, en raison du nombre croissant de séropositifs. Ainsi, les normes en matière d’espace personnel ne sont pas respectées (...). En outre, l’entassement permanent et forcé des personnes qui, en plus de la séropositivité, souffrent d’autres maladies, telles asthme, maladies vénériennes, psoriasis, tuberculose non diagnostiquée, cause des risques de transmission de ces maladies et rend difficile le traitement des malades.

(...)

Le point culminant de la pétition concernait l’irrégularité avec laquelle les séropositifs recevaient leur traitement. Il était mentionné que les traitements étaient interrompus pendant de longues périodes en raison du manque de crédits et en dépit du fait que ceux-ci devaient être administrés de manière continue, faute de quoi leur effet est annulé. Il ressort des discussions avec les médecins et la direction que malgré les efforts faits pour programmer l’administration de ces traitements, l’augmentation du nombre des séropositifs qui en ont besoin, combiné avec le manque d’un crédit illimité pour l’achat des médicaments, a comme conséquence des retards. A la date de la visite, sur un nombre total de 51 séropositifs, 18 recevaient un traitement et 5 devraient en recevoir, mais l’accord de ministère de la Santé pour les crédits nécessaires était encore en attente. (...) Les autres ne recevaient pas de traitement, mais ils étaient suivis de manière à ce que la nécessité d’un traitement soit réévaluée.

(...)

Les dossiers médicaux qui ont été examinés au hasard par la délégation du Médiateur a permis de constater qu’ils contenaient des informations qui s’écartaient du degré de précision et de détail imposé par le code de la déontologie médicale et ne permettent pas le suivi efficace de l’historique médical des personnes hospitalisées. (...)

VII. Conclusion

(...)

Même si les séropositifs ne sont pas des patients ayant besoin d’hospitalisation, il a été décidé de les placer au dispensaire de la prison afin qu’ils aient de meilleures conditions de détention et un accès plus direct aux services de santé. Toutefois, en raison de l’augmentation de leur nombre, les conditions de détention ont empiré et on note des problèmes concernant leur traitement. En outre, ils sont privés des droits fondamentaux dont devraient jouir les détenus, indépendamment de la séropositivité, lors de leur séjour dans un établissement pénitentiaire, comme le sport, la formation professionnelle, la scolarité pour les mineurs, le divertissement, le travail, (...). Enfin, le rassemblement des séropositifs dans une aile de la prison a créé des conditions de vie en ghetto et favorise leur stigmatisation. (...) Aucune sorte d’isolement n’est permise en principe, en raison d’infection par le virus VIH (Cour européenne des droits de l’homme, Enhorn c. Suède, 25.1.2005, § 55). En revanche, ceux qui sont malades du sida doivent être traités sans être mis nécessairement en isolement total, si ce n’est que pour leur protection contre les maladies infectieuses auxquelles ils sont vulnérables en raison de la fragilisation de leur système immunitaire. (...) »

42. Dans un communiqué de presse du 6 mars 2014 portant le titre « les détenus malades à Korydallos ont besoin d’un vrai hôpital et non d’une prison spéciale », le Médiateur de la République rappelait ses constats et les conclusions de son rapport de 2012. Il soulignait que l’hôpital fonctionnait sur le fondement d’une loi des années 1940 et que son intégration dans le Système National de Santé (Εθνικό Σύστημα Υγείας), décidée en 2009, n’a pas encore été réalisée. Il rappelait, en ce qui concernait le fonctionnement de l’hôpital, que les infrastructures étaient vétustes et totalement inadaptées, le personnel médical insuffisant et la population carcérale importante et hétéroclite (nombre élevé de séropositifs, détenus handicapés et manquant d’autonomie). La concentration des séropositifs dans une aile, combinée avec leur nombre grandissant, avait créé des conditions de « ghettoïsation et de stigmatisation » et avait aggravé les conditions des autres détenus en raison de la limitation de l’espace disponible.

43. Le 5 novembre 2014, le ministre de la Justice, accompagné du ministre adjoint de la Santé ont visité l’hôpital de la prison de Korydallos. Dans une déclaration publiée à la suite de cette visite, le ministère de la Justice exprimait son intention de transférer les détenus séropositifs dans une aile spéciale de la prison de Korydallos réservée aux femmes et d’embaucher trente-neuf médecins pour toutes les prisons du pays, dont cinq seraient affectés à l’hôpital Aghios Pavlos.

