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13/01/2022 | CJUE | N°C-466/20

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général M. G. Pitruzzella, présentées le 13 janvier 2022., HEITEC AG contre HEITECH Promotion GmbH et RW., 13/01/2022, C-466/20


 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GIOVANNI PITRUZZELLA

présentées le 13 janvier 2022 ( 1 )

Affaire C‑466/20

HEITEC AG

contre

HEITECH Promotion GmbH,

RW

[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Marques de l’Union européenne – Forclusion par tolérance – Calcul du délai de cinq années – Interruption du délai de forclusion par tolérance – Envoi d’une lettre de mise en demeure

– Effets de la forclusion – Droits dérivés visant à l’indemnisation, la fourniture des informations et la remise des produits aux fins de leur des...

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GIOVANNI PITRUZZELLA

présentées le 13 janvier 2022 ( 1 )

Affaire C‑466/20

HEITEC AG

contre

HEITECH Promotion GmbH,

RW

[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Marques de l’Union européenne – Forclusion par tolérance – Calcul du délai de cinq années – Interruption du délai de forclusion par tolérance – Envoi d’une lettre de mise en demeure – Effets de la forclusion – Droits dérivés visant à l’indemnisation, la fourniture des informations et la remise des produits aux fins de leur destruction »

1. En 2006, l’association internationale pour la protection de la propriété intellectuelle (AIPPI) constatait que la plupart des groupes européens, qui participaient alors au travail de synthèse orchestré par cette association sur la question de la tolérance des actes d’atteinte aux droits de propriété intellectuelle en général et de l’interruption de la tolérance par le titulaire du droit antérieur en particulier, « reconnaiss[ai]ent que la question n’a[vait] fait l’objet d’aucune réglementation et
qu’elle mérit[ait], comme d’ailleurs l’ensemble de la question [...] de la forclusion par tolérance, des précisions supplémentaires » ( 2 ). Près de seize ans plus tard, et après que la Cour a posé les premiers jalons du régime communautaire de la forclusion par tolérance dans son arrêt Budějovický Budvar ( 3 ), le présent renvoi préjudiciel offre une nouvelle opportunité à cette dernière de préciser les contours de ce régime juridique.

I. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union

1. La directive 2008/95

2. Il ressort du considérant 12 de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques ( 4 ) qu’« [i]l importe, pour des raisons de sécurité juridique et sans porter atteinte de manière inéquitable aux intérêts du titulaire d’une marque antérieure, de prévoir que ce dernier ne peut demander la nullité ou s’opposer à l’usage d’une marque postérieure à la sienne dont il a sciemment toléré l’usage pendant une
longue période, sauf si la marque postérieure a été demandée de mauvaise foi ».

3. L’article 4 de la directive 2008/95, consacré aux « [m]otifs supplémentaires de refus ou de nullité concernant les conflits avec des droits antérieurs », dispose :

« 1.   Une marque est refusée à l’enregistrement ou, si elle est enregistrée, est susceptible d’être déclarée nulle :

a) lorsqu’elle est identique à une marque antérieure et que les produits ou services pour lesquels la marque a été demandée ou a été enregistrée sont identiques à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée ;

b) lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

2.   Aux fins du paragraphe 1, on entend par “marques antérieures” :

a) les marques dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque compte tenu, le cas échéant, du droit de priorité invoqué à l’appui de ces marques, et qui appartiennent aux catégories suivantes :

i) les marques communautaires,

ii) les marques enregistrées dans l’État membre [...],

iii) les marques qui font l’objet d’un enregistrement international ayant effet dans l’État membre ;

b) les marques communautaires qui revendiquent valablement l’ancienneté [...] ;

c) les demandes de marques visées aux points a) et b), sous réserve de leur enregistrement ;

[...]

4.   Un État membre peut en outre prévoir qu’une marque est refusée à l’enregistrement ou, si elle est enregistrée, est susceptible d’être déclarée nulle lorsque et dans la mesure où :

[...]

b) des droits à une marque non enregistrée ou un autre signe utilisé dans la vie des affaires ont été acquis avant la date de dépôt de la demande de marque postérieure ou, le cas échéant, avant la date de la priorité invoquée à l’appui de la demande de marque postérieure, et que cette marque non enregistrée ou cet autre signe donne à son titulaire le droit d’interdire l’utilisation d’une marque postérieure ;

c) l’usage de la marque peut être interdit en vertu d’un droit antérieur autre que les droits mentionnés au paragraphe 2 et au point b) du présent paragraphe, et notamment :

i) d’un droit au nom,

ii) d’un droit à l’image,

iii) d’un droit d’auteur,

iv) d’un droit de propriété industrielle ;

[...] »

4. L’article 9 de la directive 2008/95 est libellé comme suit :

« 1.   Le titulaire d’une marque antérieure telle que visée à l’article 4, paragraphe 2, qui a toléré, dans un État membre, l’usage d’une marque postérieure enregistrée dans cet État membre pendant une période de cinq années consécutives en connaissance de cet usage ne peut plus demander la nullité ni s’opposer à l’usage de la marque postérieure sur la base de cette marque antérieure pour les produits ou les services pour lesquels la marque postérieure a été utilisée, à moins que le dépôt de la
marque postérieure n’ait été effectué de mauvaise foi.

2.   Tout État membre peut prévoir que le paragraphe 1 s’applique au titulaire d’une marque antérieure visée à l’article 4, paragraphe 4, point a), ou d’un autre droit antérieur visé à l’article 4, paragraphe 4, point b) ou c).

3.   Dans les cas visés au paragraphe 1 ou 2, le titulaire d’une marque enregistrée postérieure ne peut pas s’opposer à l’usage du droit antérieur bien que ce droit ne puisse plus être invoqué contre la marque postérieure. »

2. Le règlement no 207/2009

5. L’article 8 du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne ( 5 ) prévoit :

« 1.   Sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement :

a) lorsqu’elle est identique à la marque antérieure et que les produits ou les services pour lesquels la marque a été demandée sont identiques à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée ;

b) lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée ; le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

2.   Aux fins du paragraphe 1, on entend par “marques antérieures” :

a) les marques dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque de l’Union européenne, compte tenu, le cas échéant, du droit de priorité invoqué à l’appui de ces marques, et qui appartiennent aux catégories suivantes :

i) les marques de l’Union européenne,

ii) les marques enregistrées dans un État membre [...],

iii) les marques qui ont fait l’objet d’un enregistrement international ayant effet dans un État membre ;

iv) les marques qui ont fait l’objet d’un enregistrement international ayant effet dans l’Union ;

b) les demandes de marques visées au point a), sous réserve de leur enregistrement ;

[...]

4.   Sur opposition du titulaire d’une marque non enregistrée ou d’un autre signe utilisé dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale, la marque demandée est refusée à l’enregistrement, lorsque et dans la mesure où, selon la législation de l’Union ou le droit de l’État membre qui est applicable à ce signe :

a) des droits à ce signe ont été acquis avant la date de dépôt de la demande de marque de l’Union européenne ou, le cas échéant, avant la date de la priorité invoquée à l’appui de la demande de marque de l’Union européenne ;

b) ce signe donne à son titulaire le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente.

[...] »

6. L’article 54 du règlement no 207/2009, consacré à la forclusion par tolérance, énonce ce qui suit :

« 1.   Le titulaire d’une marque de l’Union européenne qui a toléré pendant cinq années consécutives l’usage d’une marque de l’Union européenne postérieure dans l’Union en connaissance de cet usage ne peut plus demander la nullité ni s’opposer à l’usage de la marque postérieure sur la base de cette marque antérieure pour les produits ou les services pour lesquels la marque postérieure a été utilisée, à moins que le dépôt de la marque de l’Union européenne postérieure n’ait été effectué de
mauvaise foi.

