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30/10/2012 | CEDH | N°001-114100

CEDH | CEDH, AFFAIRE GLYKANTZI c. GRÈCE, 2012, 001-114100


PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE GLYKANTZI c. GRÈCE

(Requête no 40150/09)

ARRÊT

STRASBOURG

30 octobre 2012

DÉFINITIF

30/01/2013

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Glykantzi c. Grèce,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Nina Vajić, présidente,
Peer Lorenzen,
Elisabeth Steiner,
Mirjana Lazarova Trajkovska,
Julia Laffran

que,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Erik Møse, juges,
et de Søren Nielsen, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 9 octo...

PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE GLYKANTZI c. GRÈCE

(Requête no 40150/09)

ARRÊT

STRASBOURG

30 octobre 2012

DÉFINITIF

30/01/2013

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Glykantzi c. Grèce,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Nina Vajić, présidente,
Peer Lorenzen,
Elisabeth Steiner,
Mirjana Lazarova Trajkovska,
Julia Laffranque,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Erik Møse, juges,
et de Søren Nielsen, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 9 octobre 2012,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date :

PROCÉDURE

1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 40150/09) dirigée contre la République hellénique par une ressortissante de cet Etat, Mme Panagoula Glykantzi (« la requérante ») qui a saisi la Cour le 9 juillet 2009 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. La requérante est représentée devant la Cour par Mes L. Panousis et A. Panousi, avocats au barreau d’Athènes. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») est représenté par les délégués de son agent, Mme K. Paraskevopoulou, assesseure auprès du Conseil juridique de l’Etat, M. I. Bakopoulos et Mme G. Kopa, auditeurs auprès du Conseil juridique de l’Etat.

3. La requérante alléguait notamment une violation de l’article 6 § 1 de la Convention quant à la durée d’une procédure civile.

4. Le 2 décembre 2010, la chambre a décidé de communiquer au Gouvernement, conformément à l’article 54 § 2 b) du règlement de la Cour, le grief relatif à la durée de la procédure civile en soulevant, de plus, ex officio une question quant à l’existence en la matière d’une voie de recours effective au regard de l’article 13 de la Convention. En outre, elle a décidé d’informer les parties qu’elle considérait appropriée l’application de la procédure d’arrêt pilote (voir Hutten-Czapska c. Pologne [GC], no 35014/97, §§ 231-239, CEDH 2006-VIII, et son dispositif, et Broniowski c. Pologne [GC], no 31443/96, §§ 189-194, CEDH 2004-V, et son dispositif). Enfin, comme le permettait l’article 29 § 1 de la Convention, il a été décidé que la recevabilité et le fond de la requête seraient examinés conjointement.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. Le 8 mars 1996, la requérante saisit le tribunal de première instance d’Athènes d’une action en dommages-intérêts contre l’hôpital public « Andreas Syngros » qui l’employait en tant que femme de ménage. Elle réclamait la somme de 14 192 074 drachmes (41 650 euros environ) au titre de salaires. Suite à l’ajournement de l’audience, le 20 novembre 1996, la requérante demanda, le 16 novembre 1998, la fixation d’une nouvelle date d’audience. Le tribunal de première instance la fixa au 12 mai 1999, date à laquelle celle-ci eut lieu.

6. Le 31 août 1999, le tribunal fit droit à la demande de la requérante (décision no 2390/1999).

7. Le 10 février 2000, la partie adverse interjeta appel.

8. Le 26 septembre 2000, la cour d’appel d’Athènes confirma la décision no 2390/1999 (arrêt no 7608/2000).

9. Le 23 février 2001, la partie adverse se pourvut en cassation.

10. Le 4 décembre 2002, la Cour de cassation infirma l’arrêt no 7608/2000 et renvoya l’affaire devant la cour d’appel (arrêt no 1670/2002).

11. Le 7 juillet 2005, la cour d’appel d’Athènes fit droit à l’appel de la partie adverse et rejeta l’action de la requérante (arrêt no 6016/2005).

12. Le 30 août 2006, la requérante se pourvut en cassation.

13. Le 3 février 2009, la Cour de cassation cassa partiellement l’arrêt no 6016/2005 et renvoya l’affaire devant la cour d’appel d’Athènes pour se prononcer sur une partie de la demande de la requérante (arrêt no 276/2009). L’audience devant cette juridiction a été fixée au 6 novembre 2012. Il ressort du dossier que l’affaire est toujours pendante devant la cour d’appel d’Athènes.

II. LES DROIT ET PRATIQUE INTERNES ET INTERNATIONAUX PERTINENTS

A. Les droit et pratique internes

1. Les dispositions générales

14. Les articles 104 et 105 de la loi d’accompagnement du Code civil se lisent comme suit :

Article 104

« L’Etat est responsable, conformément aux dispositions du code civil relatives aux personnes morales, des actes ou omissions de ses organes concernant des rapports de droit privé ou son patrimoine privé. »

Article 105

« L’Etat est tenu de réparer le dommage causé par les actes illégaux ou omissions de ses organes lors de l’exercice de la puissance publique, sauf si l’acte ou l’omission a eu lieu en méconnaissance d’une disposition destinée à servir l’intérêt public. La personne fautive est solidairement responsable avec l’Etat, sous réserve des dispositions spéciales sur la responsabilité des ministres. »

15. Ces dispositions établissent le concept d’acte dommageable spécial de droit public, créant une responsabilité extracontractuelle de l’Etat. Cette responsabilité résulte d’actes ou omissions illégaux. Les actes concernés peuvent être, non seulement des actes juridiques, mais également des actes matériels de l’administration, y compris des actes non exécutoires en principe. La recevabilité de l’action en réparation est soumise à une condition : la nature illégale de l’acte ou de l’omission.

16. Par un jugement no 15006/2008 du 31 octobre 2008, le tribunal administratif d’Athènes jugea ainsi :

« (...) l’Etat est tenu à dédommager autrui au titre de l’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil, dès lors qu’il y a acte ou omission ou agissement matériel illégal de ses organes, c’est-à-dire lorsque l’acte ou l’omission ou l’agissement viole une règle de droit protégeant un droit précis d’un particulier ou intérêt précis et, par conséquent, lorsqu’elle viole l’article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales en vertu duquel est institué le droit de chaque individu à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable. La responsabilité de l’Etat à indemniser existe indépendamment de la question de savoir si les organes du pouvoir judiciaire ont contribué à la violation de la disposition en question à cause du délai qu’ils ont mis pour fixer l’audience et juger les affaires devant les juridictions internes ou pour rendre les jugements afférents, car ce délai est fonction du mode d’organisation du système judiciaire (personnel, moyens techniques et infrastructures, organisation des procédures etc.) par l’Etat, qui doit l’organiser de manière à ce que les juridictions satisfassent aux exigences de la disposition précitée. L’éventuelle responsabilité individuelle des magistrats pour le retard apporté lors du jugement d’une affaire au-delà du temps raisonnable ainsi que l’indépendance individuelle et fonctionnelle des magistrats, prévue par la Constitution, ne suffisent pas à dispenser, dans ce cas, l’Etat de sa responsabilité civile. Cette dernière peut être fondée sur l’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil, étant donné que le législateur grec n’a pas prévu de voie légale spécifique en vue de la réparation du préjudice subi à cause de ces retards, puisque dans le cas contraire, les personnes lésées auraient été dépourvues de la protection légale à l’égard des juridictions nationales accordée par l’article 20 § 1 de la Constitution (...) ».

17. Le tribunal administratif a statué ainsi dans le cadre d’une action fondée sur l’article 105 de la loi d’accompagnement du Code civil, qu’il a rejetée en l’espèce, et qui avait été introduite le 6 juillet 2006. Les parties n’ont pas fourni d’autres informations sur l’évolution de cette procédure.

2. Les initiatives législatives récentes quant à la durée des procédures civiles

18. En vertu de la loi no 3898/2010, intitulée « Médiation en matière civile et commerciale », des litiges de droit privé peuvent être soumis à la médiation avec l’accord des parties concernées, lorsque celles-ci ont le droit de disposer de l’objet du litige. Lors de la procédure de médiation, les parties, assistées du médiateur, déterminent les aspects particuliers du litige, recherchent des solutions alternatives éventuelles au litige afin d’aboutir à un accord satisfaisant leurs intérêts mutuels.

19. Il ressort du dossier que le 13 juillet 2011 une loi intitulée « Rationalisation et amélioration dans l’attribution de la justice par les tribunaux civils et autres dispositions » a été adoptée par le Parlement (loi no 3994/2011). La loi prévoit des amendements au code de procédure civile afin d’accélérer et simplifier la procédure devant les juridictions civiles. En particulier, en ce qui concerne l’accélération de la procédure civile, la loi prévoit, entre autres, que la compétence sur les appels contre des décisions rendues par les tribunaux de paix soit transférée du tribunal de grande instance au tribunal de première instance. En outre, des cours d’appel composées d’un juge et non pas de trois, comme c’était le cas, sont désormais compétentes pour examiner les appels contre des décisions des tribunaux de première instance composés d’un juge. D’ailleurs, le juge compétent a dorénavant la possibilité d’inviter oralement lors de l’audience de l’affaire les parties à compléter le dossier en ce qui concerne les faits de la cause. Des mesures sont aussi adoptées pour rendre plus effectives les procédures de résolution extrajudiciaire des litiges. En outre, les affaires dans lesquelles l’administration des preuves ne nécessite pas l’audition de témoins sont examinées en priorité. Enfin, la loi prévoit que la saisine de la juridiction compétente d’une action principale n’est dorénavant pas une condition pour l’introduction d’une demande en référé. S’agissant des mesures visant à la simplification des procédures judiciaires, la loi prévoit, entre autres, le dépôt et la notification des actes judiciaires par voie électronique, la distinction claire entre les procédures devant les tribunaux de première et de grande instance pour dissiper une confusion éventuelle sur la compétence de chaque tribunal et la rationalisation de la procédure devant la Cour de cassation.