B. L’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe

44. Alarmée par les conditions de vie dans l’hôpital pénitentiaire de Korydallos, la rapporteure de l’APCE sur l’égalité de l’accès aux soins de santé, Liliane Maury Pasquier (Suisse, SOC), a appelé, le 4 mars 2014, les autorités grecques à améliorer la situation dans les meilleurs délais, en ces termes :

« Je suis très préoccupée par les conditions insalubres des détenus de l’hôpital pénitentiaire de Korydallos (Athènes) rapportées dans les médias. L’hôpital, conçu pour 60 personnes, accueillerait actuellement 200 détenus dont la plupart seraient séropositifs ou souffriraient de maladies contagieuses comme la tuberculose et l’hépatite. Dans de telles conditions, il est impossible d’assurer aux détenus des soins de santé appropriés, sans oublier que la surpopulation ne peut que contribuer à la propagation des maladies contagieuses mettant ainsi en danger la vie de tous les détenus de l’hôpital.

Je tiens à rappeler que le droit à la santé est un droit fondamental de l’être humain et que l’Etat doit assurer à toutes et à tous un accès équitable aux soins de santé appropriés. Ceci est d’autant plus le cas lorsqu’il s’agit, comme en l’espèce, de prisonniers qui sont entièrement sous le pouvoir et la responsabilité de l’Etat. Aussi, j’appelle le gouvernement grec à améliorer les conditions de vie des détenus de l’hôpital pénitentiaire de Korydallos dans les meilleurs délais. Par ailleurs, je tiens à souligner qu’une éventuelle libération de certains prisonniers de l’hôpital annoncée par le ministre de la Justice n’aura de sens que si le gouvernement grec garantit que des soins nécessaires seront prodigués aux prisonniers dès leur sortie ».

45. Le 26 juin 2013, l’Assemblée parlementaire avait adopté la résolution 1946(2013) intitulée « Egalité de l’accès aux soins de santé » dans laquelle elle soulignait que les inégalités d’accès aux soins touchaient particulièrement les groupes vulnérables dont les personnes détenues. Dans le cadre de la préparation de son rapport, Mme Liliane Maury Pasquier avait visité la Grèce et fait état de l’impact négatif des mesures d’austérité sur l’accès aux soins de santé.

C. Le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains et dégradants (CPT)

46. Suite à sa visite en Grèce du 4 au 16 avril 2013, le CPT soulignait dans son rapport publié le 5 juillet 2013 (page 68) qu’il n’y avait aucune justification relevant de la santé publique pour isoler des détenus seulement sur le fondement qu’ils sont séropositifs. Compte tenu de l’état actuel des prisons grecques, marqué par la surpopulation, les conditions sanitaires et matérielles déficientes, le manque de confidentialité médicale et le haut niveau de préjugé contre les porteurs du virus VIH, il serait préférable que ces derniers soient logés séparément, dans la mesure où cette séparation se fait dans des conditions appropriées à leur santé et leur bien-être. Le CPT recommandait que si la décision était prise de séparer des autres détenus un détenu séropositif, celui-ci devait être placé dans un endroit en adéquation avec ses besoins.

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 PRIS ISOLÉMENT ET COMBINÉ AVEC L’ARTICLE 14 DE LA CONVENTION

47. Les requérants se plaignent de leurs conditions de détention à l’hôpital Aghios Savvas de la prison de Korydallos, de leur « ghettoïsation » dans une aile spécifique de cet hôpital, ainsi que de l’omission des autorités d’examiner si ces conditions sont compatibles avec leur état de santé. Ils allèguent une violation de l’article 3, pris isolément ou combiné avec l’article 14 de la Convention. Ces articles sont ainsi libellés :

Article 3

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

Article 14

« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la (...) Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »

A. Sur la recevabilité

48. Le Gouvernement invite la Cour à rejeter la requête pour non-épuisement des voies de recours internes. Il souligne que comme tous les requérants ont été détenus en vertu d’arrêts de condamnation, ils auraient pu bénéficier des dispositions de l’article 110A du code pénal en déposant la demande prévue par le paragraphe 2 de cet article. En outre, ceux des requérants qui ont été condamnés à une peine privative de liberté par jugement d’une juridiction de première instance et qui ont formé appel n’ayant pas eu d’effet suspensif, auraient pu bénéficier des dispositions de l’article 497 § 7 du code de procédure pénale, en déposant une demande de sursis à exécution du jugement, jusqu’à ce que la juridiction d’appel se prononce.

