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02/05/2013 | CEDH | N°001-119053

CEDH | CEDH, AFFAIRE BARJAMAJ c. GRÈCE, 2013, 001-119053


PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE BARJAMAJ c. GRÈCE

(Requête no 36657/11)

ARRÊT

STRASBOURG

2 mai 2013

DÉFINITIF

02/08/2013

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Barjamaj c. Grèce,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Isabelle Berro-Lefèvre, présidente,
Khanlar Hajiyev,
Mirjana Lazarova Trajkovska,
Linos-Alexandre Sicilianos, <

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Ksenija Turković,
Dmitry Dedov, juges,
et de Søren Nielsen, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 9 av...

PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE BARJAMAJ c. GRÈCE

(Requête no 36657/11)

ARRÊT

STRASBOURG

2 mai 2013

DÉFINITIF

02/08/2013

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Barjamaj c. Grèce,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Isabelle Berro-Lefèvre, présidente,
Khanlar Hajiyev,
Mirjana Lazarova Trajkovska,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Erik Møse,
Ksenija Turković,
Dmitry Dedov, juges,
et de Søren Nielsen, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 9 avril 2013,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 36657/11) dirigée contre la République hellénique et dont un ressortissant albanais, M. Albano Barjamaj (« le requérant ») a saisi la Cour le 6 juin 2011 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant est représenté par Me I. Alavanos, avocat à Athènes. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par les délégués de son agent, Mme F. Dedousi, assesseure auprès du Conseil juridique de l’Etat, et M. D. Kalogiros, auditeur auprès du Conseil juridique de l’Etat. Informé de son droit de prendre part à la procédure (articles 36 § 1 de la Convention et 44 § 1 du règlement), le gouvernement albanais n’a pas répondu.

3. Le requérant allègue en particulier des violations de l’article 5 §§ 1 et 4 de la Convention.

4. Le 8 décembre 2011, la requête a été communiquée au Gouvernement. Comme le permet l’article 29 § 1 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. Le requérant, né le 15 juin 1995 (comme cela ressort de son passeport albanais) et mineur au moment des faits, résidant en Grèce avec ses parents depuis dix ans et scolarisé au collège, fut arrêté le 21 avril 2011 pour entrée illégale sur le territoire grec et défaut de titre de séjour valable.

6. Le requérant prétend qu’il fut détenu avec des adultes jusqu’au 27 avril 2011 dans les cellules du poste de police d’Artemida, qui ne dispose pas d’une cellule spécifique réservée aux mineurs. Le Gouvernement soutient que le requérant fut placé dans un espace spécial du poste de police, espace qui était climatisé, ne communiquait pas avec les cellules de détention des adultes et avait sa propre toilette.

7. Par une décision du 21 avril 2011, le chef de la sous-direction des étrangers de l’Attique ordonna sa mise en détention jusqu’à l’adoption, dans un délai de trois jours, d’une décision d’expulsion. La décision précisait que le requérant disposait d’un délai de quarante-huit heures pour formuler des objections contre une décision éventuelle d’expulsion. Elle indiquait comme année de naissance du requérant 1985 et non 1995.

8. Le requérant soutient que cette décision ne lui fut pas notifiée et qu’il ne fut pas informé de ses droits. Le Gouvernement soutient que le requérant se vit remettre un document lui expliquant ses droits et qu’il était en mesure de lire le grec puisqu’il était scolarisé. Le Gouvernement fournit la copie d’un « récépissé de notification », en grec et en albanais, daté du 21 avril 2011 et portant la mention « J’ai reçu la notice explicative pour détenus et j’ai été informé de mes droits ». Ce récépissé est signé par le requérant mais pas par le policier ayant procédé à la notification.

9. Par une décision du 24 avril 2011 (dimanche de Pâques), le chef de la sous-direction des étrangers de l’Attique ordonna l’expulsion du requérant ainsi que la prolongation de sa détention pour une durée ne pouvant pas dépasser six mois (au motif qu’il risquait de fuir s’il était remis en liberté). La décision indiquait expressément que le requérant, né le 20 juin 1985, n’avait pas formulé d’objections contre son expulsion dans le délai de quarante-huit heures susmentionné. Selon le Gouvernement, la mention de l’année 1985 est erronée, d’autant plus que sur le rapport de l’arrestation du requérant, rédigé le 21 avril 2011, figurait la date du 20 juin 1995.

10. Le requérant désigna un avocat pour le représenter après les jours fériés de Pâques, soit mardi 26 avril 2011.

11. La décision susmentionnée fut notifiée au requérant, ainsi qu’à son avocat, le 27 avril 2011. Le « récépissé de notification » indiquait que le requérant risquait de fuir car il ne disposait pas de titre de séjour et qu’il pouvait exercer un recours gracieux auprès du directeur de la Direction des étrangers de l’Attique dans un délai de cinq jours à compter de la notification. Le récépissé était signé par le requérant et le policier ayant fait la notification.

12. Le 28 avril 2011, le requérant introduisit par l’intermédiaire de son avocat, en vertu de l’article 77 de la loi no 3386/2005, un recours gracieux contre la décision du 24 avril 2011 devant le directeur de la Direction des étrangers de l’Attique. Il déposa aussi une demande d’asile.

