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28/05/2014 | CEDH | N°001-144146

CEDH | CEDH, AFFAIRE MARTINS SILVA c. PORTUGAL, 2014, 001-144146


PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE MARTINS SILVA c. PORTUGAL

(Requête no 12959/10)

ARRÊT

STRASBOURG

28 mai 2014

DÉFINITIF

28/08/2014

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Martins Silva c. Portugal,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Isabelle Berro-Lefèvre, présidente,
Elisabeth Steiner,
Khanlar Hajiyev,
Mirjana Lazarova Trajkovs

ka,
Julia Laffranque,
Paulo Pinto de Albuquerque,
Linos-Alexandre Sicilianos, juges,
et de Søren Nielsen, greffier de section,

Après en avoir...

PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE MARTINS SILVA c. PORTUGAL

(Requête no 12959/10)

ARRÊT

STRASBOURG

28 mai 2014

DÉFINITIF

28/08/2014

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Martins Silva c. Portugal,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Isabelle Berro-Lefèvre, présidente,
Elisabeth Steiner,
Khanlar Hajiyev,
Mirjana Lazarova Trajkovska,
Julia Laffranque,
Paulo Pinto de Albuquerque,
Linos-Alexandre Sicilianos, juges,
et de Søren Nielsen, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 6 mai 2014,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 12959/10) dirigée contre la République portugaise et dont un ressortissant de cet État, M. Abílio Martins Silva (« le requérant »), a saisi la Cour le 26 février 2010 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant a été représenté par Me J. J. F. Alves, avocat à Matosinhos (Portugal). Le gouvernement portugais (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, Mme M. F. Carvalho, procureur général adjoint.

3. Le requérant se plaint, en invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, de ne pas avoir bénéficié d’un procès équitable en raison de la non-communication d’un rapport médical dans le cadre d’une procédure de révision d’une incapacité permanente pour le travail.

4. Le 17 janvier 2013, la requête a été communiquée au Gouvernement.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. Le requérant est né en 1965 et réside à Fafe (Portugal).

6. Le 11 octobre 1999, il fut victime d’un accident du travail.

7. Le 18 septembre 2000, il saisit le tribunal du travail de Maia d’une action contre la compagnie d’assurance de son employeur, réclamant la reconnaissance d’une incapacité permanente partielle (ci-après « IPP ») pour le travail.

8. Par un jugement du 20 avril 2001, le tribunal fit droit à la demande du requérant. Fixant l’IPP du requérant à 15,92 %, le tribunal condamna la compagnie d’assurance à verser au requérant une rente viagère d’un montant annuel de 719 euros (ci-après « EUR »).

9. Le 19 mars 2008, le requérant demanda au tribunal du travail de Maia de revoir le taux d’IPP fixé en faisant valoir une aggravation de son handicap.

10. Le 15 avril 2008, le requérant fut examiné par un médecin généraliste de l’Institut de Médecine Légale (ci-après « IML ») de Porto.

11. Par une ordonnance du 18 avril 2008, sur recommandation du médecin généraliste, le tribunal demanda à l’IML de soumettre le requérant à un examen médical ORL.

12. Le 27 juin 2008, le requérant fut observé par un médecin ORL. Celui-ci prescrit ensuite divers examens médicaux complémentaires.

13. Le 26 septembre 2008, le bilan médical réalisé par l’ORL fut envoyé au tribunal.

14. Le 10 octobre 2008, le requérant comparut devant le tribunal en vue de la conclusion de l’examen médical de révision. Le procès-verbal de l’examen conclut à une aggravation de l’infirmité du requérant, estimant l’IPP à 17, 35 %.

15. Le bilan de cet examen fut porté à la connaissance des parties. Celles-ci contestèrent le résultat de l’examen, réclamant une contre-expertise médicale par un comité médical (junta médica) composé de trois experts, à désigner par le tribunal et chacune des parties.

16. Faisant droit à leur demande, le tribunal ordonna une contre-expertise médicale et invita les parties à formuler les questions (quesitos) auxquelles elles souhaitaient que le comité médical réponde. La compagnie d’assurance de l’employeur envoya ses questions le 20 octobre 2008 et le requérant le 17 novembre 2008.

