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25/09/2012 | CEDH | N°001-113409

CEDH | CEDH, AFFAIRE PATSOS c. GRÈCE, 2012, 001-113409


PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE PATSOS c. GRÈCE

(Requête no 10067/11)

ARRÊT

STRASBOURG

25 septembre 2012

DÉFINITIF

25/12/2012

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Patsos c. Grèce,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Nina Vajić, présidente,
Peer Lorenzen,
Elisabeth Steiner,
Mirjana Lazarova Trajkovska,
Julia Laffranque,


Linos-Alexandre Sicilianos,
Erik Møse, juges,
et de Søren Nielsen, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 4 septembr...

PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE PATSOS c. GRÈCE

(Requête no 10067/11)

ARRÊT

STRASBOURG

25 septembre 2012

DÉFINITIF

25/12/2012

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Patsos c. Grèce,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Nina Vajić, présidente,
Peer Lorenzen,
Elisabeth Steiner,
Mirjana Lazarova Trajkovska,
Julia Laffranque,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Erik Møse, juges,
et de Søren Nielsen, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 4 septembre 2012,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 10067/11) dirigée contre la République hellénique et dont un ressortissant de cet Etat, M. Stefanos Patsos (« le requérant »), a saisi la Cour le 25 janvier 2011 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant est représenté par Me K. Lambrakis, avocat au Pirée. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») est représenté par les délégués de son agent : Mme F. Dedousi, assesseure auprès du Conseil juridique de l’Etat, et M. D. Kalogiros, auditeur auprès du Conseil juridique de l’Etat.

3. Le requérant allègue que ses conditions de détention ont emporté violation de l’article 3 de la Convention.

4. Le 17 mai 2011, la requête a été communiquée au Gouvernement. Comme le permet l’article 29 § 1 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et sur le fond de l’affaire.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. Le requérant est né en 1930 et est actuellement incarcéré à la prison de Larissa.

A. Les procédures pénales dirigées contre le requérant et les demandes de sursis à exécution de la peine qui lui a été infligée par l’arrêt du 11 mai 2009

6. Le 26 février 1998, la cour d’appel criminelle d’Athènes, composée de cinq juges, condamna le requérant à une peine de réclusion de onze ans pour fraude et faux en écriture. Le 19 mars 2007, la cour d’appel d’Athènes, composée de trois juges, le condamna à une peine d’emprisonnement de huit mois pour usage de faux commis de manière répétitive.

7. Par un arrêt du 11 mai 2009, la cour d’appel criminelle d’Athènes, siégeant en formation de trois juges, condamna le requérant à une peine de réclusion criminelle à perpétuité et à la privation à vie de ses droits politiques pour a) faux et usage de faux contre l’Etat, commis de manière répétitive, « par profession et habitude », et ayant entraîné un dommage supérieur à 150 000 euros, b) fraudes à répétition devant le tribunal ayant entraîné un dommage supérieur à 150 000 euros et c) instigation à porter un faux témoignage.

8. La cour d’appel criminelle décida aussi que l’appel que pourrait interjeter le requérant n’aurait pas d’effet suspensif.

9. Le même jour, le requérant interjeta appel de cet arrêt devant la cour d’appel criminelle d’Athènes, composée de cinq juges.

10. Le 18 décembre 2009, le requérant déposa devant la section des sursis de la cour d’appel criminelle d’Athènes, composée de cinq juges, une demande de sursis à exécution de sa peine jusqu’à la décision de la juridiction d’appel.

11. Dans cette demande, il arguait qu’il n’était ni un criminel ni un récidiviste et qu’il ne risquait pas de fuir ou de commettre de nouvelles infractions. Il se plaignait d’avoir été condamné en vertu de la loi relative au détournement de fonds publics, soutenant d’une part qu’il s’agissait d’une loi inconstitutionnelle et d’autre part que l’Etat ne lui avait jamais confié de fonds qu’il puisse détourner. Il soulignait qu’en principe, en droit grec, la règle était d’exécuter les décisions de condamnation qui étaient définitives, tandis que celles qui n’étaient pas définitives n’étaient qu’exceptionnellement exécutées, le but étant d’éviter que des accusés pour lesquels il existait des possibilités sérieuses d’être acquittés en appel ne soient injustement incarcérés.

12. Il alléguait en outre que la prolongation de sa détention aggraverait son état de santé, qui était déjà sérieusement altéré : il souffrait notamment de diabète et d’hypertension, d’une maladie cardio-vasculaire pour laquelle il avait dû subir un triple pontage, d’insuffisance cardiaque et rénale, d’anémie, de lésions à la colonne vertébrale, d’un début de maladie de Barrett, de lésions neurologiques affectant ses quatre membres et causant une paralysie de ses membres inférieurs, ainsi que d’évanouissements fréquents dus à des crises d’hypoglycémie. Il faisait valoir que toutes ces pathologies étaient confirmées par des certificats médicaux délivrés par plusieurs hôpitaux dont l’hôpital Saint-Paul de la prison, et arguait que son âge augmentait les risques pour sa vie et que chaque jour supplémentaire qu’il passait en prison était susceptible d’aboutir à un incident cardiaque ou hypoglycémique fatal. Soulignant qu’il était détenu depuis le 17 novembre 2006, il concluait que dans n’importe quelle société civilisée l’exécution de sa peine aurait été transformée en détention dans une résidence surveillée.

