La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/03/2023 | CJUE | N°C-758/21

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Mme L. Medina, présentées le 30 mars 2023., Ryanair DAC et Airport Marketing Services Ltd contre Commission européenne., 30/03/2023, C-758/21


 CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME LAILA MEDINA

présentées le 30 mars 2023 ( 1 )

Affaire C‑758/21 P

Ryanair DAC,

Airport Marketing Services Ltd

contre

Commission européenne

« Pourvoi – Aide d’État – Aide mise à exécution par l’Autriche en faveur de l’aéroport de Klagenfurt, de Ryanair et d’autres compagnies aériennes utilisant cet aéroport – Article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal – Article 17 du règlement (UE) 2015/1589 – Données pertin

entes pour le calcul de l’aide à récupérer »

1. Par leur pourvoi, Ryanair DAC et Airport Marketing Services Ltd (ci-apr...

 CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME LAILA MEDINA

présentées le 30 mars 2023 ( 1 )

Affaire C‑758/21 P

Ryanair DAC,

Airport Marketing Services Ltd

contre

Commission européenne

« Pourvoi – Aide d’État – Aide mise à exécution par l’Autriche en faveur de l’aéroport de Klagenfurt, de Ryanair et d’autres compagnies aériennes utilisant cet aéroport – Article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal – Article 17 du règlement (UE) 2015/1589 – Données pertinentes pour le calcul de l’aide à récupérer »

1. Par leur pourvoi, Ryanair DAC et Airport Marketing Services Ltd (ci-après « AMS » et, conjointement, les « requérantes ») demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal du 29 septembre 2021, Ryanair e.a./Commission (T‑448/18, non publié, ci‑après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:626). Cet arrêt a rejeté leur recours tendant à l’annulation partielle de la décision (UE) 2018/628 ( 2 ), en ce qu’elle concerne ces requérantes.

I. Les antécédents du litige

2. Les antécédents du litige sont exposés aux points 1 à 39 de l’arrêt sous pourvoi. Pour les besoins du présent pourvoi, il est possible de les résumer de la manière suivante.

3. Ryanair est une compagnie aérienne et AMS est sa filiale qui fournit des solutions en matière de stratégie de marketing, la majeure partie de son activité consistant à vendre des espaces publicitaires sur le site Internet de Ryanair. L’aéroport de Klagenfurt (Autriche, ci-après « KLU ») se trouve en périphérie de cette ville, qui est la capitale du Land de Carinthie. Le propriétaire et exploitant de l’aéroport est Kärntner Flughafen Betriebsgesellschaft mbH (ci-après « KFBG »). Les détenteurs
finaux des actions de KFBG ont toujours été des autorités ou des entités publiques. KFBG possède une filiale détenue à 100 %, Destinations Management GmbH (ci-après « DMG »), qui fournit différents services à KLU. En particulier, DMG agissait en tant que consultant pour attirer les compagnies aériennes vers KLU et a conclu plusieurs accords au titre desquels les compagnies aériennes recevaient des sommes d’argent considérables en échange de services de commercialisation.

4. Le 22 janvier 2002, quatre accords ont été conclus. Premièrement, KFBG et Ryanair ont conclu un accord sur les services aéroportuaires (ci-après l’« ASA de 2002 »). Cet accord est entré en vigueur le 27 juin 2002 pour une durée de cinq ans et prévoyait une prorogation automatique de cinq ans supplémentaires si Ryanair respectait la totalité des engagements découlant dudit accord. En vertu de ce même accord, Ryanair s’engageait à proposer un service au moins une fois par jour entre KLU et
l’aéroport de Londres-Stansted (Royaume-Uni) du 27 juin 2002 au 26 juin 2007 pour une redevance fixe par rotation. En outre, Ryanair devait percevoir un montant fixe par passager au départ au titre des redevances aéroportuaires, et un montant fixe par passager au départ au titre de redevance de sécurité, et verser ces redevances à KLU. L’ASA de 2002 détaillait les différents services que KFBG devait fournir à Ryanair et prévoyait certains autres paiements à KFBG.

5. Deuxièmement, DMG et Leading Verge.com Limited (ci-après « LV »), devenue FR Financing (Malta) Ltd (ci-après « FR Financing »), une filiale de Ryanair entre-temps dissoute, ont conclu un accord de services de commercialisation (ci-après l’« ASC de 2002 entre DMG et LV »). Cet accord est entré en vigueur le même jour et venait à échéance le 26 juin 2007, avec prorogation automatique de cinq années supplémentaires si LV respectait dans leur totalité les engagements découlant dudit accord. Selon le
même accord, DMG a chargé LV d’établir un plan de publicité et de régler l’activation de liens vers la page d’accueil du site Internet de DMG, ainsi que d’entreprendre d’autres activités de promotion en contrepartie d’un versement fixe par an.

6. Troisièmement, DMG et AMS ont conclu un accord de commercialisation (ci-après l’« ASC de 2002 entre DMG et AMS »). Cet accord, entré en vigueur le même jour pour une durée de cinq ans, prévoyait la possibilité d’une prolongation de cinq années supplémentaires. Selon cet accord, DMG chargeait AMS d’activer et de gérer sur le site Internet « www.ryanair.com », au plus tard pour le 1er mai 2002 et en contrepartie de redevances annuelles, deux liens vers des sites Internet choisis par DMG sur
lesquels les attraits du Land de Carinthie seraient présentés. Ce contrat stipulait également qu’AMS pouvait éventuellement fournir des services supplémentaires.

7. Quatrièmement, l’avenant à l’ASC de 2002 entre DMG et LV (ci-après l’« avenant de 2002 ») a été conclu et est entré en vigueur le même jour. Il a été convenu entre les parties que, en référence à l’ASC de 2002 entre DMG et LV, un paiement supplémentaire devait être effectué par DMG à LV pour des actions de commercialisation renforcées supplémentaires pendant la durée de l’accord entre DMG et LV.

8. L’ASA de 2002, l’ASC de 2002 entre DMG et LV, tel que modifié, et l’ASC de 2002 entre DMG et AMS (ci-après, pris ensemble, les « accords de 2002 ») ont pris fin le 29 octobre 2005, lorsque Ryanair a interrompu ses services de transport aérien de passagers entre KLU et l’aéroport de Londres-Stansted.

9. Le 23 août 2006, KFBG et Ryanair ont conclu un nouvel accord sur les services aéroportuaires (ci-après l’« ASA de 2006 »). Cet accord concernait un service à effectuer trois fois par semaine vers l’aéroport de Londres-Stansted et durant la période comprise entre le 19 décembre 2006 et le 21 avril 2007. Ryanair devait s’acquitter des redevances aéroportuaires officielles de KLU. Grâce au régime incitatif, elle bénéficiait d’une incitation d’un montant de 7,62 euros pour chaque passager au départ
dans le cadre de la nouvelle offre de vols de ligne.

10. Le 21 décembre 2006, DMG et AMS ont conclu un accord de commercialisation (ci-après l’« ASC de 2006 »), entré en vigueur le 28 février 2007. L’ASC de 2006 était assorti de l’obligation pour Ryanair d’assurer les vols envisagés par l’accord mentionné au point précédent des présentes conclusions. AMS était tenue de fournir chaque année un ensemble de services de commercialisation visant, notamment, à promouvoir la destination Klagenfurt/Carinthie.

11. L’ASA de 2006 et l’ASC de 2006 (ci-après, pris ensemble, les « accords de 2006 ») étaient applicables jusqu’au 21 avril 2007.

12. Le 11 octobre 2007, à la suite d’une plainte déposée par un concurrent de Ryanair sur le marché européen du transport aérien de passagers, alléguant que celle-ci avait bénéficié d’aides d’État illégales, notamment de la part du Land de Carinthie, de la ville de Klagenfurt, de Kärnten Werbung Marketing & Innovationsmanagement GmbH et de KLU, par l’intermédiaire de KFBG, la Commission européenne a transmis la plainte à la République d’Autriche en demandant des informations supplémentaires. Par
lettres du 15 novembre 2010 et du 24 mars 2011, la Commission a demandé des informations supplémentaires au gouvernement autrichien. Le 8 avril 2011, la Commission a demandé des informations supplémentaires à Ryanair, puis elle a transmis les renseignements de Ryanair au gouvernement autrichien, qui a ensuite présenté ses observations.

13. Le 22 février 2012, la Commission a informé le gouvernement autrichien de sa décision d’ouvrir la procédure d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, notamment concernant les accords de 2002 et de 2006 avec Ryanair ( 3 ).

14. Par lettres des 29 mai et 20 juillet 2012, le conseil de Ryanair a demandé, notamment, l’accès au dossier administratif, la Commission a rejeté ces demandes.

15. Par lettre du 24 février 2014, la Commission a demandé au gouvernement autrichien des informations supplémentaires concernant un contrat de commercialisation conclu entre KLU et Ryanair le 22 janvier 2002, le gouvernement autrichien a répondu le 11 juin 2014.

