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02/10/2012 | CEDH | N°001-113660

CEDH | CEDH, AFFAIRE SINGH ET AUTRES c. BELGIQUE, 2012, 001-113660


DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE SINGH ET AUTRES c. BELGIQUE

(Requête no 33210/11)

ARRÊT

STRASBOURG

2 octobre 2012

DÉFINITIF

02/01/2013

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Singh et autres c. Belgique,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

Dragoljub Popović, président,
Françoise Tulkens,
Isabelle Berro-Lefèvre,
András Sajó,


Guido Raimondi,
Paulo Pinto de Albuquerque,
Helen Keller, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre ...

DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE SINGH ET AUTRES c. BELGIQUE

(Requête no 33210/11)

ARRÊT

STRASBOURG

2 octobre 2012

DÉFINITIF

02/01/2013

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Singh et autres c. Belgique,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

Dragoljub Popović, président,
Françoise Tulkens,
Isabelle Berro-Lefèvre,
András Sajó,
Guido Raimondi,
Paulo Pinto de Albuquerque,
Helen Keller, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 11 septembre 2012,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 33210/11) dirigée contre le Royaume de Belgique et dont cinq ressortissant afghans, M. Nam Singh, Mme Meena Kaur et leurs trois enfants Priyanka, Sonam et Rounak Singh (« les requérants »), ont saisi la Cour le 30 mai 2011 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Les requérants sont représentés par Me P. Robert, avocat à Bruxelles. Le gouvernement belge (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. M. Tysebaert, conseiller général, service public fédéral de la Justice.

3. Les requérants alléguaient en particulier que leur éloignement vers la Russie entraînait un risque de refoulement à la chaîne vers l’Afghanistan au mépris de l’article 3 de la Convention et ils dénonçaient l’absence de recours conforme à l’article 13 de la Convention pour faire examiner ce grief.

4. Le 24 août 2011, la requête a été communiquée au Gouvernement. Comme le permet l’article 29 § 1 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et le fond.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. Les requérants sont nés respectivement en 1970, 1980, 2003, 2005 et 2008 et résident à Sint-Gillis.

6. Le 18 mars 2011, les requérants arrivèrent à l’aéroport de Zaventem en Belgique avec un vol en provenance de Moscou. Ils se présentèrent à la police des frontières munis, selon le document établi par la police, de :

« documents [références numérotées] et d’un livret d’identité établi dans une langue qui n’est pas comprise par nous + copies de pages d’identité et d’une page avec un visa russe [référence numérotée] ».

7. Ces documents furent confisqués par la police.

8. N’étant pas porteurs des documents requis par l’article 2, al. 1er de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers (« loi sur les étrangers »), l’entrée leur fut refusée, et, le 19 mars 2011, l’Office des étrangers (« OE ») prit une décision de refus d’entrée avec refoulement (« annexe 11 ter », paragraphe 21). La décision indiquait que l’entrée sur le territoire du Royaume leur était refusée et qu’en conséquence, ils seraient refoulés dès que la décision deviendrait exécutable. En ce qui concerne les possibilités de recours, la mesure précisait :

« Je [les] ai informés que cette décision est susceptible d’un recours en annulation auprès du Conseil du Contentieux des étrangers en vertu de l’article 39/2, § 2, de la loi du 15 décembre 1980, lequel doit être introduit, par voie de requête, dans les trente jours de la notification de cette décision.

Une demande de suspension peut être introduite conformément à l’article 39/82 de la loi du 15 décembre 1980. Sauf le cas d’extrême urgence, la demande de suspension et le recours en annulation doivent être introduits par un seul et même acte.

(...)

L’introduction d’un recours en annulation et d’une demande de suspension n’a pas pour effet de suspendre l’exécution de la présente mesure. »

9. Simultanément, les requérants introduisirent une demande d’asile et une attestation de dépôt de demande d’asile (« annexe 25 », paragraphe 21) leur fut délivrée.

10. Une décision de maintien en un lieu déterminé situé à la frontière fut également prise à leur encontre le jour même.

11. Le 24 mars 2011, les requérants furent interrogés par l’OE et le dossier fut transmis pour examen au Commissariat général aux réfugiés et apatrides (« CGRA »). Une audition eut lieu le 4 avril 2011 en présence d’un interprète et du conseil des requérants.

12. Aux autorités belges, les requérants déclarèrent avoir la nationalité afghane, être membres de la minorité sikhe et avoir fui avec leurs familles respectives l’Afghanistan en 1992 pour l’Inde en raison de la guerre civile qui sévissait dans le pays et du fait que les communautés sikhe et hindoue étaient victimes d’attaques et de kidnappings pendant cette période. Le premier requérant indiqua avoir ensuite établi ses activités commerciales à Moscou en raison de l’accès difficile de la communauté afghane au marché de l’emploi indien. Les requérants déclarèrent avoir introduit en 2007 une demande de naturalisation auprès des autorités indiennes, procédure qu’ils avaient abandonnée ensuite car trop longue et aléatoire. En 2009, après que les autorités russes aient fermé le marché où le premier requérant travaillait, les requérants étaient rentrés à Kaboul. Toutefois, ne s’y sentant pas en sécurité, ils décidèrent de fuir pour la Belgique. Ils indiquèrent également avoir eu recours à un passeur pour obtenir des faux passeports et avoir laissé leurs « vrais » passeports, délivrés l’un par l’ambassade d’Afghanistan à Moscou, l’autre par l’ambassade en Inde, entre ses mains. Ils précisèrent avoir présenté, à leur arrivée en Belgique, des Taskara originales et des copies des pages d’identité de leurs « vrais » passeports. Au cours d’un entretien postérieur, le premier requérant indiqua avoir seulement envisagé de demander la naturalisation en Inde mais y avoir renoncé en raison de la longueur de la procédure.

13. Le 13 avril 2011, le CGRA rejeta les demandes de reconnaissance du statut de réfugié et d’octroi de la protection subsidiaire au motif que les requérants n’avaient pas prouvé leur nationalité afghane. Selon le CGRA, outre que les requérants voyageaient avec des faux passeports, la connaissance de la deuxième requérante de l’Afghanistan et du pashtou n’était pas assez bonne pour rendre crédible sa nationalité afghane. Quant au premier requérant, le CGRA considéra qu’il ne pouvait établir de façon plausible son séjour en Afghanistan au moment du conflit. Enfin, le CGRA jugea mensongères les déclarations des requérants relatives à leur séjour en Inde et à leur demande de naturalisation. Partant :

« Par le fait de déposer des déclarations mensongères concernant votre identité, votre séjour en Afghanistan, votre nationalité, votre capacité et votre statut de séjour en Inde, et par le fait que vous avez renoncé à l’obligation du demandeur d’asile de collaborer à l’enquête du Commissariat général, vous mettez cette instance dans l’impossibilité d’évaluer correctement la protection dont vous avez besoin. »

14. Les requérants introduisirent un recours contre ces décisions de rejet et déposèrent de nouveaux documents. Il s’agissait de la correspondance électronique entre leur avocat et un représentant du Comité belge pour l’aide aux réfugiés (« CBAR », partenaire opérationnel du Haut-Commissariat des Nations Unies aux Réfugiés, « HCR », en Belgique). Ce dernier lui transmettait des courriels envoyés par un fonctionnaire du HCR à New Delhi auxquels étaient joints des attestations que les requérants avaient été enregistrés comme réfugiés sous mandat du HCR, le premier requérant sous le numéro 513-00033663 du 8 février 1993 au 24 mars 2004, date de son départ en Afghanistan et la deuxième requérante, sous le numéro 513‑93C03725, du 20 janvier 1993 au 17 décembre 2010, date de son départ en Afghanistan. Ces courriels faisaient également état de ce que la deuxième requérante avait demandé la naturalisation en Inde fin 2009 et que l’instruction de sa demande était à ses débuts et bénéficiait d’un passeport afghan valide délivré par l’ambassade afghane de New Delhi.

15. Le 24 mai 2011, le Conseil du contentieux des étrangers (« CCE ») rejeta les recours introduits par les requérants et confirma largement la motivation du CGRA. Selon le CCE, le CGRA avait suffisamment motivé le refus d’accorder le statut de réfugié. En substance, le CCE estima que les requérants étaient en défaut de prouver leur nationalité afghane ainsi que la réalité de la protection accordée par le HCR. Il considéra que les documents du HCR étaient aisément falsifiables et qu’à défaut pour les requérants de fournir les originaux, ils n’avaient aucune valeur probante. Enfin, le CCE jugea que le seul élément incontestable du récit des requérants était leur séjour en Inde et que, dès lors, la crainte de persécution des requérants devait être examinée vis-à-vis de l’Inde et non de l’Afghanistan. Or, il considéra pour établi que la décision de fuir l’Inde n’était basée que sur des motifs d’ordre socio-économique.

16. A la suite de ces arrêts, la procédure d’asile des requérants fut clôturée et la décision du 19 mars 2011, assimilée de plein droit à un ordre de quitter le territoire en vertu de l’article 74/4 § 5 de la loi sur les étrangers, devint exécutoire.