3. Le rapport de la Commission nationale des droits de l’homme

20. Cette Commission a été instituée en 1998 et placée sous l’autorité du Premier ministre. Elle a comme objectif, parmi d’autres, l’élaboration et publication de rapports relatifs à la protection des droits de l’homme, soit de sa propre initiative soit suite à l’invitation du Gouvernement, du Parlement ou d’organisations non-gouvernementales. Le 31 mars 2005, la Commission a adopté, à l’unanimité, un rapport contenant ses propositions en vue de résoudre le problème des durées excessives des procédures devant les juridictions grecques. Après avoir fait référence tant à la jurisprudence de la Cour sur la question de la durée des procédures judiciaires qu’aux documents adoptés sur le sujet par le Comité des Ministres, la Commission nationale des droits de l’homme a proposé, entre autres, l’institution d’un recours qui serait introduit devant la Cour de cassation ou devant une juridiction de degré supérieur à celui devant laquelle la procédure en cause se déroule. La juridiction compétente adresserait une injonction ou invitation à la juridiction inférieure pour accélérer l’examen du litige pendant devant elle. Ce recours devrait être effectif selon les critères établis par la jurisprudence de la Cour sur l’article 13 de la Convention.

21. La Commission a aussi proposé la possibilité d’indemnisation de la partie qui serait victime d’un retard excessif de la procédure judiciaire en cause. L’indemnité serait versée par une juridiction qui devrait prendre en compte, dans le cadre de son calcul, le comportement de la partie intéressée lors du déroulement de la procédure en cause.

22. La Commission a exprimé l’opinion que les retards excessifs des procédures judiciaires ne seraient pas dus principalement au manque de diligence de la part des juges compétents dans le traitement des affaires mais à des défauts fonctionnels de l’appareil judiciaire. En particulier, le rapport a mis en exergue les retards dans la fixation des audiences en raison principalement du nombre constamment croissant des recours par rapport au nombre de juges et de salles d’audience disponibles ainsi que du manque d’équipement nécessaire pour l’organisation adéquate des greffes des tribunaux.

B. Les textes du Conseil de l’Europe

23. Les documents pertinents adoptés par le Conseil de l’Europe quant aux mesures à prendre pour faire face aux problèmes structurels au sein des ordres juridiques internes sont relatés dans l’arrêt Yuriy Nikolayevich Ivanov c. Ukraine (no 40450/04, §§ 35-37, CEDH 2009‑... (extraits).

24. De surcroît, le 19 février 2010, à l’issue de la Conférence de haut niveau sur l’avenir de la Cour européenne des droits de l’homme, réunie à Interlaken, une déclaration fut adoptée dont les parties pertinentes prévoient :

« D. Requêtes répétitives

7. La Conférence :

a) appelle les Etats parties à :

i. favoriser, lorsque cela est approprié, dans le cadre des garanties fournies par la Cour et, au besoin, avec l’aide de celle-ci, la conclusion de règlements amiables et l’adoption de déclarations unilatérales ;

ii. coopérer avec le Comité des Ministres, après un arrêt pilote définitif, afin de procéder à l’adoption et à la mise en œuvre effective des mesures générales, aptes à remédier efficacement aux problèmes structurels à l’origine des affaires répétitives ;

b) souligne la nécessité pour la Cour de mettre en place des standards clairs et prévisibles pour la procédure dite d’« arrêts pilotes » concernant la sélection des requêtes, la procédure à suivre et le traitement des affaires suspendues, et d’évaluer les effets de l’application de cette procédure et des procédures similaires ;

(...)

F. Surveillance de l’exécution des arrêts

11. La Conférence souligne qu’il est urgent que le Comité des Ministres :

a) développe les moyens permettant de rendre sa surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour plus efficace et transparente. Elle l’invite, à cet égard, à renforcer cette surveillance en donnant une priorité et une visibilité accrues non seulement aux affaires nécessitant des mesures individuelles urgentes, mais aussi aux affaires révélant d’importants problèmes structurels, en accordant une attention particulière à la nécessité de garantir des recours internes effectifs ;

(...) »

25. Dans sa Résolution ResDH(2005)64 relative aux affaires de durée excessive des procédures civiles en Grèce (Academy Trading Ltd et autres contre la Grèce et autres affaires) et adoptée le 18 juillet 2005, le Comité des Ministres a admis ce qui suit :

« Le Comité des Ministres, en vertu de l’article 46, paragraphe 2, de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales telle qu’amendée par le Protocole no11 (ci-après dénommée « la Convention »),

Vu les arrêts de la Cour européenne des Droits de l’Homme, dans l’affaire Academy Trading Ltd et autres et 3 autres affaires (voir Annexe), transmis au Comité des Ministres une fois définitifs en vertu des articles 44 et 46 de la Convention ;

Rappelant qu’à l’origine de toutes ces affaires se trouvent des requêtes dirigées contre la Grèce, introduites soit devant la Commission européenne en vertu de l’ancien article 25, soit devant la Cour européenne en vertu de l’article 34, et que la Commission européenne ou la Cour a déclaré recevables notamment les griefs concernant la durée excessive des procédures civiles ;

Rappelant que la Cour européenne par la suite a constaté, à l’unanimité, dans toutes ces affaires une violation de l’article 6, paragraphe 1, en raison de la durée excessive des procédures et octroyé aux requérants une indemnisation au titre de la satisfaction équitable (voir Annexe) ;

Vu les Règles adoptées par le Comité des Ministres relatives à l’application de l’article 46, paragraphe 2, de la Convention, telle qu’amendé par le Protocole No. 11 ;

Ayant invité le gouvernement grec à l’informer des mesures prises à la suite des arrêts de la Cour européenne, eu égard à l’obligation qu’a la Grèce de s’y conformer selon l’article 46 de la Convention ;

S’étant assuré que le gouvernement grec avait versé aux requérants les sommes octroyées par la Cour européenne au titre de la satisfaction équitable (voir Annexe) ;

Ayant examiné les informations fournies par le gouvernement grec relatives aux mesures de caractère général adoptées pour éviter de nouvelles violations semblables à celles constatées dans les présentes affaires (voir Annexe) ;

Déclare, après avoir examiné les informations fournies par le Gouvernement de la Grèce, qu’il a rempli ses fonctions en vertu de l’article 46, paragraphe 2, de la Convention dans ces affaires.

Annexe à la Résolution ResDH(2005)64

(...)

III. Mesures de caractère général

A. Réforme de la procédure civile

Après le premier des arrêts cités précédemment, le Parlement grec a adopté en 2001 la loi 2915/2001 qui visait particulièrement à accélérer les procédures devant les tribunaux civils. D’autres mesures allant dans le même sens ont été prises avec les amendements adoptés en 2005 (loi 3327/2005 et loi 3346/2005). Selon les rapports introductifs des lois 2915/2001 et 3346/2005, la raison principale de l’adoption de cette nouvelle loi était l’article 6 paragraphe 1, de la Convention, qui l’emporte sur le droit interne en vertu de l’article 28, paragraphe 1, de la Constitution, ainsi que les arrêts de la Cour européenne. Les nouveautés introduites dans la procédure civile grecque sont les suivantes :

Obligations des parties et délais plus stricts au stade de la préparation

Selon la nouvelle loi, l’action est désormais notifiée au défendeur par le plaignant par ses propres moyens, dans les trente jours au plus tard après avoir été engagée. Les plaidoiries des parties et tous les témoignages doivent être remis au tribunal au moins trente jours avant l’audience. Les objections concernant les arguments de l’autre partie doivent être déposées au tribunal au moins quinze jours avant l’audience. Une objection ne peut comporter de nouveaux griefs ou de nouvelles preuves que s’ils concernent l’argumentation exposée dans la plaidoirie initiale de l’autre partie. Les plaidoiries ou les objections présentées au delà des délais évoqués précédemment ne sont pas examinées par le tribunal (articles 229 et 237 paragraphe 1 du Code de procédure civile (« CPC ») tels qu’amendés).

Ces règles ont pour objectif d’offrir aux parties et au tribunal suffisamment de temps pour préparer une affaire de manière à éviter l’ajournement d’une audience faute de temps.

Nouvelles règles concernant les audiences

Dates fixées pour les audiences : la loi 3346/2005 (article 1) a modifié le Code d’administration des tribunaux en précisant que la date initiale des audiences en première instance et pour l’appel devant les tribunaux civils serait fixée dans un délai raisonnable, n’excédant pas six mois pour les procédures civiles et douze mois pour les procédures ordinaires.

Demandes des parties visant à fixer les dates qu’elles préfèrent pour une audience : selon l’article 226 du CPC (tel qu’amendé par la loi 3327/2005), toutes les demandes de parties concernant la fixation d’une date d’audience concernant n’importe quelle affaire et n’importe quel tribunal doivent être présentées par écrit et motivées. La décision du juge compétent concernant ces demandes doit également être motivée.

Durée globale des procédures en première instance : Selon l’article 307 du CPC (tel qu’amendé par la loi 3327/2005), les décisions judiciaires en première instance doivent être rendues dans les huit mois suivant l’audience de l’affaire. Après ce délai, le juge concerné est tenu de rendre le dossier, ou sinon, le dossier lui est retiré par décision du juge présidant le tribunal ou du président du conseil d’administration de trois membres.

