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29/01/2013 | CEDH | N°001-116133

CEDH | CEDH, AFFAIRE PARATHERISTIKOS OIKODOMIKOS SYNETAIRISMOS STEGASEOS YPALLILON TRAPEZIS TIS ELLADOS c. GRÈCE, 2013, 001-116133


PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE PARATHERISTIKOS OIKODOMIKOS SYNETAIRISMOS STEGASEOS YPALLILON TRAPEZIS TIS ELLADOS c. GRÈCE

(Requête no 2998/08)

ARRÊT

(Satisfaction équitable)

STRASBOURG

29 janvier 2013

DÉFINITIF

08/07/2013

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Paratheristikos Oikodomikos Synetairismos Stegaseos Ypallilon Trapezis Tis Ellados c. Grèce,

La Cour européenne des droits de l’homme (première s

ection), siégeant une chambre composée de :

Isabelle Berro-Lefèvre, présidente,
Elisabeth Steiner,
Mirjana Lazarova Trajkovska,
Julia...

PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE PARATHERISTIKOS OIKODOMIKOS SYNETAIRISMOS STEGASEOS YPALLILON TRAPEZIS TIS ELLADOS c. GRÈCE

(Requête no 2998/08)

ARRÊT

(Satisfaction équitable)

STRASBOURG

29 janvier 2013

DÉFINITIF

08/07/2013

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Paratheristikos Oikodomikos Synetairismos Stegaseos Ypallilon Trapezis Tis Ellados c. Grèce,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant une chambre composée de :

Isabelle Berro-Lefèvre, présidente,
Elisabeth Steiner,
Mirjana Lazarova Trajkovska,
Julia Laffranque,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Erik Møse,
Khanlar Hajiyev, juges,
et de André Wampach, greffier adjoint de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 8 janvier 2013,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 2998/08) dirigée contre la République hellénique et dont une association d’employés de la Banque de Grèce, le Paratheristikos Oikodomikos Synetairismos Stegaseos Ypallilon Trapezis Tis Ellados (« la requérante »), a saisi la Cour le 19 décembre 2007 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Par un arrêt du 3 mai 2011 (« l’arrêt au principal »), la Cour a jugé qu’il y avait eu violation des articles 6 § 1 (délai raisonnable) et 13 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1. Plus particulièrement, en ce qui concerne ce dernier, la Cour a considéré que, dans le cas d’espèce, le critère employé par l’arrêt du Conseil d’Etat pour rejeter le recours en annulation du décret contesté par la requérante ainsi que le comportement des autorités pendant toute la période qui avait suivi l’acquisition de la superficie litigieuse par celle-ci, et en tout cas à compter de la contestation du droit de propriété par l’Etat, avaient rompu le juste équilibre devant régner, en matière de réglementation de l’usage des biens, entre l’intérêt public et l’intérêt privé.

3. En s’appuyant sur l’article 41 de la Convention, la requérante réclamait une satisfaction équitable de 2 205 900 000 euros (EUR) au titre du préjudice matériel qu’elle aurait subi, de 100 000 EUR au titre du dommage moral, dont 85 000 EUR pour la violation de l’article 1 du Protocole no 1 et 15 000 EUR pour celle des articles 6 § 1 et 13 de la Convention, et de 1 000 EUR pour les frais et dépens engagés devant la Cour.

4. La question de l’application de l’article 41 de la Convention ne se trouvant pas en état, la Cour l’a réservée et a invité le Gouvernement et la requérante à lui soumettre par écrit, dans les trois mois, leurs observations sur ladite question et notamment à lui donner connaissance de tout accord auquel ils pourraient aboutir (ibidem, § 63, et point 5 du dispositif).

5. Tant la requérante que le Gouvernement ont déposé des observations.

EN DROIT

6. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage matériel

1. Arguments des parties

a) La requérante

7. La requérante rappelle que son but exclusif est d’assurer à ses 3 402 membres des résidences secondaires à Palaia Phokea d’Attique. Le décret présidentiel du 19 février 2003 serait en contradiction avec les décisions antérieures des autorités tant administratives que judiciaires, à savoir la décision du préfet du 9 février 1966 autorisant l’acquisition du terrain, les deux décisions du Conseil des travaux publics approuvant une étude d’urbanisme de la requérante en vue de la construction d’un lotissement, les décisions judiciaires du tribunal de première instance, de la cour d’appel et de la Cour de cassation reconnaissant le droit de propriété de la requérante, les deux décisions du conseil exécutif de l’Office du plan d’aménagement d’Athènes des 11 juillet 1996 et 9 novembre 1997 excluant le terrain de la superficie visée par le décret. Toutefois, l’assujettissement de la majeure partie du terrain au régime institué par le décret a rendu l’usage de celui-ci illusoire, a anéanti toute possibilité d’exploitation et a amoindri sa valeur, en faisant disparaître par là même la raison d’être de la requérante.