17. Le 27 mai 2011, l’OE fixa une date de rapatriement au 30 mai 2011 avec Moscou pour destination en application des articles 5.9 et 5.11 de l’annexe 9 de la Convention de Chicago relative à l’aviation civile internationale et de l’article 74/4 § 2 de la loi sur les étrangers.

18. Le 30 mai 2011, les requérants saisirent la Cour d’une demande de mesures provisoires en application de l’article 39 du règlement en vue de suspendre leur éloignement. La présidente faisant fonction de la Section à laquelle l’affaire fut attribuée fit droit à la demande de ne pas expulser les requérants vers la Russie pour la durée de la procédure devant la Cour.

19. Conformément à l’article 74/5 § 4 de la loi sur les étrangers, les requérants ne faisant plus l’objet d’une mesure de refoulement exécutoire, furent autorisés à entrer en Belgique. Le 31 mai 2011, ils furent libérés de la zone de transit.

20. Le 22 juin 2011, les requérants déposèrent une requête en cassation administrative devant le Conseil d’Etat contre les arrêts du CCE. Le Conseil d’Etat la déclara irrecevable par ordonnance le 8 juillet 2011.

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

21. Quand un étranger se présente aux frontières belges sans les documents valables requis et demande l’asile, il reçoit de la part des autorités chargées du contrôle aux frontières (service « inspection des frontières » de l’OE) une attestation (« annexe 25 ») délivrée en application de l’article 72, alinéa 1er, de l’arrêté royal du 8 octobre 1981 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers (« arrêté royal ») selon laquelle il a introduit une demande d’asile conformément à l’article 50ter de la loi du 15 décembre 1980 sur les étrangers. Il reçoit également une mesure d’éloignement, dite « décision de refus d’entrée avec refoulement – demandeur d’asile » (« annexe 11ter ») en application de l’article 72 alinéa 2 de l’arrêté royal et de l’article 52/3 de la loi.

22. Les dispositions applicables sont les suivantes :

Article 50ter de la loi

« L’étranger qui tente d’entrer dans le Royaume sans satisfaire aux conditions fixées à l’article 2, doit introduire sa demande d’asile auprès des autorités chargées du contrôle aux frontières, au moment où celles-ci l’interrogent sur les raisons de sa venue en Belgique. »

Article 52/3 §2 de la loi

« Dans les cas visés à l’article 74/6, § 1er bis, le ministre ou son délégué décide immédiatement lors de l’introduction de la demande d’asile que l’étranger tombe dans les cas visés à l’article 7, alinéa 1er, 1o à 12 ou à l’article 27, § 1, alinéa 1er, et § 3. Dans le cas visé à l’article 50ter, le ministre ou son délégué décide également immédiatement lors de l’introduction de la demande d’asile que l’étranger n’est pas admis à entrer sur le territoire et qu’il est refoulé. Ces décisions sont notifiées à l’endroit où l’étranger est maintenu. »

Article 72 de l’arrêté royal

« Les autorités chargées du contrôle aux frontières remettent à l’étranger qui se présente à la frontière sans être porteur des documents requis et qui introduit une demande d’asile, un document conforme au modèle figurant à l’annexe 25. Conformément à l’article 52/3, § 2, de la loi, cet étranger reçoit également une décision de refoulement conformément au modèle figurant à l’annexe 11ter. Les dispositions appliquées en l’espèce figurent dans la loi du 15 décembre 1980 sur les étrangers. »

23. Une décision de maintien dans un lieu déterminé situé à la frontière est également prise en application de l’article 74/5 de la loi.

24. Pendant la durée de la procédure d’asile, l’exécution de la mesure d’éloignement est suspendue. Cela découle de l’article 39/70 de la loi qui se lit comme suit :

« Sauf accord de l’intéressé, aucune mesure d’éloignement du territoire ou de refoulement ne peut être exécutée de manière forcée à l’égard de l’étranger pendant le délai fixé pour l’introduction du recours et pendant l’examen de celui-ci. »

A. Procédure et recours en matière d’asile

25. L’OE consigne les déclarations de l’étranger relatives à son identité, son origine et l’itinéraire qu’il a emprunté. A cette occasion, il est remis à l’étranger un questionnaire visant à préparer l’audition auprès de l’instance décisionnelle en matière d’asile, le CGRA. La procédure d’asile est traitée en priorité dans le cadre d’une procédure accélérée en application de l’article 52/2 § 2 de la loi qui est formulé ainsi :

« § 2. Le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides décide, avant toutes les autres affaires et dans un délai de quinze jours après que le ministre ou son délégué lui a notifié que la Belgique est responsable du traitement de la demande d’asile, si le statut de réfugié ou le statut de protection subsidiaire doit ou non être reconnu ou octroyé à l’étranger, lorsque :

1o l’étranger se trouve dans un lieu déterminé visé à l’article 74/8, § 1er, (...) »

26. L’audition par le CGRA a lieu en présence du conseil de l’intéressé et d’un interprète.

27. Dans le cas où l’étranger est débouté par le CGRA de sa demande de protection, il peut introduire un recours de plein contentieux de la décision du CGRA devant le Conseil du contentieux des étrangers (« CCE »), juridiction administrative spécialement instituée pour statuer sur les recours relatifs à l’accès au territoire, au séjour, à l’établissement et à l’éloignement des étrangers.

28. En vertu de l’article 39/2, § 1, 1er de la loi, le CCE dispose, pour ce faire, d’une compétence de réformation ou de confirmation des décisions du CGRA. Il résulte notamment de l’article 39/70 (paragraphe 24) que le recours de plein contentieux introduit auprès du CCE est suspensif de plein droit.

29. La mission du CCE est de plein contentieux dans le sens où le litige lui est soumis, dans son entier, pour un nouvel examen et le juge administratif statue sur le fond du litige (Doc. Parl. Chambre, 2005-2006, no 51 2479, p. 95-98). Le CCE n’a toutefois pas de compétence d’instruction propre. S’il ne dispose pas d’éléments suffisants pour réformer ou confirmer la décision, il doit annuler la décision attaquée au lieu de procéder lui-même à une enquête ou de l’ordonner (article 39/2, § 1, 2o). De cette manière, le CCE renvoie la décision pour réexamen au CGRA.

30. La procédure auprès du CCE se déroule principalement de façon écrite. Les parties et leur conseil ne peuvent donc invoquer de « nouveaux éléments » c’est-à-dire des éléments autres que ceux exposés dans les pièces de procédure prévues par la loi (recours ou notes) sauf dans les limites prévues par l’article 39/76 de la loi, soit que le requérant démontre qu’il n’a pas pu invoquer ces éléments dans une phase antérieure de la procédure administrative, soit que le CCE décide, en vue d’une bonne administration de la justice, de tenir compte d’un nouvel élément qui est porté à sa connaissance par les parties, en ce compris leurs déclarations à l’audience. Les conditions, cumulatives, mises à la présentation d’éléments nouveaux sont les suivantes :

« 1o ces éléments trouvent un fondement dans le dossier de procédure ;

2o qu’ils soient de nature à démontrer d’une manière certaine le caractère fondé ou non fondé du recours ;

3o la partie explique d’une manière plausible le fait de ne pas avoir communiqué ces nouveaux éléments dans une phase antérieure de la procédure.

Sont de nouveaux éléments au sens de la présente disposition, ceux relatifs à des faits ou des situations qui se sont produits après la dernière phase de la procédure administrative au cours de laquelle ils auraient pu être fournis ainsi que tous les nouveaux éléments et/ou preuves éventuels ou éléments appuyant les faits ou raisons invoqués durant le traitement administratif. »

31. Saisie d’une question préjudicielle relative à l’article 39/76, la Cour constitutionnelle a déclaré, dans son arrêt no 148/2008 du 30 octobre 2008, ce qui suit :

« B.6.3. En soumettant la possibilité d’invoquer de nouveaux éléments à des restrictions (article 39/76, § 1er, alinéas 2 et 3), le législateur vise à créer un équilibre entre, d’une part, les caractéristiques propres à la problématique de l’asile et, d’autre part, le principe selon lequel c’est la requête qui fixe les limites du débat juridictionnel. En outre, il a entendu éviter les débats dilatoires (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2479/001, p. 133).

B.6.4. (...) Dans ce contexte, le souci d’éviter les débats dilatoires ne saurait conduire à ce que le Conseil puisse se dispenser d’examiner des éléments nouveaux présentés par le demandeur d’asile qui sont de nature à démontrer d’une manière certaine le caractère fondé du recours.

(...)

B.6.6. (...) Dès lors, la condition que les éléments nouveaux trouvent un fondement dans le dossier de procédure peut permettre d’écarter uniquement les éléments qui ne présentent pas de lien avec la crainte exprimée dans la demande d’asile et au cours de l’examen administratif de celle-ci.