13. Le 15 mars 2010, le requérant comparut devant la section des sursis de la cour d’appel criminelle, siégeant en formation de cinq juges. Il produisit vingt-cinq certificats médicaux délivrés par plusieurs hôpitaux et s’exprima devant les juges. Il déclara, entre autres, qu’il devait prendre régulièrement trois médicaments et que, à la prison de Korydallos, où il était incarcéré, un seul de ces médicaments était disponible et sa date limite de consommation était dépassée. Il remit au tribunal la boîte du médicament. Il ajouta qu’il souffrait de troubles neurologiques aux bras et aux pieds et ne pouvait pas bouger quatre de ses doigts, qu’une hernie discale lui causait une quasi-paralysie des jambes, et que, en raison de fréquents évanouissements dus au diabète et à l’anémie, il ne pouvait de toute façon pas marcher.

14. Le procureur proposa d’accueillir la demande du requérant, sous condition de dépôt d’une garantie de 5 000 euros et de présentation mensuelle de l’intéressé au poste de police du lieu de sa résidence.

15. Par une décision du même jour, la section des sursis de la cour d’appel criminelle rejeta la demande en ces termes :

« En l’occurrence, l’accusé a été condamné à une peine de réclusion à perpétuité (...) par décision de la cour d’appel criminelle d’Athènes. Il a formé un appel contre cette décision, dans les délais et de manière recevable, mais cet appel n’a pas d’effet suspensif. Par sa demande du 18 décembre 2009, il sollicite le sursis à exécution de la décision jusqu’au prononcé d’un arrêt définitif, en soutenant que les conditions de l’article 497 § 7 du code de procédure pénale sont réunies. (...)

Il ressort de la déposition du témoin, des documents lus à l’audience, des éléments de preuve et des allégations de l’accusé que les conditions nécessaires pour accorder le sursis à exécution (...) ne sont pas réunies et la demande doit être rejetée, car l’intéressé est particulièrement dangereux et il existe des raisons fondées de craindre qu’il ne commette de nouvelles infractions. L’exécution de la peine jusqu’au prononcé de l’arrêt d’appel, dont l’audience est fixée au 6 décembre 2010, n’entraînera un dommage excessif et irréparable ni pour lui-même ni pour sa famille. »

16. Le 19 juillet 2010, le requérant déposa une nouvelle demande de sursis à exécution, fondée sur l’article 497 § 7 du code de procédure pénale. Il exposait de manière détaillée ses pathologies et soulignait que chaque jour de détention supplémentaire aggravait sa santé fragile et pourrait conduire à son décès en raison de la probabilité d’un incident cardiaque ou hypoglycémique. Le 18 octobre 2010, la cour d’appel criminelle, siégeant à cinq juges, section de sursis, rejeta à nouveau cette demande, après avoir entendu un témoin, un ancien codétenu du requérant (le même que celui examiné le 15 mars 2010) qui s’exprima sur l’état de santé de ce dernier, et pris connaissance de vingt-trois certificats médicaux déposés par le requérant. Elle considéra que les conditions pour autoriser un sursis à exécution ne se trouvaient pas réunies en l’espèce. La procureure avait aussi proposé le rejet de la demande.

17. Le requérant continue à purger sa peine, l’article 56 du code de procédure pénale, entré en vigueur le 23 décembre 2010, ne pouvant s’appliquer qu’en matière de condamnation pour des infractions délictuelles (punies de peines d’emprisonnement) et non criminelles (punies de peines de réclusion).

18. Par un arrêt du 27 mai 2011, la cour d’appel criminelle d’Athènes, composée de cinq juges, confirma le jugement de première instance. Elle condamna le requérant à une peine de réclusion de vingt-cinq ans et six mois et à la privation de ses droits politiques pour une durée de cinq ans.

B. Les conditions de détention du requérant

19. Le requérant fut détenu du 17 novembre 2006 au 17 mai 2008 en vertu d’un mandat de détention provisoire du 22 novembre 2006.

20. Le 13 mars 2009, le procureur près la cour d’appel d’Athènes ordonna qu’il purge le reliquat (3 ans, 5 mois et 21 jours) de la peine infligée par l’arrêt du 26 février 1998, qui avait été suspendue. Cette décision était fondée sur l’article 108 du code pénal et sur le fait que le requérant avait commis dans un délai de trois ans après sa libération une infraction ayant entraîné une peine d’emprisonnement.

21. Le requérant fut détenu dans un premier temps à la prison de Korydallos. Depuis le 23 juin 2009, il est incarcéré, en vertu d’une décision du ministère de la Justice, à la prison de Larissa, dans un dortoir qu’il partage avec une cinquantaine d’autres détenus. Son espace personnel s’élève à 5 m². Ayant été condamné à une peine de réclusion, il est toujours incarcéré dans cette prison et l’article 56 du code pénal (paragraphe 27 ci‑dessous) ne peut pas s’appliquer dans son cas.

22. Pour des raisons afférentes à la procédure judiciaire dirigée contre lui, il a depuis son arrivée à la prison de Larissa été transféré à sept reprises à la prison de Korydallos, où il a séjourné du 11 au 24 septembre 2009, du 20 janvier au 8 février 2010, du 5 au 23 mars 2010, du 14 au 23 septembre 2010, du 3 au 16 décembre 2010, du 1er au 7 avril 2011 et du 29 avril au 30 mai 2011.

