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24/03/2015 | CEDH | N°001-153026

CEDH | CEDH, AFFAIRE KÜÇÜKBALABAN ET KUTLU c. TURQUIE, 2015, 001-153026


DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE KÜÇÜKBALABAN ET KUTLU c. TURQUIE

(Requêtes nos 29764/09 et 36297/09)

ARRÊT

STRASBOURG

24 mars 2015

DÉFINITIF

24/06/2015

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Küçükbalaban et Kutlu c. Turquie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

András Sajó, président,
Işıl Karakaş,
Helen Keller,
Paul L

emmens,
Egidijus Kūris,
Robert Spano,
Jon Fridrik Kjølbro, juges,
et de Abel Campos, greffier adjoint de section,

Après en avoir délibéré en chambre du...

DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE KÜÇÜKBALABAN ET KUTLU c. TURQUIE

(Requêtes nos 29764/09 et 36297/09)

ARRÊT

STRASBOURG

24 mars 2015

DÉFINITIF

24/06/2015

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Küçükbalaban et Kutlu c. Turquie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

András Sajó, président,
Işıl Karakaş,
Helen Keller,
Paul Lemmens,
Egidijus Kūris,
Robert Spano,
Jon Fridrik Kjølbro, juges,
et de Abel Campos, greffier adjoint de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 3 mars 2015,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouvent deux requêtes (nos 29764/09 et 36297/09) dirigées contre la République de Turquie et dont deux ressortissants de cet État, Mme Aygül Küçükbalaban et M. Mehmet Kutlu (« les requérants »), ont saisi la Cour le 27 mai 2009 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Les requérants sont représentés par Me M.R. Tiryaki, avocat à Ankara. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») est représenté par son agent.

3. Le 23 avril 2010, les requêtes ont été communiquées au Gouvernement.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

4. Les requérants sont nés respectivement en 1972 et 1971 et résident à Ankara. Ils sont fonctionnaires de l’État et exercent le métier de professeur dans les écoles publiques du ministère de l’Éducation nationale. Ils sont également membres d’un syndicat établi dans le domaine de l’éducation (Eğitim ve Bilim Emekçileri Sendikası - Eğitim-Sen, [Syndicat des salariés de l’éducation et de la science]).

5. Le 15 février 2005, les requérants assistèrent à une manifestation ayant pour thème « La paix mondiale contre la guerre mondiale » et organisée par la Plateforme de la démocratie de Şanlıurfa – groupement civil rassemblant divers syndicats, associations et partis politiques, y compris le syndicat auquel ils sont affiliés.

6. Une enquête disciplinaire fut diligentée contre eux en raison de leur participation à ladite manifestation.

7. Par des décisions du comité de discipline départemental de la direction de l’éducation nationale de Şanlıurfa en date du 14 juin 2005, les requérants reçurent une sanction disciplinaire consistant en un gel de leur avancement de grade pendant une année, en application de l’article 125/D-o de la loi relative aux fonctionnaires de l’État. Les décisions de sanction indiquaient que les requérants avaient participé à une manifestation non autorisée organisée le 15 février 2005 à l’occasion de l’anniversaire de l’arrestation du chef d’une organisation illégale, qu’ils étaient des militants d’un parti politique et qu’ils agissaient en faveur de ce parti politique.

8. Les requérants furent également mutés dans d’autres villes à la suite de l’enquête disciplinaire diligentée à leur encontre.

9. À différentes dates, les requérants introduisirent devant les tribunaux administratifs des actions en annulation contre les sanctions disciplinaires reçues.

10. Le 20 juin 2006 et le 19 septembre 2006, le tribunal administratif de Gaziantep conclut qu’il s’agissait en fait d’une manifestation organisée par un parti politique. Dans ses motifs, il constata que les requérants avaient participé à cette manifestation non autorisée organisée par la Plateforme de la démocratie de Şanlıurfa et au cours de laquelle l’arrestation du chef d’une organisation illégale devait être commémorée, que les manifestants étaient des militants d’un parti politique et que la déclaration de presse au nom de la susdite plateforme était prononcée par le représentant d’un parti politique. Considérant que les requérants avaient commis l’acte décrit à l’article 125/D-o de la loi no 657 relative aux fonctionnaires de l’État, à savoir « agir en faveur ou en défaveur d’un parti politique », le tribunal administratif confirma les sanctions disciplinaires.

