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17/04/2012 | CEDH | N°001-110394

CEDH | CEDH, AFFAIRE KALINKIN ET AUTRES c. RUSSIE, 2012, 001-110394


PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE KALINKIN ET AUTRES c. RUSSIE

(Requêtes nos 16967/10, 37115/08, 52141/09, 57394/09, 57400/09, 2437/10, 3102/10, 12850/10, 13683/10, 19012/10, 19401/10, 20789/10, 22933/10, 25167/10, 26583/10, 26820/10, 26884/10, 28970/10, 29857/10, 49975/10 et 56205/10)

ARRÊT

Cette version a été rectifiée le 9 et le 20 novembre 2012 conformément à l’article 81 du règlement de la Cour.

STRASBOURG

17 avril 2012

DÉFINITIF

24/09/2012

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. I

l peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Kalinkin et autres c. Russie,

La Cour européenne des droits d...

PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE KALINKIN ET AUTRES c. RUSSIE

(Requêtes nos 16967/10, 37115/08, 52141/09, 57394/09, 57400/09, 2437/10, 3102/10, 12850/10, 13683/10, 19012/10, 19401/10, 20789/10, 22933/10, 25167/10, 26583/10, 26820/10, 26884/10, 28970/10, 29857/10, 49975/10 et 56205/10)

ARRÊT

Cette version a été rectifiée le 9 et le 20 novembre 2012 conformément à l’article 81 du règlement de la Cour.

STRASBOURG

17 avril 2012

DÉFINITIF

24/09/2012

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Kalinkin et autres c. Russie,

La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Nina Vajić, présidente,
Anatoly Kovler,
Peer Lorenzen,
Elisabeth Steiner,
Khanlar Hajiyev,
Mirjana Lazarova Trajkovska,
Julia Laffranque, juges,
et de Søren Nielsen, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 3 avril 2012,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l’origine de l’affaire se trouvent 21 requêtes (nos 16967/10, 37115/08 , 52141/09, 57394/09, 57400/09, 2437/10, 3102/10, 12850/10, 13683/10, 19012/10, 19401/10, 20789/10, 22933/10, 25167/10, 26583/10, 26820/10, 26884/10, 28970/10, 29857/10, 49975/10, 56205/10) dirigées contre la Fédération de Russie et dont dix-neuf ressortissants russes et deux ressortissants ukrainiens (« les requérants »), dont les noms sont indiqués à l’Annexe no 1 au présent arrêt, ont saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. M. Neshumov est représenté par Me I. G. Vasilyev, avocat à Moscou. M. Shuvayev est représenté par Me R. A. Zarbeyev, avocat à Saint‑Pétersbourg. Les autres requérants estent seuls devant la Cour.

3. Le gouvernement russe (« le Gouvernement ») est représenté par M. M. G. Matyushkin, représentant de la Fédération de Russie devant la Cour européenne des droits de l’homme.

4. Les requérants dénoncent en particulier l’inexécution de jugements définitifs par lesquels ils se sont vu octroyer des logements. Certains requérants dénoncent également l’absence de voie de recours effective propre à remédier à cette situation.

5. Le 17 novembre 2010, les requêtes ont été communiquées au Gouvernement. Il a été décidé de soulever d’office la question relative à des voies de recours internes contre l’inexécution à l’égard de tous les requérants. Comme le permet l’article 29 § 1 de la Convention, il a en outre été décidé que la chambre se prononcerait en même temps sur la recevabilité et sur le fond de l’affaire.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

A. Les jugements internes en faveur des requérants et leur exécution

6. Dix-neuf des requérants sont des ressortissants russes résidant dans différentes régions de Russie. Deux autres, M. Gukasyan et Mme Lukyanchuk, sont des ressortissants ukrainiens résidant à Sébastopol, en Ukraine. Leurs dates de naissance sont indiquées à l’Annexe no 1.

7. Militaires en fin de carrière à l’époque des faits, ils obtinrent des jugements en leur faveur (« les jugements ») ordonnant aux autorités militaires de leur octroyer un logement conforme aux normes de l’habitat. Selon les jugements, la localité où devait se trouver le logement était soit précisée dans le dispositif soit laissée au choix du bénéficiaire. Dans les cas de MM. Bessonov et Kobelev, les tribunaux ordonnèrent l’octroi aux intéressés de logements situés à Moscou. Les dates auxquelles les jugements ont été rendus et sont par la suite devenus contraignants et exécutoires ainsi que les noms des juridictions respectives sont précisés à l’Annexe no 1.

8. L’exécution des jugements n’est pas achevée à ce jour. Au cours de la procédure d’exécution, MM. Bessonov et Kobelev refusèrent d’accepter des offres de logement faites par les autorités défenderesses.

B. Les recours internes contre les retards dans l’exécution

9. Le 15 janvier 2009, la Cour rendit en l’affaire Bourdov un arrêt pilote (voir Bourdov c. Russie (no 2), no 33509/04, CEDH 2009) par lequel elle ordonnait au gouvernement défendeur, entre autres, de mettre en place une voie de recours effective apte à offrir un redressement adéquat et suffisant en cas d’inexécution ou d’exécution tardive de décisions de justice internes.

10. Le 4 mai 2010, le Gouvernement informa la Cour que, pour donner suite à l’arrêt pilote, la Russie avait adopté deux lois fédérales instaurant une nouvelle voie de recours en cas de procédures judiciaires excessivement longues ou de retards dans l’exécution des décisions de justice rendues contre l’Etat (paragraphes 14-16 ci-dessous).

11. Entre mai et août 2010, le greffe de la Cour informa la plupart des requérants de la présente affaire, ainsi que d’autres requérants dans la même situation, de l’ouverture de la nouvelle voie de recours, et leur suggéra de l’exercer dans le délai de six mois prévu par la loi sur l’indemnisation (paragraphe 16 ci-dessous).

