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29/01/2013 | CEDH | N°001-116128

CEDH | CEDH, AFFAIRE LANTERI c. ITALIE, 2013, 001-116128


DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE LANTERI c. ITALIE

(Requête no 56578/00)

ARRÊT

(Satisfaction équitable)

STRASBOURG

29 janvier 2013

DÉFINITIF

29/04/2013

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Lanteri c. Italie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant une chambre composée de :

Danutė Jočienė, présidente,
Guido Raimondi,
Dragoljub Popović,
András Sajó

,
Işıl Karakaş,
Paulo Pinto de Albuquerque,
Helen Keller, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conse...

DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE LANTERI c. ITALIE

(Requête no 56578/00)

ARRÊT

(Satisfaction équitable)

STRASBOURG

29 janvier 2013

DÉFINITIF

29/04/2013

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Lanteri c. Italie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant une chambre composée de :

Danutė Jočienė, présidente,
Guido Raimondi,
Dragoljub Popović,
András Sajó,
Işıl Karakaş,
Paulo Pinto de Albuquerque,
Helen Keller, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 18 décembre 2012,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 56578/00) dirigée contre la République italienne et dont deux ressortissants de cet Etat, M. Girolamo Lanteri et Mme Marianna Lanteri (« les requérants »), ont saisi la Cour le 21 mars 2000 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Par un arrêt du 15 novembre 2005 (« l’arrêt au principal »), la Cour a jugé que la perte de toute disponibilité du terrain, combinée avec l’impossibilité de remédier à la situation incriminée avait engendré des conséquences assez graves pour que les requérants aient subi une expropriation de fait incompatible avec leur droit au respect de leurs biens et non conforme au principe de prééminence du droit (Lanteri c. Italie, no 56578/00, § 80, 15 novembre 2005).

3. En s’appuyant sur l’article 41 de la Convention, les requérants réclamaient, s’agissant du dommage matériel, une satisfaction de « 66 765 EUR chacun, et pas moins de 500 000 EUR ». Ils sollicitaient au titre du dommage moral 250 000 EUR et demandaient le remboursement des frais et dépens engagés devant les juridictions nationales et devant la Cour, à concurrence d’un montant de 83 981,02 EUR.

4. La question de l’application de l’article 41 de la Convention ne se trouvant pas en état, la Cour l’a réservée et a invité le Gouvernement et les requérants à lui soumettre par écrit, dans les trois mois, leurs observations sur ladite question et notamment à lui donner connaissance de tout accord auquel ils pourraient aboutir (ibidem, § 91, et point 3 b) du dispositif).

5. Le 27 octobre 2006, le président de la chambre a décidé de demander aux parties de nommer chacune un expert chargé d’évaluer le préjudice matériel et de déposer un rapport d’expertise avant le 24 janvier 2007.

6. Lesdits rapports d’expertise ont été déposés dans le délai imparti.

7. A la suite de la modification de la composition des sections de la Cour, la présente requête a été attribuée à la deuxième section ainsi remaniée.

EN DROIT

8. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage matériel

9. Les requérants réclament 525 800 EUR, somme correspondant à la valeur du terrain en 2007, plus 1 725 750 EUR pour la valeur des infrastructures construites sur le terrain.

10. Le Gouvernement s’oppose à cette demande.

11. La Cour rappelle qu’un arrêt constatant une violation entraîne pour l’État défendeur l’obligation de mettre un terme à la violation et d’en effacer les conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], nº 31107/96, § 32, CEDH 2000-XI).

12. Elle rappelle que dans l’affaire Guiso-Gallisay c. Italie (satisfaction équitable) [GC], nº 58858/00, 22 décembre 2009, la Grande Chambre a modifié la jurisprudence de la Cour concernant les critères d’indemnisation dans les affaires d’expropriation indirecte. En particulier, elle a décidé d’écarter les prétentions des requérants dans la mesure où elles sont fondées sur la valeur des terrains à la date de l’arrêt de la Cour et de ne plus tenir compte, pour évaluer le dommage matériel, du coût de construction des immeubles bâtis par l’État sur les terrains.

