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22/07/2014 | CEDH | N°001-145707

CEDH | CEDH, AFFAIRE TÜFEKÇİ c. TURQUIE, 2014, 001-145707


DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE TÜFEKÇİ c. TURQUIE

(Requête no 52494/09)

ARRÊT

STRASBOURG

22 juillet 2014

DÉFINITIF

22/10/2014

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Tüfekçi c. Turquie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

Guido Raimondi, président,
Işıl Karakaş,
András Sajó,
Helen Keller,
Paul Lemmens,
Robert

Spano,
Jon Fridrik Kjølbro, juges,
et de Abel Campos, greffier adjoint de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 24 juin et 1er juillet 201...

DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE TÜFEKÇİ c. TURQUIE

(Requête no 52494/09)

ARRÊT

STRASBOURG

22 juillet 2014

DÉFINITIF

22/10/2014

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Tüfekçi c. Turquie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

Guido Raimondi, président,
Işıl Karakaş,
András Sajó,
Helen Keller,
Paul Lemmens,
Robert Spano,
Jon Fridrik Kjølbro, juges,
et de Abel Campos, greffier adjoint de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 24 juin et 1er juillet 2014,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 52494/09) dirigée contre la République de Turquie et dont un ressortissant de cet État, M. Abidin Aydın Tüfekçi (« le requérant »), a saisi la Cour le 17 septembre 2009 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant a été représenté par Me A. Sayılır, avocat à Ankara. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent.

3. Le 15 septembre 2010, la requête a été communiquée au Gouvernement.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

4. Le requérant est né en 1966 et réside à Ankara.

5. Le 20 novembre 2008, la confédération des syndicats des travailleurs de la fonction publique (Kamu Emekçileri Sendikalar Konfederasyonu (KESK)) et la confédération des syndicats ouvriers révolutionnaires (Devrimci İşçi Sendikaları Konfederasyonu (DİSK)) organisèrent à Sıhhiye, à Ankara, une manifestation pour protester contre le chômage, la pauvreté et l’augmentation des prix. Des milliers de personnes y participèrent.

6. Le requérant, enseignant et membre du syndicat des travailleurs de l’éducation, faisait partie d’un groupe de cinquante personnes chargées d’assurer le bon déroulement de cette manifestation.

7. Lors de la fouille à l’un des points de contrôle, des échauffourées survinrent entre environ 100 manifestants et les forces de l’ordre.

8. Au cours de cet événement, le requérant fut blessé par une pierre, reçue au visage.

9. Il fut conduit à l’hôpital public d’Ankara où on lui donna les premiers soins.

10. Selon les rapports médicaux établis les 29 novembre et 2 décembre 2008, l’intéressé présentait une fracture nasale. Un arrêt de travail de 7 jours fut prescrit.

11. Le 5 décembre 2008, le requérant déposa plainte contre les policiers chargés d’assurer la sécurité de la manifestation en question, ainsi que contre leurs supérieurs qui avaient ordonné le recours à la force.

12. L’intéressé soutint notamment que les policiers n’avaient pas employé la force en « dernier recours » et n’avaient pas pris les mesures pour qu’un tel usage de la force ne soit pas nécessaire. À ses yeux, avant de recourir à la force, il était possible de calmer la situation en négociant avec les organisateurs de la manifestation. Toutefois, les policiers étaient intervenus dans une manifestation légale et avaient fait usage d’une force non nécessaire et manifestement excessive en lançant des gaz lacrymogènes et des pierres sur les manifestants.

13. Le 5 janvier 2009, le procureur de la République d’Ankara transféra le dossier à la préfecture d’Ankara aux fins d’obtenir l’autorisation d’ouvrir des poursuites pénales contre les policiers.

14. Le 4 février 2009, l’inspecteur de police H.A. fut nommé en tant qu’enquêteur.

15. Une enquête préliminaire fut initiée à l’égard de six policiers. Leurs dépositions furent accueillies. Le requérant fut également entendu.

16. L’inspecteur rendit son rapport le 19 février 2009. Il estima qu’il n’y avait pas lieu d’autoriser l’ouverture d’une enquête pénale à l’égard des policiers mis en cause.

17. Par un arrêté du même jour – le 19 février 2009 –, le préfet d’Ankara, se fondant sur le rapport de l’inspecteur, décida de ne pas autoriser l’ouverture d’une poursuite pénale contre les policiers en question.