12. Certains des requérants (Mme Lukyanchuk et MM. Golubev, Gukasyan, Kalinkin, Martynenko, Neshumov, Timofeyev, Shuvayev et Murzin) introduisirent en vertu de la nouvelle loi sur l’indemnisation des recours contre l’inexécution des jugements rendus en leur faveur. Ils se virent tous refuser un examen au fond de leurs demandes, les juridictions internes considérant que la loi en question n’était pas applicable à leur cas car elle ne prévoyait une indemnisation que pour des retards dans l’exécution de jugements par lesquels il était établi une dette à imputer sur le budget public, tandis que les jugements inexécutés rendus en faveur des intéressés prévoyaient l’octroi d’un logement. Dans les cas de MM. Kalinkin, Golubev, Martynenko, Neshumov et Murzin, la décision définitive fut rendue par la Cour suprême de Russie. MM. Gukasyan, Timofeyev et Shuvayev et Mme Lukyanchuk ne firent apparemment pas appel des décisions des tribunaux de première instance. Les dates auxquelles les décisions définitives sur ces recours ont été rendues et les juridictions respectives sont précisées à l’Annexe no 1.

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

A. La loi sur le statut des militaires

13. En vertu des articles 15 et 23 de la loi sur le statut des militaires (no 76-FZ du 27 mai 1998), un militaire sujet à radiation des cadres pour cause de limite d’âge, de santé ou de réorganisation, dont la durée totale de service est supérieure ou égale à dix ans et qui n’a pas de logement conforme aux normes de l’habitat, est en droit d’obtenir un logement et ne peut, en règle générale, être radié des cadres qu’à condition d’en disposer.

B. La loi sur l’indemnisation pour des retards dans l’exécution des décisions de justice et les autres dispositions législatives en rapport avec cette loi

14. Le 4 mai 2010, la loi fédérale no 68-FZ « sur l’indemnisation des dommages subis par les justiciables victimes d’une violation de leur droit à voir trancher leur cause dans un délai raisonnable ou de leur droit à obtenir l’exécution des décisions de justice dans un délai raisonnable » (« la loi sur l’indemnisation ») est entrée en vigueur. A la même date est entrée en vigueur la loi fédérale no 69-FZ portant modification de certaines dispositions législatives compte tenu de l’adoption de la loi sur l’indemnisation.

15. En vertu de l’article 1 de la loi sur l’indemnisation, il est possible de réclamer une indemnisation en cas de retard dans l’exécution d’un jugement par lequel il est établi une dette à imputer sur le budget public. L’article 6 du code budgétaire de Russie définit le budget comme une forme de constitution et de dépense des fonds monétaires destinés à apporter un appui financier aux objectifs et aux fonctions de l’Etat et des autorités municipales.

16. L’article 6-2 de la loi dispose que toute personne ayant saisi la Cour européenne des droits de l’homme d’une requête portant sur un retard dans l’exécution d’un jugement et dont ladite requête est pendante au 4 mai 2010 a six mois, à compter de cette date, pour introduire devant les tribunaux russes une action en réparation du dommage subi. On trouvera plus de détails relatifs à la loi sur l’indemnisation dans la décision Nagovitsyn et Nalgiyev c. Russie (nos 27451/09 et 60650/09, §§ 16-20, 23 septembre 2010).

17. Selon le code de procédure civile, les demandes formées en vertu de la loi sur l’indemnisation sont examinées en première instance par les tribunaux régionaux si le jugement dont l’exécution est en cause a été rendu par un tribunal de district ou un juge de paix (article 26 § 1 (6) du code) et par la Cour suprême de Russie si le jugement a été rendu par un tribunal autre qu’un tribunal de district ou un tribunal militaire de garnison (article 27 § 1 (8)). En vertu de l’article 337 du code, les décisions rendues en première instance par les tribunaux régionaux sont examinées en appel par la Cour suprême de Russie. Les décisions rendues par la Section civile ou par la Section militaire de la Cour suprême sont examinées en appel par la Section d’appel de la Cour suprême de Russie.

C. La pratique interne en matière d’application de la loi sur l’indemnisation

18. Le 23 décembre 2010, la Cour suprême de Russie et la Cour supérieure de commerce de Russie ont adopté en réunion plénière conjointe la résolution no 30/64 sur l’interprétation de la loi sur l’indemnisation (« la résolution no 30/64 »). En vertu de l’article 1 (b) de cette résolution, la loi sur l’indemnisation est applicable, entre autres, aux défauts d’exécution dans un délai raisonnable des décisions de justice prévoyant l’obligation pour des autorités de l’Etat ou des autorités municipales d’effectuer des paiements sur les deniers publics.

19. La jurisprudence constante de la Cour suprême depuis l’entrée en vigueur de la loi sur l’indemnisation est que cette loi n’est pas applicable aux demandes d’indemnisation portant sur des retards d’exécution de jugements ordonnant l’octroi d’un logement (à titre d’exemple, voir les décisions rendues dans le cas des requérants, au paragraphe 12 ci-dessus et à l’Annexe no 1).

20. Lorsque, optant pour une interprétation large de la loi à la lumière de la Convention, les juridictions inférieures ont fait droit à de telles demandes formées sur le fondement de la loi sur l’indemnisation, la Cour suprême a infirmé leurs décisions en appel. Par exemple, le 14 septembre 2010, elle a annulé une décision par laquelle le tribunal militaire de la circonscription du Caucase du Nord, statuant le 13 juillet 2010 en l’affaire Ilyushkin, avait jugé la loi sur l’indemnisation applicable au cas d’espèce et, se référant à la pratique de la Cour, avait ordonné le versement au demandeur de 40 000 roubles russes (RUB) à titre d’indemnisation. Le 23 novembre 2010, la Cour suprême a annulé une décision par laquelle le tribunal militaire de la circonscription no 3, statuant le 2 septembre 2010 en l’affaire Martynenko (l’un des requérants de la présente affaire), avait ordonné le versement au demandeur de 15 000 RUB à titre d’indemnisation. Dans l’un et l’autre cas, elle a refusé d’examiner les demandes quant au fond, au motif que la loi sur l’indemnisation n’était pas applicable aux retards dans l’exécution de jugements ordonnant l’octroi d’un logement.