8. La requérante prétend avoir subi un dommage irréparable car elle n’a reçu aucune indemnité ou autre terrain en échange ni réparation quelconque. Quant à l’évaluation du terrain, elle fournit un rapport d’expertise établi le 1er juillet 2011 par la société Optimum Property and Development Consulting (Optimum PDC). Le rapport a procédé à une estimation du bien en se fondant sur une analyse comparative du marché des biens immobiliers pour les localités d’Anavissos, Legrena, Harakas, Aghios Nikolaos et Aghios Konstantinos, situés sur la côte ouest d’Attique dans l’axe Athènes-cap Sounion.

9. La requérante décrit in extenso les facteurs qui ont contribué au développement de la région dans laquelle est situé son terrain, notamment les facteurs touristiques, urbains ou d’infrastructures, et qui ont entraîné une augmentation considérable des prix de l’immobilier. Se fondant sur les éléments mis en avant dans le rapport d’expertise concernant les prix au mètre carré des terrains dans la région et les règles de construction élaborées par le ministère des Travaux publics en 1968, la requérante estime que la valeur de son terrain, sans les restrictions imposées par le décret du 19 février 2003, s’élèverait à 2 695 080 384 EUR. Elle souligne qu’en septembre 2001, soit un an environ avant l’adoption du décret, l’Etat avait évalué le terrain de 7 353 000 m² à 30 milliards de drachmes (88 041 085,84 EUR).

10. La requérante conclut que d’après les prix du marché immobilier et foncier dans la région et le schéma de développement et d’urbanisation de celle-ci élaboré par le ministère des Travaux publics, la valeur définitive de la superficie litigieuse s’élèverait, si les restrictions du décret du 19 février 2003 n’avaient pas été introduites, à 2 695 080 384 EUR.

b) Le Gouvernement

11. En premier lieu, le Gouvernement souligne que la prétention de la requérante, fondée sur la valeur marchande du terrain comme s’il y avait eu privation de propriété, n’a pas de lien de causalité avec la violation constatée ; en tout cas elle est vague, non prouvée, injustifiée et insensée. Il estime que les conditions d’application de l’article 41 ne se trouvent pas réunies car la requérante peut saisir les juridictions internes d’une action en dommages-intérêts, soit sur le fondement de l’article 24 § 6 de la Constitution, soit sur celui de l’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil, sans être empêchée en cela par l’arrêt du Conseil d’Etat no 3901/2006 qui a rejeté son recours en annulation du décret litigieux du 19 février 2003.

12. Le Gouvernement affirme que même avant l’adoption du décret susmentionné, il n’était pas possible d’utiliser le terrain pour le but que poursuivait la requérante lorsqu’elle l’a acheté. Les autorités n’ont jamais créé un espoir légitime qu’elle pourrait y construire des lotissements de vacances. L’autorisation donnée par le préfet de l’Attique ne concernait pas la construction, mais le simple transfert de propriété du terrain à la requérante, car la loi soumettait à une telle autorisation le transfert de propriété des terrains agricoles appartenant à des particuliers et ayant une superficie supérieure à 250 000 m². De plus, l’étude urbanistique relative au terrain litigieux qu’avait déposée la requérante, en vue de la construction, n’a jamais été approuvée par les autorités.

13. Le Gouvernement soutient qu’une partie (6 529 000 m²) de la superficie totale du terrain de la requérante a toujours été et constitue encore un domaine forestier, protégé en tant que tel par la Constitution, sur lequel toute construction est interdite. L’intégralité du terrain a été déclarée, depuis les années 1970, domaine à reboiser, ce qui exclut, en vertu de la Constitution, toute forme d’exploitation. De plus, le terrain était classé par une décision ministérielle adoptée en 1980, comme site archéologique et historique et site d’une beauté naturelle exceptionnelle, sur lequel toute construction est soumise à l’autorisation préalable du ministère de la Culture. Une nouvelle décision ministérielle adoptée en 1995 a classé 1 800 000 m² comme zone archéologique de protection absolue, c’est-à-dire inconstructible. Seule une superficie de 824 000 m² du terrain de la requérante constitue une terre agricole mais il n’est pas encore établi si elle tombe sous le coup du décret du 19 février 2003 ; or, seules les juridictions internes peuvent se prononcer sur cette question et la requérante a encore la possibilité de les saisir.