23. Par ailleurs, il a été hospitalisé au dispensaire de la prison de Korydallos du 17 au 28 mars 2007, du 12 au 25 avril 2007, du 5 juin au 13 août 2007, du 5 au 20 mai 2008 et du 11 au 13 août 2008 ; et il a fait l’objet de soins et d’examens le 30 mars 2007, le 15 janvier 2009 et le 23 mars 2009 au dispensaire de la prison de Korydallos, et le 25 février 2008, le 14 avril 2008 (échographie du cœur), le 15 janvier 2009 (analyses de sang), le 6 avril 2009 (analyses de sang) et le 9 avril 2009 (triplex du cœur) dans des hôpitaux publics (l’hôpital Tzaneio au Pirée et l’hôpital de Nikaïa).

C. L’état de santé du requérant

24. Le requérant souffre de diabète traité par insuline, de troubles coronariens, de reflux gastro-œsophagien, d’œsophagite avec reflux gastro‑œsophagien, d’hyperlipidémie, de tension artérielle et d’anémie ferriprive.

25. Dans un document du 5 juillet 2011 adressé au ministère de la Justice, le médecin de la prison de Larissa énumérait les pathologies du requérant et affirmait que celui-ci était traité et soumis à un contrôle médical fréquent tant par les médecins de la prison que par ceux de l’hôpital général de Larissa et de l’hôpital universitaire de Larissa, situés à une distance de 300 mètres de la prison. Il précisait qu’en cas de besoin urgent de transfert du requérant à l’hôpital afin que celui-ci soit examiné par des spécialistes, l’intéressé pouvait, comme du reste tous les autres détenus, être transféré immédiatement. Il concluait que, malgré le grand nombre des pathologies dont souffrait l’intéressé et son âge avancé, son état général était « bon ».

26. Le 30 novembre 2010, la commission spéciale de certification d’invalidité de l’hôpital général de Larissa déclara le requérant invalide à 70 %.

II. LE DROIT INTERNE ET LES TEXTES INTERNATIONAUX PERTINENTS

A. Le droit interne pertinent

27. Les articles pertinents du code pénal sont ainsi libellés :

Article 56

« Lorsqu’un individu condamné à une peine d’emprisonnement a dépassé l’âge de soixante-quinze ans, il purge sa peine ou le reliquat de sa peine à son domicile, sauf s’il est estimé, motivation expresse à l’appui, que l’exécution de la peine dans un centre de détention est absolument nécessaire pour l’empêcher de commettre d’autres infractions de gravité similaire. Si la limite d’âge susmentionnée est atteinte au cours du procès, le tribunal qui statue est celui qui se prononce sur la peine. Dans les autres cas, la décision est prise par la chambre d’accusation du tribunal correctionnel, sur demande du condamné, qui est alors tenu de se présenter le premier jour de chaque mois au poste de police de son lieu de résidence. S’il se soustrait à cette obligation, le procureur compétent pour l’exécution de la peine peut, après avoir apprécié la fréquence de l’omission de se présenter et les motifs qui l’ont justifiée : a) adresser au condamné un avertissement quant aux conséquences de la soustraction à cette obligation ; b) ordonner qu’une partie de la peine soit purgée au centre de détention pour une durée ne pouvant pas dépasser un mois ; ou c) ordonner que la peine soit purgée au centre de détention. L’article 105 s’applique ici par analogie. »

Article 105

« 1. Les individus condamnés à une peine privative de liberté peuvent être libérés sous condition conformément aux dispositions ci-dessous à condition d’avoir purgé : a) les deux cinquièmes de leur peine en cas d’emprisonnement, b) les trois cinquièmes de leur peine en cas de réclusion criminelle simple, c) vingt ans au moins, en cas de réclusion criminelle à perpétuité.

Il n’est pas nécessaire que la condamnation soit irrévocable pour que la libération conditionnelle soit ordonnée.

2. Si le condamné a dépassé soixante-dix ans, la durée des trois cinquièmes est portée à deux cinquièmes de la peine imposée et, en cas de réclusion à perpétuité, la durée de vingt ans est portée à seize ans, majorés de deux cinquièmes des autres peines qui ont le cas échéant été prononcées dans le cas où elles concourent de manière cumulative. Dans tous les cas, le condamné peut être libéré s’il a purgé vingt ans de sa peine.

Pour le condamné qui a atteint soixante-cinq ans, chaque jour passé au centre de détention compte à son bénéfice pour deux jours de peine purgée. S’il travaille, chaque jour de travail compte comme une demi-journée supplémentaire. Si d’autres dispositions prévoient un calcul plus bénéfique pour ces condamnés, ces dispositions s’appliquent.

(...)

3. Lorsqu’un cinquième des peines d’emprisonnement qui n’ont pas été commuées a été purgé de quelque manière que ce soit, le tribunal correctionnel du lieu de détention transforme le cinquième suivant de ces peines en une sanction pécuniaire et ordonne la libération du détenu, sauf si, au vu du comportement de l’intéressé pendant l’exécution de la peine, il considère, motivation expresse à l’appui, que la sanction pécuniaire ne suffirait pas à le dissuader de commettre d’autres actes répréhensibles. Le condamné peut interjeter appel de pareille décision. Si le tribunal estime que le condamné se trouve dans l’impossibilité financière absolue de s’acquitter de la sanction pécuniaire, il la commue en peine de travaux d’intérêt général (...).

