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17/06/2021 | CJUE | N°C-180/20

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général M. G. Pitruzzella, présentées le 17 juin 2021., Commission européenne contre Conseil de l'Union européenne., 17/06/2021, C-180/20


 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GIOVANNI PITRUZZELLA

présentées le 17 juin 2021 ( 1 )

Affaire C‑180/20

Commission européenne

contre

Conseil de l’Union européenne

« Recours en annulation – Décisions (UE) 2020/245 et 2020/246 – Position à prendre au nom de l’Union européenne au sein du conseil de partenariat institué par l’accord de partenariat global et renforcé entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique et leurs États membres, d’une part, et la

République d’Arménie, d’autre part, concernant l’adoption des règlements intérieurs du conseil de partenariat, du comité de partenaria...

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GIOVANNI PITRUZZELLA

présentées le 17 juin 2021 ( 1 )

Affaire C‑180/20

Commission européenne

contre

Conseil de l’Union européenne

« Recours en annulation – Décisions (UE) 2020/245 et 2020/246 – Position à prendre au nom de l’Union européenne au sein du conseil de partenariat institué par l’accord de partenariat global et renforcé entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique et leurs États membres, d’une part, et la République d’Arménie, d’autre part, concernant l’adoption des règlements intérieurs du conseil de partenariat, du comité de partenariat, des sous-comités et d’autres organes institués
par le conseil de partenariat, et l’établissement de la liste des sous-comités – Décisions établissant les positions à prendre au nom de l’Union dans une instance créée par un accord international – Choix de la base juridique – Accord dont certaines dispositions peuvent être rattachées à la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) – Adoption de deux décisions distinctes »

I. Introduction

1. Dans le cadre du contentieux interinstitutionnel relatif à la base juridique des actes de l’Union, qui revêt une importance de nature constitutionnelle ( 2 ), une place de plus en plus significative est occupée, après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, par les affaires qui mettent en cause la ligne de démarcation entre l’action externe de l’Union européenne dans les domaines relevant du traité FUE et la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), inscrite dans le traité UE ( 3 ).
Le recours qui fait l’objet des présentes conclusions se range parmi ces affaires et constitue, trois ans environ après le prononcé de l’arrêt du 4 septembre 2018, Commission/Conseil (Accord avec le Kazakhstan) ( 4 ) (ci-après l’« arrêt Kazakhstan »), une nouvelle étape du différend qui oppose la Commission européenne et le Conseil de l’Union européenne au sujet des bases juridiques pertinentes pour la conclusion et la mise en œuvre d’accords de partenariat dits « de nouvelle génération ». Dans
l’arrêt Kazakhstan, la Cour a pour la première fois été amenée à se prononcer sur la délimitation entre les compétences relevant de la PESC et les compétences relevant du traité FUE dans le cadre de la mise en œuvre d’un de ces accords, et, plus précisément, au sujet de l’adoption d’une décision au titre de l’article 218, paragraphe 9, TFUE, par laquelle le Conseil établit la position de l’Union au sein d’une instance créée en application de cet accord ( 5 ).

2. Dans la présente affaire, la Commission demande l’annulation des décisions (UE) du Conseil 2020/245 ( 6 ) et 2020/246 ( 7 ) (ci‑après, conjointement, les « décisions attaquées »), sur une position à prendre au nom de l’Union au sein du conseil de partenariat institué par l’accord de partenariat global et renforcé entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique et leurs États membres, d’une part, et la République d’Arménie, d’autre part ( 8 ) (ci‑après l’« APGR »).

II. Le cadre juridique

A.   Les dispositions pertinentes du traité UE

3. Le chapitre 1er du titre V du traité UE contient des « dispositions générales relatives à l’action extérieure de l’Union ». L’article 21 TUE, sous ce chapitre, expose, au paragraphe 1, les principes sur lesquels repose l’action de l’Union sur la scène internationale et précise que l’Union s’efforce de développer des relations et de construire des partenariats notamment avec les pays qui partagent lesdits principes. Le paragraphe 2 de cet article énumère les objectifs de l’action extérieure de
l’Union et le paragraphe 3, premier alinéa, du même article dispose que « l’Union respecte les principes et poursuit les objectifs visés aux paragraphes 1 et 2 dans l’élaboration et la mise en œuvre de son action extérieure dans les différents domaines couverts par le présent titre et par la cinquième partie du traité FUE, ainsi que de ses autres politiques dans leurs aspects extérieurs ».

4. Le chapitre 2 du titre V du traité UE contient les dispositions spécifiques concernant la PESC. Aux termes de l’article 24, paragraphe 1, second alinéa, TUE, « [l]a politique étrangère et de sécurité commune est soumise à des règles et procédures spécifiques. Elle est définie et mise en œuvre par le Conseil européen et le Conseil, qui statuent à l’unanimité, sauf dans les cas où les traités en disposent autrement ». Conformément à l’article 37 TUE, qui figure dans ce même chapitre, « [l]’Union
peut conclure des accords avec un ou plusieurs États ou organisations internationales dans les domaines relevant du présent chapitre ».

B.   Les dispositions pertinentes du traité FUE

5. Dans la cinquième partie du traité FUE, qui concerne l’action extérieure de l’Union, le titre V est consacré aux accords internationaux de l’Union. Ce titre comprend, entre autres, l’article 218 TFUE qui établit la procédure de négociation et de conclusion des accords entre l’Union et des pays tiers ou des organisations internationales. Cet article, à ses paragraphes 8 et 9, dispose :

« 8.   Tout au long de la procédure, le Conseil statue à la majorité qualifiée.

Toutefois, il statue à l’unanimité lorsque l’accord porte sur un domaine pour lequel l’unanimité est requise pour l’adoption d’un acte de l’Union [...]

9.   Le Conseil, sur proposition de la Commission ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, adopte une décision sur la suspension de l’application d’un accord et établissant les positions à prendre au nom de l’Union dans une instance créée par un accord, lorsque cette instance est appelée à adopter des actes ayant des effets juridiques [...] »

III. Les antécédents du litige

A.   L’APGR

6. Le 29 septembre 2015, le Conseil a autorisé la Commission et la haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (ci‑après la « haute représentante ») à ouvrir des négociations avec la République d’Arménie concernant un accord-cadre ( 9 ). Ces négociations ont été menées à bien et l’accord a été paraphé le 21 mars 2017.

7. Le 20 novembre 2017, le Conseil a adopté une décision par laquelle il autorisait la signature de l’APGR au nom de l’Union et décidait de l’application provisoire de certaines parties de cet accord ( 10 ) (ci‑après la « décision de signature »). Cette décision était fondée sur l’article 37 TUE ainsi que sur l’article 91 et l’article 100, paragraphe 2, TFUE, et sur les articles 207 et 209 TFUE, en liaison avec l’article 218, paragraphes 5 et 7, TFUE et l’article 218, paragraphe 8, second alinéa,
TFUE. L’APGR a été signé le 24 novembre 2017 et est appliqué à titre provisoire depuis le 1er juin 2018.

8. L’article 362 de cet accord prévoit l’institution d’un conseil de partenariat, chargé de superviser et de contrôler régulièrement la mise en œuvre dudit accord et habilité à adopter des décisions liant les parties ainsi qu’à formuler des recommandations ( 11 ) (ci‑après le « conseil de partenariat »). Le conseil de partenariat se compose de représentants des parties au niveau ministériel, se réunissant à intervalles réguliers, au moins une fois par an, ainsi que lorsque les circonstances
l’exigent. L’article 362, paragraphe 4, de l’APGR prévoit que le conseil de partenariat arrête son règlement intérieur. Le conseil de partenariat est assisté dans l’accomplissement de ses tâches par un comité de partenariat, institué conformément à l’article 363 de l’APGR et composé de représentants des parties au niveau de hauts fonctionnaires (ci‑après le « comité de partenariat »). Conformément au paragraphe 4 de cet article, le conseil de partenariat définit, dans son règlement intérieur, la
mission et le fonctionnement de ce comité. Aux termes de l’article 364 de l’APGR, le conseil de partenariat peut décider de constituer des sous-comités ou d’autres organes spécialisés, chargés de l’assister dans des domaines particuliers, et il en détermine la composition, la mission et le fonctionnement.