16. Le 23 juillet 2014, la Commission a décidé d’étendre la procédure d’examen.

17. Dans la décision litigieuse, la Commission a notamment considéré que, par les accords de 2002 et de 2006, l’Autriche avait octroyé à Ryanair des aides illégales incompatibles avec le marché intérieur. Elle a déterminé les montants d’aide récupérables sur la base de la partie négative, pour chaque année durant laquelle les accords litigieux étaient applicables, des flux incrémentaux annuels prévisionnels au moment de la conclusion de ces accords. Elle a constaté que les requérantes étaient
solidairement responsables pour l’intégralité du remboursement du montant principal des aides contenues dans le cadre desdits accords, dont la somme provisoire s’élevait respectivement à 1827267 euros et à 141326 euros.

II. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

18. En première instance, Ryanair, AMS et FR Financing ont soulevé six moyens à l’appui de leur recours et, le 24 août 2018, elles ont introduit une demande de mesures d’instruction, requérant que la Commission produise certains documents, et elles ont déposé deux documents en tant que preuves supplémentaires le 25 septembre 2020 (c’est-à-dire après la clôture de la phase écrite de la procédure). Ces deux documents étaient le tableau d’estimations de l’aéroport concernant les recettes non
aéronautiques par passager au départ pour les contrats de services aéroportuaires et les contrats de services de commercialisation (annexe E.1) et une version non expurgée des données relatives aux coûts figurant dans un rapport du consultant économique de Ryanair, Oxera, du 3 novembre 2014 (annexe E.2).

19. Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que ces éléments de preuve étaient irrecevables, étant donné que, en première instance, les requérantes n’avaient pas justifié la production tardive des preuves supplémentaires au titre de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal. Le Tribunal a également rejeté l’ensemble des moyens soulevés comme non fondés et, partant, le recours dans son ensemble.

III. Appréciation

20. À l’appui de leur pourvoi, les requérantes soulèvent quatre moyens.

A.   Sur le premier moyen, relatif à la recevabilité des éléments de preuve supplémentaires produits par les requérantes devant le Tribunal

21. Les requérantes font valoir, en substance, que le Tribunal a commis une erreur de droit en rejetant comme irrecevables, et donc en refusant de prendre en compte aux fins de son contrôle juridictionnel, des éléments de preuve décisifs qu’elles avaient présentés avant la clôture de la phase orale de la procédure. En particulier, elles soutiennent que le Tribunal a commis une erreur i) en méconnaissant, ou en ne prenant pas dûment en considération, les principes juridiques sous-tendant les règles
de l’article 85, paragraphes 1 à 3, du règlement de procédure du Tribunal et ii) en méconnaissant la jurisprudence qui applique ces dispositions.

22. L’article 85 du règlement de procédure du Tribunal prévoit différents stades auxquels il est possible de produire des preuves ou de faire des offres de preuve. L’article 85, paragraphe 1, de ce règlement dispose : « [l]es preuves et offres de preuve sont présentées dans le cadre du premier échange de mémoires »(règle générale). L’article 85, paragraphe 2, dudit règlement dispose : « [l]es parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve dans la réplique et la
duplique à l’appui de leur argumentation, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié »(dérogation). L’article 85, paragraphe 3, du même règlement dispose : « [à] titre exceptionnel, les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit
justifié » (exception).

23. La Cour a déjà jugé que les règles susmentionnées tiennent compte des principes du contradictoire et d’égalité des armes ainsi que du droit à un procès équitable dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice ( 4 ). La Cour a également jugé que « le juge de l’Union a le pouvoir de contrôler le bien-fondé du motif du retard apporté à la production de ces preuves ou de ces offres de preuve et, selon le cas, le contenu de ces dernières ainsi que, si cette production tardive n’est pas
justifiée à suffisance de droit ou fondée, le pouvoir de les écarter » ( 5 ).

24. Ce passage concernait l’article 85, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal et la jurisprudence, que la Cour y cite, se rapportait à la disposition équivalente de l’ancien règlement de procédure du Tribunal ( 6 ).

25. Il résulte de l’arrêt du 14 avril 2005, Gaki-Kakouri/Cour de justice ( 7 ), ainsi que de l’arrêt du 16 septembre 2020, BP/FRA ( 8 ), que le raisonnement qui précède est également applicable à l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, alors que, étant donné que l’article 85, paragraphe 2, de ce règlement constitue une dérogation et que l’article 85, paragraphe 3, dudit règlement constitue une exception, cette dernière est soumise à des conditions plus strictes et n’est
applicable que dans des circonstances exceptionnelles (voir point 31 des présentes conclusions).

26. Tout d’abord, l’argument principal des requérantes est que le Tribunal a commis une erreur de droit en rejetant les deux éléments de preuve comme irrecevables, alors que le Tribunal doit toujours prendre en considération de tels éléments de preuve aux fins de son contrôle judiciaire, « à moins qu’il n’existe des raisons impérieuses de faire le contraire ».

27. Cet argument doit être rejeté comme non fondé. En effet, il revient à renverser la logique régissant les règles en matière d’administration de la preuve devant le Tribunal.

28. Il ressort de la jurisprudence Gaki-Kakouri que l’acceptation d’éléments de preuve présentés tardivement constitue une exception. En outre, il découle du libellé même de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal qu’il appartient aux parties qui entendent produire de telles preuves de justifier à suffisance le retard apporté à la production de ces preuves.

29. Par conséquent, contrairement à ce qu’affirment les requérantes, le Tribunal n’est pas tenu de toujours accepter les éléments de preuve présentés tardivement, à moins qu’il n’établisse que le rejet de ces preuves est nécessaire pour des « raisons impérieuses » (c’est-à-dire en raison du principe du contradictoire ou de la notion de « procès équitable devant le Tribunal »).

30. Au contraire, il incombe aux parties elles-mêmes de justifier ce retard.

31. Ainsi que le Tribunal l’a jugé à juste titre dans l’arrêt TestBioTech e.a./Commission ( 9 ), « la production de preuves avant la clôture de la phase orale de la procédure est soumise à la condition, [i)] d’une part, que le retard dans la présentation soit justifié et, [ii)] d’autre part, que la production tardive soit justifiée par des circonstances exceptionnelles. Concernant la seconde condition de recevabilité [(ii)], [...] il y a lieu de constater que, en tout état de cause, le caractère
exceptionnel d’une telle production implique qu’il était impossible pour la requérante de produire les documents en cause devant le Tribunal avant l’audience ou qu’une production antérieure ne pouvait pas raisonnablement être exigée de la requérante. Il incombe à la partie qui souhaite produire les documents en cause devant le Tribunal d’apporter la preuve, au moment où les nouvelles preuves sont offertes, que cette condition est remplie » (mise en italique par mes soins).

32. Je considère que l’approche susmentionnée du Tribunal (consistant, dans certaines situations, à exiger des éléments de preuve pour étayer la justification de la production tardive de preuves) peut trouver un appui dans l’arrêt BP/FRA ( 10 ), dans lequel la Cour se réfère à l’obligation d’apporter de tels éléments de preuve pour étayer cette justification.

33. Au point 47 de l’arrêt du 16 septembre 2020, BP/FRA (C‑669/19 P, non publié, EU:C:2020:713), la Cour rappelle également que l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal doit être interprété de manière assez stricte (« ce n’est qu’à titre exceptionnel que les parties peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve. Il ressort de cette disposition que tout retard dans la production de celles-ci doit être justifié ») (mise en italique par mes soins).

34. Dans le cadre de la procédure en première instance, les requérantes ont fait valoir, en substance, s’agissant du tableau des recettes non aéronautiques provenant de l’aéroport, que la Commission s’y était référée dans son mémoire en duplique. Concernant leur demande de mesure d’organisation, elles ont expliqué qu’il était difficile et qu’il a pris beaucoup de temps d’obtenir des informations de l’aéroport, parce que les informations étaient anciennes, que le personnel avait changé à l’aéroport
et que la crise de la COVID-19 avait posé des difficultés tant au personnel de l’aéroport qu’aux requérantes et à leurs conseillers. Selon les requérantes, elles n’avaient reçu les informations que « au cours des derniers jours ».

35. À mon sens, il est clair – ainsi qu’il ressort de la jurisprudence susmentionnée – que les requérantes auraient dû être en mesure de fournir certains éléments prouvant qu’elles avaient essayé d’obtenir le tableau de l’aéroport suffisamment à l’avance et qu’elles n’avaient cessé d’envoyer des rappels à cet égard à KLU ; en particulier lorsqu’elles ont reçu les observations de la Commission sur les nouveaux éléments de preuve (du 14 octobre 2020), dans lesquelles l’institution faisait valoir,
notamment, que le retard n’était pas justifié parce que les explications n’étaient pas vérifiables. Étant donné qu’un laps de temps aussi important s’était écoulé entre le mémoire en duplique de la Commission (25 février 2019) et l’audience (29 septembre 2020), les requérantes auraient dû faire état de certains éléments de preuve tels que ceux que j’ai mentionnés dans les présentes conclusions, afin de démontrer qu’elles pouvaient étayer leur justification, conformément à l’article 85,
paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal.