2.   Le titulaire d’une marque nationale antérieure visée à l’article 8, paragraphe 2, ou d’un autre signe antérieur visé à l’article 8, paragraphe 4, qui a toléré pendant cinq années consécutives l’usage d’une marque de l’Union européenne postérieure dans l’État membre où cette marque antérieure ou l’autre signe antérieur est protégé, en connaissance de cet usage, ne peut plus demander la nullité ni s’opposer à l’usage de la marque postérieure sur la base de la marque antérieure ou de l’autre
signe antérieur pour les produits ou les services pour lesquels la marque postérieure a été utilisée, à moins que le dépôt de la marque de l’Union européenne postérieure n’ait été effectué de mauvaise foi.

3.   Dans les cas visés aux paragraphes 1 ou 2, le titulaire de la marque de l’Union européenne postérieure ne peut pas s’opposer à l’usage du droit antérieur bien que ce droit ne puisse plus être invoqué contre la marque de l’Union européenne postérieure. »

7. L’article 110 du règlement no 207/2009 est intitulé « Interdiction de l’usage des marques de l’Union européenne ». Son premier paragraphe prévoit que, « [s]auf disposition contraire, le présent règlement n’affecte pas le droit, existant en vertu de la loi des États membres, d’intenter des actions en violation de droits antérieurs au sens de l’article 8 ou de l’article 53, paragraphe 2, contre l’usage d’une marque de l’Union européenne postérieure. Des actions en violation de droits antérieurs au
sens de l’article 8, paragraphes 2 et 4, ne peuvent toutefois plus être intentées lorsque le titulaire du droit antérieur ne peut plus, en vertu de l’article 54, paragraphe 2, demander la nullité de la marque de l’Union européenne. »

8. L’article 111 du règlement no 207/2009 est rédigé comme suit :

« 1.   Le titulaire d’un droit antérieur de portée locale peut s’opposer à l’usage de la marque de l’Union européenne sur le territoire où ce droit est protégé dans la mesure où le droit de l’État membre concerné le permet.

2.   Le paragraphe 1 cesse d’être applicable si le titulaire du droit antérieur a toléré l’usage de la marque de l’Union européenne sur le territoire où ce droit est protégé, pendant cinq années consécutives en connaissance de cet usage, à moins que le dépôt de la marque de l’Union européenne n’ait été effectué de mauvaise foi.

3.   Le titulaire de la marque de l’Union européenne ne peut pas s’opposer à l’usage du droit visé au paragraphe 1, même si ce droit ne peut plus être invoqué contre la marque de l’Union européenne. »

B.   Le droit allemand

9. L’article 21 du Gesetz über den Schutz von Marken und sonstigen Kennzeichen (Markengesetz) (loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs), du 25 octobre 1994 (ci-après la « loi sur les marques ») ( 6 ), dispose :

« 1.   Le titulaire d’une marque ou d’un nom commercial n’est pas en droit d’interdire l’usage d’une marque enregistrée postérieure pour les produits ou services pour lesquels elle est enregistrée s’il a toléré l’usage de cette marque pendant une période de cinq années consécutives en connaissance de cet usage, à moins que le dépôt de la marque postérieure n’ait été effectué de mauvaise foi.

2.   Le titulaire d’une marque ou d’un nom commercial n’est pas en droit d’interdire l’usage [...] d’un nom commercial [...] postérieur s’il a toléré l’usage de [ce nom commercial] pendant une période de cinq années consécutives en connaissance de cet usage, à moins que le titulaire de ce droit ne fût de mauvaise foi à la date de son acquisition.

[...] »

10. L’article 125b, point 3, de la loi sur les marques prévoit que, « [s]i une marque de l’Union européenne enregistrée est invoquée contre l’usage d’une marque postérieure enregistrée en vertu de la présente loi, l’article 21, paragraphe 1, [de la loi sur les marques] s’applique mutatis mutandis ».

II. Le litige au principal et les questions préjudicielles

11. La requérante au principal a été inscrite au registre du commerce sous la raison sociale Heitec Industrieplanung GmbH en 1984. Sa raison sociale a été modifiée en 1988 pour devenir HEITEC GmbH. Depuis qu’elle a changé de forme juridique en 2000, elle exerce son activité sous le nom de HEITEC AG. Elle est titulaire de la marque verbale HEITEC, marque de l’Union européenne no 774331, déposée le 18 mars 1998 avec revendication d’ancienneté au 13 juillet 1991 et enregistrée le 4 juillet 2005 ( 7 ).

12. L’une des deux parties défenderesses au principal ( 8 ) a, pour sa part, été inscrite au registre du commerce le 16 avril 2003 sous la raison sociale HEITECH Promotion GmbH, nom sous lequel elle exerce son activité (ci-après « Heitech »). Elle est titulaire d’une marque allemande figurative déposée le 17 septembre 2002, enregistrée le 4 février 2003 et utilisée depuis le 29 septembre 2004 au plus tard. Elle est également titulaire d’une marque figurative de l’Union européenne no 6647432
comportant l’élément verbal HEITECH, déposée le 6 février 2008, enregistrée le 20 novembre 2008 et utilisée depuis le 6 mai 2009 au plus tard.

13. Le 29 novembre 2004, Heitech a contacté par courrier les représentants de Heitec pour leur proposer de conclure un accord de coexistence. Le 7 juillet 2008, l’EUIPO a informé Heitec du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque de l’Union européenne HEITECH. Le22 avril 2009, Heitec a adressé une mise en demeure à Heitech en raison de l’utilisation du nom commercial et de la marque comportant l’élément verbal HEITECH. Heitech a, dans sa réponse du 6 mai 2009, de nouveau proposé de conclure
un accord de coexistence.

14. Le 31 décembre 2012, le Landgericht Nürnberg-Fürth (tribunal régional de Nuremberg-Fürth, Allemagne) a reçu par télécopie l’acte introductif d’instance, présenté par la requérante au principal, portant la date du 15 décembre 2012. Le 4 janvier 2013, cette juridiction a invité la requérante au principal à régler une avance sur les frais de procédure. Cette avance n’avait toujours pas été réglée au 12 mars 2013, date à laquelle le Landgericht Nürnberg-Fürth (tribunal régional de Nuremberg-Fürth) a
rappelé à la requérante au principal qu’il n’avait pas été procédé au versement de ladite avance et que les originaux de l’acte introductif d’instance n’avaient pas été déposés.

15. Le 23 septembre 2013, Heitec a indiqué, par courrier adressé à Heitech, qu’elle refusait de conclure avec cette dernière un accord de coexistence. Elle lui a proposé de conclure un accord de licence et lui a indiqué, dans le même temps, avoir engagé une procédure judiciaire. Dans un nouveau courrier adressé à Heitech le 29 décembre 2013, Heitec a informé la défenderesse au principal qu’elle s’appuyait sur son nom commercial et qu’elle était titulaire de la marque de l’Union européenne HEITEC.
Elle a également déclaré que la procédure judiciaire était pendante.

16. Le 30 décembre 2013, le Landgericht Nürnberg-Fürth (tribunal régional de Nuremberg-Fürth) a reçu des écritures de Heitec datées du 12 décembre 2013, accompagnées d’un chèque au titre des frais de justice ainsi que d’un nouvel acte introductif d’instance portant la date du 4 octobre 2013. Le 14 janvier 2014, cette juridiction a attiré l’attention de Heitec sur la nécessité de signifier l’acte introductif d’instance du 15 décembre 2012 alors qu’elle n’avait toujours pas déposé les originaux
destinés à ladite juridiction et à la défenderesse au principal. Après donc avoir été invitée à déposer ces pièces, Heitec a fait parvenir au Landgericht Nürnberg-Fürth (tribunal régional de Nuremberg-Fürth) lesdits originaux le 22 février 2014.