18. Cet arrêté était susceptible d’opposition devant les tribunaux administratifs.

19. Par une décision notifiée au requérant le 9 avril 2009, le procureur de la République d’Ankara, se fondant sur l’arrêté préfectoral du 19 février 2009, classa l’affaire sans suite. Les parties pertinentes de cette décision sont libellées comme suit :

« (...) vu le rapport du 19 février 2009 remis à la préfecture d’Ankara en application des articles 3-6 de la loi no 4483, et dont il ressort que :

– Le 29 novembre 2008, lors d’une manifestation organisée à Sıhhiye (...), un groupe portant des banderoles refusa de se soumettre à la fouille corporelle et se mit à agresser les forces de l’ordre, en les attaquant avec des bâtons et en lançant des pierres. (...) Un autre groupe provoqua un incident au boulevard de Strasbourg et agressa les forces de l’ordre. Notamment, [ce groupe] tenta d’arracher et de casser les pavés de la rue, causa des dommages aux véhicules et bâtiments, et continua d’attaquer les forces de l’ordre. [...] Les forces de l’ordre firent usage de gaz lacrymogène et, étant donné les circonstances, cet acte est conforme à la loi no 2559 sur les fonctions et compétences de la police (...)

Vu la décision [du préfet] du 19 février 2009 refusant d’autoriser l’engagement des poursuites contre les intéressés.

À la suite de la notification de cette décision et compte tenu du rapport préliminaire et de ses annexes, ainsi que des procès-verbaux des dépositions, il est jugé que cette décision est pertinente et conforme au contenu des pièces du dossier et aux circonstances de l’espèce. [Au demeurant], cette décision n’a fait l’objet d’aucune opposition.

À la lumière de ce qui précède, il est décidé de classer l’affaire, conformément à la décision [du préfet] de ne pas autoriser l’engagement des poursuites. »

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

20. La loi no 4483 du 2 décembre 1999 relative au jugement des fonctionnaires et autres agents publics détermine les personnes compétentes pour autoriser l’ouverture de poursuites pénales à l’encontre des fonctionnaires pour des infractions commises dans le cadre de leurs fonctions, ainsi que la procédure à suivre.

21. Selon cette loi, lorsque le procureur de la République est saisi d’une plainte contre un fonctionnaire, il doit renvoyer l’affaire à l’autorité administrative compétente pour que l’ouverture d’une enquête pénale soit autorisée (sauf en cas de flagrant délit pour des infractions passibles de peines de prison ferme).

22. L’autorité administrative compétente peut instruire l’enquête elle-même, comme elle peut désigner un inspecteur ou, le plus souvent, un supérieur hiérarchique du fonctionnaire mis en cause.

23. La personne qui procède à l’enquête (« l’enquêteur ») dispose de tous les pouvoirs des inspecteurs ministériels et de la personne qui l’a désignée. L’enquêteur procède à tous les actes d’enquête nécessaires. Au terme de son enquête, il rédige un rapport qu’il remet à l’autorité compétente.

24. À la lumière des conclusions de ce rapport, l’autorité administrative compétente autorise ou non l’ouverture des poursuites pénales. Sa décision doit être motivée.

25. Les décisions rendues par les organes administratifs compétents sur les demandes d’ouverture d’enquêtes pénales formulées par les parquets et mettant en cause un fonctionnaire sont susceptibles d’opposition dans un délai de dix jours. Les juridictions administratives sont seules compétentes pour connaître de telles oppositions. Leurs décisions sont définitives.

26. Si l’opposition est accueillie, le dossier de l’affaire est directement envoyé au procureur de la République, qui ouvre une enquête pénale. Il en va de même, lorsqu’aucune opposition n’est formée contre une décision administrative autorisant l’ouverture des poursuites pénales.

27. Si l’opposition est rejetée, le parquet est lié par la position des juges et ne peut que classer l’affaire sans suite ; il s’agit là d’un acte purement formel, qui se borne à entériner la décision définitive de l’organe administratif.

28. Jusqu’à la promulgation de la loi d’amendement no 4778 du 2 janvier 2003, la procédure susmentionnée s’appliquait à toute forme de délit commis dans l’exercice de fonctions publiques (à l’exception toujours, comme précisé au paragraphe 21 ci-dessus, des cas de flagrant délit pour des infractions passibles de peines de prison ferme). Depuis cette date, selon l’article 2 de la loi no 4483, les poursuites pour mauvais traitements (article 243 de l’ancien code pénal, et articles 94 et 95 du nouveau code pénal du 26 septembre 2004) et pour recours excessif à la force (article 245 de l’ancien code pénal et article 256 du nouveau code pénal) par des agents de l’État sont exclues du champ d’application de la loi no 4483.