EN DROIT

I. JONCTION DES REQUÊTES

21. Compte tenu de la similitude des requêtes quant aux faits et au problème de fond qu’elles posent, la Cour estime judicieux de les joindre, et décide de les examiner conjointement dans un seul arrêt en vertu de l’article 42 de son règlement.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DES ARTICLES 13 ET 6 DE LA CONVENTION ET DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1 EN RAISON DE L’INEXÉCUTION PROLONGÉE DES JUGEMENTS ET DE L’ABSENCE DE RECOURS INTERNES EFFECTIFS

22. Les requérants dénoncent l’inexécution des jugements rendus en leur faveur. Ils invoquent l’article 6 de la Convention et l’article 1 du Protocole no 1, qui, en leurs parties pertinentes, sont ainsi libellés :

Article 6 § 1

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »

Article 1 du Protocole no 1

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international... »

23. Certains des requérants se plaignent de ne pas avoir disposé de recours internes effectifs leur permettant de faire valoir leurs griefs tirés de l’inexécution prolongée par l’Etat des jugements rendus en leur faveur. Etant donné que la présente affaire réunit des requêtes semblables et que l’absence alléguée de recours effectifs affecte de la même façon tous les requérants, la Cour a décidé de soulever cette question d’office à l’égard des requérants qui ne l’avaient pas invoquée initialement et elle a recueilli les observations des parties à ce sujet. L’article 13 de la Convention est ainsi libellé :

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la (...) Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »

A. Sur la recevabilité

24. Le Gouvernement n’a pas expressément soulevé d’exception d’irrecevabilité mais, dans ses observations, il allègue qu’existent au niveau interne des voies de recours contre l’inexécution des décisions de justice. A supposer que cette affirmation puisse constituer une exception de non‑épuisement des voies de recours internes (comme celle soulevée expressément dans l’affaire Ilyushkin et autres c. Russie, no 5734/08 et al. dont l’arrêt a également été adopté ce jour, qui porte sur des situations semblables), la Cour décide de la joindre au fond et de l’examiner dans la partie consacrée à la violation alléguée de l’article 13 de la Convention. Elle constate par ailleurs que les griefs ne sont pas manifestement mal fondés au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et ne se heurtent à aucun autre motif d’irrecevabilité. Ils doivent donc être déclarés recevables.

B. Sur le fond

1. Sur la violation alléguée de l’article 13 de la Convention

a) Thèses des parties

25. Les requérants soutiennent qu’il n’existe pas de voie de recours interne effective relativement à l’inexécution des jugements rendus en leur faveur. Ils indiquent avoir saisi en vain de leurs griefs diverses autorités dont les autorités militaires, le parquet et le service des huissiers. Ceux d’entre eux qui ont formé des demandes d’indemnisation en vertu de la nouvelle loi sur l’indemnisation font valoir qu’elle s’est révélée inapplicable à leurs affaires au motif que les jugements dont ils se prévalaient ordonnaient qu’il leur soit alloué un logement et non une somme d’argent. M. Bespalov cite à cet égard deux cas dans lesquels la Cour suprême a refusé d’examiner quant au fond des demandes d’indemnisation pour un retard dans l’exécution d’un jugement octroyant un logement, au motif que la loi sur l’indemnisation n’était pas applicable à de tels cas (décisions rendues par la Cour suprême le 7 octobre 2010 dans les affaires Makarov et Zhigouline).

26. Le Gouvernement soutient au contraire que les requérants disposaient de recours internes effectifs pour remédier aux inexécutions mais n’en ont pas fait usage. En premier lieu, le chapitre 59 du code civil permettrait de demander réparation du dommage, matériel ou moral, causé par un retard d’exécution. Ce recours se serait révélé effectif en pratique. A l’appui de cette allégation, le Gouvernement cite deux exemples dans lesquels des indemnités auraient été octroyées en vertu de ce chapitre (décision rendue le 23 octobre 2006 en l’affaire Khakimovy par le tribunal d’arrondissement Novo‑Savinski de Kazan (République de Tatarstan), décision rendue le 28 mars 2008 en l’affaire Shoubine par le tribunal municipal de Beloretsk (République de Bachkortostan)).

27. En deuxième lieu, le Gouvernement renvoie à l’article 1 de la loi sur l’indemnisation adoptée le 30 avril 2010, qui aurait pour objet la réparation des atteintes au droit à obtenir l’exécution des décisions de justice dans un délai raisonnable. Selon lui, l’adoption par la Cour suprême de la résolution no 30/64, qui prévoirait une approche uniforme en matière d’application de la loi sur l’indemnisation, prouve qu’il est fait de cette loi « une interprétation extensive ».

b) Appréciation de la Cour

28. D’emblée, la Cour rappelle les principes généraux en matière d’application de l’article 13 exposés aux paragraphes 96 à 100 de l’arrêt pilote Bourdov (no 2), précité. Elle ne peut que réitérer ces principes dans le cadre de la présente affaire, en insistant tout particulièrement sur l’importance primordiale que revêt l’existence de recours internes effectifs pour la bonne marche du système de la Convention et le respect du principe de subsidiarité (Nagovitsyn et Nalgiyev, précité, §§ 26 et 40). En effet, l’adoption de l’arrêt pilote précité et sa mise en œuvre par le Gouvernement avaient notamment pour objectif l’introduction d’un tel recours en droit russe, en vue de remédier le plus rapidement possible, au plan interne, aux violations résultant de retards d’exécution de décisions de justice rendues à l’encontre des autorités.

29. La Cour note à ce sujet que la loi sur l’indemnisation adoptée à la suite de l’arrêt pilote, loi à laquelle s’est référé le Gouvernement, était effectivement susceptible de parvenir à cet objectif capital, et l’a d’ailleurs atteint pour ce qui est des griefs concernant les retards dans l’exécution de décisions de justice obligeant l’Etat à payer des sommes d’argent sur les deniers publics (Nagovitsyn et Nalgiyev, précité, §§ 28-30).

30. Toutefois, elle est au regret de constater qu’il n’en va pas de même pour les griefs concernant les retards dans l’exécution de décisions de justice imposant à l’Etat toutes sortes d’obligations autres que le paiement de sommes d’argent sur les deniers publics. Alors qu’il était logique de penser que la loi sur l’indemnisation inclurait dans son champ d’application cette large catégorie d’affaires, dont bon nombre sont régulièrement portées devant la Cour, cette hypothèse fort souhaitable ne s’est finalement matérialisée ni en théorie ni en pratique.

31. La Cour note d’abord qu’il découle tant du libellé de l’article 1 de la loi sur l’indemnisation que de l’interprétation qu’en a faite la Cour suprême dans la résolution no 30/64 (paragraphe 18 ci-dessus) que la nouvelle loi n’est applicable qu’aux cas d’inexécution de jugements établissant des obligations d’ordre pécuniaire et non aux cas d’inexécution d’obligations en nature. La Cour rappelle à cet égard que, en droit russe, le budget public englobe uniquement les fonds monétaires de l’Etat et des autorités municipales et non les biens en nature (paragraphe 15 ci-dessus).