17. Le 24 février 2014, le Landgericht Nürnberg-Fürth (tribunal régional de Nuremberg-Fürth) a attiré l’attention de Heitec sur le fait que les chefs de demande des originaux de l’acte introductif d’instance reçus le 22 février 2014 ne concordaient pas avec les chefs de demande de l’acte introductif d’instance déposé le 31 décembre 2012. Le 16 mai 2014, le Landgericht Nürnberg-Fürth (tribunal régional de Nuremberg-Fürth) a finalement ouvert la procédure et ordonné que des copies de l’acte
introductif d’instance du 15 décembre 2012 soient signifiées aux parties défenderesses au principal.

18. Le 23 mai 2014, l’acte introductif d’instance du 15 décembre 2012 a été finalement signifié aux parties défenderesses au principal ( 9 ) après que les pièces originales ont été transmises au Landgericht Nürnberg-Fürth (tribunal régional de Nuremberg-Fürth) le 21 mai 2014.

19. Heitec a ainsi formé, à titre principal, des demandes fondées sur l’atteinte portée aux droits que lui confère son nom commercial HEITEC et, à titre subsidiaire, des demandes fondées sur la contrefaçon de sa marque de l’Union européenne HEITEC. Elle a conclu à ce que Heitech soit condamnée à s’abstenir d’identifier son entreprise par le nom HEITECH Promotion GmbH (chef de demande I), à s’abstenir d’apposer les signes HEITECH PROMOTION et HEITECH sur des produits, d’offrir des produits ou
services sous ces signes, d’utiliser ces signes dans des documents commerciaux, sur des sites Internet ou dans des publicités (chef de demande II), à s’abstenir d’utiliser ou de céder, à des fins commerciales, le site « heitech-promotion.de » (chef de demande III) et à consentir à ce que sa raison sociale soit radiée du registre du commerce (chef de demande VII). Heitec a, par ailleurs, formé à l’encontre des deux parties défenderesses des demandes de renseignement, de constatation d’une
obligation à réparation, de destruction ainsi que de paiement des frais de mise en demeure (chefs de demande IV, V, VI et VIII).

20. Le Landgericht Nürnberg-Fürth (tribunal régional de Nuremberg-Fürth) a condamné Heitech à verser à Heitec un montant de 1353,80 euros, majoré d’intérêts, au titre des frais de mise en demeure et a rejeté les autres demandes.

21. Heitec a interjeté appel devant l’Oberlandesgericht Nürnberg (tribunal régional supérieur de Nuremberg, Allemagne). Cette juridiction a, pour sa part, jugé que l’action était non fondée, au motif que Heitec était forclose. À cet égard, elle a exposé que Heitech avait utilisé ses signes postérieurs pendant une période ininterrompue d’au moins cinq ans et que Heitec l’avait toléré puisque, tout en ayant connaissance de cet usage, elle n’avait pas pris de mesures suffisantes afin de le faire cesser
dans un délai de cinq ans. Selon ladite juridiction, l’action juridictionnelle introduite devant le Landgericht Nürnberg-Fürth (tribunal régional de Nuremberg-Fürth) n’avait pas interrompu le délai de forclusion, dès lors qu’elle n’a été signifiée aux parties défenderesses au principal qu’après l’écoulement de cinq années depuis la mise en demeure dont cette action avait été précédée. La juridiction d’appel a également jugé qu’il n’était pas possible de considérer que la tolérance avait pris fin
à la date de la mise en demeure dans la mesure où la signification de l’acte introductif d’instance n’était pas intervenue peu de temps après la mise en demeure.

22. Heitec a introduit un recours en révision devant la juridiction de renvoi. Selon cette dernière, l’issue de ce recours dépend du fait de savoir si Heitec est forclose en ses demandes en cessation et en ses demandes annexes, en application de l’article 21, paragraphes 1 et 2, de la loi sur les marques ainsi que de l’article 54, paragraphes 1 et 2, et de l’article 111, paragraphe 2, du règlement no 207/2009.

23. La juridiction de renvoi observe que la forclusion des demandes de Heitec qui visent l’usage, par Heitech, de la marque allemande dont cette dernière est titulaire (chef de demande II, pour autant qu’il concerne le signe HEITECH PROMOTION) est régie par l’article 21, paragraphe 1, de la loi sur les marques, lu conjointement avec l’article 125b, point 3), de cette loi, pour autant que ces demandes sont fondées sur la marque de l’Union européenne dont Heitec est titulaire.

24. Elle précise que l’article 21, paragraphe 1, de la loi sur les marques transpose en droit allemand la forclusion, prévue à l’article 9 de la directive 2008/95, du droit, conféré par des marques (article 9, paragraphe 1, de la directive 2008/95) et par d’autres signes – dont les noms commerciaux – utilisés dans la vie des affaires (article 9, paragraphe 2, de la directive 2008/95), de s’opposer à l’utilisation d’une marque enregistrée.

25. Dans la mesure où Heitec agit contre le nom commercial de Heitech (chefs de demande I, II, III et VII), la forclusion est, selon les constatations de la juridiction de renvoi, régie par l’article 21, paragraphe 2, de la loi sur les marques. À cet égard, cette juridiction précise que, nonobstant le fait que le contenu normatif de cette disposition va au-delà de celui de la directive 2008/95 et n’est pas davantage reflété par l’article 54 du règlement no 207/2009, il y a lieu de l’interpréter en
harmonie avec l’interprétation conforme à cette directive qu’il convient de faire de l’article 21, paragraphe 1, de la loi sur les marques. Par ailleurs, dans la mesure où Heitec se fonde sur sa marque de l’Union européenne, l’article 21, paragraphe 2, de la loi sur les marques s’appliquerait en vertu du renvoi au droit national opéré par l’article 101, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 ( 10 ).

26. S’agissant des demandes de Heitec qui visent l’usage, par Heitech, de la marque de l’Union européenne dont celle-ci est titulaire (chef de demande II, pour autant qu’il concerne le signe HEITECH), la juridiction de renvoi constate d’abord que les articles 54, 110 et 111, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 sont pertinents.

27. La juridiction de renvoi rappelle ensuite les constats suivants opérés par la juridiction d’appel. D’une part, Heitech a effectivement utilisé son nom commercial pour identifier son activité commerciale ainsi que ses marques pour les produits et services et sur le territoire pour lesquels elles étaient respectivement protégées d’une façon correspondant à ce qui est invoqué dans les chefs de demande. Il y a donc bien eu usage, au plus tard le 6 mai 2009, date à laquelle Heitech adresse un
courrier à Heitec pour lui proposer de conclure un accord de coexistence. D’autre part, il faut considérer que c’est également à cette date-là, au plus tard, que Heitec a eu connaissance de l’utilisation des signes en question. Enfin, la bonne foi de Heitech n’a été remise en cause ni devant le Landgericht Nürnberg-Fürth (tribunal régional de Nuremberg-Fürth) ni devant la juridiction d’appel.

