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23/06/2015 | CEDH | N°001-155369

CEDH | CEDH, AFFAIRE SALİN ET KARŞİN c. TURQUIE, 2015, 001-155369


DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE SALİN ET KARŞİN c. TURQUIE

(Requête no 44188/09)

ARRÊT

STRASBOURG

23 Juin 2015

DÉFINITIF

23/09/2015

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Salin et Karşin c. Turquie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

András Sajó, président,
Işıl Karakaş,
Nebojša Vučinić,
Paul Lemmens,
Egidijus

Kūris,
Robert Spano,
Jon Fridrik Kjølbro, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 2 juin 2015,

...

DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE SALİN ET KARŞİN c. TURQUIE

(Requête no 44188/09)

ARRÊT

STRASBOURG

23 Juin 2015

DÉFINITIF

23/09/2015

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Salin et Karşin c. Turquie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

András Sajó, président,
Işıl Karakaş,
Nebojša Vučinić,
Paul Lemmens,
Egidijus Kūris,
Robert Spano,
Jon Fridrik Kjølbro, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 2 juin 2015,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 44188/09) dirigée contre la République de Turquie et dont deux ressortissants de cet État, MM. Yusuf Salin et Nihat Karşin (« les requérants »), ont saisi la Cour le 4 août 2009 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Les requérants ont été représentés par Me B. Doğan, avocat à Istanbul. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent.

3. Les requérants se plaignent d’une violation des articles 3 et 13 de la Convention.

4. Le 5 septembre 2011, la requête a été communiquée au Gouvernement.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. Les requérants, MM. Yusuf Salin et Nihat Karşin, sont des ressortissants turcs, nés respectivement en 1982 et en 1985 et résidant à Tekirdağ.

A. L’arrestation et la garde à vue des requérants

6. Les requérants furent arrêtés le 20 août 2007 au cours d’une opération menée par les forces de l’ordre.

Le procès-verbal d’arrestation établi le même jour, à 23 heures, par les gendarmes, indiquait ce qui suit : à la suite de l’incendie d’un autobus à Zeytinburnu (Istanbul), la gendarmerie avait reçu des informations selon lesquelles des autobus seraient également incendiés à Esenyurt par cocktails Molotov ; à partir du 20 août 2007, des patrouilles de gendarmes en tenue civile avaient alors été mises en place ; ce même jour, vers 22 h 30, six individus de sexe masculin s’étaient enfuis alors qu’ils avaient en main des pochettes noires et des sacs blancs ; les gendarmes les avaient pris en filature et les avaient sommés de s’arrêter, d’abord en criant puis en utilisant un mégaphone ; les suspects n’avaient pas obtempéré et avaient continué à fuir ; après une course-poursuite, ils avaient été arrêtés au moyen d’une force proportionnée et équilibrée ; dans les pochettes et les sacs retrouvés abandonnés près d’une poubelle, les gendarmes avaient saisi des bidons d’eau de 10 litres, environ 2,5 litres d’essence, des bouteilles de bière en verre contenant de l’essence, un chiffon imbibé d’essence et des cocktails Molotov prêts à être utilisés. Le procès-verbal mentionnait l’identité des personnes arrêtées : M.F.E., N.Ş., M.S.B., Y.K., Yusuf Salin et Nihat Karşin. Les requérants et les autres individus arrêtés refusèrent de signer le procès-verbal ainsi établi par les gendarmes.

Un croquis sommaire des lieux fut également réalisé par les gendarmes.

7. La décision prise par le procureur de la République d’Istanbul le 22 août 2007 indiquait que les requérants et les autres individus avaient été placés en garde à vue du 20 août 2007 à 22 heures au 22 août 2007 à 22 heures pour appartenance à une organisation terroriste et détention de produits explosifs.

1. S’agissant du requérant Yusuf Salin

8. Le procès-verbal de fouille corporelle de Yusuf Salin établi le 20 août 2007 par les gendarmes et signé par le requérant mentionnait, entre autres, la saisie des objets suivants : un masque noir, un téléphone portable, un briquet, un lacet, une pièce d’identité et une liste de noms de personnes ayant notamment participé à des réunions.

9. Le procès-verbal établi le 21 août 2007 à 17 heures par les gendarmes indiquait ce qui suit : le 20 mai 2007, avant 23 heures, Yusuf Salin – à l’instar des autres individus arrêtés – avait crié dans les locaux de la gendarmerie, avait essayé de se blesser en s’agitant en tous sens et avait scandé « Bîji Apo, Kahrolsun asker » (Vive Abdullah Öcalan, À bas les militaires) ; il s’était adressé aux gendarmes d’un ton menaçant en leur disant « Savez-vous qui je suis ? Esenyurt sera étroit pour vous, nous sommes du PKK [organisation armée illégale], vous allez voir ce que signifie me placer en garde à vue, je vais vous demander des comptes, s’il le faut je vais me blesser et je vais porter plainte devant la Cour européenne des droits de l’homme, je vais vous faire muter » ; il s’était blessé en s’agitant en tous sens ; pour calmer et immobiliser le requérant et les autres individus arrêtés, une force suffisamment proportionnée avait été utilisée.

10. Le même procès-verbal comportait les informations suivantes : Yusuf Salin avait été arrêté alors qu’il était vêtu uniquement d’un short ; à son arrivée à la gendarmerie, il avait été informé qu’il pouvait appeler sa famille pour qu’elle lui apporte des vêtements ; il avait déclaré qu’il n’avait pas de famille dans les environs et que, de toute manière, il ne voulait pas de vêtements ; comme il faisait chaud, il était resté vêtu de son seul short ; puis les gendarmes lui avaient proposé de lui donner un pantalon et un tee-shirt, qu’il aurait finalement acceptés de porter.

11. Le procès-verbal de déposition de Yusuf Salin établi le 21 août 2007 à 20 h 27 par deux gendarmes, signé par le requérant et son avocat, indiquait ce qui suit : le requérant avait dit vouloir utiliser son droit de garder le silence ; il avait affirmé qu’il avait été torturé après son arrestation ; l’avocat de l’intéressé avait déclaré que son client avait été torturé, qu’il avait été frappé par quatre ou cinq personnes à coups de matraque et qu’il avait le nez fracturé, que ses testicules et son pénis avaient été pressés et qu’on avait introduit une matraque dans son anus à trois reprises ; l’avocat avait aussi déclaré qu’il avait lui-même constaté des traces de coups sur le corps de son client, que celui-ci avait des bleus sur différentes parties du corps et qu’il était vêtu uniquement d’un short.

12. Un premier rapport médical établi le 21 août 2007 par l’hôpital public de Büyükçekmece indiquait que Yusuf Salin présentait des égratignures et des ecchymoses sur le nez, ainsi que des hyperémies, des égratignures et des ecchymoses éparpillées sur une zone allant du dos vers l’épaule droite.