32. La Cour constate ensuite que cette interprétation restrictive s’avère largement confirmée par la pratique interne en la matière. Neuf des requérants ont tenté d’obtenir en vertu de la loi sur l’indemnisation une indemnité pour l’inexécution des jugements rendus en leur faveur. Tous, sans aucune exception, se sont vu opposer un refus d’examiner au fond leur demande, au motif que la loi en question n’était pas applicable aux cas d’octroi de logements. Dans cinq de ces neuf cas, la décision définitive a été rendue par la Cour suprême de Russie. A ces exemples s’ajoutent deux autres exemples allant dans le même sens cités par M. Bespalov. Aux yeux de la Cour, cette jurisprudence uniforme de la Cour suprême de Russie, qui statue en appel sur les recours introduits en vertu de la loi sur l’indemnisation (paragraphe 17 ci-dessus), ne laisse aucun doute quant au fait que ladite loi est inapplicable aux griefs tels que ceux formulés par les requérants en l’espèce. Du reste, le Gouvernement a omis en l’espèce de commenter cette jurisprudence ou de produire des exemples d’une pratique contraire.

33. La Cour n’est donc absolument pas convaincue par la thèse du Gouvernement selon laquelle il serait possible d’envisager « une interprétation extensive » de la loi au bénéfice des requérants. Certes, elle a connaissance de quelques décisions dans lesquelles les tribunaux internes ont appliqué pareille interprétation et jugé, à la lumière de la Convention, qu’il y avait lieu d’honorer l’obligation pour l’Etat d’indemniser les victimes de retards dans l’attribution d’un logement ordonnée par des jugements internes (voir, par exemple, le paragraphe 20 ci-dessus). Cependant, de telles décisions, aussi progressistes soient-elles, restent largement isolées et n’ont aujourd’hui aucune chance de prévaloir sur la jurisprudence constante précitée de la Cour suprême, qui a annulé comme non conformes à la loi les rares décisions de ce type. Ces annulations confirment indéniablement que les requérants de la présente affaire ne disposaient d’aucun recours interne en vertu de la loi sur l’indemnisation.

34. En ce qui concerne l’existence éventuelle d’autres recours, la Cour observe que les éléments présentés par le Gouvernement à cet égard sont très semblables, voire identiques, à ceux qu’elle a déjà examinés à maintes reprises tant avant l’arrêt pilote Bourdov (no 2), précité, que dans celui-ci.

35. Notamment, pour ce qui est de l’action en indemnisation en vertu du chapitre 59 du code civil russe invoquée par le Gouvernement, la Cour n’est toujours pas convaincue qu’elle offre des perspectives raisonnables de succès, étant donné particulièrement qu’elle exige que soit établie une faute de l’administration (Moroko c. Russie, no 20937/07, §§ 28-29, 12 juin 2008, Bourdov (no 2), précité, § 110), condition qui se concilie mal avec la présomption selon laquelle un délai excessif dans l’exécution d’un jugement cause un dommage moral (Bourdov (no 2), précité, § 100). En effet, les retards d’exécution ne sont pas nécessairement dus à des irrégularités commises par l’administration, ils peuvent être imputables à des déficiences du système à l’échelon national ou local (Bourdov (no 2), précité, § 111).

36. La Cour est surtout frappée par le fait que les deux seuls exemples de jurisprudence interne invoqués par le Gouvernement à l’appui de sa thèse dans la présente affaire sont exactement les mêmes que ceux déjà cités dans de très nombreuses autres affaires jugées par elle depuis plusieurs années. Elle tient à redire à cet égard que les jugements en question constituent des cas exceptionnels et isolés et non la preuve d’une jurisprudence établie et constante (Bourdov (no 2), précité, §§ 92 et 114-115). Le fait que le Gouvernement présente à la Cour depuis des années les mêmes rares exemples d’application du chapitre 59 du code civil relativement à l’indemnisation de retards dans l’exécution de décisions de justice internes confirme amplement cette conclusion.

37. La Cour ne peut donc que constater à nouveau qu’il n’existe actuellement en droit russe aucun recours effectif permettant de faire accélérer l’exécution d’une décision de justice rendue contre l’Etat ou d’être indemnisé pour le retard d’exécution (Bourdov (no 2), précité, § 117), sauf pour ce qui est des affaires qui relèvent du champ d’application de la loi sur l’indemnisation adoptée à la suite de l’arrêt pilote (Nagovitsyn et Nalgiyev, précité, §§ 27-30 et 41). La Cour est au profond regret de conclure que ce problème d’absence de recours internes, qualifié par l’arrêt pilote précité de structurel et persistant, reste entier dans le cadre d’une large catégorie d’affaires ici en question, ce qui oblige toujours les requérants à se tourner vers la Cour pour la défense effective de leurs droits. Le gouvernement n’a présenté aucun élément nouveau propre à l’amener à s’écarter de cette conclusion.

38. La Cour déduit de ce qui précède que les requérants de la présente affaire ne disposent en droit russe d’aucun recours effectif – ni préventif ni compensatoire – apte à offrir un redressement adéquat et suffisant pour les violations de la Convention nées de l’inexécution prolongée de décisions de justice ordonnant l’octroi d’un logement rendues contre les autorités publiques. Partant, elle conclut qu’il y eu violation de l’article 13 combiné avec l’article 6 § 1 de la Convention et l’article 1 du Protocole no 1 et, en conséquence, rejette l’éventuelle exception de non-épuisement des voies de recours internes soulevée par le Gouvernement.

2. Sur la violation alléguée de l’article 6 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1 en raison de l’inexécution prolongée des jugements

39. Le Gouvernement admet d’emblée qu’aucun des jugements rendus en faveur des requérants n’a été entièrement exécuté à ce jour, et il reconnaît explicitement la violation de l’article 6 § 1 de la Convention en ce qui concerne le retard dans l’exécution des jugements en faveur des requérants, sauf pour MM. Bessonov et Kobelev, pour lesquels il argue que ces retards s’expliquaient d’une part par la nécessité de respecter l’ordre d’octroi des logements établi par des listes d’attente et d’autre part par une pénurie de logements disponibles à Moscou, et ajoute que l’exécution des jugements a été entravée par l’attitude des intéressés, qui auraient refusé les logements qui leur auraient été proposés dans la région de Moscou, respectivement à Khimki (M. Bessonov) et à Tchekhov (M. Kobelev).