Ajournements : Une audience ne peut être ajournée sur décision du tribunal qu’une seule fois pour chaque affaire et seulement pour une « raison importante ». Les frais et dépens peuvent être attribués, par décision d’un tribunal, à la partie qui demande l’ajournement (article 241 du CPC amendé). Dans les tribunaux de grande instance, si une des parties est absente d’une audience après avoir été dûment avisée de la tenue de cette audience, l’audience peut se dérouler comme si cette partie était présente (article 270 du CPC amendé).

Conduite de la procédure d’examen des preuves : les preuves (y compris les témoignages des témoins) doivent être examinées, en principe, au cours d’une seule audience. Si le tribunal estime que l’avis d’un expert est nécessaire, il doit imposer un délai pour la présentation de l’avis de l’expert, qui ne doit pas excéder soixante jours (article 270 du CPC amendé).

Règlement extrajudiciaire des affaires

La loi 2915/2001 a également amélioré la procédure de règlement extrajudiciaire des affaires civiles : les parties concernées peuvent se rencontrer dans les bureaux de leurs avocats ou au siège du barreau local ; elles doivent parvenir à accord au plus tard trente-cinq jours avant la date de l’audience (article 214A, paragraphe 3, du CPC amendé).

Procédures devant la Cour de cassation

La recevabilité d’une requête présentée à la Cour de cassation est examinée par un conseil de trois membres composés du président de la Cour de cassation et de deux autres membres. Si la requête est jugée non recevable ou manifestement infondée, elle est rejetée. Le requérant peut demander, dans les soixante jours suivant la notification et après paiement d’une somme fixée par le Conseil, la révision de la décision du Conseil lors d’une audience de la Chambre ordinaire de la Cour de cassation. Si celle‑ci juge la requête recevable, elle annule la décision du Conseil et examine l’affaire. Si cette requête est déclarée irrecevable, la somme payée reste acquise au Trésor public (article 17 de la loi 2915/2001).

B. Augmentation du nombre des postes de juges et amélioration de l’infrastructure judiciaire

La loi 3160/2003 a créé 237 nouveaux postes de juges des tribunaux pénaux et civils à compter du 1er juillet 2003 (article 58 paragraphe 3), et la loi 3258/2004 a créé 24 nouveaux postes de juges des tribunaux pénaux et civils à compter du 29 juillet 2004 (article 3, paragraphe 1). En outre, depuis 2000 la cour d’appel d’Athènes dont l’arriéré était au cœur des présentes affaires, a été relogée dans un nouvel édifice comprenant 22 salles d’audience et 500 bureaux (contre 10 salles d’audience et 150 bureaux auparavant). De plus, les deux principaux tribunaux civils d’Athènes et de Thessalonique participent au programme pilote pour l’amélioration des procédures des tribunaux internes, supervisé par la CEPEJ.

Un projet de construction de 25 nouveaux tribunaux dotés d’équipements modernes est en cours. Neuf d’entre eux sont terminés, dont ceux de la Cour des comptes et de la Cour d’appel d’Athènes. Les autres bâtiments devraient être terminés d’ici 2006.

Enfin, un projet d’informatisation de tous les tribunaux civils est en cours. La priorité a été donnée aux tribunaux civils de première instance dans les grandes villes d’Athènes, du Pirée et de Thessalonique. Ce projet vise également à améliorer les bases de données juridiques des tribunaux civils afin que les juges puissent y accéder plus rapidement et plus facilement.

C. Conclusion

Les effets positifs de toutes les mesures d’ordre général mentionnées précédemment sont évidents, notamment dans les procédures civiles de première instance qui se déroulent maintenant dans un délai maximal d’un an et demi, alors qu’auparavant, elles pouvaient durer jusqu’à 4 ans. Le gouvernement considère donc que les mesures prises permettent de prévenir efficacement de nouvelles violations liées à la durée excessive des procédures civiles et que la Grèce a donc rempli de manière satisfaisante ses obligations en vertu de l’article 46, paragraphe 1, de la Convention. »

26. Dans sa Résolution intérimaire CM/ResDH(2007)74 concernant les durées excessives de procédures devant les juridictions administratives grecques et l’absence de recours effectifs (adoptée par le Comité des Ministres le 6 juin 2007, lors de la 997e réunion des Délégués des Ministres) le Comité des Ministres a admis ce qui suit :

« (...)

Vu le grand nombre d’arrêts de la Cour constatant de la part de la Grèce une violation de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention relative à des durées excessives de procédures devant les juridictions administratives, notamment devant la Cour suprême administrative (Conseil d’Etat) (...) ;

Vu que dans beaucoup d’affaires citées ci-dessus, ainsi que dans des affaires concernant des juridictions civiles (...), la Cour a également constaté qu’il y avait eu une violation de l’article 13 de la Convention du fait que les requérants n’aient pu bénéficier d’un recours effectif interne par lequel ils auraient pu faire valoir leur droit à « une audience dans un délai raisonnable », tel que garanti par l’article 6, paragraphe 1 de la Convention ;

(...) »

C. Le droit comparé

27. Selon les éléments de droit comparé disponibles à la Cour sur les législations des Etats membres du Conseil de l’Europe, la plupart d’eux prévoient un ou plusieurs recours pour remédier au problème systémique des délais excessifs dans les procédures civiles. La Cour constate qu’en ce qui concerne la prévention, des mécanismes sont créés en vue de permettre l’accélération des procédures civiles. En outre, des recours sont créés permettant le dédommagement pécuniaire du justiciable afin de redresser de manière appropriée la violation en matière de durée excessive des procédures civiles.

1. La procédure d’accélération des procédures civiles

28. En ce qui concerne l’accélération des procédures civiles, la Cour constate, en premier lieu, qu’un nombre important d’Etats membres du Conseil de l’Europe prévoit des recours en ce sens (par exemple : Allemagne, Autriche, Bosnie-Herzégovine, Chypre, Croatie, Espagne, Estonie, Finlande, France, ex-République yougoslave de Macédoine, Liechtenstein, Moldova, Monténégro, Pologne, République Tchèque, Russie, Slovaquie, Serbie, Slovénie).

29. Les mécanismes visant l’accélération de la procédure prennent le plus souvent la forme d’un planning des démarches à suivre et des délais à respecter (par exemple : Autriche, Croatie, Estonie, France, ex-République yougoslave de Macédoine, Pologne, République Tchèque, Russie).

30. La demande peut être déposée auprès de différentes juridictions ou administrations dans les différents Etats. En tenant compte qu’il peut s’agir du juge du fond ou du président de l’instance qui décide sur le bien fondé de la demande, les instances suivantes peuvent être saisies : le tribunal en charge de l’affaire (à titre d’exemple : Estonie, France, Monténégro, République Tchèque, Russie, Slovaquie, Slovénie), le tribunal supérieur à celui en charge de l’affaire (par exemple : Autriche, Croatie, Liechtenstein), la Cour suprême (ex-République yougoslave de Macédoine), le Tribunal constitutionnel (par exemple : Allemagne, Bosnie-Herzégovine, Espagne, Pologne). D’ailleurs, en France, le juge et le conseiller de la mise en état disposent respectivement d’une compétence exclusive pour prononcer la caducité de l’appel, l’irrecevabilité de l’appel ou déclarer les conclusions des parties irrecevables pour non-respect des délais.

31. En outre, en ce qui concerne les modalités de mise en place de la procédure d’accélération, la Cour note que plusieurs Etats ont prévu une procédure simplifiée par rapport à une procédure judiciaire ordinaire pour accélérer le déroulement de la procédure civile (par exemple : Allemagne, Autriche, Croatie, Estonie, Finlande, ex-République yougoslave de Macédoine, Liechtenstein, Moldova, Monténégro, Pologne, et Slovénie). La simplification dans le traitement de l’affaire signifie que la demande pour accélérer la procédure peut être traitée par un juge unique (par exemple : Estonie, Finlande) ; que la procédure est écrite (par exemple : Liechtenstein) ; que les frais de ladite procédure sont moins élevés (par exemple : Liechtenstein) ; ou que la procédure peut se dérouler sans audience publique (par exemple : Allemagne).

2. La procédure d’indemnisation en raison de la longueur des procédures civiles

32. En ce qui concerne le dédommagement pécuniaire, la Cour constate qu’un grand nombre d’Etats membres du Conseil de l’Europe consacre la possibilité de demander une compensation en cas de non-respect du délai raisonnable (par exemple : Allemagne, Autriche, Bosnie-Herzégovine, Chypre, Croatie, Espagne, Finlande, France, Italie, ex-République yougoslave de Macédoine, Liechtenstein, Moldova, Monténégro, Pologne, République Tchèque, Russie, Slovaquie, Serbie, et Slovénie). Dans certains ordres juridiques, ce type de recours peut être déposé tant au cours de la procédure qu’à son issue, dans un délai défini par la loi interne (par exemple : Allemagne, Autriche, Bosnie-Herzégovine, Chypre, France, Italie, ex-République yougoslave de Macédoine, Moldova, Monténégro, Pologne, République Tchèque). D’autres Etats membres permettent l’introduction du recours indemnitaire uniquement au cours de la procédure judiciaire en cause (par exemple : Croatie, Finlande, Slovaquie et Slovénie). En outre, selon certains ordres internes des Etats membres, la procédure judiciaire doit être terminée pour pouvoir demander un dédommagement (par exemple : Espagne, Liechtenstein et Russie). Enfin, certains Etats soumettent la possibilité de solliciter un dédommagement pour la longueur de la procédure à la demande préalable de son accélération (par exemple : Monténégro, Russie, Serbie, et Slovénie).

