ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)
19 juin 2025 ( *1 )
« Renvoi préjudiciel – Prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme – Directive (UE) 2015/849 – Article 59 – Notion d’“infraction systématique” – Sanctions – Réglementation ou pratique nationale permettant d’infliger une amende distincte pour chaque infraction constatée au cours d’un seul et même contrôle – Compatibilité avec le droit de l’Union – Harmonisation minimale – Respect des principes généraux du droit de l’Union –
Sanctions effectives, proportionnées et dissuasives – Principe ne bis in idem »
Dans l’affaire C‑671/23,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie), par décision du 8 novembre 2023, parvenue à la Cour le 13 novembre 2023, dans la procédure
M
contre
Lietuvos bankas,
LA COUR (sixième chambre),
composée de M. A. Kumin (rapporteur), président de chambre, Mme I. Ziemele et M. S. Gervasoni, juges,
avocat général : M. J. Richard de la Tour,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour le gouvernement lituanien, par Mmes V. Kazlauskaitė-Švenčionienė et E. Kurelaitytė, en qualité d’agents,
– pour le gouvernement espagnol, par Mme M. Morales Puerta, en qualité d’agent,
– pour la Commission européenne, par Mmes C. Auvret, J. Jokubauskaitė et M. G. von Rintelen, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 59 de la directive (UE) 2015/849 du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 2015, relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, modifiant le règlement (UE) no 648/2012 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil et la directive 2006/70/CE de la Commission (JO 2015,
L 141, p. 73).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M, un établissement de monnaie électronique, à la Lietuvos bankas (Banque de Lituanie), au sujet de la décision, prise par cette dernière, d’infliger à M huit amendes distinctes pour avoir commis huit infractions à la législation nationale relative à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Les considérants 1, 2 et 59 de la directive 2015/849 énoncent :
« (1) Les flux d’argent illicite peuvent nuire à l’intégrité, à la stabilité et à la réputation du secteur financier et menacer le marché intérieur de l’Union [européenne], ainsi que le développement international. Le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la criminalité organisée demeurent des problèmes majeurs auxquels il convient de trouver une réponse au niveau de l’Union. En plus de continuer à développer l’approche pénale au niveau de l’Union, il est indispensable de
s’attacher à la prévention ciblée et proportionnée de l’utilisation du système financier aux fins de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme, qui peut produire des résultats complémentaires.
(2) La solidité, l’intégrité et la stabilité des établissements de crédit et des établissements financiers, ainsi que la confiance dans l’ensemble du système financier, pourraient être gravement compromises par les tentatives des criminels et de leurs complices de masquer l’origine des produits du crime ou d’alimenter le terrorisme par des flux d’argent licite ou illicite. [...] [U]n équilibre devrait être recherché entre, d’une part, les objectifs visant à protéger la société contre la
criminalité et à sauvegarder la stabilité et l’intégrité du système financier de l’Union et, d’autre part, la nécessité de créer un environnement réglementaire qui permette aux entreprises de développer leurs activités sans avoir à encourir des coûts disproportionnés pour se conformer aux normes.
[...]
(59) L’importance de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme devrait amener les États membres à prévoir, dans leur droit national, des sanctions et des mesures administratives effectives, proportionnées et dissuasives en cas de non-respect des dispositions nationales transposant la présente directive. [...] La présente directive devrait donc prévoir que les États membres disposent d’un éventail de sanctions et de mesures administratives au moins en cas
d’infractions graves, répétées ou systématiques aux obligations, qu’elle impose aux entités assujetties, en matière de mesures de vigilance à l’égard de la clientèle, de conservation des documents et pièces, de déclaration des transactions suspectes et de contrôles internes. Cet éventail de sanctions et de mesures devrait être suffisamment vaste pour permettre aux États membres et aux autorités compétentes de tenir compte des différences existant entre les entités assujetties, en particulier
entre les établissements de crédit et les établissements financiers, d’une part, et les autres entités assujetties, d’autre part, au regard de leur taille, de leurs caractéristiques et de leur domaine d’activité. Lors de la transposition de la présente directive, les États membres devraient veiller à ne pas enfreindre le principe ne bis in idem lorsqu’ils imposent des sanctions et des mesures administratives conformément à la présente directive et des sanctions pénales conformément à leur
droit national. »
4 L’article 1er de cette directive prévoit, à ses paragraphes 1 et 2 :
« 1. La présente directive vise à prévenir l’utilisation du système financier de l’Union aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme.
2. Les États membres veillent à ce que le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme soient interdits. »
5 L’article 58 de ladite directive dispose, à ses paragraphes 1 et 2 :
« 1. Les États membres veillent à ce que les entités assujetties puissent être tenues responsables en cas d’infraction aux dispositions nationales transposant la présente directive, conformément au présent article et aux articles 59 à 61. Toute sanction ou mesure qui en découle est effective, proportionnée et dissuasive.
2. Sans préjudice du droit des États membres de prévoir et d’imposer des sanctions pénales, les États membres établissent des règles relatives aux sanctions et aux mesures administratives et veillent à ce que leurs autorités compétentes puissent imposer ces sanctions et mesures à l’égard des infractions aux dispositions nationales transposant la présente directive, et ils s’assurent qu’elles sont appliquées.
[...] »
6 L’article 59 de la même directive prévoit :
« 1. Les États membres veillent à ce que le présent article s’applique au moins aux infractions graves, répétées, systématiques, ou qui présentent une combinaison de ces caractéristiques, commises par des entités assujetties, aux exigences prévues aux :
a) articles 10 à 24 (obligations de vigilance à l’égard de la clientèle) ;
b) articles 33, 34 et 35 (déclaration de transactions suspectes) ;
c) article 40 (conservation des documents et pièces) ; et
d) articles 45 et 46 (contrôles internes).
2. Les États membres veillent à ce que, dans les cas visés au paragraphe 1, les sanctions et mesures administratives qui peuvent être appliquées comprennent au moins :
a) une déclaration publique qui précise l’identité de la personne physique ou morale et la nature de l’infraction ;
b) une injonction ordonnant à la personne physique ou morale de mettre un terme au comportement en cause et lui interdisant de le réitérer ;
c) lorsqu’une entité assujettie est soumise à un agrément, le retrait ou la suspension de cet agrément ;
d) l’interdiction temporaire, pour toute personne exerçant des responsabilités dirigeantes au sein d’une entité assujettie ou toute autre personne physique tenue pour responsable de l’infraction, d’exercer des fonctions de direction dans des entités assujetties ;
e) des sanctions administratives pécuniaires maximales d’un montant au moins égal au double du montant de l’avantage tiré de l’infraction, lorsqu’il est possible de déterminer celui-ci, ou d’au moins 1000000 [euros].