40. Les requérants maintiennent leurs griefs et réaffirment que les retards dans l’exécution des jugements sont imputables aux autorités. MM. Bessonov et Kobelev soutiennent que les offres mentionnées par le Gouvernement ne correspondaient pas au dispositif des jugements, les logements proposés se trouvant dans des localités autres que celle qui y était indiquée.

41. La Cour rappelle que l’inexécution ou le retard excessif dans l’exécution par un Etat contractant d’une décision de justice rendue à son encontre peut constituer une violation du droit du justiciable à un tribunal consacré par l’article 6 § 1 de la Convention (Bourdov c. Russie, no 59498/00, § 34, CEDH 2002‑III). Le retard dans l’exécution d’un jugement peut en outre porter atteinte au droit du justiciable au respect de ses biens, lorsque le jugement en sa faveur fait naître une créance certaine qui doit être qualifiée de « bien » au sens de l’article 1 du Protocole no 1 (Bourdov, précité, § 40).

42. Pour juger du respect de l’exigence d’exécution dans un délai raisonnable, la Cour prend en compte la complexité de la procédure, le comportement des parties, ainsi que l’objet de la décision à exécuter (Raïlian c. Russie, no 22000/03, § 31, 15 février 2007).

43. En l’espèce, elle note que, selon le dispositif des jugements, les autorités défenderesses étaient tenues d’octroyer aux requérants un logement conforme aux normes internes de l’habitat et que, pour ce qui concerne plus particulièrement les cas de MM. Bessonov et Kobelev, le dispositif des jugements précisait que le logement devait se situer dans la ville de Moscou.

44. La Cour observe qu’il ne fait pas controverse entre les parties qu’à ce jour aucun des jugements rendus en faveur des requérants n’a été exécuté dans son intégralité. Elle relève que le délai d’exécution est de plus de deux ans en ce qui concerne MM. Bessonov, Varchenko, Murzin, Parshin, Starodubtsev, Timofeyev et Shmotkin et Mmes Grinko et Lukyanchuk, plus de trois ans pour MM. Golubev, Shuvayev, Bespalov et Semenov, plus de quatre ans pour MM. Kalinkin et Kobelev, plus de cinq ans pour MM. Kovalkov, Sharafutdinov et Martynenko, plus de sept ans pour MM. Gukasyan et Neshumov, et enfin plus de neuf ans pour M. Platonov.

45. La Cour prend en compte la reconnaissance explicite par le gouvernement défendeur de la violation de l’article 6 de la Convention à l’égard de dix-neuf des requérants.

46. Pour ce qui est des cas de MM. Bessonov et Kobelev, elle rappelle qu’un Etat ne saurait invoquer un manque de ressources pour justifier un retard dans l’exécution d’une décision de justice (Bourdov, précité, § 35). Par ailleurs, elle n’est pas convaincue par l’argument selon lequel les retards dans l’octroi des logements étaient justifiés par la nécessité de respecter l’ordre établi par des listes d’attente. Elle note en effet que le dispositif des jugements respectifs ne prévoyait nullement qu’il faille respecter un tel ordre (voir, a contrario, Malinovski c. Russie, no 41302/02, § 36, 7 juillet 2005).

47. Quant au comportement de MM. Bessonov et Kobelev, qui aurait contribué au retard dans l’exécution des jugements rendus en leur faveur, la Cour prend note du refus des intéressés d’accepter les offres de logement, et rappelle que les juridictions internes sont en général mieux placées pour interpréter les décisions rendues dans l’ordre juridique interne et pour apprécier la fidélité à ces décisions de l’exécution qui en est faite (Kotsar c. Russie, no 25971/03, § 26, 29 janvier 2009). En l’espèce cependant, elle observe que les offres faites aux requérants étaient manifestement en contradiction avec le dispositif clair et précis des jugements en cause, qui obligeait les autorités à octroyer aux requérants des logements situés à Moscou. Le Gouvernement ne conteste d’ailleurs pas le fait que les logements qu’il a proposés aux intéressés ne se trouvaient pas dans cette ville. La Cour n’a pas besoin de s’appuyer sur les conclusions des instances internes pour constater une évidence, à savoir que la situation géographique des logements proposés n’était pas conforme à ce qui avait été ordonné dans les jugements. Elle considère que, dans ces conditions, on ne saurait reprocher aux requérants d’avoir rejeté les offres en question.

48. Eu égard à ce qui précède, la Cour estime qu’en l’espèce, les jugements rendus en faveur des requérants n’ont pas été exécutés dans un délai raisonnable. Il y a donc eu de ce fait violation de l’article 6 de la Convention.

49. Comme la Cour l’a déjà dit à maintes reprises, lorsqu’un jugement définitif et exécutoire alloue un logement à une personne, celle-ci devient titulaire d’un « bien » au sens de l’article 1 du Protocole no 1 (voir, parmi d’autres, Tétériny c. Russie, no 11931/03, §§ 47-50, 30 juin 2005). La non-exécution des jugements en question dans un délai raisonnable a donc enfreint le droit des requérants au respect de leurs biens. Partant, il y a également eu, dans le chef de ces vingt-neuf requérants, violation de l’article 1 du Protocole no 1.

III. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES

50. Certains des requérants se plaignent d’avoir subi une discrimination, d’avoir été astreints à accomplir un travail forcé, ou encore d’avoir subi une entrave à la liberté de circulation. Certains dénoncent en outre le caractère selon eux inéquitable de procédures civiles auxquelles ils étaient parties.

51. Compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle est compétente pour connaître des allégations formulées, la Cour ne relève aucune apparence de violation de la Convention dans ces allégations. Ces griefs doivent donc être rejetés pour défaut manifeste de fondement, en vertu de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

52. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage matériel

53. Les requérants réclament différentes sommes (voir Annexe no 2) au titre du préjudice matériel qu’ils estiment avoir subi. Ils demandent à être indemnisés pour un manque à gagner, pour l’impossibilité de percevoir une pension de retraite plus élevée, pour les pertes dues à l’inflation, pour l’utilisation par les autorités de leur argent, ou encore pour les frais correspondant au prix de logements dont l’octroi est ordonné par les jugements. Certains des requérants réclament l’exécution des jugements.

54. Le Gouvernement admet que le redressement le plus approprié en l’espèce consisterait à exécuter les jugements rendus en faveur des requérants, en leur octroyant des logements. Il conteste les autres demandes.

