La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/02/2011 | CEDH | N°41714/08

CEDH | AFFAIRE KARDARAS ET AUTRES c. GRÈCE


PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE KARDARAS ET AUTRES c. GRÈCE
(Requête no 41714/08)
ARRÊT
STRASBOURG
3 février 2011
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Kardaras et autres c. Grèce,
La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en un comité composé de :
Elisabeth Steiner, présidente,   Sverre Erik Jebens,   George Nicolaou, juges,  et de André Wampach, greffier adjoint de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 13 janvier 2011

,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  A l’origine de l’affaire se trouve...

PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE KARDARAS ET AUTRES c. GRÈCE
(Requête no 41714/08)
ARRÊT
STRASBOURG
3 février 2011
Cet arrêt est définitif. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Kardaras et autres c. Grèce,
La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en un comité composé de :
Elisabeth Steiner, présidente,   Sverre Erik Jebens,   George Nicolaou, juges,  et de André Wampach, greffier adjoint de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 13 janvier 2011,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1.  A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 41714/08) dirigée contre la République hellénique et dont trente-quatre ressortissants de cet Etat, dont les noms figurent en annexe, (« les requérants »), ont saisi la Cour le 30 juillet 2008 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2.  Les requérants sont représentés par Me Z. Tsiliouka-Mousmoula, avocate à Athènes. Le gouvernement grec (« le Gouvernement ») a été représenté par les délégués de son agent, M. K. Georgiadis, assesseur auprès du Conseil juridique de l’Etat, et Mme M. Yermani, auditrice auprès du Conseil juridique de l’Etat.
3.  Le 16 novembre 2009, la présidente de la première section a décidé de communiquer les griefs tirés des articles 6 § 1 (durée de la procédure) et 13 de la Convention au Gouvernement. En application du Protocole no 14, la requête a été attribuée à un Comité.
EN FAIT
I.  LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
4.  Les requérants font partie du Système national de santé (Εθνικό Σύστημα Υγείας « ESY ») en qualité de médecins, au grade de directeur, et sont ou étaient employés par l’hôpital public « Evangelismos ».
1.  La procédure introduite le 1er février 1995
5.  Le 1er février 1995, ils saisirent le tribunal administratif d’Athènes d’un recours en annulation du refus de l’hôpital de leur payer une indemnité pour des heures supplémentaires, fixée au pourcentage de 1/65e de leur salaire de base par décision du 14 juin 1991 du ministre de l’Economie, alors qu’ils n’avaient reçu, entre le 1er juillet 1991 et le 31 décembre 1993, qu’une somme correspondant à 1/100e de leur salaire, sur la base d’une décision du 29 juillet 1991 du même ministre. Cette dernière excluait les médecins de l’ESY de l’augmentation de l’indemnité.
6.  Par un jugement avant-dire droit du 30 juin 1997 (signifié aux requérants le 24 octobre 1997), le tribunal administratif demanda au ministère de l’Economie de lui faire savoir si la décision du ministre du 29 juillet 1991 avait été notifiée aux organismes concernés. Par un jugement avant-dire droit du 31 décembre 1998 (signifié aux requérants le 8 mars 1999), le tribunal administratif réitéra la même demande. Par un troisième jugement avant-dire droit du 30 avril 2001 (signifié aux requérants le 16 juillet 2001), le tribunal administratif demanda au ministère de l’Economie de l’informer si la décision du 14 juin 1991 avait en réalité été appliquée aux fonctionnaires de l’Etat, des collectivités locales et à d’autres personnes morales de droit public.
7.  Par un jugement du 25 octobre 2005 (signifié le 16 février 2006), le tribunal administratif débouta les requérants. Il jugea que la décision ministérielle du 14 juin 1991 devait être considérée comme non avenue, comme l’avait déjà considérée le Conseil d’Etat dans d’autres cas, car les formalités pour sa publication n’avaient pas été respectées. Par conséquent, elle ne pouvait pas servir de base légale pour satisfaire la demande des requérants.
8.  Le 4 avril 2006, les requérants interjetèrent appel contre ce jugement devant la cour administrative d’appel d’Athènes. L’audience, initialement fixée au 10 janvier 2007, fut reportée au 5 décembre 2007, à la demande de leur avocat, puis au 3 décembre 2008, dans l’attente de l’arrêt de la Grande Chambre de la Cour européenne dans l’affaire Arvanitaki-Roboti c. Grèce (no 27278/03) qui fut rendu le 15 février 2008. La procédure semble être encore pendante.