14. Le Gouvernement affirme que le décret du 19 février 2003 cristallisait le statut antérieur applicable sur le terrain litigieux et ceci ressort clairement des travaux préparatoires du décret, d’après lesquels le secteur où se trouvait le terrain était constitué de superficies montagneuses qui avaient été déclarées « zones à reboiser » et qui ne pouvaient pas servir pour la construction de résidences secondaires, quel que soit leur statut en termes de propriété.

15. Le Gouvernement soutient que la requérante était au courant de l’impossibilité de réaliser son projet, et cela bien avant l’adoption du décret du 19 février 2003. Les autorités fiscales avaient soumis la requérante à la taxe foncière (« foros akinitis periousias ») pour les années 1984-1992. Le 10 novembre 1995, la requérante a saisi le tribunal administratif d’Athènes contre les actes la soumettant à cette taxe, en contestant, entre autres, l’estimation de la valeur du terrain par les autorités fiscales. Le tribunal administratif a estimé la valeur à un montant considérablement inférieur à celui des autorités fiscales. Le 29 septembre 1999, la requérante a introduit un appel contre le jugement du tribunal administratif dans lequel elle contestait l’évaluation faite par ce dernier. La requérante précisait à cet égard que le terrain litigieux couvrait une superficie immense, avec beaucoup de problèmes factuels et juridiques difficiles à résoudre, et dont la majeure partie, soit 6 529 000 m² sur 7 353 000 m², était classée de manière définitive zone forestière. Elle ajoutait qu’en raison de ce fait, le ministre de l’Agriculture refusait d’autoriser son démembrement et que, par conséquent, il n’était pas possible de la construire et de l’exploiter. La requérante affirmait que même si la zone n’était pas classée forestière, le terrain était « non exploitable et d’une valeur dérisoire [(midamini)] » car il était « constitué de terres arides, forestières et de pâturages, sans aucune infrastructure ».

2. Appréciation de la Cour

16. La Cour rappelle qu’un arrêt constatant une violation entraîne pour l’Etat défendeur l’obligation juridique de mettre un terme à la violation et d’en effacer les conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 32, CEDH 2000-XI et Katsaros c. Grèce (satisfaction équitable), no 51473/99, § 17, 13 novembre 2003).

17. Les Etats sont en principe libres de choisir les moyens dont ils useront pour se conformer à un arrêt constatant une violation. Ce pouvoir d’appréciation quant aux modalités d’exécution d’un arrêt traduit la liberté de choix dont est assortie l’obligation primordiale imposée par la Convention aux Etats contractants : assurer le respect des droits et libertés garantis. Si la nature de la violation permet une restitutio in integrum, il incombe à l’Etat défendeur de la réaliser, la Cour n’ayant ni la compétence ni la possibilité pratique de l’accomplir elle-même. Si, en revanche, le droit national ne permet pas ou ne permet qu’imparfaitement d’effacer les conséquences de la violation, l’article 41 habilite la Cour à accorder, s’il y a lieu, à la partie lésée la satisfaction qui lui semble appropriée (Brumarescu c. Roumanie (satisfaction équitable) [GC], no 28342/95, § 20, CEDH 2000‑I).

18. En outre, la Cour rappelle que seuls les préjudices causés par les violations de la Convention qu’elle a constatées sont susceptibles de donner lieu à l’allocation d’une satisfaction équitable (Motais de Narbonne c. France (satisfaction équitable), no 48161/99, § 19, 27 mai 2003).

19. S’agissant de la présente affaire, dans son arrêt au principal, la Cour s’est exprimée en ces termes : « La Cour note d’emblée qu’il y a eu ingérence des autorités dans le droit de la requérante de disposer librement de ses biens : elle est le résultat du classement de sa propriété en zones A et C, prévu par le décret du 19 février 2003 et confirmé par l’arrêt du Conseil d’Etat du 27 décembre 2006, ce qui a rendu impossible son usage, à savoir la construction de lotissements de vacances qui constituait la raison d’être de l’association requérante ».