11. Les requérants se pourvurent en cassation.

12. Par des arrêts des 30 octobre 2008 et 22 octobre 2008, notifiés aux requérants le 28 novembre 2008, le Conseil d’État confirma les jugements attaqués. Avant la délibération de ces arrêts, le juge rapporteur et le procureur près le Conseil d’État, sans apporter aucun nouvel argument, avaient émis les avis selon lesquels il n’y avait aucune raison légale pour infirmer les arrêts de première instance.

II. LE DROIT INTERNE PERTINENT

13. L’article 125 de la loi no 657 du 14 juillet 1965 sur les fonctionnaires de l’État dispose :

« Les sanctions disciplinaires infligeables aux fonctionnaires de l’État ainsi que les actes et situations appelant leur infliction sont ceux qui suivent :

(...)

D - Gel de l’avancement de grade : Le gel de l’avancement de grade du fonctionnaire d’un à trois ans en fonction de la gravité de son acte.

Les actes et situations à sanctionner par le gel de l’avancement de grade sont les suivants :

(...)

o) l’action en faveur ou en défaveur d’un parti politique ;

(...) »

EN DROIT

I. SUR LA JONCTION DES AFFAIRES

14. Eu égard à leur similitude quant aux faits et aux questions juridiques qu’elles posent, la Cour décide, en application de l’article 42 § 1 de son règlement, de joindre les requêtes afin de les examiner conjointement dans un seul et même arrêt.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 11 DE LA CONVENTION

15. Les requérants allèguent qu’ils avaient simplement participé à une manifestation organisée par le syndicat dont ils étaient membres. Partant de là, ils considèrent que les sanctions disciplinaires qui leur ont été infligées, consistant dans le gel de tout avancement de grade, ont constitué une atteinte à leur droit à liberté d’association tel que prévu par l’article 11 de la Convention, ainsi libellé :

« 1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts.

2. L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. Le présent article n’interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l’exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l’administration de l’État. »

16. Le Gouvernement combat cette thèse.

A. Sur la recevabilité

17. Le Gouvernement soulève une exception d’irrecevabilité tirée du non-épuisement des voies de recours internes. Il reproche aux requérants de ne pas avoir formé de recours en rectification de l’arrêt devant le Conseil d’État.

18. Les requérants contestent l’exception du Gouvernement.

19. La Cour rappelle qu’une telle exception a déjà été examinée et rejetée (voir, entre autres, Karaduman c. Turquie, (dec.) no 16278/90, 3 mai 1993 et Ünal Tekeli c. Turquie (déc.), no 29865/96, 1er juillet 2003). La Cour considère que le Gouvernement n’a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent.

20. Partant, la Cour rejette l’exception du Gouvernement tirée du
non-épuisement des voies de recours internes.

21. Constatant que le présent grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

B. Sur le fond

1. Sur l’existence d’une ingérence

22. Les requérants allèguent que les sanctions, consistant en un gel de l’avancement de grade, qui leur ont été infligées pour avoir participé à la manifestation qui s’était déroulée de manière pacifique s’analysent en une ingérence dans leur droit à la liberté d’association.

23. Le Gouvernement rétorque que les requérants ont fait l’objet d’une sanction disciplinaire non pas en raison de leur affiliation à une organisation syndicale mais parce qu’ils ne sont pas venus au travail.

24. La Cour rappelle d’abord que la disposition légale sur laquelle les autorités administratives se sont appuyées pour sanctionner les requérants est l’article 125/D-o de la loi relative aux fonctionnaires de l’État. Or, cette disposition réprime bien tous actes des fonctionnaires de l’État « en faveur ou en défaveur d’un parti politique » et non les manquements aux devoirs du service, tels que l’absence non justifiée du poste de travail, comme allégué par le Gouvernement.

25. Eu égard aux circonstances de l’affaire, la Cour considère que les sanctions ont bien été infligées aux requérants pour avoir agi en faveur d’un parti politique. Maîtresse de la qualification juridique des faits de la cause (Tarakhel c. Suisse [GC], no 29217/12, § 55, 4 novembre 2014), elle estime que la mesure litigieuse doit être considérée comme une ingérence dans le droit des requérants à la liberté de réunion pacifique.

2. Sur la justification de l’ingérence

26. La Cour rappelle que pareille ingérence enfreint l’article 11 de la Convention, sauf si elle était « prévue par la loi », dirigée vers un ou des buts légitimes au regard du paragraphe 2 de cet article et « nécessaire, dans une société démocratique », pour les atteindre.

a. Sur la question de savoir si l’ingérence était « prévue par la loi »

27. La Cour constate qu’il n’est pas contesté par les parties que le gel de l’avancement de grade infligé aux requérants était conforme à l’article 125/D-o de la loi n 657. La mesure disciplinaire litigieuse avait donc bien un fondement légal.

b. Sur la question de savoir si l’ingérence poursuivait un ou des buts légitimes

28. Le Gouvernement soutient que l’ingérence avait pour but la protection de la sécurité nationale, le maintien de la sûreté publique et la défense de l’ordre. Les requérants ne se prononcent pas sur ce point.