33. Quant aux modalités de mise en œuvre du recours indemnitaire, un nombre important d’Etats prévoient une procédure simplifiée par rapport à une procédure ordinaire (par exemple : Allemagne, Autriche, Espagne, Finlande, France, Croatie, Italie, Liechtenstein, ex-République yougoslave de Macédoine, Moldova, Monténégro, Pologne, Slovénie). La simplification de la procédure peut signifier que la demande de compensation est traitée par un juge unique (par exemple : Croatie, Finlande) ; que les frais de cette procédure sont moins élevés (par exemple : Autriche, Pologne) ; ou encore que la procédure peut se dérouler sans tenir d’audience publique (par exemple : Espagne, Italie, Pologne).

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1

34. La requérante se plaint d’une atteinte à son droit au respect de ses biens. Elle affirme avoir perdu son droit d’obtenir dans sa totalité le montant qu’elle revendiquait à l’origine au titre des dommages-intérêts du fait que l’arrêt no 276/2009 de la Cour de cassation n’a que partiellement cassé l’arrêt no 6016/2005 de la cour d’appel. Elle invoque l’article 1 du Protocole no 1 qui est ainsi libellé :

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »

Sur la recevabilité

35. La Cour estime que la prétendue créance de la requérante ne peut passer pour un « bien » au sens de l’article 1 du Protocole no 1, puisque elle n’a pas été constatée par une décision judiciaire ayant force de chose jugée. Telle est pourtant la condition pour qu’une créance soit certaine et exigible et, partant, protégée par l’article 1 du Protocole no 1 (voir, parmi d’autres, Raffineries Grecques Stran et Stratis Andreadis c. Grèce, 9 décembre 1994, série A, no 301-B, § 59).

36. En particulier, la Cour note que, tant que son affaire était pendante devant la Cour de cassation, son action ne faisait naître, dans le chef de la requérante, aucun droit de créance, mais uniquement l’éventualité d’obtenir pareille créance. Dès lors, l’arrêt no 276/2009 de la Cour de cassation ayant partiellement confirmé l’arrêt no 6016/2005 de la cour d’appel quant au rejet d’une partie des prétentions de la requérante, n’a pas pu avoir pour effet de la priver d’un bien dont elle serait la propriétaire.

37. Il s’ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES ARTICLES 6 § 1 ET 13 DE LA CONVENTION AU REGARD DE L’ÉQUITÉ DE LA PROCÉDURE

38. La requérante se plaint que sa cause n’a pas été entendue équitablement et que les juridictions internes ont commis des erreurs de fait et de droit qui ont privilégié son adversaire. Elle invoque les articles 6 § 1 et 13 de la Convention, dont les parties pertinentes sont ainsi libellées :

Article 6 § 1

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

Article 13

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

Sur la recevabilité

39. La Cour rappelle qu’aux termes de l’article 19 de la Convention, elle a pour tâche d’assurer le respect des engagements résultant de la Convention pour les Parties contractantes. En particulier, il ne lui appartient pas de connaître des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par une juridiction interne, sauf si et dans la mesure où elles pourraient avoir porté atteinte aux droits et libertés sauvegardés par la Convention (voir, notamment, García Ruiz c. Espagne [GC], no 30544/96, § 28, CEDH 1999‑I). De plus, il incombe au premier chef aux autorités nationales, et singulièrement aux cours et tribunaux, d’interpréter et d’appliquer le droit interne (voir, parmi beaucoup d’autres, Streletz, Kessler et Krenz c. Allemagne [GC], nos 34044/96, 35532/97 et 44801/98, § 49, CEDH 2001-II).

40. Or, en l’espèce, la Cour ne décèle aucun indice d’arbitraire dans le déroulement de la procédure devant les juridictions internes, qui a respecté le principe du contradictoire et au cours de laquelle la requérante avait la possibilité de présenter tous les arguments pour la défense de ses intérêts. Quant au grief tiré de l’article 13 de la Convention, la Cour note qu’il est juste mentionné par la requérante dans sa requête. En tout état de cause, un nouvel examen du grief sous l’angle de cette disposition, dont les exigences sont moins strictes que celles énoncées par l’article 6 § 1, ne s’impose pas. En conclusion, la Cour estime que, considérée dans son ensemble, la procédure litigieuse a revêtu un caractère équitable, au sens de l’article 6 § 1 de la Convention et que l’examen du grief ne révèle aucune apparence de violation de la Convention à cet égard.

41. Il s’ensuit que cette partie de la requête est manifestement mal fondée et doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.

III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION, AINSI QUE DE SON ARTICLE 13, AU REGARD DE LA DURÉE DE LA PROCÉDURE

42. La requérante allègue que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention. En outre, la Cour examinera ex officio, sous l’angle de l’article 13 de la Convention, la question de savoir si en Grèce il existe un recours pour se plaindre de la durée excessive d’une procédure civile.

A. Sur la recevabilité

43. La Cour constate que cette partie de la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention. Elle relève de plus qu’elle ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de la déclarer recevable.

B. Sur le fond

1. Sur l’article 6 § 1 de la Convention

a) Période à prendre en considération

44. La période à prendre en considération a débuté le 8 mars 1996, date à laquelle la requérante a saisi le tribunal de première instance d’Athènes. Il ressort du dossier que l’affaire reste pendante à ce jour devant la cour d’appel d’Athènes. Au vu de ce qui précède, la Cour observe que la procédure en cause s’étale sur plus de seize ans et sept mois à ce jour pour trois degrés de juridiction.

b) Caractère raisonnable de la durée de la procédure

45. Le Gouvernement allègue qu’il n’y a pas eu de retards excessifs dans le déroulement de la procédure en cause. De plus, il argue que la chronologie de l’affaire atteste de l’absence de diligence des parties en l’espèce. En particulier, le Gouvernement relève que suite à l’ajournement de l’audience, le 20 novembre 1996, par le tribunal de première instance d’Athènes, la requérante n’a demandé la fixation d’une nouvelle date d’audience que le 16 novembre 1998, à savoir deux ans environ plus tard. De plus, il affirme que les parties ont tardé à interjeter appel et se pourvoir en cassation. Selon le Gouvernement, elles seraient au total responsables d’un délai de quatre ans et deux mois environ, qui devrait être déduit de la durée globale de la procédure.

46. La requérante conteste les thèses du Gouvernement. Elle allègue notamment qu’il y a eu certains retards dans la saisine de la cour d’appel et de la Cour de Cassation car les décisions du tribunal de première instance et de la cour d’appel respectivement n’ont pas été mis au net en temps utile. Elle note que les parties ont formé lesdits recours peu après la réception des copies des décisions du tribunal de première instance et de la cour d’appel d’Athènes.

47. La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure doit s’apprécier notamment à la lumière de la complexité de l’affaire et du comportement du requérant et des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour l’intéressé (voir, parmi d’autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII). En particulier, la Cour relève que le comportement du requérant constitue un élément objectif, non imputable à l’Etat défendeur et qui entre en ligne de compte pour déterminer s’il y a eu ou non dépassement du délai raisonnable de l’article 6 § 1 (Erkner et Hofauer c. Autriche, 23 avril 1987, § 68, série A no 117 ; Wiesinger c. Autriche, 30 octobre 1991, § 57, série A no 213). Quant à la responsabilité des autorités judiciaires en la matière, la Cour réaffirme qu’il incombe aux Etats contractants d’organiser leur système judiciaire de telle sorte que leurs juridictions puissent garantir à chacun le droit d’obtenir une décision définitive sur les contestations relatives à ses droits et obligations de caractère civil dans un délai raisonnable (Richart‑Luna c. France, no 48566/99, § 47, 8 avril 2003). La Cour note sur ce point que même dans les cas où, comme en l’espèce, la procédure est régie par le principe de l’initiative des parties, la notion de « délai raisonnable » exige que les tribunaux suivent aussi le déroulement de la procédure et soient attentifs en ce qui concerne le laps de temps entre deux audiences ou autres actes de procédure (voir, mutatis mutandis, Philippos Ioannidis c. Grèce, no 22957/06, § 21, 19 juin 2008).

48. La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celle du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir Frydlender, précité).

49. Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, elle considère que le Gouvernement n’a pas exposé de faits ou arguments pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. En particulier, la Cour note que la procédure en cause a duré dans sa globalité plus de seize ans et six mois à ce jour.

50. La Cour convient avec le Gouvernement que la requérante a tardé à solliciter au tribunal de première instance la fixation d’une date d’audience après l’ajournement ayant eu lieu le 20 novembre 1996. Néanmoins, même en déduisant le délai de quatre ans environ invoqué par le Gouvernement, la Cour estime pouvoir conclure au dépassement du délai raisonnable en se fondant sur la période globale restante, à savoir douze ans et sept mois environ pour trois degrés de juridiction. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu’en l’espèce la durée de la procédure litigieuse est excessive et ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable ».

Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1 à cet égard.