17. Le 2 mars 2009, le comité médical procéda à la contre-expertise médicale. Dans son rapport final, il répondit aux questions des parties et fixa à l’unanimité le taux d’incapacité permanente partielle pour le travail du requérant à 13 %.

18. Le 12 mars 2009, le tribunal demanda des clarifications au comité médical au motif qu’il existait des contradictions entre l’une des réponses donnée aux questions et le taux d’IPP fixé. Il invita ainsi le comité médical à préciser s’il y avait eu aggravation des lésions initiales du requérant et quel était son taux actuel d’IPP.

19. Le 2 avril 2009, l’expert médical qui avait été désigné par le requérant informa le tribunal qu’il y avait lieu de réaliser à nouveau la contre-expertise médicale. Le tribunal fixa celle-ci au 11 mai 2009, la présence du requérant ne fut toutefois pas demandée.

20. À la date prévue, après la réunion du comité médical, un deuxième rapport fut déposé. Répondant aux questions des parties, celui-ci indiquait qu’il y avait eu aggravation du handicap auditif du requérant et que le taux d’IPP à cet égard était de 13 %. Il précisait qu’à ce taux devait s’ajouter le taux d’incapacité de 5 % qui avait été attribué au niveau neurologique, concluant à une incapacité permanente partielle globale de 17, 35 %.

21. Le 21 mai 2009, le ministère public requit au tribunal la reconnaissance du taux d’IPP de 17,35 % estimé par le comité médical et l’augmentation de la rente viagère annuelle du requérant à 783 EUR.

22. Par une décision du 29 mai 2009, en tenant compte de l’IPP établie dans le rapport du comité médical, le tribunal décida qu’il n’y avait pas lieu de réaliser d’autres démarches et porta la rente viagère à 783,78 EUR, à compter du 10 octobre 2008.

23. Le requérant interjeta appel de cette décision devant la cour d’appel de Porto.

24. Le 15 juin 2009, il présenta ses conclusions. Contestant le nouveau taux d’incapacité attribué, il dénonçait aussi une violation du principe du contradictoire dans la mesure où le rapport final du comité médical n’avait pas été porté à sa connaissance.

25. Le 14 juillet 2009, le tribunal du travail accueillit le recours du requérant.

26. Le 10 septembre 2009, le tribunal invita le requérant à se prononcer s’agissant d’un avis émis par le ministère public qui concluait que le recours du requérant était dénué de fondement et devait, par conséquent, être rejeté.

27. Par un arrêt du 7 novembre 2009, la cour d’appel rejeta le recours du requérant, confirmant la décision du tribunal du travail de Maia du 29 mai 2009. S’agissant de la violation du principe du contradictoire, elle considéra :

« (...) l’intervention du requérant a eu lieu au moment où il (...) a formulé ses questions au comité médical, lequel y a répondu. Ceci montre que le sinistré savait ce qui se passait et n’a rien dit ; aucune disposition légale n’a donc été violée. »

II. LE DROIT INTERNE PERTINENT

28. Les dispositions pertinentes du décret-loi no 480/99 du 9 novembre 1999 régissant le code de procédure du travail au moment des faits se lisaient ainsi :

Article 145

Révision judiciaire de l’incapacité

« 1. Lorsque la révision de l’incapacité est demandée, le juge ordonne que le sinistré se soumette à un examen médical.

2. La demande de révision est formulée par simple requête. Celle-ci doit être étayée ou accompagnée de questions (quesitos).

3. Le résultat de l’examen est porté à la connaissance du sinistré et de l’entité responsable pour la réparation des dommages résultant de l’accident.

4. En cas de désaccord avec le résultat de l’examen, les parties peuvent solliciter, dans un délai de 10 jours, un examen par un comité médical aux termes prévus à l’alinéa 2 (...).

5. (...) après conclusion [de l’examen du comité médical] et réalisation des diverses démarches jugées nécessaires, le juge décide par ordonnance, en maintenant, augmentant ou diminuant la pension ou en déclarant l’extinction de l’obligation de la payer.