13. Un deuxième rapport médical établi le même jour par le même hôpital indiquait que Yusuf Salin avait une coupure superficielle sur le nez, des lésions pétéchiales sur l’épaule droite, des ecchymoses récentes sur le bras droit ainsi que sur le milieu de l’os scapulaire droit.

14. Le rapport médical établi le 22 août 2007 par le dispensaire d’Inönü indiquait que Yusuf Salin avait déclaré avoir été violé au moyen d’une matraque, sans possibilité de vérification de cette allégation. Il mentionnait aussi que le requérant présentait des ecchymoses sur le nez et l’épaule.

15. À la demande du procureur de la République de Büyükçekmece, un médecin de l’institut médicolégal de la même ville examina Yusuf Salin le 22 août 2007 à 15 heures, après avoir pris note des rapports médicaux établis respectivement par l’hôpital public et par le dispensaire. Dans son rapport médical, il mentionnait que Yusuf Salin avait déclaré avoir subi des violences pendant sa garde à vue : le requérant aurait été frappé avec une matraque sur le visage, la tête, les mains, le dos et les jambes, ses testicules et son pénis auraient été pressés et il aurait également subi une tentative de viol par voie anale au moyen d’une matraque. Le médecin notait que le requérant présentait les lésions suivantes : sur le nez, une égratignure de 1 x 1,5 cm qui commençait à former une croûte ; sous les yeux, des ecchymoses rouge-mauve résultant des coups reçus sur le nez ; sur l’arrière du bras droit, une ecchymose rouge-mauve de 6 x 8 cm ; sur l’épaule gauche, des égratignures de 3 cm, de 4,5 cm et de 5 cm ; des ecchymoses horizontales de 3,5 x 6 cm en forme de rails, de couleur rouge-mauve, sur le dos, dans la région inter scapulaire ; des ecchymoses mauves de 3 x 4 cm sur le bras gauche, de 5 x 5 cm sur l’arrière de la cheville droite et de 5 x 6 cm sur l’intérieur de la cheville gauche. Le rapport médical indiquait aussi que le requérant se plaignait de douleurs au pénis et aux testicules, mais qu’il ne présentait aucune lésion traumatique externe et que, en outre, la muqueuse anale et le sphincter étaient normaux. Le rapport médical concluait que l’intéressé pouvait être soigné par une intervention médicale simple et qu’il n’y avait pas de preuves matérielles d’un viol anal.

2. S’agissant du requérant Nihat Karşin

16. Le procès-verbal de fouille corporelle de Nihat Karşin établi le 20 août 2007 par les gendarmes et signé par le requérant indiquait, entre autres, la saisie des objets suivants : une cagoule (peçe), un téléphone portable, un briquet, un lacet et une pièce d’identité.

17. Le procès-verbal établi le 21 août 2007 à 17 heures indiquait ce qui suit : au moment de monter dans le véhicule des gendarmes, les individus arrêtés – dont Yusuf Salin et Nihat Karşin, qui devaient être emmenés pour un examen médical – avaient scandé « Bîji Apo, Yaşasın Kürdistan, Kahrolsun faşistler (Vive Apo ! [Abdullah Öcalan], Vive le Kurdistan ! À bas le fascisme !) » et avaient résisté aux gendarmes, puis ils avaient continué à scander des slogans malgré les avertissements des forces de l’ordre et avaient refusé de monter dans le véhicule ; les gendarmes avaient utilisé une force suffisante et proportionnée pour les faire taire, une altercation s’en était suivie et les individus avaient été mis dans le véhicule par la force.

18. Le procès-verbal de déposition de Nihat Karşin, établi le 21 août 2007 à 20 h 27 par deux gendarmes, signé par le requérant et son avocat, indiquait ce qui suit : l’intéressé avait utilisé son droit de garder le silence ; à 20 h 10, l’avocat avait indiqué que son client avait déclaré qu’il avait subi des mauvais traitements pendant sa garde à vue et qu’il souhaitait déposer une plainte devant le procureur de la République.

19. Un premier rapport médical établi le 21 août 2007 par l’hôpital public de Büyükçekmece indiquait que Nihat Karşin ne présentait pas de trace de coups ni de violences sur le corps.

20. Un deuxième rapport médical établi le même jour par le même hôpital indiquait que Nihat Karşin avait des blessures présentant des croûtes sur les coudes.

21. Le rapport médical établi le 22 août 2007 par le dispensaire d’Inönü indiquait que Nihat Karşin avait des ecchymoses sur les mains et une plaie ancienne (érosion des tissus) sur le coude droit et qu’aucune autre trace de coups ni de violences n’avait été constatée sur son corps. Il indiquait également que le requérant avait déclaré avoir été violé au moyen d’une matraque mais que cette allégation n’avait pas été éclaircie.

22. À la demande du procureur de la République de Büyükçekmece, l’institut médicolégal de la même ville examina Nihat Karşin le 22 août 2007, à 14 h 45, après avoir pris note des rapports médicaux établis respectivement par l’hôpital public et par le dispensaire. D’après le rapport médical établi par l’institut, Nihat Karşin avait déclaré que, pendant sa garde à vue, il avait été frappé avec une matraque sur l’intérieur des cuisses et les avant-bras, ainsi qu’à la tête, que des pressions avaient été exercées sur ses testicules et son pénis, mais qu’il n’avait pas subi de violences sexuelles. L’examen médical du requérant relevait les lésions suivantes : des zones sanguinolentes couvertes de pétéchies sur l’avant-bras gauche mesurant 8 à 11 cm de longueur et 0,3 cm de largeur, ainsi que des ecchymoses dont les zébrures s’entrecoupaient et qui résultaient de l’utilisation d’un objet dur ; sur l’intérieur de l’avant-bras droit, des zones ecchymotiques rouges de 0,5 x 12 cm de longueur et de 0,3 cm de largeur, similaires à celles constatées sur l’avant-bras gauche ; sur le coude droit, une plaie présentant une croûte de 1 x 1,5 cm ; sur l’os scapulaire gauche, une plaie présentant une croûte de 1 x 1 cm. L’examen relevait aussi une absence de lésion traumatique sur le scrotum et le pénis, ainsi que l’aspect normal de la muqueuse anale et du sphincter. Le rapport médical concluait que l’intéressé pouvait être soigné par une intervention médicale simple et qu’il n’y avait pas de preuves matérielles d’un viol anal.

B. L’audition des requérants par le procureur de la République

23. Le 23 août 2007, l’avocat des requérants contesta les rapports médicaux établis le 22 août 2007 au motif qu’ils ne reflétaient pas la réalité. Il demanda un examen de ses clients par la direction de l’institut médicolégal. Il reçut le jour même une copie de tous les rapports médicaux.

24. Le procès-verbal établi le 23 août 2007 à l’intention du procureur de la République mentionna la saisie des objets qui figuraient déjà comme pièces à conviction dans les procès-verbaux de fouille corporelle du 20 août 2007 et, en outre, celle des objets suivants :

– une cagoule noire, trouvée sur Nihat Karşin ;

– un bas de femme de couleur noire avec une ouverture, trouvé sur Yusuf Salin.