4. En cas de concours de plusieurs peines cumulatives, le condamné peut être libéré sous condition s’il a purgé le total des parties des peines prévues au premier paragraphe du présent article. Dans tous les cas, il peut être libéré s’il a purgé vingt‑cinq ans de ses peines et lorsque le total susmentionné dépasse cette limite.

(...)

7. Pour les détenus qui sont atteints d’hémiplégie, de paraplégie ou de sclérose en plaques, qui ont subi une opération de greffe du cœur, du foie, des reins ou de la moelle ou qui souffrent de néoplasmes malins, d’insuffisance rénale imposant une hémodialyse régulière ou de tuberculose, chaque jour de détention dans un établissement pénitentiaire pendant le traitement compte comme deux jours de peine purgée. Il en va de même : a) pour toute pathologie qui entraîne un pourcentage d’invalidité, constaté par une commission sanitaire, équivalent ou supérieur à 80 %, b) pour les mères détenues pour toute la période pendant laquelle elles sont avec leurs enfants mineurs. Le magistrat compétent selon le code pénitentiaire décide d’appliquer les calculs avantageux sur demande du détenu et au vu d’une proposition du conseil de travail des détenus. (...) »

Article 110A

« 1. La libération conditionnelle est accordée indépendamment de la réalisation des conditions visées aux articles 105 et 106 si le condamné souffre du syndrome d’immunodéficience acquise, d’insuffisance rénale chronique imposant une hémodialyse régulière ou de tuberculose tenace, s’il est tétraplégique, s’il est atteint d’une cirrhose du foie ayant entraîné une invalidité de plus de 67 %, s’il souffre de démence sénile et qu’il a dépassé l’âge de quatre-vingts ans révolus, ou s’il est atteint de néoplasmes malins en phase terminale.

2. La vérification des conditions du premier paragraphe est faite, à la demande du condamné, par la chambre d’accusation du tribunal correctionnel compétent, qui ordonne une expertise spéciale dont le déroulement est fixé par une décision commune des ministres de la Justice et de la Santé, de la Prévoyance et de la Sécurité sociale.

3. La libération conditionnelle décidée en vertu du premier paragraphe du présent article est inscrite au casier judiciaire et est accordée une seule fois. »

28. Les articles 56 et 105 dans leur version actuelle sont entrés en vigueur le 23 décembre 2010, à la suite de l’adoption de la loi no 3904/2010 portant rationalisation et amélioration de l’administration de la justice.

29. L’article 497 § 7 du code de procédure pénale dispose :

« Lorsque l’accusé a été condamné par un jugement d’une juridiction de première instance à une peine privative de liberté et qu’il a formé un appel n’ayant pas d’effet suspensif, le procureur ou lui-même peuvent demander qu’il soit sursis à l’exécution du jugement jusqu’à ce que la juridiction d’appel se prononce de manière définitive. La demande est adressée soit à la juridiction d’appel soit, si le jugement est rendu par la cour d’appel criminelle, à la cour d’appel criminelle siégeant en formation de cinq juges. Le sursis est ordonné si l’accusé n’est ni particulièrement dangereux ni récidiviste, s’il ne risque pas de fuir, en l’absence de craintes sérieuses qu’il ne commette de nouvelles infractions, et si les conséquences qu’emporterait pour lui ou pour sa famille l’exécution de la peine jusqu’au prononcé de l’arrêt d’appel sont excessives et irréparables. L’accusé peut être libéré sous condition (...). »

30. Il n’y a pas de pourvoi en cassation prévu contre ce type de décision.

B. Les constats du Comité pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT)

1. La visite de 2009

31. Lors de sa visite en Grèce de 2009 (du 17 au 29 septembre), le CPT s’est rendu à la prison pour hommes de Korydallos. Il y a constaté que la capacité officielle de la prison était de 700 détenus et que le taux d’occupation n’avait pas baissé depuis ses visites antérieures (en 2005 et 2007), l’établissement hébergeant dans les faits 2 100 détenus. Il a observé que, bien qu’il ait précédemment recommandé que des efforts sérieux soient faits pour limiter à deux le nombre de détenus par cellule, la même situation persistait et des cellules de 9,5 m² accueillaient trois voire quatre détenus.

32. Il a noté également que la situation en matière de soins était elle aussi restée la même qu’en 2005 et en 2007 : il n’y avait toujours pas de médecins à plein temps dans l’établissement, alors que celui-ci accueillait 2 100 détenus, mais seulement un médecin de permanence tous les jours de 15 h à 23 h, ainsi que des spécialistes (cardiologue, dermatologue, dentiste, orthopédiste, psychiatre, neurologue) qui assuraient des consultations deux à quatre fois par semaine pendant quelques heures.

33. L’infirmerie était gérée par neuf gardiens qui travaillaient comme assistants médicaux et qui étaient chargés notamment du pré-accueil des prisonniers et de la distribution des médicaments. Il y avait aussi trois infirmières professionnelles du lundi au vendredi : deux étaient présentes le matin, la troisième l’après-midi.