2. Sur l’article 13 de la Convention

51. Le Gouvernement affirme que suite à l’arrêt Vassilios Athanasiou et autres c. Grèce (no 50973/08, 21 décembre 2010) ayant conclu à un problème systémique de l’ordre juridique grec quant à la durée des procédures administratives, les autorités internes se sont mises en général à améliorer le cadre législatif existant, en prévoyant, parmi d’autres mesures, des recours en vue d’accélérer les procédures judiciaires, si besoin est, et d’indemniser les victimes de violation de l’article 6 § 1 de la Convention à cet égard. Le Gouvernement soutient aussi que la requérante aurait pu introduire devant le tribunal administratif, sur le fondement des articles 104 et 105 de la loi d’accompagnement du code civil et en invoquant la violation de l’article 6 § 1 de la Convention, une action en dommages-intérêts contre l’Etat. Il relève que par son jugement no 15006/2008, le tribunal administratif d’Athènes a accueilli une telle action pour le dépassement du délai raisonnable de la procédure après avoir examiné les allégations du demandeur à la lumière de la jurisprudence de la Cour.

52. La requérante conteste les thèses du Gouvernement.

53. La Cour rappelle que l’article 13 garantit un recours effectif devant une instance nationale permettant de se plaindre d’une méconnaissance de l’obligation, imposée par l’article 6 § 1, d’entendre les causes dans un délai raisonnable (voir Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 156, CEDH 2000‑XI).

54. Par ailleurs, la Cour a déjà eu l’occasion de constater que l’ordre juridique hellénique n’offrait pas aux intéressés un recours effectif au sens de l’article 13 de la Convention leur permettant de se plaindre de la durée d’une procédure civile (voir, parmi d’autres, Doggakis et autres c. Grèce, no 527/05, § 25, 26 juillet 2007 ; Panoussi c. Grèce, no 33057/08, §§ 32-33, 22 avril 2010). La Cour observe que le Gouvernement n’affirme pas que l’ordre juridique hellénique ait entre-temps été doté d’une telle voie de recours en ce qui concerne les procédures civiles. Elle estime pour autant nécessaire de se pencher en particulier sur l’argument du Gouvernement tiré de la possibilité pour la requérante de saisir les juridictions administratives d’une action en dommages-intérêts fondée sur les articles 104 et 105 de la loi d’accompagnement du code civil.

55. La Cour rappelle en ce sens qu’en matière de « délai raisonnable » selon l’article 6 § 1 de la Convention, un recours purement indemnitaire – tel le recours en responsabilité de l’Etat pour fonctionnement défectueux du service public de la justice dont il est question en l’espèce – est en principe susceptible de constituer une voie de recours à épuiser au sens de l’article 35 § 1, même lorsque la procédure est pendante au plan interne au jour de la saisine de la Cour (voir Mifsud c. France, [GC] (déc.), no 57220/00, 11 septembre 2002; Broca et Texier-Micault c. France (déc.), nos 27928/02 et 31694/02, 21 octobre 2003).

56. En l’occurrence, la Cour n’est toutefois pas convaincue que le recours invoqué par le Gouvernement était effectif et disponible tant en théorie qu’en pratique et répondait donc aux exigences de l’article 13 de la Convention. D’une part, elle relève que la décision fournie par le Gouvernement, à l’appui de sa thèse, est un simple jugement rendu par un tribunal de première instance (voir paragraphe 16 ci-dessus). Outre le fait qu’il s’agit d’un seul précédent relativement récent, la Cour ne peut pas spéculer sur les chances que ce précédent soit confirmé par les juridictions administratives d’appel, voire par le Conseil d’Etat, au cas où cette question leur serait soumise à l’avenir (voir Shore Technologies c. Luxembourg, no 35704/06, § 27, 31 juillet 2008, et Depauw c. Belgique (déc.), no 2115/04, CEDH 2007-V (extraits)). Or, comme la Cour l’a déjà souligné, une voie de recours doit exister avec un degré suffisant de certitude, sans quoi lui manquent l’accessibilité et l’effectivité nécessaires (voir parmi d’autres, Tănase c. Moldova [GC], no 7/08, § 120, CEDH 2010 ; McFarlane c. Irlande [GC], no 31333/06, §§ 107-108, 10 septembre 2010). De plus, la Cour ne perd pas de vue que la procédure dans le cas invoqué par le Gouvernement a duré deux ans et quatre mois (voir paragraphe 17 ci‑dessus), ce qui peut faire douter de son efficacité.

57. Dans ces conditions, la Cour estime que la voie de recours mentionnée par le Gouvernement ne répondait pas aux exigences de l’article 13 de la Convention car elle n’existait pas à un degré suffisant de certitude. La Cour n’exclut toutefois pas que l’exercice de ce recours puisse conduire, au terme de l’évolution de la jurisprudence, à un résultat conforme aux prescriptions de l’article 13 de la Convention (Tsoukalas c. Grèce, no 12286/08, § 43, 22 juillet 2010, et, mutatis mutandis, Leandro Da Silva c. Luxembourg, no 30273/07, §§ 49 et s., 11 février 2010 ; Depauw, décision précitée).

Au vu de ce qui précède, la Cour estime qu’en l’espèce il y a eu violation de l’article 13 de la Convention en raison de l’absence en droit interne d’un recours qui eût permis à la requérante d’obtenir la sanction de son droit à voir sa cause entendue dans un délai raisonnable, au sens de l’article 6 § 1 de la Convention.

IV. APPLICATION DE L’ARTICLE 46 DE LA CONVENTION

58. La Cour relève d’emblée que la durée excessive des procédures devant les juridictions civiles en Grèce est un problème persistant qui a conduit à de nombreux constats de violation de la Convention à Strasbourg. Elle note que durant la période allant de 1999 à 2009, la Cour a adopté trois cents arrêts environ concluant à la durée excessive de procédures judiciaires, dont une partie était afférente à des procédures civiles. Par ailleurs, la Cour a déjà constaté à plusieurs reprises des violations de l’article 13 de la Convention du fait que les intéressés n’avaient pas pu bénéficier d’un recours effectif interne par lequel ils auraient pu faire valoir leur droit à « une audience dans un délai raisonnable ». Ceci est par ailleurs relevé dans la Résolution intérimaire CM/ResDH(2007)74 du Comité des Ministres qui concerne principalement la question de la durée excessive de procédures administratives en Grèce, mais se réfère en même temps aussi aux procédures civiles. La Cour juge donc opportun d’examiner la présente affaire sur le terrain de l’article 46 de la Convention. Ladite disposition est ainsi libellée :

« 1. Les Hautes Parties contractantes s’engagent à se conformer aux arrêts définitifs de la Cour dans les litiges auxquels elles sont parties.

2. L’arrêt définitif de la Cour est transmis au Comité des Ministres qui en surveille l’exécution. »

A. Thèses des parties

59. Le Gouvernement n’estime pas que la durée des procédures civiles en Grèce révèle un problème structurel de l’ordre juridique grec en ce sens. Il relève notamment que la plupart des affaires relatives à la durée excessive de procédures civiles concernent plutôt les juridictions d’Athènes et sont, par conséquent, bien délimitées d’un point de vue territorial. De plus, le Gouvernement affirme que l’existence d’une pratique administrative incompatible avec la Convention ne peut pas être confirmée en ce qui concerne la durée des procédures civiles. Selon le Gouvernement, le constat d’une telle pratique présuppose le cumul de deux conditions, à savoir l’existence de violations similaires ou analogues de la Convention, suffisamment nombreuses et liées entre elles ainsi qu’une tolérance officielle de la part des autorités compétentes, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

60. Enfin, le Gouvernement relève qu’au fil des dix dernières années, les autorités grecques ont pris un faisceau de mesures tant au niveau administratif que législatif afin de permettre l’accélération des procédures devant les juridictions civiles. En particulier, il admet dans un premier temps que ce problème a persisté, malgré l’adoption de mesures à caractère général, notamment en vertu des lois nos 2915/2001, 3327/2005 et 3346/2005 pour remédier au problème de la durée excessive des procédures civiles, ce qui a été reconnu par la Résolution ResDH(2005)64 du Comité des ministres (voir paragraphe 25 ci-dessus). Ainsi, la Cour a continué, après 2005, à constater des violations de la Convention à ce sujet. Dans un second temps, le Gouvernement relève qu’il y a eu des initiatives plus récentes pour accélérer les procédures devant les juridictions civiles : en vertu notamment des lois nos 3514/2006, 3659/2008 et 3869/2010, plusieurs postes de conseillers près de la Cour de cassation ont été créés, de présidents près les cours d’appels, de juges près les tribunaux de première instance et juges de paix. De surcroît, au cours de la même période, plusieurs palais de justice ont été construits et le ministère de la Justice a pris des initiatives pour la modernisation et l’informatisation des services des greffes auprès des juridictions. Enfin, le Gouvernement se réfère à un projet de loi, dont la consultation publique s’était achevée le 21 mars 2011 et qui, comme il ressort du dossier, a été adopté par le Parlement le 13 juillet 2011 (loi no 3994/2011). Le Gouvernement relève dans ses observations que ce projet de loi, adopté entre-temps par le Parlement, incluait plusieurs dispositions visant à la simplification et l’accélération des procédures judiciaires, ce qui aurait l’effet bénéfique d’alléger le rôle des tribunaux (voir paragraphe 19 ci-dessus).

61. La requérante constate l’existence d’un problème systémique dû à la durée excessive des procédures civiles en Grèce. Elle relève aussi l’omission des autorités grecques d’introduire un recours effectif pour remédier au dysfonctionnement de l’ordre juridique interne.