(...). »

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

29. Le requérant estime que l’absence de communication du rapport du comité médical à son endroit dans le cadre de la procédure litigieuse et l’impossibilité d’y répondre ont porté atteinte à son droit tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

30. Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.

A. Sur la recevabilité

31. Le Gouvernement soulève à titre principal l’irrecevabilité de ce grief en raison de l’absence de préjudice important, au sens de l’article 35 § 3 b) de la Convention. Il fait valoir que le rapport du comité médical n’apportait aucun élément nouveau dans le cadre de la procédure car il confirmait le bilan médical qui avait été établi par le médecin précédent. Il allègue aussi que les moyens soulevés par le requérant dans son recours devant la cour d’appel portaient sur l’application et l’interprétation du droit pertinent et non sur les descriptions des lésions et l’incapacité attribuée par le comité médical. Or, pour le Gouvernement, ces questions ne pouvaient ainsi être tranchées que dans le cadre d’un recours. Se prévalant de la jurisprudence Liga Portuguesa de Futebol Profissional c. Portugal (déc.), no 49639/09, § 39, 3 avril 2012, il en déduit que le défaut de communication du rapport du comité médical et l’impossibilité d’y répondre n’ont fait subir au requérant aucun préjudice important dans l’exercice de son droit de participer de manière adéquate à la procédure litigieuse.

32. La Cour considère que cette exception du Gouvernement est étroitement liée à la substance du grief énoncé sur le terrain de l’article 6 § 1 de la Convention dans la mesure où elle porte précisément sur la question de savoir si l’absence de communication du rapport médical a porté atteinte au droit du requérant à un procès équitable. Elle décide donc de la joindre au fond.

33. La Cour constate en outre que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

B. Sur le fond

1. Les arguments des parties

34. Le requérant estime que son droit à un procès équitable a été méconnu en raison de la non-communication du rapport du comité médical et de l’impossibilité d’y répondre avant que le tribunal ne statue sur sa demande.

35. Selon le Gouvernement, le requérant s’est pleinement prévalu du droit de participer dans le cadre de la procédure étant donné qu’il a pu contester le premier rapport médical qui avait été déposé en demandant la réalisation d’un bilan par un comité médical, lequel a alors répondu aux questions qui avaient été formulées par les parties. Pour le Gouvernement, le requérant ne pouvait prétendre contester à nouveau les réponses données par le comité médical devant le tribunal. Le fait qu’il ait pu le faire devant la cour d’appel dans le cadre de son recours suffisait, seules des questions de droit étaient d’ailleurs en cause. Outre le fait qu’elle n’était pas exigée par la loi, la non-communication du rapport du comité médical n’a pas porté préjudice au requérant et, par conséquent, atteinte à son droit à un procès équitable.

2. Appréciation de la Cour

36. La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle la notion de procès équitable implique en principe le droit pour les parties de prendre connaissance de toute pièce ou observation présentée au juge, en vue d’influencer sa décision, et de la discuter (voir Lobo Machado c. Portugal, 20 février 1996, § 31, Recueil des arrêts et décisions 1996‑I ; Vermeulen c. Belgique, 20 février 1996, § 33, Recueil 1996‑I ; Nideröst-Huber c. Suisse, 18 février 1997, §§ 23-24, Recueil 1997‑I et, récemment, Novo et Silva c. Portugal, no 53615/08, § 54, 25 septembre 2012). Comme elle l’a dit à maintes reprises, c’est à elles seules qu’il appartient d’apprécier si un document appelle des commentaires, peu important l’effet réel des observations sur la décision du tribunal (Ziegler c. Suisse, no 33499/96, § 38, 21 février 2012). Il y va notamment de la confiance des justiciables dans le fonctionnement de la justice : elle se fonde, entre autres, sur l’assurance d’avoir pu s’exprimer sur toute pièce au dossier (Ferreira Alves c. Portugal (no 3), no 25053/05, § 41, 21 juin 2007 ; Nideröst-Huber, précité, §§ 27 et 29 ; H.A.L. c. Finlande, no 38267/97, §§ 44-47, 7 juillet 2004). Ce principe vaut pour les observations et pièces présentées par les parties, mais aussi pour celles présentées par un magistrat indépendant tel que le commissaire du Gouvernement (actuellement rapporteur public) (Kress c. France [GC], no 39594/98, CEDH 2001-VI), par une administration (Krčmář et autres c. République tchèque, no 35376/97, 3 mars 2000) ou par la juridiction auteur du jugement entrepris (Nideröst-Huber c. Suisse, précité). La Cour rappelle aussi avoir déjà jugé qu’une expertise médicale, en ce qu’elle ressortit à un domaine technique échappant à la connaissance des juges, est susceptible d’influencer de manière prépondérante leur appréciation des faits et constitue un élément de preuve essentiel qui doit pouvoir être efficacement commenté par les parties au litige (Feldbrugge c. Pays-Bas, 29 mai 1986, § 44, série A no 99 ; Mantovanelli c. France, 18 mars 1997, § 36, Recueil des arrêts et décisions 1997‑II ; Augusto c. France, no 71665/01, § 51, 11 janvier 2007).