B.   Les décisions attaquées

9. Les décisions attaquées concernent l’adoption des règlements intérieurs du conseil de partenariat, du comité de partenariat, des sous-comités et d’autres organes institués par le conseil de partenariat, ainsi que l’établissement de la liste des sous-comités (ci‑après, conjointement, les « règlements intérieurs »).

10. Le 29 novembre 2018, la haute représentante et la Commission ont adopté une proposition conjointe de décision du Conseil relative à la position à prendre au nom de l’Union au sein du conseil de partenariat, concernant l’adoption de décisions relatives aux règlements intérieurs (ci‑après la « proposition conjointe ») ( 12 ). Cette proposition était entre autres fondée sur l’article 37 TUE comme base juridique matérielle.

11. Le 19 juillet 2019, la Commission a présenté une proposition modifiée de décision du Conseil, dans laquelle avaient été supprimées les références à la haute représentante et à l’article 37 TUE en tant que base juridique matérielle ( 13 ) (ci‑après la « proposition modifiée »). Cette proposition était fondée sur l’article 218, paragraphe 9, TFUE, en tant que base juridique procédurale, et sur l’article 91 et l’article 100, paragraphe 2, TFUE, ainsi que sur les articles 207 et 209 TFUE, en tant
que bases juridiques matérielles. Dans les motifs de cette décision, il était expliqué que la suppression de l’article 37 TUE comme base juridique matérielle se justifiait notamment à la lumière de l’arrêt Kazakhstan.

12. Le 4 décembre 2019, le Comité des représentants permanents (Coreper) a décidé de scinder l’acte juridique à adopter en deux décisions du Conseil, l’une fondée sur l’article 37 TUE et portant sur le seul titre II de l’APGR, qui vise la coopération dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité, et l’autre fondée sur des bases juridiques autres que la PESC et portant sur l’ensemble de l’APGR à l’exception de son titre II.

13. Le 17 février 2020, le Conseil a adopté ensemble les décisions attaquées. La décision 2020/245 a été adoptée sur le fondement de l’article 91 TFUE et de l’article 100, paragraphe 2, TFUE ainsi que de l’article 207 TFUE et de l’article 209 TFUE, en liaison avec l’article 218, paragraphe 8, premier alinéa, TFUE et avec l’article 218, paragraphe 9, TFUE. La décision 2020/246, en revanche, a été adoptée sur le fondement de l’article 37 TUE, en liaison avec l’article 218, paragraphe 8, second alinéa,
TFUE, et l’article 218, paragraphe 9, TFUE. L’article 1er de la décision 2020/245 prévoit que « [l]a position à prendre au nom de l’Union au sein du conseil de partenariat institué par [l’APGR], en ce qui concerne l’adoption des règlements intérieurs [...], pour l’application dudit accord à l’exception de son titre II, est fondée sur le projet de décision du conseil de partenariat ». L’article 1er de la décision 2020/246 prévoit, que « [l]a position à prendre au nom de l’Union au sein du conseil
de partenariat institué par [l’APGR], en ce qui concerne l’adoption des règlements intérieurs [...], pour l’application du titre II dudit accord, est fondée sur le projet de décision du conseil de partenariat ».

14. Par deux déclarations, inscrites au procès-verbal établi par le Conseil le 4 mars 2020, la Commission et la République tchèque ont souligné le caractère, à leur avis, juridiquement erroné du recours à la base juridique de l’article 37 TUE pour l’une des deux décisions du Conseil ( 14 ). Par une déclaration, inscrite au même procès-verbal du Conseil, la Hongrie a également exprimé « ses réserves quant à l’adoption de deux décisions distinctes sur la position de l’UE », sans toutefois contester la
base juridique de l’article 37 TUE ( 15 ). Ces deux États membres ont décidé de s’abstenir de voter.

IV. La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

15. Par requête déposée au greffe de la Cour le 24 avril 2020, la Commission a introduit le recours en annulation objet des présentes conclusions. La République tchèque et la République française ont été admises à intervenir au soutien, respectivement, de la Commission et du Conseil.

16. La Commission, soutenue par la République tchèque, conclut à ce qu’il plaise à la Cour d’annuler les décisions attaquées, de maintenir leurs effets et de condamner le Conseil aux dépens.

17. Le Conseil conclut, à titre principal, à ce qu’il plaise à la Cour de rejeter le recours et de condamner la Commission aux dépens, et, à titre subsidiaire, en cas d’annulation des décisions attaquées, à ce que leurs effets soient maintenus. La République française conclut à ce qu’il plaise à la Cour de rejeter le recours de la Commission.

V. Analyse

18. La Commission soulève deux moyens au soutien de son recours.

A.   Sur le premier moyen

1. Résumé succinct de l’argumentation des parties

19. Dans le cadre de son premier moyen de recours, qui occupe l’essentiel de la procédure en l’espèce, la Commission reproche au Conseil, premièrement, l’exclusion du champ d’application de la décision 2020/245 du titre II de l’APGR, deuxièmement, le choix de l’article 37 TUE comme base juridique matérielle de la décision 2020/246 et, troisièmement, l’ajout, en tant que base juridique procédurale de cette décision, de l’article 218, paragraphe 8, second alinéa, TFUE.

20. La Commission soutient que, en choisissant l’article 37 TUE comme base juridique matérielle de la décision 2020/246, le Conseil a modifié la règle de vote qui, à défaut, aurait été applicable en vertu des traités et a méconnu la jurisprudence constante de la Cour sur le choix de la base juridique des actes de l’Union. Selon la Commission, il ressort de cette jurisprudence et, notamment, de l’arrêt Kazakhstan qu’une décision du Conseil au titre de l’article 218, paragraphe 9, TFUE, par laquelle
le Conseil établit la position à prendre au nom de l’Union dans une instance créée par un accord international, doit être adoptée à la majorité qualifiée lorsque le centre de gravité de cet accord est constitué par un domaine pour lequel les bases juridiques matérielles requièrent la majorité qualifiée. La Commission fait valoir que l’APGR concerne principalement les domaines du commerce, de la coopération au développement et du commerce des services de transport, auxquels est consacrée la vaste
majorité des articles de cet accord. Les neuf articles insérés sous le titre II dudit accord, visant la coopération dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité, auraient un caractère purement accessoire par rapport à l’ensemble de l’APGR et seraient donc insuffisants à justifier une base juridique relevant de la PESC pour l’ensemble de celui‑ci. À l’appui de cette conclusion, la Commission fait valoir que, dans l’arrêt Kazakhstan, la Cour a considéré que les dispositions du titre II
de l’accord de partenariat et de coopération renforcé entre l’Union européenne et ses États membres, d’une part, et la République du Kazakhstan, d’autre part ( 16 ) (ci‑après l’« accord avec le Kazakhstan »), comparables, en contenu et en nombre, à celles du titre II de l’APGR, ne justifiaient pas le choix du Conseil d’avoir recours à l’article 37 TUE comme base juridique matérielle d’une décision du même type que les décisions attaquées.