2.  La procédure introduite le 29 décembre 1998
9.  Le 29 décembre 1998, les requérants saisirent le tribunal administratif d’Athènes d’une action identique à la précédente mais pour la période allant du 1er janvier 1994 au 31 juillet 1996.
10.  L’audience eut lieu le 19 septembre 2001.
11.  Par un jugement du 30 novembre 2001 (signifié aux requérants le 11 mars 2002), le tribunal administratif les débouta. Il jugea que tant la décision ministérielle du 14 juin 1991 que celle du 29 juillet 1991 n’avaient pas fait l’objet d’un affichage comme cela était prévu par la loi. Par conséquent, comme elles avaient été publiées en violation des prescriptions de la loi, elles devaient être considérées comme non avenues. Le tribunal administratif releva, en outre, que la décision du 29 juillet 1991 avait été annulée par un arrêt du Conseil d’Etat, statuant en formation plénière, car elle était édictée ultra petita. Le jugement fut signifié aux requérants le 11 mars 2002.
12.  Le 9 mai 2002, les requérants saisirent la cour administrative d’appel d’Athènes, qui tint audience le 18 novembre 2004 et rejeta l’appel le 23 décembre 2004. L’arrêt fut mis au net le 2 février 2005.
13.  Le 13 avril 2005, les requérants se pourvurent en cassation devant le Conseil d’Etat. L’audience, initialement fixée au 27 mars 2006, fut ajournée d’office au 13 novembre 2006, puis au 30 avril, 12 novembre 2007, 17 mars, 31 mars, 23 juin, 8 décembre 2008 et enfin au 2 février 2009. Par un arrêt du 18 janvier 2010, le Conseil d’Etat débouta les requérants.
3.  La procédure introduite le 19 décembre 2001
14.  Le 19 décembre 2001, les requérants saisirent également le tribunal administratif d’Athènes d’une action identique contre l’hôpital et l’Etat pour la période du 1er juillet 1991 au 31 juillet 1996.
15.  Par un premier jugement du 28 novembre 2005, le tribunal administratif rejeta l’action pour autant qu’elle était dirigée contre l’hôpital et, par un second jugement du 23 novembre 2006, pour autant qu’elle était dirigée contre l’Etat. Les jugements furent signifiés aux requérants les 25 mai et 20 juin 2007. Les requérants ne formèrent pas appel contre ces jugements.
II.  LE DROIT INTERNE PERTINENT
16.  Selon l’article 33 du décret 341/1978 en vigueur à la date de la saisine du tribunal administratif d’Athènes par les requérants, le président du tribunal pouvait à n’importe quel moment fixer l’audience à une date plus rapproché que celle fixée initialement, soit d’office soit à la demande de l’une des parties.
EN DROIT
I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
17.  Les requérants se plaignent de la durée des procédures devant les juridictions administratives. Ils invoquent l’article 6 § 1 de la Convention, dont la partie pertinente se lit ainsi :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
A.  Sur la recevabilité
18.  En premier lieu, le Gouvernement invite la Cour à rejeter la requête pour non-respect du délai de six mois. A cet égard, il se réfère à la requête des requérants qui auraient admis que la première procédure avait en réalité pris fin avec le jugement du tribunal administratif du 25 octobre 2005, qui les a déboutés puisque la jurisprudence du Conseil d’Etat, notamment les arrêts 3049/2005 et 3160/2005, ne leur était pas favorable. De même, la troisième procédure a pris fin les 25 mai et 20 juin 2007, avec la signification des jugements du tribunal administratif aux requérants, donc plus de six mois avant la saisine de la Cour.
19.  En deuxième lieu, le Gouvernement soutient que les héritiers d’un des requérants, Evangelia (no 12a), Argyro (no 12b) et Konstantinos (no 12c) Kardaras, ainsi que les requérants Antonios Kourkoumpas (no 14) et Ploutarhos Piperopoulos (no 19) ne figurent pas parmi ceux qui se sont pourvus en cassation devant le Conseil d’Etat dans la seconde procédure. Cette procédure ne doit donc pas être prise en compte à leur égard.
20.  En troisième lieu, le Gouvernement relève que le requérant Evripidis Mertzanos (no 16) s’est désisté de la procédure devant la Cour.
21.  Les requérants soulignent qu’ils ont estimé utile de poursuivre la première procédure devant les juridictions supérieures car il y avait eu dans le passé conflit de jurisprudence sur ce type de questions. Ils prétendent, en outre, que les requérants mentionnés par le Gouvernement sont victimes des violations alléguées au même titre que les autres requérants.