13. Le 3 mai 2011, le directeur de la Direction des étrangers de l’Attique rejeta le recours gracieux au motif que le requérant ne disposait pas de titre de séjour et que la décision d’expulsion avait été prise conformément aux dispositions de l’article 76 § 1 b) de la loi no 3386/2005. Le requérant n’introduisit pas de recours en annulation contre cette décision ni de demande de suspension d’exécution de la mesure.

14. Le 2 mai 2011, le requérant formula, en personne et par l’intermédiaire de son avocat, des objections contre sa détention auprès du président du tribunal administratif d’Athènes par lesquelles il demandait sa mise en liberté (article 76 § 3 de la loi no 3386/2005). Il précisait qu’il était mineur, qu’il habitait en Grèce depuis dix ans, qu’il n’avait pas eu jusqu’alors l’occasion de régulariser son séjour et qu’il comptait introduire une demande d’obtention de titre de séjour pour des motifs humanitaires, comme le lui permettait l’article 44 § 1 g) de la loi no 3386/2005. Il soulignait qu’il était détenu jusqu’au 28 avril 2011 au poste de police d’Artemida, puis aux cellules de la Sous-direction de police des étrangers de l’Attique, et enfin aux cellules d’Amygdaleza, non pas avec d’autres mineurs mais avec des adultes. Il affirmait que sa détention était ordonnée en méconnaissance de la Convention (article 5), de la loi no 3386/2005 et de la Convention pour les droits de l’enfant. Il prétendait aussi qu’aucune décision relative à la détention ne lui avait été communiquée avant le 27 avril 2011, de sorte qu’il ne pouvait pas exercer les voies de recours. Invoquant l’article 32 de la loi no 3907/2011, il relevait qu’en tant que mineur, il ne pouvait pas être détenu que si d’autres mesures moins restrictives ne pouvaient pas s’appliquer et que son éloignement de la Grèce et de sa famille l’exposerait à un grave danger.

15. Le 4 mai 2011, considérant que le requérant n’était pas dangereux pour l’ordre public et ne risquait pas de fuir, le président ordonna son élargissement. Pour décider ainsi, il tint compte du fait que le requérant était mineur (comme cela ressortait de l’acte de naissance albanais versé au dossier), qu’il était élève en troisième classe du collège, qu’il habitait avec sa famille à une adresse connue, qu’il n’était pas poursuivi pour une infraction, que son père travaillait comme maçon et était assuré social et payait l’impôt sur le revenu à partir de 2006.

16. Selon les informations fournies par les parties, la décision d’expulsion n’avait pas été appliquée à la date du présent arrêt.

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

A. Dispositions relatives à la détention des étrangers visés par une mesure d’expulsion ou d’éloignement

17. Les articles pertinents de la loi no 3386/2005, telle que modifiée et en vigueur depuis le 1er janvier 2011, disposent :

Article 2

« 1. Les dispositions de la présente loi ne s’appliquent pas

(...)

c) aux réfugiés et aux personnes qui ont déposé une demande de reconnaissance du statut de réfugié, au sens de la Convention de Genève de 1951 (...). »

Article 76

« 1. L’expulsion administrative d’un étranger est permise lorsque :

[lorsqu’il a été condamné de manière définitive à une peine d’emprisonnement] d’au moins un an ‘...pour avoir porté assistance à des clandestins aux fins de leur entrée dans le pays, ou’ pour avoir facilité le transport et l’entrée de clandestins dans le pays ou pour avoir fourni le gîte à ceux-ci afin qu’ils puissent se cacher (...) ;

b) [l’intéressé] a violé les dispositions de la présente loi ;

c) sa présence sur le territoire grec représente une menace pour l’ordre public ou la sécurité du pays ;

(...)

2. L’expulsion est ordonnée par décision du directeur de la police et (...) après que l’étranger a bénéficié d’un délai d’au moins quarante-huit heures pour déposer ses objections.

3. Lorsque l’étranger est considéré, en raison des circonstances, comme susceptible de fuir ou de représenter une menace pour l’ordre public, lorsqu’il fait obstacle à (...) la préparation de son départ ou à la procédure d’éloignement, les organes mentionnés au paragraphe précédent ordonnent sa détention provisoire jusqu’à l’adoption, dans un délai de trois jours, de la décision d’expulsion (...) Une fois la décision d’expulsion adoptée, la détention se poursuit jusqu’à l’exécution de l’expulsion, mais elle ne peut en aucun cas dépasser six mois. Lorsque l’expulsion est retardée parce que l’étranger refuse de collaborer ou que des documents nécessaires à son expulsion et devant être établis dans le pays d’origine ou le pays de transit n’ont pas été réceptionnés, la détention peut être prolongée pour une durée ne pouvant dépasser douze mois. L’étranger doit être informé, dans une langue qu’il comprend, des raisons de sa détention et sa communication avec son avocat doit être facilitée. L’étranger détenu peut (...) former, devant le président (...) du tribunal administratif (...) de la région dans laquelle il est détenu ou devant le juge désigné par le président, des objections à l’encontre de la décision ayant ordonné sa détention ou la prolongation de celle-ci.