13. L’indemnisation doit donc correspondre à la valeur pleine et entière du terrain au moment de la perte de la propriété, telle qu’établie par l’expertise ordonnée par la juridiction compétente au cours de la procédure interne. Ensuite, une fois que l’on aura déduit la somme éventuellement octroyée au niveau national, ce montant doit être actualisé pour compenser les effets de l’inflation. Il convient aussi de l’assortir d’intérêts susceptibles de compenser, au moins en partie, le long laps de temps qui s’est écoulé depuis la dépossession des terrains.

14. En l’espèce, les requérants ont perdu la propriété du leur terrain le 31 décembre 1988 (paragraphe 18 de l’arrêt au principal). La Cour observe qu’ils ont reçu au niveau national une somme correspondant à la valeur vénale de leur terrain, réévaluée et assortie d’intérêts à compter de la date de la perte de la propriété, (paragraphe 18 de l’arrêt au principal). Selon elle, les intéressés ont ainsi déjà obtenu une somme suffisante à satisfaire les critères d’indemnisation suscités.

15. Reste à évaluer la perte de chances subie à la suite de l’expropriation litigieuse (Guiso-Gallisay c. Italie (satisfaction équitable) [GC] précité, § 107). La Cour juge qu’il y a lieu de prendre en considération le préjudice découlant de l’indisponibilité du terrain pendant la période allant du début de l’occupation légitime (24 juillet 1987) jusqu’au moment de la perte de propriété (31 décembre 1988). Statuant en équité, la Cour alloue conjointement aux requérants 3 000 EUR.

B. Dommage moral

16. Les requérants demandent 500 000 EUR pour le dommage moral.

17. Le Gouvernement s’y oppose.

18. La Cour estime que le sentiment d’impuissance et de frustration face à la dépossession illégale de leur bien a causé aux requérants un préjudice moral important, qu’il y a lieu de réparer de manière adéquate.

19. Statuant en équité, la Cour accorde conjointement aux requérants 10 000 EUR pour le dommage moral.

C. Frais et dépens

20. Les requérants demandent le remboursement des frais encourus dans la procédure nationale (1 926,02 EUR), des frais d’expert comptable (612 EUR) et de ceux exposés devant la Cour (81 443 EUR).

21. Le Gouvernement s’y oppose.

22. La Cour rappelle que l’allocation des frais et dépens au titre de l’article 41 présuppose que se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et, de plus, le caractère raisonnable de leur taux (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 2000-XI). En outre, les frais de justice ne sont recouvrables que dans la mesure où ils se rapportent à la violation constatée (voir, par exemple, Beyeler c. Italie (satisfaction équitable) [GC], no 33202/96, § 27, 28 mai 2002 ; Sahin c. Allemagne [GC], no 30943/96, § 105, CEDH 2003-VIII).

23. La Cour ne doute pas de la nécessité d’engager des frais, mais elle trouve excessifs les honoraires totaux revendiqués à ce titre. Elle considère dès lors qu’il y a lieu de les rembourser en partie seulement. Compte tenu des circonstances de la cause, la Cour juge raisonnable d’allouer conjointement aux requérants un montant de 15 000 EUR pour l’ensemble des frais exposés.

D. Intérêts moratoires

24. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Dit

a) que l’Etat défendeur doit verser conjointement aux requérants, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :

i. 3 000 EUR (trois mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage matériel ;

ii. 10 000 EUR (dix mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

iii. 15 000 EUR (quinze mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par les requérants, pour frais et dépens ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

2. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 29 janvier 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Stanley NaismithDanute Jociene
GreffierPrésidente


Synthèse
Formation : Cour (deuxiÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-116128
Date de la décision : 29/01/2013
Type d'affaire : satisfaction équitable
Type de recours : Dommage matériel et préjudice moral - réparation (Article 41 - Préjudice moral;Dommage matériel;Satisfaction équitable)

Parties
Demandeurs : LANTERI
Défendeurs : ITALIE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : MAGRO F.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

Source

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