49. Les requérants, du moins ceux qui ont été condamnés, allèguent qu’ils ont tous fait usage, le jour même de leur condamnation, des paragraphes 4 et 8 combinés de l’article 497 du code de procédure pénale et qu’ils n’ont pas, aux fins de l’épuisement, à redemander un sursis à exécution de leur peine en application du paragraphe 7 du même article. Or, seule la demande de sursis en vertu du paragraphe 4 constitue un recours effectif car l’intéressé peut participer à la procédure et non celle en vertu de l’article 7 car, dans ce cas, l’intéressé ne peut pas être transféré au tribunal pour assister à l’examen de cette demande (paragraphe 9 de l’article 497).

50. Les requérants allèguent aussi qu’une action en dommages-intérêts en vertu de l’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil, de la part de ceux qui auraient été libérés alors que la présente requête est pendante devant la Cour ne serait pas non plus effective, surtout pour des personnes ayant une espérance de vie de quelques mois ou quelques années. En fait, une telle procédure prendrait six ans jusqu’à la fixation d’audience en premier degré et six ans supplémentaires environ jusqu’à ce que le jugement soit rendu.

51. Enfin, les requérants arguent que pour que le paragraphe 3 de l’article 110A du code pénal puisse s’appliquer dans leur cas, il faudrait attendre que leurs peines deviennent définitives ou qu’ils déposent une demande en vue du prononcé d’une sanction qui engloberait toutes leurs condamnations. Par ailleurs, une demande au titre de l’article 110A ne serait pas examinée avant un délai cinq mois car la procédure implique des contrôles médicaux et deux séries de décisions par la chambre d’accusation. Or, aucun des requérants n’était détenu en vertu d’arrêts définitifs.

52. La Cour rappelle que la finalité de l’article 35 § 1 de la Convention, qui énonce la règle de l’épuisement des voies de recours internes, est de ménager aux États contractants l’occasion de prévenir ou de redresser les violations alléguées contre eux avant que ces allégations ne lui soient soumises (Scordino c. Italie (no 1) [GC], no 36813/97, § 141, CEDH 2006‑V). Néanmoins, elle rappelle que l’article 35 § 1 de la Convention ne prescrit l’épuisement que des recours à la fois relatifs aux violations incriminées, disponibles et adéquats. Elle réaffirme que ces recours doivent exister à un degré suffisant de certitude non seulement en théorie mais aussi en pratique, sans quoi leur manquent l’effectivité et l’accessibilité voulues, et qu’il incombe à l’État défendeur de démontrer que ces exigences se trouvent réunies (Sejdovic c. Italie [GC], no 56581/00, § 45, CEDH 2006-II).

53. La Cour note qu’il ressort du droit interne pertinent que les personnes condamnées atteintes du virus VIH qui ont déjà déclaré la maladie peuvent obtenir leur libération immédiate (sur le seul fondement de la maladie) en invoquant l’article 110A du code pénal ; en outre, les simples séropositifs, qui ont déjà été condamnés en première instance, peuvent aussi demander leur libération, en application de l’article 497 du code de procédure pénale, s’ils établissent qu’ils risquent de subir un dommage irréparable en raison du maintien en détention ; en revanche, les prévenus ne peuvent pas bénéficier de ces dispositions.

54. En l’espèce, la Cour note d’abord qu’au moment de leur incarcération, les requérants qui venaient d’être condamnés étaient simplement des personnes séropositives et, à ce titre, ils ne pouvaient pas bénéficier des dispositions de l’article 110A du code pénal.

55. Elle note, en outre, que selon les informations fournies par ceux des requérants qui firent l’objet d’arrêts de condamnation en première instance, et non contestées par le Gouvernement, les tribunaux n’ont pas accordé d’effet suspensif aux appels interjetés par ceux-ci, conformément à l’article 497 § 4 du code de procédure pénale. Le paragraphe 4 de cet article prévoit que le tribunal se prononce en appliquant les critères du paragraphe 8 parmi lesquels figure le dommage démesuré et irréparable causé à l’intéressé qui serait contraint de continuer à purger sa peine. En refusant de donner un effet suspensif aux appels, les tribunaux ont manifestement considéré que l’état de santé des requérants n’était pas incompatible avec leur détention. Faute d’aggravation nette et soudaine de cet état, une demande subséquente de ces requérants fondée sur le paragraphe 7 de l’article 497, comme le préconise le Gouvernement, ne devrait pas aboutir de l’avis de la Cour à une décision différente de celle prise en application du paragraphe 4 de celui-ci.