21. Le Conseil, soutenu par la République française, ne conteste pas que le domaine dont relèvent les décisions attaquées doit être apprécié au regard de l’APGR. Cependant, il fait valoir que le choix de la base juridique d’un acte de l’Union, y compris d’un acte concernant un accord international, doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de contrôle juridictionnel, parmi lesquels figurent le contenu mais aussi la finalité de cet acte. Selon le Conseil, il ressort de la jurisprudence
de la Cour que l’examen des objectifs de l’accord est essentiel afin d’établir la relation qui existe entre les dispositions de celui‑ci qui présentent des liens avec différents domaines d’action de l’Union et que ce n’est que dans un second temps qu’il faut examiner la portée des obligations contenues dans ces dispositions, à savoir leur contenu. Or, les arguments avancés par la Commission ne tiendraient aucunement compte des finalités de l’APGR et de ses dispositions spécifiques, mais se
focaliseraient exclusivement sur leur contenu. En l’espèce, le Conseil considère que l’analyse des objectifs des dispositions contenues dans le titre II de l’APGR démontre que ces dernières ne sont pas secondes et indirectes par rapport aux autres dispositions de cet accord. En outre, contrairement à ce que prétendrait la Commission, l’APGR et l’accord avec le Kazakhstan présenteraient des différences fondamentales en ce qui concerne la définition de leurs objectifs et, partant, leur nature
juridique. À cet égard, le Conseil fait observer que l’APGR inclut, dans son article 1er, au moins un objectif de fond supplémentaire, absent de l’accord avec le Kazakhstan, à savoir, l’objectif visant à contribuer à renforcer le partenariat politique global (point a) et à favoriser l’établissement de relations politiques étroites entre les parties (point b). Par ailleurs, certains des objectifs généraux énoncés à l’article 1er de l’APGR seraient traduits par l’article 3 de cet accord en un
ensemble d’objectifs plus précis, poursuivis spécifiquement par les dispositions du titre II dudit accord. En particulier, l’objectif visant l’accroissement de l’efficacité de la coopération dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité, que l’article 3, paragraphe 1, de l’APGR présente comme l’objectif général du dialogue politique avec l’Arménie, autour duquel s’articulent tous les autres objectifs poursuivis par ledit dialogue, constituerait un objectif distinct, qui ne saurait
être considéré comme accessoire par rapport aux autres objectifs de cet accord. Selon le Conseil, il ne fait dès lors guère de doute que l’objectif principal des dispositions du titre II de cet accord est la mise en œuvre d’une politique relevant de la PESC, que l’Union mène dans le cadre des compétences qui lui sont conférées en vertu du titre V, chapitre II, TUE. Cette conclusion, fondée sur une analyse des finalités des dispositions du titre II de cet accord ne saurait être remise en cause
par des arguments se rapportant simplement à leur contenu et, notamment, à leur valeur prétendument déclaratoire. En effet, d’une part, il ressort des dispositions en question que la tenue d’un dialogue politique régulier constitue la manière dont la coopération doit être mise en œuvre et, d’autre part, il n’existe aucun élément dans la jurisprudence de la Cour permettant de conclure que des dispositions prévoyant une coopération sous la forme d’un dialogue ne sauraient en soi constituer une
composante indépendante lorsqu’elles poursuivent des objectifs de sécurité et de politique étrangère.

2. Appréciation

a) État de la jurisprudence pertinente

22. L’article 218 TFUE, pour satisfaire à des exigences de clarté, de cohérence et de rationalisation, prévoit une procédure unifiée et de portée générale concernant, notamment, la négociation et la conclusion des accords internationaux que l’Union est compétente pour conclure dans ses domaines d’action, y compris la PESC, sauf lorsque les traités prévoient des procédures spéciales ( 17 ). Dans le cadre de cette procédure, l’article 218, paragraphe 9, TFUE, établit une procédure simplifiée aux fins,
notamment, de la définition des positions à prendre au nom de l’Union au titre de sa participation à l’adoption, au sein de l’instance décisionnelle instituée par l’accord international concerné, d’actes relevant de l’application ou de la mise en œuvre de ce dernier ( 18 ). Puisque cette disposition ne prévoit aucune règle de vote en vue de l’adoption par le Conseil de cette catégorie de décisions, la Cour a jugé que c’est par référence à l’article 218, paragraphe 8, TFUE que la règle de vote
applicable doit, dans chaque cas d’espèce, être déterminée. À cet égard, elle a précisé que, dans l’hypothèse où une telle décision ne répond à aucun des cas de figure dans lesquels l’article 218, paragraphe 8, second alinéa, TFUE requiert un vote à l’unanimité, c’est, en principe, conformément aux dispositions combinées de l’article 218, paragraphe 8, premier alinéa, et de l’article 218, paragraphe 9, TFUE, en statuant à la majorité qualifiée, que le Conseil doit adopter ladite décision ( 19 ).

23. Le premier cas de figure dans lequel l’article 218, paragraphe 8, second alinéa, TFUE requiert que le Conseil statue à l’unanimité concerne l’hypothèse dans laquelle l’accord porte sur un domaine pour lequel l’unanimité est requise pour l’adoption d’un acte de l’Union, ce cas de figure établissant ainsi un lien entre la base juridique matérielle d’une décision prise au titre dudit article et la règle de vote applicable pour l’adoption de celle‑ci. Tel est le cas en ce qui concerne la PESC,
l’article 31, paragraphe 1, premier alinéa, TUE prévoyant notamment que les décisions relevant du titre V, chapitre 2, du traité UE sont prises à l’unanimité, sauf dans les cas où ledit chapitre en dispose autrement ( 20 ).

24. En vue de déterminer si une décision adoptée dans le cadre défini à l’article 218, paragraphe 9, TFUE porte bien sur un domaine pour lequel l’unanimité est requise pour l’adoption d’un acte de l’Union et doit, dès lors, au regard du premier cas de figure visé à l’article 218, paragraphe 8, second alinéa, TFUE, être adoptée à l’unanimité, il y a lieu de se référer à sa base juridique matérielle ( 21 ).

25. Selon une jurisprudence constante, le choix de la base juridique d’un acte de l’Union doit se fonder sur des éléments objectifs susceptibles de contrôle juridictionnel, parmi lesquels figurent la finalité et le contenu de cet acte ( 22 ). Si l’examen d’un acte de l’Union démontre qu’il poursuit deux finalités ou qu’il a deux composantes et si l’une de ces finalités ou de ces composantes est identifiable comme étant principale tandis que l’autre n’est qu’accessoire, l’acte doit être fondé sur une
seule base juridique, à savoir celle exigée par la finalité ou la composante principale ou prépondérante. À titre exceptionnel, s’il est établi, en revanche, que l’acte poursuit à la fois plusieurs objectifs ou a plusieurs composantes qui sont liés de façon indissociable, sans que l’un soit accessoire par rapport à l’autre de sorte que différentes dispositions des traités sont applicables, une telle mesure doit être fondée sur les différentes bases juridiques correspondantes ( 23 ). Le recours à
une double base juridique est cependant exclu lorsque les procédures visées par l’une et l’autre de ces bases sont incompatibles ( 24 ).

26. Suivant cette jurisprudence, c’est donc le « centre de gravité » de l’acte de l’Union qu’il convient de rechercher afin apprécier si sa ou ses bases juridiques ont été correctement déterminées. La Cour a d’ailleurs précisé que les mêmes critères s’appliquent également lorsqu’il s’agit de définir la base juridique d’actes de l’Union concernant la conclusion et la mise en œuvre d’un accord international ( 25 ).

27. Le débat qui s’est développé entre les parties au présent litige révèle une divergence d’interprétation sur différents éléments clés du « test du centre de gravité » élaboré par la Cour et appelle les précisions qui suivent.

28. Premièrement, eu égard aux échanges sur ce sujet entre la Commission, le Conseil et la République française, il convient de relever que la « finalité » et le « contenu » de l’acte de l’Union en cause figurent au même rang parmi les éléments objectifs susceptibles de contrôle juridictionnel sur lesquels doit reposer le choix de sa base juridique. Puisque la définition du centre de gravité d’un tel acte est un exercice éminemment pragmatique, l’ordre selon lequel la Cour procède à l’analyse de ces
deux éléments et l’importance qu’elle leur accorde dans le cadre de l’examen d’un cas concret dépendent principalement des circonstances de l’espèce et ne permet pas de spéculer sur le caractère plus ou moins « essentiel » de l’un ou de l’autre élément, ou sur une éventuelle hiérarchisation entre eux.