3. Les États membres veillent à ce que, par dérogation au paragraphe 2, point e), lorsque l’entité assujettie concernée est un établissement de crédit ou un établissement financier, les sanctions suivantes puissent également s’appliquer :
a) dans le cas d’une personne morale, des sanctions administratives pécuniaires maximales d’au moins 5000000 [euros] ou 10 % du chiffre d’affaires annuel total selon les derniers comptes disponibles approuvés par l’organe de direction ; lorsque l’entité assujettie est une entreprise mère ou une filiale d’une entreprise mère qui est tenue d’établir des comptes consolidés conformément à l’article 22 de la directive 2013/34/UE [du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative aux états
financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d’entreprises, modifiant la directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant les directives 78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil (JO 2013, L 182, p. 19)], le chiffre d’affaires total à prendre en considération est le chiffre d’affaires annuel total ou le type de revenus correspondant conformément aux directives comptables pertinentes, tel qu’il ressort des derniers comptes
consolidés disponibles approuvés par l’organe de direction de l’entreprise mère ultime ;
b) dans le cas d’une personne physique, une sanction pécuniaire administrative d’un montant maximal d’au moins 5000000 [euros] ou, dans les États membres dont l’euro n’est pas la monnaie officielle, la valeur correspondante dans la monnaie nationale au 25 juin 2015.
4. Les États membres peuvent habiliter les autorités compétentes à imposer d’autres types de sanctions administratives outre celles visées au paragraphe 2, points a) à d), ou à imposer des sanctions administratives pécuniaires dépassant les montants visés au paragraphe 2, point e), et au paragraphe 3. »
7 L’article 60 de la directive 2015/849 énonce, à son paragraphe 4 :
« Les États membres veillent à ce que les autorités compétentes, lorsqu’elles déterminent le type de sanctions ou de mesures administratives et leur niveau, tiennent compte de toutes les circonstances pertinentes, et notamment, selon le cas :
a) de la gravité et de la durée de l’infraction ;
b) du degré de responsabilité de la personne physique ou morale tenue pour responsable ;
c) de la solidité financière de la personne physique ou morale tenue pour responsable, par exemple telle qu’elle ressort du chiffre d’affaires total de la personne morale tenue pour responsable ou des revenus annuels de la personne physique tenue pour responsable ;
d) de l’avantage tiré de l’infraction par la personne physique ou morale tenue pour responsable, dans la mesure où il est possible de le déterminer ;
e) des pertes subies par des tiers du fait de l’infraction, dans la mesure où il est possible de les déterminer ;
f) du degré de coopération de la personne physique ou morale tenue pour responsable avec l’autorité compétente ;
g) des infractions antérieures commises par la personne physique ou morale tenue pour responsable. »
Le droit lituanien
La loi PBC/FT
8 Le Lietuvos Respublikos pinigų plovimo ir teroristų finansavimo prevencijos įstatymas Nr. VIII-275 (loi de la République de Lituanie no VIII-275 sur la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme), du 19 juin 1997 (Žin., 1997, no 64-1502), dans sa version modifiée par la loi no XIII-1440, du 30 juin 2018 (ci-après la « loi PBC/FT »), transpose en droit lituanien la directive 2015/849. L’article 34 de cette loi prévoit :
« 1. Est considéré comme une infraction grave à la présente loi :
1) le non‑respect des exigences concernant l’identification du client et du bénéficiaire prévues aux articles 9 à 15 de la présente loi ;
2) le non‑respect des exigences concernant la déclaration des opérations ou transactions monétaires suspectes prévues à l’article 16 de la présente loi ;
3) le non‑respect des exigences concernant la conservation des informations prévues à l’article 19 de la présente loi ;
4) l’omission, par un établissement financier ou une autre entité assujettie, de mettre en place les procédures de contrôle interne prévues à l’article 29 de la présente loi.
2. Est considéré comme une infraction systématique à la présente loi :
1) la commission d’une infraction à la présente loi à au moins trois reprises au cours d’une période d’un an à compter du prononcé d’une sanction pour violation de la présente loi ;
2) lorsque sont constatées simultanément des infractions à des dispositions régissant la prévention du blanchiment de capitaux et/ou du financement du terrorisme, qui englobent plusieurs groupes d’exigences :
a) exigences concernant l’identification du client et du bénéficiaire prévues aux articles 9 à 15 de la présente loi ;
b) exigences concernant la déclaration des opérations ou transactions monétaires suspectes prévues à l’article 16 de la présente loi ;
c) exigences concernant la conservation des informations prévues à l’article 19 de la présente loi ;
d) exigences concernant les procédures de contrôle interne prévues à l’article 29 de la présente loi. »
9 L’article 39 de la loi PBC/FT énonce, à son paragraphe 1 :
« La Banque de Lituanie et le Finansinių nusikaltimų tyrimo tarnyba [(Service d’enquête sur la criminalité financière, Lituanie)] peuvent imposer à un établissement financier ou à une succursale d’un établissement financier étranger les amendes suivantes :
[...]
2) pour des infractions à la présente loi, lorsque l’établissement financier ou la succursale d’un établissement financier étranger enfreint la présente loi de façon systématique, commet une infraction grave à la présente loi ou enfreint celle-ci de façon répétée au cours d’une période d’un an à compter du prononcé d’une sanction pour violation de la présente loi, de 0,5 à 10 % des recettes brutes annuelles (si le montant correspondant à 10 % des recettes brutes annuelles est supérieur
à 5100000 euros) ou de 2000 à 5100000 euros (si le montant correspondant à 10 % des recettes brutes annuelles est inférieur à 5100000 euros). »
La loi sur la Banque de Lituanie
10 L’article 433 du Lietuvos Respublikos Lietuvos banko įstatymas Nr. I‑678 (loi de la République de Lituanie no I‑678 sur la Banque de Lituanie), du 1er décembre 1994 (Žin., 1994, no 99-1957), dans sa version modifiée par la loi no XIII-1854, du 20 décembre 2018 (ci-après la « loi sur la Banque de Lituanie »), dispose, à ses paragraphes 7 et 10 :
« 7. Pour décider s’il y a lieu d’appliquer une sanction et pour déterminer la (les) sanction(s) concrètement appliquée(s) et son (leur) niveau, la Banque de Lituanie tient compte :
1) de la gravité et de la durée de l’infraction constatée ;
2) du montant des revenus ou de tout autre avantage patrimonial tiré par la personne de l’infraction, des pertes évitées ou du dommage causé, dans la mesure où il est possible de le déterminer ;
3) de la faute commise par la personne morale, de la forme et du type de la faute commise par la personne physique, ainsi que de la solidité financière de la personne à laquelle la sanction est infligée ;
4) des infractions antérieures commises par la personne à laquelle la sanction est infligée et des sanctions qui avaient été prises à son égard, ainsi que de sa coopération avec la Banque de Lituanie au cours de l’enquête ;
5) des circonstances atténuantes et aggravantes prévues par la présente loi ainsi que par d’autres lois régissant les marchés financiers ;
6) de l’incidence des infractions à la réglementation constatées et des sanctions (mesures) qu’il est prévu de prendre sur la stabilité et la confiance des marchés financiers ;
7) des mesures prises par la personne à laquelle la sanction est infligée pour éviter que l’infraction se reproduise à l’avenir ;
8) de toute autre circonstance prévue par les lois régissant les marchés financiers ou importante.