25. Toujours le 23 août 2007, assisté par un avocat, Yusuf Salin fut entendu par le procureur de la République. Il déclara ce qui suit : le 20 août 2007, vers 22 heures, alors qu’il attendait dans une rue d’Esenyurt, il avait assisté à une course-poursuite entre deux groupes de personnes ; une personne s’était approchée de lui et l’avait insulté ; il lui avait alors demandé de surveiller son langage et de ne pas l’insulter, et cette personne avait commencé à le frapper ; il y avait eu une altercation, puis il avait réussi à s’échapper ; alors qu’il était en train de fuir, cette personne l’avait sommé de s’arrêter en disant qu’elle était gendarme et qu’elle allait lui tirer dessus ; sur ce, il avait demandé à cette personne pour quelle raison elle ne lui avait pas tout de suite dit qu’elle était gendarme ; il avait ensuite été emmené manu militari à la gendarmerie. De plus, le requérant réfuta toute appartenance à l’organisation terroriste PKK et affirma qu’il n’était pas au courant pour les cocktails Molotov ou l’essence retrouvés.

26. En outre, Yusuf Salin déclara qu’il travaillait dans la décoration et qu’il utilisait une sorte d’écharpe faite à partir d’un collant de femme de couleur noire pour se protéger les yeux et le visage. Il contesta les faits qui lui étaient reprochés ainsi que les procès-verbaux d’inspection des lieux, d’arrestation et de saisie. Il soutint que, pendant sa garde à vue, il avait été torturé alors qu’il aurait eu les yeux bandés. Il aurait été complètement dévêtu par cinq personnes : il aurait été frappé aux organes génitaux ; ses testicules auraient été pressés ; deux personnes l’auraient fait se baisser sur une table et auraient tenté d’introduire une matraque dans son anus ; quelqu’un aurait déclaré que si une personne voulait avoir une relation sexuelle avec lui elle pouvait le faire.

27. Yusuf Salin indiqua aussi que, après l’examen médical du 22 août 2007 et après avoir rencontré son avocat, il avait été injurié par les gendarmes. Quant à son avocat, il précisa que le 21 août 2007, vers 17 heures, il avait demandé au procureur de la République de garde de faire examiner le requérant, que ce dernier n’avait été examiné que le 22 août 2007 à 16 heures et que les lésions avaient disparu avec l’écoulement du temps. L’avocat contesta le rapport médical établi et demanda que le requérant fût examiné par l’institut médicolégal. Enfin, l’avocat apposa une mention manuscrite sur le procès-verbal d’audition selon laquelle sa déclaration concernant les conditions dans lesquelles il s’était entretenu avec son client pendant la garde à vue n’avait pas été mentionnée dans le procès-verbal.

28. Le 23 août 2007, assisté par un avocat, Nihat Karşin fut entendu par le procureur de la République. Il indiqua qu’il habitait à l’adresse à laquelle il avait été arrêté. Il déclara ce qui suit : le jour de son arrestation, vers 22 heures, il était parti acheter un paquet de cigarettes et à son retour il avait vu Y.K. ; alors qu’il était en train de discuter avec celui-ci, des gendarmes s’étaient mis à courir ; l’un des gendarmes avait pointé une arme vers eux en leur demandant de s’allonger sur le sol ; ils s’étaient exécutés et ils avaient été emmenés à la gendarmerie. Nihat Karşin déclara aussi qu’il avait été frappé pendant le transport et pendant la garde à vue. Il ajouta qu’il avait été torturé par la suite : il aurait été placé dans une pièce, à part, et frappé sur les organes génitaux au moyen d’une matraque, et quelqu’un aurait également tiré sur ses organes sexuels avec les mains. Le requérant réfuta son appartenance à toute organisation terroriste, nia avoir agi avec le groupe de personnes arrêtées et affirma qu’il n’avait pas non plus préparé de produits explosifs. Quant à son avocat, il précisa que le 21 août 2007, vers 17 heures, il avait demandé au procureur de la République de garde de faire examiner le requérant, que celui-ci n’avait été examiné que le 22 août 2007 et que les lésions avaient disparu avec l’écoulement du temps. L’avocat contesta le rapport médical établi et demanda que le requérant fût examiné par l’institut médicolégal.

29. Le 23 août 2007, à 10 h 35, Yusuf Salin fut examiné par la direction de l’institut médicolégal de Beşiktaş (Istanbul). Le rapport établi par l’institut indiquait que le requérant avait déclaré avoir été battu lors de son transport à la gendarmerie puis pendant sa garde à vue : on lui aurait mis une matraque dans l’anus et il aurait reçu des coups de poing sur le nez. Le compte-rendu d’examen mentionnait que le requérant avait une égratignure présentant une croûte de 0,5 cm au milieu de la base du nez, des ecchymoses mauves et des œdèmes remontant à trois ou quatre jours sur le nez et sous les yeux, ainsi que de petites égratignures et des zones ecchymotiques sur le dos et sur l’épaule droite. L’institut demanda des examens supplémentaires pour la région anale, ainsi qu’une radiographie du nez pour établir un rapport médical définitif.

30. Le 23 août 2007 à 11 h 03, Nihat Karşin fut examiné lui aussi par la direction de l’institut médicolégal de Beşiktaş (Istanbul). Le rapport établi par l’institut indiquait que le requérant avait déclaré avoir été torturé et battu avec une matraque pendant sa garde à vue. Il mentionnait que le requérant présentait les lésions suivantes : une hyperémie d’une largeur de 1 cm aux avant-bras, allant des poignets aux coudes ; une plaie présentant une croûte de 2 cm sur le coude droit ; une plaie présentant une croûte de 1 cm et une trace d’une ancienne plaie sur le coude gauche. Le rapport médical précisait que les examens médicaux faits à l’hôpital public de Büyükçekmece montraient l’absence de nouvelles traces de coups et de blessures sur le corps du requérant.

31. Le 23 août 2007 à 18 h 30, à la demande du procureur de la République d’Istanbul, l’institut médicolégal d’Istanbul examina Nihat Karşin. Le rapport médical indiquait que le requérant présentait les blessures suivantes : une égratignure de 1 x 1 cm sur l’os scapulaire gauche ; une plaie ecchymotique de 0,5 x 1 cm sur l’intérieur du coude gauche ; juste en dessous de cette lésion, une ancienne plaie de 1,5 cm et, à 3 cm de cette plaie, une autre plaie présentant une croûte de 0,3 cm ; à l’intérieur du bras gauche, des ecchymoses rougeâtres de 6 cm et de 10 cm dont les zébrures s’entrecoupaient ; à l’intérieur du poignet gauche, une ecchymose rougeâtre de 0,5 x 2 cm ; une plaie présentant une croûte de 1 x 2 cm à l’extérieur du coude droit ; à l’extérieur du poignet droit, une ecchymose de 2 x 6 cm ; une égratignure de 0,5 cm sur l’avant de la jambe droite. Le rapport médical ne constatait rien de particulier sur le pénis et le scrotum.