36. Il convient de relever que les requérantes n’ont pas non plus avancé de tels éléments au stade du pourvoi.

37. Les exceptions doivent être interprétées strictement et, dans des cas comme celui de l’espèce, lorsqu’il a des doutes sur la justification fournie par la partie pour la présentation tardive, le Tribunal doit pouvoir effectuer au moins une vérification rudimentaire et peut, en conséquence, obliger cette partie à étayer sa demande par des éléments de preuve.

38. En effet, la Cour a déjà jugé dans une situation similaire, où la partie soutenait que le retard dans la présentation d’éléments de preuve en première instance était motivé par son état de santé, que c’est à juste titre que le Tribunal avait rejeté cet argument, étant donné que cette partie n’était pas en mesure de produire un justificatif médical ( 11 ).

39. Ensuite, lors de l’audience, les requérantes ont cherché à se prévaloir de l’arrêt du Tribunal du 15 juin 2022, Qualcomm/Commission (Qualcomm – paiements d’exclusivité) (T‑235/18, EU:T:2022:358), dans lequel des éléments de preuve produits tardivement par Qualcomm ont été admis comme recevables par cette juridiction.

40. Il suffit de relever que la présente affaire n’est objectivement pas comparable, sur le plan matériel, à cette affaire à au moins quatre égards : en effet, i) la justification de la production tardive est différente ; ii) la nature des documents en cause est différente ; iii) les procédures sont différentes, et iv) le statut du requérant est différent. En ce qui concerne le point i), non seulement Qualcomm s’était fondée sur l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, mais
elle avait également fait valoir que, dans ce cas, l’article 85, paragraphe 3, de ce règlement devait être interprété « à la lumière de l’article 92, paragraphe 7, [dudit] règlement » (la preuve contraire et l’ampliation des offres de preuve restent réservées). Si j’estime que l’approche du Tribunal dans l’affaire Qualcomm est convaincante, il suffit de constater que, en l’espèce, les requérantes n’ont avancé aucun argument de ce type (que ce soit en première instance ou au stade du pourvoi) et
qu’elles n’ont soulevé une telle argumentation ni expressément ni implicitement – bien que la Commission elle-même ait explicitement évoqué l’article 92, paragraphe 7, du même règlement et ait soutenu que cette disposition n’était pas applicable. En ce qui concerne le point ii), il ressort de l’arrêt du Tribunal du 15 juin 2022, Qualcomm/Commission (Qualcomm – paiements d’exclusivité) (T‑235/18, EU:T:2022:358), que Qualcomm avait des raisons objectives pour lesquelles elle ne pouvait pas obtenir
les documents en cause et que le Tribunal y explique en détail (points 134 à 153 de cet arrêt) que la production, dans leur ensemble, des preuves supplémentaires après la fin de la procédure écrite était « justifiée par des circonstances exceptionnelles » et était donc recevable. En ce qui concerne le point iii), l’affaire Qualcomm portait sur le droit de la concurrence alors que la présente affaire concerne une aide d’État (voir point 94 des présentes conclusions). En ce qui concerne le
point iv), dans une affaire d’aide d’État, le bénéficiaire n’est pas la partie défenderesse devant le Tribunal.

41. Enfin, les requérantes entendent également invoquer, notamment, les arrêts Crocs/EUIPO – Gifi Diffusion (Chaussures) ( 12 ) et Schmid/EUIPO – Landeskammer für Land- und Forstwirtschaft in Steiermark (Steirisches Kürbiskernöl) ( 13 ). Elles soutiennent que le Tribunal a fait une application erronée de cette jurisprudence et allèguent qu’il découlerait de celle-ci qu’une production tardive de preuves peut être justifiée lorsque la partie ne pouvait disposer de ces preuves et que, dans le cadre de
l’appréciation du bien-fondé de cette production tardive, il convient de vérifier si les éléments de preuve en cause figuraient déjà dans le dossier administratif sur lequel la décision litigieuse était fondée. Dans l’affirmative, il ne serait pas justifié de rejeter ces éléments de preuve, étant donné que la défenderesse en a déjà tenu compte avant d’adopter sa décision.

42. Il convient de relever que cette jurisprudence n’a pas la portée que lui prêtent les requérantes. En effet, la Cour ne s’y est pas prononcée exactement comme cela dans une situation identique à celle de la présente affaire. Il est important de souligner que cette jurisprudence trouve son origine dans le contentieux des marques de l’Union et s’explique par certaines spécificités du contentieux dans ce domaine particulier du droit de l’Union.

43. Cette conclusion découle de l’ordonnance de la Cour du 13 septembre 2011, Wilfer/OHMI ( 14 ).

44. Dans l’ordonnance susmentionnée, la Cour a déclaré en substance que c’est à bon droit que le Tribunal a rappelé que, conformément à l’article 63 du règlement (CE) no 40/94 ( 15 ), il ne saurait réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui. En effet, un recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (OHMI) au sens de cette
disposition, cette légalité devant être appréciée en fonction des éléments d’information dont celles-ci pouvaient disposer au moment d’arrêter ces décisions (ordonnance Wilfer/OHMI, points 40 et 41).

45. Par ailleurs, la Cour a relevé qu’il est constant que l’expertise ainsi que des représentations de marques communautaires et nationales invoquées comme éléments de preuve par le requérant ont été présentées pour la première fois devant le Tribunal et n’avaient pas été soumises à la chambre de recours de l’OHMI. C’est donc à bon droit que celui-ci les a rejetées comme irrecevables. Ce rejet n’a donc pas violé le droit du requérant à être entendu (ordonnance Wilfer/OHMI, point 42).

46. Enfin, la Cour a relevé qu’il ne ressortait ni de la requête introductive d’instance devant le Tribunal ni de l’arrêt attaqué que le requérant avait invoqué, devant cette juridiction, une méconnaissance du principe d’examen d’office des faits par la chambre de recours aux fins de justifier la recevabilité desdits éléments de preuve (ordonnance Wilfer/OHMI, point 43).

47. Par conséquent, la jurisprudence que les requérantes invoquent, et qui est citée au point 41 des présentes conclusions, est inapplicable en l’espèce et leurs arguments doivent être rejetés comme étant non fondés.

48. Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

B.   Sur le deuxième moyen, tiré d’une interprétation erronée de l’article 17 du règlement 2015/1589 et d’une application erronée de l’article 296 TFUE

1. Sur la première branche du deuxième moyen

49. Les requérantes soutiennent que, conformément à l’article 17, paragraphe 2, du règlement (UE) 2015/1589 ( 16 ), la mesure de la Commission, c’est-à-dire la demande de renseignements, doit se rapporter à un objet spécifique de l’examen. Le Tribunal aurait fait une application erronée d’une jurisprudence constante selon laquelle les demandes de renseignements doivent désigner une mesure spécifique pour que le délai de prescription soit interrompu en vertu de cette disposition. Les requérantes font
valoir que le Tribunal a également violé les principes de confiance légitime et de sécurité juridique.

50. La décision litigieuse identifie quatre accords de 2002 en ce qui concerne l’aide accordée à Ryanair. En outre, il ressort de l’arrêt attaqué qu’il était constant entre les parties que, s’agissant de tous les accords de 2002, le délai de prescription prévu à l’article 17 du règlement 2015/1589 a commencé à courir le 9 août 2002. Dans ce contexte, les requérantes ont allégué au cours de la procédure administrative, puis devant le Tribunal, que le délai de dix ans avait expiré quand la Commission
a demandé aux autorités autrichiennes et à Ryanair des renseignements sur les accords de 2002 (ces demandes n’ayant été présentées qu’au cours de l’année 2015 alors que le délai de prescription avait expiré le 8 août 2012) (point 66 de l’arrêt attaqué). Selon les requérantes, la Commission n’a eu connaissance de l’existence des accords de 2002 que le 31 août 2012 au plus tôt, par un document qui lui a été transmis par Ryanair, comme en témoigne sa décision d’étendre la procédure formelle
d’examen. Elles soutiennent que la Commission n’a pas pris, entre le 9 août 2002 et le 8 août 2012, de mesure susceptible d’interrompre le délai de prescription. Elles font valoir que, avant le 31 août 2012, la Commission n’avait pu prendre aucun acte interruptif de la prescription concernant les accords de 2002. La raison en est qu’un tel effet interruptif exigeait que les « mesures prises », au sens de l’article 17 du règlement 2015/1589, concernent de façon relativement précise l’aide en
cause. En considérant qu’une formulation « attrape-tout » a pour effet d’interrompre le délai, le Tribunal a interprété de manière erronée l’article 17 de ce règlement.