20. La présente affaire a donc pour origine la réglementation de l’usage de la propriété en cause et non la privation de celle-ci, ce qui exclut de partir du principe de l’octroi d’une indemnité correspondant à sa pleine valeur marchande. A cet égard, la Cour rappelle que le décret du 19 février 2003 classait une partie de la propriété de la requérante dans une zone de protection absolue, dite « A », où il est possible de mettre en place des infrastructures sportives et culturelles, et le restant dans une zone « C » dans laquelle la construction est possible sous certaines conditions (paragraphe 25 ci-dessous). L’indemnisation susceptible de compenser le préjudice matériel subi par la requérante doit donc tenir compte de cette situation.

21. La Cour note que la requérante ne pouvait pas utiliser la plus grande partie de la superficie qu’elle avait acquise, à savoir 6 529 000 m² sur un total de 7 353 000 m², en raison du caractère forestier de celle-ci et des décisions successives de l’administration (en 1978, 1979, 1985 et 1996) qui la qualifiaient de « zone à reboiser» à la suite de plusieurs incendies qui l’avaient dévastée, ce qui était connu de la requérante bien avant l’adoption du décret du 19 février 2003. Seule une partie de 824 000 m² était constituée de terres agricoles qui échappaient aux restrictions imposées par la qualification de la zone comme forestière.

22. La Cour convient avec le Gouvernement que les autorités grecques n’ont jamais créé dans le chef de la requérante l’espoir qu’elle pourrait réaliser pleinement ses projets sur la superficie litigieuse. L’autorisation du préfet d’Attique pour l’achat de celle-ci, donnée en 1966, visait le seul transfert des droits de propriété du vendeur à la requérante et était imposée par la loi qui exigeait, sous peine de nullité du transfert, une autorisation préfectorale pour toute vente de terres « agricoles » ou appartenant à des personnes morales de droit public d’une superficie supérieure à 250 000 m².

23. La Cour note par ailleurs qu’il ressort du dossier qu’en 1995, la requérante a saisi le tribunal administratif d’Athènes de plusieurs actions en contestation de la taxe foncière à laquelle elle avait été soumise pendant la période 1984-1992 pour les 7 353 000 m² constituant l’ensemble du bien. Le tribunal administratif a estimé la valeur de la superficie litigieuse à un montant (25 394 007,34 EUR) bien inférieur à celui utilisé par les autorités fiscales pour fixer la taxe immobilière. Toutefois, en 1999, la requérante a introduit des appels contre les jugements du tribunal administratif dans lesquels elle soutenait que celui-ci avait mal estimé la valeur de la superficie litigieuse. Elle soutenait que celle-ci était grevée de nombreux problèmes juridiques difficiles à résoudre et avait reçu de manière définitive la qualification de zone forestière dans sa plus grande partie (soit 6 529 000 m²), raison pour laquelle le ministre de l’Agriculture refusait d’en autoriser le démembrement. Elle concluait que même si cette superficie n’était pas forestière, elle était constituée de terres arides ou de pâturages, situés hors du plan de la ville et sans aucune perspective d’exploitation commerciale, et dont la valeur était, selon ses propres termes, « dérisoire » (midamini).

24. Or, la Cour constate qu’une telle affirmation de la requérante devant les juridictions internes est en totale contradiction avec les prétentions que celle-ci présente devant la Cour quant à la valeur actuelle de sa propriété, qu’elle fixe à plus de deux milliards et demi d’euros.

25. Seule une surface de 824 000 m², constituée de terres agricoles et qui échappait aux restrictions imposées par la qualification de la zone comme forestière, se prêtait à la réalisation, du moins partielle, des buts de la requérante, à savoir la construction de résidences secondaires. La restriction à la possibilité de jouir pleinement de sa propriété par la requérante ne saurait donc donner lieu à indemnisation que pour cette partie-là, à l’exclusion des autres. La Cour ne perd cependant pas de vue qu’après l’adoption du décret du 19 février 2003, la construction est devenue plus réglementée : dorénavant, il est permis de construire des maisons de 160 m² sur des terrains inclus dans la zone de protection « C », si leur superficie s’élève à 20 000 m² ou à 4 000 m², selon le cas. Il apparaît ainsi que pour cette partie de la propriété litigieuse, qui n’est pas qualifiée de zone forestière, son utilisation selon les buts de la requérante est encore possible.