B.6.7. Pour le surplus, l’exigence qu’il soit satisfait, pour que des moyens nouveaux puissent être pris en considération par le Conseil du contentieux des étrangers, aux trois conditions cumulatives prévues par l’article 39/76, § 1er, alinéa 3, n’empêche pas, comme le précisent les travaux parlementaires cités en B.5, que ces éléments puissent encore utilement être invoqués à l’appui d’une nouvelle demande d’asile. »

32. Des délais plus courts (« procédure accélérée ») sont prévus par l’article 39/77 de la loi quand l’étranger est en détention. Une copie du recours est adressée dans le jour ouvrable au CGRA, lui demandant de déposer le dossier au greffe dans les trois jours ouvrables. A cette échéance, les parties sont convoquées à comparaître dans un délai de cinq jours ouvrables suivant la date de réception de la fixation. Le président se prononce dans le cinq jours ouvrables de la clôture des débats et peut ordonner l’exécution immédiate de la décision.

33. Lorsque le demandeur d’asile est débouté par le CCE, la mesure de refoulement devient exécutoire.

34. Dans les trente jours qui suivent la notification de l’arrêt de rejet du CCE, l’étranger peut se pourvoir en cassation devant le Conseil d’Etat qui se limite à un contrôle de légalité de l’arrêt. Ce recours n’est pas suspensif.

B. Recours contre la mesure d’éloignement

1. Recours devant le CCE et le Conseil d’Etat

35. Dans la foulée de la notification de l’annexe 11ter à la frontière, il est possible de saisir le CCE, dans les quinze ou les trente jours de la notification, selon que l’étranger est détenu ou non, d’un recours en annulation de cette décision (article 39/2 § 2). L’article 39/80 de la loi envisage la situation où un tel recours est lié à un recours en plein contentieux contre une décision du CGRA en ces termes :

« Lorsqu’un recours en annulation d’une décision relative à l’entrée ou au séjour est lié à un recours contre une décision du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides, l’examen de ce dernier recours est prioritaire. Le cas échéant, le Conseil peut toutefois, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, décider soit que les deux recours seront examinés et clôturés simultanément, soit que l’examen du recours en annulation sera suspendu jusqu’à la décision définitive sur le recours de pleine juridiction. »

36. Le recours en annulation n’étant pas suspensif, il peut être assorti d’une demande de suspension de la mesure (article 39/82). La demande de suspension peut être faite en extrême urgence, procédure décrite dans l’affaire M.S.S. c. Belgique et Grèce [GC] (no 30696/09, §§ 138 à 140, CEDH 2011). Il peut aussi s’agir, à condition qu’une demande de suspension en extrême urgence ne soit pas pendante, d’une demande de suspension ordinaire de la mesure d’éloignement.

37. La procédure en suspension ordinaire peut être assortie d’une demande de mesures provisoires, le CCE étant compétent, en vertu de l’article 39/84, pour :

« ordonner toutes les mesures nécessaires à la sauvegarde des intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution de l’affaire, à l’exception des mesures qui ont trait à des droits civils. »

38. Les mesures provisoires peuvent être sollicitées au bénéfice de l’extrême urgence sur la base de l’article 39/85 de la loi. Dans ce cas, le CCE statue conjointement sur la demande de suspension et de mesures provisoires dans les quarante-huit heures suivant la réception de la demande de mesures provisoires. L’article 39/85 alinéa 3 prévoit que ce recours est suspensif de plein droit :

« Dès la réception de la demande de mesures provisoires, il ne peut être procédé à l’exécution forcée de la mesure d’éloignement ou de refoulement jusqu’à ce que le Conseil se soit prononcé sur la demande ou qu’il ait rejeté la demande. Si la suspension n’a pas été accordée, l’exécution forcée de la mesure est à nouveau possible. Le Roi fixe, par arrêté délibéré en Conseil des Ministres, le contenu de la demande (...) ».

39. Un recours en cassation administrative de l’arrêt du CCE rejetant le recours en annulation est possible devant le Conseil d’Etat. Ce recours n’est pas suspensif.

2. Recours devant les juridictions de l’ordre judiciaire

40. Les cours et tribunaux sont, aux termes des articles 144 et 145 de la Constitution, compétents pour connaître d’une contestation relative à des droits subjectifs. L’article 584 du code judiciaire prévoit, en ces termes, la possibilité de saisir le président du tribunal de première instance par voie de référé ou par requête unilatérale :

« Le président du tribunal de première instance statue au provisoire dans les cas dont il reconnaît l’urgence, en toutes matières, sauf celles que la loi soustrait au pouvoir judiciaire.

Le président du tribunal du travail et le président du tribunal de commerce peuvent statuer au provisoire dans les cas dont ils reconnaissent l’urgence, dans les matières qui sont respectivement de la compétence de ces tribunaux.

Le président est saisi par voie de référé ou, en cas d’absolue nécessité, par requête (...) »

41. La décision d’instance est susceptible d’appel et l’arrêt, rendu en appel, peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation.

C. Responsabilité des transporteurs internationaux

42. En vertu de l’article 74/4 § 2 de la loi :

« Le transporteur public ou privé qui a amené un passager dans le Royaume est également tenu de reconduire celui-ci lorsque :

a) le transporteur, qui devait l’acheminer dans son pays de destination, refuse de l’embarquer, ou

b) les autorités de l’Etat de destination lui refusent l’entrée et le renvoient dans le Royaume, et que l’accès au Royaume lui est refusé parce qu’il est dépourvu des documents requis par l’article 2 ou qu’il se trouve dans un des autres cas visés à l’article 3. »

43. Cette disposition reflète les articles 5.9 et 5.11 du chapitre 5 « personnes non admissibles et personnes expulsées » de l’annexe 9 de la Convention de Chicago relative à l’aviation civile internationale qui se lisent ainsi :

« 5.9 L’exploitant d’aéronefs sera tenu responsable du coût de la garde et des soins d’une personne non munie des documents requis à partir du moment où elle est jugée non admissible et confiée à l’exploitant d’aéronefs en vue de son refoulement.

5.11 L’exploitant d’aéronefs refoulera la personne non admissible :

a) au point où elle a commencé son voyage ; ou b) à tout autre endroit où elle peut être admise. »

III. RAPPORTS INTERNATIONAUX PERTINENTS

A. Rapports publiés par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux Réfugiés au sujet des demandeurs d’asile afghans

44. Dans son rapport, Eligibility Guidelines for Assessing the International Protection Needs of Asylum-Seekers from Afghanistan, publié le 17 décembre 2010, le HCR considère que :

“In view of the serious and widespread human rights violations and ongoing armed conflict in many parts of the country, [...] a significant number of Afghan asylum seekers are in need of international protection.”

45. Le HCR recommande de se reporter aux différentes catégories de personnes susceptibles, selon l’organisation, d’être victimes de persécutions. Constituent ainsi des catégories à risques : le fait d’avoir ou de se voir imputer des comportements jugés contraires aux lois islamiques, l’appartenance à une minorité ethnique ou religieuse (statut de minorité à évaluer dans le contexte de la mosaïque afghane), l’appartenance à l’un des groupes sociaux à risque dans le contexte afghan (femmes, personnes victimes de représailles en vertu de codes d’honneur, personnes privées de leurs terres, les malades mentaux, etc.). Le HCR insiste sur la conjonction de ces catégories assez larges avec un conflit armé de forte intensité pour formuler la recommandation d’un taux de protection élevé.

46. Dans l’hypothèse où le demandeur d’asile est accompagné d’enfants mineurs, le HCR recommande d’évaluer le meilleur intérêt de l’enfant en tenant compte des considérations spécifiques aux enfants en Afghanistan figurant dans le rapport précité.

47. En ce qui concerne les minorités religieuses :

“members of minority religious groups are reported to experience some degree of discrimination, which in extreme cases could be tantamount to persecution. (...) UNHCR considers that persons perceived as contravening Shari’a law, including persons accused of blasphemy and converts from Islam, as well as members of minority religious groups, may be at risk on the ground of religion, depending on the individual circumstances of the case. (...) According to some reports, members of the Hindu and Sikh communities continue to face societal discrimination, harassment and, in some cases, violence at the hands of members of other religious groups. Sikh and Hindu communities also experience problems with land confiscation by local authorities and commanders, as well as obtaining land for cremation.”

48. Dans un document publié en juillet 2011 et intitulé « Afghan Hindus and Sikhs : their situation and recommandations for the assessment of claims », le HCR fait le point, sur la base de sources diverses, sur :

. les persécutions dont furent victimes les Hindous et Sikhs en Afghanistan au début des années 1990 et les raisons de leur fuite en masse vers l’Inde :

IRIN, Aghanistan : Focus on Hindus and Sikhs in Kandahar, http://www.irinnews.org/Report/18421/

“Of the estimated 50,000 Hindus and Sikhs living in Afghanistan 10 years ago, most have left. Only about 1,000 Sikhs remain in the country today, half of them concentrated in Jalalabad, the provincial and commercial capital of the eastern Nangarhar Province. (...)

Sikhs left Afghanistan en masse, along with thousands of Hindus, after Hindu extremists destroyed the Babri Mosque in Ayodhya, in India, in December 1992, in fear of threats from radical Muslims following large-scale looting of Hindu and Sikh temples all over Afghanistan. (...)