29. Il est vrai que certaines applications du test du centre de gravité à des actes liés à la conclusion d’accords internationaux semblent reconnaître une importance accrue à la recherche de l’objet de l’acte. Ainsi, dans l’avis 1/78 ( 26 ), la Cour a précisé que la qualification d’un accord « doit être faite en considération de l’objet essentiel de celui‑ci et non en fonction de clauses particulières », qui, étant de caractère accessoire ou auxiliaire, restent absorbées par ledit objet essentiel.
La même ligne de raisonnement a été suivie par la Cour dans les arrêts du 3 décembre 1996, Portugal/Conseil ( 27 ) (ci-après l’« arrêt Portugal/Conseil ») et du 11 juin 2014, Commission/Conseil ( 28 ) (ci-après l’ « arrêt Philippines »), pour déterminer l’objectif respectivement d’un accord de coopération au développement et d’un accord-cadre de partenariat et de coopération. Cependant, d’une part, une telle approche ne se résout pas à ôter toute importance à l’examen du contenu de l’accord, cet
examen pouvant même conduire concrètement à identifier, eu égard à l’étendue des obligations prévues par des dispositions individuelles de l’accord, des composantes distinctes, nécessitant l’ajout d’autres bases juridiques ( 29 ). D’autre part, ainsi que l’a relevé l’avocat général Mengozzi dans ses conclusions dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Philippines ( 30 ), la ligne jurisprudentielle susmentionnée n’est qu’une « déclinaison particulière » des règles générales à suivre pour
déterminer la base juridique d’un acte de l’Union, énoncées au point 25 des présentes conclusions, qui ne se départ pas de celles‑ci ( 31 ). En tout état de cause, cette approche semble être contrebalancée par un recours de plus en plus fréquent par la Cour à un raisonnement plus spécifiquement axé sur l’examen du contenu de l’accord ( 32 ), sans que, à son tour, cela implique une mise à l’écart de l’examen des finalités de l’acte.

30. Deuxièmement, hormis sa finalité et son contenu, d’autres éléments objectifs peuvent entrer en ligne de compte afin de déterminer le centre de gravité d’un acte de l’Union, ainsi que cela ressort clairement des termes employés par la Cour et reproduits au point 25 des présentes conclusions. S’agissant en particulier d’actes concernant la conclusion et la mise en œuvre d’un accord international, parmi ces éléments figure, notamment, le contexte dans lequel ledit acte s’inscrit et a été adopté (
33 ). Si l’importance de cet élément varie nécessairement en fonction du type d’acte et de la catégorie d’accord en question, l’examen du contexte peut jouer un rôle central dans l’analyse de la Cour, comme cela a été, par exemple, le cas dans l’arrêt du 20 novembre 2018, Commission/Conseil (AMP Antarctique) ( 34 ). En revanche, la conviction de l’auteur de l’acte ( 35 ) ou les « appréciations subjectives et les projets politiques généraux des acteurs impliqués » ( 36 ) sont dépourvus de
pertinence au regard du choix de la base juridique, étant donné leur manque d’objectivité.

31. Troisièmement, il ressort de la jurisprudence rappelée au point 25 des présentes conclusions que le seul constat qu’un acte de l’Union poursuit plusieurs finalités ou a plusieurs composantes ne suffit pas à lui seul à fonder cet acte sur plusieurs bases juridiques. La Cour a en effet ancré le test du centre de gravité sur des règles bien précises qui entrent en jeu en cas de pluralité de finalités ou de composantes et qui prévoient soit de retenir la base juridique exigée par la finalité ou la
composante principale ou prédominante, ce qui implique de qualifier la ou les autres finalités ou composantes comme accessoires, soit, lorsque un tel rapport de principal à accessoire fait défaut, de retenir les différentes bases juridiques correspondantes aux diverses finalités ou composantes de l’acte indissociablement liées entre elles.

32. À cet égard, il importe de relever que, dans l’arrêt Philippines, qui se situe dans le sillage de l’arrêt Portugal/Conseil, la Cour a précisé, s’agissant de la décision de signature d’un accord-cadre de partenariat et de coopération, que ce test implique, tout d’abord, de déterminer si les dispositions de l’accord qui peuvent se rattacher à des politiques de l’Union autres que celle identifiée comme prépondérante peuvent également relever de celle‑ci ou si elles excèdent le cadre de cette
politique et, partant, imposent de fonder cette décision sur des bases juridiques complémentaires ( 37 ), et, ensuite, de vérifier si ces dispositions ne comportent pas des obligations d’une telle portée qu’elles correspondent à des objectifs distincts de ceux qui se rattachent à la politique de l’Union identifiée comme prépondérante.

33. Quatrièmement, la Cour a pris soin de préciser qu’une pluralité de bases juridiques ne doit être envisagée qu’à titre exceptionnel. Il est vrai que, après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne et de l’article 40 TUE, dont les deux alinéas prévoient des clauses de non‑affectation réciproque des procédures et des attributions respectives des institutions dans les domaines de la PESC et des politiques relevant du traité FUE ( 38 ), le cumul éventuel entre bases juridiques relevant de ce traité
et de la PESC ne semble, a priori, pas exclu, comme cela était auparavant le cas, en vertu de l’article 47 UE, entre bases juridiques relevant du traité CE et de la PESC ( 39 ). Un tel cumul a d’ailleurs été implicitement admis par la Cour dans l’arrêt Kazakhstan. Il n’en reste pas moins que ce n’est que très rarement que la Cour a accepté un cumul de bases juridiques ( 40 ).

34. L’arrêt Kazakhstan a apporté d’importantes clarifications à la jurisprudence rappelée au point 25 des présentes conclusions.

35. Premièrement, dans cet arrêt, la Cour a confirmé une fois de plus l’application du test du centre de gravité – employé dans sa jurisprudence classique sur le choix de la base juridique – également lorsque ce choix doit s’effectuer, dans le contexte de l’action extérieure de l’Union, entre des bases juridiques PESC et non PESC ( 41 ). Se référant notamment au caractère unitaire des dispositions de l’article 218 TFUE, qui prennent elles‑mêmes en compte les spécificités de la PESC, tout en
reflétant l’équilibre institutionnel établi par le traité pour chaque domaine d’action de l’Union ( 42 ), la Cour affirme implicitement qu’il n’est pas justifié de réserver un traitement spécial à ce type de contentieux sur la base juridique, confirmant ainsi une orientation jurisprudentielle plus générale visant à donner plein effet à « l’intégration des dispositions relatives à la PESC dans le cadre général du droit de l’Union » voulue par le traité de Lisbonne ( 43 ). Tout en ne citant pas
l’article 40 TUE, la Cour semble, dans l’arrêt Kazakhstan, accepter implicitement la lecture de cette disposition suggérée par l’avocate générale Kokott dans ses conclusions ( 44 ), selon laquelle les deux clauses de non‑affectation aux premier et second alinéas de cet article sont conçues de manière symétrique et ne permettent dès lors pas de fonder une priorité en faveur des compétences relevant de la PESC ou de celles relevant du traité FUE. Une telle lecture appelle nécessairement, en
matière de choix de la base juridique, l’application d’un test « neutre », tel que celui du centre de gravité, qui reconnaisse une égale valeur à la PESC – tout en tenant compte des règles et des procédures spécifiques auxquelles est soumise cette politique – et aux autres actions externes de l’Union relevant du traité FUE.