2. La visite de 2011

34. Lors de sa visite de 2011 à la prison pour hommes de Korydallos, le CPT a relevé que celle-ci accueillait 2 345 détenus. Dans son rapport du 10 janvier 2012, le CPT notait qu’en dépit de ses recommandations (depuis 1993) pour réduire le nombre des détenus par cellule (9,5 m²) à deux, il a constaté que les cellules continuaient à être partagées par trois, quatre voire cinq détenus.

35. Le nombre du personnel de santé avait augmenté depuis la dernière visite en 2009. Il y avait trois médecins généralistes, et un médecin de garde présent sept jours sur sept, de 15 h à 23 h. Des médecins de diverses spécialités étaient aussi présents, deux à quatre fois par semaine pour quelques heures. Toutefois, le nombre d’infirmiers était insuffisant pour une prison de cette taille.

EN DROIT

SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

36. Le requérant soutient que, combinés, son âge avancé, son état de santé et ses conditions de détention rendent son incarcération incompatible avec les exigences de l’article 3. Il se plaint aussi de devoir être encore transféré de la prison de Larissa à la prison de Korydallos afin de comparaître devant la juridiction d’appel qui s’est prononcée sur ses demandes de sursis à exécution de la peine et qui a déjà reporté une fois l’audience sur le fond. Il indique à cet égard que, alors que Larissa se trouve à 300 km d’Athènes, les détenus sont transférés entre les deux villes dans des fourgons de police, à quatre dans un compartiment très étroit, et ne reçoivent ni eau ni nourriture pendant tout le trajet. Il ajoute que, dans les prisons de Larissa et de Korydallos, les vitres des salles d’eau, des réfectoires et des espaces communs sont cassées, ce qui rend selon lui la présence dans ces lieux problématique et dangereuse notamment en hiver.

37. L’article 3 se lit ainsi :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

A. Sur la recevabilité

38. La Cour note que le requérant a été détenu à la prison de Korydallos du 17 novembre 2006 au 17 mai 2008, en vertu du mandat de détention provisoire du 22 novembre 2006. Libéré le 17 mai 2008 en bénéficiant d’une suspension de sa peine, il a été de nouveau placé en détention à la même prison le 13 mars 2009, par une décision du procureur près la cour d’appel d’Athènes. Le 23 juin 2009, il a été transféré à la prison de Larissa dans laquelle il est à présent détenu.

39. La Cour rappelle qu’elle a déjà examiné la manière dont il convient d’appliquer la règle des six mois dans les affaires dans lesquelles le requérant allègue que ses conditions de détention ne satisfont pas aux exigences de l’article 3. Dans l’arrêt Seleznev c. Russie (no 15591/03, § 35, 26 juin 2008), renvoyant à la jurisprudence pertinente, elle a indiqué qu’il n’y avait pas lieu de considérer des conditions de détention comme une situation continue dans la mesure où le grief y afférent porte sur un épisode, un traitement, ou un régime de détention spécifique, lié à une période de détention identifiée ; au contraire, il y a situation continue si le grief concerne des aspects généraux et des conditions de détention qui sont restés sensiblement similaires malgré le transfert du requérant (ibidem, § 36 et arrêts Brânduşe c. Roumanie, no 6586/03, § 41, 7 avril 2009 et Mariana Marinescu c. Roumanie, no 36110/03, § 57, 2 février 2010).

40. La Cour considère que les conditions de détention du requérant à la prison de Korydallos du 17 novembre 2006 au 17 mai 2008 échappent au contrôle de la Cour car non couvertes par le délai de six mois de l’article 35 § 1 de la Convention, la requête ayant été introduite le 25 janvier 2011.

41. Il reste à déterminer si la période de détention du 13 mars 2009, date de la réincarcération du requérant à la prison de Korydallos, au 23 juin 2009, date de son transfert à la prison de Larissa, est constituée de deux périodes distinctes de détention ou s’il s’agit d’une situation continue, c’est‑à-dire si les conditions de détention étaient restées les mêmes malgré le transfert.

42. Dans les deux affaires roumaines précitées (§§ 42 et 58 respectivement), la Cour a considéré qu’il convenait de se garder de scinder artificiellement une période de détention continue en plusieurs parties du simple fait qu’était intervenu un transfert du détenu. Dans ces deux affaires, elle a cependant estimé qu’il n’y avait pas de situation continue et conclu au non respect du délai des six mois, car le transfert des requérants dans un autre établissement avait apporté un changement notable dans leurs conditions de détention (a contrario, Seleznev précité, § 36, et, pour les principes généraux voir, mutatis mutandis, Idalov c. Russie [GC], no 5826/03, §§ 91-95, 22 mai 2012).

43. La Cour estime qu’en ce qui concerne les conditions de détention du requérant dans la présente affaire, il faudrait distinguer entre celles dans la prison de Korydallos – qui à l’époque des faits accueillait 2 100 détenus alors que sa capacité était prévue pour 700 – et celles dans la prison de Larissa où le requérant disposait d’un espace de 5 m². De l’avis de la Cour seule la période de détention à la prison de Larissa est couverte par la période de six mois de l’article 35 § 1 de la Convention.

44. La Cour constate cependant que pendant son séjour à la prison de Larissa, le requérant a effectué plusieurs courts séjours à la prison de Korydallos pour les besoins de la procédure pénale qui se déroulait à Athènes. Or, il est clair que seuls certains de ces séjours sont couverts par la période de six mois susmentionnée : ceux du 14 au 23 septembre 2010, du 3 au 16 décembre 2010, du 1er au 7 avril 2011 et du 29 avril au 30 mai 2011.