Their properties were looted, they were tortured and treated inhumanely, particularly in Kabul, with women reportedly raped, he said. Under the Taliban, Indians were marginalised and were not allowed to have any major stake in local economies as they had previously done”.

UN Commission on Human Rights, Final report on the situation of Human Rights in Afghanistan, Special rapporteur, E/CN.4/1993/42, 18 february 1993:

“Owing to his inability to visit Kabul and meet with the competent authorities, the Special Rapporteur is not able to personally confirm the allegations concerning the current situation of Sikhs and Hindus in Afghanistan. He was informed, however, that it is estimated that 50 per cent of the Afghan Hindu and Sikh community have left Afghanistan and have sought refuge in India because they felt persecuted as non-Muslims, because of looting and attacks on their families and temples or because they had been openly encouraged to leave. Attacks on Hindu and Sikh temples were reported in Jalalabad and Kandahar following the incidents related to the Babri mosque in Ayodya, in India, at the beginning of December 1992. The Special Rapporteur was informed by representatives of the Pakistani authorities that a task force arrangement had been established in cooperation with the Government of India in order to facilitate the safe transit of Sikhs and Hindus through Pakistan on their way to India.”

. leur situation à ce jour en Afghanistan :

United Kingdom: Home Office, Operational Guidance Note: Afghanistan, March 2011:

“3.9.2 Treatment. Reliable data on religious demography is not available, but there are an estimated 2,200 Sikhs and Hindus remaining in Afghanistan.

3.9.3 There are conflicting reports whether the situation of Afghanistan’s small communities of Hindus and Sikhs has improved since the fall of the Taliban. Afghanistan’s new constitution promises greater religious freedom. Hindus and Sikhs are allowed to practice their faith publicly, including at a Sikh temple, the Guru Dwara in Karte Parwan, Kabul. (...)

3.9.4 Societal hostility and harassment continue. Hindus suffer less from this than Sikhs as they are less visible. However, even Sikhs are generally ‘tolerated’, with some owning successful businesses, while Hindus report harassment by neighbours. Harassment is not systematic, but the government seems unable to do very much about it. Some Sikh and Hindu children are unable to attend government schools due to harassment from other students. (...)

3.9.6 Conclusion. Sikhs or Hindus are not generally at real risk of persecution at the hands of the Afghan authorities solely because they are Sikhs or Hindus. Nor, generally, is societal harassment and discrimination against Sikhs and Hindus at such a level that it would constitute persecution. However, each case must be considered on its merits.

3.9.7 If a Sikh or Hindu man or married woman does establish that they would on return face a localised risk amounting to persecution it should generally be possible for them to avoid such treatment by internal relocation, for example to Kabul where there are well-established and close knit Sikh and Hindu communities. Each case must be considered on its merits but where internal relocation would avoid persecution and would be reasonable, a grant of asylum will not be appropriate.”

. la situation des réfugiés afghans en Inde :

UNHCR, Global Appeal India, 2011, Update:

“India is not party to the 1951 Refugee Convention or its 1967 Protocol and does not have a national refugee protection framework. (...) For some time now, India’s concerns about security have had a more restrictive impact on asylum space in the country. (...)

The lack of a national refugee protection framework is an obstacle to providing effective refugee protection (...)”

Immigration and Refugee Board of Canada, 20 octobre 2004 :

« (...) entre 1998 et 2000, la situation des réfugiés afghans en Inde a commencé à changer (ibid.). Ce changement a été amorcé par un nouveau gouvernement qui était [traduction] « en général moins tolérant que les gouvernements précédents envers les étrangers, particulièrement les Afghans », et par l’hostilité croissante de la population à l’égard des Afghans, [traduction] « alimentée par la présumée implication des Afghans dans le conflit au Cachemire et le détournement d’un avion indien » (ibid.). Entre autres, la loi de 1946 sur les étrangers a été appliquée plus sévèrement, ce qui a empêché les nouveaux réfugiés afghans d’obtenir des permis de résidence, tandis que les réfugiés afghans qui sont arrivés en Inde avant 2000 devaient présenter un passeport national valide et s’acquitter d’un droit afin de renouveler leur permis (ibid.). Les Afghans étaient en général incapables ou ont refusé de s’acquitter du droit ou d’obtenir un passeport auprès de l’ambassade de l’Afghanistan moyennant un autre droit (ibid.). Dans le cas des Afghans qui demeuraient à New Delhi, la plupart ont été privés de documents de résidence valides et, par conséquent, ils sont devenus des immigrants illégaux [traduction] « passibles de détention et de déportation » (ibid.). (...) Quant au droit de quitter l’Inde et d’y revenir, le conseiller du haut-commissariat de l’Inde à Ottawa a expliqué qu’un citoyen étranger demeurant illégalement en Inde ne pouvait quitter légalement le pays et y rentrer, à moins qu’il n’ait déclaré faussement être citoyen de l’Inde ou qu’il n’ait été en possession de faux documents ou de véritables documents obtenus frauduleusement (15 oct. 2004). (...)

Le rapport de 2000 du HCR mentionnait qu’eu égard aux changements dans la situation des Afghans en Inde, notamment à New Delhi, nombre de réfugiés afghans [traduction] « quittaient le pays de façon "irrégulière" afin de mettre terme [...] à leur [...] insécurité » (Nations Unies nov. 2000, 4). »

49. Dans ce même document, le HCR fait des recommandations aux instances d’asile belges quant à la manière d’évaluer les risques de ces minorités et de déterminer leur nationalité en ces termes :

“- For the assessment of a fear of persecution of risk of serious harm, asylum seekers need to cooperate in demonstrating or making plausible their nationality.

. It goes too far to require applicants to prove the absence of a particular nationality based on the (suspicion of) previous stay in a third country.

. One approach to verifying nationality may be to ask UNHCR’s Regional Representation to contact UNHCR in New Delhi to verify the registration records, though not all Afghans there are registered with UNHCR (...)”

B. Rapports sur la situation des demandeurs d’asile en transit à Moscou

50. Plusieurs organisations dénoncent la pratique de la compagnie aérienne Aeroflot ou des autorités russes consistant à refouler les demandeurs d’asile vers leur pays d’origine sans leur donner accès aux procédures d’asile en Russie.

51. Le Comité des Nations Unies contre la torture a ainsi pointé dans ses conclusions et observations au 4ème rapport périodique de la Fédération de Russie (CAT/C/RUS/CO/4, 6 février 2007) :

« a) Des informations faisant état du refoulement, cette année, de plus de 300 personnes vers des pays voisins, selon les chiffres du Ministère de l’intérieur, et de l’absence de garanties visant à assurer le respect de l’obligation de non refoulement spécifiée à l’article 3 de la Convention ;

b) Le recours généralisé aux expulsions administratives, telles que définies à l’article c18.8 du Code des infractions administratives, pour des violations mineures des règles relatives à l’immigration.

L’Etat partie devrait faire en sorte que nul ne soit expulsé, refoulé ou extradé vers un autre pays lorsqu’il y a des motifs de penser que l’intéressé risque d’être torturé dans le pays en question.

L’Etat partie devrait préciser plus clairement quelles sont les violations des règles d’immigration qui sont passibles d’une mesure d’expulsion administrative et établir des procédures claires pour garantir la juste application de ces règles. Il devrait assurer le respect des prescriptions de l’article 3 de la Convention prévoyant un contrôle administratif et judiciaire indépendant, impartial et efficace des arrêtés d’expulsion.

L’Etat partie devrait délivrer des pièces d’identité à tous les demandeurs d’asile dès le début de la procédure d’examen de leur demande, y compris à l’aéroport Sheremetyevo 2. »

52. Le U.S. Committee for Refugees and Immigrants constatait dans son World Refugee Survey 2009 - Russian Federation que :

“Border guards and Aeroflot airlines often deny individuals who seek asylum access to FMS and deport them, sometimes to countries where they fear persecution. The Government fines airlines if it has to admit such passengers to the country. Even when NGOs know that an asylum seeker is at the border and inform the FMS, the latter cannot intervene without the border guards’ notification. The 1997 Law on Refugees allows five days for admissibility review, during which time authorities hold asylum seekers in transit zones or other facilities but, since applicants rarely get access to FMS, there is no such review and the authorities deport them. Although able to provide counsel in some regions, NGOs did not have access to the airports.

Unless UNHCR is aware of a case and intervenes directly, temporary asylum is generally not available from the airports by law as it requires beneficiaries to apply from the national territory and FMS does not consider this to include the transit zone.

The 1997 Decree on Political Asylum provides a stringent procedure for granting asylum to political figures targeted for persecution. Few apply for it and even fewer receive it.

(...)

UNHCR no longer conducts refugee status determination under its own mandate but still registers and reviews cases the authorities deny in the first instance to assess whether authorities have duly adjudicated them and, if in need of international protection, to help them appeal.”