32. Le 23 août 2007 à 18 h 59, à la demande du procureur de la République d’Istanbul, l’institut médicolégal de la même ville examina Yusuf Salin. Le rapport médical indiquait que ce dernier présentait les lésions suivantes : un léger œdème de 2 x 2 cm et une sensibilité sur le cuir chevelu ; autour des yeux, des ecchymoses de 2 x 5 cm côté gauche et de 3 x 5 cm côté droit ; près de la base du nez, une ecchymose présentant une croûte de 1,5 x 2 cm ; sur le nez, une ecchymose mauve-marron et de sensibilité intense ; entre les omoplates et au-dessus, des ecchymoses horizontales en forme de rails, mesurant 0,5 x 6 cm et 1 x 6 cm, ainsi qu’une ecchymose verte de 1,5 cm ; au-dessus de cette zone, une ecchymose de 0,5 x 3 cm et de 0,5 x 2 cm ; en dessous de cette zone, une ecchymose mauve de 0,5 x 3 cm ; en dessous de l’épaule droite, une ecchymose de 0,5 x 1 cm ; sur l’arrière du bras droit, une ecchymose de 6 x 8 cm de couleur mauve-vert ; des ecchymoses et des œdèmes sur la main gauche et les trois premiers doigts ; à l’intérieur du genou gauche, une ecchymose de 1 x 1 cm ; des ecchymoses et des œdèmes à l’extérieur des chevilles (de 5 x 6 cm à gauche et de 4 x 5 cm à droite). Le rapport médical indiquait que le requérant devait être examiné par un médecin ORL.

C. L’audition des requérants par le juge près la cour d’assises

33. Le 23 août 2007, un juge de la cour d’assises entendit les requérants et les quatre autres personnes arrêtées. Yusuf Salin réitéra sa déposition faite devant le procureur de la République.

34. De même, Nihat Karşin réitéra sa déposition faite devant le procureur de la République. Il déclara en outre que, pendant sa garde à vue, il avait été torturé par trois personnes : il aurait été frappé avec une matraque sur les cuisses, les mains et la tête. Il indiqua que le médecin de Büyükçekmece l’avait examiné correctement et que cela n’avait pas été le cas des deux autres médecins qui l’avaient vu.

35. Le juge ordonna le placement en détention des requérants.

36. Le 13 septembre 2007, la cour d’assises d’Istanbul ordonna le maintien en détention des requérants.

37. Le procès-verbal établi en septembre 2007 par le commandement de la gendarmerie de Büyükçekmece, se référant à deux rapports d’expertise établis le 4 septembre 2007 par le laboratoire de criminalistique de la direction de la sûreté, indiquait que les empreintes digitales relevées sur les objets saisis le jour de l’incident correspondaient à celles des deux requérants et que celles retrouvées sur une affiche étaient celles de Nihat Karşin.

D. La plainte pénale déposée contre les gendarmes pour mauvais traitements

38. Le 21 août 2007, l’avocat des requérants avait déposé une plainte auprès du procureur de la République d’Istanbul relativement aux prétendues tortures subies par ses clients. Concernant Yusuf Salin, l’avocat indiqua qu’il avait été frappé entre autres à l’aide d’une matraque, que son nez avait été fracturé, que ses testicules avaient été pressés et qu’il avait été violé au moyen d’une matraque. Il précisa que Yusuf Salin portait uniquement un short lorsqu’il l’avait vu, que son corps était couvert de bleus et qu’il lui avait dit qu’il allait être soumis un peu plus tard à un nouvel interrogatoire et à des violences. Concernant Nihat Karşin, l’avocat indiqua qu’il avait les mains et les bras rouges ainsi que des traces de coups de matraque, que ses testicules avaient également été pressés et qu’il s’était mis à pleurer lorsque lui-même lui avait demandé s’il avait été violé au moyen d’une matraque. Dans sa plainte, l’avocat demandait la soumission de ses clients à un examen des organes génitaux par l’institut médicolégal d’Istanbul et l’ouverture d’une enquête au sujet de leurs allégations de torture.

39. Le 9 novembre 2007, le gendarme H.Z.Ç. fut entendu par le procureur de la République. Il déclara ce qui suit : le jour de l’incident, des informations avait été reçues selon lesquelles les membres de l’organisation terroriste PKK allaient mener une action consistant en l’incendie des autobus municipaux ; il s’était rendu sur les lieux de l’incident avec son équipe ; les individus qu’ils voulaient arrêter ayant pris la fuite, les gendarmes les avaient poursuivis, puis ils les avaient arrêtés en utilisant la contrainte, conformément à leurs devoirs, et les avaient placés en garde à vue à la gendarmerie ; ces individus étaient en possession de cocktails Molotov ; lui-même n’avait frappé aucun individu placé en garde à vue.

40. Le 9 novembre 2007, les gendarmes C.Ç.B. et T.S. furent entendus par le procureur de la République. Ils confirmèrent la déposition faite par H.Z.Ç.

41. Par une ordonnance en date du 2 janvier 2008, le procureur de la République de Büyükçekmece rendit un non-lieu motivé comme suit : « les [requérants] ont été arrêtés au cours d’une opération menée contre une action des membres de l’organisation terroriste illégale PKK [qui avaient prévu] d’incendier des autobus ; au cours de cette arrestation, ils ont résisté aux forces de l’ordre, lesquelles ont fait usage de la force conformément à la loi no 2559 sur les attributions et obligations de la police ; en résistant, [les requérants] ont été blessés ; leurs blessures pouvaient être soignées par une intervention médicale simple ; la limite de la force utilisée n’a pas été dépassée par rapport à celle utilisée par [les requérants] ; il n’y a pas d’autres éléments de preuve de l’infraction reprochée aux forces de l’ordre. »

42. Le 24 juillet 2008, les requérants formèrent opposition contre cette ordonnance de non-lieu devant la cour d’assises d’Istanbul. En se référant aux lois nationales applicables ainsi qu’à l’article 3 de la Convention, ils soutenaient que le procureur de la République n’avait pas mené une enquête suffisante et adéquate : ledit procureur aurait rendu un non-lieu alors que les rapports médicaux établis – dont les requérants présentaient une copie à l’appui de leur recours – auraient démontré qu’ils avaient été torturés.

43. Le 18 février 2009, se référant aux motifs du non-lieu, aux éléments de preuve réunis et au contenu du dossier, la cour d’assises rejeta le recours en opposition formé par les requérants.