B. Appréciation de la Cour

1. Principes généraux

62. La Cour rappelle que, tel qu’interprété à la lumière de l’article 1 de la Convention, l’article 46 donne à l’Etat défendeur l’obligation juridique de mettre en œuvre, sous le contrôle du Comité des Ministres, les mesures générales et/ou individuelles qui s’imposent pour sauvegarder le droit du requérant dont la Cour a constaté la violation. Des mesures de ce type doivent aussi être prises à l’égard d’autres personnes dans la même situation que l’intéressé, l’Etat étant censé mettre un terme aux problèmes à l’origine des constats opérés par la Cour (Scozzari et Giunta c. Italie [GC], nos 39221/98 et 41963/98, § 249, CEDH 2000‑VIII ; S. et Marper c. Royaume-Uni [GC], nos 30562/04 et 30566/04, § 134, 4 décembre 2008).

63. Afin de faciliter une mise en œuvre effective de ses arrêts suivant le principe ci-dessus, la Cour peut adopter une procédure d’arrêt pilote lui permettant de mettre clairement en lumière, dans son arrêt, l’existence de problèmes structurels à l’origine des violations et d’indiquer les mesures ou actions particulières que l’Etat défendeur devra prendre pour y remédier (Hutten-Czapska, précité, §§ 231-239 et son dispositif, et Broniowski, précité, §§ 189-194 et son dispositif). Lorsqu’elle adopte pareille démarche, elle tient cependant dûment compte des attributions respectives des organes de la Convention : en vertu de l’article 46 § 2 de la Convention, il appartient au Comité des Ministres d’évaluer la mise en œuvre des mesures individuelles ou générales prises en exécution de l’arrêt de la Cour (voir, mutatis mutandis, Broniowski c. Pologne (règlement amiable) [GC], no 31443/96, § 42, CEDH 2005‑IX).

64. Un autre but important poursuivi par la procédure d’arrêt pilote est d’inciter l’Etat défendeur à trouver, au niveau national, une solution aux nombreuses affaires individuelles nées du même problème structurel, donnant ainsi effet au principe de subsidiarité qui est à la base du système de la Convention (Bourdov c. Russie (no 2), no 33509/04, § 127, CEDH 2009). En effet, la Cour ne s’acquitte pas forcément au mieux de sa tâche, qui consiste selon l’article 19 de la Convention à « assurer le respect des engagements résultant pour les Hautes Parties contractantes de la (...) Convention et de ses Protocoles », en répétant les mêmes conclusions dans un grand nombre d’affaires (voir, mutatis mutandis, E.G. c. Pologne (déc.), no 50425/99, § 27, CEDH 2008 (extraits)).

65. La procédure d’arrêt pilote a pour objet de faciliter la résolution la plus rapide et la plus effective d’un dysfonctionnement affectant la protection du droit conventionnel en cause dans l’ordre juridique interne (Wolkenberg et autres c. Pologne (déc.), no 50003/99, § 34, CEDH 2007 (extraits)). Si elle doit tendre principalement au règlement de ces dysfonctionnements et à la mise en place, le cas échéant, de recours internes effectifs permettant de dénoncer les violations commises, l’action de l’Etat défendeur peut aussi comprendre l’adoption de solutions ad hoc telles que des règlements amiables avec les requérants ou des offres unilatérales d’indemnisation, en conformité avec les exigences de la Convention (Bourdov (no 2), précité, § 127).

2. Application des principes susmentionnés à la présente affaire

a) Quant à l’application de la procédure d’arrêt pilote

66. La Cour relève que la présente affaire peut se distinguer à certains égards de certaines « affaires pilotes » antérieures, telles par exemple Hutten-Czapska et Broniowski (arrêts précités). En effet, les personnes se trouvant dans la même situation que la requérante ne relèvent pas forcément d’une « catégorie précise de citoyens » (voir, à titre de comparaison, les arrêts Hutten-Czapska, § 229, et Broniowski, § 189, précités). De plus, les deux arrêts susmentionnés étaient les premiers à constater l’existence de problèmes structurels, eux aussi à l’origine de nombreuses requêtes introduites après celles auxquelles ils se rapportaient. Dans la présente affaire, un grand nombre d’arrêts mettant amplement en lumière le problème de la durée excessive des procédures devant les juridictions civiles en Grèce ont précédé son introduction devant la Cour.

67. Par contre, la Cour note que la présente affaire est similaire, du point de vue des questions posées et des personnes concernées, à celles déjà examinées par la Cour dans des « affaires pilotes » antérieures (voir Scordino c. Italie (no 1) [GC], no 36813/97, CEDH 2006‑V ; Bourdov (no 2), précité ; Lukenda c. Slovénie, no 23032/02, CEDH 2005‑X). Partant, elle estime qu’il y a lieu d’appliquer en l’espèce la procédure d’arrêt pilote, compte tenu notamment du caractère persistant des problèmes en question et du nombre important de personnes qu’ils touchent en Grèce (voir, notamment, paragraphes 69-73 ci-dessous). La Cour relève aussi le besoin urgent d’offrir aux personnes concernées un redressement rapide et approprié à l’échelon national (voir Bourdov (no 2), précité, §§ 129-130).

b) Quant à l’existence ou non d’une pratique incompatible avec la Convention

68. La Cour note, d’emblée que le problème de la durée excessive en ce qui concerne la Grèce est tout particulièrement épineux à l’égard des procédures administratives. Ainsi, le 6 juin 2007, dans sa Résolution intérimaire CM/ResDH(2007)74, le Comité des Ministres a fait état du grand nombre d’arrêts de la Cour constatant de la part de la Grèce une violation de l’article 6 § 1 de la Convention relative à des durées excessives de procédures devant les juridictions administratives. La Cour a confirmé, dans un arrêt où elle a appliqué la procédure d’arrêt pilote, le dysfonctionnement de l’ordre juridique grec consistant en la durée excessive des procédures devant les juridictions administratives et en l’absence en droit interne à l’époque d’un recours permettant aux intéressés d’obtenir la sanction de leur droit à voir leur cause entendue dans un délai raisonnable (Vassilios Athanasiou et autres, précité, §§ 52, 53 et 57). Par ailleurs, par son arrêt Michelioudakis c. Grèce (no 54447/10, 3 avril 2012) la Cour a constaté récemment un problème structurel en Grèce quant à la longueur des procédures devant les juridictions pénales tout en considérant que les autorités compétentes devaient mettre en œuvre, en ce qui concerne le procès pénal, une série de mesures générales appropriées.

69. Il n’en reste pas moins que le problème de la durée excessive des procédures judiciaires en Grèce n’épargne pas celles engagées devant les juridictions civiles. Il convient de rappeler sur ce point que dans sa Résolution intérimaire CM/ResDH(2007)74, le Comité des Ministres a fait explicitement référence à la durée excessive des procédures civiles en Grèce tout en prenant note des constats de violation de l’article 13 de la Convention et du fait que les intéressés n’avaient pas pu bénéficier d’un recours effectif interne par lequel ils auraient pu faire valoir leur droit à « une audience dans un délai raisonnable », tel que garanti par l’article 6, paragraphe 1 de la Convention (voir paragraphe 26 ci-dessus).

70. La Cour prend note des mesures prises par les autorités internes, notamment au fil des dernières années, visant la rationalisation de la procédure devant les juridictions civiles dans le but de raccourcir les délais pour l’examen des affaires. De l’avis de la Cour, des mesures telles que l’augmentation du nombre de magistrats, la construction de nouveaux palais de justice ainsi que l’informatisation des services des greffes auprès des juridictions nationales sont importantes dans la perspective du renforcement et de la modernisation de l’appareil judiciaire afin de rendre son fonctionnement plus effectif. La Cour relève aussi avec satisfaction la récente adoption par le Parlement, le 13 juillet 2011, de la loi no 3994/2011. Cette loi comporte plusieurs dispositions visant à la simplification et l’accélération des procédures judiciaires, ce qui peut avoir l’effet bénéfique d’alléger le rôle des tribunaux (voir paragraphe 19 ci-dessus). Toutefois, malgré les différentes initiatives législatives au niveau du droit interne, qui montrent que les autorités compétentes ne restent pas indifférentes face au problème épineux de la durée excessive des procédures judiciaires, il ne ressort pas des observations du Gouvernement que l’ordre juridique interne s’est à ce jour doté d’un ou plusieurs recours pouvant permettre aux intéressés d’obtenir la sanction de leur droit à voir leur cause entendue dans un délai raisonnable en ce qui concerne les procédures civiles.