4. Les objections doivent contenir des motifs concrets ; elles peuvent également être soumises oralement, auquel cas le greffier les consigne dans un rapport.

Pour l’examen de ces dispositions, l’article 27 § 2 c) et l’article 204 § 1 du code de procédure administrative s’appliquent. Si l’étranger demande à être entendu, le juge est tenu de l’entendre (...) Le juge peut aussi, dans tous les cas, ordonner de sa propre initiative la comparution de l’étranger.

Les allégations présentées lors de cette procédure doivent être prouvées séance tenante.

Le juge compétent, selon le paragraphe 3, qui statue sur la légalité de la détention ou sur la prolongation de celle-ci, rend sa décision séance tenante sur les objections. Le juge formule cette décision de manière sommaire dans un procès-verbal. Copie du procès-verbal est transmise immédiatement aux autorités de police.

Si la procédure a lieu un jour férié, la présence du greffier n’est pas nécessaire et le procès-verbal précité ainsi que le rapport mentionné à l’alinéa 1 sont rédigés par le juge lui-même. Cette décision n’est sujette à aucune voie de recours.

5. Lorsque l’étranger détenu dans l’attente de son expulsion n’est pas considéré comme susceptible de fuir ou de représenter une menace pour l’ordre public, ou lorsque le président du tribunal administratif s’oppose à sa détention, il est fixé à l’intéressé un délai pour quitter le territoire qui ne peut dépasser trente jours, excepté lorsqu’il existe des motifs qui font obstacle à l’expulsion.

6. La décision mentionnée aux paragraphes 3 et 4 du présent article peut être révoquée à la requête des parties, si leur demande est fondée sur des faits nouveaux (...) »

Article 77

« L’étranger a le droit d’exercer un recours contre la décision d’expulsion dans un délai de cinq jours à compter de sa notification, auprès du ministre de l’Ordre public (...). La décision est rendue dans un délai de trois jours ouvrables à compter de l’introduction du recours. L’exercice du recours entraîne la suspension de l’exécution de la décision. Dans le cas où la détention avait été ordonnée en même temps que l’expulsion, la suspension concerne seulement l’expulsion. »

Article 79

« 1. L’expulsion est interdite, lorsque l’étranger :

a) est mineur et que ses parents ou ses tuteurs séjournent légalement en Grèce ;

(...)

d) est reconnu comme réfugié ou a demandé l’asile, sous réserve des articles 32 et 33 de la Convention de Genève de 1957 (...) »

Article 83

« 1. Le ressortissant d’un pays tiers qui, sans suivre la procédure légalement requise, entre ou sort du territoire grec ‘ou essaie de le faire,, est puni d’un emprisonnement de trois mois au minimum, peine assortie d’une amende de 1 500 euros (EUR) au minimum.

(...)

2. Par décision du procureur près le tribunal correctionnel prise avec l’aval du procureur près la cour d’appel, dont il doit se rapprocher sans retard. le déclenchement des poursuites pénales contre le ressortissant d’un pays tiers qui entre ou sort du territoire grec sans suivre la procédure légalement requise peut faire l’objet d’un sursis (...) »

18. La décision ordonnant le renvoi d’un étranger constitue un acte administratif qui peut être attaqué par un recours en annulation devant les tribunaux administratifs. En même temps que le recours en annulation, l’intéressé peut déposer un recours en sursis à l’exécution du renvoi. Afin d’éviter l’exécution du renvoi jusqu’à ce que le tribunal statue sur la demande de sursis, il est en outre possible d’introduire une demande tendant à l’obtention d’une ordonnance provisoire, qui est examinée selon une procédure extrêmement rapide à laquelle sont présents un juge du tribunal de première instance et l’intéressé ou son avocat.

19. L’article 1 § 4 du décret présidentiel no 220/2007 relatif à l’accueil des demandeurs d’asile dispose :

« Une demande d’asile peut être déposée par tout étranger âgé de 14 à 18 ans qui n’est pas accompagné de ses parents, si la personne qui examine sa demande déduit des circonstances générales que la maturité intellectuelle de cet étranger lui permet de ‘percevoir l’importance de son acte. Dans tous les autres cas où une demande d’asile est déposée par un étranger âgé de moins de 18 ans qui n’est pas accompagné de ses parents ou d’un tuteur, les autorités de police compétentes en informent le procureur chargé des mineurs (...) afin que celui-ci agisse en tant que tuteur spécial provisoire du mineur jusqu’à ce que la demande soit examinée de manière définitive. »

20. L’article 13 du décret présidentiel no 114/2010 (intitulé « Statut de réfugié : procédure unique applicable aux étrangers et apatrides »), qui transpose dans l’ordre juridique grec la directive du Conseil no 2005/85/CE du 1er décembre 2005 (sur les normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres), dispose :

« 1. Aucun ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui demande la protection internationale ne peut être détenu pour le seul motif qu’il est entré et qu’il séjourne clandestinement dans le pays. La personne qui, lors de sa détention, dépose une demande de protection internationale reste en détention si les conditions du paragraphe 2 sont réunies.