55. La Cour note que les procédures d’exécution sont toujours pendantes dans les cas de tous les requérants et que ceux-ci insistent en substance sur l’exécution des jugements rendus en leur faveur. Or, lorsqu’elle conclut à la violation de l’article 6 de la Convention, elle estime qu’en principe le redressement le plus approprié consiste à placer le requérant, autant que possible, dans une situation équivalant à celle où il se trouverait s’il n’y avait pas eu de manquement aux exigences de cette disposition (Poznakhirina c. Russie, no 25964/02, § 33, 24 février 2005). Elle considère donc que l’Etat défendeur doit garantir, par des mesures appropriées, l’exécution sans délai des jugements rendus en faveur des requérants.

56. Pour le surplus, la Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre les violations constatées et le dommage matériel allégué par les requérants, et elle rejette donc leurs demandes à ce titre.

B. Dommage moral

57. Les requérants réclament différentes sommes au titre du préjudice moral qu’ils estiment avoir subi (voir Annexe no 2). M. Bessonov ne formule aucune demande à ce titre.

58. Le Gouvernement estime excessives les sommes demandées par les requérants et propose pour chacun d’eux une somme inférieure à celle réclamée (voir Annexe no 2).

59. La Cour admet que l’inexécution des jugements a été pour les requérants source de détresse et de frustration, sentiments qui, selon sa jurisprudence constante, ne sauraient être compensés par le seul constat de violation de la Convention. Elle renvoie à cet égard à sa pratique en matière d’octroi de satisfaction équitable au titre du dommage moral dans des affaires semblables, notamment dans ses arrêts récents (Kravchenko et autres (logements militaires) c. Russie, nos 11609/05 et al., § 56, 16 septembre 2010). Elle est d’avis que la même approche s’impose en l’espèce et rappelle que les montants de la satisfaction équitable qu’elle accorde dans ce type d’affaires sont, en principe, directement proportionnels aux retards dans l’exécution des jugements internes, compte tenu toutefois d’autres éléments tels que l’enjeu du jugement pour le requérant (le calcul de la satisfaction équitable est exposé plus en détails dans l’arrêt Bourdov (no 2), précité, §§ 154-156). Sur ce dernier point, elle rappelle que l’octroi d’un logement ordonné par les jugements internes en cause en l’espèce est d’une très grande importance pour les requérants, tous militaires de carrière, ainsi que pour leurs familles : cette circonstance n’est pas sans impact sur le dommage moral que les intéressés ont subi en raison des violations constatées.

60. Enfin, au moment d’évaluer le dommage moral subi par les requérants en l’espèce, la Cour ne peut faire abstraction du fait qu’ils sont également victimes d’une violation continue de l’article 13 en raison d’un problème structurel persistant en Fédération de Russie, qui n’était que partiellement résolu à la suite de l’arrêt pilote précité dans l’affaire Bourdov (no 2). Privés de recours internes depuis des années, certains d’entre eux ont tenté de saisir la chance qu’ils espéraient se voir offrir par la nouvelle loi sur l’indemnisation, mais ils ont été déboutés au motif que leurs affaires avaient été exclues du champ d’application de cette loi. Ainsi, les requérants ont été contraints de poursuivre la procédure devant la Cour, celle-ci demeurant le seul moyen d’obtenir une réparation effective des violations pourtant évidentes de la Convention qu’ils ont subies (voir, mutatis mutandis, Scordino c. Italie (no 1) [GC], no 36813/97, § 176, CEDH 2006‑V).

61. La Cour rappelle par ailleurs qu’en application du principe ne ultra petitum, elle n’accorde pas, en règle générale, un montant supérieur à celui demandé par le requérant.

62. Statuant en équité et compte tenu de tous les facteurs pertinents exposés ci-dessus, elle décide d’accorder les sommes indiquées dans la colonne « Satisfaction équitable accordée » de l’Annexe no 2.

63. Pour ce qui est de M. Bessonov, la Cour note que par une lettre du 23 mars 2011, elle l’a invité à soumettre sa demande de satisfaction équitable, mais qu’il n’a formulé aucune demande en ce sens. Dans ces conditions, elle ne peut lui accorder aucune somme en vertu de l’article 41 de la Convention.

C. Frais et dépens

64. Les requérants demandent également différentes sommes pour les frais et dépens engagés par eux devant les juridictions internes et devant la Cour (voir Annexe no 2).

65. Le Gouvernement conteste en partie ces demandes.

66. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce et compte tenu des documents en sa possession et de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable d’accorder les sommes indiquées dans la colonne « Satisfaction équitable accordée » de l’Annexe no 2.

D. Intérêts moratoires

67. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Décide de joindre les requêtes ;

2. Décide de joindre au fond l’éventuelle exception de non-épuisement des voies de recours internes soulevée par le Gouvernement concernant la violation alléguée de l’article 6 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1 en raison de l’inexécution prolongée des jugements ;

3. Déclare les requêtes recevables en ce qui concerne les griefs tirés de l’inexécution des jugements définitifs et exécutoires rendus en faveur des requérants et l’absence de recours interne effectif, et irrecevables pour le surplus ;

4. Dit qu’il y a eu violation de l’article 13 de la Convention en raison de l’absence de voies de recours internes effectives propres à remédier à l’inexécution des jugements rendus en faveur des requérants et, en conséquence, rejette l’éventuelle exception de non-épuisement des voies de recours internes formulée par le Gouvernement ;

5. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1 en raison de l’inexécution prolongée des jugements ordonnant aux autorités d’octroyer un logement aux requérants ;