28. Selon la juridiction de renvoi, il serait néanmoins nécessaire de préciser les conditions de la « tolérance », au sens de l’article 9, paragraphes 1 et 2, de la directive 2008/95 et de l’article 111, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, en déterminant notamment si, comme pourrait le laisser entendre l’arrêt Budějovický Budvar ( 11 ), seule l’introduction d’une voie de droit devant une administration ou une juridiction est susceptible d’interrompre le délai de forclusion de cinq ans ou si un
comportement tel que l’envoi d’une lettre de mise en demeure non nécessairement ou non immédiatement suivie de l’introduction d’une action devant les instances précitées, peut suffire à cet effet. Plus précisément, la juridiction de renvoi s’interroge sur le fait de savoir si un comportement tel que celui adopté par Heitec dans le contexte du litige au principal peut être considéré comme un comportement ayant mis fin à la tolérance au sens des dispositions précitées. Enfin, dans le cas où une
action judiciaire est finalement introduite, la juridiction de renvoi se demande à quel moment le délai de forclusion doit être considéré comme interrompu lorsque la réception de l’acte introductif d’instance par le défendeur se trouve retardée, par la faute du titulaire de la marque antérieure, jusqu’à une date postérieure à l’expiration du délai de cinq ans.

29. C’est dans ces conditions que le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) a décidé de surseoir à statuer et, par décision parvenue au greffe de la Cour le 25 septembre 2020, de saisir cette dernière des questions préjudicielles suivantes :

« 1) Est-il possible d’exclure la tolérance, au sens de l’article 9, paragraphes 1 et 2, de la directive 2008/95 ainsi que de l’article 54, paragraphes 1 et 2, et de l’article 111, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, non seulement par une voie de droit à introduire devant une administration ou une juridiction, mais aussi par un comportement qui ne fait pas intervenir d’administration ou de juridiction ?

2) En cas de réponse positive à la première question : une mise en demeure, par laquelle le titulaire du signe antérieur, avant d’engager une procédure judiciaire, exige du titulaire du signe postérieur que celui-ci s’engage à s’abstenir d’utiliser le signe en cause et souscrive à une clause pénale prévoyant une sanction contractuelle en cas de non‑respect, constitue-t-elle un comportement qui fait obstacle à une tolérance au sens de l’article 9, paragraphes 1 et 2, de la directive 2008/95 ainsi
que de l’article 54, paragraphes 1 et 2, et de l’article 111, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 ?

3) Pour calculer, dans le cas d’une action judiciaire, le délai de forclusion par tolérance de cinq ans, visé à l’article 9, paragraphes 1 et 2, de la directive 2008/95 ainsi qu’à l’article 54, paragraphes 1 et 2, et à l’article 111, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, convient-il de se baser sur la date de dépôt de l’acte introductif d’instance devant le tribunal ou sur la date de sa réception par le défendeur ? Le fait que la réception par le défendeur se trouve retardée, par la faute du
titulaire de la marque antérieure, jusqu’à une date postérieure à l’expiration du délai de cinq ans revêt-il à cet égard de l’importance ?

4) La forclusion en vertu de l’article 9, paragraphes 1 et 2, de la directive 2008/95 ainsi que de l’article 54, paragraphes 1 et 2, et de l’article 111, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 affecte-t-elle, outre l’action en cessation, également les demandes annexes fondées sur le droit des marques, notamment les actions en dommages et intérêts, renseignement et destruction ? »

III. La procédure devant la Cour

30. Heitec, Heitech ainsi que la Commission européenne ont soumis leurs observations à la Cour. La Cour a, en outre, adressé des questions pour réponse écrite à l’ensemble des participants à la phase écrite de la présente procédure préjudicielle qui, tous, ont transmis leurs réponses à ces questions à la Cour.

IV. Analyse

A.   Précisions liminaires

31. En ce qui concerne le droit applicable, les questions préjudicielles adressées à la Cour portent sur l’interprétation de dispositions de la directive 2008/95 et du règlement no 207/2009. Bien que ces deux actes soient aujourd’hui abrogés et remplacés ( 12 ), ils contiennent, comme l’a relevé la juridiction de renvoi, les dispositions applicables ratione temporis au litige au principal puisqu’il s’agit en substance, dans cette affaire, de déterminer quel type de comportements est susceptible
d’avoir mis fin à la tolérance d’atteintes connues aux droits antérieurs dans un contexte où une juridiction a finalement été saisie par le titulaire de ces droits – la requérante au principal – et où l’action a été signifiée à la défenderesse au principal au plus tard le 23 mai 2014, sous l’empire, donc, des deux actes précités.

32. En ce qui concerne les actes susmentionnés, pour rappel, le règlement no 207/2009 définit le régime juridique applicable aux marques de l’Union européenne entendues comme les marques de produits ou de services enregistrées dans les conditions prévues par ce règlement ( 13 ). À cet égard, il faut noter que Heitec est titulaire de la marque de l’Union européenne verbale HEITEC enregistrée le 4 juillet 2005 et que la défenderesse au principal est, pour sa part, titulaire d’une marque de l’Union
européenne figurative comportant l’élément verbal HEITECH enregistrée le 20 novembre 2008. Pour sa part, la directive 2008/95 s’applique aux marques de produits ou de services individuelles, collectives, de garantie ou de certification, qui ont notamment fait l’objet d’un enregistrement ou d’une demande d’enregistrement dans un État membre ( 14 ). La défenderesse au principal est titulaire d’une marque figurative allemande comportant l’élément verbal HEITECH PROMOTION enregistrée le 4 février
2003.

33. Les différentes demandes présentées dans le cadre du recours au principal visent à contester à la fois l’usage de la marque allemande dont Heitech est titulaire et l’usage par celle-ci de la marque de l’Union européenne dont elle est titulaire ( 15 ).

B.   Sur les première et deuxième questions préjudicielles

34. Aux termes des première et deuxième questions préjudicielles adressées à la Cour – qu’il y a lieu, selon moi, d’envisager ensemble –, la juridiction de renvoi cherche à obtenir des précisions de la part de la Cour sur le régime juridique de la forclusion par tolérance prévu tant par la directive 2008/95 que par le règlement no 207/2009.

35. On notera d’emblée que le libellé de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2008/95 ( 16 ) est presque identique à celui de l’article 54, paragraphe 1, du règlement no 207/2009. Ces deux dispositions prévoient un mécanisme similaire : le titulaire d’une marque antérieure (nationale ou de l’Union européenne) qui a toléré, dans un autre État membre ou plus généralement dans l’Union, l’usage d’une marque postérieure pendant une période de cinq années consécutives et en connaissance de cet usage
ne peut plus demander la nullité ni s’opposer à l’usage de la marque postérieure sur la base de la marque antérieure pour les produits ou les services pour lesquels la marque postérieure a été utilisée. Il peut être fait échec à la forclusion au moins dans deux hypothèses : si le dépôt de la marque postérieure a été effectué de mauvaise foi ou lorsqu’il n’est plus possible de constater une tolérance dans le chef du titulaire de la marque antérieure. L’article 111, paragraphe 2, du règlement
no 207/2009 prévoit un mécanisme similaire.

1. Ce que l’on sait de la tolérance

36. Les deux premières questions préjudicielles invitent la Cour à préciser quel type d’évènement ou de comportement est susceptible de mettre fin à la tolérance au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2008/95 ainsi que de l’article 54, paragraphes 1 et 2, et de l’article 111, paragraphe 2, du règlement no 207/2009.

37. Avant de répondre à ces questions, il convient, dans un premier temps, de définir cette notion de « tolérance ». À cet égard, l’arrêt Budějovický Budvar ( 17 ) contient un certain nombre d’enseignements utiles. La Cour était alors notamment interrogée sur l’interprétation de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 89/104/CEE ( 18 ), disposition reprise à l’identique à l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2008/95, de sorte que les assertions contenues dans l’arrêt précédemment mentionné
et consacrées à la directive 89/104 valent, mutatis mutandis, pour l’interprétation de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2008/95.