E. L’action pénale engagée contre les requérants

44. Le 10 septembre 2007, le procureur de la République avait intenté une action pénale entre autres contre les requérants des chefs d’appartenance à une organisation terroriste armée et de détention illégale de produits explosifs ou de produits similaires. Dans son acte d’accusation, le procureur indiquait que, à l’occasion du 15 août – date anniversaire de début de la lutte armée du PKK –, cette organisation terroriste avait décidé de mener une action consistant en l’incendie par cocktails Molotov des autobus de la municipalité d’Istanbul.

45. Par un arrêt du 30 décembre 2009, la douzième cour d’assises d’Istanbul condamna les requérants à une peine d’emprisonnement de trois ans et neuf mois ainsi qu’à une amende pénale de cinq mille livres turques pour détention illégale ou utilisation d’explosifs ou produits similaires. Elle les condamna également à une peine d’emprisonnement de six ans et trois mois pour avoir commis des infractions au nom de l’organisation terroriste armée PKK.

46. Le dossier ne contient pas d’informations sur la suite de la procédure.

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

47. L’article 25 de la loi no 2559 sur les attributions et obligations de la police, adoptée le 4 juillet 1934 et publiée au Journal officiel le 14 juillet 1934, dispose que, dans des zones où l’organisation de la police nationale est absente, la gendarmerie exerce les pouvoirs accordés par ladite loi (Ülüfer c. Turquie, no 23038/07, § 38, 5 juin 2012).

48. L’article 13 de la loi no 2559 sur les attributions et obligations de la police dispose dans sa partie pertinente en l’espèce :

« (...)

Sans porter atteinte à l’état de santé des personnes arrêtées, toute mesure doit être prise pour prévenir leur fuite ou bien leur passage à l’attaque.

(...)

L’état de santé des personnes arrêtées par l’usage de la force doit être constaté, au moment de leur arrestation, dans un rapport médical.

(...) »

49. L’article 16 de la même loi est ainsi libellé dans sa partie pertinente en l’espèce :

« Lorsque la police doit faire face à de la résistance lors de l’accomplissement de sa mission, elle peut faire usage de la force pour briser cette résistance et cela d’une manière proportionnée.

L’usage de la force signifie le recours à la force physique, à la force matérielle et aux armes pour immobiliser les contrevenants, d’une manière graduelle et proportionnée aux circonstances et au degré de résistance ou d’agression. »

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

50. Les requérants se plaignent de mauvais traitements qu’ils auraient subis de la part des gendarmes pendant leur garde à vue et d’une insuffisance de l’enquête menée par le procureur de la République. Ils invoquent les articles 3 et 13 de la Convention.

51. Eu égard à la formulation des griefs des requérants et maîtresse de la qualification juridique des faits de la cause, la Cour n’est pas liée par celle que leur attribuent les requérants (voir, entre autres, Guerra et autres c. Italie, 19 février 1998, § 44, Recueil des arrêts et décisions 1998‑I, et Scoppola c. Italie (no 2) [GC], no 10249/03, § 48, 17 septembre 2009). C’est pourquoi, elle décide de les examiner uniquement sous l’angle de l’article 3 de la Convention (Mimtaş c. Turquie, no 23698/07, § 31, 19 mars 2013), ainsi libellé :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

A. Sur la recevabilité

52. Le Gouvernement soulève une exception d’irrecevabilité tirée du non-épuisement des voies de recours internes, en deux branches. D’abord, conformément à l’article 125 de la Constitution, les requérants auraient pu engager une action en indemnisation contre l’administration devant les juridictions administratives. Ensuite, sur le fondement des dispositions pertinentes en l’espèce du code des obligations, ils auraient pu saisir les juridictions civiles d’une action en réparation pour les préjudices matériel et moral allégués.

53. Les requérants contestent l’exception d’irrecevabilité du Gouvernement en ses deux branches.

54. La Cour rappelle avoir déjà rejeté, dans des affaires présentant des circonstances similaires à celles de la présente espèce, une telle exception (voir, entre autres, İlhan c. Turquie [GC], no 22277/93, §§ 61-62, CEDH 2000‑VII, Karayiğit c. Turquie (déc.), no 63181/00, 20 septembre 2005, et Mecail Özel c. Turquie, no 16816/03, § 31, 14 avril 2009). Ayant examiné la présente affaire, elle considère que le Gouvernement n’a fourni aucun fait ni argument convaincant pouvant mener à une conclusion différente. Partant, elle rejette cette exception.

55. Constatant que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’elle ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour la déclare recevable.

B. Sur le fond

1. Arguments des parties

56. Les requérants réitèrent leurs allégations et contestent les arguments du Gouvernement. Ils se plaignent de mauvais traitements qu’ils disent avoir subis pendant leur garde à vue. Ils reprochent aux autorités de ne pas avoir indiqué, dans le procès-verbal d’arrestation, qu’ils ont été blessés au cours de cette dernière. Ils exposent qu’ils ont été examinés par un médecin deux heures et demie après leur arrestation et que les rapports médicaux successifs ont font état des tortures qu’ils auraient subies pendant leur garde à vue. Ils indiquent que les gendarmes ont établi des procès-verbaux selon lesquels ils s’étaient blessés eux-mêmes et avaient scandé des slogans et qu’il s’agirait là d’indications erronées. Ils affirment de même qu’un autre procès-verbal a été établi par les gendarmes après que leur avocat eut déclaré avoir vu Yusuf Salin uniquement vêtu d’un short.

57. Le Gouvernement explique qu’il ressort des pièces du dossier que les requérants étaient sur le point de lancer des cocktails Molotov sur les bus de la municipalité, qu’ils ont pris la fuite lors de leur arrestation et n’ont pas obtempéré aux sommations des gendarmes, qu’ils ont résisté aux gendarmes et que ceux-ci ont dû recourir à une force proportionnée pour les arrêter. Le Gouvernement soutient que les requérants se sont blessés eux-mêmes dans les locaux de la gendarmerie. Il ajoute qu’ils avaient refusé de monter dans le véhicule qui devait les conduire à l’institut médicolégal et que les gendarmes ont dû recourir à une force proportionnée pour les faire monter dans le véhicule. Pour le Gouvernement, aucun mauvais traitement n’a été délibérément infligé aux requérants.

58. Concernant les rapports médicaux, le Gouvernement explique que les requérants ont subi un examen médical lors de leur placement en garde à vue et à la fin de celle-ci, qu’ils ont été examinés par l’institut médicolégal, qu’il n’y avait aucune trace de coups ou blessures sur le corps de Nihat Karşin et que les traces constatées sur le corps de Yusuf Salin étaient minimes. Il précise que les examens médicaux n’ont pas confirmé les allégations de viol des requérants. Il indique que les ecchymoses constatées sur le corps des requérants ont été occasionnées lors de l’arrestation des deux hommes, pendant la course-poursuite, et que les médecins n’ont pas prescrit d’arrêt de travail pour incapacité temporaire aux intéressés.