6. Dit

a) que l’Etat défendeur doit, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, garantir, par des mesures appropriées, l’exécution des jugements rendus en faveur de tous les requérants ;

b) que l’Etat défendeur doit verser aux requérants, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :

i) à M. Kalinkin (requête no 16967/10), 6 200 EUR (six mille deux cents euros) pour dommage moral et 133 EUR (cent trente trois euros) pour frais et dépens,

ii) à M. Martynenko (requête no 37115/08), 9 000 EUR (neuf mille euros) pour dommage moral et 650 EUR (six cent cinquante euros) pour frais et dépens,

iii) à M. Gukasyan (requête no 52141/09), 9 000 EUR (neuf mille euros) pour dommage moral,

iv) à M. Platonov (requête no 57394/09), 9 000 EUR (neuf mille euros) pour dommage moral,

v) à M. Bespalov (requête no 57400/09), 4 700 EUR (quatre mille sept cents euros) pour dommage moral,

vi) à M. Sharafutdinov (requête no 2437/10), 9 000 EUR (neuf mille euros) pour dommage moral,

vii) à M. Neshumov (requête no 3102/10), 9 000 EUR (neuf mille euros) pour dommage moral,

viii) à M. Kovalkov (requête no 12850/10), 9 000 EUR (neuf mille euros) pour dommage moral et 7 EUR (sept euros) pour frais et dépens,

ix) à M. Shuvayev (requête no 13683/10), 4 700 EUR (quatre mille sept cents euros) pour dommage moral,

x) à M. Murzin (requête no 19012/10), 3 900 EUR (trois mille neuf cents euros) pour dommage moral et 400 EUR (quatre cents euros) pour frais et dépens,

xi) à M. Golubev (requête no 19401/10), 4 700 EUR (quatre mille sept cents euros) pour dommage moral et 36 EUR (trente six euros) pour frais et dépens,

xii) à M. Semenov (requête no 20789/10), 5 500 EUR (cinq mille cinq cents euros) pour dommage moral,

xiii) à Mme Lukyanchuk (requête no 22933/10), 3 000 EUR (trois mille euros) pour dommage moral et 20 EUR (vingt euros) pour frais et dépens,

xiv) à M. Kobelev (requête no 26583/10), 7 800 EUR (sept mille huit cents euros) pour dommage moral,

xv) à M. Starodubtsev (requête no 26820/10), 3 100 EUR (trois mille cent euros) pour dommage moral,

xvi) à M. Shmotkin (requête no 26884/10), 3 100 EUR (trois mille cent euros) pour dommage moral,

xvii) à M. Parshin (requête no 28970/10), 3 100 EUR (trois mille cent euros) pour dommage moral,

xviii) à M. Varchenko (requête no 29857/10), 3 100 EUR (trois mille cent euros) pour dommage moral,

xix) à M. Timofeyev (requête no 49975/10), 2 000 EUR (deux mille euros) pour dommage moral et 218 EUR (deux cent dix-huit euros) pour frais et dépens,

xx) à Mme Grinko (requête no 56205/10), 3 100 EUR (trois mille cent euros) pour dommage moral,

plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par les requérants, ces sommes étant à convertir en roubles russes au taux applicable à la date du règlement ;

c) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

7. Rejette les demandes de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 17 avril 2012, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Søren NielsenNina Vajić
GreffierPrésidente

ANNEXE No 1

REQUÊTE No

INTRODUITE LE

|

REQUÉRANT(E)

NÉ(E) LE

|

TRIBUNAL MILITAIRE DE LA GARNISON DE

|

JUGEMENT DU

|

DÉCISION INTERNE REFUSANT UNE INDEMNISATION POUR RETARD DANS L’EXÉCUTION DU JUGEMENT (Date, juridiction)