[...]
10. Lorsque la sanction applicable consiste en une amende, le montant de l’amende concrètement infligée est déterminé en trois étapes, en tenant compte du montant de base de l’amende et des circonstances visées aux paragraphes 7, 8 et 9 du présent article. Dans un premier temps est fixé, au regard de la gravité et de la durée de l’infraction constatée, le montant de base de l’amende, qui ne peut excéder 50 % du montant maximal de l’amende pouvant être infligée pour une telle infraction. Dans un
deuxième temps, le montant de base de l’amende est, le cas échéant, réduit ou augmenté, compte tenu des circonstances atténuantes et aggravantes et des autres circonstances qui jouent en faveur ou en défaveur de l’intéressé. [...] Dans un troisième temps, le montant de l’amende établi au cours des première et deuxième étapes est, le cas échéant, réduit ou augmenté en tenant compte de la nécessité d’assurer la proportionnalité de la sanction et un effet dissuasif, ainsi que de toute autre
circonstance pertinente qui n’a pas été prise en compte dans le cadre des étapes précédentes. L’autorité de surveillance adopte un acte fixant, conformément aux dispositions du présent article, les règles de calcul de l’amende. »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
11 M est un établissement de monnaie électronique qui a fait l’objet d’une inspection de la Banque de Lituanie couvrant la période comprise entre le 1er avril 2019 et le 31 mars 2020. À la suite de cette inspection, la Banque de Lituanie, par une décision du 13 novembre 2020 (ci-après la « décision litigieuse »), a infligé huit amendes à M pour huit infractions consistant, chacune, en la violation de plusieurs dispositions de la loi PBC/FT et des instructions adressées aux acteurs des marchés
financiers visant à prévenir le blanchiment de capitaux et/ou le financement du terrorisme. La Banque de Lituanie a considéré que chacune de ces infractions revêtait un caractère grave ou relativement grave et que sept d’entre elles revêtaient également un caractère systématique, au sens de l’article 34, paragraphe 2, point 2, de la loi PBC/FT.
12 S’agissant des infractions systématiques commises par M, la Banque de Lituanie a considéré que ces infractions, qu’elles aient consisté en des violations relevant d’un ou de plusieurs des groupes d’exigences visés à cette disposition, devaient être qualifiées d’« infractions systématiques distinctes » justifiant, chacune, l’imposition d’une amende.
13 La Banque de Lituanie a calculé le montant des amendes infligées à M en se fondant sur l’article 433 de la loi sur la Banque de Lituanie et sur le descriptif du calcul des amendes, adopté par le conseil d’administration de la Banque de Lituanie, tout en tenant compte du montant maximal des amendes prévu à l’article 39, paragraphe 1, point 2 de la loi PBC/FT.
14 Dans le cadre de ce calcul, la Banque de Lituanie a fixé le montant de base des amendes, s’agissant des cinq infractions considérées comme graves, à 30 % de l’amende maximale et, s’agissant des trois infractions considérées comme relativement graves, à 20 % de l’amende maximale. Elle a, ensuite, tenu compte des circonstances atténuantes et aggravantes ainsi que des principes de raison et d’équité et a réduit ces montants de base afin que les amendes ne soient pas disproportionnées au regard des
recettes annuelles brutes de M, tout en étant suffisamment élevées pour dissuader M de la commission d’infractions dans l’avenir. Dans ces conditions, la Banque de Lituanie a infligé à M cinq amendes d’un montant de 55000 euros, deux amendes d’un montant de 35000 euros et une amende d’un montant de 25000 euros, soit un montant total de 370000 euros.
15 M a introduit un recours contre la Banque de Lituanie devant le Vilniaus apygardos administracinis teismas (tribunal administratif régional de Vilnius, Lituanie) visant l’annulation partielle de la décision litigieuse, assorti d’une demande d’injonction de faire. M a, notamment, fait valoir, à l’appui de ce recours, que la Banque de Lituanie pouvait constater non pas plusieurs « infractions systématiques distinctes » à la loi PBC/FT, mais seulement une « infraction systématique unique » à cette
loi et, partant, ne pouvait lui infliger qu’une seule amende.
16 Par jugement du 21 septembre 2021, cette juridiction a partiellement fait droit à ce recours et a réduit la somme totale des amendes imposées à M au montant de 200000 euros. Ladite juridiction a cependant rejeté l’argument de M quant à l’existence d’une « infraction systématique unique » à la loi PBC/FT.
17 M a interjeté appel de ce jugement devant le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie), la juridiction de renvoi, afin, d’une part, que ledit jugement, en ce qu’il a partiellement rejeté le recours mentionné au point 15 du présent arrêt, soit annulé, et, d’autre part, que ce recours soit accueilli dans son intégralité. La Banque de Lituanie a également interjeté appel du même jugement afin d’obtenir l’annulation de celui-ci et le rejet intégral dudit
recours.
18 M relève que l’article 34 de la loi PBC/FT prévoit tant des « infractions graves » que des « infractions systématiques » et estime que l’existence de plusieurs infractions graves doit donner lieu à la constatation d’une « infraction systématique unique », et, partant, à l’imposition d’une seule amende, dont le montant maximal est fixé par cette loi. En outre, selon l’interprétation littérale de cet article 34, des violations relevant d’un même groupe d’exigences seraient considérées comme
constituant une seule infraction grave. Par ailleurs, M soutient que la Banque de Lituanie, en s’abstenant de constater une « infraction systématique unique » et en lui infligeant plusieurs amendes alors que les violations constatées concernaient le non-respect d’exigences analogues, a violé le principe ne bis in idem.
19 La Banque de Lituanie soutient, pour sa part, en s’appuyant sur l’article 39, paragraphe 1, point 2, de la loi PBC/FT, que, si l’intention du législateur était de prévoir qu’une amende peut être imposée à un établissement financier lorsque celui-ci a commis au moins une infraction grave à cette loi, il n’existe pas de règle similaire pour l’infraction systématique, de sorte qu’une infraction ne peut être considérée comme systématique que si d’autres infractions à ladite loi ont également été
constatées, comme le précise l’article 34, paragraphe 2, de celle-ci. En outre, la qualification, dans le domaine du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, de plusieurs infractions graves en tant qu’« infraction grave unique » ou en tant qu’« infraction systématique unique » irait à l’encontre des objectifs poursuivis par la directive 2015/849, à savoir la réduction des menaces dans ce domaine et de leurs conséquences négatives sur l’économie et le système financier dans
l’Union. En effet, une telle qualification encouragerait les acteurs des marchés financiers à commettre des violations graves et systématiques dans ledit domaine. Elle rendrait, par ailleurs, impossible l’individualisation de l’amende en fonction de la durée et de la gravité de chaque infraction ainsi que des autres circonstances entourant celle-ci, ce qui affecterait l’exercice, par la personne concernée, de ses droits de la défense.