2. La détention de demandeurs dans un espace approprié est permise de manière exceptionnelle lorsque des mesures alternatives ne peuvent pas être appliquées pour l’une des raisons suivantes :

a) le demandeur ne dispose pas de documents de voyage ou les a détruits et il est nécessaire de vérifier son identité, les circonstances de son entrée dans le pays et les données réelles concernant sa provenance, notamment dans le cas d’arrivée massive d’étrangers clandestins ;

b) le demandeur représente une menace pour la sécurité nationale ou l’ordre public pour les motifs qui sont spécifiquement détaillés dans la décision de mise en détention ;

c) la détention est jugée nécessaire pour un examen rapide et efficace de la demande.

3. La décision de mise en détention des demandeurs de protection internationale est prise par le directeur de la police compétent et, s’agissant des directions générales de la police de l’Attique et de Thessalonique, par le directeur de la police compétent pour les étrangers. La décision doit comporter une motivation complète et détaillée.

4. La détention est imposée pour la durée strictement nécessaire et ne peut en aucun cas dépasser quatre-vingt-dix jours. Si le demandeur a été détenu auparavant en vue de son expulsion administrative, la durée totale de sa détention ne pourra pas dépasser cent quatre-vingts jours.

5. Les demandeurs détenus en vertu des paragraphes précédents ont le droit (...) de formuler des objections conformément au paragraphe 3 de l’article 76 de la loi no 3386/2005 modifiée.

6. Si des demandeurs sont en détention, les autorités (...) s’engagent à :

a) veiller à ce que les femmes soient détenues dans un espace séparé de celui des hommes ;

b) éviter la détention de mineurs. Les mineurs qui ont été séparés de leur famille ou qui ne sont pas accompagnés ne sont détenus que pour le temps nécessaire à leur transfert sécurisé dans des structures appropriées pour l’hébergement de mineurs ;

c) éviter la détention de femmes enceintes dont la grossesse est à un stade avancé ou de femmes qui viennent d’accoucher ;

d) offrir aux détenus les soins médicaux appropriés ;

e) garantir le droit des détenus à une assistance juridique ;

g) veiller à ce que les détenus soient informés des motifs et de la durée de leur détention. »

21. L’article 30 de la loi no 3907/2011 intitulée « Services d’asile – premier accueil, retour des personnes résidant illégalement, titre de séjour » (et qui transpose la directive 2008/115/CE relative aux règles et procédures communes en matière de retour des ressortissants des pays tiers en séjour irrégulier) prévoit ce qui suit en matière de détention :

« 1. Les ressortissants d’un pays tiers qui font l’objet d’une procédure de retour (...) sont mis en détention aux fins de la préparation du retour et du déroulement de la procédure d’éloignement seulement lorsqu’il n’est pas possible dans un cas donné de prendre des mesures efficaces et suffisantes mais moins radicales (...). La mise en détention est ordonnée lorsque : a) il y a risque de fuite ou b) le ressortissant ‘du pays tiers évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement ou c) il existe en ce sens des motifs de sécurité nationale.

La détention est ordonnée et maintenue pour la durée absolument nécessaire au déroulement de la procédure d’éloignement, qui doit avoir lieu avec la diligence requise. Dans tous les cas, pour que la mesure de détention soit ordonnée ou maintenue, sont prises en considération la disponibilité des lieux de détention appropriés et la possibilité d’assurer des conditions de vie humaines pour les détenus.

2. La décision de mise en détention contient une motivation factuelle et juridique, est prise par écrit (...) et rendue dans un délai de trois jours si la décision de retour n’a pas encore été prise. En sus de ses droits en vertu du code administratif, le ressortissant d’un pays tiers détenu peut formuler des objections contre la décision de mise en détention ou de prolongation de celle-ci devant le président du tribunal administratif (...). Les dispositions des paragraphes 4 et 5 de l’article 76 de la loi no 3386/2005 (...) sont ‘applicables à la formulation de ces’ objections. Le ressortissant du pays tiers est immédiatement informé de ses droits conformément au présent paragraphe. Il est immédiatement remis en liberté lorsqu’il est constaté que sa détention n’est pas légale.

3. Dans tous les cas, l’organe ayant rendu la décision de mise en détention examine d’office tous les trois mois si les conditions de la détention sont réunies. En cas de prolongation de la détention, les décisions y relatives sont transmises au président du tribunal administratif (...), qui se prononce sur la légalité de la prolongation et rend immédiatement sa décision, qu’il formule brièvement dans un procès-verbal envoyé immédiatement à l’autorité de police compétente.

4. Lorsqu’il est manifeste, pour des motifs juridiques ou autres ou si les conditions du paragraphe 1 ne sont plus réunies, qu’il n’y a pas de perspective raisonnable d’éloignement, il est mis fin à la détention et le ressortissant ‘du pays tiers est immédiatement remis en liberté.

5. La détention est prolongée aussi longtemps que les conditions du paragraphe 1 sont réunies et qu’elle est nécessaire pour assurer l’expulsion.