36. C’est ainsi que, au point 38 de l’arrêt Kazakhstan, la Cour a précisé que, tout comme pour ce qui concerne la décision portant conclusion d’un accord international par l’Union, une décision par laquelle le Conseil établit la position à prendre au nom de l’Union dans une instance créée par un accord, au titre de l’article 218, paragraphe 9, TFUE, et portant exclusivement sur la PESC, doit en principe être adoptée à l’unanimité, conformément à l’article 218, paragraphe 8, second alinéa, TFUE. En
revanche, si une telle décision comprend plusieurs composantes ou poursuit plusieurs finalités, dont certaines relèvent de la PESC, la règle de vote applicable pour son adoption doit être déterminée au regard de sa finalité ou composante principale ou prépondérante. Ainsi, si la finalité ou la composante principale ou prépondérante de la décision relève d’un domaine pour lequel l’unanimité n’est pas requise pour l’adoption d’un acte de l’Union, ladite décision doit, conformément à l’article 218,
paragraphe 8, premier alinéa, TFUE, être adoptée à la majorité qualifiée. Ce sont donc les critères classiques en matière de détermination de la base juridique d’un acte de l’Union qu’il convient d’appliquer dans la présente affaire, ce qui n’est d’ailleurs pas remis en cause par les parties au litige.

37. Deuxièmement, dans l’arrêt Kazakhstan, la Cour a appliqué le test du centre de gravité en adoptant un double critère, « quantitatif » et « qualitatif », d’analyse du contenu de l’accord international dans lequel s’insère l’acte de l’Union concerné. Ainsi, d’une part, au point 44 de cet arrêt, elle a relevé que « la plupart des dispositions de [l’accord avec le Kazakhstan], qui comprend 287 articles, relève tantôt de la politique commerciale commune de l’Union, tantôt de la politique de
coopération au développement de cette dernière » et, d’autre part, au point 45 du même arrêt elle a observé que « les dispositions de l’[accord avec le Kazakhstan] présentant un lien avec la PESC […], outre qu’elles sont peu nombreuses au regard de l’ensemble des dispositions de cet accord, se limitent à des déclarations des parties contractantes sur les buts que doit poursuivre leur coopération et les thèmes sur lesquels celle‑ci devra porter, sans déterminer les modalités concrètes de mise en
œuvre de cette coopération », en renvoyant, par analogie, au point 56 de l’arrêt Philippines ( 45 ). L’on peut, certes, s’interroger, ainsi que le fait la République française, sur la pertinence, dans l’absolu, desdits critères, notamment de celui quantitatif, eu égard à la différence entre l’action externe de l’Union en matière de coopération au développement et du commerce, qui exige, en règle générale, l’établissement d’une règlementation détaillée et l’adoption d’un nombre significatif de
dispositions de caractère technique, et la PESC, dont la mise en œuvre peut ne pas requérir un tel niveau de détail. Il n’en reste pas moins qu’un tel critère – lorsqu’il ne se limite pas à la seule constatation d’une prévalence numérique des dispositions non PESC et lorsqu’il est appliqué conjointement avec une appréciation « qualitative » des dispositions de l’accord présentant un lien avec la PESC, qui tienne compte de leur caractère plus ou moins opérationnelle – peut se révéler utile,
s’agissant d’accords-cadres tels que ceux en cause dans l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt Kazakhstan et dans la présente affaire, à isoler (ou à exclure) une éventuelle composante autonome relevant de la PESC. Il en va d’autant plus ainsi que, comme le fait à juste titre valoir la Commission, à la suite de l’unification, à l’article 21, paragraphe 2, TUE, des objectifs de l’action extérieure de l’Union opérée par le traité de Lisbonne et au vu de l’obligation pour l’Union, conformément à
l’article 21, paragraphe 3, TUE de poursuivre ces objectifs dans toutes ses politiques extérieures, y compris les aspects extérieurs de ses politiques internes, une application du test du centre de gravité fondée uniquement ou principalement sur les finalités de l’acte peut ne pas se révéler suffisamment concluante. En effet, étant donné la nature horizontale des objectifs de l’action extérieure de l’Union énumérés à l’article 21, paragraphe 2, TUE et le renvoi à ces objectifs, opéré par
l’article 23 TUE, en matière de PESC, l’identification des objectifs spécifiques de cette politique peut se révéler difficile ( 46 ).

38. Troisièmement, dans l’arrêt Kazakhstan, la Cour clarifie qu’une décision, telles les décisions attaquées, qui définit la position à prendre au nom de l’Union pour ce qui est de l’adoption des règlements intérieurs d’instances créées sur le fondement d’un accord de partenariat concerne, de manière générale, le fonctionnement de ces instances. Ayant une portée transversale et ne portant pas seulement sur certaines matières réglées dans le cadre dudit accord, le domaine dont relève une telle
décision, aux fins de l’application du test du centre de gravité, doit être apprécié au regard de l’accord dans son ensemble ( 47 ).

39. Quatrièmement, il ressort de l’arrêt Kazakhstan que la base juridique de la décision relative à la signature de l’accord dans lequel s’insère un acte adopté pour sa mise en œuvre n’a pas d’incidence sur la détermination du centre de gravité de cet acte, à tous le moins lorsqu’il existe des éléments conduisant à retenir que cette base juridique n’a pas été correctement déterminée ( 48 ).

40. C’est sur la base des principes jusqu’ici exposés qu’il convient d’examiner le premier moyen de recours.

b) Application dans la présente affaire

41. Ainsi que cela a été observé au point 38 des présentes conclusions, il ressort de l’arrêt Kazakhstan que le domaine dont relève une décision qui fixe la position à prendre au nom de l’Union en ce qui concerne l’établissement des règlements intérieurs des instances créées par un accord de partenariat tel que celui en cause dans la présente affaire doit être apprécié au regard de l’accord dans son ensemble.

42. Cependant, en l’espèce, comme cela a été précisé précédemment, le Conseil a adopté deux décisions distinctes, ayant, en substance, le même contenu, mais un champ d’application différent. La première vise l’ensemble de l’accord à l’exclusion du titre II. La seconde vise ce seul titre. Malgré cette scission, le Conseil semble s’accorder avec la Commission sur le fait que le centre de gravité des décisions attaquées, y inclus donc la décision 2020/246, doit être apprécié sur la base de l’accord
dans son ensemble.

43. J’estime aussi qu’il s’agit de la seule approche correcte. En effet, l’adoption de deux décisions distinctes du Conseil, fondées sur deux (ou plusieurs) bases juridiques différentes, pour fixer la position à prendre, au nom de l’Union, sur un sujet qui concerne transversalement la totalité d’un accord, comme c’est le cas de l’approbation d’actes concernant, de manière générale, le fonctionnement des organes de cet accord, ne saurait, en tout état de cause, se justifier que si l’accord, considéré
dans son ensemble, prévoit deux (ou plusieurs) composantes distinctes, correspondant aux différentes bases juridiques utilisées pour l’adoption desdits actes.

44. Il convient, dès lors, d’apprécier les domaines dont relèvent les décisions attaquées, prises conjointement, au regard de l’APGR dans son ensemble. Il y a lieu, à titre liminaire, de formuler les trois observations qui suivent.

45. Premièrement, j’observe que l’argumentation développée par la Commission à l’appui de son recours est très largement fondée sur les similitudes alléguées entre l’APGR et l’accord avec le Kazakhstan ainsi que sur la solution retenue par la Cour dans l’arrêt portant sur ce dernier accord. Cet arrêt constitue, ainsi que cela a été précisé précédemment, la raison même ayant conduit au retrait de la proposition conjointe et, finalement, à l’introduction du recours. À leur tour, les arguments avancés
par le Conseil visent à mettre en exergue les différences entre l’APGR et l’accord avec le Kazakhstan. Je rappelle, cependant, que la Cour a constamment affirmé que la base juridique qui a été retenue pour l’adoption d’autres actes de l’Union présentant, le cas échéant, des caractéristiques similaires ou un lien étroit avec l’acte dont il est question est dépourvue de pertinence au regard du choix de la base juridique de cet acte ( 49 ). Tout en reconnaissant que l’arrêt Kazakhstan constitue
indéniablement un précédent de référence pour l’analyse de la présente affaire, il convient néanmoins d’avoir cette règle à l’esprit lorsque l’on analyse le contenu et la finalité de l’APGR.