EN DROIT

I. OBJET du litige

53. Les requérants allèguent que leur éloignement vers Moscou entraîne un risque réel de refoulement vers l’Afghanistan où ils disent craindre des traitements contraires à l’article 3 de la Convention ainsi formulé :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

54. Ils tirent argument du fait qu’ils ne disposent d’aucun titre de séjour en Russie et que la pratique aux aéroports internationaux de Moscou consiste à procéder au refoulement immédiat des demandeurs d’asile vers leur pays d’origine. Or, ils soutiennent qu’en tant que membres de la minorité sikhe d’Afghanistan, ils font toujours partie de catégories à risque d’être victimes de persécutions et de mauvais traitements en cas de retour. Ils reprochent aux autorités belges d’avoir appliqué mécaniquement la Convention de Chicago et de ne pas avoir évalué ces risques. Selon eux, le CGRA a fait l’impasse de cet examen en se concentrant exclusivement sur la détermination de leur nationalité et la crédibilité de leur séjour en Afghanistan. Quant au CCE, il a limité sa compétence au contrôle de l’instruction menée par le CGRA sans prendre en considération les documents produits par les requérants et sans examiner leur demande de protection sous l’angle de l’article 3 de la Convention. A cela s’ajoute qu’ils ne disposaient d’aucune possibilité de s’opposer valablement à la mesure d’éloignement vers la Russie. Les requérants y voient une violation de leur droit à un recours effectif pour faire valoir leurs griefs tirés de l’article 3 et invoquent l’article 13 de la Convention qui se lit comme suit :

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

55. La Cour constate que la requête dans son ensemble tourne autour de la crainte qu’ont les requérants d’être victimes de traitements contraires à l’article 3 en cas de retour en Afghanistan, raison pour laquelle ils ont demandé l’asile et la protection subsidiaire en Belgique. Les autorités belges ont mis en doute leur nationalité afghane et leur ont refusé la protection internationale qu’ils sollicitaient. Ainsi que le fait remarquer le Gouvernement, il n’appartient pas à la Cour de se prononcer à nouveau sur la demande d’asile des requérants ni de déterminer leur nationalité. C’est en effet, aux autorités nationales, responsables en matière d’asile, d’examiner les craintes des requérants et les documents produits par eux et d’évaluer les risques qu’ils encourent en cas de renvoi dans leur pays d’origine ou vers un pays intermédiaire au regard de l’article 3 (M.S.S. c. Belgique et Grèce [GC], no 30696/09, § 299, CEDH 2011). Cela résulte du principe de subsidiarité qui est à la base du système de la Convention (Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 152, CEDH 2000‑XI) ainsi que du fait que ni la Convention ni aucun de ses Protocoles ne garantit le droit à l’asile politique (Hirsi Jamaa et autres c. Italie [GC], no 27765/09, § 113, CEDH 2012).

56. Toutefois, et c’est là que réside l’objet du litige dont elle est saisie, il appartient à la Cour d’examiner si les requérants avaient des griefs défendables de subir des traitements contraires à l’article 3 et, dans l’affirmative, s’ils ont bénéficié de garanties effectives, au sens de l’article 13, leur permettant de faire valoir ces griefs et les protégeant contre un refoulement arbitraire indirect vers le pays qu’ils avaient fui (voir, mutatis mutandis, M.S.S., précité, § 294 et s., Diallo c. République tchèque, no 20493/07, 23 juin 2011). Partant, dans les circonstances de l’espèce, la Cour, étant maîtresse de la qualification juridique des faits de la cause (voir, parmi d’autres, Guerra et autres c. Italie, 19 février 1998, § 44, Recueil 1998‑I, p. 223), estime qu’il y a lieu d’examiner la requête sous l’angle de l’article 13 combiné avec l’article 3 de la Convention.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 combiné avec l’article 3

A. Sur la recevabilité

57. Le Gouvernement belge reproche aux requérants de ne pas avoir saisi le juge administratif ou le juge judiciaire d’un recours contre la décision de refus d’entrée avec refoulement lorsque leur éloignement a été organisé par l’OE et qu’il est apparu que leur destination était la Russie. A défaut d’avoir utilisé une de ces voies de recours, les requérants n’ont pas permis aux instances belges de se prononcer sur leurs griefs tirés de la Convention en cas de retour en Russie. Le Gouvernement en déduit que les requérants n’ont pas épuisé les voies de recours internes et invite la Cour à déclarer la requête irrecevable.

58. Les requérants se plaignent de ne pas avoir disposé de recours répondant aux exigences de l’article 13 de la Convention pour faire valoir leurs griefs tirés de l’article 3 (paragraphes 53 et 54), et soutiennent que les recours dont il est question ne sont pas effectifs au sens de cette disposition et ne devaient donc pas être épuisés.

59. En ce qui concerne l’application de la règle de l’épuisement énoncée par l’article 35 ainsi que ses liens avec l’article 13 de la Convention, la Cour renvoie à son exposé exhaustif et classique figurant notamment dans l’arrêt Selmouni c. France [GC] (no 25803/94, §§ 74 à 77, CEDH 1999‑V).

60. La Cour constate que l’examen de la requête pose la question de l’effectivité des recours dont disposaient les requérants. Ainsi, l’exception de non-épuisement est très étroitement liée à la substance du grief énoncé par les requérants sur le terrain de l’article 13 combiné avec l’article 3. Partant, la Cour estime opportun de joindre cette exception au fond.

61. Cela étant, la Cour considère que la requête pose des questions de droit et de fait complexes qui ne peuvent être tranchées qu’après un examen au fond ; il s’ensuit qu’elle n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Aucun autre motif d’irrecevabilité n’ayant été relevé, il y a lieu en conséquence de la déclarer recevable.

B. Sur le fond

1. Arguments des parties

a) Recours contre la mesure d’éloignement

i) Le Gouvernement

62. Le Gouvernement maintient que les requérants disposaient de plusieurs voies de recours effectives conformes aux exigences de l’article 13 de la Convention. Il explique que la mesure d’éloignement délivrée à la frontière est une décision administrative distincte de la décision de rejet de la qualité de réfugié et de protection subsidiaire et que les requérants auraient dû saisir le CCE d’un recours en annulation contre cette mesure. Ce recours pouvait être assorti d’une demande de suspension en extrême urgence de l’exécution de la mesure. La demande en suspension est suspensive. Les requérants auraient également pu assortir leur recours d’une demande de suspension simple et quand l’éloignement devint imminent, demander, par la voie de mesures provisoires, que le Conseil examine leur demande de suspension dans les meilleurs délais. Cette possibilité, prévue par l’article 39/85 de la loi sur les étrangers, est également suspensive. Selon le Gouvernement, il appartenait aux requérants de développer un argumentaire adéquat dès que la destination fut déterminée ; en effet, conformément au principe de bonne administration de la justice, le délai pour introduire un recours contre l’ordre de quitter le territoire prend cours lorsque celui-ci est exécutoire, à savoir à l’issue de la demande d’asile, quand le CCE a statué définitivement sur la demande d’asile.

63. Le Gouvernement considère que les requérants auraient également pu demander au juge judiciaire de statuer en référé. De plus, ils avaient la possibilité, en vertu de la Convention de Chicago et de la loi belge, de se faire transporter dans tout autre pays où ils pouvaient être admis et qu’il leur appartenait de faire part à l’Etat belge de leur crainte d’un retour vers la Russie. L’Etat aurait pu demander des documents de voyage auprès de la représentation diplomatique du pays où les requérants pouvaient être admis.

64. Cela étant, le Gouvernement est d’avis que les requérants ne pouvaient plus se prévaloir du principe de non-refoulement vu qu’ils avaient été déboutés de leurs demandes d’asile par les autorités belges et n’étaient donc plus des demandeurs d’asile. Il ajoute que rien n’aurait de toute façon permis de supposer que la Russie ne se conformerait pas à ses engagements internationaux.

65. Enfin, le Gouvernement explique qu’à ce jour les requérants sont responsables de leur départ et qu’il n’y a donc plus de risque que ceux-ci soient éloignés, même indirectement, vers l’Afghanistan. S’ils désirent quitter le territoire volontairement, ils peuvent contacter l’organisation internationale pour les migrations. Si les requérants ne devaient pas trouver un pays susceptible de les accueillir, le Gouvernement se dit prêt à prendre contact avec les autorités indiennes afin qu’ils puissent être éloignés vers l’Inde.

ii) Les requérants

66. Les requérants considèrent qu’en saisissant le CCE d’un recours contre la décision du CGRA refusant leur demande de protection, ils ont épuisé la seule voie de recours interne en théorie utile pour faire valoir leurs griefs tirés de l’article 3 de la Convention. Toutefois, ce recours n’était pas effectif au sens de l’article 13 car il ne leur a pas permis de faire valoir leurs griefs tirés de l’article 3 de la Convention.

67. Les requérants font valoir que la mesure d’éloignement prise à la frontière le 19 mars 2011 est d’ordre technique et qu’il est de jurisprudence constante qu’elle ne constitue qu’une mesure d’exécution de la décision de refus de reconnaissance du statut de réfugié et de refus d’octroi de la protection subsidiaire. Ce refus doit donc tenir lieu de décision définitive. En effet la jurisprudence du CCE démontre que le contrôle d’un risque éventuel de refoulement est normalement épuisé par l’examen de la demande d’asile et que l’ordre de quitter le territoire ne peut donner lieu à aucune discussion nouvelle sur des faits que les instances d’asile ont eu à connaître. Cette situation était particulièrement évidente dans le cas des requérants qui avaient confié aux instances d’asile l’examen des seuls griefs qu’ils entendaient faire valoir en venant en Belgique, à savoir la crainte d’un retour en Afghanistan, et n’avaient pas d’argument distinct à faire examiner par le CCE contre la mesure d’éloignement.