71. En outre, la Cour note que dans la période postérieure à l’adoption de la Résolution intérimaire de 2007, elle a prononcé plus de trente arrêts concluant à des violations de l’article 6 § 1 quant à la durée de procédures devant les juridictions civiles (voir, parmi d’autres, Doggakis et autres, précité, § 17 ; Sogia Hellas A.E. c. Grèce, no 1989/05, § 14, 27 septembre 2007 ; Bekir-Ousta et autres c. Grèce, no 35151/05, § 26, 11 octobre 2007 ; Kanellopoulou c. Grèce, no 28504/05, § 21, 11 octobre 2007 ; Mariettos et Mariettou c. Grèce, no 17755/06, § 23, 21 février 2008 ; Kontogeorgas c. Grèce, no 26010/06, § 17, 21 février 2008 ; Dim. kai Aik. Tzivani O.E. c. Grèce, no 4799/06, § 16, 27 mars 2008 ; Markou c. Grèce, no 34035/06, § 30, 27 mars 2008; Tourkiki Enosi Xanthis et autres c. Grèce, no 26698/05, § 28, 27 mars 2008 ; Karanikas et autres c. Grèce, no 28141/06, § 21, 29 avril 2008 ; Vlachou c. Grèce, no 2655/06, § 19, 19 juin 2008 ; Tsilira c. Grèce, no 44035/05, § 11, 22 mai 2008; Philippos Ioannidis, précité, § 17 ; Chatzimanikas c. Grèce, no 487/07, § 19, 31 juillet 2008 ; Lambropoulou c. Grèce, no 8009/07, § 17, 31 juillet 2008 ; Vassiliadis c. Grèce, no 32086/06, §§ 21-22, 2 avril 2009 ; Gogias c. Grèce, no 26421/07, § 22, 2 avril 2009 ; Gioka c. Grèce, no 44806/07, § 17, 16 avril 2009 ; Nikolopoulou c. Grèce, no 54581/07, § 25, 30 avril 2009 ; Roubies c. Grèce, no 22525/07, § 23, 30 avril 2009 ; Stamouli c. Grèce, no 55862/07, § 22, 11 juin 2009 ; Stavrinoudakis c. Grèce, no 26307/07, § 23, 29 octobre 2009 ; Pikoula et autres c. Grèce, no 1545/08, § 23, 7 janvier 2010 ; Gargasoulas c. Grèce, no 51500/07, § 14, 7 janvier 2010; Tsasnik et Kaounis c. Grèce, no 3142/08, § 27, 14 janvier 2010 ; Flaris c. Grèce, no 54053/07, § 19, 22 avril 2010 ; Panoussi, précité, § 21 ; Tsaganou et Georgiou c. Grèce, no 18556/08, § 18, 20 mai 2010 ; Kotaridis c. Grèce, no 205/08, § 21, 15 juillet 2010 ; Pesmatzoglou et Pesmatzoglou-Fitsioula c. Grèce [comité], no 6130/09, § 15, 5 avril 2011 ; Bachas c. Grèce [comité], no 54703/09, § 19, 17 avril 2012).

72. Il convient sur ce point de relever que dans un nombre important d’affaires civiles, la Cour a constaté des durées particulièrement longues en première instance (voir, entre autres, Kontogeorgas, précité, §§ 5-8 ; Tsilira, précité, §§ 4-5 ; Philippos Ioannidis, précité, §§ 5-8 ; Vassiliadis, précité, §§ 5-9 ; Gogias, précité, §§ 10-13 ; Roubies, précité, §§ 7-13 ; Stavrinoudakis, précité, §§ 5-7 ; Panoussi, précité, §§ 5-6).

73. Qui plus est, la Cour observe que dans la période postérieure à l’adoption de la Résolution intérimaire CM/ResDH(2007)74, à chaque fois qu’un des requérants dans les affaires susmentionnées (voir paragraphe 71 ci-dessus) a soulevé un grief sous l’angle de l’article 13 de la Convention, elle a conclu à une violation de cette disposition du fait que les intéressés n’avaient pas pu bénéficier d’un recours effectif interne par l’intermédiaire duquel ils auraient pu faire valoir leur droit à « une audience dans un délai raisonnable » (voir, entre autres, Doggakis et autres, précité, § 25 ; Sogia Hellas, précité, § 30 ; Kontogeorgas, précité, § 27 ; Karanikas et autres, précité, § 32 ; Vlachou, précité, § 29 ; Vassiliadis, précité, § 37 ; Tsasnik et Kaounis, précité, § 45 ; Panoussi, precité, § 33 ; Bachas, précité, § 24).

74. Enfin, le caractère structurel du problème identifié dans la présente affaire est confirmé par le fait que plus de deux cent cinquante affaires contre la Grèce afférentes, totalement ou partiellement, à la durée de procédures judiciaires sont actuellement pendantes devant la Cour. Parmi ces affaires, plus de soixante-dix concernent exclusivement des procédures devant les juridictions civiles.

75. Aux yeux de la Cour, les retards importants et récurrents dans l’administration de la justice représentent un phénomène particulièrement préoccupant à même de compromettre la confiance du public dans l’efficacité du système judiciaire. Ainsi, en principe, il ne saurait être exclu que, dans des cas exceptionnels, le maintien d’une procédure en instance pour une période excessive soit susceptible de porter atteinte même au droit d’accès à un tribunal. En particulier, l’absence injustifiée de décision par la juridiction saisie pour une période particulièrement prolongée peut par la force des choses s’assimiler à un déni de justice ; le recours exercé par l’intéressé peut ainsi se voir privé de toute son efficacité, lorsque la juridiction concernée ne parvient pas à trancher le litige en temps utile, comme l’exigent les circonstances et l’enjeu de chaque affaire particulière (Vassilios Athanasiou et autres, précité, § 52 ; Michelioudakis, précité, § 72).

76. Au vu de ce qui précède, la Cour conclut que la situation constatée en l’espèce reflète une pratique incompatible avec la Convention (voir Bottazzi, précité, § 22 ; Bourdov (no 2), précité, § 135 ; Michelioudakis, précité, § 73).

c) Quant aux mesures générales à adopter

77. Il appartient en principe à l’Etat défendeur de choisir, sous le contrôle du Comité des Ministres, les moyens de s’acquitter de son obligation juridique au regard de l’article 46 de la Convention (voir (Scozzari et Giunta, précité, § 249). En l’occurrence, en ce qui concerne la ou les voies de recours internes à adopter pour faire face au problème systémique reconnu dans la présente affaire, la Cour renvoie à ses considérations dans l’arrêt Scordino (no 1) (précité, §§ 182-189) :

« 182. Pour autant que les parties semblent lier la question de la qualité de « victime » à celle plus générale de l’effectivité du recours et qu’elles souhaitent avoir des directives pour créer les voies de recours internes les plus efficaces possibles, la Cour se propose d’aborder ce point dans une perspective plus large, en donnant certaines indications quant aux caractéristiques que devrait présenter un tel recours interne, étant entendu que, dans ce type d’affaires, la possibilité pour le requérant de se prétendre victime dépendra du redressement que le recours interne lui aura fourni.

183. Force est de constater que le meilleur remède dans l’absolu est, comme dans de nombreux domaines, la prévention. La Cour rappelle qu’elle a affirmé à maintes reprises que l’article 6 § 1 astreint les Etats contractants à organiser leur système judiciaire de telle sorte que leurs juridictions puissent remplir chacune de ses exigences, notamment quant au délai raisonnable (voir, parmi de nombreux autres, Süßmann c. Allemagne, 16 septembre 1996, § 55, Recueil 1996-IV, et Bottazzi, arrêt précité, § 22). Lorsque le système judiciaire s’avère défaillant à cet égard, un recours permettant de faire accélérer la procédure afin d’empêcher la survenance d’une durée excessive constitue la solution la plus efficace. Un tel recours présente un avantage incontestable par rapport à un recours uniquement indemnitaire car il évite également d’avoir à constater des violations successives pour la même procédure et ne se limite pas à agir uniquement a posteriori comme le fait un recours indemnitaire, tel que celui prévu par la loi italienne par exemple.

184. La Cour a de nombreuses fois reconnu à ce type de recours un caractère « effectif » dans la mesure où il permet de hâter la décision de la juridiction concernée (voir, parmi d’autres, les décisions Bacchini c. Suisse (déc.), no 62915/00, 21 juin 2005, Kunz c. Suisse (déc.), no 623/02, 21 juin 2005, Fehr et Lauterburg c. Suisse (déc.), nos 708/02 et 1095/02, 21 juin 2005, Gonzalez Marin c. Espagne (déc.), no 39521/98, CEDH 1999-VII, Tomé Mota c. Portugal (déc.), no 32082/96, CEDH 1999-IX, et l’arrêt précité Holzinger (no 1), § 22).

185. Il est aussi évident que, pour les pays où existent déjà des violations liées à la durée de procédures, un recours tendant uniquement à accélérer la procédure, s’il est souhaitable pour l’avenir, peut ne pas être suffisant pour redresser une situation où il est manifeste que la procédure s’est déjà étendue sur une période excessive.

186. Différents types de recours peuvent redresser la violation de façon appropriée. (...)

Par ailleurs, certains Etats, tels que l’Autriche, la Croatie, l’Espagne, la Pologne et la Slovaquie, l’ont du reste parfaitement compris en choisissant de combiner deux types de recours, l’un tendant à accélérer la procédure et l’autre de nature indemnitaire (voir, par exemple, Holzinger (no 1), précité, § 22, et les décisions Slaviček c. Croatie (déc.), no 20862/02, CEDH 2002‑VII, Fernández-Molina González et autres c. Espagne (déc.), no 64359/01, CEDH 2002-IX, Michalak c. Pologne (déc.), no 24549/03, 1er mars 2005, Andrášik et autres c. Slovaquie (déc.), nos 57984/00, 60237/00, 60242/00, 60679/00, 60680/00, 68563/01 et 60226/00, CEDH 2002-IX).

187. Toutefois, les Etats peuvent également choisir de ne créer qu’un recours indemnitaire, comme l’a fait l’Italie, sans que ce recours puisse être considéré comme manquant d’effectivité (Mifsud, décision précitée).

188. La Cour a déjà eu l’occasion de rappeler dans l’arrêt Kudła (précité, §§ 154‑155) que, dans le respect des exigences de la Convention, les Etats contractants jouissent d’une certaine marge d’appréciation quant à la façon de garantir aux individus le recours exigé par l’article 13 et de se conformer à l’obligation que leur fait cette disposition de la Convention. Elle a également insisté sur le principe de subsidiarité afin que les justiciables ne soient plus systématiquement contraints de lui soumettre des requêtes qui auraient pu être instruites d’abord et, selon elle, de manière plus appropriée, au sein des ordres juridiques internes.