26. La présente affaire ayant pour origine la réglementation de l’usage de la superficie de 824 000 m² en cause, le préjudice présente un caractère intrinsèquement aléatoire, ce qui rend impossible un calcul précis de sa compensation (Lallement c. France (satisfaction équitable), no 46044/99, § 16, 12 juin 2003). Cela est d’autant plus vrai que ni la requérante ni le Gouvernement ne produisent d’éléments de nature à permettre d’estimer la valeur de celle-ci. Du reste, la requérante n’avait effectué sur la superficie litigieuse aucun investissement depuis l’achat de celle-ci et n’avait pas commencé de travaux en rapport avec le but pour lequel elle l’avait acquise. La requérante a donc subi un manque à gagner (lucrum cessans) lié à la restriction de la possibilité d’exploiter une partie de sa propriété de la manière dont elle l’aurait souhaité.

27. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, et statuant en équité, la Cour estime raisonnable d’accorder à la requérante une somme globale de 500 000 EUR, tous préjudices confondus, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt sur cette somme (voir, mutatis mutandis, Centro Europa 7 S.R.L. et di Stefano c. Italie [GC], no 38433/09, § 222, CEDH 2012).

28. Ayant statué ainsi, la Cour ne juge pas nécessaire de se prononcer sur les arguments du Gouvernement relatifs à l’omission de la requérante de saisir les juridictions internes. A cet égard, elle rappelle, du reste, qu’un requérant peut lui soumettre une demande au titre de l’article 41 sans devoir au préalable saisir les tribunaux nationaux en vue d’épuiser les voies de recours internes sur ce point précis (principe énoncé dans De Wilde, Ooms et Versyp c. Belgique (ancien article 50), 10 mars 1972, § 16, série A no 14, ; voir aussi, comme exemple récent, Jalloh c. Allemagne [GC], no 54810/00, § 129, CEDH 2006-IX).

B. Dommage moral

29. Pour dommage moral, la requérante sollicite 100 000 EUR, dont 85 000 EUR pour la violation de l’article 1 du Protocole no 1 et 15 000 EUR pour les violations des articles 6 § 1 (durée de la procédure) et 13 de la Convention.

30. Le Gouvernement se déclare prêt à accorder à la requérante la somme de 4 000 EUR pour la violation de l’article 6 § 1 de la Convention mais aucune somme pour celle de l’article 1 du Protocole no 1.

31. La Cour considère qu’en l’espèce le constat de violation de l’article 1 du Protocole no 1 constitue en soi une satisfaction équitable suffisante à cet égard. Elle estime cependant que la requérante a subi un dommage moral en raison de la violation de l’article 6 § 1 et, statuant en équité, lui accorde 4 000 EUR à ce titre.

C. Frais et dépens

32. Pour frais et dépens, la requérante réclame la somme de 52 260 EUR, dont 3 460 EUR d’honoraires d’avocats pour la procédure devant la Cour (20 heures de travail au taux de 150 EUR l’heure), et 49 200 EUR pour le rapport d’expertise établi par la société Optimum PDC. relatif à la valeur vénale de la superficie litigieuse.

33. Le Gouvernement ne présente pas d’observations par rapport à ces prétentions.

34. La Cour rappelle que l’allocation de frais et dépens au titre de l’article 41 présuppose que se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et, de plus, le caractère raisonnable de leur taux (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], précité, § 54). La Cour observe que les prétentions de la requérante au titre des honoraires d’avocats, soit 3 460 EUR, sont accompagnées des justificatifs nécessaires et ne sont pas déraisonnables. Elle les accueille dès lors en totalité. En revanche, quant à celles liées au rapport d’expertise, la Cour relève que le rapport produit par la requérante n’a en rien contribué à éclairer la Cour sur le montant de l’indemnité à accorder. Il convient donc d’écarter la demande de la requérante à cet égard.

D. Intérêts moratoires

35. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Dit

a) que l’Etat défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois, à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :

i. 500 000 EUR (cinq cent mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage matériel ;

ii. 4 000 EUR (quatre mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

iii. 3 460 EUR (trois mille quatre cent soixante euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par la requérante, pour frais et dépens ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

2. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 29 janvier 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

André WampachIsabelle Berro-Lefèvre
Greffier adjointPrésidente


Synthèse
Formation : Cour (premiÈre section)
Numéro d'arrêt : 001-116133
Date de la décision : 29/01/2013
Type d'affaire : satisfaction équitable
Type de recours : Dommage matériel et préjudice moral - réparation (Article 41 - Préjudice moral;Dommage matériel;Satisfaction équitable)

Parties
Demandeurs : PARATHERISTIKOS OIKODOMIKOS SYNETAIRISMOS STEGASEOS YPALLILON TRAPEZIS TIS ELLADOS
Défendeurs : GRÈCE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : CHIRDARIS V.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

Source

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