45. La Cour considère, par conséquent, que la partie du grief portant sur les conditions de détention à la prison de Larissa à partir du 23 juin 2009 et les séjours temporaires après cette date à la prison de Korydallos n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 (a) de la Convention et ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de la déclarer recevable.

B. Sur le fond

1. Arguments des parties

46. Le Gouvernement souligne que le requérant ne se plaint pas d’une insuffisance des soins médicaux dispensés par les autorités mais allègue que, compte tenu de son âge, ses conditions de détention aggravent son état de santé. Or cette allégation ne serait ni prouvée ni fondée. Le requérant serait suivi à intervalles réguliers à l’hôpital de la prison de Larissa et recevrait un traitement pharmaceutique. De même, il serait suivi par des médecins spécialistes dans les hôpitaux publics de Larissa ainsi que dans trois hôpitaux d’Athènes. Depuis le début de sa détention, il aurait été transféré en tout quatorze fois dans des hôpitaux d’Athènes et neuf fois dans des hôpitaux de Larissa, pour un suivi médical ou pour se soumettre à des examens. Il aurait bénéficié de soins médicaux équivalents à ceux offerts à tout citoyen grec et il ne ressortirait pas de son dossier que sa détention ait eu une quelconque répercussion négative sur son état de santé.

47. Décrivant les installations et services conçus pour faciliter la vie des détenus dont sont selon lui équipées les prisons de Korydallos et de Larissa, le Gouvernement souligne plus particulièrement, en rapport avec les faits de la présente affaire, que le dispensaire de la prison de Korydallos fonctionne 24 heures sur 24 et que trois infirmiers s’y relaient en permanence. Vingt médecins de toutes spécialités y tiendraient des consultations. Le dispensaire de la prison de Larissa emploierait quant à lui un médecin généraliste, un dentiste et huit infirmiers à plein temps. Il fonctionnerait également 24 heures sur 24. L’espace personnel du requérant à la prison de Larissa serait de 5 m². L’établissement n’offrirait pas d’espace de divertissement mais chaque détenu serait autorisé à posséder son propre téléviseur et à faire de l’exercice physique dans la cour du bâtiment où il est détenu. Le service d’entretien de la prison réparerait immédiatement les vitres cassées, les fuites etc., et une société extérieure procéderait régulièrement à des opérations de désinfection.

48. Le requérant souligne avant tout que l’énumération de ses condamnations et des peines qui lui ont été infligées (reproduites selon lui de manière erronée) faite par le Gouvernement dans ses observations n’est pas pertinente dans une affaire qui concerne les conditions de détention. Il estime incontestable que son état de santé s’est détérioré pendant les cinq années de sa détention, et argue que cette allégation se trouve d’ailleurs confirmée par ses 26 transferts dans différents hôpitaux et par le fait que la commission spéciale de certification d’invalidité de l’hôpital général de Larissa l’a reconnu invalide à 70 %. Cette dégradation de son état de santé serait due aussi à des erreurs de diagnostic faites par les médecins de la prison ainsi qu’à des erreurs dans le choix des traitements pharmaceutiques qui lui auraient occasionnellement été administrés.

49. Le requérant qualifie la prison de Larissa où il est détenu de « lieu de torture » et de « dépôt où vivent des animaux et non des hommes ». Il estime que, contrairement à ce que considère le Gouvernement, un espace de 5 m² n’est pas suffisant pour qu’un détenu vive avec dignité. Il indique à cet égard qu’il partage son dortoir avec une soixantaine d’autres détenus, dont dix au moins prendraient des substances psychotropes deux fois par jour, deux seraient épileptiques et un souffrirait de crises aiguës de paranoïa. Enfin, les dortoirs seraient infestés de souris, cafards et autres nuisibles.

2. Appréciation de la Cour

a) Principes applicables

50. La Cour rappelle que pour qu’une peine ou un traitement puissent être qualifiés d’« inhumains » ou « dégradants », la souffrance ou l’humiliation infligées à la victime doivent aller au-delà de celles que comporte inévitablement une forme donnée de traitement ou de peine légitimes (Jalloh c. Allemagne [GC], no 54810/00, § 68, CEDH 2006-IX).

51. Lorsqu’il s’agit en particulier de personnes privées de liberté, l’article 3 impose à l’Etat l’obligation positive de s’assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions compatibles avec le respect de la dignité humaine, que les modalités d’exécution de la mesure ne le soumettent pas à une détresse ou une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention et que, eu égard aux exigences pratiques de l’emprisonnement, la santé et le bien-être du prisonnier sont assurés de manière adéquate, notamment par l’administration des soins médicaux requis (Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 94, CEDH 2000‑XI, et Rivière c. France, no 33834/03, § 62, 11 juillet 2006). Ainsi, le défaut de soins médicaux appropriés, et, plus généralement, la détention d’une personne malade dans des conditions inadéquates, peuvent en principe constituer un traitement contraire à l’article 3 (voir, par exemple, İlhan c. Turquie [GC], no 22277/93, § 87, CEDH 2000-VII, et Gennadi Naoumenko c. Ukraine, no 42023/98, § 112, 10 février 2004).