38. Il peut donc être déduit de cet arrêt que la tolérance évoquée à l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2008/95, dans la mesure où elle n’est ni définie par cette disposition, laquelle ne contient pas de renvoi exprès aux droits nationaux à cette fin, ni par aucune autre disposition de cette directive, est une notion autonome de droit de l’Union ( 19 ).

39. En outre, la Cour a jugé, notamment au regard des troisième, septième, neuvième et onzième considérants de la directive 89/104 ( 20 ), que l’article 9 de cette dernière avait procédé « à une harmonisation complète des conditions dans lesquelles le titulaire d’une marque postérieure enregistrée peut, dans le cadre de la forclusion par tolérance, conserver son droit sur cette marque lorsque le titulaire d’une marque antérieure identique demande la nullité ou s’oppose à l’usage de cette marque
postérieure » ( 21 ). Ces considérants étant repris aux considérants 4, 8, 10 et 12 de la directive 2008/95, ce même constat s’impose.

40. Enfin, la Cour a constaté que la même notion de tolérance était utilisée à l’article 54, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 « dans le même sens qu’à l’article 9, paragraphe 1, de la directive 89/104 » ( 22 ) et donc qu’à l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2008/95. La tolérance, au sens tant de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2008/95 que de l’article 54, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, est donc une notion du droit de l’Union dont le sens et la portée doivent être
identiques dans l’ensemble des États membres et à laquelle il importe de conférer une interprétation autonome et uniforme dans l’ordre juridique de l’Union ( 23 ).

41. Invitée à préciser l’interprétation d’une notion autonome de droit de l’Union pour laquelle le droit de l’Union ne fournissait pas de définition, la Cour a procédé à une analyse classique consistant à déterminer la signification et la portée de cette notion par référence au sens habituel en langage courant du terme « tolérance », tout en prenant en compte le contexte dans lequel ladite notion était utilisée et les objectifs de la réglementation dont elle faisait partie ( 24 ). Il est ressorti de
cette analyse que « celui qui tolère fait preuve de passivité en s’abstenant de prendre les mesures dont il dispose pour remédier à une situation dont il a connaissance et qui n’est pas nécessairement souhaitée. [...] [L]a notion de “tolérance” implique que celui qui tolère reste inactif en présence d’une situation à laquelle il avait la possibilité de s’opposer » ( 25 ).

42. Ainsi, d’une part, le titulaire de la marque antérieure doit avoir « sciemment toléré » l’usage d’une marque postérieure à la sienne pendant une longue période et donc « “délibérément”, “en connaissance de cause” » ( 26 ).

43. D’autre part, la directive 89/104 comme la directive 2008/95 visant à « mettre en balance les intérêts du titulaire d’une marque à sauvegarder la fonction essentielle de celle-ci et les intérêts d’autres opérateurs économiques à disposer de signes susceptibles de désigner leurs produits et services » ( 27 ), cet objectif « implique que, pour sauvegarder cette fonction essentielle, le titulaire d’une marque antérieure doit être en mesure [...] de s’opposer à l’usage d’une marque postérieure
identique à la sienne » ( 28 ). Ainsi la Cour a-t-elle jugé au point 49 de l’arrêt Budějovický Budvar ( 29 ) que « toute action administrative ou juridictionnelle introduite par le titulaire de la marque antérieure pendant la période prévue à l’article 9, paragraphe 1, de la directive 89/104 [et donc de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2008/95] a pour effet d’interrompre le délai de forclusion par tolérance ».

2. De la nécessaire formalisation de la fin de la tolérance de l’atteinte aux droits

44. L’introduction d’une telle action constitue, à l’évidence, le degré le plus poussé, le plus formalisé de la « possibilité de s’opposer », pour reprendre le langage utilisé par la Cour. Pour autant, il ne ressort pas du seul texte du point 49 de l’arrêt Budějovický Budvar ( 30 ) que la Cour ait jugé que seule l’introduction d’une telle action peut avoir pour effet d’interrompre le délai de forclusion par tolérance. Cela ne me semble pas non plus être une exigence explicite du législateur de
l’Union, eu égard au libellé même de l’article 9, paragraphes 1 et 2, de la directive 2008/95 ainsi que de l’article 54, paragraphes 1 et 2, et de l’article 111, paragraphe 2, du règlement no 207/2009.

45. Heitech fait valoir que ces dispositions devraient être interprétées comme ne visant que des voies de droit effectivement introduites pour qu’il soit mis fin à la tolérance et invoque, à l’appui de son argumentation, différentes dispositions de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle ( 31 ). Ces dispositions renverraient fréquemment aux autorités juridictionnelles nationales compétentes en matière
de propriété intellectuelle. Toutefois, je relève que la directive 2004/48 a pour objet de rapprocher les législations nationales qui, jusqu’alors, offraient un niveau de protection disparate en ce qui concerne les moyens de faire respecter les droits de propriété intellectuelle, de sorte qu’elle a précisément pour objet, aux termes de son article 1er, « les mesures, procédures et réparations nécessaires pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle ». Toutes ces mesures,
procédures et réparations sont de nature juridictionnelle. En outre, force est de constater qu’aucune disposition de la directive 2004/48 ne traite la question de la forclusion par tolérance, de sorte qu’aucune conclusion utile pour notre affaire ne peut être vraiment tirée de la lecture de cette directive.

46. Ainsi, si l’on s’en tenait à l’absence de précision du texte des deux normes soumises à notre examen aujourd’hui, il pourrait être aisé de conclure que n’importe quel comportement du titulaire de la marque antérieure tendant à manifester, de manière un tant soit peu active, un désaccord quant à l’utilisation, par le titulaire de la marque postérieure, de la marque et/ou du signe concernés pourrait suffire à interrompre le délai de forclusion par tolérance.

47. Si l’interprétation textuelle des deux dispositions soumises aujourd’hui à notre examen n’est pas éclairante, il faut dès lors s’intéresser au telos poursuivi. À cet égard, force est de constater que le législateur de l’Union a clairement indiqué que la forclusion par tolérance était mise en place « pour des raisons de sécurité juridique et sans porter atteinte de manière inéquitable aux intérêts du titulaire de la marque antérieure » ( 32 ). Pour combler les silences du législateur, il importe
donc de tenir dûment compte de sa volonté de « mettre en balance les intérêts du titulaire d’une marque à sauvegarder la fonction essentielle de celle-ci et les intérêts d’autres opérateurs économiques à disposer de signes susceptibles de désigner leurs produits et services » ( 33 ).

48. Il résulte de ce qui précède que, selon moi, il est mis fin à la tolérance lorsque le titulaire de la marque antérieure prend les mesures dont il dispose pour faire cesser l’atteinte à ses droits. Et, puisqu’il s’agit de mettre en balance les intérêts en présence dans le respect de la sécurité juridique de chacun, cette opposition doit être formalisée par le recours aux voies de droit disponibles en vue de l’obtention d’une solution contraignante.

49. La formalisation de l’opposition est, en effet, nécessaire pour garantir, comme Heitech et la Commission l’ont fait valoir à juste titre, l’effet utile de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2008/95 ainsi que de l’article 54, paragraphes 1 et 2, et de l’article 111, paragraphe 2, du règlement no 207/2009. En effet, si un échange informel, comme l’envoi d’un simple courrier, pouvait suffire à interrompre le délai de forclusion, la situation juridique du titulaire de la marque postérieure
(à supposer les autres conditions exigées remplies) ne pourrait jamais se consolider. Or, telle n’est clairement pas la volonté du législateur de l’Union, comme je l’ai rappelé plus haut. Par exemple, un courrier de menace d’engagement de poursuites judiciaires, sans que jamais cette menace soit mise à exécution, consisterait, pour le titulaire de la marque antérieure, à s’abstenir, au sens de l’arrêt Budějovický Budvar ( 34 ), de prendre les mesures dont il dispose pour remédier à une situation
dont il a indéniablement connaissance et à prolonger, de ce fait, la tolérance au lieu de l’interrompre. L’envoi d’une mise en demeure n’apporte, à cet égard, pas plus de garanties quant au sérieux de l’intention de faire valoir ses droits de manière contraignante.