51. Dans sa décision d’ouverture de la procédure, du 22 février 2012, la Commission a indiqué que, sur la base des informations dont elle disposait, elle avait décidé d’examiner, en ce qui concerne les sociétés en cause, les « accords de 2002 avec Ryanair » et les « accords de 2006 avec Ryanair ». S’agissant des accords de 2002, il apparaît qu’il existait un accord de coopération entre KFBG et Ryanair du 22 janvier 2002 et un accord de commercialisation entre DMG et LV, également du 22 janvier 2002.
Il ressort de la décision du 23 juillet 2014, par laquelle la Commission a étendu la procédure formelle d’examen, que cette extension portait également sur l’accord de commercialisation conclu entre DMG et AMS, du 22 janvier 2002, ainsi que sur la « lettre d’accompagnement jointe à l’accord de commercialisation entre DMG et LV », également de la même date.

52. Ensuite, dans l’arrêt attaqué (points 73 à 77), le Tribunal a analysé les différents éléments et demandes de renseignements qui avaient été adressés aux autorités autrichiennes et à Ryanair avant l’ouverture de la procédure formelle d’examen et en a déduit que toutes les demandes qu’il a analysées couvraient également l’ASC de 2002 entre DMG et AMS et l’avenant de 2002 entre DMG et LV, de sorte qu’il s’agissait de mesures susceptibles d’interrompre le délai de prescription prévu par le
règlement 2015/1589.

53. Après quoi, aux points 77 à 79 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que divers éléments de la décision litigieuse établissent que l’ASA de 2002 et les « accords de commercialisation conclus en 2002 » étaient indissolublement liés, de sorte que le délai de prescription avait bien été interrompu par la demande de renseignements examinée par le Tribunal.

54. Enfin, aux points 80 à 84 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé, en substance, que, les autorités autrichiennes et Ryanair ayant eu connaissance, en leur qualité de destinataires, du contenu des lettres leur demandant des renseignements supplémentaires, l’indication des dates auxquelles la Commission avait pris les mesures susceptibles d’interrompre le délai de prescription était suffisante pour remplir son obligation de motivation.

55. Je rappelle que la Cour a déjà jugé que le délai de prescription prévu à l’article 17 du règlement 2015/1589 peut être interrompu par une mesure qui n’a pas été notifiée au bénéficiaire de l’aide ( 17 ).

56. La Cour a également jugé que l’expiration du délai de prescription susmentionné ne fait que limiter dans le temps le pouvoir de la Commission de récupérer les aides d’État, de sorte que l’expiration de ce délai ne saurait avoir pour effet de régulariser rétroactivement des aides d’État entachées d’illégalité du seul fait qu’elles deviennent des aides existantes ( 18 ).

57. Toutefois, il semble que la Cour n’ait pas encore apporté de précisions expresses quant au degré de précision des informations qu’une mesure, prise par la Commission au sens de l’article 17 du règlement 2015/1589 (telle qu’une demande de renseignements), doit contenir afin d’interrompre ce délai.

58. À cet égard, à ce jour, le Tribunal a seulement jugé que « la simplicité de la demande de renseignements n’a pas pour conséquence de la priver d’effet juridique en tant que mesure susceptible d’interrompre le délai de prescription prévu [à l’actuel article 17 du règlement 2015/1589] » ( 19 ).

59. Cela amène à se demander si – comme le prétendent les requérantes – le Tribunal a adopté une interprétation trop large de la notion de « mesure » susceptible d’interrompre le délai de prescription prévu à l’article 17 du règlement 2015/1589.

60. Premièrement, selon le libellé de l’article 17, paragraphe 2, du règlement 2015/1589, « [t]oute mesure prise [...] à l’égard de l’aide illégale interrompt le délai de prescription ».

61. Le libellé de la disposition susmentionnée précise que la mesure doit être prise « à l’égard de l’aide illégale ».

62. Cela signifie que le législateur de l’Union n’a pas entendu donner carte blanche à la Commission à cet égard.

63. Deuxièmement, l’objectif du délai de prescription est de garantir la sécurité juridique (voir considérant 26 du règlement 2015/1589), notamment dans les cas où l’octroi d’une aide illégale n’a pas été détecté pendant longtemps. Cela peut se produire par exemple dans les cas où un État membre ne s’est pas rendu compte qu’une certaine mesure peut être qualifiée d’« aide d’État » ( 20 ). En outre, la doctrine mentionne la protection de la concurrence comme objectif supplémentaire du délai de
prescription ( 21 ).

64. D’une part, la mesure doit être suffisamment spécifique pour éviter de donner à la Commission la carte blanche susmentionnée, afin d’éviter qu’il soit possible d’envoyer régulièrement des demandes de renseignements standardisées aux États membres et aux bénéficiaires, contournant ainsi facilement le délai de prescription de dix ans. Comme le soulignent à juste titre les requérantes, une telle interprétation violerait la protection de la confiance légitime et la sécurité juridique du bénéficiaire
de l’aide (et de l’État membre) ( 22 ). À mon avis, il faut également tenir compte du fait qu’une période de dix ans pendant laquelle il est possible de s’attendre à d’éventuelles demandes de récupération de l’aide est déjà longue pour toute entreprise (ou pour tout État membre). Cette incertitude représente également une charge économique pour toute entreprise.

65. D’autre part, la Commission a besoin d’un délai suffisant pour pouvoir mener ses enquêtes. Il ne saurait être exigé que la mesure à examiner au regard du droit des aides d’État soit complètement spécifique. Il s’agirait là d’un obstacle excessivement élevé pour la Commission. Toute enquête se caractérise initialement par un déficit d’informations entre l’État membre ou le bénéficiaire et la Commission.

66. Troisièmement, en ce qui concerne le contenu et le degré de précision d’une demande de renseignements susceptible d’interrompre le délai de prescription, il ressort clairement du règlement 2015/1589 que, lorsque la Commission dispose d’informations sur une aide présumée illégale ou sur une application abusive d’une aide, elle est en droit de demander des renseignements, notamment, à l’État membre concerné. L’État membre est tenu de fournir tous les renseignements nécessaires pour permettre à la
Commission de prendre une décision dans le cadre de la procédure d’examen préliminaire ou de la procédure formelle d’examen ( 23 ).

67. En effet, le fait que la demande de renseignements soit un outil permettant à la Commission de rechercher les informations nécessaires découle des considérants 9, 10, 24 et 36, ainsi que de l’article 2, paragraphe 2, de l’article 5, paragraphe 1, de l’article 7, paragraphe 1, de l’article 12, paragraphe 2, de l’article 21, paragraphe 1, et de l’article 25, paragraphe 1, du règlement 2015/1589.

68. Étant donné que les juridictions de l’Union se sont déjà prononcées sur un certain nombre d’éléments essentiels des demandes de renseignements au titre du règlement (CE) no 1/2003 ( 24 ) et, en particulier, sur l’élément de « nécessité », cette jurisprudence est applicable mutatis mutandis à l’interprétation des demandes de renseignements au titre du règlement 2015/1589. En effet, l’article 18 du règlement no 1/2003, intitulé « Demandes de renseignements », met exactement le même outil d’enquête
à la disposition de la Commission que celui que celle-ci utilise dans les enquêtes en matière d’aides d’État.

69. Compte tenu de l’exigence de « nécessité » énoncée à l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 1/2003, le juge de l’Union a précisé que seule peut être requise par la Commission la communication de renseignements susceptibles de lui permettre de vérifier les présomptions d’infraction qui justifient la conduite de l’enquête et qui sont indiquées dans la demande de renseignements ( 25 ).

70. Il doit y avoir une corrélation entre les renseignements demandés par la Commission et l’infraction présumée. La Commission doit raisonnablement supposer que le renseignement l’aidera à déterminer l’existence de l’infraction ( 26 ).

71. La « nécessité » d’une demande de renseignements doit figurer dans la motivation de la demande. En ce qui concerne le but de la demande de renseignements, la Commission doit identifier, en des termes clairs, précis et univoques, l’infraction alléguée aux règles de concurrence qu’elle entend vérifier ( 27 ).

72. Il s’ensuit que la motivation d’une demande de renseignements peut ne pas être vague ni générique, surtout si l’enquête n’est plus à un stade précoce et lorsque les soupçons d’infractions en cause devraient être présentés avec suffisamment de précision ( 28 ).

73. En effet, l’obligation de motivation spécifique qui incombe à la Commission constitue une exigence fondamentale, en vue non seulement de faire apparaître le caractère justifié de la demande de renseignements, mais aussi de mettre les entreprises concernées en mesure de saisir la portée de leur devoir de collaboration tout en préservant en même temps leurs droits de la défense, et de veiller à ce que le juge de l’Union puisse exercer son contrôle juridictionnel ( 29 ).

74. Partant, les renseignements demandés par la Commission doivent être identifiés aussi précisément que les circonstances le permettent.

75. Selon moi, il est important de relever que l’interruption de la prescription prévue à l’article 17, paragraphe 2, du règlement 2015/1589 constituant une exception au principe du délai de prescription de dix ans prévu à l’article 17, paragraphe 1, de ce règlement, elle doit être interprétée de manière restrictive.