37. En l’espèce, la Cour observe que le rapport médical en question avait été ordonné par le tribunal à la demande des parties, lesquelles avaient par ailleurs adressé des questions spécifiques aux experts (voir ci-dessus paragraphe 16). Si le rapport du comité médical a confirmé le bilan médical précédent, il donne des informations précises s’agissant de la question litigieuse en répondant à chacune des questions qui avaient été formulées par les parties. Contrairement au Gouvernement, la Cour estime qu’il a ainsi apporté des éléments nouveaux à la procédure. Or, le requérant n’a pris connaissance des réponses apportées à ses questions qu’au moment où il a reçu le jugement du tribunal du travail de Maia.

38. La Cour ne partage pas non plus le point de vue du Gouvernement selon lequel la contestation du requérant portait uniquement sur des points de droit. En effet, la question litigieuse concernait l’aggravation du handicap auditif du requérant. Il s’agissait d’une question technique à laquelle seuls les médecins pouvaient répondre. En outre, celle-ci constituait un élément capital dans la décision du tribunal. Le rapport du comité médical et, en particulier, les réponses des experts étaient donc déterminants pour la reconnaissance du droit du requérant à la révision de son IPP en raison de l’aggravation de son infirmité auditive.

39. Par ailleurs, la Cour note que, selon l’article 145 § 5 du code de procédure du travail, le juge peut ordonner la réalisation d’autres actes de procédures, il peut aussi demander des clarifications en cas d’imprécisions ou contradictions, ceci s’est d’ailleurs vérifié en ce qui concerne le premier rapport du comité médical. En l’occurrence, n’ayant pas eu connaissance du rapport du comité médical, le requérant n’a pu demander des clarifications ou autres actes de procédure.

40. Pour le Gouvernement (ci-dessus paragraphe 31), le défaut de communication du rapport du comité médical et l’impossibilité d’y répondre n’ont fait subir au requérant aucun préjudice important dans l’exercice de son droit de participer de manière adéquate à la procédure litigieuse.

41. La Cour rappelle que conformément à l’article 35 § 3 b) de la Convention, elle peut déclarer une requête irrecevable lorsque « le requérant n’a subi aucun préjudice important, sauf si le respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles exige un examen de la requête au fond et à condition de ne rejeter pour ce motif aucune affaire qui n’a pas été dûment examinée par un tribunal interne ».

42. Certes, la Cour a déjà eu recours à l’absence de préjudice important pour déclarer irrecevables des requêtes similaires pour non-communication d’observations d’autorités internes au requérant (Holub c. République Tchèque (déc.), no 24880/05, 14 décembre 2010, et Liga Portuguesa de Futebol Profissional c. Portugal, précité). La présente affaire doit cependant être distinguée de ces dernières car en l’occurrence, comme elle l’a déjà observé auparavant, le rapport du comité médical apportait des éléments nouveaux et importants à la procédure, ces derniers ayant permis au tribunal du travail de Maia de trancher le litige. Par conséquent, la Cour estime que le requérant aurait dû se voir offrir l’opportunité de discuter le contenu du rapport et les réponses du comité médical aux questions qu’il avait formulées.