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

29. Invoquant les articles 2, 3, 6 et 13 de la Convention, le requérant allègue avoir été victime de violences policières lors d’une manifestation. À ses yeux, alors que les autorités ont le devoir de prendre les mesures nécessaires pour toute manifestation légale afin d’en garantir le bon déroulement, les forces de l’ordre sont intervenues contre la manifestation, pourtant légale, et ont fait usage d’une force non nécessaire et manifestement excessive, d’autant plus qu’elles ont jeté des pierres aux manifestants. Il se plaint aussi d’un défaut d’enquête approfondie au sujet de ses allégations. Il déplore notamment le fait que le parquet compétent ait décidé de classer sa plainte sans procéder au moindre acte d’investigation, sur la base d’une enquête menée par la préfecture.

30. Le Gouvernement conteste les allégations et thèses du requérant.

31. Eu égard à la formulation des griefs du requérant, la Cour estime qu’il convient d’examiner la requête uniquement sous l’angle de l’article 3 de la Convention. Cette disposition est ainsi libellée :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

A. Sur l’exception du Gouvernement tirée du non-épuisement des voies de recours internes

32. Le Gouvernement excipe du non-exercice de la voie d’opposition qui était ouverte devant les juridictions administratives contre l’arrêté préfectoral du 19 février 2009.

33. La Cour a déjà rejeté pareille exception préliminaire dans des affaires similaires eu égard au fait que la voie d’opposition administrative dont il s’agit ne pouvait, en tant que telle, passer pour adéquate, dans la mesure où elle ne pouvait entraîner qu’un examen sur la forme, excluant les questions de fond, et qu’en tout état de cause, elle ne pouvait permettre de lever les doutes sérieux maintes fois soulevés par la Cour quant au manque d’indépendance des organes administratifs d’enquête vis-à-vis de l’exécutif (Uyan c. Turquie (no 2), no 15750/02, § 49, 21 octobre 2008, et notamment les références qui y figurent ; voir aussi Sunal c. Turquie, no 43918/98, § 60, 25 janvier 2005 ; Kanlıbaş c. Turquie, no 32444/96, § 50, 8 décembre 2005 ; Nazif Yavuz c. Turquie, no 69912/01, § 49, 12 janvier 2006 ; et Sultan Öner et autres c. Turquie, no 73792/01, § 143, 17 octobre 2006). En l’espèce, ne décelant aucun argument qui lui permettrait de se départir de ses précédentes conclusions, elle rejette l’exception préliminaire du Gouvernement.

B. Sur le volet matériel de l’article 3 de la Convention

34. Le requérant réaffirme avoir été blessé au nez par une pierre jetée par les policiers.

35. Le Gouvernement conteste la version des faits donnée par le requérant. Il soutient que les policiers n’ont pas jeté de pierres contre les manifestants, et se sont contentés de faire usage des canons à eau et de grenades lacrymogènes. Le Gouvernement estime que les forces de l’ordre ont agi conformément à la loi, à savoir l’article 16 de la loi no 2559 sur les attributions et obligations de la police, afin de calmer les manifestants, qui avaient un comportement violent. À cet égard, il se réfère aux enregistrements de l’incident où on voit un groupe jeter des pierres sur les policiers. Il fait valoir qu’il ressort de l’enregistrement vidéo de la manifestation et des photographies prises à cette occasion que les vitres des arrêts de bus, les vitrines des magasins et les panneaux publicitaires avaient été cassés par les manifestants, qui avaient en partie dépavé la rue. Le Gouvernement ajoute que 36 policiers ont été blessés lors des incidents. Pour lui, le requérant a été blessé dans les mêmes circonstances, par une pierre lancée par des manifestants.

36. La Cour a déjà jugé que les allégations de mauvais traitements contraires à l’article 3 doivent être étayées par des éléments de preuve appropriés (Martinez Sala et autres c. Espagne, no 58438/00, § 122, 2 novembre 2004). Pour l’établissement des faits allégués, la Cour se sert du critère de la preuve « au-delà de tout doute raisonnable », une telle preuve pouvant néanmoins résulter d’un faisceau d’indices, ou de présomptions non réfutées, suffisamment graves, précis et concordants (Irlande c. Royaume‑Uni, arrêt du 18 janvier 1978, § 161 in fine, série A no 25, et Labita c. Italie [GC], no 26772/95, § 121, CEDH 2000‑IV).

37. En l’espèce, la Cour relève que les versions respectives des parties diffèrent sur la question de savoir qui a jeté la pierre sur le visage du requérant.

38. Le visionnage de l’enregistrement vidéo de la manifestation permet d’observer que les manifestants ont jeté des pierres et des pavés en direction des forces de l’ordre, lesquelles ont fait usage des canons à eau et de grenades lacrymogènes.

39. Même si le Gouvernement ne met pas en cause la véracité du rapport médical sur le requérant et l’existence de la blessure constatée, la Cour est d’avis que l’intéressé ne présente pas suffisamment d’éléments de preuve permettant de conclure que la blessure subie par le requérant lui a été infligée par la police.