20 La juridiction de renvoi estime que la présente affaire soulève la question de savoir s’il convient d’interpréter l’article 59 de la directive 2015/849 en ce sens qu’il fait obstacle à une réglementation nationale en vertu de laquelle, dans l’hypothèse où l’autorité compétente d’un État membre constate, au cours d’un seul et même contrôle, plusieurs infractions à des exigences, relevant soit d’un même groupe, soit de groupes d’exigences différents, énoncées à l’article 59, paragraphe 1, sous a)
à d), de cette directive, chacune de ces infractions doit être qualifiée d’« infraction systématique distincte » donnant lieu à une amende distincte, calculée en tenant compte du montant maximal de l’amende prévu par la loi nationale transposant ladite directive.
21 Cette juridiction fait valoir que, contrairement à l’article 59, paragraphe 1, de la directive 2015/849, l’article 34, paragraphe 2, point 2, de la loi PBC/FT prévoit que, pour établir une infraction systématique, des infractions à plusieurs groupes d’exigences visés à cette dernière disposition doivent être constatées. Or, en l’occurrence, par la décision litigieuse, la Banque de Lituanie aurait établi des infractions systématiques distinctes tant pour les violations relevant d’un même groupe
que pour celles relevant de différents groupes d’exigences. Ladite juridiction émet des doutes concernant la conformité à cet article 59 d’une règle nationale permettant d’adopter une telle décision. En l’absence de conformité d’une telle règle nationale audit article, il conviendrait d’examiner quels critères doivent être pris en compte pour déterminer si une infraction a un caractère systématique au sens du même article. La juridiction de renvoi se pose, par ailleurs, la question de savoir si
l’article 39, paragraphe 1, point 2, de la loi PBC/FT, en ce qu’il prévoit la possibilité d’imposer une amende pour « une infraction grave à [cette] loi », a correctement transposé ledit article 59, paragraphe 1, qui vise les « infractions graves, répétées, systématiques ou qui présentent une combinaison de ces caractéristiques ».
22 La juridiction de renvoi observe également que la directive 2015/849 ne contient pas de définition détaillée de la notion d’infraction systématique ou grave. Elle relève encore qu’il ressort de l’article 5 et de l’article 59, paragraphe 4, de cette directive que les États membres disposent d’une certaine marge de manœuvre pour adopter des dispositions plus strictes, dans les limites fixées par le droit de l’Union. Toutefois, la juridiction de renvoi estime que ces articles 5 et 59 ne sauraient
être interprétés en ce sens que ces États membres ont le pouvoir de prévoir des règles ou dispositions nationales en vertu desquelles l’autorité compétente d’un État membre peut infliger une amende distincte pour chacune des infractions aux exigences prévues par ladite directive, constatées au cours d’un seul et même contrôle.
23 La juridiction de renvoi est d’avis que, lorsque des infractions visées à l’article 59, paragraphe 1, de la directive 2015/849 sont établies, il convient d’imposer une seule sanction administrative pécuniaire, dont le montant maximal est fixé à l’article 59, paragraphe 3, sous a), de cette directive. En effet, si des amendes distinctes pouvaient être imposées pour chacune des infractions visées à l’article 59, paragraphe 1, de ladite directive qui ont été constatées simultanément, le montant
maximal total des amendes prononcées en même temps pourrait largement excéder le montant maximal de l’amende prévu au paragraphe 3, sous a), de cet article 59, ce qui pourrait porter atteinte aux principes de sécurité juridique et de proportionnalité.
24 Dans ces conditions, le Lietuvos vyriausiasis administracinis teismas (Cour administrative suprême de Lituanie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Convient-il d’interpréter l’article 59 de la directive 2015/849 en ce sens qu’il fait obstacle à une règle de droit national en vertu de laquelle, si l’autorité nationale compétente constate, au cours d’un même contrôle, plusieurs infractions à des exigences énoncées à l’article 59, paragraphe 1, sous a) à d), de [cette directive] et appartenant à des groupes d’exigences différents, chacune de ces infractions doit être considérée comme une infraction systématique distincte et donner lieu à
une amende distincte, dont le montant est fixé en tenant compte du montant maximal de l’amende prévu par la loi nationale transposant [ladite directive] ?
2) Convient-il d’interpréter l’article 59 de la directive 2015/849 en ce sens qu’il fait obstacle à une règle de droit national en vertu de laquelle, si l’autorité nationale compétente constate, au cours d’un même contrôle, plusieurs infractions à des exigences énoncées à l’article 59, paragraphe 1, sous a) à d), de [cette directive] et qui relèvent d’un même groupe d’exigences, chacune de ces infractions doit être considérée comme une infraction systématique distincte et donner lieu à une amende
distincte, dont le montant est fixé en tenant compte du montant maximal de l’amende prévu par la loi nationale transposant [ladite directive] ?
3) En cas de réponse affirmative à au moins une des questions ci-dessus, quels sont les critères à prendre en compte pour déterminer si une infraction a un caractère systématique au sens de l’article 59 de la directive 2015/849 ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur les première et deuxième questions
25 Par ses première et deuxième questions, qu’il convient de traiter conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 59 de la directive 2015/849 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation ou pratique nationale selon laquelle chacune des « infractions systématiques » aux exigences énoncées au paragraphe 1 de cet article, constatées par l’autorité compétente d’un État membre au cours d’un seul et même contrôle, doit être qualifiée d’« infraction
systématique distincte » donnant lieu à une amende distincte, dont le montant est fixé sur la base du montant maximal de la sanction pécuniaire pouvant être infligée en vertu de cette réglementation ou pratique nationale.
26 À titre liminaire, il convient de préciser que ces questions portent non pas sur le point de savoir si chacune des huit infractions en cause au principal, prise séparément, relève de la notion d’« infraction systématique », au sens de l’article 59, paragraphe 1, de la directive 2015/849, mais sur la question de savoir si cette disposition s’oppose à ce que chacune des infractions relevant de cette notion soit qualifiée d’« infraction systématique distincte » lorsqu’elles ont toutes été constatées
au cours d’un seul et même contrôle et si, dans ce contexte, le fait que ces infractions ont été commises en violation d’exigences relevant de l’un des points a) à d) de cette disposition ou de plusieurs de ces points est déterminant.
Sur l’interprétation de l’article 59 de la directive 2015/849
27 Selon une jurisprudence constante, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêts du 17 novembre 1983, Merck, 292/82, EU:C:1983:335, point 12, et du 18 avril 2024, Citadeles nekustamie īpašumi, C‑22/23, EU:C:2024:327, point 30 ainsi que jurisprudence citée).