52. Les conditions de détention d’une personne malade doivent garantir la protection de sa santé, eu égard aux contingences ordinaires et raisonnables de l’emprisonnement. Si l’on ne peut en déduire une obligation générale de remettre le détenu en liberté ou de le transférer dans un hôpital civil, même s’il souffre d’une maladie particulièrement difficile à soigner (Mouisel c. France, no 67263/01, § 40, CEDH 2002-IX), l’article 3 de la Convention impose en tout cas à l’Etat de protéger l’intégrité physique des personnes privées de liberté. La Cour ne peut exclure que, dans des conditions particulièrement graves, on puisse se trouver en présence de situations où une bonne administration de la justice pénale exige que soient prises des mesures de nature humanitaire (Matencio c. France, no 58749/00, § 76, 15 janvier 2004, Sakkopoulos c. Grèce, no 61828/00, § 38, 15 janvier 2004).

53. La Convention n’interdit pas l’emprisonnement de personnes d’un âge avancé. Cependant, le fait de ne pas prodiguer aux détenus les soins médicaux nécessaires peut constituer un traitement inhumain et l’Etat est tenu d’adopter des mesures en vue d’assurer le bien-être des personnes privées de leur liberté (Kudla, précité). En appliquant ces principes, la Cour a déjà conclu que le maintien en détention pendant une période prolongée d’une personne d’un âge avancé, de surcroît malade, pouvait relever de la protection de l’article 3 (Papon c. France (no 1) (déc.), no 64666/01, CEDH 2001-VI, Sawoniuk c. Royaume-Uni (déc.), no 63716/00, CEDH 2001-VI, et Priebke c. Italie (déc.), no 48799/99, 5 avril 2001). Cela étant, pour examiner la compatibilité du maintien en détention d’un requérant avec un état de santé préoccupant, la Cour doit tenir compte notamment de trois éléments, à savoir : a) la situation du détenu, b) la qualité des soins dispensés et c) l’opportunité de maintenir la détention au vu de l’état de santé de l’intéressé (Farbtuhs c. Lettonie, no 4672/02, § 53, 2 décembre 2004, Sakkopoulos précité, § 39, Enea c. Italie, [GC], no 74912/01, § 59, 17 septembre 2009, Arutyunyan c. Russie, no 48977/09, 10 janvier 2012, Sakhvadze c. Russie, no 15492/09, 10 janvier 2012 et Vladimir Vasilyev c. Russie, no 28370/05, 10 janvier 2012).

54. La Cour a déjà eu plusieurs fois à se prononcer sur des cas comparables quant à l’âge à celui du requérant, le premier étant l’affaire Papon (no 1) précitée. Elle a alors procédé à une appréciation globale des faits pertinents sur la base des preuves produites devant elle, pour déterminer si l’état de santé du requérant ou la détresse qu’il alléguait atteignaient un niveau de gravité suffisant pour entraîner une violation de l’article 3.

55. Dans l’affaire Papon, elle a déclaré le grief tiré de l’article 3 irrecevable au motif que le requérant bénéficiait régulièrement d’une surveillance et de soins médicaux et que les autorités internes avaient tenu compte autant que possible de son état de santé et de son âge (voir, mutatis mutandis, Sawoniuk, Priebke et Farbtuhs, précités). Dans les arrêts Gelfmann c. France (no 25875/03, § 59, 14 décembre 2004) et Matencio (précité, § 84), elle a conclu à la non-violation de cet article : elle a notamment relevé, respectivement, que le requérant ne se plaignait pas des conditions matérielles de sa détention et que les autorités étaient attentives à son état de santé, ou que le requérant faisait l’objet d’un suivi médical dans un hôpital civil et s’était vu attribuer une cellule individuelle. Elle a conclu de la même manière dans l’arrêt Prencipe c. Monaco (no 43376/06, 16 juillet 2009). Il convient cependant de préciser que dans ces trois dernières affaires, les requérants souffraient aussi de pathologies graves et étaient âgés respectivement d’une quarantaine, d’une cinquantaine et d’une soixantaine d’années.

b) Application des principes au cas d’espèce

56. La Cour note d’abord que le cas du requérant ne relève d’aucune des dispositions bénéfiques de l’article 110A du code pénal, qui prévoient la libération conditionnelle des détenus présentant des problèmes graves de santé.

57. La Cour observe, toutefois, que le requérant, âgé aujourd’hui de quatre-vingt deux ans, souffre de diabète traité par insuline, de troubles coronariens, d’œsophagite avec reflux gastro-œsophagien, d’hyperlipidémie, de tension artérielle et d’anémie ferriprive, mais non d’un handicap physique qui affecterait considérablement et durablement ses aptitudes sensorielles et motrices (voir, a contrario, Xiros c. Grèce, no 1033/07, § 91, 9 septembre 2010).

58. La Cour constate, cependant, que depuis le début de son incarcération, y compris la période non couverte par le délai des six mois, les autorités pénitentiaires ont suivi à intervalle régulier l’état de santé du requérant et ont pris les mesures appropriées. En effet, le requérant a été hospitalisé à plusieurs reprises au dispensaire de la prison ou dans des hôpitaux publics (paragraphe 23 ci-dessus). Par ailleurs, le requérant ne soulève aucun grief concret concernant les brèves périodes pendant lesquelles il a séjourné, pour les besoins de la procédure à la prison de Korydallos.