189. Ainsi, lorsque les législateurs ou les juridictions nationales ont accepté de jouer leur véritable rôle en introduisant une voie de recours interne, il est évident que la Cour doit en tirer certaines conséquences. Lorsqu’un Etat a fait un pas significatif en introduisant un recours indemnitaire, la Cour se doit de lui laisser une plus grande marge d’appréciation pour qu’il puisse organiser ce recours interne de façon cohérente avec son propre système juridique et ses traditions, en conformité avec le niveau de vie du pays. »

78. La Cour a fixé certains critères essentiels permettant de vérifier l’effectivité des recours indemnitaires en matière de durée excessive de procédures judiciaires (voir Bourdov (no 2), précité, § 99). Ces critères sont, notamment, les suivants :

– l’action en indemnisation doit être tranchée dans un délai raisonnable (Scordino (no 1), précité, §§ 194 et 200, et Bourdov (no 2), loc. cit.) ;

– l’indemnité doit être promptement versée, en principe au plus tard six mois après la date à laquelle la décision octroyant la somme est devenue exécutoire (Scordino (no 1), précité, § 198) ;

– les règles procédurales régissant l’action en indemnisation doivent être conformes aux principes d’équité tels que garantis par l’article 6 de la Convention (ibidem, § 200) ;

– les règles en matière de frais de justice ne doivent pas faire peser un fardeau excessif sur les plaideurs dont l’action est fondée (ibid., § 201) ;

– le montant des indemnités ne doit pas être insuffisant par rapport aux sommes octroyées par la Cour dans des affaires similaires (ibid., §§ 202‑206 et 213).

79. A propos de ce dernier critère, la Cour a précisé que le juge national est manifestement mieux placé pour statuer sur l’existence et l’ampleur du dommage matériel allégué. Il n’en va cependant pas de même à l’égard du dommage moral. Il existe une présomption solide, quoique réfragable, selon laquelle la durée excessive d’une procédure cause un dommage moral. La Cour admet aussi que, dans certains cas, la durée de la procédure n’entraîne qu’un dommage moral minime, voire aucun. Sur ce point, la Cour considère, à l’instar de la Commission nationale des droits de l’homme, que le comportement de la partie intéressée lors du déroulement de la procédure devrait aussi être pris en compte afin de se prononcer sur sa contribution éventuelle au retard de la procédure et d’ajuster ainsi l’indemnité à allouer au titre du dommage moral subi (voir paragraphe 21 ci-dessus). Le juge national devra dans ce cas justifier sa décision en la motivant suffisamment (voir Bourdov (no 2), précité, § 100 ; Scordino (no 1), précité, § 204).

80. Enfin, en s’appuyant sur les éléments de droit comparé qui lui sont disponibles, la Cour observe une diversité dans les modalités d’application au sein des ordres juridiques internes des Etats membres des recours d’accélération et de compensation pécuniaire en cas de longueur excessive des procédures civiles (voir paragraphes 27-33 ci-dessus). La Cour juge utile notamment de relever qu’en ce qui concerne les recours en accélération et en indemnisation, un nombre important d’Etats membres ont mis en place des procédures plus ou moins simplifiées par rapport aux procédures judiciaires ordinaires. A titre d’exemple, le traitement du recours par un juge unique, le caractère écrit de la procédure, la prévision de frais de procédure moins élevés, l’absence d’audience publique sont des mesures qui peuvent le cas échéant être mis en œuvre par l’Etat concerné afin de faciliter le traitement des recours précités et d’éviter une surcharge du rôle des juridictions compétentes, ce qui pourrait déboucher sur des retards supplémentaires des procédures judiciaires.

81. Au vu des considérations qui précèdent, la Cour, tout en reconnaissant les développements récents de l’ordre juridique grec visant tant à la modernisation de l’appareil judiciaire qu’à la simplification et l’accélération des procédures judiciaires, considère que les autorités nationales doivent sans retard mettre en place un recours ou une combinaison de recours au niveau national qui garantissent réellement une réparation effective des violations de la Convention résultant de durées excessives des procédures devant les juridictions civiles. Pareils recours devront être conformes aux principes de la Convention, tels que rappelés dans le présent arrêt (§§ 77-79), et être ouverts dans un délai d’un an à compter de la date à laquelle celui-ci sera devenu définitif.

d) Quant à la procédure à suivre dans des affaires similaires

82. La Cour rappelle qu’elle peut se prononcer dans l’arrêt pilote sur la procédure à suivre dans l’examen de toutes les affaires similaires (voir, mutatis mutandis, Broniowski, précité, § 198, et Xenides-Arestis c. Turquie, no 46347/99, § 50, 22 décembre 2005). Elle note que, selon le Gouvernement, l’ajournement de l’examen de toutes les affaires civiles serait conforme au principe de subsidiarité et encouragerait les autorités nationales à mettre en œuvre les recours appropriés.

83. A l’instar de ses considérations dans l’arrêt Michelioudakis (précité, §§ 79-80), la Cour constate que, s’agissant de la durée des procédures civiles devant les juridictions grecques, le nombre des affaires y relatives qui sont actuellement pendantes devant elle est considérablement inférieur à celui relevé dans l’arrêt Vassilios Athanasiou et autres, précité, et qui concerne les affaires relatives à la durée de procédures administratives (voir paragraphe 74 ci-dessus, et Vassilios Athanasiou et autres, précité, § 51). Partant, l’ajournement des affaires civiles ne se ferait pas au détriment de l’examen en temps utile par la Cour d’un nombre conséquent de requêtes. La Cour considère donc qu’en attendant que les autorités internes adoptent les mesures nécessaires sur le plan national, les procédures contradictoires dans toutes les affaires ayant pour unique objet la durée de procédures civiles devant les juridictions grecques seront ajournées pendant une période d’un an à compter de la date à laquelle le présent arrêt sera devenu définitif. Réserve est faite de la faculté pour la Cour, à tout moment, de déclarer irrecevable une affaire de ce type ou de la rayer de son rôle à la suite d’un accord amiable entre les parties ou d’un règlement du litige par d’autres moyens, conformément aux articles 37 et 39 de la Convention.

V. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

84. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

85. La requérante sollicite 124 618,13 euros (EUR) au titre du dommage matériel subi. Elle allègue que la Cour de cassation a procédé, dans le cadre d’un autre litige et avant de se prononcer sur son affaire, à un revirement de sa jurisprudence sur la question soulevée en l’espèce. Selon la requérante, si la juridiction suprême s’était prononcée dans un délai plus court sur son affaire, elle aurait fait droit à toutes ses prétentions. En outre, la requérante réclame 50 000 EUR au titre du préjudice moral qu’elle aurait subi.

86. Le Gouvernement invite la Cour à écarter la demande au titre du dommage matériel. Par ailleurs, il estime qu’un constat de violation constituerait en soi une satisfaction équitable suffisante au titre du dommage moral. Alternativement, la satisfaction équitable ne saurait dépasser la somme de 3 000 EUR.

87. Au vu des conclusions auxquelles la Cour est arrivée (voir paragraphes 38-41 ci-dessus), elle n’aperçoit pas de lien de causalité entre les violations constatées et le dommage matériel allégué et rejette cette demande. En revanche, elle estime que la requérante a subi un tort moral certain que ne compensent pas suffisamment les constats de violation de la Convention. Statuant en équité, elle lui accorde 10 000 EUR à ce titre, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt.

B. Frais et dépens

88. La requérante demande 6 991 EUR pour les frais et dépens relatifs à la procédure devant la Cour.

89. Le Gouvernement souligne qu’elle ne produit aucun justificatif à l’appui de sa prétention.

90. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 2000-XI). En l’espèce, compte tenu du fait que la requérante n’a pas apporté de justificatifs de ces frais, la Cour rejette la demande à cet égard.

C. Intérêts moratoires

91. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable quant au grief tiré de la durée excessive de la procédure et à la question de l’absence de recours effectif à cet égard et irrecevable pour le surplus ;

2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 13 de la Convention ;

4. Dit que les violations ci-dessus découlent d’un dysfonctionnement de l’ordre juridique interne consistant en la durée excessive des procédures devant les juridictions civiles et en l’absence en droit interne d’un recours permettant aux intéressés d’obtenir la sanction de leur droit à voir leur cause entendue dans un délai raisonnable ;

5. Dit que l’Etat défendeur devra, dans un délai d’un an à compter de la date à laquelle le présent arrêt sera devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention, mettre en place un recours ou un ensemble de recours internes effectifs apte à offrir un redressement adéquat et suffisant dans les cas de dépassement du délai raisonnable, au sens de l’article 6 § 1 de la Convention, quant aux procédures devant les juridictions civiles, et conformément aux principes de la Convention tels qu’établis dans la jurisprudence de la Cour ;

6. Dit que, en attendant l’adoption des mesures ci-dessus, la Cour ajournera, pendant une durée d’un an à compter de la date à laquelle le présent arrêt sera devenu définitif, la procédure dans toutes les affaires ayant pour unique objet la durée de procédures civiles devant les juridictions grecques, réserve faite de la faculté pour la Cour, à tout moment, de déclarer irrecevable une affaire de ce type ou de la rayer du rôle à la suite d’un accord amiable entre les parties ou d’un règlement du litige par d’autres moyens, au sens respectivement de l’article 37 et de l’article 39 de la Convention ;

7. Dit

a) que, dans les trois mois à compter du jour où le présent arrêt sera devenu définitif, l’Etat défendeur devra verser à la requérante 10 000 EUR (dix mille euros) au titre du dommage moral, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt sur cette somme ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, cette somme sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

8. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 30 octobre 2012 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Søren NielsenNina Vajić
GreffierPrésidente


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