SUR LA RECEVABILITE de la requête No 26642/95 présentée par Serge-François ZAKOWSKI contre la Grèce La Commission européenne des Droits de l'Homme (Première Chambre), siégeant en chambre du conseil le 28 février 1996 en présence de Mme J. LIDDY, Président en exercice MM. C.L. ROZAKIS E. BUSUTTIL A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL M.P. PELLONPÄÄ B. MARXER N. BRATZA I. BÉKÉS E. KONSTANTINOV G. RESS A. PERENIC C. BÎRSAN K. HERNDL Mme M.F. BUQUICCHIO, Secrétaire de la Chambre Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 21 février 1995 par Serge-François ZAKOWSKI contre la Grèce et enregistrée le 7 mars 1995 sous le N° de dossier 26642/95 ; Vu les rapports prévus à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ; Vu la décision de la Commission, en date du 28 juin 1995, de communiquer le grief tiré de la durée de la procédure et de déclarer la requête irrecevable pour le surplus ; Vu les observations présentées par le Gouvernement défendeur le 25 octobre 1995 et les observations en réponse présentées par le requérant le 18 décembre 1995 ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Le requérant est un ressortissant français, né en 1945. Il est conseiller financier et actuellement détenu à la prison de Corydallos (Pirée). Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit. Le 19 septembre 1990, le requérant, placé en garde à vue à Voula (Athènes) pour fraude, faux en écriture privée et faux témoignage, fut interrogé par la police, suite à quoi le parquet ordonna l'ouverture d'une information. Le 20 septembre 1990, le requérant, assisté d'un interprète, fut conduit devant le juge d'instruction d'Athènes qui procéda à son interrogatoire. Le 24 septembre 1990, le requérant comparut devant le juge d'instruction qui décerna contre lui un mandat de détention provisoire (entalma prosorinis kratisis). Le 25 septembre 1990, le requérant fut incarcéré à la prison de Tripoli, à 300 kms d'Athènes. Les 25 et 26 octobre 1990, le juge d'instruction informa les conseils du requérant que l'instruction était terminée. Le 14 janvier 1991, le requérant demanda la réouverture de l'instruction au motif qu'il avait caché certains points. Le 20 février 1991, le requérant fut transféré à la prison de Corydallos (Pirée). Le 29 mars 1991, la chambre d'accusation de première instance (Symvoulio Plimeliodikon) d'Athènes ordonna la réouverture de l'instruction. Le 12 mai 1991, le requérant s'évada de la prison, en compagnie de 31 autres détenus. Le 18 juin 1991, le juge d'instruction lança un mandat d'arrêt contre le requérant, à la suite duquel il fut arrêté le 16 septembre 1991. Le 7 octobre 1991, la chambre d'accusation de première instance d'Athènes ordonna le renvoi du requérant devant la cour d'assises. La chambre ordonna aussi le maintien en vigueur du mandat d'arrêt du 18 juin 1991 et de la détention provisoire. Saisie d'une demande du parquet, le 8 juin 1993, la chambre d'accusation de deuxième instance (Symvoulio Efeton) d'Athènes, autorisa la prolongation de la détention provisoire du requérant jusqu'au 23 décembre 1993. Le 28 juin 1993, le requérant demanda sa mise en liberté sous contrôle judiciaire. Le 30 juillet 1993, la chambre d'accusation de deuxième instance d'Athènes rejeta la demande du requérant pour des motifs d'ordre public et risque de fuite. Le 27 septembre 1993, la cour d'assises de première instance (Trimeles Efeteio Kakourgimaton) d'Athènes reporta son audience, fixée pour ce jour, au 8 novembre 1993, afin de permettre au requérant de nommer un avocat. Le 8 novembre 1993, par décision N° 2989/1993, la cour d'assises d'Athènes condamna le requérant à une peine d'emprisonnement ferme de 21 ans pour faux et usage de faux, détournement d'objets de grande valeur, contrebande, faux témoignage et fraude. Le même jour, le requérant interjeta appel de ce jugement. L'audience fut fixée au 18 janvier 1995 et reportée ensuite au lendemain où elle fut de nouveau reportée au 6 mars 1996.
GRIEF Le requérant se plaint de la durée de la procédure pénale le concernant, qui ne répondrait pas à l'exigence du "délai raisonnable". Il invoque l'article 6 par. 1 de la Convention.
PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION La requête a été introduite le 21 février 1995 et enregistrée le 7 mars 1995. Le 28 juin 1995, la Commission a décidé, en application de l'article 48 par. 2 b) de son Règlement intérieur, de porter la requête à la connaissance du Gouvernement défendeur, en l'invitant à présenter par écrit ses observations sur la recevabilité et le bien fondé du grief tiré de la durée de la procédure. Elle a déclaré la requête irrecevable pour le surplus. Le Gouvernement a présenté ses observations le 25 octobre 1995, après une prorogation du délai imparti, et le requérant y a répondu le 18 décembre 1995.
EN DROIT Le requérant se plaint de la durée de la procédure pénale le concernant, qui ne répondrait pas à l'exigence du "délai raisonnable". Il invoque l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. L'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention dispose que : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...)." Le Gouvernement argue de la complexité de l'affaire. Il indique que son examen par les tribunaux de première instance fut laborieux compte tenu du nombre des accusations dirigées contre le requérant ainsi que de l'importante documentation qu'il fallut examiner. Le Gouvernement allègue par ailleurs que le comportement du requérant contribua largement à l'allongement de la procédure en raison de son évasion de la prison et des remises d'audiences demandées par lui. Le Gouvernement rappelle enfin que les avocats du barreau d'Athènes étaient en grève pendant la période en question, ce qui provoqua un grave encombrement du rôle des tribunaux. Il affirme enfin que le comportement des autorités nationales n'encourt aucune critique. D'après le requérant, la durée de la procédure ne saurait être considérée comme raisonnable au sens de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. Il conteste que l'affaire soit complexe et affirme que son comportement n'a aucunement provoqué un allongement de celle- ci. La Commission estime qu'à la lumière des critères dégagés par la jurisprudence des organes de la Convention en matière de "délai raisonnable" (complexité de l'affaire, comportement du requérant et des autorités compétentes), et compte tenu de l'ensemble des éléments en sa possession, le grief concernant la longueur de la procédure doit faire l'objet d'un examen au fond. Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité, DECLARE LE RESTANT DE LA REQUETE RECEVABLE, tous moyens de fond réservés. Le Secrétaire de la Le Président en exercice Première Chambre de la Première Chambre (M.F. BUQUICCHIO) (J. LIDDY)