50. La formalisation de l’opposition est nécessaire dans la mesure où la sécurité juridique commande que soient fixés avec précision tant le point de départ du délai de forclusion ( 35 ) que le moment où il est interrompu ou échu. Or, pour que tel soit le cas, seul un évènement manifestant de manière non équivoque l’intention claire et sérieuse de faire valoir ses droits, tel que l’introduction d’une action judiciaire ou administrative, est susceptible de mettre fin à la tolérance.

51. Il ressort de ce qui précède que seule la manifestation non équivoque de l’intention claire et sérieuse qu’il soit mis fin à la tolérance, par l’introduction, par le titulaire de droits antérieurs, d’une action judiciaire ou administrative est susceptible, si elle est exprimée dans un délai de cinq ans à compter de la connaissance, par ce dernier, de l’usage de la marque postérieure, de mettre fin à la tolérance au sens de l’article 9, paragraphes 1 et 2, de la directive 2008/95 ainsi que de de
l’article 54, paragraphes 1 et 2, et de l’article 111, paragraphe 2, du règlement no 207/2009.

C.   Sur la troisième question préjudicielle

52. Si, comme je le suggère, la Cour devait juger que seule l’introduction d’une action devant une instance administrative ou juridictionnelle est susceptible d’interrompre le délai de cinq ans et de mettre ainsi fin à la tolérance au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2008/95 ainsi que de l’article 54, paragraphes 1 et 2, et de l’article 111, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, la juridiction de renvoi demande à la Cour de venir encore préciser à quel moment exact ce délai est
censé avoir pris fin.

53. À cet égard, je note qu’il ressort de mon analyse des première et deuxième questions préjudicielles que, ce qui est déterminant, c’est l’attitude du titulaire de la marque antérieure. À mon avis, afin de déterminer si le délai de forclusion par tolérance a pris fin, il faut donc se placer du point de vue de ce titulaire pour examiner si, d’un point de vue subjectif, il a pris les mesures nécessaires dans l’objectif de faire cesser l’atteinte à ses droits en introduisant une action en justice. Au
moment où cette action est introduite, l’intention sérieuse et non équivoque de faire valoir ses droits apparaît très clairement chez le titulaire de la marque antérieure.

54. Par ailleurs, à la différence du délai de prescription, qui, lui, affecte l’exercice d’un droit subjectif dont la personne concernée ne peut plus se prévaloir effectivement en justice ( 36 ), le délai de forclusion frappe directement et immédiatement la capacité à ester en justice. L’action n’est donc pas forclose tant qu’elle est introduite dans un délai de cinq ans à compter de la connaissance de l’usage et c’est donc, selon moi, en toute logique que le délai de forclusion s’interrompt à la
date de l’introduction de l’action ou, plus précisément, de l’acte introductif d’instance. S’il harmonise, en tant que tel, le délai de forclusion par tolérance ainsi que, en principe, les effets de cette tolérance, le droit de l’Union laisse aux États membres toute latitude pour organiser les conditions procédurales d’une action en justice (ainsi que les conditions de sa recevabilité ou encore de sa signification) dont le but est précisément de faire cesser la tolérance. Dans ces conditions,
retenir comme date d’interruption du délai de forclusion la date d’introduction de l’action en justice me paraît, en l’état actuel du droit de l’Union, la solution la plus satisfaisante et la plus susceptible de lisser les différences nationales qui pourraient se révéler plus saillantes au cours des étapes successives de la procédure juridictionnelle. À la date de l’introduction de l’action, l’intention du titulaire de la marque antérieure peut être établie avec une relative certitude ( 37 ).

55. En revanche, retenir la date de la signification à la partie défenderesse de l’action m’apparaît plus hasardeux, compte tenu des différences dans les pratiques nationales que j’évoquais précédemment. Sur ce point, je souscris aux réserves exprimées par la Commission.

56. Enfin, je suis également d’avis, de concert avec la Commission, que si, en principe, le délai de forclusion est interrompu dès la date de l’introduction de l’action devant la juridiction compétente, il appartiendra in fine aux juridictions saisies de déterminer si tel est bien le cas. Ainsi, dans la mesure où les intérêts du titulaire de la marque postérieure doivent être aussi pris en considération, l’interruption du délai de forclusion ne pourra se faire qu’à certaines conditions, la première
étant le caractère recevable de l’action introduite. Toujours parce que ces intérêts doivent être gardés à l’esprit, l’information de la partie défenderesse de l’existence de l’action devra être faite dans un délai relativement court à la suite de l’introduction de cette action. Une partie demanderesse qui tarderait à régulariser une requête irrégulière sur la forme, par exemple, ou qui, d’une manière ou d’une autre, entraverait la procédure en laissant planer le flou sur son intention réelle
d’ester en justice (comme en ne réglant pas les frais de procédure, par exemple) ou, comme l’évoque la juridiction de renvoi, retarderait par sa seule faute l’information de la partie défenderesse de sorte que l’écoulement du temps aurait fait naître, dans le chef de cette derrière, une confiance légitime à pouvoir se prévaloir de la tolérance, ne devrait, dans ces circonstances bien particulières, ne pas prétendre avoir interrompu le délai de forclusion par tolérance jusqu’à, respectivement, ce
qu’elle ait régularisé sa requête, réglé les frais de procédure ou jusqu’à ce qu’elle se soit finalement pliée aux injonctions de la juridiction saisie pour que son action puisse finalement être considérée comme effectivement introduite.

57. Je rappelle que le délai de forclusion par tolérance est, selon le droit de l’Union, d’une durée de cinq ans et qu’il commence à courir à partir du moment où le titulaire de la marque antérieure a eu connaissance de l’usage par le titulaire de la marque postérieure. Ce délai de cinq ans met parfaitement en mesure les titulaires des droits antérieurs de faire valoir leurs droits, dans le contexte d’une situation dont ils ont connaissance depuis longtemps, sans attendre la toute fin du délai pour
introduire leur action. Si tel devait être le cas, ils auraient tout intérêt à introduire au plus vite une action correctement dirigée et validement formée, sous peine de se voir reprocher une certaine négligence ( 38 ).

58. Dans ces conditions, lorsque l’échéance du délai de forclusion par tolérance survient entre l’introduction de ladite action et sa signification à la partie défenderesse, il appartiendra à la juridiction saisie d’apprécier alors si l’information de la partie défenderesse a été ou non retardée, et, si tel est le cas, si ce retard peut être imputé au comportement de la partie demanderesse au cours de la procédure. Dans un tel cas, la juridiction saisie devra encore examiner si un tel comportement
est susceptible de remettre en cause le caractère sérieux de l’action entreprise devant elle et devra en tirer toutes les conséquences en ce qui concerne le calcul du délai de forclusion par tolérance.