59. En outre, dans la prison de Larissa, le requérant dispose d’un espace personnel de 5 m². Selon les standards du CPT, cet espace est satisfaisant. A cet égard, la Cour rappelle aussi que l’espace personnel attribué à chaque détenu doit être apprécié aussi en fonction de la liberté dont celui-ci dispose dans la journée à l’intérieur de la prison (Nurmagomedov c. Russie, (déc.) no 30138/02, 16 septembre 2004). Or, le requérant n’affirme pas qu’il était dans l’impossibilité de quitter sa cellule par ses propres moyens (a contrario, Vincent c. France, no 6253/03, § 103, 24 octobre 2006)

60. Le médecin de la prison décrit, en outre, l’état de santé du requérant comme « bon ». Certes, cet état peut à tout moment se détériorer, en raison de son âge mais rien ne permet d’affirmer qu’il en serait autrement si le requérant était en liberté. De plus, même si le Gouvernement ne soulève pas d’exception de non-épuisement à cet égard, la Cour relève que le requérant s’est borné à demander la suspension de l’exécution de sa peine et ne s’est pas adressé aux autorités pénitentiaires, et en particulier au procureur-superviseur de la prison ou à son adjoint, pour se plaindre notamment des conditions de sa détention (article 6 de la loi no 2776/1999 et arrêté ministériel no 58819/2003) ni au procureur chargé de l’exécution des peines et de l’application des mesures de sécurité qui, de plus, est censé visiter la prison au moins une fois par semaine (article 572 du code de procédure pénale).

61. En l’espèce, la Cour ne saurait conclure que le requérant n’a pas bénéficié des soins médicaux adéquats, que son état de santé s’est détérioré au-delà de l’évolution normale de ses pathologies ou qu’il a souffert outre mesure du fait d’une assistance médicale insuffisante (voir, mutatis mutandis, Grishin c. Russie, no 30983/02, § 78, 15 novembre 2007 ; Bordikov c. Russie, no 921/03, §§ 70-71, 8 octobre 2009 et Chaykovskiy c. Russie, no 2295/06, § 57, 15 octobre 2009). Le requérant lui-même, d’ailleurs, ne fait état d’aucun argument et d’aucun élément pour soutenir ou démontrer que son état de santé s’est aggravé du fait de sa détention plutôt qu’en raison de son âge ou de l’évolution de ses maladies.

62. La Cour note, de surcroît, que l’article 56 du code pénal, qui est entré en vigueur le 23 décembre 2010 et qui prévoit la possibilité d’une mise en liberté d’un condamné du seul fait qu’il a dépassé soixante-quinze ans, ne peut s’appliquer que lorsque l’intéressé est condamné à une peine d’emprisonnement. Le requérant, condamné à la réclusion, ne pourra donc pas bénéficier de cette disposition. Or, le fait de limiter la possibilité de libération en fonction de la nature et de la gravité de l’infraction commise n’est pas de l’avis de la Cour déraisonnable. La Cour relève, par ailleurs que cette possibilité prévue par l’article 56 n’est pas automatique. En effet, la prolongation de la détention dans un établissement pénitentiaire peut paraître nécessaire pour empêcher l’intéressé de commettre d’autres infractions de gravité similaire.

63. En l’espèce, la Cour rappelle que le requérant, alors qu’il était âgé de soixante dix-neuf ans, a été condamné en 2009 à une peine de réclusion criminelle à perpétuité, notamment pour faux et usage de faux contre l’Etat, commis de manière répétitive, « par profession et habitude » et fraudes à répétition devant le tribunal. La section des sursis de la cour d’appel a, à deux reprises, les 15 mars et 18 octobre 2010, rejeté la demande de sursis à exécution de la peine du requérant, par des motifs qui ne sauraient être qualifiés d’arbitraires, à savoir que les conditions de l’article 497 § 7 du code de procédure pénale n’étaient pas réunies, car le requérant était particulièrement dangereux et il existait des raisons fondées de craindre qu’il commettrait de nouvelles infractions. Par ailleurs, la section des sursis de la cour d’appel a dûment pris en compte, en l’occurrence, l’ensemble des éléments concernant la santé du requérant (paragraphes 13 et 16 ci-dessus).

64. Dans ces conditions et après s’être livrée à une appréciation globale des faits pertinents sur la base des preuves produites devant elle, la Cour n’estime pas établi que le maintien en détention du requérant dans la prison de Larissa, entrecoupé par de courts transferts à la prison de Korydallos pour les besoins de la procédure judiciaire, constitue un « traitement dégradant » au sens de l’article 3 de la Convention. Partant, il n’y a pas eu violation de cette disposition.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable quant aux conditions de détention du requérant à la prison de Larissa à compter du 23 juin 2009 et aux quatre séjours qu’il a effectués à la prison de Korydallos depuis cette date ;

2. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 3 de la Convention ;

Fait en français, puis communiqué par écrit le 25 septembre 2012, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Søren NielsenNina Vajić
GreffierPrésidente


Synthèse
Formation : Cour (premiÈre section)
Numéro d'arrêt : 001-113409
Date de la décision : 25/09/2012
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Non-violation de l'article 3 - Interdiction de la torture (Article 3 - Traitement dégradant) (Volet matériel)

Parties
Demandeurs : PATSOS
Défendeurs : GRÈCE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : LAMBRAKIS K.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

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