68. Les requérants considèrent que si, en théorie, il est concevable d’activer une demande de suspension introduite préalablement en sollicitant son examen par voie de mesures provisoires, en pratique, il n’y avait pas plus d’intérêt à ce recours et ce, pour les mêmes raisons, à savoir que le seul grief qu’ils invoquaient était leur risque au regard de l’article 3 en cas de retour en Afghanistan, grief dont ils avaient précisément demandé l’examen aux instances d’asile. Ils ne pouvaient soupçonner que leurs demandes de protection ne seraient finalement pas examinées au regard du pays duquel ils disaient avoir la nationalité. Ignorant l’issue de la procédure d’asile et, a fortiori, le pays vers lequel ils seraient éventuellement refoulés, il leur aurait été impossible de développer un argumentaire adéquat. En toute hypothèse, les requérants indiquent n’avoir aucune connaissance d’arrêts du CCE qui auraient été pris à la suite d’une saisine par l’article 39/85 de la loi.

69. Selon les requérants, la saisine du juge judiciaire va à l’encontre de la ratio legis de la loi instituant le CCE. Il est en effet établi en droit belge que le droit d’accès, de séjour et d’établissement, y compris la qualité de réfugié, est un droit politique dont l’examen et le contentieux ont été confiés expressément et exclusivement aux instances et juridictions administratives.

70. Les requérants soutiennent enfin que, selon l’application qui est habituellement faite en Belgique de la Convention de Chicago, les démarches pour obtenir un laissez-passer ne sont entreprises qu’en cas d’impossibilité de déterminer le lieu d’embarquement et donc d’appliquer les règles responsabilisant les transporteurs aériens, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. Du reste, les requérants n’aperçoivent pas sur la base de quelles obligations internationales, un pays, comme l’Inde, serait tenu de les reprendre.

b) Recours dans le cadre de la procédure d’asile

i) Le Gouvernement

71. Selon le Gouvernement, le recours en réformation des décisions du CGRA prévu par l’article 39/70 de la loi sur les étrangers, dont ont fait usage les requérants, est un recours suspensif de plein droit qui présente toutes les garanties d’effectivité exigées par l’article 13.

72. Le Gouvernement fait valoir que la Cour constitutionnelle, dans son arrêt 148/2008 du 30 octobre 2008, s’est prononcée sur la question de l’invocation de nouveaux documents et a considéré que la limitation apportée par l’article 39/76 de la loi aux pouvoirs d’instruction du CCE devait s’interpréter de manière à ne pas limiter la compétence de pleine juridiction du CCE connaissant des décisions du CGRA. Il fait remarquer qu’en l’espèce, les éléments nouveaux déposés par les requérants ont été pris en considération par le CCE mais que celui-ci a considéré qu’aucune valeur probante ne pouvait leur être accordée. Selon le Gouvernement, le très faible nombre d’arrêts par lesquels le CCE annule une décision du CGRA en lui ordonnant de poser un acte d’instruction révèle que le CGRA examine correctement les demandes d’asile.

ii) Les requérants

73. Les requérants reprochent aux instances d’asile de les avoir placés dans une situation de « vide juridique » les privant, en violation de l’article 13, de toute garantie effective contre un éloignement arbitraire indirect. Les instances d’asile ont refusé de reconnaître leur nationalité afghane et n’ont déterminé aucune autre nationalité ; cela n’a toutefois pas empêché les autorités belges d’organiser leur éloignement vers un pays qui risquait de les renvoyer en Afghanistan où leurs craintes de persécutions n’ont pas été examinées ni d’envisager de les retourner vers l’Inde dont ils n’ont pas la nationalité et où les conditions d’un éventuel retour n’ont même pas été envisagées.

74. Ils critiquent le fait qu’aucune attention n’a été accordée aux Taskara qu’ils ont présentées aux services de police à l’arrivée. Ces documents ainsi que les copies des pages d’identité de leurs « vrais » passeports leur furent confisqués et le résultat de leur authentification n’a pas été fourni aux instances d’asile. L’absence physique de ces documents durant la procédure a conduit à des errements dans leur appréciation. Ainsi, alors que le document établi par la police fait état de la présentation de « documents d’identité », le CGRA s’est contenté de mentionner, dans l’inventaire des pièces, la production de « copies » et n’a pas cherché à vérifier la nature ni l’authentification des documents confisqués malgré ses doutes quant à la nationalité de la deuxième requérante.

75. Le CGRA a, en outre, concentré son examen sur leurs connaissances de l’Afghanistan sans égard à leur histoire, au contexte afghan et à leur parcours. Cela a permis à l’instance d’asile de faire une impasse totale sur les risques réels qu’ils alléguaient encourir en Afghanistan. Les requérants soulignent que ces défaillances, en ce qu’elles affectent en particulier les Afghans, sont bien connues des spécialistes de l’asile en Belgique tels que le HCR qui a publié en juillet 2011 un document contenant des recommandations sur la manière d’examiner les demandes d’asile des Sikhs et Hindous afghans (paragraphe 49).

76. Selon les requérants, cette situation n’a pas été redressée au niveau du CCE. Outre que celui-ci n’a pas non plus pris leurs documents d’identité en considération, il a également refusé d’examiner les mandats du HCR produits par les requérants devant lui pour lever les doutes émis par le CGRA quant à leur nationalité afghane alors que copies de ces mandats avaient été envoyés par un fonctionnaire du HCR, confirmaient leurs déclarations mises en doute par le CGRA et établissaient par voie de conséquence leur nationalité afghane.

77. Les requérants estiment avoir été victimes d’un problème structurel de la procédure de plein contentieux suivie devant le CCE. Celle-ci a été récemment aménagée en vue d’une accélération du traitement des recours. Dans ce nouveau cadre, la procédure devant le CCE est écrite, le juge ne dispose pas de pouvoirs d’instruction propres et le dépôt devant lui de nouveaux éléments est conditionné à un point tel que le recours en est ineffectif. Selon les requérants, les statistiques relatives au taux de d’annulation par le CCE d’une décision du CGRA en lui ordonnant de poser un acte d’instruction (pour la période 2009-2010, il était respectivement de 0,63, 1,3 et 1,1 % pour les chambres néerlandophones) est au contraire un indicateur de l’ineffectivité des recours.

2. Appréciation de la Cour

a) Existence d’un grief défendable

78. La Cour l’a dit à de maintes reprises, l’article 13 de la Convention garantit l’existence en droit interne de recours permettant de se prévaloir des droits et libertés de la Convention tels qu’ils y sont consacrés. Cette disposition a donc pour conséquence d’exiger un recours interne habilitant à examiner le contenu d’un « grief défendable » fondé sur la Convention et à offrir un redressement approprié (Gebremedhin [Gaberamadhien] c. France, no 25389/05, § 53, CEDH 2007-II).

79. Le Gouvernement explique qu’à ce jour les requérants sont responsables de leur départ et qu’il n’y a donc plus de risque que ceux-ci soient éloignés, même indirectement, vers l’Afghanistan (paragraphe 65).

80. La Cour ne saurait toutefois en déduire que les requérants n’ont, de ce fait, plus de « grief défendable » à faire valoir. En effet, pour évaluer si les griefs sont « défendables », elle doit se placer au moment où la procédure litigieuse interne s’est déroulée même si, comme en l’espèce, le risque de traitements contraires à l’article 3 a évolué dans le temps (Gebremedhin [Gaberamadhien], précité, § 56, I. M. c. France, no 9152/09, § 100, 2 février 2012).

81. A cet égard, la Cour constate que la violation alléguée sur le terrain de l’article 13 (relative au défaut d’effectivité des voies de recours disponibles contre un refoulement, via la Russie, vers l’Afghanistan) était « consommée » au moment où le risque de renvoi vers la Russie a été levé. De plus, si l’éloignement des requérants vers la Russie a été suspendu et ceux-ci ont été autorisés à entrer sur le territoire belge, cela est en raison de la mise en œuvre par le Gouvernement belge de la mesure provisoire que la Cour lui a indiquée le 30 mai 2011.

82. Cela étant, la Cour remarque que le statut des requérants en droit belge n’a pas changé. En application de l’article 74/5 § 5 de la loi sur les étrangers, en vertu duquel la mesure de refoulement est assimilée de plein droit à un ordre de quitter le territoire, les requérants doivent quitter le territoire belge.

83. Ensuite, s’agissant de la possibilité que les requérants puissent être admis, volontairement ou autrement, par l’Inde, la Cour relève que le Gouvernement belge ne fournit aucun argument convaincant qu’il s’agirait là d’une alternative réaliste. Rien ne démontre d’ailleurs que les autorités belges examineront les risques de traitements contraires à l’article 3 encourus par les requérants dans un pays tiers (voir mutatis mutandis, Auad c. Bulgarie, no 46390/10, § 106, 11 octobre 2011 et références citées).