40. Il s’ensuit que le grief du requérant tiré du volet matériel de l’article 3 de la Convention est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

C. Sur le caractère effectif des investigations menées

41. Le requérant soutient que l’enquête menée en droit interne n’a pas satisfait aux exigences de l’article 3 de la Convention.

42. Le Gouvernement estime quant à lui que les autorités ont réagi de façon rapide et effective aux allégations du requérant. Elles auraient mené une enquête conforme aux dispositions nationales et aux exigences de l’article 3 de la Convention en recueillant toutes les preuves et en mettant en application toutes les garanties procédurales.

43. Constatant que le grief tiré du volet procédural de l’article 3 de la Convention n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

44. Elle rappelle que, lorsqu’un individu affirme de manière défendable avoir subi de la part de la police ou d’autres services comparables de l’État des traitements contraires à l’article 3 de la Convention, cette disposition requiert qu’il y ait une enquête officielle effective (Assenov et autres c. Bulgarie, 28 octobre 1998, § 102, Recueil des arrêts et décisions 1998‑VIII).

45. Dans la présente affaire, la Cour a bien noté qu’il existe une certaine confusion quant à l’origine de la blessure du requérant ; au vu des éléments soumis à son appréciation, elle estime ne pas être en mesure de déterminer avec exactitude si cette blessure a été causée par les policiers. Elle constate toutefois que le requérant a bien été admis à l’hôpital public d’Ankara au cours de la manifestation à laquelle il participait, qu’un médecin a constaté sa blessure au nez, qu’il lui a prodigué les soins appropriés pour une fracture nasale et qu’un arrêt de travail d’une semaine lui a été délivré. Elle constate également que le requérant a porté plainte contre les policiers le 5 décembre 2008. Le procureur de la République a transféré le dossier à la préfecture d’Ankara aux fins d’autoriser l’ouverture de poursuites pénales contre les policiers. Le préfet a alors nommé un inspecteur, lequel dépendait de la même hiérarchie que les fonctionnaires de police sur lesquels il menait son enquête. Conformément à la conclusion du rapport de l’instructeur, le préfet a décidé de ne pas autoriser l’ouverture d’une enquête pénale à l’encontre des policiers mis en cause. Aucune enquête pénale n’a pu être conduite.

46. S’agissant de la demande adressée par le procureur de la République au préfet compétent quant à l’autorisation d’ouverture de poursuites pénales contre les policiers mis en cause, la Cour note que, depuis l’entrée en vigueur de la loi d’amendement no 4778 le 2 janvier 2003, les poursuites pour mauvais traitements et pour recours excessif à la force par des agents de l’État relèvent du droit commun (paragraphe 28 ci-dessus). En effet, dans les circonstances de l’espèce, les faits et les actes litigieux s’étant déroulés le 20 novembre 2008, l’instruction relevait directement de la compétence des procureurs de la République.

47. La Cour estime que cette méconnaissance de la modification apportée à la loi no 4483 a empêché d’établir les circonstances exactes dans lesquelles le requérant soutient avoir subi un traitement contraire à l’article 3 de la Convention (voir, par exemple, İşeri et autres c. Turquie, no 29283/07, § 42, 9 octobre 2012, et Karahan c. Turquie, no 11117/07, § 45, 25 mars 2014).

48. À cet égard, elle rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle une enquête menée – dans des circonstances semblables à celles de la présente affaire – contre des fonctionnaires de la police, par des organes administratifs dépendant de la même hiérarchie que les mis en cause, ne saurait être considérée comme une enquête menée par un organe indépendant (voir, par exemple, Nazif Yavuz, précité, § 49, et Ümit Gül c. Turquie, no 7880/02, §§ 53-57, 29 septembre 2009).

49. L’enquête menée en l’espèce ne saurait donc passer dans ces circonstances pour effective au sens de l’article 3 de la Convention. Partant, la Cour conclut à la violation du volet procédural de cette disposition.

II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

50. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

51. Le requérant n’a présenté aucune demande de satisfaction équitable. Partant, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu de lui octroyer de somme à ce titre.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable quant au grief du requérant tiré du volet procédural de l’article 3 de la Convention et irrecevable pour le surplus ;

2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention sous son volet procédural.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 22 juillet 2014, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Abel CamposGuido Raimondi
Greffier adjointPrésident


Synthèse
Formation : Cour (deuxiÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-145707
Date de la décision : 22/07/2014
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Violation de l'article 3 - Interdiction de la torture (Article 3 - Enquête efficace) (Volet procédural)

Parties
Demandeurs : TÜFEKÇİ
Défendeurs : TURQUIE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : SAYILIR A.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

Source

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