La durée maximale de la détention ne peut pas dépasser six mois.

6. La durée susmentionnée peut être prolongée pour une durée déterminée ne dépassant pas douze mois, dans le cas où en dépit des efforts raisonnables des services compétents, l’opération d’éloignement risque de durer car a) le ressortissant du pays ‘tiers refuse de coopérer ou b) l’obtention des documents requis du pays tiers est retardé. »

22. Lorsqu’elles appliquent ces dispositions, les juridictions administratives examinent si l’étranger qui formule une objection a présenté une demande d’asile, s’il est détenu dans des locaux appropriés (décision du 2 février 2012 de la présidente du tribunal administratif de Mytilène), et s’il est mineur, auquel cas il bénéficie des droits prévus par la Convention de New York sur les droits de l’enfant (décision no 229/2011 du président du tribunal administratif du Pirée).

23. Dans cette dernière décision, le président du tribunal administratif, tout en relevant que le mineur concerné (qui n’avait pas de résidence permanente et avait commis une infraction) risquait de fuir, a constaté que l’administration n’avait pas exploré toutes les possibilités existantes afin d’éviter de le placer en détention et que les conditions de sa détention n’étaient pas satisfaisantes. Il a alors décidé de mettre un terme à la détention.

B. Dispositions relatives à la qualité pour agir des mineurs

24. Les dispositions pertinentes du décret présidentiel no 114/2010 précité se lisent ainsi :

Article 4 (Accès à la procédure d’asile)

« 3. Tout mineur, âgé de plus de 14 ans, accompagné ou non, peut présenter personnellement une demande si les autorités considèrent qu’il a suffisamment de maturité pour percevoir l’importance de son acte.

4. Lorsqu’un mineur non accompagné ne remplit pas la condition de maturité, sa demande est présentée par l’intermédiaire de son représentant, comme prévu à l’article 12. »

Article 12 (Demandes des mineurs non accompagnés)

« 1. Lorsqu’une demande est présentée par des mineurs non accompagnés, les autorités compétentes agissent conformément à l’article 19 § 1 du décret présidentiel no 220/2007 pour désigner un tuteur au mineur. Le tuteur (...) a la possibilité d’informer le mineur non accompagné sur l’importance et les conséquences éventuelles de l’entretien individuel, ainsi que sur la manière dont il doit se préparer pour l’entretien individuel. Le tuteur (...) est invité à assister à l’entretien individuel du mineur et à soumettre des questions ou des observations afin de faciliter la procédure. »

25. Les articles 63 § 1 et 64 § 1 du code de procédure civile, qui s’appliquent aussi devant les juridictions administratives, disposent :

Article 63 § 1

« Celui qui a la capacité pour agir peut comparaître devant le tribunal en son nom propre. Celui qui a une capacité limitée (...) peut comparaître en son nom propre uniquement dans le cas où, selon le droit matériel, il a la capacité juridique ou si la loi l’autorise à comparaître personnellement. »

Article 64 § 1

« Ceux qui sont incapables de comparaître au tribunal en leur nom propre sont représentés par leurs représentants légaux. »

26. La capacité juridique des mineurs est régie par les articles 128 et 129 et 133 à 137 du code civil. En vertu de ces dispositions, le mineur de moins de 10 ans est entièrement incapable juridiquement et le mineur de 14 et 15 ans a une capacité limitée : il peut, dans certaines conditions, conclure un contrat, se marier, etc.

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 1 DE LA CONVENTION

27. Le requérant se plaint que sa mise en détention au poste de police d’Artemida, dans des conditions inappropriées pour des mineurs, et pour une durée initiale de trois jours – prolongée par la suite pendant sept jours – n’était pas légale car la première décision le plaçant en détention ne lui avait pas du tout été notifiée et la deuxième, prolongeant la détention, était antidatée et, de toute manière, ne lui avait été notifiée que trois jours après avoir été prise. Il allègue une violation de l’article 5 § 1, qui est ainsi libellé :

« Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :

f) s’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. »

A. Sur la recevabilité

28. Le Gouvernement soutient que le requérant n’a pas épuisé les voies de recours internes. Plus précisément, il expose que le requérant avait la possibilité d’introduire contre la décision du 3 mai 2011 – qui rejetait son recours gracieux – un recours en annulation et une demande de suspension de la mesure d’expulsion. De plus, après la décision du 4 mai 2011 par laquelle le président du tribunal administratif a décidé d’élargir le requérant, ce dernier aurait pu introduire une action en dommages-intérêts en vertu de l’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil.

29. Le requérant affirme que le recours en annulation et la demande de suspension d’exécution mentionnés par le Gouvernement concernent l’expulsion et non la détention. A cet égard, il souligne que l’objet de sa requête est sa détention et non son expulsion. Quant à l’action de l’article 105 de la loi d’accompagnement, elle ne constitue pas une voie de recours prévue dans des cas comme le sien ; il n’avait donc pas l’obligation de l’exercer.