56. Par ailleurs, la Cour relève que les requérants se sont plaints auprès du conseil de l’hôpital de la prison, sur le fondement de l’article 6, et aussi auprès du procureur-superviseur responsable de la prison de Korydallos (sur le fondement des articles 6 du code pénitentiaire et 572 du code de procédure pénale), mais aucune suite n’a été donnée à leurs démarches. À cet égard, la Cour a déjà jugé que lorsqu’un requérant allègue être personnellement affecté par les conditions prévalant dans l’enceinte de la prison, les recours prévus aux articles précités ne seraient d’aucune utilité (Papakonstantinou c. Grèce, no 50765/11, § 51, 13 novembre 2014).

57. Enfin, l’article 19 de la loi no 4242/2014 qui a permis à trois des requérants d’être mis en liberté sous condition en 2014 n’est entré en vigueur que le 28 février 2014.

58. Il s’ensuit qu’à la date de l’introduction de leur requête, le 9 mars 2013, et compte tenu de leur état de santé à l’époque, les requérants – qu’ils aient été condamnés ou prévenus – ne disposaient pas d’un recours par lequel ils pouvaient se plaindre efficacement de leur conditions de détention à l’hôpital de la prison de Korydallos ou demander leur mise en liberté sous condition. La Cour rejette donc l’exception du Gouvernement.

59. La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Elle le déclare donc recevable.

B. Sur le fond

60. Le Gouvernement admet que pendant la période septembre-décembre 2011, il y a eu dans l’hôpital de la prison de Korydallos une pénurie de médicaments pour séropositifs en raison, d’une part, de l’augmentation de ce type de détenus, et d’autre part, du manque de fonds suffisants pour l’achat de ces médicaments qui sont très onéreux. Toutefois, ce problème a été résolu au début de 2012. Le suivi des détenus séropositifs se fait à des intervalles réguliers, les malades ayant besoin d’hospitalisation sont transférés dans les hôpitaux publics et les examens biologiques des séropositifs sont envoyés aux laboratoires spécialisés.

61. Le Gouvernement n’admet pas le terme de « ghettoïsation » utilisé par les requérants et explique le fait du placement des séropositifs au deuxième étage de l’hôpital Aghios Pavlos par la nécessité de mieux les suivre et les traiter, de les protéger des maladies infectieuses, de leur fournir des repas améliorés, de leur assurer de plus longues périodes de promenade et un accès à une cuisine et à des laveries réservées pour eux.

62. Les requérants se prévalent des conclusions du récent rapport du Comité pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains et dégradants du 5 juillet 2013, et qui concernent plus spécifiquement les conditions de détention générales dans la prison de Korydallos et dans d’autres prisons, notamment par rapport à la surpopulation et la ségrégation dont faisaient l’objet les détenus porteurs du virus VIH. Concernant les conditions plus spécifiques régnant dans l’hôpital Aghios Pavlos de Korydallos, ils se prévalent de nombreux articles de la presse grecque qui décrivent la situation dans cet hôpital et dont l’écho a dépassé les frontières du pays. Les représentants de plusieurs partis politiques ayant effectué de nombreuses visites sur les lieux ont qualifié de choquantes les conditions qu’ils ont constatées. Même le personnel de l’hôpital avait déclaré publiquement que ces conditions étaient problématiques. Une vidéo sur les conditions de détention ayant fait l’objet d’une fuite en novembre 2014 a poussé le procureur près la Cour de cassation d’ordonner une enquête qui est actuellement en cours.

63. Les requérants produisent plusieurs articles de presse récents datant de 2013 et 2014, qui font état d’une aggravation des conditions de vie dans l’hôpital, et, en particulier, d’une augmentation du nombre de porteurs du virus VIH (128 détenus sur 209) et de nouveaux retards et interruptions dans l’administration des traitements.

64. La Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle l’article 3 ne peut être interprété comme établissant une obligation générale de libérer un détenu pour motifs de santé ou de le placer dans un hôpital civil afin de lui permettre d’obtenir un traitement médical d’un type particulier. Néanmoins, cet article impose à l’Etat de s’assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions qui sont compatibles avec le respect de la dignité humaine, que les modalités d’exécution de la mesure ne soumettent pas l’intéressé à une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention et que, eu égard aux exigences pratiques de l’emprisonnement, la santé et le bien-être du prisonnier sont assurés de manière adéquate, notamment par l’administration des soins médicaux requis (Kudla c. Pologne [GC], no 30210/96, § 94, CEDH 2000‑XI).