59. Le Gouvernement indique que les membres de l’organisation terroriste PKK ont pris l’habitude de formuler des allégations selon lesquelles ils ont subi des mauvais traitements au cours de leur arrestation, qu’ils soutiennent ensuite que les blessures occasionnées dans ces circonstances leur ont été infligées délibérément par les forces de l’ordre et qu’ils agissent ainsi afin de saisir la Cour, en vue d’obtenir une indemnisation. Par ailleurs, le Gouvernement ajoute que, dans un autre contexte, différent de celui de la présente affaire, des individus avaient jeté des cocktails Molotov contre un autobus et avaient causé le décès d’une jeune fille en 2009.

2. Appréciation de la Cour

a) Sur les allégations de mauvais traitements

i. Principes généraux pertinents

60. La Cour rappelle que, lorsqu’un individu se trouve privé de sa liberté ou, plus généralement, se trouve confronté à des agents des forces de l’ordre, par exemple lors d’une arrestation, l’utilisation à son égard de la force physique alors qu’elle n’est pas rendue strictement nécessaire par son comportement constitue, en principe, une violation du droit garanti par l’article 3 de la Convention (Labita c. Italie [GC], no 26772/95, § 120, CEDH 2000‑IV), étant entendu que l’interdiction posée par cette disposition est absolue et vaut dans les circonstances les plus difficiles, telle la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, même en cas de danger public menaçant la vie de la nation (Selmouni c. France [GC], no 25803/94, § 95, CEDH 1999‑V).

61. La Cour a déjà admis que, en présence d’une résistance physique ou d’un risque de comportements violents de la part de personnes contrôlées, une forme de contrainte de la part des forces de l’ordre était justifiée (voir, parmi d’autres, Klaas c. Allemagne, 22 septembre 1993, § 30, série A no 269, Sarigiannis c. Italie, no 14569/05, § 61, 5 avril 2011). La Cour est arrivée aux mêmes conclusions dans des cas de « résistance passive » à une interpellation (Milan c. France, no 7549/03, § 59, 24 janvier 2008), de tentative de fuite face à la force publique (Caloc c. France, no 33951/96, §§ 100-101, CEDH 2000‑IX) ou d’un refus de fouille de la part d’un détenu (Borodin c. Russie, no 41867/04, §§ 119-121, 6 novembre 2012). Dans ce type de situations, il appartient alors à la Cour de rechercher si la force utilisée est proportionnée au but recherché. À cet égard, la Cour attache une importance particulière aux blessures qui ont été occasionnées aux personnes visées par l’intervention et aux circonstances précises dans lesquelles elles l’ont été (voir, parmi d’autres, Klaas, précité, §§ 26-30, Rehbock c. Slovénie, no 29462/95, § 72, CEDH 2000‑XII, R.L. et M.-J.D. c. France, no 44568/98, § 68, 19 mai 2004, et Perrillat-Bottonet c. Suisse, no 66773/13, § 41, 20 novembre 2014).

62. La Cour rappelle également que, dans le cas de personnes blessées alors qu’elles se trouvaient sous le contrôle d’autorités ou d’agents de l’État – par exemple pendant des opérations policières ou militaires –, la charge de la preuve incombe au gouvernement défendeur ; ainsi, c’est à celui-ci qu’il appartient de réfuter les allégations formulées à son endroit par des moyens appropriés et convaincants, et ce a fortiori lorsque les autorités ou les agents en question sont réputés être les seuls, d’une part, à connaître le déroulement exact des faits incriminés et, d’autre part, à avoir accès aux informations susceptibles, justement, de confirmer ou de réfuter de telles allégations (Mimtaş, précité, § 51).

ii Applications de ces principes en l’espèce

63. À titre liminaire, la Cour prend d’abord note des renseignements transmis par le Gouvernement au sujet du décès d’une jeune fille qui serait survenu lors d’un incident similaire à celui de la présente cause en 2009. Elle précise toutefois que sa tâche se limite à l’appréciation des circonstances propres à l’espèce (voir, mutatis mutandis, Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 152, CEDH 2000‑XI, Sadak et autres c. Turquie (no 1), nos 29900/96, 29901/96, 29902/96 et 29903/96, § 38, CEDH 2001‑VIII, Lutz c. France (no 1), no 48215/99, § 20, 26 mars 2002, et Karkın c. Turquie, no 43928/98, § 43, 23 septembre 2003).

64. En l’espèce, la Cour relève que les versions respectives des parties diffèrent quant au moment où les lésions constatées sur le corps des requérants sont survenues. En particulier, le Gouvernement, se fondant sur l’enquête pénale menée par le procureur de la République et les pièces versées au dossier, affirme que ces lésions ont été occasionnées au moment de l’arrestation des requérants, à la suite d’une course-poursuite. Quant aux requérants, ils soutiennent qu’ils ont subi des mauvais traitements de la part des gendarmes et ont donc été blessés pendant leur garde à vue.

65. Pour autant, la Cour relève que, eu égard à l’ensemble des circonstances de l’espèce, les rapports médicaux établis lors du placement en garde à vue – c’est-à-dire après l’incident litigieux – et à l’issue de la garde à vue indiquent que, en tout état de cause, les lésions ou les séquelles les moins graves constatées sur le corps des requérants atteignent le minimum de gravité requis pour tomber sous le coup de l’article 3 de la Convention.

66. En conséquence, la Cour va examiner les allégations des requérants à la lumière des observations des parties ainsi que des documents versés au dossier. À cet égard, la Cour a souligné à maintes reprises que, lorsque les événements en cause, dans leur totalité ou pour une large part, sont connus exclusivement des autorités, comme dans le cas des personnes soumises à leur contrôle en garde à vue, toute blessure survenue pendant cette période donne lieu à de fortes présomptions de fait (Salman c. Turquie [GC], no 21986/93, § 100, CEDH 2000-VII, et Ahmet Engin Şatır c. Turquie, no 17879/04, § 40, 1er décembre 2009). Elle rappelle aussi qu’il incombe au Gouvernement de produire des preuves établissant des faits qui font peser un doute sur le récit de la victime (Turan Çakır c. Belgique, no 44256/06, § 54, 10 mars 2009, et Sonkaya c. Turquie, no 11261/03, § 25, 12 février 2008).

67. La Cour constate d’abord que l’argument du Gouvernement consistant à dire que les lésions relevées sur le corps des requérants ont été occasionnées pendant l’arrestation de ces derniers en raison d’une résistance opposée aux gendarmes – qui auraient eu recours à une force proportionnée pour procéder à ladite arrestation – ne s’appuie pas sur des éléments de preuve contenus dans le dossier. Ainsi, à supposer que les requérants s’en soient pris physiquement ou avec une certaine violence aux forces de l’ordre, soit pour se défendre soit pour attaquer les gendarmes, la Cour note qu’il n’y a pas, par exemple, de rapports médicaux établis au nom de gendarmes faisant état de séquelles sur leurs corps à raison d’une force utilisée par les requérants pour leur résister lors de l’arrestation.