22.  La Cour rappelle qu’elle ne peut être saisie qu’après épuisement des voies de recours internes et dans un délai de six mois à partir de la date à laquelle l’intéressé a pris connaissance de la décision interne définitive. En outre, il ne lui appartient pas d’évaluer les chances de succès des requérants lorsqu’ils décident d’épuiser les voies de recours internes. Il convient donc d’écarter l’objection du Gouvernement en ce qui concerne la première procédure, dans la mesure où elle est toujours pendante devant la cour d’appel à la date de la saisine de la Cour.
23.  En revanche, la Cour estime devoir accueillir l’objection du Gouvernement concernant la troisième procédure : celle-ci a pris fin le 20 juin 2007 et la requête a été introduite devant la Cour le 30 juillet 2008.
24.  En outre, la Cour constate que la seconde procédure s’est terminée en 2005 pour les requérants, Evangelia (no 12a), Argyro (no 12b) et Konstantinos (no 12c) Kardaras, ainsi que pour les requérants Antonios Kourkoumpas (no 14) et Ploutarhos Piperopoulos (no 19), et donc à leur égard cette partie du grief doit être déclarée irrecevable pour non-respect du délai de six mois, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
25.  Enfin, il convient de disjoindre la cause de M. Evripidis Mertzanos (no 16), qui s’est désisté, de celle des autres requérants et de la rayer du rôle.
26.  La Cour constate que, pour le reste, le grief tiré de l’article 6 § 1 n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. La Cour relève par ailleurs qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de le déclarer recevable.
B.  Sur le fond
27.  En ce qui concerne la première procédure, la Cour estime que la période à considérer a débuté le 1er février 1995, avec la saisine du tribunal administratif, et est encore pendante devant la cour administrative d’appel. Elle a donc duré plus de quinze ans pour deux degrés de juridiction. La période à considérer pour la deuxième procédure a débuté le 29 décembre 1998, avec la saisine du tribunal administratif, et a pris fin le 18 janvier 2010, avec l’arrêt du Conseil d’Etat. Elle a donc duré plus de onze ans pour trois degrés de juridiction.
28.  Le Gouvernement se prévaut de la complexité de l’affaire, qui posait des questions de droit complexe, faisant l’objet d’une autre procédure pendante devant la formation plénière du Conseil d’Etat, et le nombre de demandeurs dans ces procédures (soixante-dix dans la première et soixante-huit dans la deuxième). Selon lui, la longueur des procédures est due aussi à l’attitude des requérants qui ont fait preuve d’un manque d’intérêt pour le déroulement rapide de celles-ci, notamment l’omission de ceux-ci de faire usage des dispositions de la législation permettant de fixer les dates d’audience à des délais plus courts.
29.  Les requérants soutiennent que l’affaire n’était pas complexe car elle ne concernait que l’interprétation d’une seule disposition législative. Quant au problème posé par le grand nombre de demandeurs, invoqué par le Gouvernement, il ne concerne que le greffe du tribunal et non les magistrats du siège. Enfin, ils soulignent que les dispositions qui permettent d’accélérer la procédure sont rarement appliquées, seulement dans certains cas exceptionnels, comme les pensions des personnes lourdement handicapées. Les retards pour la fixation des audiences devant le tribunal administratif d’Athènes et la cour administrative d’appel d’Athènes atteignent cinq voire six ans.
30.  La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement des requérants et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Frydlender c. France [GC], no 30979/96, § 43, CEDH 2000-VII).
31.  En ce qui concerne la première procédure, la Cour note que le tribunal administratif d’Athènes a mis dix ans environ pour rendre son jugement, période pendant laquelle il a rendu trois décisions avant-dire droit. L’appel interjeté le 4 avril 2006 est encore pendant devant la cour administrative d’appel. L’audience reportée au 3 décembre 2008, dans l’attente de l’arrêt de la Grande Chambre de la Cour dans l’affaire Arvanitaki-Roboti c. Grèce (no 27278/03) qui a été rendu le 15 février 2008, n’a toujours pas eu lieu.
32.  Quant à la deuxième procédure, la Cour relève que celle devant le Conseil d’Etat a duré un peu moins de cinq ans et a fait l’objet de huit ajournements d’office. En sus de cette durée, la Cour estime que celle depuis la saisine du tribunal administratif (29 décembre 1998) et jusqu’à la mise au net de l’arrêt de la cour administrative d’appel (2 février 2005) est aussi extrêmement longue.