46. Deuxièmement, je relève qu’il ressort de l’arrêt Kazakhstan (point 39 des présentes conclusions) que, contrairement à ce que semble retenir le Conseil, la circonstance que la décision de signature soit fondée, entre autres, sur l’article 37 TUE, sans que la Commission ait contesté le recours à une telle base juridique matérielle, ne saurait, à elle seule, justifier le choix du Conseil de fonder la décision 2020/246 sur cet article. Il en va de même de la circonstance que la décision du Conseil
autorisant la Commission et la haute représentante à négocier l’APGR était également fondée sur l’article 37 TUE.

47. Ce qui précède étant précisé, je relève que l’APGR est un accord-cadre qui vise à mettre en place « une vaste coopération dans un large éventail de domaines d’intérêt commun » ( 50 ). L’examen du préambule fait ressortir la volonté des parties de renforcer les relations qu’elles ont établies par le passé et d’encourager une coopération étroite et intensive fondée sur un partenariat d’égal à égal (premier alinéa du préambule de cet accord), ainsi que de soutenir davantage le développement
politique, socioéconomique et institutionnel de la République d’Arménie, en améliorant le respect des principes démocratiques et des droits de l’homme (troisième et cinquième alinéas du préambule). Deux thématiques fondamentales y sont esquissées. D’une part, est affirmée la volonté des parties de continuer à développer un dialogue politique régulier sur des questions bilatérales d’intérêt commun, ainsi que leur engagement à promouvoir la paix et la sécurité au niveau international, à lutter
contre la prolifération des armes de destruction massive (ADM), à prévenir et à combattre la corruption, à intensifier la lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme, à renforcer leur coopération en matière de migration, d’asile et de gestion des frontières, ainsi qu’à ouvrir dans le futur un dialogue sur la question des visas (notamment troisième à cinquième, septième, huitième, dixième, douzième et quatorzième alinéas du préambule). D’autre part, est affirmée la détermination des
parties d’approfondir la coopération économique, y compris dans les domaines liés au commerce, dans la perspective d’un développement futur des échanges commerciaux et des investissements, tout en respectant les principes du développement durable et en garantissant la protection de l’environnement et de la santé humaine. Dans cette même ligne, les parties s’engagent à coopérer dans d’autres domaines socioéconomique d’intérêt commun, tels que la science et la technologie, l’éducation et la
culture, la jeunesse et le sport (notamment quinzième, dix-neuvième, vingt-troisième et vingt-quatrième alinéas du préambule).

48. Composé de 386 articles, l’APGR est divisé en huit titres, portant respectivement sur ses objectifs et les principes généraux (titre I, articles 1 et 2), sur le dialogue et les réformes politiques ainsi que sur la coopération dans le domaine de la PESC (titre II, articles 3 à 11), sur la justice, la liberté et la sécurité (titre III, articles 12 à 21), sur la coopération économique (titre IV, articles 22 à 35), sur les autres politiques de coopération (titre V, articles 36 à 112), sur le
commerce (titre VI, articles 113 à 342), sur l’aide financière et les mesures antifraudes en matière de contrôle (titre VII, articles 343 à 361) et sur les dispositions institutionnelles, générales et finales (titre VIII, articles 362 à 386).

49. Les objectifs de l’APGR, tels qu’exposés à son article 1er, sont de renforcer le partenariat politique et économique global et la coopération entre les parties, de renforcer le cadre du dialogue politique dans tous les domaines d’intérêt commun, en favorisant l’établissement de relations politiques étroites entre les parties, de contribuer au renforcement de la démocratie et de la stabilité politique, économique et institutionnelle en Arménie, d’encourager, de sauvegarder et de consolider la
paix et la stabilité à l’échelle tant régionale qu’internationale, de renforcer la coopération en matière de liberté, de sécurité et de justice, de renforcer la mobilité et le contact entre les peuples, de soutenir les efforts consentis par l’Arménie pour développer son potentiel économique grâce à la coopération internationale, d’établir une coopération commerciale renforcée et de mettre en place les conditions nécessaires à une coopération de plus en plus étroite dans d’autres domaines
d’intérêt commun. L’article 2 de l’APGR expose les principes généraux au respect desquels les parties s’engagent, à savoir les principes démocratique, de l’État de droit, des droits de l’homme, de l’économie de marché, du développement durable, de la coopération régionale et du multilatéralisme effectif. Les parties s’engagent également à lutter contre la corruption, les différentes formes de criminalité organisée transnationale, le terrorisme et la prolifération des ADM, afin de contribuer à la
paix et à la stabilité régionales.

50. Le Conseil considère en substance que l’APGR poursuit des finalités qui relèvent de la PESC et qui ne sont pas secondaires ni accessoires aux autres finalités de cet accord. Le titre II de celui-ci contiendrait des dispositions qui ne sont pas susceptibles de rentrer dans le cadre stratégique de la politique de coopération au développement ou de la politique commerciale commune. Pour sa part, la Commission, tout en concédant que l’APGR présente certains liens avec la PESC, estime que ces liens
ne sont pas suffisamment importants pour justifier une base juridique matérielle relevant de la PESC.

51. Le titre II de l’APGR, sous la rubrique « Dialogue et réformes politiques ; coopération dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité », comprends neuf articles. L’article 3 de l’APGR énumère les buts du dialogue politique que les parties s’engagent à intensifier dans tous les domaines d’intérêt commun, y compris sur les questions de politique étrangère et de sécurité, et les réformes intérieures. Parmi ces objectifs figurent le renforcement du partenariat politique [article 3,
sous b)], la promotion de la paix de la stabilité et de la sécurité internationales [article 3, sous c)], le renforcement de la coopération en matière de gestion des crises [article 3, sous d)], de lutte contre la prolifération des ADM [article 3, sous e)], de respect des principes démocratique, de l’État de droit, des droits de l’homme et des libertés fondamentales [article 3, sous g)], de sécurité et de défense [article 3, sous h)], ainsi que le développement de relations de bon voisinage
[article 3, sous k)]. L’article 4 de l’APGR est consacré aux réformes intérieures, pour la réalisation desquelles les parties s’engagent à coopérer, en vue de consolider, entre autres, la stabilité et l’efficacité des institutions démocratiques, l’indépendance et l’efficience du pouvoir judiciaire, la réforme de l’administration publique et la lutte contre la corruption. L’article 5 est, quant à lui, spécifiquement consacré à la politique étrangère et de sécurité. Le paragraphe 1 de cet article
énonce que « [l]es parties intensifient le dialogue et la coopération entre elles dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité, y compris la politique de sécurité et de défense commune, en reconnaissant l’importance que la République d’Arménie attache à sa participation aux organisations internationales et aux cadres de coopération internationale et à ses obligations existantes qui en découlent, et se penchent en particulier sur les questions de prévention des conflits et de gestion
des crises, de réduction des risques, de cybersécurité, de réforme du secteur de la sécurité, de stabilité régionale, de désarmement, de non‑prolifération, de maîtrise des armements et de contrôle des exportations ». Il est précisé que « [l]a coopération repose sur des valeurs communes et des intérêts mutuels et vise une efficacité accrue par le recours aux enceintes bilatérales, internationales et régionales, en particulier l’[Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE)] ».
À l’article 6 de l’APGR est réaffirmée la nécessité de poursuivre les crimes graves de portée internationale, y compris au niveau de la Cour pénale internationale, ainsi que la coopération entre les parties pour la prévention de ces crimes. L’article 7 de l’APGR vise la coopération en matière de prévention des conflits et de gestion des crises, « en particulier dans la perspective d’une participation éventuelle de la République d’Arménie aux opérations civiles et militaires de gestion de crises
sous la conduite de l’[Union] ainsi qu’aux exercices et entraînement s’y rapportant au cas par cas ». L’article 8 de l’APGR prévoit que « [l]es parties intensifient leurs efforts conjoints pour améliorer les conditions permettant une coopération régionale accrue en favorisant l’ouverture des frontières et les mouvements transfrontières, les relations de bon voisinage et le développement de la démocratie, contribuant ainsi à la stabilité et à la sécurité, et elles œuvrent au règlement pacifique
des conflits ». Enfin, les articles 9 à 11 de l’APGR sont consacrés respectivement à la coopération à la lutte contre la non‑prolifération des ADM et leurs vecteurs, à la lutte contre le commerce illicite d’armes légères et de petit calibre, et à la lutte contre le terrorisme.