68. La Cour relève ensuite que les procès-verbaux d’arrestation établis par les gendarmes le 20 août 2007 et 21 août 2007 (respectivement paragraphes 6 et 9 ci-dessus) n’indiquent pas que les requérants avaient résisté ou s’en étaient pris au gendarmes lors de leur arrestation. Elle observe également qu’il ressort de l’ensemble des rapports médicaux présentés par les parties que les lésions ou blessures relevées sur le corps des requérants sont survenues, d’une part, lors de l’opération menée par les gendarmes le 20 août 2007, au moment de l’arrestation des intéressés, opérée à la suite de l’incident litigieux, et d’autre part pendant la garde à vue des deux hommes, qui s’est terminée le 22 août 2007. Ces constats sont confirmés par les différents rapports médicaux délivrés par les médecins de divers établissements médicaux. À la lumière de ces mêmes rapports, à supposer même que les intéressés eussent résisté aux gendarmes – comme le soutient le Gouvernement –, la Cour note que des traces importantes et de nombreuses lésions ou blessures ont été relevées sur le corps des requérants. Or, ces traces et lésions, qui figurent dans les divers rapports médicaux établis successivement par différents médecins dans un laps de temps de trois jours environ, ne sont pas décrites de manière identique. De plus, la gravité des blessures semble avoir augmenté d’un jour à l’autre. De surcroît, les rapports médicaux obtenus à des dates chronologiques successives font état de lésions qui ne sont pas indiquées dans les rapports médicaux initiaux, et ce pour les deux requérants. À cet égard, il convient de souligner par exemple que le rapport médical initial délivré le 21 août 2007 pour Nihat Karşin indiquait l’absence de trace de coups ou de violences sur le corps, alors que de nombreuses séquelles sur différentes parties du corps étaient mentionnées dans le rapport médical établi le 22 août 2007 au nom du même requérant.

69. Enfin, il ne ressort pas du CD présenté par le Gouvernement, comportant les enregistrements des caméras de surveillance de la rue où s’était déroulée l’arrestation litigieuse et des cellules de la gendarmerie que, d’une part, les requérants s’étaient blessés eux-mêmes et que, d’autre part, ils s’en étaient pris physiquement ou violemment aux gendarmes lors de leur arrestation ou bien pendant leur garde à vue. C’est pourquoi la Cour considère que les assertions du Gouvernement (paragraphe 56 ci-dessus) sur le déroulement des faits ne permettent pas de confirmer que les requérants s’en sont effectivement pris violemment aux gendarmes pendant leur arrestation ou leur garde à vue (voir, dans le même sens, Kaçak et Ebinç c. Turquie, no 54916/08, § 43, 7 janvier 2014, et, en sens contraire, Oyğur c. Turquie, no 6649/10, § 43, 5 mars 2013) ou bien qu’ils s’étaient blessés eux-mêmes (paragraphe 57 ci-dessus). À cet égard, la gendarmerie avait pour mission d’empêcher l’action envisagée par des membres du PKK (organisation armée illégale), à l’occasion du 15 août, consistant en l’incendie des autobus de la municipalité d’Istanbul. Dans ces conditions, les autorités auraient dû prendre les mesures nécessaires pour prévenir tout risque de débordement de cette action et pour encadrer tout éventuel usage de la force de la part des gendarmes devant participer à cette opération contre les potentiels membres du PKK ou les sympathisants de cette organisation pouvant participer à cette action.

70. En conséquence, la Cour n’est pas convaincue par les explications du Gouvernement quant à l’origine des séquelles relevées sur le corps des requérants ; en tout état de cause, elle estime que ces explications sont insuffisantes et lacunaires. Dans ce contexte, s’agissant de la décision de non-lieu rendue le 2 janvier 2008 par le procureur de la République selon laquelle les blessures constatées sur le corps des requérants étaient la conséquence de la résistance de ces derniers aux gendarmes lors de leur arrestation, la Cour n’accepte pas les conclusions dudit procureur, tirées des différents rapports médicaux soumis à son examen ; elle en déduit que les rapports médicaux en question n’ont pas été examinés avec toute la diligence et l’attention requises.

71. À la lumière de ces considérations, la Cour constate que les autorités internes compétentes chargées de mener une enquête au sujet des allégations de mauvais traitements subis par les requérants pendant leur garde à vue n’ont pas expliqué les incohérences qui viennent d’être relevées. Les arguments avancés par le Gouvernement ne permettent pas non plus d’expliquer ces incohérences.

72. Partant, eu égard aux blessures constatées sur le corps des requérants survenues pendant la garde à vue et à l’absence d’une explication plausible donnée par le Gouvernement à cet égard, la Cour conclut qu’il y a eu une violation matérielle de l’article 3 de la Convention.

b) Sur le caractère effectif des investigations menées

i. Arguments des parties

73. Les requérants soutiennent, en se référant aux motifs avancés dans sa décision de non-lieu par le procureur de la République, que celui-ci n’a pas mené une enquête effective et suffisante. À cet égard, ils affirment que ni eux ni les gendarmes impliqués n’ont été entendus, que les enregistrements des caméras de surveillance à l’intérieur et à l’extérieur des locaux de la gendarmerie n’ont pas été visionnés et qu’il n’y a pas eu non plus de confrontation entre eux et les gendarmes. Enfin, ils sont d’avis que le procureur de la République n’a pas pris en considération les différents rapports médicaux et qu’il n’a pas tiré de conclusions appropriées du contenu de ces rapports médicaux.

74. Le Gouvernement indique que, à la suite du dépôt d’une plainte par les requérants, le procureur de la République a mené une enquête pénale. Il précise ce qui suit : les requérants et les gendarmes ont été entendus ; ces derniers ont déclaré qu’ils avaient dû recourir à la force pour maîtriser les requérants mais qu’ils ne leur avaient à aucun moment infligé de mauvais traitements ; Yusuf Salin a déclaré qu’il n’avait pas obtempéré à la sommation des gendarmes et qu’il s’était quelque peu débattu avec les gendarmes ; Nihat Karşin a aussi fait des déclarations similaires. Le Gouvernement ajoute que le procureur de la République a mené une enquête sur la légalité et la nécessité de la force utilisée à l’égard des requérants et que les gendarmes ont eu recours à l’utilisation de la force conformément à la loi no 2559.

ii. Principes généraux pertinents

75. La Cour rappelle que, lorsqu’un individu affirme de manière défendable avoir subi, aux mains de la police ou d’autres services comparables de l’État, de graves sévices illicites et contraires à l’article 3 de la Convention, cette disposition, combinée avec le devoir général imposé à l’État par l’article 1 de la Convention de « reconnaître à toute personne relevant de [sa] juridiction, les droits et libertés définis (...) [dans la] Convention », requiert, par implication, qu’il y ait une enquête officielle effective (Assenov et autres c. Bulgarie, 28 octobre 1998, §§ 102-103, Recueil 1998‑VIII, Ay c. Turquie, no 30951/96, § 59-60, 22 mars 2005, El‑Masri c. l’ex-République yougoslave de Macédoine [GC], no 39630/09, § 182, CEDH 2012, et Mocanu et autres c. Roumanie [GC], nos 10865/09, 45886/07 et 32431/08, § 317, CEDH 2014 (extraits)). Cette enquête, à l’instar de celle résultant de l’article 2 de la Convention, doit pouvoir mener à l’identification et à la punition des responsables. S’il n’en allait pas ainsi, nonobstant son importance fondamentale, l’interdiction légale générale de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants serait inefficace en pratique, et il serait possible dans certains cas à des agents de l’État de fouler aux pieds, en jouissant d’une quasi-impunité, les droits de ceux soumis à leur contrôle (Labita, précité, § 131, et les références qui y sont citées ; et El-Masri, précité, § 182).