30. La Cour rappelle que l’obligation d’épuiser les voies de recours internes découlant de l’article 35 se limite à celle de faire un usage normal des recours vraisemblablement effectifs, suffisants et accessibles. La Convention ne prescrit l’épuisement que des recours à la fois relatifs aux violations incriminées, disponibles et adéquats. Ils doivent exister à un degré suffisant de certitude non seulement en théorie mais aussi en pratique, sans quoi leur manquent l’effectivité et l’accessibilité voulues (Scoppola c. Italie (no 2) [GC], no 10249/03, § 70, 17 septembre 2009).

31. La Cour note que le 2 mai 2011, le requérant a formulé, en vertu de l’article 76 § 3 de la loi no 3386/2005, des objections auprès du président du tribunal administratif d’Athènes par lesquelles il demandait sa mise en liberté en soulevant des arguments semblables à ceux présentés devant la Cour. Le 4 mai 2011, considérant que le requérant n’était pas dangereux pour l’ordre public et ne risquait pas de fuir, le président a ordonné son élargissement. La Cour considère que ce recours est suffisant aux fins de l’article 35 § 1 en l’espèce et rejette donc l’exception du Gouvernement.

32. La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. Elle relève par ailleurs qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.

B. Sur le fond

1. Arguments des parties

33. Le Gouvernement souligne que le requérant a été arrêté et détenu conformément à l’article 76 § 1 b) de la loi no 3386/2005 pour en avoir transgressé les dispositions, à savoir être entré illégalement sur le territoire alors qu’il n’appartenait à aucune des catégories de personnes nécessitant une protection, comme les demandeurs d’asile, les mineurs ou les personnes âgées. Il ressort de l’article 76 de la loi no 3386/2005 et des articles 4 et 12 du décret no 114/2010 que les mineurs de plus de 14 ans, accompagnés ou non, qui, selon les autorités, ont assez de maturité pour percevoir l’importance de l’acte de demander l’asile sont traités comme des adultes. Les décisions d’expulsion des étrangers non accompagnés de plus de 14 ans leur sont notifiées personnellement. En l’espèce, les parents du requérant ne se sont pas présentés et, en dépit du fait qu’il se prétend mineur, c’est le requérant lui-même qui a formulé des objections et a comparu devant le tribunal. Enfin, il a été détenu dans un local où il n’y avait pas d’adultes.

34. Le requérant déclare douter sérieusement que la décision d’expulsion à son encontre ait été effectivement prise le 24 avril 2011. Il souligne que les services de police, dont la sous-direction des étrangers de l’Attique, n’ont pas de registre des actes administratifs. Les numéros de dossiers correspondent à des personnes et les dossiers comportent des chemises où sont classés les documents des personnes concernées avec les dates que la police considère comme légales, alors que dans la plupart des cas les documents sont établis a posteriori. En particulier, en matière d’expulsion administrative d’étrangers, la décision d’expulsion est toujours antidatée.

35. Le requérant souligne qu’à supposer même que la décision d’expulsion ait été prise le 24 avril 2011, elle ne lui a été notifiée que le 27 avril 2011. Or, un acte administratif ne produit ses effets qu’à partir de sa notification à l’administré et non à partir de son établissement. Il souligne aussi qu’en dépit du fait qu’il a déclaré tout de suite aux policiers qu’il était mineur, il a été détenu avec des adultes, le poste de police d’Artemida ne disposant pas d’une cellule spécifique réservée aux mineurs.

2. Appréciation de la Cour

a) Principes généraux

36. Il est bien établi dans la jurisprudence de la Cour relative aux alinéas de l’article 5 § 1 que toute privation de liberté doit non seulement relever de l’une des exceptions prévues aux alinéas a) à f), mais aussi être « régulière ». En matière de « régularité » d’une détention, y compris l’observation des « voies légales », la Convention renvoie pour l’essentiel à la législation nationale et consacre l’obligation d’en observer les normes de fond comme de procédure. Toutefois, le respect du droit national n’est pas suffisant : l’article 5 § 1 exige de surcroît la conformité de toute privation de liberté au but consistant à protéger l’individu contre l’arbitraire (voir, parmi beaucoup d’autres, Winterwerp c. Pays-Bas, 24 octobre 1979, § 37, série A no 33 ; Amuur c. France, 25 juin 1996, § 50, Recueil des arrêts et décisions 1996‑III ; Witold Litwa c. Pologne, no 26629/95, § 78, CEDH 2000‑III ; Lin c. Grèce, no 58158/10, § 62, 6 novembre 2012). Nulle détention arbitraire ne peut être compatible avec l’article 5 § 1, la notion d’«arbitraire » dans ce contexte allant au-delà du défaut de conformité avec le droit national. En conséquence, une privation de liberté peut être régulière selon la législation interne tout en étant arbitraire et donc contraire à la Convention (Mooren c. Allemagne [GC], no 11364/03, § 77, 9 juillet 2009).