52. Il est constant entre les parties et il est indéniable que l’APGR présente certains liens avec la PESC. Ainsi, outre les références expresses à cette politique contenues dans le préambule et aux articles 1er et 3 de l’APGR, les articles 5, et 7 à 11 de cet accord, ainsi que cela ressort de l’exposé au point qui précède, peuvent tous être rattachées à la PESC ( 51 ).

53. Cependant, il ressort, notamment, de l’arrêt Kazakhstan que la circonstance qu’un accord-cadre comme celui en cause dans la présente affaire affiche, dans son préambule et dans l’exposé de ses objectifs, des liens avec la PESC et que certaines de ses dispositions – même lorsqu’un titre autonome figurant dans la partie initiale de l’accord leur est consacré – puissent être rattachées à cette politique de l’Union peut ne pas suffire à considérer que la base juridique matérielle de tout acte adopté
pour sa mise en œuvre , et ayant une portée transversale, doit obligatoirement inclure l’article 37 TUE. Un tel ajout ne se justifie, selon la Cour, que si lesdites dispositions sont d’une portée telle qu’il puisse être considéré qu’elles constituent une composante distincte de l’accord en question et qu’elles ne présentent pas un caractère accessoire par rapport aux autres composantes de cet accord ( 52 ).

54. Afin de conclure, dans l’arrêt Kazakhstan, que tel n’était pas le cas des dispositions se rattachant à la PESC contenues dans l’accord de partenariat conclu avec ce pays la Cour n’a pas eu recours au test binaire appliqué dans l’arrêt Philippines, rappelé au point 32 des présentes conclusions, mais a appliqué le double critère « quantitatif » et « qualitatif », évoqué au point 37 des présentes conclusions.

55. Pour les raisons que je vais exposer, j’estime que, quel que soit le test applicable, la PESC ne constitue pas, dans l’économie de l’APGR, une composante distincte des autres composantes de celui‑ci justifiant l’ajout de l’article 37 TUE à la base juridique matérielle des actes de portée transversale adoptés pour sa mise en œuvre.

56. S’agissant, en premier lieu, du test suivi par la Cour dans l’arrêt Philippines, je rappelle que la première partie de ce test vise à déterminer si les dispositions de l’accord qui peuvent se rattacher à des politiques de l’Union autres que celle identifiée comme étant prépondérante peuvent également relever de celle‑ci ou si elles excèdent le cadre de cette politique.

57. À cet égard, il convient de relever que la coopération au développement, qui constitue sans conteste l’une des composantes de l’APGR, revêt un caractère pluridimensionnel. Elle ne se limite pas aux mesures visant directement l’éradication de la pauvreté, énoncé comme objectif principal de cette politique à l’article 208, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, mais poursuit aussi les objectifs visés à l’article 21, paragraphe 2, TUE ( 53 ), auxquels l’article 208, paragraphe 1, premier alinéa, TFUE
renvoie expressément. L’article 209, paragraphe 2, TFUE prévoit d’ailleurs que l’Union peut conclure avec les pays tiers tout accord utile à la réalisation des objectifs visés à l’article 21 TUE et à l’article 208 TFUE, soulignant ainsi les interrelations existantes entre les objectifs généraux de l’action extérieure de l’Union et ceux spécifiques à la coopération au développement.

58. Dans sa jurisprudence antérieure au traité de Lisbonne, qui reste pertinente à la lumière notamment de l’interprétation de l’article 208 TFUE retenue dans l’arrêt Philippines ( 54 ), la Cour a reconnu que les objectifs de la coopération au développement sont larges, cette dernière visant non seulement le développement économique et social durable des pays tiers concernés, leur insertion harmonieuse et progressive dans l’économie mondiale ainsi que la lutte contre la pauvreté, mais également le
développement et la consolidation de la démocratie et de l’État de droit ainsi que le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales ( 55 ). La Cour a également déjà jugé que la lutte contre la prolifération des armes légères et de petit calibre peut être considérée comme servant les objectifs de la politique de coopération au développement ( 56 ).

59. Cette conception large des objectifs de la coopération au développement reflète la vision de l’Union dans ce domaine, exposée dans le nouveau consensus européen pour le développement, signé le 7 juin 2017 ( 57 ) (ci‑après le « consensus »), qui constitue la « pierre angulaire de la politique de développement de l’Union » ( 58 ), s’inscrivant dans le cadre du programme de développement durable à l’horizon 2030 adopté par les Nations unies en septembre 2015 ( 59 ). Selon le consensus, la
coopération au développement contribue également, entre autres, à « soutenir la démocratie, l’État de droit et les droits de l’homme, à préserver la paix et à prévenir les conflits, à améliorer la qualité de l’environnement et la gestion durable des ressources naturelles mondiales, à aider les populations, les pays et les régions confrontés à des catastrophes naturelles ou d’origine humaine, et à promouvoir un système international fondé sur une coopération multilatérale renforcée et une bonne
gouvernance mondiale » ( 60 ). Par ailleurs, au point 14 du consensus, il est indiqué que le « dialogue politique constitue un moyen important de promouvoir les principes du développement et revêt également une dimension préventive visant à garantir le respect des valeurs de l’Union européenne » et que « ce dialogue, mené avec les gouvernements des pays partenaires [...] constituera un important cadre d’action permettant de favoriser une vision commune, d’examiner régulièrement les progrès
accomplis et de définir des mesures de soutien appropriées ».

60. Enfin, il importe de souligner que c’est dans le cadre stratégique de la coopération au développement et de la coopération économique, financière et technique avec les pays tiers, visée à l’article 212 TFUE, qu’ont été adoptés les instruments de soutien de l’action extérieure de l’Union pour la période 2014‑2020 dans les domaines, entre autres, de la protection des droits humains ( 61 ) et de la réaction aux crises, de la prévention des conflits et de la consolidation de la paix dans les pays
partenaires ( 62 ). C’est dans ce même cadre que sera adopté l’instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale pour le prochain cadre financier pluriannuel (2021‑2027) ( 63 ), dont le texte de compromis a été approuvé le 13 mars 2021 ( 64 ), qui couvre également l’action de l’Union en matière de réaction aux crises, de prévention des conflits, de consolidation de la paix et de lutte contre les menaces mondiales et transrégionales.

61. La Cour a cependant dit pour droit qu’une mesure ne relève pas de la coopération au développement, même si elle contribue à la poursuite des objectifs de celle‑ci, si elle a pour objet principal la mise en œuvre d’une autre politique, par exemple de la PESC ( 65 ).