65. La Cour rappelle aussi que les autorités nationales doivent s’assurer que les diagnostics et les soins dans les prisons, y compris les hôpitaux des prisons, interviennent rapidement et soient appropriés. Elles doivent aussi s’assurer que lorsqu’il est rendu nécessaire par l’état de santé du détenu, le suivi intervienne à des intervalles réguliers et inclut une stratégie thérapeutique complète tendant à obtenir le rétablissement du détenu ou, du moins, éviter que son état ne s’aggrave (Pitalev c. Russie, no 34393/03, § 54, 30 juillet 2009). Tout en étant consciente des exigences pratiques de la détention, la Cour se reconnait suffisamment de flexibilité pour décider, au cas par cas, si les carences dans les soins médicaux ont été compatibles avec la dignité humaine du détenu (Aleksanyan c. Russie, no 46468/06, § 140, 22 décembre 2008).

66. Enfin, la Cour réitère que les informations concernant les conditions de détention, y compris les questions de soins médicaux, sont bien connues des autorités nationales. Or, les requérants peuvent rencontrer des difficultés à produire des éléments de preuve de nature à étayer leurs griefs à cet égard. Ce qui est attendu des requérants en général dans ces cas est de soumettre au moins une liste détaillée des faits dont ils se plaignent. Il incombera alors au Gouvernement de fournir des explications et des documents à l’appui de celles-ci (Salakhov et Islyamova c. Ukraine, no 28005/08, § 132, 14 mars 2013).

67. En l’espèce, la Cour note qu’il ressort des allégations des requérants notamment que ceux-ci séjourneraient dans des chambrées qui sont tellement surpeuplées que l’espace personnel de chaque détenu est de moins de 2 m², superficie incluant les lits et la toilette. Les salles d’eau ne rempliraient pas le standard minimum d’hygiène et la propreté des lieux est laissée à la discrétion de quelques détenus. La nourriture est tellement pauvre en valeur nutritionnelle que les séropositifs risquent de déclarer la maladie en raison de l’affaiblissement de leur organisme. Les lieux ne seraient pas suffisamment chauffés et les détenus seraient exposés à de basses températures surtout pendant la nuit.

68. Selon eux, les diagnostics seraient faits de manière automatique et les médecins prescriraient toujours les mêmes médicaments sans procéder à un examen individuel de chaque patient. Il n’y aurait pas de médecin spécialiste des maladies infectieuses à l’hôpital, de sorte que les détenus séropositifs encourraient des risques suite à des diagnostics établis par des non-spécialistes en la matière. Les transferts vers les hôpitaux externes, en cas de besoin, seraient toujours faits avec beaucoup de retard et la distribution des médicaments prescrits à certains requérants serait souvent interrompue sans explication pour des périodes variant entre une semaine et un mois. D’autres requérants n’auraient pas encore entamé leur traitement et ce retard serait justifié par les médecins qui leur affirmeraient que « la limite [du virus dans le sang] pour rendre nécessaire le commencement du traitement aurait été augmentée ».

69. La Cour note aussi que de son côté, à part quelques affirmations générales concernant l’hôpital Aghios Pavlos de la prison de Korydallos, le Gouvernement ne réfute pas vraiment les allégations particulières des requérants.

70. La Cour ne saurait mettre en cause l’intention initiale des autorités pénitentiaires de transférer les détenus séropositifs, comme les requérants, à l’hôpital de la prison, dans le but de leur procurer un meilleur confort et un suivi régulier dans leur traitement. Elle prend note des arguments du Gouvernement selon lesquels on ne saurait qualifier la situation des requérants de « ghettoïsation » car le placement de ceux-ci à l’hôpital psychiatrique était justifié par la nécessité de mieux les suivre et les traiter, de les protéger des maladies infectieuses, de leur fournir des repas améliorés, de leur assurer de plus longues périodes de promenade et un accès à une cuisine et à des laveries réservées pour eux.

71. Si donc différence de traitement il a eu à leur égard, elle poursuivait un « but légitime » : leur offrir des conditions de détention plus favorables par rapport aux détenus ordinaires. Toutefois, une différence de traitement manque de justification objective et raisonnable si, de surcroît, il n’existe pas un « rapport raisonnable de proportionnalité » entre les moyens employés et le but visé. Si un détenu séropositif devait être séparé des autres détenus, il devrait être placé dans un endroit en adéquation avec ses besoins médicaux et son bien-être.