37. Ainsi, la Cour doit s’assurer que le droit interne est compatible avec la Convention, et notamment avec les principes énoncés ou impliqués par elle. Sur ce dernier point, la Cour souligne que lorsqu’est en cause une privation de liberté, il est particulièrement important de satisfaire au principe général de la sécurité juridique. Par conséquent, il est essentiel que les conditions de la privation de liberté en vertu du droit interne soient clairement définies et que la loi elle-même soit prévisible dans son application, de façon à remplir le critère de « légalité » fixé par la Convention, qui exige que toute loi soit suffisamment précise pour permettre au citoyen – en s’entourant au besoin de conseils éclairés – de prévoir, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences de nature à dériver d’un acte déterminé (Baranowski c. Pologne, no 28358/95, §§ 50-52, CEDH 2000-III).

38. La Cour rappelle, en outre, qu’il ressort de la jurisprudence relative à l’article 5 § 1 f) que, pour ne pas être taxée d’arbitraire, la mise en œuvre de pareille mesure de détention doit se faire de bonne foi ; elle doit aussi être étroitement liée au but consistant à empêcher une personne de pénétrer irrégulièrement sur le territoire ou de l’expulser ; en outre, les lieux et conditions de détention doivent être appropriés, car une telle mesure s’applique non pas à des auteurs d’infractions mais à des étrangers qui, craignant souvent pour leur vie, fuient leur propre pays ; enfin, la durée de la détention ne doit pas excéder le délai raisonnable nécessaire pour atteindre le but poursuivi (voir, mutatis mutandis, Saadi c. Royaume-Uni [GC], no 13229/03, § 74, CEDH 2008).

b) Application des principes en l’espèce

39. En premier lieu, la Cour note que le requérant a été arrêté le 21 avril 2011 et que, en dépit du fait qu’il était mineur, il est resté détenu au poste de police d’Artemida jusqu’au 4 mai 2011. Le requérant prétend qu’il était détenu dans une cellule avec des adultes alors que le Gouvernement prétend que le requérant, compte tenu de son âge, était placé seul dans un espace spécial du poste de police qui était climatisé, ne communiquait pas avec les cellules de détention des adultes et avait sa propre toilette. Toutefois, la Cour ne peut que relever que, tant dans la décision du 21 avril 2011, par laquelle le chef de la sous-direction des étrangers de l’Attique a ordonné la mise en détention du requérant, que dans celle du 24 avril 2011 ordonnant l’expulsion, l’année de naissance indiquée pour le requérant était 1985 et non 1995, année qui figurait sur sa carte d’identité. A cet égard, la Cour note, d’une part, que l’article 30 § 1 de la loi no 3907/2011, qui s’appliquait au requérant, prévoit que les ressortissants d’un Etat tiers qui font l’objet d’une procédure de retour sont mis en détention aux fins de la préparation du retour et du déroulement de la procédure d’éloignement seulement lorsqu’il n’est pas possible dans un cas donné de prendre des mesures efficaces et suffisantes mais moins radicales. D’autre part, la législation grecque contient des dispositions protectrices des mineurs présentant une demande d’asile (paragraphes 19, 20 et 22 ci-dessus) et la jurisprudence démontre que les tribunaux prennent en considération la qualité de mineur d’une personne faisant l’objet d’une détention en vue de son expulsion (paragraphes 22-23 ci-dessus).

40. En deuxième lieu, la Cour a des doutes quant à la réalité de la notification au requérant de la décision du 21 avril 2011 ordonnant sa détention. A cet égard, elle note que le Gouvernement lui a fourni une copie du récépissé de notification portant la date du 21 avril 2011 mais qui concerne seulement la notice explicative pour détenus. De par sa nature, ce document ne permet pas de démontrer s’il y a eu notification effective et réelle. Il n’est nulle part mentionné que la décision ordonnant la détention a aussi été notifiée. En outre, ce récépissé porte la signature du seul requérant mais pas celle du policier qui aurait effectué la notification. Le contenu de ce récépissé contraste avec celui de la notification de la décision du 24 avril ordonnant son expulsion et prolongeant sa détention, qui comporte les éléments d’identité du requérant, les motifs de la prolongation de sa détention, les possibilités de recours et les signatures du requérant et du policier impliqué.

41. En troisième lieu, la Cour note que cette dernière décision d’expulsion, qui prolongeait en même temps la détention, a été notifiée au requérant le 27 avril 2011. La Cour ne peut pas prendre position sur l’allégation du requérant selon laquelle cette décision aurait été prise en réalité le 27 avril 2011. Elle considère cependant que même dans le cas où le requérant aurait effectivement eu connaissance de la décision initiale de détention du 21 avril 2011, cette dernière fixait la durée de détention de l’intéressé à trois jours (article 76 § 3 de la loi no 3386/2005), délai impératif dans lequel devait intervenir la décision d’expulsion (décision prolongeant éventuellement en même temps la détention). De la sorte, le requérant a été détenu pendant trois jours, du 24 (dimanche de Pâques) au 27 avril, sans titre légal, ou du moins sans qu’ait été porté à sa connaissance le titre légal censé fonder sa détention, et s’est ainsi vu privé dans cet intervalle de trois jours de la possibilité de former les recours prévus par la législation pertinente, notamment le recours gracieux de l’article 77 de la loi no 3386/2005 et les objections de l’article 76 § 3 de celle-ci, comme il l’a d’ailleurs fait par la suite dès le 28 avril 2011.