28 En premier lieu, aux termes de l’article 59, paragraphe 1, de la directive 2015/849, « [l]es États membres veillent à ce que le présent article s’applique au moins aux infractions graves, répétées, systématiques, ou qui présentent une combinaison de ces caractéristiques, commises par des entités assujetties, aux exigences prévues aux : a) articles 10 à 24 (obligations de vigilance à l’égard de la clientèle) ; b) articles 33, 34 et 35 (déclaration de transactions suspectes) ; c) article 40
(conservation des documents et pièces), et d) articles 45 et 46 (contrôles internes) ». En outre, l’article 59, paragraphes 2 et 3, de cette directive prévoit les sanctions et les mesures administratives que l’autorité compétente d’un État membre doit au moins pouvoir appliquer dans les cas visés à ce paragraphe 1.
29 À cet égard, tout d’abord, il ressort de l’emploi de l’expression « au moins », à l’article 59, paragraphes 1 à 3, de la directive 2015/849, que cette directive ne procède qu’à une harmonisation minimale s’agissant tant des infractions devant être sanctionnées que des sanctions devant être imposées par les États membres. Cette interprétation est confirmée par le fait que, conformément à l’article 59, paragraphe 4, de ladite directive, les États membres peuvent habiliter les autorités compétentes
à imposer d’autres types de sanctions administratives outre celles visées à cet article ou à imposer des sanctions administratives pécuniaires dépassant les montants visés audit article (arrêt du 2 mars 2023, PrivatBank e.a., C‑78/21, EU:C:2023:137, point 65).
30 Ensuite, il y a lieu de souligner que la directive 2015/849 ne définit pas la notion d’« infraction systématique ». En outre, il convient de constater, à l’instar de la Commission européenne, que le fait que les exigences prévues par cette directive sont regroupées à son article 59, paragraphe 1, ne fournit aucune indication quant à la détermination des conditions dans lesquelles il convient de constater l’existence d’« infractions systématiques distinctes ». En effet, les infractions énumérées
aux points a), b), c) et d) de cette disposition concernent un ou des articles relevant respectivement des chapitres II, IV, V et VI de ladite directive, de sorte que cette énumération reflète uniquement la structure de celle-ci.
31 Enfin, contrairement à ce que font valoir la juridiction de renvoi et M, il n’y a pas lieu de requalifier l’ensemble des « infractions systématiques » et des « infractions graves », au sens de l’article 59, paragraphe 1, de la directive 2015/849, constatées au cours d’un seul et même contrôle par l’autorité compétente d’un État membre, d’« infraction systématique unique ». En effet, une telle interprétation ne trouve pas de fondement dans le libellé de cette disposition. De surcroît, l’emploi, à
ladite disposition, des termes « combinaison de ces caractéristiques » permet de considérer qu’une infraction peut être à la fois « systématique » et « grave ».
32 En deuxième lieu, s’agissant du contexte dans lequel s’inscrit l’article 59 de la directive 2015/849, il convient de relever que, conformément à l’article 60, paragraphe 4, de cette directive, « [l]es États membres veillent à ce que les autorités compétentes, lorsqu’elles déterminent le type de sanctions ou de mesures administratives et leur niveau, tiennent compte de toutes les circonstances pertinentes ». En vertu de cette dernière disposition, relèvent notamment de ces circonstances
pertinentes la gravité et la durée de l’infraction, les pertes subies par des tiers ainsi que le degré de responsabilité et de coopération de même que l’avantage tiré de l’infraction et les infractions antérieures commises par la personne physique ou morale tenue pour responsable.
33 Or, une réglementation ou pratique nationale selon laquelle chacune des infractions relevant de la notion d’« infraction systématique », au sens de l’article 59, paragraphe 1, de la directive 2015/849, constatées au cours d’un seul et même contrôle est qualifiée d’« infraction systématique distincte » permet à l’État membre concerné de tenir compte de l’ensemble desdites circonstances pertinentes dans une plus large mesure que ne le permettrait une réglementation nationale selon laquelle ces
infractions, prises ensemble, devraient être qualifiées d’« infraction systématique unique ».
34 Par ailleurs, les États membres disposent, dans le cadre de la transposition de la directive 2015/849, d’une large marge d’appréciation quant à la manière appropriée de mettre en œuvre l’obligation de prévoir des sanctions et des mesures administratives en cas d’infractions aux exigences prévues par cette directive (voir, par analogie, arrêt du 17 novembre 2022, Rodl & Partner, C‑562/20, EU:C:2022:883, point 45).
35 En troisième lieu, l’interprétation littérale et contextuelle qui ressort des points 29 et 32 à 34 du présent arrêt est confirmée par l’interprétation téléologique de la directive 2015/849, qui a pour objectif principal, ainsi qu’il ressort de son intitulé et de son article 1er, paragraphes 1 et 2, la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme. Plus spécifiquement, les dispositions de cette directive visent à établir, selon
une approche fondée sur le risque, un ensemble de mesures préventives et dissuasives permettant de lutter efficacement contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, afin d’éviter, comme il ressort du considérant 1 de ladite directive, que des flux d’argent illicite puissent nuire à l’intégrité, à la stabilité et à la réputation du secteur financier de l’Union, et menacer son marché intérieur ainsi que le développement international (arrêt du 5 décembre 2024, MISTRAL TRANS,
C‑3/24, EU:C:2024:999, points 25 et 26 ainsi que jurisprudence citée).
36 La directive 2015/849 procède, à cette fin, à une harmonisation minimale s’agissant tant des infractions aux exigences prévues par cette directive devant être sanctionnées que des sanctions devant être imposées par les États membres (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2021, ECOTEX BULGARIA, C‑544/19, EU:C:2021:803, point 44).
37 Eu égard à ce qui précède, il convient d’interpréter l’article 59 de la directive 2015/849 en ce sens que, si les États membres doivent au moins sanctionner les infractions visées à son paragraphe 1, et ce en prévoyant à tout le moins les sanctions et les mesures administratives énoncées à ses paragraphes 2 et 3, ils ont toutefois la faculté de prévoir d’autres sanctions et mesures, y inclus pour d’autres infractions que celles énumérées à ce paragraphe 1 dès lors que cet article 59 ne procède
qu’à une harmonisation minimale.
38 Ainsi, la directive 2015/849 ne s’oppose pas, en principe, à une réglementation ou pratique nationale qui prévoit que chacune des infractions présentant un caractère systématique, constatées au cours d’un seul et même contrôle, soit qualifiée d’« infraction systématique distincte » donnant lieu à une amende distincte.
Sur le respect des principes généraux du droit de l’Union
39 Dans le cadre de la marge d’appréciation que leur reconnaît l’article 59 de la directive 2015/849, les États membres sont tenus d’exercer leurs compétences dans le respect du droit de l’Union et de ses principes généraux, et, en particulier, dans le respect des principes de proportionnalité, ne bis in idem et d’effectivité, lequel impose que ces sanctions présentent un caractère effectif et dissuasif (voir, par analogie, arrêt du 17 novembre 2022, Rodl & Partner, C‑562/20, EU:C:2022:883, point 49
et jurisprudence citée).