29. Tout en ayant des doutes au sujet de la légitimité des buts poursuivis par les mesures prises à l’égard du requérant, la Cour partira de l’hypothèse que l’ingérence visait le but légitime de protection de la « défense de l’ordre ».

c. Sur la question de savoir si l’ingérence était « nécessaire dans une société démocratique »

i. Arguments des parties

30. Le Gouvernement soutient que l’infliction de sanctions disciplinaires aux requérants pour avoir participé à une manifestation et avoir été absents de leur travail sans en informer les autorités concernées ni présenter d’excuses répond à un besoin social impérieux. Il considère que ces sanctions étaient proportionnées, dans la mesure où les requérants auraient pu s’exprimer d’autres façons.

31. Les requérants contestent les arguments du Gouvernement et réitèrent leurs allégations. Ils soutiennent que la sanction qui leur a été infligée, le gel de l’avancement de grade, avait pour motif leur participation à une manifestation organisée par leur syndicat et non pas leur absence du travail. Ils rappellent que cette sanction est la plus lourde avant la révocation.

ii. Appréciation de la Cour

32. La Cour note d’abord qu’en l’espèce, les requérants ont participé à une manifestation organisée par un groupement civil auquel s’était joint le syndicat dont ils étaient membres. Ce groupement civil comprenait divers syndicats, associations et partis politiques. En raison de leur participation à cette manifestation, les requérants se sont vu infliger comme sanction disciplinaire le gel de tout avancement de grade en application de l’article 125/D-o de la loi no 657 relative aux fonctionnaires de l’État, disposition qui réprime le fait d’« agir en faveur ou en défaveur d’un parti politique ».

33. La Cour relève ensuite que les requérants ont été sanctionnés en raison de leur participation à la manifestation en cause. Il ressort des décisions de sanction qu’il leur était reproché d’être des militants d’un parti politique et d’avoir agi en faveur dudit parti. Cela ressort aussi des décisions des tribunaux internes, qui ont exposé dans leurs motifs divers actes politiques accomplis par des militants d’un parti politique déterminé lors de la manifestation litigieuse (paragraphe 10 ci-dessus).

34. La Cour considère qu’une mesure dont le but est de maintenir la neutralité politique d’une catégorie précise de fonctionnaires peut en principe être considérée comme légitime et proportionnée aux buts de l’article 11 de la Convention (voir, mutatis mutandis, Ahmed et autres c. Royaume-Uni, 2 septembre 1998, § 63, Recueil des arrêts et décisions 1998‑VI). Cependant, une telle mesure ne devrait pas être appliquée d’une manière générale pouvant effectivement porter atteinte à l’essence même du droit à la liberté de réunion et d’association, sans tenir dûment compte des fonctions et du rôle du fonctionnaire de l’État en question et, en particulier, des circonstances particulières de chaque affaire.

35. La Cour note premièrement qu’il ressort clairement des faits de la cause que les requérants ont été sanctionnés sur le fondement de l’article 125/D-o de la loi no 657 qui s’applique à tous les fonctionnaires de l’État sans faire de distinction fondée sur leur fonction ou leur rôle au sein de l’administration. Deuxièmement, il n’est pas contesté par le Gouvernement que la manifestation à laquelle les requérants ont pris part était pacifique. Troisièmement, les requérants ont participé à la manifestation litigieuse d’une manière purement passive, sans exprimer des opinions politiques d’une nature telle qu’elles pourraient mettre en cause leur qualité professionnelle pour exercer leur métier de professeur dans les écoles publiques. Du reste, le Gouvernement ne démontre pas par quels actes qui leur seraient attribuables les requérants auraient agi en faveur d’un parti politique déterminé lors de ladite manifestation. La Cour est donc d’avis que la participation des requérants à cette manifestation pacifique doit être considérée dans le cadre de l’exercice de leur liberté de manifester. Elle estime qu’en se joignant à cette manifestation, les requérants ont usé de leur liberté de réunion pacifique (Ezelin c. France, 26 avril 1991, § 41, série A no 202 et Enerji Yapı-Yol Sen, no [68959/01](http://hudoc.echr.coe.int/sites/eng/Pages/search.aspx#%7B%22appno%22:%5B%2268959/01%22%5D%7D), § 32, 21 avril 2009).