42. Au vu de ce qui précède, la Cour conclut que la détention du requérant n’a pas été « régulière » au sens de l’article 5 § 1 f) de la Convention et qu’il y a eu violation de cette disposition.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 4 DE LA CONVENTION

43. Le requérant se plaint que la décision du 21 avril 2011 ordonnant sa mise en détention ne lui a jamais été notifiée, et que celle prolongeant la détention et ordonnant son expulsion lui a été notifiée le 27 avril 2011 alors qu’elle avait été prise le 24 avril, ce qui l’aurait privé, dans cet intervalle de trois jours, de la possibilité de saisir les autorités judiciaires pour se plaindre de l’irrégularité de cette détention. Il allègue une violation de l’article 5 § 4 qui se lit ainsi :

« Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. »

44. Le Gouvernement prétend que le recours prévu à l’article 76 de la loi no 3386/2005 est effectif au sens de l’article 5 § 4 : les paragraphes 3 et 4 de cet article, tels que modifiés par l’article 55 § 2 de la loi no 3900/2010, prévoient expressément que la question de la légalité de la détention est examinée dans le cadre des objections formulées en vertu de cet article. De même, l’article 30 § 1 de la loi no 3907/2011 prévoit aussi la possibilité pour un étranger détenu de formuler des objections et renvoie à cet égard à l’article 76 de la loi no 3386/2005 ; il prévoit aussi que l’étranger dont la détention est jugée illégale est immédiatement libéré et que l’autorité qui a ordonné la détention doit examiner d’office et tous les trois mois si les conditions permettant la détention sont toujours réunies. Dans le cadre des articles précités, les juridictions administratives contrôlent si l’étranger qui a formulé des objections a présenté une demande d’asile, s’il est détenu dans des locaux appropriés ou s’il est mineur – auquel cas il bénéficie de la protection des dispositions de la Convention internationale sur les droits de l’enfant.

45. Le requérant soutient que la notification tardive de la décision du 24 avril 2011 l’a empêché d’exercer rapidement les recours qui lui étaient offerts. Il soutient, en outre, que lorsqu’il a déposé sa demande d’asile, les autorités de police n’ont pas appliqué l’article 13 du décret no 114/2010 et n’ont pas pris de nouvelle décision de détention qui fût fondée non plus sur l’exécution de la mesure d’expulsion qui avait été ordonnée à son encontre mais sur la qualité de demandeur d’asile.

46. La Cour note que le grief du requérant sous l’angle de l’article 5 § 4 se confond en réalité avec celui tiré de l’article 5 § 1. Tout en le déclarant recevable, elle n’estime pas nécessaire de l’examiner séparément sous cet angle.

III. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES

47. La Cour estime devoir rejeter le grief du requérant tiré de l’article 1 du Protocole no 7 : le requérant ne résidait pas régulièrement sur le territoire grec et n’ayant pas régularisé sa situation, l’article 1 du Protocole no 7 ne s’applique pas en l’espèce.

48. La Cour rejette aussi les griefs du requérant relatifs aux articles 5 § 2 (décisions notifiées dans une langue qu’il ne comprenait pas : le grec) et 2 du Protocole no 1 (privation d’école pendant sa détention) : le premier en raison du fait que le requérant avait seize ans au moment des faits, résidait en Grèce depuis dix ans et y était scolarisé ; le deuxième parce que le fait qu’il n’ait pas pu aller à l’école pendant une période de douze jours en raison de la procédure d’expulsion engagée à son encontre ne saurait être considéré comme une atteinte disproportionnée au droit protégé par cet article.

IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

49. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

50. Le requérant réclame 15 000 EUR au titre du préjudice moral qu’il aurait subi.

51. Le Gouvernement soutient que cette somme est excessive et injustifiée. Il considère que le constat de la violation de la Convention constituerait une satisfaction équitable suffisante et qu’en tout état de cause, eu égard à la situation économique du pays, l’indemnité éventuelle ne devait pas dépasser 500 EUR.

52. La Cour estime que, vu la nature de la violation, il y a lieu d’octroyer au requérant 2 000 EUR au titre du préjudice moral.

B. Frais et dépens

53. La Cour note que le requérant ne présente aucune demande de remboursement des frais et dépens. Elle ne lui accorde donc aucune somme à ce titre.

C. Intérêts moratoires

54. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable quant aux griefs tirés de l’article 5 §§ 1 et 4 de la Convention et irrecevable pour le surplus ;

2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 1 de la Convention ;

3. Dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner le grief tiré de l’article 5 § 4 de la Convention ;

4. Dit

a) que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois, à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 2 000 EUR (deux mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

5. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 2 mai 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Søren NielsenIsabelle Berro-Lefèvre
GreffierPrésidente


Synthèse
Formation : Cour (premiÈre section)
Numéro d'arrêt : 001-119053
Date de la décision : 02/05/2013
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Violation de l'article 5 - Droit à la liberté et à la sûreté (Article 5-1-f - Expulsion)

Parties
Demandeurs : BARJAMAJ
Défendeurs : GRÈCE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : ALAVANOS I.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

Source

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