33.  Dans ces circonstances, la Cour conclut au dépassement du « délai raisonnable » et à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION
34.  Invoquant l’article 13 de la Convention, les requérants se plaignent de l’absence d’un recours effectif pour se plaindre de la durée d’une procédure.
35.  Le Gouvernement conteste cette thèse. Il soutient que les requérants pouvaient, d’une part, demander la fixation de l’audience à une date plus rapprochée que celle fixée initialement et, d’autre part, introduire une action en dommages-intérêts sur le fondement de l’article 105 de la loi d’accompagnement du code civil.
36.  La Cour relève que ce grief est lié à celui examiné ci-dessus et doit donc aussi être déclaré recevable.
37.  Elle rappelle qu’elle a déjà eu l’occasion de constater que l’ordre juridique hellénique n’offrait pas aux intéressés un recours effectif au sens de l’article 13 de la Convention leur permettant de se plaindre de la durée d’une procédure (voir, parmi beaucoup d’autres, Fraggalexi c. Grèce, no 18830/03, 9 juin 2005, §§ 18-23 et Tsoukalas c. Grèce, no 12286/08, 22 juillet 2010). La Cour ne distingue en l’espèce aucune raison de s’écarter de cette jurisprudence, d’autant plus que le Gouvernement n’affirme pas que l’ordre juridique hellénique a, entre-temps, été doté d’une telle voie de recours.
38.  Il y a donc eu violation de l’article 13 en l’espèce.
III.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1
39.  Invoquant l’article 1 du Protocole no 1, les requérants se plaignent d’avoir été privés d’une partie de l’indemnité au titre des heures supplémentaires effectuées, à laquelle ils prétendaient avoir droit.
40.  La Cour note qu’étant tous médecins et travaillant pour un hôpital public, les requérants avaient engagé ces actions devant le tribunal administratif pour se voir payer un complément d’indemnité fixée à un certain pourcentage de leur salaire, au titre des heures supplémentaires effectuées en se fondant sur une décision ministérielle du 14 juin 1991. Le tribunal administratif les débouta, sur le fondement d’une jurisprudence antérieure du Conseil d’Etat déclarant la décision ministérielle qui prévoyait cette indemnité sans fondement et non avenue en raison d’un non-respect des formalités de publication.
41.  Le grief des requérants dans cette affaire est similaire à celui invoqué dans deux affaires du même type : les arrêts Arvanitaki-Roboti c. Grèce (no 27278/03, 18 mai 2006) et Avdelidis et autres c. Grèce (no 15938/06, 10 avril 2008), dans lesquels la Cour s’était prononcée comme suit :
« La Cour estime que la prétendue créance des requérants ne peut passer pour un « bien » au sens de l’article 1 du Protocole no 1, puisque elle n’a pas été constatée par une décision judiciaire ayant force de chose jugée. Telle est pourtant la condition pour qu’une créance soit certaine et exigible et, partant, protégée par l’article 1 du Protocole no 1 (voir notamment, Raffineries Grecques Stran et Stratis Andreadis c. Grèce, 9 décembre 1994, § 59, série A, no 301-B). En particulier, la Cour note que, tant que leur affaire était pendante devant les juridictions internes, leur action ne faisait naître, dans le chef des requérants, aucun droit de créance, mais uniquement l’éventualité d’obtenir pareille créance. Dès lors, l’arrêt nº 3049/2005 du Conseil d’Etat ayant débouté les requérants de leurs demandes n’a pu avoir pour effet de les priver d’un bien dont ils étaient titulaires. »
42.  En l’espèce, la Cour ne voit pas de raison de s’écarter de cette conclusion.
43.  Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée comme étant manifestement mal fondée, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
IV.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
44.  Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A.  Dommage
45.  Les requérants réclament 18 000 chacun euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’ils auraient subi.
46.  Le Gouvernement souligne que les requérants tentent d’obtenir au titre du dommage moral les sommes qu’ils auraient eues si les juridictions grecques avaient accueilli leurs actions. Ceci ressort clairement du fait que dans leur requête, ils réclamaient initialement 18 000 EUR pour dommage matériel et 1 800 EUR pour dommage moral.