76. Ensuite, comme je l’ai vu précédemment, l’article 17, paragraphe 2, du règlement 2015/1589 exige que, pour interrompre le délai de prescription conformément à ce règlement, une demande de renseignements de la Commission doit être effectuée « à l’égard de l’aide illégale », et l’article 18 du règlement no 1/2003, qui peut être appliqué par analogie, requiert que les demandes de renseignements soient « nécessaires ».

77. Comme je l’ai vu précédemment dans l’aperçu de la jurisprudence, une demande de renseignements est « nécessaire » au sens de l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 17 ( 30 ) [(disposition ayant précédé à l’article 18 du règlement no 1/2003)] si elle « peut être légitimement regardée comme présentant un rapport avec l’infraction présumée » ( 31 ).

78. À mon sens, il est clair qu’il convient d’appliquer la même approche aux demandes de renseignements dans le cadre de la procédure en matière d’aides d’État. Dès lors, la demande de renseignements est « nécessaire » si elle peut être légitimement regardée comme présentant un rapport avec l’aide d’État présumée illégale.

79. Par conséquent, pour valablement interrompre le délai de prescription de dix ans prévu à l’article 17, paragraphe 1, du règlement 2015/1589, une demande de renseignements doit être nécessaire à la phase préliminaire d’examen ou à la procédure et, en définitive, nécessaire à l’adoption de la décision de récupération de l’aide d’État illégale. C’est pourquoi la Commission ne peut pas, par exemple, faire une demande de renseignements dont le seul but est de prolonger artificiellement le délai de
prescription afin de préserver la possibilité de récupérer une aide d’État illégale ( 32 ). Les demandes de renseignements dans ce seul but ne sauraient être « nécessaires » aux fins de la « procédure en manquement ».

80. En outre, si la Commission pouvait interrompre le délai de prescription en envoyant des demandes de renseignements « attrape-tout » qui ne sont pas nécessaires à la procédure, elle serait en mesure de prolonger systématiquement le délai de prescription au-delà du maximum de dix ans déjà assez long, prévu à l’article 17, paragraphe 1, du règlement 2015/1589, et ainsi de contourner cette disposition.

81. Il convient de souligner que mon approche a déjà été suivie dans la jurisprudence des juridictions de l’Union, qui a analysé si les demandes de renseignements de la Commission au titre du règlement no 17 étaient susceptibles d’interrompre le délai de prescription prévu dans le règlement (CEE) no 2988/74 ( 33 ).

82. En l’espèce, le Tribunal a examiné le libellé des quatre demandes de renseignements, des questions posées par la Commission ainsi que des réponses fournies par Ryanair. Il a ensuite examiné les critères permettant de déterminer si les accords, « à l’égard desquels » pouvait être portée une appréciation de la légalité, ont été mentionnés de manière suffisamment spécifique. Je considère que, en l’espèce, les demandes de renseignements remplissent les conditions de l’interruption de la
prescription. Elles n’étaient pas vagues et avaient pour but d’obtenir les renseignements nécessaires concernant les aides suspectées.

83. De cela dépend directement la question des conditions dans lesquelles les accords peuvent être considérés comme indissolublement liés. Cela est pertinent pour établir si le fait que deux accords ont été spécifiquement mentionnés, alors que les deux autres ne l’ont pas été, doit être considéré comme manquant de précision suffisante et donc comme ne concernant pas les accords non mentionnés.

84. Selon le Tribunal, il existe un lien indissoluble entre les accords résultant du degré de rattachement économique entre les parties contractantes, du fait que les accords aient été signés le même jour, ainsi que de la similitude de l’objet et des termes de ces accords (arrêt attaqué, points 77 et suivants de l’arrêt attaqué).

85. Compte tenu de ce lien étroit, selon moi, il serait arbitraire de faire une distinction entre les accords susmentionnés en ce qui concerne l’interruption du délai de prescription. Les quatre accords constituent une construction économique, qui a été scindée en quatre accords uniquement parce que, notamment, la société elle-même est scindée en filiales. C’est pourquoi une rupture de ce lien méconnaîtrait le contexte factuel de l’affaire.

86. Même si le Tribunal n’a pas examiné si les demandes de renseignements en cause remplissaient le critère de « nécessité » (ainsi que je l’ai expliqué dans les présentes conclusions), il ressort clairement du dossier de l’affaire que, en l’espèce, ces demandes étaient effectivement nécessaires dans la mesure où elles présentaient manifestement un lien avec l’aide d’État présumée illégale et étaient nécessaires à l’examen préliminaire et, en fin de compte, à l’adoption de la décision de
récupération d’une aide d’État illégale.

87. Je considère que la solution que je viens de proposer découle de l’interprétation du règlement 2015/1589, elle ne revient pas à donner carte blanche à la Commission et n’impose pas non plus de normes impossibles à respecter aux procédures d’examen de cette institution. Elle établit ainsi un équilibre entre la protection de la sécurité juridique et le rétablissement d’une concurrence effective en tant que deux principes concurrents consacrés par ce règlement (considérants 25 et 26).

88. Il s’ensuit que la première branche du deuxième moyen doit être écartée comme étant non fondée.

2. Sur la seconde branche du deuxième moyen

89. Les requérantes soutiennent, en substance, que le Tribunal a fait une application erronée de l’article 296 TFUE en jugeant que la motivation de la décision litigieuse était suffisante, bien que cette décision n’ait pas explicitement expliqué pourquoi la Commission avait rejeté les arguments qu’elles avaient avancés au cours de la procédure administrative, à savoir que le délai de prescription prévu à l’article 17 du règlement 2015/1589 avait expiré.

90. L’arrêt attaqué indique qu’il suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision ( 34 ). En outre, « [é]tant donné que les autorités autrichiennes et Ryanair connaissaient [...] le contenu des lettres demandant des renseignements supplémentaires qui leur avaient été adressées par la Commission, celle-ci n’était censée indiquer, au sens de l’article 296 TFUE, que les faits revêtant une importance essentielle dans
l’économie de la décision litigieuse » ( 35 ).

91. À mon sens, ce qui est déterminant est de savoir si l’hypothèse selon laquelle la correspondance entre la Commission et le destinataire doit être considérée dans son ensemble est compatible avec les principes établis par la jurisprudence relative à l’article 296 TFUE.

92. Comme le rappelle à juste titre le point 80 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a déjà clairement indiqué qu’« [i]l n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée » ( 36 ).

93. Étant donné que le « contexte » comprend manifestement également toute correspondance, l’argument des requérantes tiré d’une application erronée de la jurisprudence relative à l’article 296 TFUE n’est pas fondé en l’espèce.

94. Il convient de rappeler que la procédure de contrôle des aides d’État est une procédure ouverte à l’égard de l’État membre responsable de l’octroi de l’aide et que les parties intéressées (y compris le bénéficiaire) ne sauraient prétendre à un débat contradictoire avec la Commission, tel que celui ouvert au profit de cet État membre ( 37 ).

95. Dès lors, la Commission n’était pas tenue de répondre spécifiquement aux observations des requérantes à cet égard.

96. Il s’ensuit que la seconde branche du deuxième moyen doit être écartée comme étant non fondée et, partant, le deuxième moyen dans son ensemble.

C.   Sur le troisième moyen, tiré d’une dénaturation des éléments de preuve en affirmant que la Commission avait légalement appliqué le critère de l’opérateur privé en économie de marché

97. Les requérantes soutiennent en substance que le Tribunal a dénaturé le sens clair des preuves produites devant lui lorsqu’il a apprécié si la Commission avait légalement appliqué le critère de l’« opérateur privé en économie de marché » en déterminant si les requérantes avaient été favorisées au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Elles font valoir en particulier que le Tribunal a dénaturé des éléments de preuve relatifs : i) la taxe de sécurité stipulée dans un contrat de services
aéroportuaires entre KLU et Ryanair ; ii) l’estimation des coûts d’exploitation incrémentaux que l’aéroport aurait pu escompter (la marge de sécurité), et iii) le taux de remplissage sur lequel la Commission s’est fondée pour effectuer son évaluation ex ante de la rentabilité.

98. Il y a lieu d’apprécier si les éléments soulevés par les requérantes ont été ou non dénaturés par le Tribunal au sens de la jurisprudence de la Cour ( 38 ) et, le cas échéant, si cette dénaturation est susceptible d’entacher la conclusion du Tribunal selon laquelle, en substance, la Commission a fondé sa constatation, selon laquelle les requérantes ont été favorisées, sur des informations et des données suffisantes et crédibles.

99. Toutefois, il ne suffit pas que les requérantes aient « pointé tous les endroits pertinents du dossier qui permettent à la Cour de conclure à des dénaturations irrégulières », cette dénaturation devant apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves ( 39 ).

1. Taxe de sécurité

100. Les requérantes renvoient aux arguments qu’elles ont avancés en première instance (selon lesquels la taxe de sécurité a été facturée à Ryanair et payée par elle) et soutiennent que les éléments de preuve versés au dossier montrent que Ryanair était à la fois contractuellement tenue de payer la taxe de sécurité et l’a effectivement payée conformément à cette obligation. Elles font valoir que le Tribunal n’a pas dûment examiné les éléments de preuve produits devant lui.