72. A cet égard, la Cour relève d’emblée que les requérants étaient de simples séropositifs n’ayant pas déclaré la maladie et, en tant que tels, ils n’avaient pas à être placés en isolement pour éviter la propagation d’une maladie ou pour empêcher la contamination d’autres détenus. D’autre part, la Cour attache beaucoup d’importance tant aux les constats du Médiateur de la République et aux interventions du ministre de la Justice et de la procureure près la Cour de cassation, qu’à ceux de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe et du CPT (paragraphes 40-46 ci-dessus). Ces constats démontrent que les bonnes intentions des autorités ne pouvaient pas se concrétiser compte tenu de la situation régnant dans la section psychiatrique de l’hôpital de la prison. Dans son rapport du 26 octobre 2012, le Médiateur de la République relevait l’irrégularité avec laquelle les requérants recevaient leur traitement, ainsi que la difficulté de les traiter dans un endroit où le risque de transmission de maladies infectieuses était très élevé. Dans un communiqué de presse du 6 mars 2014, le Médiateur rappelait que les infrastructures étaient vétustes et totalement inadaptées, que le personnel médical était insuffisant et que la concentration des séropositifs dans une aile avait créé des conditions de « ghettoïsation et de stigmatisation » (paragraphes 40-41 ci-dessus). Pour sa part, le CPT soulignait qu’il n’y avait aucune justification relevant de la santé publique pour isoler des détenus seulement sur le fondement qu’ils étaient séropositifs.

73. Quant à l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe, elle relevait, en mars 2014, que l’hôpital, conçu pour 60 personnes, accueillait 200 détenus dont la plupart étaient séropositifs ou souffraient de maladies contagieuses comme la tuberculose et l’hépatite et que dans de telles conditions, il était impossible d’assurer aux détenus des soins de santé appropriés (paragraphes 44-45 ci-dessus).

74. Selon les allégations des requérants, fondées sur des articles de presse joints au dossier et non réfutées par le Gouvernement, en janvier 2014 le nombre de détenus dans l’hôpital Aghios Pavlos avait atteint 209 personnes, dont 128 porteurs du virus VIH. Les articles relevaient de nouveau des interruptions et des retards dans l’administration des médicaments.

75. Dans ces conditions, la Cour estime avérées les mauvaises conditions matérielles et sanitaires de détention à l’hôpital Aghios Pavlos ainsi que des irrégularités dans l’administration des traitements adéquats. Elle considère que les requérants ont été - et sont peut-être encore pour certains d’entre eux - exposés à une souffrance physique et mentale allant au-delà de celle inhérente à la détention. Elle conclut alors qu’ils ont subi un traitement inhumain et dégradant et que la ségrégation dont ils ont fait l’objet manque de justification objective et raisonnable car elle n’était pas nécessaire compte tenu des circonstances. Il y a donc eu violation de l’article 3 pris isolément et combiné avec l’article 14 de la Convention.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 COMBINÉ AVEC L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION

76. Les requérants se plaignent qu’ils n’avaient pas à leur disposition, comme l’exige l’article 13 de la Convention, un recours interne effectif au travers duquel ils auraient pu formuler leur grief de méconnaissance de l’article 3 en ce qui concerne leurs condition de détention et leur traitement médical dispensé à l’hôpital de la prison de Korydallos.

77. Le Gouvernement soutient que les requérants avaient à leur disposition les recours prévus par les articles 6 du code pénitentiaire et 572 du code de procédure pénale, mais aussi par l’article 25 § 1 de la loi no 1756/1988 portant code des tribunaux qui investit le procureur adjoint près la cour d’appel détaché à la prison de Korydallos de veiller au respect des règles concernant le traitement des détenus et des conditions de détention dans la prison.

78. Les requérants soulignent que le Gouvernement ne fournit pas un seul exemple d’un détenu qui aurait saisi le procureur superviseur de la prison ou le conseil de la prison et aurait obtenu d’eux la cessation de la violation de la Convention résultant d’un problème systémique afférent aux conditions de détention.

79. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable. En outre, compte tenu de sa conclusion relative à l’exception de non-épuisement de voies de recours internes (voir paragraphe 58 ci-dessus), la Cour estime que celles mentionnées en l’espèce par le Gouvernement ne répondaient pas aux exigences de l’article 13 de la Convention. Il y a donc eu violation de cette disposition.

III. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES

80. Invoquant l’article 3, combiné avec l’article 14 de la Convention, les requérants se plaignent enfin d’un traitement discriminatoire entre les détenus séropositifs condamnés en vertu d’une décision judiciaire et les détenus séropositifs placés en détention provisoire : les premiers peuvent demander et obtenir leur mise en liberté en application des articles 110A du code pénal et 497 § 7 du code de procédure pénale, alors que les seconds ne peuvent pas bénéficier de ces dispositions.

81. Le Gouvernement soutient que l’existence des règles et des recours différents pour les prévenus et les condamnés ne constitue pas un traitement discriminatoire contraire aux articles 14 et 3 combinés car elle vise deux catégories de détenus différentes.

82. Or, la Cour constate que tous les requérants, à l’exception du requérant Chamitoglou, étaient incarcérés en tant que condamnés et non en tant que prévenus à la date de la saisine de la Cour. Plus particulièrement en ce qui concerne le requérant Chatzikos, la Cour relève ce qui suit : ce requérant a été incarcéré le 13 juillet 2012 et détenu provisoirement du 16 août 2012 au 5 avril 2013 date à laquelle il a été condamné par la cour d’appel criminelle d’Athènes à une peine de réclusion. Toutefois, avant d’être condamné par la cour d’appel criminelle d’Athènes, ce requérant était visé par plusieurs condamnations antérieures, entre autres et notamment par l’arrêt du tribunal correctionnel d’Athènes du 23 février 2012, le condamnant à une peine de 7 mois d’emprisonnement et l’arrêt du tribunal correctionnel d’Athènes du 24 février 2012, le condamnant à une peine de 10 mois d’emprisonnement.

83. Quant au requérant Chamitoglou, il était effectivement incarcéré en tant que prévenu et pour une période du 1er octobre 2013 au 10 février 2014, date à laquelle la cour d’appel criminelle l’a acquitté. Toutefois, il ressort du dossier que le requérant était un simple porteur du virus VIH et, à ce titre, il ne saurait pas se prétendre victime d’une discrimination par rapport à un condamné étant dans le même situation que lui, car l’article 110A du code pénal qui s’applique aux condamnés présuppose, pour être appliqué, que l’intéressé ait développé la maladie et ne soit pas simple porteur du virus. Par ailleurs, l’article 497 ne concerne que l’effet suspensif de l’appel que pourrait interjeter une personne condamnée en première instance et ne vise pas de manière particulière les détenus atteint d’une maladie, si ce n’est ceux dont la détention pourrait leur causer un dommage démesuré et irréparable. Enfin, ce requérant a été mis en liberté sous condition le 17 mars 2014, en application de l’article 19 de la loi no 4242/2014, relative (entre autres) à la mise en liberté pour des motifs de santé, entré en vigueur le 28 février 2014.

84. Il s’ensuit qu’aucun des requérants ne peut se prévaloir d’une différence de traitement fondée sur la distinction entre prévenu et condamné. La Cour estime donc que ce grief doit être déclaré irrecevable et rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention

IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

85. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

86. Les requérants réclament chacun différents montants au titre du préjudice moral qu’ils auraient subi, en fonction de la durée de leur détention ainsi que du nombre des violations que la Cour serait amenée à constater. Se prévalant des arrêts Selmouni c. France ([GC], no 25803/94, CEDH 1999-V) et Velikova c. Bulgarie (no 41488/98, CEDH 2000-VI), ils invitent la Cour à préciser dans son arrêt que les montants alloués au titre du dommage moral ne pourront donner lieu à aucune saisie et qu’ils seront déposés sur le compte bancaire de leur avocate selon le souhait qu’ils ont exprimé dans des déclarations écrites signées par eux et déposées à la Cour. Dans ces déclarations, ils prétendaient que si l’indemnité n’était pas déposée sur le compte bancaire de leur avocate, ils seraient dans l’impossibilité de la percevoir.

87. Le Gouvernement soutient que les prétentions des requérants sont excessives et totalement injustifiées, compte tenu des circonstances de l’affaire et la situation financière actuelle de la Grèce. Il considère que le constat de violation constituerait une satisfaction suffisante. En revanche, si la Cour estime devoir accorder une indemnité, celle-ci ne devrait pas dépasser 5 000 euros (EUR) pour chaque requérant.

88. La Cour relève que certains des requérants ont déjà été libérés en vertu de nouvelles dispositions de la loi qui leur étaient favorables et que d’autres sont encore en détention. Toutefois, si les parties, requérants et Gouvernement, indiquent la durée totale de leur incarcération dans la prison de Korydallos, ils ne précisent pas si leur placement à l’hôpital d’Aghios Pavlos correspondait à l’intégralité de cette période ou à une partie de celle-ci. Pour cette raison, la Cour décide d’octroyer pour dommage moral une somme forfaitaire identique à tous les requérants qu’elle fixe à 10 000 EUR pour chacun d’entre eux, à verser sur le compte bancaire de leur avocate.