47.  La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué, à supposer qu’il y en a un, et rejette cette demande. En revanche, elle estime que le prolongement de la (ou des) procédure(s) litigieuse(s) au-delà du « délai raisonnable » a causé aux requérants un tort moral certain justifiant l’octroi d’une indemnité. Prenant en compte le nombre des requérants, le nombre des procédures, la nature de la violation constatée ainsi que la nécessité de fixer les sommes de façon à ce que le montant global cadre avec sa jurisprudence en la matière et soit raisonnable à la lumière de l’enjeu de la procédure en cause (Arvanitaki-Roboti et autres c. Grèce [GC], no 27278/03), la Cour alloue à ce titre la somme réclamée, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, à chacun des requérants sous les nos 1 à 11, 13 à 15 et 18 à 34. La même somme doit être accordée conjointement aux héritiers du requérant Haralambos Kardaras (no 12) et du requérant Nikolaos Papadakis (no 17).
B.  Frais et dépens
48.  Les requérants précisent que pour les frais et dépens devant les juridictions internes ainsi que pour ceux devant la cour, chacun a dû s’acquitter d’une somme de 6 690 EUR. Toutefois, ils demandent seulement une somme de 250 EUR tous frais et dépens confondus.
49.  Le Gouvernement souligne que les requérants ne produisent pas les justificatifs nécessaires des sommes qu’ils réclament.
50.  Compte tenu de l’absence de toute justificatif de la part des requérant et de sa jurisprudence en la matière, la Cour rejette la demande relative aux frais et dépens.
C.  Intérêts moratoires
51.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR À L’UNANIMITÉ,
1.  Disjoint la cause du requérant no 16 de celle des autres requérants et la raye du rôle ;
2.  Déclare recevables les griefs tirés des articles 6 § 1 et 13 de la Convention dirigés contre la première et la deuxième procédure, à l’exception de ceux des requérants sous les nos 12, 14 et 19 visant la deuxième procédure, et irrecevable le surplus de la requête ;
3.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;
4.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 13 de la Convention ;
5.  Dit
a)  que l’Etat défendeur doit verser, dans les trois mois, à chacun des requérants sous les nos 1 à 11, 13 à 15 et 18 à 34 et conjointement aux requérants sous le no 12 et sous le no 17, 18 000 EUR (dix-huit mille euros), pour dommage moral, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt ;
b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
6.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 3 février 2011, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
André Wampach Elisabeth Steiner  Greffier adjoint Présidente
ANNEXE
1. Fotios KARDARAS
2. Ioannis AKRIVOS
3. Despina ALEXOPOULOU
4. Ioannis APOSTOLAKIS
5. Mihaïl VASLAMATZIS
6. Theodora GOUMA-PAPADAKI
7. Garyfallia DASKALOPOULOU
8. Nikolaos EXADAKTYLOS
9. Dimitrios KAKAVOS
10. Elisavet KAPASOURI
11. Iris KAPPOU-RIGATOU
12. Haralambos KARDARAS (héritiers : a) Evangelia KARDARA, b) Argyro KARDARA et c) Konstantinos KARDARAS)
13. Violetta KAPSIMALI
14. Antonios KOURKOUMPAS
15. Irini MALAMA-PAPAIOANNOU
16. Evripidis MERTZANOS
17. Nikolaos PAPADAKIS (héritiers : Theodora GOUMA et Christina PAPADAKI)
18. Antigoni PAPAHARALAMBOUS
19. Ploutarhos PIPEROPOULOS
20. Sotiris PRIGOURIS
21. Dimitra RALLI-KARDARA
22. Dimitra RONTOYIANNI
23. Dimokritos SARANTIDIS
24. Harikleia STEFANOPOULOU-SPILIADI
25. Spyros TZEVELEKOS
26. Georgios TZIFAS
27. Georgios TOURLAS
28. Theoni TRIANTAFYLLOU-IOANNIDOU
29. Ioannis TRIPODIANNAKIS
30. Evangelos TSANTOULAS
31. Vasiliki FILADITAKI
32. Ioannis FLOROS
33. Eleni FOTIADOU-PAPPA
34. Paraskevi CHRISOVERGI
ARRÊT KARDARAS ET AUTRES c. GRÈCE
ARRÊT KARDARAS ET AUTRES c. GRÈCE 


Synthèse
Formation : Cour (première section comité)
Numéro d'arrêt : 41714/08
Date de la décision : 03/02/2011
Type d'affaire : Arrêt (au principal et satisfaction équitable)
Type de recours : Violation de l'art. 6-1 ; Violation de l'art. 13

Analyses

(Art. 6) PROCEDURE PENALE, (Art. 6-1) PROCES EQUITABLE


Parties
Demandeurs : KARDARAS ET AUTRES
Défendeurs : GRÈCE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;2011-02-03;41714.08 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award