76. Rappelant la responsabilité des autorités concernant les individus placés sous leur contrôle, la Cour souligne que pareille situation de quasi‑impunité relève d’un manquement pour l’État à son obligation, au regard de l’article 3 de la Convention, de protéger toute personne en situation de vulnérabilité et confiée aux mains des agents des forces de l’ordre ou de l’établissement carcéral, sans que l’État puisse légitimement se prévaloir de l’acquittement des présumés responsables mis en cause par les victimes de mauvais traitements (voir, entre autres, Esen c. Turquie, no 29484/95, § 28, 22 juillet 2003) ou des difficultés inhérentes, par exemple, à la lutte contre le terrorisme ou le crime organisé (Aksoy c. Turquie, 18 décembre 1996, § 62, Recueil 1996-VI, et Mete et autres c. Turquie, no 294/08, § 122, 4 octobre 2011.

iii. Application de ces principes en l’espèce

77. En l’espèce, la Cour constate que, à la suite de la plainte déposée par les requérants, une enquête a été diligentée par le procureur de la République au sujet des mauvais traitements que les deux hommes disaient avoir subis de la part des gendarmes. Elle note que, dans le cadre de cette enquête, le procureur de la République a entendu les requérants et les gendarmes et qu’il a ordonné un examen médical complémentaire des requérants au sujet de leurs allégations de mauvais traitements. Toutefois, la Cour constate que le dossier est lacunaire et que le Gouvernement n’a pas présenté d’éléments de preuve pour réfuter les allégations des requérants. Ainsi, le dossier de l’affaire ne contient pas d’informations au sujet des examens supplémentaires ordonnés par l’institut médicolégal pour le requérant Yusuf Salin (paragraphes 29 et 32 ci-dessus), à savoir une radiographie du nez et un examen par un médecin ORL.

78. Elle note ensuite que le procureur de la République n’a pas examiné les rapports médicaux avec toute la diligence et l’attention requises et que, en outre, il a considéré que les requérants avaient résisté aux forces de l’ordre, sans toutefois en établir les circonstances précises. S’il est vrai que les gendarmes ont dû faire usage de la force conformément à la loi no 2559, la Cour rappelle que, étant donné le rôle clé que jouent les procureurs dans l’engagement des poursuites, il est légitime d’attendre de leur part qu’ils vérifient la conformité de l’intervention litigieuse à toutes les exigences légales en vigueur en la matière (Kop c. Turquie, no 12728/05, §§ 38-39, 20 octobre 2009). En particulier, ni le procureur de la République ni la cour d’assises n’ont cherché en l’espèce à donner une explication sur la manière dont les requérants avaient pu résister aux gendarmes. De plus, le procureur de la République s’est borné à se référer aux dispositions de la loi no 2559, sans examiner la réalité de la proportionnalité de la force utilisée contre les requérants (Serkan Yılmaz et autres c. Turquie, no 25499/04, § 25, 13 octobre 2009, et Klaas, précité, §§ 26-30).

79. Par ailleurs, la Cour a pris note de l’argument du Gouvernement selon lequel les médecins qui ont examiné les requérants n’ont pas prescrit d’arrêt de travail pour incapacité temporaire à ces derniers. Toutefois, la Cour relève que le procureur de la République n’a pas tiré de conclusions de cet élément de preuve. De même, toujours dans ce contexte, pour conclure qu’il n’y avait pas lieu de poursuivre les gendarmes en cause, le procureur de la République a relevé, à la décharge de ces derniers, que les blessures des requérants pouvaient être soignées par une intervention médicale simple.

80. Enfin, la Cour a également pris note du versement au dossier, par le Gouvernement, d’un CD comportant les enregistrements des caméras de surveillance de la rue où s’était déroulée l’arrestation des requérants et des cellules de la gendarmerie où les requérants avaient été placés en garde à vue. Cela étant, la Cour relève que dans sa décision de non-lieu le procureur de la République ne se réfère pas au visionnage de ces enregistrements. De plus, il ne ressort pas de la décision rendue par celui-ci que les requérants ont pu voir ou contester le contenu de ces enregistrements (voir, en sens contraire, Oyğur, précité, § 45).

81. Ces éléments suffisent à la Cour pour conclure qu’il y a eu violation des exigences procédurales de l’article 3 de la Convention.

II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

82. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

83. Les requérants réclament chacun 50 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’ils disent avoir subi.

84. Le Gouvernement conteste ces prétentions qu’il estime excessives.

85. La Cour considère qu’il y a lieu d’octroyer à chacun des requérants 10 000 EUR au titre du préjudice moral.

B. Frais et dépens

86. Les requérants demandent également 1 800 livres turques (TRY) pour les frais de correspondance avec la Cour ainsi que 1 200 TRY pour l’aide d’un avocat qui a secondé leur représentant. Ils ne présentent pas de justificatifs. Ils réclament également la somme de 3 600 TRY pour les frais d’honoraires de leur conseil, en se référant aux tarifs pratiqués par le barreau auquel celui-ci est rattaché.

87. Le Gouvernement conteste ces prétentions.

88. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, compte tenu des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence, la Cour rejette la demande au titre des frais et dépens pour la procédure devant elle.

C. Intérêts moratoires

89. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable ;

2. Dit qu’il y a eu violation du volet matériel de l’article 3 de la Convention ;

3. Dit qu’il y a eu violation du volet procédural de l’article 3 de la Convention ;

4. Dit,

a) que l’État défendeur doit verser à chacun des requérants, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 10 000 EUR (dix mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur, au taux applicable à la date du règlement, pour dommage moral ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 23 juin 2015, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Stanley NaismithAndrás Sajó
GreffierPrésident


Synthèse
Formation : Cour (deuxiÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-155369
Date de la décision : 23/06/2015
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Violation de l'article 3 - Interdiction de la torture (Article 3 - Traitement dégradant;Traitement inhumain) (Volet matériel);Violation de l'article 3 - Interdiction de la torture (Article 3 - Enquête efficace) (Volet procédural)

Parties
Demandeurs : SALİN ET KARŞİN
Défendeurs : TURQUIE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : DOGAN B.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

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