59. Il résulte de ce qui précède que, lorsqu’une action judiciaire est introduite par le titulaire de la marque antérieure, il y a lieu, en principe, de retenir la date de l’introduction de cette action comme date d’interruption du délai de forclusion de cinq ans tel que prévu à l’article 9, paragraphes 1 et 2, de la directive 2008/95 ainsi qu’à l’article 54, paragraphes 1 et 2, et à l’article 111, paragraphe 2, du règlement no 207/2009. Lorsque l’échéance de ce délai survient entre l’introduction
de ladite action et sa signification à la partie défenderesse, il appartiendra à la juridiction saisie d’apprécier alors si l’information de la partie défenderesse a été ou non retardée, et, si tel est le cas, si ce retard peut être imputé au comportement de la partie demanderesse au cours de la procédure. Dans un tel cas, la juridiction saisie devra encore examiner si un tel comportement est susceptible de remettre en cause le caractère sérieux de l’action entreprise devant elle et devra en
tirer toutes les conséquences en ce qui concerne le calcul du délai de forclusion par tolérance.

D.   Sur la quatrième question préjudicielle

60. Par cette question, la juridiction de renvoi souhaite savoir si, en cas de forclusion, celle-ci affecte non seulement l’action en cessation de l’usage de la marque postérieure, mais également les demandes annexes ou connexes, telles que celles visant la constatation d’une obligation à réparation, la fourniture de renseignements ou la destruction des produits de contrefaçon.

61. Il faut d’emblée répondre à l’objection de la requérante au principal selon laquelle, dans la mesure où il n’y aurait pas forclusion dans le litige au principal, il n’y aurait pas lieu, pour la Cour, de répondre à cette quatrième question préjudicielle. Je rappelle que, si la mission de la Cour est de fournir une interprétation utile à la juridiction de renvoi des dispositions qu’elle envisage d’appliquer, la Cour n’est cependant pas compétente pour trancher les faits au principal ou pour
appliquer à des mesures ou à des situations nationales les règles de droit de l’Union dont elle a donné l’interprétation, ces questions relevant de la compétence exclusive des juridictions nationales ( 39 ). Dès lors, la Cour ne peut partir du postulat selon lequel l’action introduite par la requérante au principal devant ces juridictions n’est pas forclose pour renoncer à répondre à la question posée.

62. Pour en revenir à cette quatrième question, je relève, en premier lieu, que ni le texte de l’article 9, paragraphes 1 et 2, de la directive 2008/95 ni celui de l’article 54, paragraphes 1 et 2, ainsi que de l’article 111, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 ne précisent concrètement les effets de la forclusion. Toutefois, à la lecture de ces dispositions, on apprend que, si les conditions par ailleurs prévues auxdites dispositions pour constater la forclusion sont réunies, le titulaire de la
marque antérieure « ne peut plus demander la nullité ni s’opposer à l’usage de la marque postérieure sur la base de cette marque antérieure pour les produits ou les services pour lesquels la marque postérieure a été utilisée » ( 40 ). A contrario donc, avant qu’une forclusion par tolérance ne soit intervenue, le titulaire d’une marque est habilité tant à demander la nullité d’une marque postérieure qu’à s’opposer à son usage en vertu d’une action en contrefaçon ( 41 ).

63. En ce qui concerne la marque de l’Union européenne, les effets de la nullité sont, pour leur part, précisés à l’article 55, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, aux termes duquel « [l]a marque de l’Union européenne est réputée n’avoir pas eu, dès l’origine, les effets prévus » à ce règlement, lesquels sont régis par la section 2 du titre II dudit règlement. La directive 2008/95 ne contient pas de dispositions équivalentes et il ressort du considérant 6 de cette directive que « [l]es États
membres devraient conserver la faculté de déterminer les effets de la déchéance ou de la nullité des marques ».

64. À l’image de l’analyse menée dans le cadre des première et deuxième questions préjudicielles, la lettre de l’article 9, paragraphes 1 et 2, de la directive 2008/95 ainsi que de l’article 54, paragraphes 1 et 2, et de l’article 111, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 doit être éclairée par une lecture téléologique de ces dispositions. Or, si la forclusion par tolérance est un mécanisme prévu afin d’assurer la mise en balance des intérêts en présence dans la préservation de l’impératif de
sécurité juridique, il me semblerait contraire à cette dernière que, après cinq ans de tolérance, le titulaire de la marque antérieure ne puisse plus demander la nullité de la marque postérieure ni s’opposer à son usage, mais puisse continuer à obtenir réparation à la suite d’un usage auquel il ne s’est pas opposé lorsqu’il pouvait le faire et auquel il ne peut plus s’opposer du fait de la forclusion. La sécurité juridique recherchée serait, en effet, mise en péril si le titulaire de la marque
antérieure pouvait indéfiniment continuer à obtenir réparation tout au long de l’usage parallèle toléré des deux marques. En outre, en raison même de cette tolérance, l’obtention de la destruction des produits qui ne peuvent être qualifiés de contrefaits relèverait de l’absurdité juridique.

65. J’incline donc à considérer que l’impossibilité de « s’opposer à l’usage de la marque postérieure », au sens de l’article 9, paragraphes 1 et 2, de la directive 2008/95 ainsi que de l’article 54, paragraphes 1 et 2, et de l’article 111, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, doit recevoir une interprétation large de sorte que, à partir du moment où la forclusion par tolérance est constatée, le titulaire de la marque antérieure perd tous ses privilèges liés à l’antériorité de sa marque à l’égard
du titulaire de la marque postérieure dont il a toléré l’usage et que, par conséquent, la forclusion par tolérance doit être entendue comme affectant non seulement l’action en cessation, mais également les demandes annexes fondées sur le droit de la marque antérieure, comme les demandes en réparation, en renseignement ou en destruction.

V. Conclusion

66. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je suggère à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles posées par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) :

1) L’article 9, paragraphes 1 et 2, de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques ainsi que l’article 54, paragraphes 1 et 2, ainsi que l’article 111, paragraphe 2, du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne, doivent être interprétés en ce sens que seule la manifestation non équivoque de l’intention claire et sérieuse qu’il soit mis fin à la
tolérance, par l’introduction, par le titulaire de droits antérieurs, d’une action judiciaire ou administrative, est susceptible, si elle est exprimée dans un délai de cinq ans à compter de la connaissance, par ce dernier, de l’usage de la marque postérieure, de mettre fin au délai de forclusion par tolérance.

2) Lorsqu’une action judiciaire est introduite par le titulaire de la marque antérieure, il y a lieu, en principe, de retenir la date de l’introduction de cette action comme date d’interruption du délai de forclusion de cinq ans tel que prévu à l’article 9, paragraphes 1 et 2, de la directive 2008/95 ainsi qu’à l’article 54, paragraphes 1 et 2, et à l’article 111, paragraphe 2, du règlement no 207/2009. Lorsque l’échéance de ce délai survient entre l’introduction de ladite action et sa
signification à la partie défenderesse, il appartiendra à la juridiction saisie d’apprécier si l’information de la partie défenderesse a été ou non retardée, et, si tel est le cas, si ce retard peut être imputé au comportement de la partie demanderesse au cours de la procédure. Le cas échéant, la juridiction saisie devra encore examiner si un tel comportement est susceptible de remettre en cause le caractère sérieux de l’action entreprise devant elle et devra en tirer toutes les conséquences
en ce qui concerne le calcul du délai de forclusion par tolérance.

3) L’article 9, paragraphes 1 et 2, de la directive 2008/95 ainsi que l’article 54, paragraphes 1 et 2, et l’article 111, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 doivent être interprétés en ce sens que, à partir du moment où la forclusion par tolérance est constatée, le titulaire de la marque antérieure perd tous ses privilèges liés à l’antériorité de sa marque à l’égard du titulaire de la marque postérieure dont il a toléré l’usage et que, par conséquent, la forclusion par tolérance au sens de
ces dispositions doit être entendue comme affectant non seulement l’action en cessation, mais également les demandes annexes fondées sur le droit de la marque antérieure.