101. Tout d’abord, aux points en cause dans le pourvoi (points 331 et 332 de l’arrêt attaqué), le Tribunal n’a pas indiqué que cette redevance n’avait pas été facturée à Ryanair par l’aéroport. Au lieu de cela, il s’est borné à indiquer que cette taxe avait été remboursée à Ryanair.

102. Toutefois, même s’il s’avérait qu’il apparaît de manière manifeste des éléments de preuve invoqués par Ryanair qu’elle a payé cette taxe de sécurité à l’aéroport (ce qui n’est pas le cas) – ce que, en tout état de cause, le Tribunal n’a pas remis en cause dans ces points –, cela ne permettrait pas nécessairement d’établir que le Tribunal a commis les dénaturations des éléments de preuve alléguées par les requérantes à cet égard et qu’il est parvenu à tort à la conclusion que la Commission
pouvait considérer, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, que cette taxe constituait un coût incrémental pour l’aéroport aux fins de l’analyse de la rentabilité des accords de 2006.

103. En effet, le Tribunal a fondé sa conclusion sur l’explication de la Commission, selon laquelle les autorités autrichiennes ont confirmé à deux reprises que la taxe de sécurité avait finalement été remboursée à Ryanair.

104. Au point 332 de l’arrêt attaqué, le Tribunal se borne à relever à cet égard que la Commission a sollicité de manière diligente, auprès de l’État membre concerné, des informations pertinentes lui permettant de vérifier si la taxe de sécurité était effectivement remboursée à Ryanair.

105. Je considère que c’est à bon droit que le Tribunal a conclu que la Commission avait satisfait à son obligation d’examen diligent et impartial et qu’elle devait se fonder sur les informations fournies par le gouvernement autrichien et considérer que la taxe de sécurité constituait un coût incrémental pour l’aéroport aux fins de l’analyse de rentabilité des accords de 2006.

106. En outre, même si l’on soutenait que, en l’absence d’éléments concrets produits par la Commission, le Tribunal ne pouvait pas attribuer un tel poids aux affirmations de cette institution (ce qui n’est pas le cas), cela ne constituerait en tout état de cause pas une dénaturation des éléments de preuve au sens de la jurisprudence de la Cour ( 40 ).

107. En effet, il suffit de constater qu’il n’était pas impossible aux requérantes d’établir que la redevance de sécurité n’était pas remboursée à Ryanair, étant donné qu’il ne saurait être exclu qu’une analyse de la comptabilité de Ryanair aurait pu le démontrer.

2. Marge de sécurité

108. S’agissant de la marge de sécurité ajoutée par les autorités autrichiennes aux valeurs qui ont servi de base au calcul des coûts d’exploitation incrémentaux pertinents aux fins de l’analyse de rentabilité des accords de 2002, les requérantes font valoir que le rapport de 2018 de leur conseiller économique, Oxera, montre que les estimations des coûts incrémentaux effectuées par la Commission étaient inexplicablement élevées et que le Tribunal a dénaturé des éléments de preuve en ignorant ou en
omettant de prendre dûment en considération ce rapport (points 301 et 302 de l’arrêt attaqué).

109. Certes, les points 301 et 302 de cet arrêt, attaqués par les requérantes, ne mentionnent pas le rapport d’Oxera de 2018.

110. Cependant, il n’en découle pas ipso facto que le Tribunal a dénaturé le rapport susmentionné. Au contraire, j’estime que, par leur argumentation, les requérantes cherchent en réalité à contester le poids que cette juridiction a attribué aux arguments de la Commission par opposition à leurs propres arguments. Or, cela reviendrait de leur part à demander une nouvelle appréciation des faits et des preuves, ce qui serait irrecevable au stade du pourvoi.

111. En outre, l’argumentation des requérantes repose sur une lecture partielle de l’arrêt attaqué. L’appréciation par le Tribunal de l’allégation plus large des requérantes en première instance tirée d’une surestimation des coûts incrémentaux liés aux accords de 2002 (la marge de sécurité fait partie de ces coûts d’exploitation incrémentaux) figure aux points 288 et suivants de l’arrêt attaqué. En particulier, aux points 289 et 296, le Tribunal se réfère au rapport d’Oxera de 2018. Dès lors,
l’argument des requérantes selon lequel aucune référence à ce rapport n’a été faite dans l’arrêt attaqué est tout simplement erroné et leur allégation selon laquelle le Tribunal a méconnu ledit rapport n’est pas fondée.

112. Il suffit de relever que le Tribunal a considéré que les explications de la Commission étaient suffisantes pour écarter la surestimation alléguée des coûts d’exploitation incrémentaux (y compris la marge de sécurité), sans qu’il soit nécessaire qu’elle mentionne explicitement le rapport d’Oxera de 2018 en ce qui concerne chaque allégation formulée par les requérantes dans ce contexte. Par conséquent, le Tribunal n’a commis aucune dénaturation des éléments de preuve.

3. Taux de remplissage

113. Le taux de remplissage était pertinent pour l’analyse ex ante de la rentabilité concernant les accords de 2002. La décision litigieuse a retenu un taux de remplissage de 70 %, que les requérantes estiment trop faible. Elles soutiennent que : i) l’ASA de 2002 a fixé un taux de remplissage cible de 76 %; ii) la Commission a utilisé un taux de remplissage plus élevé de 85 % dans son analyse des accords de 2006 ; iii) la décision litigieuse aurait démontré que l’aéroport avait des activités civiles
peu de temps après sa création en 1915 et avait ainsi « plusieurs décennies d’expérience dans le domaine de l’aviation civile », et iv) le rapport Oxera de 2018 aurait montré que le taux de remplissage cible de 76 % était proche, bien que légèrement inférieur, du taux de remplissage d’environ 80 % atteint par Ryanair sur l’ensemble de son réseau. Les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir ignoré ou de ne pas avoir dûment pris en considération les éléments de preuve et d’avoir pris les
mémoires de la Commission pour argent comptant.

114. À mon avis, les arguments des requérantes doivent être rejetés pour des raisons analogues à celles que j’ai évoquées dans les présentes conclusions en ce qui concerne la marge de sécurité.

115. Le Tribunal relève que l’ASA de 2002 avait un taux de remplissage cible de 76 %, comme le font valoir les requérantes dans le cadre du présent moyen, et que la Commission a utilisé un taux de 70 % dans la décision litigieuse, sans avoir commis d’erreur manifeste d’appréciation, étant donné que l’aéroport n’avait, à ce stade, aucune expérience avec les compagnies aériennes à bas coûts et que ces compagnies étaient alors moins bien établies qu’elles le sont à ce jour.

116. Le fait que l’aéroport était en activité depuis l’année 1915 et avait ainsi acquis une « expérience dans l’aviation civile » ne saurait remettre en cause le fait qu’il n’avait aucune expérience avec Ryanair ou d’autres compagnies aériennes à bas coûts au moment de la conclusion des accords de 2002. Cela n’est d’ailleurs pas contesté par les requérantes.

117. Dès lors, l’argument des requérantes selon lequel le Tribunal aurait ignoré, ou n’aurait pas dûment examiné, les éléments de preuve produits devant lui doit être rejeté comme étant non fondé. Les requérantes peuvent être en désaccord avec l’appréciation des éléments de preuve par le Tribunal, mais cela ne signifie pas que ce dernier a dénaturé ces éléments de preuve.

4. Conclusion sur le troisième moyen

118. Les requérantes n’ont pas démontré que le Tribunal avait dénaturé des éléments de preuve et encore moins que de telles dénaturations étaient évidentes. Partant, il y a lieu de rejeter le troisième moyen comme étant non fondé.

D.   Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs de droit en ce qui concerne le montant de l’aide à récupérer

119. Les requérantes font valoir, en substance, que le Tribunal a commis une erreur de droit en concluant que tant l’existence que l’importance d’une aide devaient être appréciées uniquement sur la base d’éléments de preuve ex ante. En outre, le Tribunal n’aurait pas répondu à leurs arguments selon lesquels des corrections aux données ex ante devraient être apportées en ce qui concerne les « facteurs se trouvant directement sous le contrôle du dispensateur de l’aide », mais se serait uniquement
référé à des évolutions « totalement aléatoires ». Les requérantes soutiennent que le Tribunal a fait une lecture erronée de la jurisprudence (ce qui n’empêche pas la Commission de procéder à de telles corrections). Elles font valoir que l’erreur du Tribunal provient d’une confusion entre l’« octroi » et le « versement » de l’aide.

120. Il apparaît que les requérantes remettent de facto en cause le fondement du critère de l’opérateur privé en économie de marché, c’est‑à-dire la question de savoir ce qu’aurait fait un investisseur privé avisé en économie de marché au moment de la conclusion des accords.