36. À la lumière de ce qui précède, la Cour estime que le Gouvernement n’a pas démontré que l’application de l’interdiction générale de l’article 125/D-o de la loi no 657 constituait une mesure proportionnée conformément à l’article 11 § 2 de la Convention, compte tenu des fonctions des requérants dans la fonction publique et des circonstances spécifiques de leur participation à la manifestation pacifique du 15 février 2005. Partant, la Cour conclut que les sanctions disciplinaires infligées aux requérants ont porté atteinte au droit à la liberté des requérants de participer à une manifestation pacifique.

37. Par ailleurs, la Cour rappelle que la nature et la lourdeur des sanctions infligées sont aussi des éléments à prendre en considération lorsqu’il s’agit de mesurer la proportionnalité d’une ingérence (voir, mutatis mutandis, parmi beaucoup d’autres, Guja c. Moldova [GC], no 14277/04, § 95, 12 février 2008, et Heinisch c. Allemagne, no 28274/08, § 91, 21 juillet 2011). En l’espèce, elle note la sévérité de la sanction infligée aux requérants, à savoir le gel de l’avancement de grade. Il s’agit de la sanction la plus grave susceptible d’être infligée à un fonctionnaire de l’État avant la révocation. Une telle sanction est de nature à dissuader les membres de syndicats de participer à des manifestations pacifiques (voir, mutatis mutandis, Karaçay c. Turquie, no 6615/03, § 37, 27 mars 2007, Kaya et Seyhan c. Turquie, no 30946/04, § 30, 15 septembre 2009, et Şişman et autres c. Turquie, no 1305/05, § 34, 27 septembre 2011).

38. Partant, la Cour conclut que les sanctions infligées aux requérants n’étaient pas « nécessaire(s) dans une société démocratique ».

39. Il y a donc eu violation de l’article 11 de la Convention.

III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

40. Les requérants dénoncent une violation du principe de l’égalité des armes en raison de l’absence de communication des avis du juge rapporteur et du procureur près le Conseil d’État. Ils invoquent l’article 6 § 1 de la Convention, dont le passage pertinent se lit ainsi :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

41. Le Gouvernement conteste cette thèse.

42. La Cour note d’abord qu’en l’espèce, les avis du juge rapporteur et du procureur près le Conseil d’État ne contenaient aucune nouvelle argumentation. Elle rappelle ensuite qu’elle avait déjà examiné et déclaré irrecevable un grief similaire dans l’affaire Kılıç et autres c. Turquie ((déc.), no 33162/10, § 32, 3 décembre 2013). En l’absence d’argument ou fait pouvant mener à une conclusion différente dans le présent cas, la Cour déclare ce grief irrecevable en application de l’article 35 § 3 b) de la Convention.

IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

43. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

44. La requérante Aygül Küçükbalaban réclame 10 750 EUR au titre du préjudice matériel qu’elle aurait subi en raison de sa mutation dans une autre ville. Les requérants réclament également 50 000 EUR pour le préjudice moral qu’ils auraient subi.

45. Le Gouvernement conteste ces prétentions.

46. La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué par la requérante Aygül Küçükbalaban et rejette cette demande. En revanche, elle considère qu’il y a lieu d’octroyer à chacun des requérants 1 500 EUR au titre du préjudice moral.

B. Frais et dépens

47. Les requérants demandent également 2 900 EUR pour les frais et dépens engagés devant les juridictions internes et ceux engagés devant la Cour. Ils ne fournissent aucun document à ce titre.

48. Le Gouvernement conteste ces prétentions.

49. Faute de justificatifs, la Cour rejette la demande relative aux frais et dépens.

C. Intérêts moratoires

50. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Décide de joindre les requêtes ;

2. Déclare les requêtes recevables quant au grief tiré de l’article 11 et irrecevables pour le surplus ;

3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 11 de la Convention ;

4. Dit

a) que l’État défendeur doit verser à chacun des requérants, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 1 500 EUR (mille cinq cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral, cette somme étant à convertir en livres turques, au taux applicable à la date du règlement ;

b) qu’à compter de l’expiration de ce délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 24 mars 2015, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Abel CamposAndrás Sajó
Greffier adjointPrésident


Synthèse
Formation : Cour (deuxiÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-153026
Date de la décision : 24/03/2015
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Violation de l'article 11 - Liberté de réunion et d'association (Article 11-1 - Liberté de réunion pacifique)

Parties
Demandeurs : KÜÇÜKBALABAN ET KUTLU
Défendeurs : TURQUIE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : TIRYAKI M.R.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

Source

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