84. La Cour doit donc rechercher si les griefs que les requérants tiraient de l’article 3 étaient « défendables ». Elle rappelle qu’un grief peut être considéré comme étant défendable dès lors qu’il n’est pas manifestement mal fondé et qu’il nécessite un examen au fond (Çelik et İmret c. Turquie, no 44093/98, § 57, 26 octobre 2004).

85. Le Gouvernement est d’avis que les requérants ne pouvaient plus se prévaloir du principe de non-refoulement à l’égard des autorités russes et que rien n’aurait de toute façon permis de supposer que la Russie ne se conformerait pas à ses engagements internationaux.

86. La Cour ne partage pas cet avis. Elle considère, à la lumière des rapports que les requérants invoquent (paragraphes 50 à 52), que la crainte des requérants d’être victimes de la pratique des autorités russes de refoulement vers leurs pays d’origine n’était pas dénuée de fondement. De plus, la circonstance qu’en Belgique, les requérants n’étaient plus des demandeurs d’asile ne saurait en rien préjuger qu’un sort différent leur ait été réservé par les autorités russes.

87. S’agissant ensuite de leurs craintes en Afghanistan, la Cour note qu’il n’est pas contesté que les requérants se sont présentés à la frontière belge avec des documents d’identité et des copies des pages d’identité de deux passeports afghans, documents qu’ils se sont vus confisquer par les services de police. Il n’est pas non plus contesté que des copies de mandats de protection du HCR ont été versées au dossier par l’intermédiaire d’un fonctionnaire du HCR en place à New Delhi. La Cour dispose en outre de plusieurs rapports indiquant que la minorité ethno-religieuse sikhe a fait l’objet de persécutions dans le passé et fait encore à ce jour l’objet de discriminations, de harcèlements voire de violence de la part des autres groupes religieux, circonstances que le HCR recommande de prendre en considération lors de l’examen des demandes de protection de membres de cette minorité, en plus du contexte de conflit armé à large échelle en Afghanistan et de la présence d’enfants (paragraphes 44 à 48).

88. La Cour estime, à la lumière de ces éléments et des problèmes juridiques en jeu, que les allégations des requérants de risques de violation de l’article 3 de la Convention appelaient manifestement un examen circonstancié et qu’ils devaient pouvoir les défendre devant les instances belges conformément aux exigences de l’article 13.

b) Effectivité des recours disponibles

89. Les principes généraux relatifs à l’effectivité des recours et des garanties fournies par les Etats contractants en cas d’expulsion d’un demandeur d’asile en vertu des articles 13 et 3 combinés de la Convention sont résumés dans l’arrêt M.S.S. précité (§§ 286 à 293) et plus récemment dans l’arrêt I.M. précité (§§ 127 à 135). En ce qu’elles concernent la qualité des voies de recours disponibles, ces garanties peuvent se résumer comme suit.

90. Premièrement, l’effectivité commande des exigences de disponibilité et d’accessibilité des recours en droit comme en pratique (Çakıcı c. Turquie [GC], no 23657/94, § 112, CEDH 1999‑IV, et M.S.S., précité, § 318, I.M., précité, § 150).

91. Deuxièmement, compte tenu en particulier de l’importance que la Cour attache à l’article 3 et de la nature irréversible du dommage susceptible d’être causé en cas de réalisation du risque de torture ou de mauvais traitements, l’article 13 exige un contrôle attentif (Chamaïev et autres c. Géorgie et Russie, no 36378/02, § 448, CEDH 2005‑III), un examen indépendant et rigoureux de tout grief aux termes duquel il existe des motifs de croire à un risque de traitement contraire à l’article 3 (Jabari c. Turquie, no 40035/98, § 50, CEDH 2000‑VIII). L’instance nationale doit être compétente pour examiner le contenu du grief et à offrir le redressement approprié (ibidem, § 50). Dans l’arrêt Yoh-Ekale Mwanje c. Belgique (no10486/10, §106, 20 décembre 2011), la Cour a précisé que l’instance de contrôle ne pouvait pas se placer fictivement au moment où l’administration a adopté la décision litigieuse pour en apprécier la validité au regard de l’article 3 et ainsi faire l’économie d’un examen attentif et rigoureux de la situation individuelle de l’intéressé.

92. Troisièmement, pour être effectif, le recours interne doit être suspensif de plein droit de l’exécution de la mesure d’éloignement (Čonka c. Belgique, no 51564/99, §§ 81-83, CEDH 2002-I, Gebremedhin [Gaberamadhien], précité, § 66). Cette exigence ne peut être envisagée de manière accessoire, c’est-à-dire en faisant abstraction des conditions posées par l’article 13 quant à l’étendue du contrôle (M.S.S., précité, § 388).

93. En l’espèce, une controverse existe entre les parties sur les modalités du recours en annulation de la mesure d’éloignement dont les requérants auraient pu ou dû faire usage pour faire valoir leurs craintes d’un refoulement en chaîne vers la Russie puis l’Afghanistan.

94. Les requérants estiment qu’il ne peut pas leur être reproché de ne pas avoir fait valoir leurs craintes d’un refoulement en chaîne de la Russie vers l’Afghanistan lors de la notification de la mesure d’éloignement le 19 mars 2011, à un moment où ils ne savaient pas si et vers où ils seraient finalement éloignés. Le Gouvernement réplique que les requérants auraient dû introduire leur recours après que la décision d’éloignement soit devenue exécutoire à savoir, le 24 mai 2011, quand le CCE a rendu son arrêt rejetant le recours en réformation dans le cadre de la procédure d’asile.

95. A supposer qu’une réactivation du recours par le jeu des mesures provisoires prévues par l’article 39/85 de la loi (paragraphe 37) ait été une possibilité pour les requérants de faire examiner leurs craintes une fois la destination fixée, la Cour constate que le Gouvernement ne fournit aucun exemple de jurisprudence démontrant qu’il s’agissait d’une voie présentant un degré suffisant de certitude en pratique. Au demeurant, la Cour note que la mesure d’éloignement qui fut délivrée aux requérants indiquait textuellement qu’un éventuel recours devait être introduit par voie de requête, dans les trente jours de la notification de cette décision (paragraphe 8). Il lui semble également clairement ressortir de l’article 39/80 de la loi sur les étrangers (paragraphe 35) que le recours contre la mesure d’éloignement est à introduire préalablement à l’issue du recours en plein contentieux dans le cadre de la procédure d’asile.

96. Ensuite, même en supposant que les requérants aient introduit un recours en annulation contre la mesure d’éloignement une fois que celle-ci fut devenue exécutoire et que la destination de transfert fut déterminée, la Cour s’interroge, avec les requérants, sur l’utilité pratique d’un tel recours. En effet, il lui apparaît que, de fait, leurs craintes liées à un retour en Afghanistan avaient été « épuisées » par le refus du CGRA puis du CCE de considérer que les requérants avaient la nationalité afghane et donc d’examiner le bien-fondé de leurs griefs tirés de l’article 3. Si l’effectivité d’un recours ne dépend certes pas de la certitude d’avoir une issue favorable, l’absence de toute perspective réaliste d’obtenir un redressement approprié pose problème selon l’article 13 (M.S.S., précité, § 394). Or, la Cour n’aperçoit pas quels arguments spécifiques les requérants auraient pu invoquer pour éviter un retour en Afghanistan via la Russie.

97. La Cour n’estime pas nécessaire de se prononcer sur la possibilité qu’avaient les requérants de saisir le juge judiciaire. Il lui suffit de constater que les recours dont il est question ne sont pas suspensifs de plein droit de l’exécution de la mesure d’éloignement et ne remplissaient donc pas une des exigences requises par l’article 13 de la Convention combiné avec l’article 3.

98. Pour ce qui est de la divergence entre les parties quant à la possibilité qu’auraient eue les requérants en application de la Convention de Chicago de se faire transporter dans un autre pays que la Russie, la Cour rappelle que les exigences de l’article 13 sont de l’ordre de la garantie, et non du simple bon vouloir ou de l’arrangement pratique (Čonka, précité, § 83).

99. Du fait que les requérants, en déposant une demande d’asile, avaient saisi les instances d’asile de l’examen de leurs craintes liées à un retour en Afghanistan, la Cour se doit de vérifier s’ils ont disposé dans ce cadre d’un recours remplissant les exigences de l’article 13 et les prémunissant contre un refoulement arbitraire, même indirect, vers l’Afghanistan. Elle rappelle en effet que l’ensemble des recours offerts par le droit interne peut remplir les exigences de l’article 13 même si aucun d’eux n’y répond en entier à lui seul (voir, parmi d’autres, Čonka, précité, § 75).