B. Frais et dépens

89. Les requérants soutiennent qu’ils ont conclu avec leur avocate un accord selon lequel celle-ci recevra pour honoraires un montant correspondant à 20% de la somme que la Cour accordera à chaque requérant, plus 350 EUR pour chacun, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt. Au cas où la Cour ne serait pas disposée à suivre cet accord, ils demandent 1 350 EUR chacun, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt au titre de leurs frais et dépens. Ils demandent aussi que ces sommes soient versées directement sur le compte bancaire de leur avocate, comme la Cour l’a déjà fait dans les affaires Taggatidis et autres c. Grèce (no 2889/09, 11 octobre 2011), Dimitras et autres c. Grèce (no 34207/08 et 6365/09, 3 novembre 2011) et Sampani et autres c. Grèce (no 59608/09), 11 décembre 2012).

90. Le Gouvernement souligne que les requérants ne produisent aucun justificatif de nature à démontrer le paiement des sommes réclamées. Quant à l’accord qu’ils mentionnent, non seulement ils n’en produisent pas une copie, mais il concerne de frais et dépens hypothétiques dont la réalité ne peut pas être établie. Le Gouvernement déclare être d’accord pour verser une somme globale, au titre des frais et dépens, qui ne dépasserait pas 2 000 EUR.

91. La Cour note que les requérants prétendent avoir conclu avec leur avocate un accord concernant les honoraires de celle-ci, qui se rapprocherait d’un accord de quota litis. Elle note aussi qu’ils ne fournissent pas devant elle une copie de cet accord. La Cour rappelle que ces accords peuvent attester, s’ils sont juridiquement valables, que l’intéressé est effectivement redevable des sommes réclamées. Pareils accords, qui ne font naître des obligations qu’entre l’avocat et son client, ne sauraient lier la Cour, qui doit évaluer le niveau des frais et dépens à rembourser non seulement par rapport à la réalité des frais allégués, mais aussi par rapport à leur caractère raisonnable (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 55, CEDH 2000-XI ; Korkolis c. Grèce, no 63300/09, § 33, 15 janvier 2015). Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, elle estime raisonnable d’accorder conjointement aux requérants 2 500 EUR pour les frais engagés pour la procédure devant elle, plus toute somme pouvant être due par les requérants à titre d’impôt, à verser sur le compte bancaire de leur avocate.

C. Intérêts moratoires

92. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable quant aux griefs tirés des articles 3 de la Convention, pris isolément et combiné avec l’article 14, en ce qui concerne les conditions de détention à l’hôpital de la prison de Korydallos, leur « ghettoïsation » dans cet hôpital et la qualité des soins médicaux, ainsi que quant au grief tiré de l’article 3 combiné avec l’article 13, et irrecevable pour le surplus ;

2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention, pris isolément et combiné avec l’article 14 ;

3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 13 de la Convention combiné avec l’article 3 ;

4. Dit

a) que l’État défendeur doit verser aux requérants, dans les trois mois, à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à verser directement sur le compte bancaire indiqué par leur avocate :

i) 10 000 EUR (dix mille euros), à chacun des requérants, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

ii) 2 500 EUR (deux mille cinq cents euros), conjointement aux requérants, plus tout montant pouvant être dû par les requérants à titre d’impôt, pour frais et dépens ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 9 juillet 2015, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Søren NielsenIsabelle Berro
GreffierPrésidente

ANNEXE

1. Andreas MARTZAKLIS né le 28/07/1981
2. Christos SARRIS né le 10.10/1968
3. Christos EFSTATHIOU né le 09/11/1972
4. Efthymios KARATZOGLOU né en 1980
5. Achilleas PAPADIOTIS né le 09/01/1983
6. Dimitrios NIKOLOPOULOS né le 02/11/1985
7. Spyridon PETRENITIS né le 01/03/1979
8. Chrysafis CHATZIKOS né le 13/09/1979
9. Christos DORIZAS né le 12/08/1976
10. Panagiotis KORMALIS né le 02/08/1979
11. Aimilianos CHAMITOGLOU né 14/07/1982
12. Antonios POULOPOULOS né le 25/01/1968
13. Nikolaos DROSAKIS né le 19/06/1986


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