40 Ce constat ressort également du libellé du considérant 59 et de l’article 58, paragraphe 1, de la directive 2015/849, au titre desquels les États membres doivent prévoir des sanctions et des mesures administratives effectives, proportionnées et dissuasives.
– Sur le principe d’effectivité
41 Concernant le principe d’effectivité, conformément à une jurisprudence constante, la réglementation nationale applicable ne doit pas être aménagée de manière à rendre en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (arrêt du 5 mars 2019, Eesti Pagar, C‑349/17, EU:C:2019:172, point 137 et jurisprudence citée).
42 À cet égard, il convient de rappeler que l’exigence d’effectivité s’étend nécessairement tant aux poursuites et aux sanctions des infractions portant atteinte à l’intégrité, à la stabilité ou à la réputation du système financier de l’Union, que la directive 2015/849 vise à prévenir ainsi qu’il ressort de l’article 1er, paragraphe 1, de cette directive, lu en combinaison avec les considérants 1 et 2 de celle-ci, qu’à l’application des peines infligées, dans la mesure où, en l’absence d’exécution
effective des sanctions, celles-ci ne sauraient présenter un caractère effectif et dissuasif. Dans ce contexte, il incombe au législateur national de garantir que le régime procédural applicable à la poursuite et à la sanction de ces infractions ne soit pas conçu de telle manière qu’il présente, pour des raisons inhérentes à celui-ci, un risque systémique d’impunité des faits constitutifs de telles infractions (voir, par analogie, arrêt du 21 décembre 2021, Euro Box Promotion e.a., C‑357/19,
C‑379/19, C‑547/19, C‑811/19 et C‑840/19, EU:C:2021:1034, points 192 et 193).
43 Or, une mesure est effective et dissuasive lorsqu’elle incite les acteurs impliqués à éviter des sanctions et, dans l’hypothèse où une amende a été infligée, à payer cette dernière dans les plus brefs délais (voir, en ce sens, arrêt du 19 octobre 2016, EL-EM-2001, C‑501/14, EU:C:2016:777, point 47).
44 En l’occurrence, il convient de constater qu’une réglementation ou pratique nationale selon laquelle chacune des infractions revêtant un caractère systématique, constatées au cours d’un seul et même contrôle, est qualifiée d’« infraction systématique distincte » donnant lieu à une amende distincte incite les acteurs impliqués à éviter les sanctions et prévient un risque systémique d’impunité en ce qu’une telle réglementation ou pratique décourage les acteurs impliqués ayant commis une telle
infraction à commettre davantage d’infractions. Partant, sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, la réglementation ou pratique nationale en cause au principal semble conforme au principe d’effectivité.
– Sur le principe de proportionnalité
45 S’agissant du principe de proportionnalité, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, les mesures administratives ou répressives permises par la législation nationale pertinente ne doivent pas excéder les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimement poursuivis par cette législation, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les
inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux objectifs visés. En particulier, la rigueur des sanctions imposées doit être en adéquation avec la gravité des violations qu’elles visent à réprimer, notamment, en assurant un effet réellement dissuasif, tout en respectant le principe général de proportionnalité (arrêts du 6 octobre 2021, ECOTEX BULGARIA, C‑544/19, EU:C:2021:803, points 99 et 100, et du 21 novembre 2024, Еkоstroy, C‑61/23, EU:C:2024:974, points 43 et 45 ainsi que
jurisprudence citée).
46 Par ailleurs, le principe de proportionnalité s’impose en ce qui concerne non seulement la détermination des éléments constitutifs d’une infraction, mais également la détermination des règles relatives à l’intensité des amendes et l’appréciation des éléments pouvant entrer en ligne de compte pour la fixation de celles-ci (arrêt du 6 octobre 2021, ECOTEX BULGARIA, C‑544/19, EU:C:2021:803, point 98 et jurisprudence citée).
47 S’il appartient, en dernier lieu, au juge national, qui est seul compétent pour apprécier les faits et pour interpréter la législation nationale, de déterminer s’il est, en l’occurrence, satisfait à ces exigences, la Cour, dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, est compétente, sur la base du dossier de l’affaire au principal ainsi que des observations qui lui ont été soumises, pour fournir à la juridiction de renvoi des indications utiles, de nature à lui permettre de trancher le litige dont elle
est saisie (arrêt du 2 mars 2023, PrivatBank e.a., C‑78/21, EU:C:2023:137, point 71 ainsi que jurisprudence citée).
48 En l’occurrence, la loi PBC/FT, qui transpose la directive 2015/849, vise, ainsi qu’il ressort de son intitulé, à prévenir le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. C’est à cette fin que l’article 34, paragraphe 2, de la loi PBC/FT définit la notion d’« infraction systématique » à cette loi et que l’article 39, paragraphe 1, point 2, de ladite loi prévoit le montant des amendes pouvant être imposées lorsqu’une telle infraction systématique a été constatée. Selon les informations
fournies par la juridiction de renvoi, en vertu de la réglementation ou pratique nationale en cause au principal, chacune des infractions systématiques à la même loi, constatées par l’autorité compétente au cours d’un seul et même contrôle, doit être qualifiée d’« infraction systématique distincte » donnant lieu à une amende distincte dont le montant est fixé en tenant compte du montant maximal que cette réglementation prévoit.
49 S’agissant, premièrement, de la question de savoir si la réglementation ou pratique nationale en cause au principal est propre à garantir la réalisation des objectifs poursuivis, il convient de rappeler, d’une part, qu’une réglementation nationale n’est propre à garantir la réalisation de l’objectif invoqué que si elle répond véritablement au souci de l’atteindre d’une manière cohérente et systématique et, d’autre part, que, dans le cas où l’objectif d’une réglementation nationale est, comme en
l’occurrence, la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, cette réglementation doit être regardée comme étant propre à garantir la réalisation de l’objectif préventif ainsi invoqué lorsqu’elle aide à diminuer le risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme (arrêt du 2 mars 2023, PrivatBank e.a., C‑78/21, EU:C:2023:137, points 72 et 73 ainsi que jurisprudence citée).
50 Or, les dispositions de la directive 2015/849, qui présentent un caractère préventif, visent à mettre en œuvre, selon une approche fondée sur le risque, un ensemble de mesures préventives et dissuasives permettant de lutter efficacement contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, afin d’éviter, comme il ressort du considérant 1 de cette directive, que des flux d’argent illicite puissent nuire à l’intégrité, à la stabilité et à la réputation du secteur financier de l’Union,
menacer son marché intérieur, ainsi que le développement international (arrêt du 2 mars 2023, PrivatBank e.a., C‑78/21, EU:C:2023:137, point 75).
51 Parmi ces mesures préventives et dissuasives permettant de lutter efficacement contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme figurent celles visées à l’article 59 de la directive 2015/849, imposant aux États membres de sanctionner au moins les violations mentionnées au paragraphe 1 de cet article et, à cette fin, de prévoir au moins les sanctions visées aux paragraphes 2 et 3 dudit article. Or, ces dispositions ont été transposées en droit lituanien par l’article 34 et
l’article 39, paragraphe 1, point 2, de la loi PBC/FT.