---|---|---|---|---

16967/10

23/02/2010

|

Kalinkin Aleksandr Vasilyevich

09/03/1957

|

Pskov

|

15 janvier 2008, exécutoire depuis le 29 janvier 2008

|

14 septembre 2010, Section militaire de la Cour suprême de Russie

37115/08

03/06/2008

|

Martynenko Viktor Grigoryevich

25/06/1960

|

Timonovo

|

26 mai 2006, exécutoire depuis le 20 juillet 2006

|

23 novembre 2010, Section militaire de la Cour suprême de Russie

52141/09

14/09/2009

|

Gukasyan Artush Armenakovich

14/05/1958

|

Novorossiysk

|

27 janvier 2005, exécutoire depuis le 8 février 2005

|

27 septembre 2010, tribunal militaire de la circonscription du Caucase du Nord

57394/09

17/09/2009

|

Platonov Alfey Vitalyevich

26/09/1957

|

Vladikavkaz

|

15 octobre 2002, exécutoire depuis le 26 octobre 2002

|

néant

57400/09

29/09/2009

|

Bespalov Aleksandr Sergeyevich

01/07/1963

|

Moscou

|

2 juillet 2008, exécutoire depuis le 16 octobre 2008

|

néant

2437/10

24/12/2009

|

Sharafutdinov Rasim Gilyazetdinovich

30/08/1960

|

Iaroslavl

|

21 février 2007, exécutoire depuis le 6 mars 2007

|

néant

3102/10

24/12/2009

|

Neshumov Viktor Anatolyevich

11/01/1962

|

Moscou

|

1er décembre 2004, exécutoire depuis le 14 décembre 2004

|

21 décembre 2010, Section militaire de la Cour suprême de Russie

12850/10

31/01/2010

|

Kovalkov Aleksandr Yuryevich

06/07/1960

|

Riazan

|

24 janvier 2007, exécutoire depuis le 20 février 2007

|

néant

13683/10

27/01/2010

|

Shuvayev Vasiliy Anatolyevich

07/07/1977

|

Saint-Pétersbourg

|

21 janvier 2009, exécutoire depuis le 6 février 2009

|

1er décembre 2010, tribunal militaire de la circonscription de Leningrad

19012/10

09/03/2010

|

Murzin Nikolay Ivanovich

13/05/1960

|

Koursk

|

10 juin 2009, exécutoire depuis le 23 juillet 2009

|

28 septembre 2010, Section militaire de la Cour suprême de Russie

19401/10

15/03/2010

|

Golubev Aleksandr Ivanovich

06/01/1964

|

Moscou

|

17 décembre 2008, exécutoire depuis le 12 janvier 2009

|

9 décembre 2010, Section militaire de la Cour suprême de Russie

20789/10

05/04/2010

|

Semenov Andrey Yuryevich

12/05/1974

|

Moscou

|

18 juin 2008, exécutoire depuis le 8 juillet 2008

|

néant

22933/10

08/04/2010

|

Lukyanchuk Marianna Mikhaylovna

25/09/1963

|

Novorossiysk

|

9 novembre 2009, exécutoire depuis le 27 novembre 2009

|

17 décembre 2010, tribunal militaire de la circonscription du Caucase du Nord

25167/10

08/04/2010

|

Bessonov Sergey Yuryevich

25/02/1961

|

Moscou

|

23 juillet 2009, exécutoire depuis le 15 octobre 2009

|

néant

26583/10

14/04/2010

|

Kobelev Fyodor[1] Gennadyevich

20/12/1957

|

Moscou

|

14 mai 2007, exécutoire depuis le 1er juin 2007

|

néant

26820/10

24/04/2010

|

Starodubtsev Valeriy Pavlovich

10/12/1962

|

Moscou

|

28 octobre 2009, exécutoire depuis le 10 novembre 2009

|

néant

26884/10

20/04/2010

|

Shmotkin Oleg Nikolayevich

02/03/1968

|

Moscou

|

24 novembre 2009, exécutoire depuis le 15 décembre 2009

|

néant

28970/10

22/04/2010

|

Parshin Valeriy Valentinovich

09/04/1972

|

Moscou

|

28 octobre 2009, exécutoire depuis le 17 novembre 2009

|

néant

29857/10

27/04/2010

|

Varchenko Anton Vasilyevich

20/03/1977

|

Moscou

|

29 octobre 2009, exécutoire depuis le 8 novembre 2009

|

néant

49975/10

31/07/2010

|

Timofeyev Oleg Aleksandrovich

01/07/1969

|

Khabarovsk

|

1er juillet 2009, exécutoire depuis le 17 juillet 2009

|

24 décembre 2010, tribunal militaire de la circonscription d’Extrême-Orient

56205/10

06/09/2010

|

Grinko Elena Anatolyevna

27/10/1958

|

No 95 (Vladimir)

|

8 septembre 2009, exécutoire depuis le 28 octobre 2009

|

néant

ANNEXE No 2

REQUÊTE No

|

REQUÉRANT(E)

|

SATISFACTION DEMANDÉE

|

SATISFACTION PROPOSÉE PAR LE GOUVERNEMENT

|

SATISFACTION ÉQUITABLE ACCORDÉE (EUR)

---|---|---|---|---

16967/10

|

Kalinkin Aleksandr Vasilyevich

|

EUR 10 000 – dommage moral

RUB 5 564,87 – frais et dépens

|

EUR 1 272

RUB 885,90 – frais et dépens

|

dommage moral : 6 200

frais et dépens : 133

37115/08

|

Martynenko Viktor Grigoryevich

|

EUR 20 000 – dommage moral

RUB 60 560 – frais et dépens

|

EUR 1 807

RUB 3 060 – frais et dépens

|

dommage moral : 9 000

frais et dépens : 650

52141/09

|

Gukasyan Artush Armenakovich

|

EUR 30 000 – dommage moral

EUR 20 000 – dommage matériel

|

EUR 2 312

|

dommage moral : 9 000

57394/09

|

Platonov Alfey Vitalyevich

|

s’en remet à la sagesse de la Cour – dommage moral

RUB 3 509 965 – dommage matériel

|

EUR 3 114

|

dommage moral : 9 000

57400/09

|

Bespalov Aleksandr Sergeyevich

|

EUR 15 000 – dommage moral

|

EUR 1 022

|

dommage moral : 4 700

2437/10

|

Sharafutdinov Rasim Gilyazetdinovich

|

EUR 10 000 – dommage moral

|

EUR 1 587

|

dommage moral : 9 000

3102/10

|

Neshumov Viktor Anatolyevich

|

EUR 30 000 – dommage moral

EUR 198 342 – dommage matériel

|

EUR 2 366

|

dommage moral : 9 000

12850/10

|

Kovalkov Aleksandr Yuryevich

|

EUR 49 465 – dommage moral

EUR 254 845,40 – dommage matériel

EUR 7 – frais et dépens

|

EUR 1 601

RUB 283,30 – frais et dépens

|

dommage moral : 9 000

frais et dépens : 7

13683/10

|

Shuvayev Vasiliy Anatolyevich

|

EUR 10 000 – dommage moral

RUB 10 170 611 – dommage matériel

RUB 100 000 – frais et dépens

|

EUR 913

|

dommage moral: 4 700

19012/10

|

Murzin Nikolay Ivanovich

|

EUR 18 000 – dommage moral

RUB 40 050 – frais et dépens

|

EUR 753

RUB 2 050 – frais et dépens

|

dommage moral : 3 900

frais et dépens : 400

19401/10

|

Golubev Aleksandr Ivanovich

|

EUR 15 000 – dommage moral

RUB 9 756,45 – frais et dépens

|

EUR 937

RUB 738,10 – frais et dépens

|

dommage moral : 4 700

frais et dépens : 36

20789/10

|

Semenov Andrey Yuryevich

|

EUR 25 000 – dommage moral

|

EUR 1 118

|

dommage moral : 5 500

22933/10

|

Lukyanchuk Marianna Mikhaylovna

|

EUR 3 000

UAH 220,32 – frais et dépens

|

EUR 631

EUR 6,70 –frais et dépens

|

dommage moral : 3 000

frais et dépens : 20

25167/10

|

Bessonov Sergey Yuryevich

|

ne formule pas de demande de satisfaction équitable

|

néant

|

néant

26583/10

|

Kobelev Fyodor[2] Gennadyevich

|

s’en remet à la sagesse de la Cour – dommage moral

|

néant

|

dommage moral : 7 800

26820/10

|

Starodubtsev Valeriy Pavlovich

|

EUR 10 000 – dommage moral

EUR 11 764,88 – dommage matériel

|

EUR 648

|

dommage moral : 3 100

26884/10

|

Shmotkin Oleg Nikolayevich

|

EUR 30 000 – dommage moral

|

EUR 614

|

dommage moral : 3 100

28970/10

|

Parshin Valeriy Valentinovich

|

EUR 10 000 – dommage moral

EUR 6 619,28 – dommage matériel

|

EUR 641

|

dommage moral : 3 100

29857/10

|

Varchenko Anton Vasilyevich

|

EUR 10 000 – dommage moral

|

EUR 650

|

dommage moral : 3 100

49975/10

|

Timofeyev Oleg Aleksandrovich

|

EUR 2 000 – dommage moral

RUB 9 100 – frais et dépens

|

EUR 759

|

dommage moral : 2 000

frais et dépens : 218

56205/10

|

Grinko Elena Anatolyevna

|

RUB 500 000 – dommage moral

RUB 8 000 000 – dommage matériel

|

EUR 660

|

dommage moral : 3 100

* * *

[1]. Rectifié le 9 Novembre 2012 : le texte était Fyofor

[2]. Rectifié le 20 Novembre 2012 : le texte était Fyofor


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