43. Ces éléments suffisent à la Cour pour conclure que la cause du requérant n’a pas été entendue équitablement dans le cadre de la procédure visant la révision de son incapacité permanente partielle, faute de communication contradictoire du rapport du comité médical.

44. Dès lors, la Cour rejette l’exception du Gouvernement tirée de l’absence de préjudice important au sens de l’article 35 § 3 b) de la Convention et conclut qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

II. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES

45. Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, le requérant se plaint de la non-communication de plusieurs ordonnances du juge et du ministère public.

46. La Cour relève cependant que le requérant n’a pas formulé, même en substance, ces griefs dans son mémoire en recours devant la cour d’appel de Porto. Ceux- ci doivent donc être rejetés pour non-épuisement des voies de recours internes, conformément à l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

47. Sous l’angle des articles 13 et 35 de la Convention, le requérant dénonce aussi l’absence d’un recours efficace au niveau interne. Ces griefs ne sont néanmoins pas étayés, il s’ensuit qu’ils sont manifestement mal fondés et qu’ils doivent être rejetés, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

III. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

48. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

49. Le requérant réclame 5 000 euros (EUR) au titre du préjudice matériel qu’il aurait subi en raison de la violation de son droit à un procès équitable. Il demande également 15 000 EUR pour le préjudice moral.

50. Le Gouvernement conteste ces prétentions.

51. La Cour note qu’en l’espèce, la seule base à retenir pour l’octroi d’une satisfaction équitable réside dans le fait que le requérant n’a pas bénéficié des garanties d’un procès équitable au sens de l’article 6 § 1 de la Convention. Pour ce qui est du dommage matériel réclamé, la Cour estime qu’on ne saurait spéculer sur le résultat auquel la procédure devant le Tribunal constitutionnel aurait abouti si l’infraction à la Convention n’avait pas eu lieu. La Cour estime donc qu’il n’y a donc pas lieu d’accorder au requérant une indemnité au titre du préjudice matériel. Quant au préjudice moral, la Cour estime que le requérant a sans nul doute souffert de ne pas avoir pu discuter les conclusions médicales du comité médical quant à son taux d’incapacité permanente partielle pour le travail. Statuant en équité, elle alloue au requérant 5 000 EUR à ce titre.

B. Frais et dépens

52. Le requérant demande également 2 400 EUR pour les frais et dépens engagés devant les juridictions internes et 3 150 EUR pour ceux engagés devant la Cour.

53. Le Gouvernement conteste ces prétentions, les jugeant excessives et non étayées.

54. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce et compte tenu des documents en sa possession et de sa jurisprudence, la Cour elle estime raisonnable la somme de 2 000 EUR tous chefs confondus.

C. Intérêts moratoires

55. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Joint au fond l’exception préliminaire du Gouvernement tirée de l’absence de préjudice important en ce qui concerne l’absence de communication contradictoire du rapport du comité médical et la rejette ;

2. Déclare la requête recevable quant au grief tiré de l’absence de communication contradictoire du rapport du comité médical et irrecevable pour le surplus ;

3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention en raison de l’absence de communication contradictoire du rapport du comité médical ;

4. Dit,

a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 5 000 EUR (cinq mille euros) pour dommage moral et 2 000 EUR (deux mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par le requérant, pour frais et dépens ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 28 mai 2014, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Søren NielsenIsabelle Berro-Lefèvre
GreffierPrésidente


Synthèse
Formation : Cour (premiÈre section)
Numéro d'arrêt : 001-144146
Date de la décision : 28/05/2014
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Violation de l'article 6 - Droit à un procès équitable (Article 6 - Procédure civile;Article 6-1 - Procès équitable)

Parties
Demandeurs : MARTINS SILVA
Défendeurs : PORTUGAL

Composition du Tribunal
Avocat(s) : ALVES J.F.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

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