52 Partant, il apparaît qu’une réglementation ou pratique nationale telle que celle en cause au principal est appropriée pour garantir la réalisation des objectifs légitimes qu’elle poursuit, afférents à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme.
53 Deuxièmement, s’agissant du caractère nécessaire de la réglementation ou pratique nationale en cause au principal, il convient de constater que, en soi, le fait de prévoir que chacune des infractions systématiques à la loi PBC/FT, constatées par l’autorité compétente au cours d’un seul et même contrôle, doit être qualifiée d’« infraction systématique distincte » donnant lieu à une amende distincte ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre la finalité poursuivie par cette
réglementation ou pratique.
54 En effet, afin de prévenir le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, il convient de dissuader les acteurs impliqués ayant commis une violation de la loi PBC/FT de commettre de nouvelles violations de cette loi dans l’avenir. Or, il est nécessaire à cette fin de prévoir que, lorsque plusieurs violations de cette loi sont constatées au cours d’un seul et même contrôle, ces acteurs puissent se voir imposer soit une sanction plus grave que pour une violation unique, soit, ainsi
qu’il ressort du point 44 du présent arrêt, une sanction distincte pour chacune des violations commises.
55 Si une sanction pécuniaire apparaît comme étant moins restrictive que le retrait ou la suspension de l’agrément, visés à l’article 59, paragraphe 2, sous c), de la directive 2015/849 (voir, en ce sens, arrêt du 2 mars 2023, PrivatBank e.a., C‑78/21, EU:C:2023:137, point 90), il incombe toutefois à la juridiction de renvoi de s’assurer que, dans une situation dans laquelle plusieurs infractions systématiques sont constatées au cours d’un seul et même contrôle par l’autorité compétente, le fait de
fixer, conformément à la réglementation ou pratique nationale en cause au principal, le montant de l’amende pour chacune de ces infractions en tenant compte du même montant minimal et du même montant maximal qu’en cas d’infraction systématique unique ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour la réalisation des objectifs poursuivis.
56 En effet, la possibilité de cumuler des amendes, dont chacune ne peut être inférieure au montant minimal prévu à l’article 39, paragraphe 1, point 2, de la loi PBC/FT, dans la seule limite d’un montant égal au montant maximal prévu à cette disposition multiplié par le nombre d’amendes infligées, peut aboutir, dans une telle situation, à l’imposition de sanctions pécuniaires d’un montant considérable, pouvant s’élever à plusieurs millions d’euros.
57 Si, prises isolément, de telles caractéristiques, concernant le calcul des amendes imposées pour sanctionner plusieurs infractions systématiques constatées au cours d’un seul et même contrôle, ne vont pas nécessairement au-delà des limites de ce qui est nécessaire pour la réalisation des objectifs que la réglementation ou pratique nationale en cause au principal poursuit, la combinaison de ces différentes caractéristiques, en particulier la possibilité de cumuler les amendes qui ne peuvent être
inférieures à un montant prédéfini, dans la seule limite d’un montant correspondant à plusieurs fois le montant maximal prévu pour chacune de ces amendes, est toutefois susceptible de méconnaître cette exigence [voir, en ce sens, arrêts du 12 septembre 2019, Maksimovic e.a., C‑64/18, C‑140/18, C‑146/18 et C‑148/18, EU:C:2019:723, points 42, 47 et 48, et du 8 mars 2022, Bezirkshauptmannschaft Hartberg-Fürstenfeld (Effet direct), C‑205/20, EU:C:2022:168, points 40 et 41].
58 Cela étant, il ressort de l’article 433, paragraphe 10, de la loi sur la Banque de Lituanie que le montant de l’amende est, le cas échéant, réduit ou augmenté en tenant compte de la nécessité d’assurer la proportionnalité de la sanction. Ainsi, il semble que la Banque de Lituanie dispose d’une marge d’appréciation lui permettant de fixer des sanctions pécuniaires de telle manière qu’elles n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour prévenir le blanchiment de capitaux et le financement du
terrorisme, ce qu’il appartient toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier dans le cas concret.
59 Troisièmement, s’agissant de l’adéquation des sanctions avec la gravité des infractions constatées, il convient de rappeler que, lorsque la réglementation nationale prévoit un cumul de sanctions, tel que le cumul de plusieurs sanctions pécuniaires, les autorités compétentes ont l’obligation de s’assurer que la sévérité de l’ensemble des sanctions imposées n’excède pas la gravité de l’infraction constatée, sous peine de méconnaître le principe de proportionnalité. En outre, ce principe exige que,
lors de la détermination de la sanction ainsi que de la fixation du montant de l’amende, il soit tenu compte des circonstances individuelles du cas d’espèce [voir, en ce sens, arrêt du 19 octobre 2023, G. ST. T. (Proportionnalité de la peine en cas de contrefaçon), C‑655/21, EU:C:2023:791, points 66 et 67 ainsi que jurisprudence citée].
60 Doit également être prise en compte, pour apprécier la proportionnalité des sanctions, la possibilité dont dispose le juge national de modifier la qualification par rapport à celle figurant dans l’acte adopté par l’autorité compétente d’un État membre, cette possibilité étant de nature à conduire à l’application d’une sanction moins sévère, et celle de moduler la sanction par rapport à la gravité de l’infraction constatée [voir, en ce sens, arrêt du 19 octobre 2023, G. ST. T. (Proportionnalité de
la peine en cas de contrefaçon), C‑655/21, EU:C:2023:791, point 68 et jurisprudence citée].
61 En l’occurrence, d’une part, l’article 433, paragraphes 7 et 10, de la loi sur la Banque de Lituanie prévoit qu’il convient de tenir compte, lors de la détermination d’une sanction ainsi que de la fixation du montant de l’amende, des circonstances individuelles du cas concret ainsi que de la nécessité d’assurer la proportionnalité des sanctions, et, d’autre part, ainsi qu’il ressort du point 14 du présent arrêt, la Banque de Lituanie a tenu compte de ces circonstances tout en réduisant le montant
de base des amendes en cause au principal au motif qu’elles étaient disproportionnées au regard des recettes annuelles brutes de M.
62 Par ailleurs, l’article 59, paragraphe 2, sous e), et paragraphe 3, de la directive 2015/849 établit non pas un plafond, mais un seuil en ce qui concerne le montant maximal des sanctions pécuniaires que les États membres doivent pouvoir imposer. Il n’en demeure pas moins qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier que la sévérité de l’ensemble des sanctions imposées en l’occurrence à M n’excède pas la gravité des infractions constatées.