121. L’argument des requérantes semble inopérant. En effet, la Cour a clairement jugé que sont seuls pertinents, aux fins de l’application du critère de l’opérateur privé, les éléments disponibles et les évolutions prévisibles au moment où la décision de procéder à la mesure en cause a été prise ( 41 ).

122. Partant, des éléments postérieurs au moment où la mesure concernée a été adoptée ne sauraient être pris en compte aux fins de l’application du principe de l’opérateur privé ( 42 ).

123. Par ailleurs, la Cour a déjà jugé que, eu égard à la jurisprudence susmentionnée, une argumentation par laquelle la requérante conteste le bien‑fondé de l’appréciation du Tribunal relative à l’appréciation des aides à récupérer est inopérante, en ce qu’elle est tirée de la prise en compte d’événements postérieurs à l’octroi des mesures en cause ( 43 ).

124. À cet égard, j’estime également que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le libellé du point 113 de l’arrêt Larko/Commission montre clairement que ce point concerne tant l’existence que l’importance de l’aide à récupérer.

125. Ainsi que l’a relevé la Commission, l’argumentation des requérantes revient à embrouiller les deux types de situations susmentionnées et à créer une certaine confusion dans leur pourvoi. En tout état de cause, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a correctement abordé les deux situations auxquelles elles font référence (« redevances de commercialisation effectivement versées à Ryanair, à LV ou à AMS au cours de la période concernée » et « adaptations fondées sur d’autres données ex post relatives
aux recettes et aux coûts dont il ressort que les coûts ont été clairement surestimés »).

126. Premièrement, le Tribunal rappelle les principes de l’opérateur privé en économie de marché et explique, notamment au point 419 de l’arrêt attaqué, que tant l’existence que l’importance d’une aide doivent être appréciées compte tenu de la situation au moment de son octroi. En se référant à ce principe, le Tribunal a rejeté l’allégation des requérantes selon laquelle la Commission aurait dû « corriger » les coûts d’exploitation de l’aéroport sur la base d’éléments de preuve ex post lors du
calcul du montant de l’aide, ainsi qu’il est expliqué aux points 427 à 429 de cet arrêt.

127. À cet égard, le Tribunal a correctement appliqué l’arrêt Larko/Commission.

128. La référence des requérantes à des « erreurs » est trompeuse dans la mesure où celles-ci évoquent des informations qui n’étaient pas disponibles au moment de l’octroi de l’aide (visant à corriger les coûts d’exploitation de l’année 2002 sur la base de données du système de comptabilisation des coûts de l’année 2005, système dont l’aéroport ne disposait même pas auparavant). D’un point de vue ex ante, il est totalement erroné de parler d’« erreurs » lorsque l’on fait simplement référence à des
informations ex post. Il s’ensuit également que l’allégation des requérantes selon laquelle une telle « correction » devrait être effectuée si l’« erreur » figure dans les données du dispensateur de l’aide est dénuée de pertinence et, en tout état de cause, inopérante.

129. Je partage l’avis de la Commission selon lequel, si l’on suivait l’argumentation des requérantes, le montant de l’aide pourrait être « corrigé » sur la base de données ex post également au détriment du bénéficiaire. En ce sens, au point 421 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est borné à fournir certains exemples d’évolutions aléatoires susceptibles d’entraîner une variation du montant de l’aide, mais il n’a pas introduit d’exigence selon laquelle de telles évolutions doivent échapper au contrôle
du dispensateur de l’aide.

130. Deuxièmement, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le Tribunal a correctement abordé la situation, dans laquelle les autorités autrichiennes pouvaient modifier le montant de l’aide à récupérer en ce qui concerne des paiements au bénéficiaire qui n’avaient pas été effectivement effectués. Ainsi que l’a relevé le Tribunal au point 422 de l’arrêt attaqué, les autorités autrichiennes avaient fait valoir, au cours de la procédure d’examen de la Commission, qu’un certain accord
accordant une aide n’était en fait pas entré en vigueur puisqu’il avait été remplacé par un autre accord. Or, les autorités autrichiennes n’ont transmis aucune preuve de cet argument. Par conséquent, la Commission a inclus l’accord litigieux dans le calcul du montant de l’aide, mais a permis aux autorités autrichiennes d’adapter le montant de l’aide à récupérer à un stade ultérieur, à condition de présenter des preuves. Cela est expliqué aux points 422 et 426 de l’arrêt attaqué. Il importe de
relever que tout ajustement de ce type doit être fondé sur des éléments de preuve qui existaient au moment de la conclusion des accords en cause.

131. En outre, la Cour a jugé qu’aucune disposition du droit de l’Union n’exige que la Commission, lorsqu’elle ordonne la restitution d’une aide déclarée incompatible avec le marché commun, fixe le montant exact de l’aide à restituer. Il suffit en effet que la décision de la Commission comporte des indications permettant à son destinataire de déterminer lui-même, sans difficultés excessives, ce montant ( 44 ).

132. C’est le principe que le Tribunal a rappelé au point 415 de l’arrêt attaqué et appliqué en l’espèce aux points 422 à 426 de celui-ci.

133. Les requérantes font valoir que tant l’affaire Larko/Commission que celle ayant donné lieu à l’arrêt Freistaat Thüringen ( 45 ), invoqué par le Tribunal (et par la Commission dans la décision litigieuse), concernaient des garanties, et ces arrêts ne comportent pas le principe selon lequel tant l’existence que l’importance de cette aide doivent être appréciées au regard de la situation au moment de son octroi. Cela arrangerait prétendument la Commission, étant donné que les garanties sont
probablement le seul type de mesure d’aide pour lequel la distinction entre l’octroi et le versement est moins nette. Cela est dû au fait qu’aucune fourniture active de fonds ou de services n’est requise de la part du dispensateur après l’octroi d’une garantie et pendant toute sa durée.

134. Premièrement, les allégations des requérantes sont erronées. Il ressort du point 113 de l’arrêt Larko/Commission, qu’il concerne tant l’existence que l’importance de l’aide à récupérer.

135. Deuxièmement, je ne considère pas que la seule circonstance figurant au point 133 des présentes conclusions soit suffisante pour écarter l’application de cette jurisprudence en l’espèce ( 46 ).

136. En effet, en l’espèce, les aides ne constituaient pas simplement des versements « bruts » de sommes d’argent, sans contrepartie, dont les montants pourraient être déterminés directement. Au lieu de cela, il s’agissait de divers arrangements contractuels complexes par lesquels l’aéroport (et donc les autorités publiques) acceptait in fine d’encourir des coûts – qu’un opérateur privé en économie de marché n’aurait pas accepté d’encourir –, ces autorités publiques ayant en quelque sorte
« surpayé » les services reçus ou renoncé à certains prélèvements (ou redevances).

137. Partant, j’estime que la Commission était en droit de considérer que ces montants devaient être calculés, comme elle l’a indiqué au considérant 563 de la décision litigieuse, en prenant en compte « la partie négative du flux de trésorerie marginal attendu au moment de la conclusion de la transaction (recettes moins les coûts) ».

138. En effet, en l’espèce, c’est précisément à ce moment-là que l’engagement de ressources d’État s’est concrétisé, moment qui doit, dès lors, être pris en compte pour déterminer l’avantage dont ont bénéficié les requérantes et, in fine, le montant de l’aide à récupérer.

139. Il résulte des considérations qui précèdent que le quatrième moyen de pourvoi doit être rejeté comme inopérant.

140. Enfin, même si la Cour décidait de ne pas suivre l’analyse exposée dans les présentes conclusions selon laquelle ce moyen est inopérant, j’estime que ce moyen devrait en tout état de cause être rejeté comme non fondé.

141. En effet, si le vocabulaire utilisé aux points contestés de l’arrêt attaqué peut être considéré comme quelque peu fluctuant, il ressort, à mon sens, d’une lecture d’ensemble de cet arrêt que le Tribunal n’a pas remis en cause le fait que l’obligation de récupération des aides illégalement versées vise au rétablissement de la situation antérieure à leur versement, aux fins d’éliminer la distorsion de concurrence causée par l’avantage concurrentiel procuré par l’aide illégale ( 47 ).

142. En outre, la distinction que les requérantes cherchent à établir entre l’octroi de l’aide et son versement semble à tout le moins ténue lorsqu’il s’agit non pas d’un régime d’aides, mais d’une aide individuelle.

143. Il résulte des considérations qui précèdent que le quatrième moyen doit être rejeté comme étant inopérant et, en tout état de cause, non fondé.

144. Étant donné que tous les moyens sont non fondés, il y a lieu de rejeter le pourvoi dans son intégralité.

IV. Conclusion

145. Eu égard à ce qui précède, je propose à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner les requérantes aux dépens.

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) Décision de la Commission du 11 novembre 2016 concernant l’aide d’État SA.24221 (2011/C) (ex 2011/NN) mise à exécution par l’Autriche en faveur de l’aéroport de Klagenfurt, de Ryanair et d’autres compagnies aériennes utilisant l’aéroport (JO 2018, L 107, p. 1 ; ci-après la « décision litigieuse »).