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( 1 ) Langue originale : le français.

( 2 ) Association internationale pour la protection de la propriété intellectuelle, « Rapport de synthèse – Question Q192 – L’acceptation (tolérance) de l’atteinte au droit de propriété intellectuelle », 2006, consultable ici : https://www.aippi.fr/upload/Gothenburg%202006 %20Q189 %20190 %20191 %20192/sr192french.pdf

( 3 ) Arrêt du 22 septembre 2011 (C‑482/09, EU:C:2011:605).

( 4 ) JO 2008, L 299, p. 25.

( 5 ) JO 2009, L 78, p. 1.

( 6 ) BGBl. 1994 I, p. 3082.

( 7 ) La juridiction de renvoi indique que, par décision du 5 juin 2018, l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) a déclaré la requérante au principal déchue de ses droits de marque pour non‑usage. Cette requérante a introduit un recours contre cette décision devant le Tribunal de l’Union européenne. Au moment de la rédaction des présentes conclusions, ce recours est toujours pendant (T‑520/19).

( 8 ) Le recours au principal est également dirigé contre RW, le gérant de la défenderesse au principal. Sauf mention contraire, il sera globalement fait référence, dans les présentes conclusions, à Heitech comme la défenderesse au principal.

( 9 ) Voir point 12 des présentes conclusions.

( 10 ) Aux termes duquel, « [p]our toutes les questions qui n’entrent pas dans le champ d’application du présent règlement, le tribunal des marques communautaires applique son droit national, y compris son droit international privé ».

( 11 ) Arrêt du 22 septembre 2011 (C‑482/09, EU:C:2011:605).

( 12 ) La directive 2008/95 n’est plus en vigueur depuis le 14 janvier 2019 et a été remplacée par la directive (UE) 2015/2436 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2015, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 2015, L 336, p. 1). Le règlement no 207/2009 n’est plus en vigueur depuis le 30 septembre 2017 et a été remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154,
p. 1). Les dispositions de la directive 2015/2436 et du règlement 2017/1001 consacrées à la forclusion par tolérance sont tout à fait similaires à celles contenues dans la directive 2008/95 et dans le règlement no 207/2009 : voir, pour comparaison, article 9, paragraphes 1 et 2, de la directive 2015/2436 ainsi que l’article 61, paragraphes 1 et 2, et article 138, paragraphe 2, du règlement 2017/1001.

( 13 ) Voir article 1er du règlement no 207/2009.

( 14 ) Voir article 1er de la directive 2008/95.

( 15 ) Pour le détail de ces différentes demandes, voir points 23 et suiv. des présentes conclusions.

( 16 ) L’article 9, paragraphe 2, de la directive 2008/95 permettant aux États membres d’étendre l’application de l’article 9, paragraphe 1, de cette directive aux cas qui y sont mentionnés, l’interprétation qui sera donnée de cette dernière disposition vaudra également lors de la mise en œuvre, par les États membres, de l’article 9, paragraphe 2, de ladite directive.

( 17 ) Arrêt du 22 septembre 2011 (C‑482/09, EU:C:2011:605).

( 18 ) Directive du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1).

( 19 ) Voir, par analogie, arrêt du 22 septembre 2011, Budějovický Budvar (C‑482/09, EU:C:2011:605, points 28 et 29).

( 20 ) Voir arrêt du 22 septembre 2011, Budějovický Budvar (C‑482/09, EU:C:2011:605, points 30 à 32).

( 21 ) Arrêt du 22 septembre 2011, Budějovický Budvar (C‑482/09, EU:C:2011:605, point 33).

( 22 ) Arrêt du 22 septembre 2011, Budějovický Budvar (C‑482/09, EU:C:2011:605, point 35).

( 23 ) Voir, par analogie, arrêt du 22 septembre 2011, Budějovický Budvar (C‑482/09, EU:C:2011:605, point 37).

( 24 ) Voir arrêt du 22 septembre 2011, Budějovický Budvar (C‑482/09, EU:C:2011:605, point 39 et jurisprudence citée).

( 25 ) Arrêt du 22 septembre 2011, Budějovický Budvar (C‑482/09, EU:C:2011:605, point 44). Italique ajouté par mes soins.

( 26 ) Arrêt du 22 septembre 2011, Budějovický Budvar (C‑482/09, EU:C:2011:605, point 47).

( 27 ) Arrêt du 22 septembre 2011, Budějovický Budvar (C‑482/09, EU:C:2011:605, point 48).

( 28 ) Arrêt du 22 septembre 2011, Budějovický Budvar (C‑482/09, EU:C:2011:605, point 48).

( 29 ) Arrêt du 22 septembre 2011 (C‑482/09, EU:C:2011:605).

( 30 ) Arrêt du 22 septembre 2011 (C‑482/09, EU:C:2011:605).

( 31 ) JO 2004, L 157, p. 45.

( 32 ) Considérant 12 de la directive 2008/95.

( 33 ) Arrêt du 22 septembre 2011, Budějovický Budvar (C‑482/09, EU:C:2011:605, point 48). Voir également point 34 de cet arrêt et la jurisprudence citée.

( 34 ) Arrêt du 22 septembre 2011 (C‑482/09, EU:C:2011:605).

( 35 ) Voir, dans un tout autre contexte toutefois, arrêt du 16 mai 2000, Preston e.a. (C‑78/98, EU:C:2000:247, point 68).

( 36 ) Voir arrêt du 8 novembre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission (C‑469/11 P, EU:C:2012:705, point 52).

( 37 ) Cette certitude ne peut être que relative tant que la décision juridictionnelle au fond n’est pas intervenue et dans la mesure où, par exemple, un désistement à l’action est toujours possible en cours d’instance.

( 38 ) Ici encore, tout dépendra de l’appréciation par le juge de l’ensemble des circonstances du cas soumis à son examen. Par exemple, dans le cas d’une action introduite à la toute fin du délai de cinq ans, mais alors que les deux parties intéressées ont longtemps été en négociation ou engagées dans des démarches de résolution non contentieuse du conflit, la tardiveté de l’introduction de l’action pourrait, bien sûr, ne pas s’interpréter comme une négligence de la part du titulaire de la marque
antérieure.

( 39 ) Parmi une jurisprudence abondante, voir, notamment, arrêt du 7 septembre 2006, Jehle, Weinhaus Kiderlen (C‑489/04, EU:C:2006:527, point 36 et jurisprudence citée).

( 40 ) Article 9, paragraphe 1, de la directive 2008/95. L’article 54 du règlement no 207/2009 est rédigé en termes similaires, mais non strictement identiques.

( 41 ) Voir ordonnance du 10 mars 2015, Rosa dels Vents Assessoria (C‑491/14, EU:C:2015:161, point 25).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-466/20
Date de la décision : 13/01/2022
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par le Bundesgerichtshof.

Renvoi préjudiciel – Marques – Directive 2008/95/CE – Article 9 – Règlement (CE) no 207/2009 – Articles 54, 110 et 111 – Forclusion par tolérance – Notion de “tolérance” – Interruption du délai de forclusion – Mise en demeure – Date d’interruption du délai de forclusion en cas d’introduction d’un recours juridictionnel – Effets de la forclusion – Demandes d’octroi de dommages et intérêts, de fourniture de renseignements et de destruction de produits.

Marques

Propriété intellectuelle, industrielle et commerciale


Parties
Demandeurs : HEITEC AG
Défendeurs : HEITECH Promotion GmbH et RW.

Composition du Tribunal
Avocat général : Pitruzzella

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2022:25

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