100. La Cour note que ni le CGRA ni le CCE ne se sont interrogés, même à titre accessoire, sur la question de savoir si les requérants courraient des risques au sens de l’article 3 de la Convention. Elle remarque que cet examen a été occulté au niveau du CGRA par l’examen de la crédibilité des requérants et les doutes quant à la sincérité de leurs déclarations (paragraphe 13). Si le fait de ne pas accorder plein crédit aux déclarations des requérants et d’instiguer un doute quant à la nationalité et au parcours des requérants relevait à l’évidence de l’appréciation de l’instance d’asile, la Cour observe que le CGRA n’a posé aucun acte d’instruction complémentaire, telle que l’authentification des documents d’identité présentés par les requérants, qui lui aurait permis de vérifier ou d’écarter de manière plus certaine l’existence de risques en Afghanistan.

101. Il n’apparaît pas à la Cour que le CCE ait remédié à cette lacune. En vue d’obtenir la réformation de la décision du CGRA, les requérants ont présenté au CCE des documents de nature à lever les doutes émis par le CGRA quant à leur nationalité et leur parcours. La Cour note que ces documents n’étaient pas insignifiants puisqu’il s’agissait de courriels, envoyés par l’intermédiaire du CBAR, partenaire du HCR en Belgique, et postérieurement à la décision du CGRA, par un fonctionnaire du HCR à New Delhi. A ces courriels étaient jointes des attestations du HCR que les requérants avaient été enregistrés comme réfugiés sous mandat du HCR et qui confirmaient les dates déclarées par les requérants pour étayer leur parcours lors de leurs interrogatoires par les services de l’OE. Le CCE n’a accordé aucun poids à ces documents au motif qu’ils étaient faciles à falsifier et que les requérants restaient en défaut de fournir les originaux.

102. La question, soulevée par les requérants, de savoir si, ce faisant, le CCE s’est cantonné derrière une interprétation stricte de l’article 39/76 de la loi relatif au dépôt de documents nouveaux, dépasse le rôle subsidiaire de la Cour. Il lui suffit de constater que la seule question importante à ses yeux, à savoir si les documents présentés étayaient les allégations de risques en Afghanistan, n’a pas fait l’objet d’investigation par exemple auprès des bureaux du HCR à New Delhi, comme le recommande par ailleurs le HCR (paragraphe 49).

103. Or, la Cour insiste sur le fait que, compte tenu de l’importance qu’elle attache à l’article 3 et de la nature irréversible du dommage susceptible d’être causé en cas de réalisation du risque de mauvais traitement, il appartient aux autorités nationales de se montrer aussi rigoureuses que possible et de procéder à un examen attentif des griefs tirés de l’article 3 sans quoi les recours perdent de leur effectivité (M.S.S., précité, § 388, dd, précité, § 121). Un tel examen doit permettre d’écarter tout doute, aussi légitime soit-il, quant au caractère mal-fondé d’une demande de protection et, ce, quelle que soit l’étendue des compétences de l’autorité chargée du contrôle.

104. Or, la démarche opérée en l’espèce qui a consisté tant pour le CGRA que le CCE à écarter des documents, qui étaient au cœur de la demande de protection, en les jugeant non probants, sans vérifier préalablement leur authenticité, alors qu’il eut été aisé de le faire auprès du HCR, ne peut être considérée comme l’examen attentif et rigoureux attendu des autorités nationales au sens de l’article 13 de la Convention et ne procède pas d’une protection effective contre tout traitement contraire à l’article 3 de la Convention.

105. Il résulte de ce qui précède que les autorités internes n’ont pas examiné conformément aux exigences de l’article 13 le bien-fondé des griefs que les requérants faisaient valoir de manière défendable sous l’angle de l’article 3. Partant, il y a eu violation de l’article 13 combiné avec l’article 3 de la Convention. Il s’ensuit qu’il ne saurait être reproché aux requérants de ne pas avoir épuisé les voies de recours internes et que l’exception préliminaire de non-épuisement du Gouvernement (paragraphe 57) ne saurait être accueillie.

III. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 39 DU RÈGLEMENT DE LA COUR

106. La Cour rappelle que, conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, le présent arrêt deviendra définitif : a) lorsque les parties déclareront qu’elles ne demanderont pas le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre ; ou b) trois mois après la date de l’arrêt, si le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre n’a pas été demandé ; ou c) lorsque le collège de la Grande Chambre rejettera la demande de renvoi formulée en application de l’article 43.

107. Elle considère que les mesures qu’elle a indiquées au Gouvernement en application de l’article 39 de son règlement (paragraphe 18) doivent demeurer en vigueur jusqu’à ce que le présent arrêt devienne définitif ou que la Cour rende une autre décision à cet égard (voir dispositif).

IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

108. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

109. Les requérants réclament 5 000 euros (EUR) pour chacun d’entre eux au titre du préjudice moral qu’ils auraient subi à la suite de leur tentative d’expulsion et en raison de la situation précaire dans laquelle ils se sont trouvés, soit un total de 25 000 EUR.

110. Le Gouvernement soutient à titre principal qu’en cas de faute attribuable à l’Etat du fait d’une violation de la Convention, il incombe aux requérants de saisir le juge judiciaire d’un recours en responsabilité extracontractuelle afin d’obtenir réparation du dommage subi.

111. La Cour rappelle qu’elle conclut à la violation de l’article 13 combiné avec l’article 3 de la Convention uniquement au motif que les requérants n’ont pas disposé en pratique d’un « recours effectif » pour faire valoir leurs griefs tirés de l’article 3 de la Convention. S’il n’est pas douteux que de telles circonstances sont de nature à générer angoisse et tension, la Cour estime que, dans les circonstances de la cause, le préjudice moral dont peuvent en conséquence se prévaloir les requérants se trouve suffisamment réparé par le constat de violation auquel elle parvient (voir, mutatis mutandis, I. M. précité, § 166).

B. Frais et dépens

112. Les requérants demandent également 4 633 EUR pour les frais et dépens engagés devant les juridictions internes et devant la Cour. L’avocat des requérants a déposé à cet égard un « état de frais et honoraires » calculé sur la base d’un tarif horaire de 90 EUR. Ce document ventile le montant demandé selon les procédures engagées : 270 EUR pour la procédure devant le Conseil d’Etat, 465 EUR pour la procédure devant les juridictions judiciaires, 3 195 EUR pour la défense des requérants devant la Cour, à quoi il ajoute 703 EUR pour frais administratifs. L’avocat indique que ses clients bénéficient de l’aide juridique accordée par l’Etat belge mais que le montant auquel ils peuvent prétendre à ce titre est largement inférieur aux frais réellement engagés.

113. Le Gouvernement invite la Cour à rejeter cette demande. Il fait valoir que les requérants seront indemnisés dans le cadre de l’aide juridique et que le code judiciaire interdit aux avocats intervenant au titre de l’aide juridique de réclamer les frais et honoraires supplémentaires. Partant, aucune obligation légale ou contractuelle n’impose aux requérants de régler les montants non couverts par l’aide juridique.

114. S’agissant des frais et dépens afférents aux procédures devant les juridictions internes, la Cour rappelle qu’elle ne s’estime pas liée par les barêmes et pratiques internes, même si elle peut s’en inspirer (Venema c. Pays-Bas, no 35731/97, § 116, CEDH 2002-X). Cela étant, elle rappelle également que seuls sont recouvrables au titre de l’article 41 les frais et dépens qui ont été réellement engagés pour tenter de faire corriger dans l’ordre juridique interne la violation alléguée. Or, ces conditions ne sont pas remplies en l’espèce, les frais afférents à la procédure devant le Conseil d’Etat étant couverts par l’aide juridique et la procédure devant les juridictions judiciaires étant étrangère aux procédures contestées devant la Cour.

115. Examinant ensuite les frais et dépens afférents à la procédure devant la Cour, la Cour se livre à sa propre appréciation sur la base des informations disponibles et juge raisonnable d’allouer aux requérants la somme de 3 000 EUR.

C. Intérêts moratoires

116. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Joint au fond, l’exception préliminaire soulevées par le Gouvernement et la rejette ;

2. Déclare la requête recevable ;

3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 13 de la Convention combiné avec l’article 3 ;

4. Décide de continuer à indiquer au Gouvernement, en application de l’article 39 de son règlement, qu’il est souhaitable, dans l’intérêt du bon déroulement de la procédure, de ne pas expulser les requérants jusqu’à ce que le présent arrêt devienne définitif ou que la Cour rende une autre décision à cet égard ;

5. Dit que le constat de violation fournit en soi une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral subi par les requérants ;

6. Dit

a) que l’Etat défendeur doit verser aux requérants, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 3 000 EUR (trois mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par les requérants, pour frais et dépens ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

7. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 2 octobre 2012, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Stanley NaismithDragoljub Popović
GreffierPrésident


Synthèse
Formation : Cour (deuxiÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-113660
Date de la décision : 02/10/2012
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Exception préliminaire jointe au fond et rejetée (Article 35-1 - Recours interne efficace);Violation de l'article 13+3 - Droit à un recours effectif (Article 13 - Recours effectif) (Article 3 - Interdiction de la torture;Expulsion);Préjudice moral - constat de violation suffisant

Parties
Demandeurs : SINGH ET AUTRES
Défendeurs : BELGIQUE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : ROBERT P.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

Source

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