( 3 ) Publiée au Journal officiel de l’Union européenne du 3 août 2012 (JO 2012, C 233, p. 28).

( 4 ) Arrêt du 14 avril 2005, Gaki-Kakouri/Cour de justice (C‑243/04 P, non publié, EU:C:2005:238, point 30) (concernant les dispositions équivalentes de l’ancien règlement de procédure du Tribunal).

( 5 ) Arrêt du 16 septembre 2020, BP/FRA (C‑669/19 P, non publié, EU:C:2020:713, point 41). La Cour y cite l’arrêt du 14 avril 2005, Gaki-Kakouri/Cour de justice (C‑243/04 P, non publié, EU:C:2005:238, points 32 et 33).

( 6 ) C’est-à-dire l’article 48, paragraphe 1, de l’ancien règlement de procédure du Tribunal.

( 7 ) C‑243/04 P, non publié, EU:C:2005:238, points 32 et 33.

( 8 ) C‑669/19 P, non publié, EU:C:2020:713, point 47.

( 9 ) Arrêt du 15 décembre 2016 (T‑177/13, non publié, EU:T:2016:736, point 251).

( 10 ) Arrêt du 16 septembre 2020 (C‑669/19 P, non publié, EU:C:2020:713, point 44).

( 11 ) Arrêt du 11 septembre 2019, HX/Conseil (C‑540/18 P, non publié, EU:C:2019:707, points 65 à 68).

( 12 ) Arrêt du 14 mars 2018 (T‑651/16, non publié, EU:T:2018:137).

( 13 ) Arrêt du 7 juin 2018 (T‑72/17, EU:T:2018:335).

( 14 ) C‑546/10 P, non publiée, ci-après « ordonnance Wilfer/OHMI , EU:C:2011:574, points 40 à 43.

( 15 ) Règlement du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1).

( 16 ) Règlement du Conseil du 13 juillet 2015 portant modalités d’application de l’article 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (JO 2015, L 248, p. 9).

( 17 ) Voir, concernant l’article 15 du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE (JO 1999, L 83, p. 1) (actuel article 17 du règlement 2015/1589), arrêt du 6 octobre 2005, Scott/Commission (C‑276/03 P, EU:C:2005:590, point 36).

( 18 ) Voir, par analogie, arrêt du 23 janvier 2019, Fallimento Traghetti del Mediterraneo (C‑387/17, EU:C:2019:51, points 61 et 62).

( 19 ) Arrêt du 10 avril 2003, Département du Loiret/Commission (T‑369/00, EU:T:2003:114, point 82).

( 20 ) Voir, par exemple, Säcker, F. J., et Montag, F. (éd.), European State Aid Law, Beck, Munich, 2016, p. 1613.

( 21 ) Voir Säcker, F. J., et Montag, F. (éd.), European State Aid Law, Beck, Munich, 2016, p. 1613, voir également Lübbig, T., et Martin-Ehlers, A., Beihilfenrecht der EU : das Recht der Wettbewerbsaufsicht über staatliche Beihilfen in der Europäischen Union, Beck, Munich, 2009, p. 228.

( 22 ) Voir arrêt du 6 octobre 2005, Scott/Commission (C‑276/03 P, EU:C:2005:590, point 30).

( 23 ) Voir article 2, paragraphe 2, et article 5, paragraphes 1 et 2, de ce règlement qui, en vertu de l’article 12, paragraphe 2, dudit règlement, s’appliquent aux renseignements demandés conformément à cette disposition.

( 24 ) Règlement du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (JO 2003, L 1, p. 1).

( 25 ) Arrêts du 10 mars 2016, HeidelbergCement/Commission (C‑247/14 P, EU:C:2016:149, point 23), et du 28 janvier 2021, Qualcomm et Qualcomm Europe/Commission (C‑466/19 P, EU:C:2021:76, point 68). Cette partie s’inspire, notamment, des affaires examinées dans la doctrine. Voir Geulette, A., et Scholz, M., « Article 18 Requests for Information », dans Prete, L., Laitenberger, J., Gauer, C., et Dekeyser, K. (éd.), Regulation 1/2003 and EU Antitrust Enforcement, Wolters Kluwer, Alphen, 2022, p. 433 et
suiv., ainsi que jurisprudence citée.

( 26 ) Voir arrêt du 28 janvier 2021, Qualcomm et Qualcomm Europe/Commission (C‑466/19 P, EU:C:2021:76, point 70 et jurisprudence citée).

( 27 ) Arrêt du 10 mars 2016, HeidelbergCement/Commission (C‑247/14 P, EU:C:2016:149, points 20, 24 et 25).

( 28 ) Arrêt du 10 mars 2016, HeidelbergCement/Commission (C‑247/14 P, EU:C:2016:149, point 39).

( 29 ) Arrêt du 10 mars 2016, HeidelbergCement/Commission (C‑247/14 P, EU:C:2016:149, point 19).

( 30 ) Règlement du Conseil du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81] et [82] du traité (JO 1962, no 13), qui a précédé le règlement no 1/2003.

( 31 ) Arrêt du 12 décembre 1991, SEP/Commission (T‑39/90, EU:T:1991:71, point 29) (pourvoi rejeté par la Cour).

( 32 ) Voir, à cet égard, arrêt du 15 février 2001, Autriche/Commission (C‑99/98, EU:C:2001:94, points 45 à 67).

( 33 ) Règlement du Conseil du 26 novembre 1974 relatif à la prescription en matière de poursuites et d’exécution dans les domaines du droit des transports et de la concurrence de la Communauté économique européenne (JO 1974, L 319, p. 1). Voir arrêt du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission (T‑213/00, EU:T:2003:76, points 484 à 511) (pourvoi rejeté par la Cour).

( 34 ) Arrêt attaqué (point 81 et jurisprudence citée).

( 35 ) Arrêt attaqué (point 83).

( 36 ) Arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France (C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 63 et jurisprudence citée).

( 37 ) Arrêt du 11 mars 2020, Commission/Gmina Miasto Gdynia et Port Lotniczy Gdynia Kosakowo (C‑56/18 P, EU:C:2020:192, points 73 à 75).

( 38 ) Arrêt du 28 janvier 2021, Qualcomm et Qualcomm Europe/Commission (C‑466/19 P, EU:C:2021:76, points 43 et 44).

( 39 ) Arrêts du 8 mars 2016, Grèce/Commission (C‑431/14 P, EU:C:2016:145, point 32), et du 2 mars 2021, Commission/Italie e.a. (C‑425/19 P, EU:C:2021:154, point 52).

( 40 ) Ce qui a été rappelé au point 99 des présentes conclusions.

( 41 ) Arrêt du 26 mars 2020, Larko/Commission (C‑244/18 P, ci-après l’« arrêt Larko/Commission , EU:C:2020:238, point 31, voir également points 28 à 30).

( 42 ) Arrêt Larko/Commission (point 32).

( 43 ) Arrêt Larko/Commission (point 113).

( 44 ) Arrêt du 20 mars 2014, Rousse Industry/Commission (C‑271/13 P, non publié, EU:C:2014:175, point 77). Voir également arrêt du 18 octobre 2007, Commission/France (C‑441/06, EU:C:2007:616, point 29 et jurisprudence citée).

( 45 ) Arrêt attaqué (point 419), renvoyant à l’arrêt du 19 octobre 2005, Freistaat Thüringen/Commission (T‑318/00, EU:T:2005:363, point 125), et à l’arrêt Larko/Commission (point 113).

( 46 ) Voir jurisprudence citée dans l’arrêt Larko/Commission (points 28 à 32).

( 47 ) Voir, notamment, arrêts du 5 mars 2019, Eesti Pagar (C‑349/17, EU:C:2019:172, point 131 et jurisprudence citée), ainsi que du 15 septembre 2022, Fossil (Gibraltar) (C‑705/20, EU:C:2022:680, point 39 et jurisprudence citée).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-758/21
Date de la décision : 30/03/2023
Type d'affaire : Pourvoi
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi – Aides d’État – Mesures mises à exécution par la République d’Autriche en faveur de l’aéroport de Klagenfurt, de Ryanair et d’autres compagnies aériennes utilisant cet aéroport – Décision déclarant les mesures d’aide partiellement incompatibles avec le marché intérieur – Article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal de l’Union européenne – Éléments de preuve présentés au Tribunal après la clôture de la procédure écrite – Recevabilité – Règlement (UE) 2015/1589 – Article 17, paragraphes 1 et 2 – Pouvoirs de la Commission européenne en matière de récupération de l’aide – Délai de prescription – Degré de précision des mesures interruptives de ce délai – Obligation de motivation – Dénaturation des éléments de preuve – Données pertinentes pour déterminer le montant de l’aide à récupérer.

Concurrence

Aides accordées par les États


Parties
Demandeurs : Ryanair DAC et Airport Marketing Services Ltd
Défendeurs : Commission européenne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Medina

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2023:274

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award