63 Si, eu égard à ce qui précède, la réglementation ou pratique nationale en cause au principal semble être conforme au principe de proportionnalité, il incombe toutefois à la juridiction de renvoi de s’assurer, en l’occurrence, d’une part, que les sanctions imposées par la Banque de Lituanie à M ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour prévenir le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, et, d’autre part, que la rigueur de ces sanctions est en adéquation avec la gravité des
violations qu’elles visent à réprimer.
– Sur le principe ne bis in idem
64 En ce qui concerne le principe ne bis in idem, dont l’applicabilité doit être vérifiée par la juridiction de renvoi [voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2023, Volkswagen Group Italia et Volkswagen Aktiengesellschaft, C‑27/22, EU:C:2023:663, point 46], il convient de rappeler que ce principe interdit un cumul tant de poursuites que de sanctions présentant une nature pénale, au sens de l’article 50 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), pour les
mêmes faits et contre une même personne. L’application dudit principe est soumise à une double condition, à savoir, d’une part, qu’il y ait une décision antérieure définitive (condition « bis ») et, d’autre part, que les mêmes faits soient visés par la décision antérieure et par les poursuites ou les décisions postérieures (condition « idem ») (arrêt du 25 janvier 2024, Parchetul de pe lângă Curtea de Apel Craiova, C‑58/22, EU:C:2024:70, points 46 et 47 ainsi que jurisprudence citée).
65 En ce qui concerne la condition « bis », pour qu’une personne puisse être considérée comme ayant fait l’objet d’un « jugement pénal définitif » pour les faits qui lui sont reprochés, au sens de l’article 50 de la Charte, il importe, d’une part, que l’action publique ait été définitivement éteinte, conformément au droit national et, d’autre part, que cette décision ait été rendue à la suite d’une appréciation portée sur le fond de l’affaire concernée (arrêt du 25 janvier 2024, Parchetul de pe
lângă Curtea de Apel Craiova, C‑58/22, EU:C:2024:70, points 48 et 53 ainsi que jurisprudence citée).
66 Il résulte d’une jurisprudence constante que l’article 50 de la Charte ne se limite pas aux seules poursuites et sanctions qui sont qualifiées de « pénales » par le droit national, mais s’étend – indépendamment d’une telle qualification en droit national – à des poursuites et à des sanctions qui doivent être considérées comme revêtant une nature pénale en raison de la nature même de l’infraction ou du degré de sévérité de la sanction que risque de subir l’intéressé (arrêt du 30 janvier 2025,
Engie România, C‑205/23, EU:C:2025:43, point 49 et jurisprudence citée).
67 S’agissant de la condition « idem », il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie de la Cour, le critère pertinent aux fins d’apprécier l’existence d’une même infraction, au sens de l’article 50 de la Charte, est celui de l’identité des faits matériels, compris comme l’existence d’un ensemble de circonstances concrètes indissociablement liées entre elles qui ont conduit à l’acquittement ou à la condamnation définitive de la personne concernée. Ainsi, cet article interdit
d’infliger, pour des faits identiques, plusieurs sanctions de nature pénale à l’issue de différentes procédures menées à ces fins (arrêt du 25 janvier 2024, Parchetul de pe lângă Curtea de Apel Craiova, C‑58/22, EU:C:2024:70, point 67 et jurisprudence citée). En revanche, le principe ne bis in idem n’a pas vocation à s’appliquer lorsque les faits en cause sont non pas identiques, mais seulement similaires (arrêt du 22 mars 2022, bpost, C‑117/20, EU:C:2022:202, point 36).
68 Pour déterminer s’il existe un tel ensemble de circonstances concrètes, les instances nationales compétentes doivent déterminer si les faits matériels de ces différentes procédures constituent un ensemble de faits indissociablement liés dans le temps, dans l’espace ainsi que par leur objet (arrêt du 14 septembre 2023, Bezirkshauptmannschaft Feldkirch, C‑55/22, EU:C:2023:670, point 57 et jurisprudence citée).
69 En l’occurrence, contrairement à ce que prétend M, le dossier dont dispose la Cour ne comporte aucun élément permettant de conclure à la violation du principe ne bis in idem. Si, certes, il ne peut d’emblée être exclu que les amendes en cause au principal puissent être considérées comme revêtant une nature pénale au regard de leur degré de sévérité, l’article 58, paragraphe 2, de la directive 2015/849 permettant aux États membres de prévoir et d’imposer des sanctions pénales, il convient
toutefois de constater, d’une part, qu’il ne ressort pas de ce dossier que M se serait vu infliger des amendes par une décision définitive antérieure à la décision litigieuse concernant des faits matériels identiques à ceux ayant fait l’objet de cette décision. D’autre part, les différentes infractions constatées dans ladite décision concernaient la violation de différentes dispositions de la loi PBC/FT et des instructions adressées aux acteurs des marchés financiers visant à prévenir le
blanchiment de capitaux et/ou le financement du terrorisme et, partant, des faits qui sont seulement similaires et non pas identiques.
70 Or, il ressort de la jurisprudence que le principe ne bis in idem ne s’applique pas à une situation dans laquelle des sanctions concernant plusieurs infractions à différentes dispositions du droit national transposant le droit de l’Union ont été infligées par la même autorité dans une seule et même décision (voir, en ce sens, arrêt du 4 mars 2020, Marine Harvest /Commission, C‑10/18 P, EU:C:2020:149, point 78).
71 Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux première et deuxième questions que l’article 59 de la directive 2015/849 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation ou pratique nationale selon laquelle chacune des « infractions systématiques » aux exigences énoncées au paragraphe 1 de cet article 59, constatées par l’autorité compétente d’un État membre, au cours d’un seul et même contrôle, doit être qualifiée d’« infraction
systématique distincte » donnant lieu à une amende distincte, dont le montant est fixé sur la base du montant maximal de la sanction pécuniaire pouvant être infligée en vertu de cette réglementation ou pratique nationale, pour autant que les principes généraux du droit de l’Union soient respectés, en particulier les principes d’effectivité et de proportionnalité.
Sur la troisième question
72 Eu égard à la réponse apportée aux première et deuxième questions, il n’y a pas lieu de répondre à la troisième question.
Sur les dépens
73 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :
L’article 59 de la directive (UE) 2015/849 du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 2015, relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, modifiant le règlement (UE) no 648/2012 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil et la directive 2006/70/CE de la Commission,
doit être interprété en ce sens que :
il ne s’oppose pas à une réglementation ou pratique nationale selon laquelle chacune des « infractions systématiques » aux exigences énoncées au paragraphe 1 de cet article 59, constatées par l’autorité compétente d’un État membre, au cours d’un seul et même contrôle, doit être qualifiée d’« infraction systématique distincte » donnant lieu à une amende distincte, dont le montant est fixé sur la base du montant maximal de la sanction pécuniaire pouvant être infligée en vertu de cette réglementation
ou pratique nationale, pour autant que les principes généraux du droit de l’Union soient respectés, en particulier les principes d’effectivité et de proportionnalité.
Signatures
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( *1 ) Langue de procédure : le lituanien.