62. Or, tel n’est, à mon sens, pas le cas en l’espèce. En effet, l’APGR est avant tout un instrument visant à renforcer la coopération économique et commerciale entre les parties, dans l’optique de promouvoir un développement durable ( 66 ), qui intègre à l’économie les contraintes environnementales ( 67 ) et sociales, le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales ( 68 ) ainsi que la santé humaine ( 69 ). Outre les dispositions sur le commerce, contenues au titre VI, une large
panoplie de domaines de coopération est couverte par l’APGR, touchant les secteurs socioéconomiques les plus différents, de l’énergie (titre V, chapitre 2), à l’environnement et l’action pour le climat (titre V, chapitres 3 et 4), la politique industrielle (titre V, chapitre 5), la coopération dans les services financiers (titre V, chapitre 7), le tourisme (titre V, chapitre 9), l’agriculture et la pêche (titre V, chapitres 10 et 11), la recherche (titre V, chapitre 14), la politique sociale
(titre V, chapitre 15), l’éducation et la culture (titre V, chapitres 17 et 18), le sport (titre V, chapitre 20) et la protection civile (titre V, chapitre 23).

63. Il ressort de tout ce qui précède que les dispositions insérées dans le titre II de l’APGR peuvent, dans leur ensemble, être rattachées également à la coopération au développement, qui constitue l’une des composantes de cet accord, et n’imposent pas de fonder une décision qui fixe la position à prendre au nom de l’Union, portant sur les modalités de fonctionnement des institutions créées par ledit accord, également sur l’article 37 TUE en tant que base juridique matérielle complémentaire. Cette
conclusion n’est, à mon sens, pas remise en cause si l’on examine l’APGR à la lumière de son contexte. En effet, d’une part, s’agissant d’un accord de partenariat tel que l’APGR, le contexte dans lequel se sont déroulées les négociations et la conclusion de l’accord est difficilement susceptible de jouer un rôle significatif, et encore moins décisif, en tant qu’élément d’appréciation aux fins de la détermination de la base juridique pertinente. D’autre part, en l’espèce, la référence contenue au
onzième alinéa du préambule de l’APGR au conflit du Haut-Karabakh, à laquelle renvoie la République française dans ses observations, ne suffit pas à situer la conclusion de l’APGR dans un contexte spécifique à la PESC.

64. Il convient, dès lors, de passer à la seconde partie du test binaire appliqué par la Cour dans l’arrêt Philippines, qui requiert, en l’espèce, de vérifier si les dispositions de l’APGR susceptibles de se rattacher à la PESC ne comportent pas d’obligations d’une telle portée qu’elles correspondent à des objectifs distincts de ceux qui se rattachent aux autres composantes de l’accord et, notamment, à la coopération au développement.

65. Il apparaît, à mon sens clairement, à la lecture des dispositions du titre II de l’APGR, que ces dispositions ont une nature déclaratoire et qu’elles ne contiennent pas les modalités concrètes de mise en œuvre de leur coopération dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité, ni ne comportent d’obligations positives concrètes à charge des parties, qui iraient au-delà du simple engagement général à coopérer.

66. Il en est ainsi de l’exposé des objectifs du dialogue politique contenu à l’article 3, paragraphe 2, de cet accord, sur lequel insiste particulièrement le Conseil. En effet, d’une part, il ressort du paragraphe 1, de cet article que le dialogue que les parties envisagent de renforcer porte sur l’ensemble des domaines d’intérêt commun couverts par ledit accord. Cela est cohérent avec la position exprimée dans le consensus, auquel a adhéré aussi le Conseil, reprise au point 59 des présentes
conclusions, selon laquelle le dialogue politique est un instrument servant également les objectifs de la coopération au développement. D’autre part, l’énumération des objectifs de ce dialogue n’est pas suivie, dans les dispositions du titre II de l’APGR pouvant plus spécifiquement se rattacher à la PESC, par des mesure concrètes visant la réalisation de ces objectifs et relevant de cette politique.

67. Ainsi, l’article 5 de cet accord ne fait que paraphraser l’article 3, paragraphe 2, sous b), c), e), f), h) et i), en mettant tout particulièrement l’accent sur la poursuite de la coopération entre les parties dans des enceintes internationales, telles les Nations unies et l’OSCE. Il en va de même de l’article 8 dudit accord sur la stabilité régionale et sur le règlement pacifique des conflits, qui se borne à reproduire les objectifs indiqués à l’article 3, paragraphe 2, sous i), j) et k), du
même accord et à rappeler aux parties les principes inscrits dans la Charte des Nations unies, dans l’acte final d’Helsinki de l’OSCE et dans les autres actes multilatéraux pertinents. Il en va tout aussi de même de l’article 9 de l’APGR sur les ADM, qui ne fait, pour l’essentiel, que rappeler les parties à leurs engagements internationaux (paragraphe 1) et à les inciter à en souscrire d’autres (paragraphe 2, sous a). Quant à l’article 9, paragraphe 2, sous b), de l’APGR visant la « poursuite »
de la mise en place d’un système effectif de contrôles nationaux des exportations liées aux ADM, il s’agit d’une obligation qui, outre à être formulée en des termes très généraux et prospectifs, recoupe les engagements déjà prévues au niveau international ( 70 ). Enfin, les mêmes considérations valent pour les articles 10 sur les armes légères et de petit calibre ( 71 ) et 11 sur la lutte contre le terrorisme.

68. S’agissant de l’article 7 de l’APGR, sur lequel insiste particulièrement la République française, lequel préconise une participation éventuelle de la République d’Arménie « aux opérations civiles et militaires de gestion de crises sous la conduite de l’[Union] ainsi qu’aux exercices et entraînement s’y rapportant », il convient de relever, d’une part, que cette participation n’est évoquée qu’en termes de « perspective » vers laquelle doit tendre la coopération pratique entre les parties en
matière de prévention de conflit et de gestion de crise, et qu’elle n’est qualifiée que d’« éventuelle », et, d’autre part, que la participation aux exercices et aux entraînement se rapportant aux opérations de gestion de crise menées par l’Union ne saurait, le cas échéant, être décidée qu’« au cas par cas ». Il s’ensuit que, tout comme les autres dispositions contenues dans le titre II de l’APGR, ledit article ne prévoit aucune obligation spécifique et n’a pas un caractère immédiatement
opérationnel.

69. Il ressort de tout ce qui précède que, à la lumière du test adopté par la Cour dans l’arrêt Philippines, l’adoption d’une décision fixant la position à prendre au nom de l’Union au sein du conseil de partenariat de l’APGR et portant sur les modalités de fonctionnement des institutions créées par cet accord ne nécessitait pas l’ajout, à la base juridique de l’acte, de l’article 37 TUE.

70. Si l’on applique, en second lieu, le test retenu par la Cour dans l’arrêt Kazakhstan, le résultat ne change, à mon sens, pas. En effet, force est de constater, d’une part, que les dispositions de l’APGR qui relèvent de la politique commerciale commune et de la politique de coopération au développement constituent l’écrasante majorité des 386 articles de cet accord. D’autre part, les dispositions de l’APGR présentant un lien avec la PESC et citées au point 51 des présentes conclusions, outre
qu’elles sont peu nombreuses au regard de l’ensemble des dispositions de cet accord, se limitent, ainsi que cela ressort des considérations exposées aux points 64 à 67 des présentes conclusions, à des déclarations des parties contractantes sur les objectifs que doit poursuivre leur coopération et sur les thèmes sur lesquels celle‑ci devra porter, sans déterminer les modalités concrètes de mise en œuvre de cette coopération. Plus généralement, et sans que cet argument ait, comme je l’ai déjà
affirmé au point 45 des présentes conclusions, une importance décisive, je suis de l’avis, tout comme la Commission et la République tchèque, et contrairement au Conseil et à la République française, que les dispositions du titre II de l’APGR ne vont pas plus loin que les dispositions similaires contenues dans l’accord avec le Kazakhstan et qu’elles s’insèrent dans la stratégie multidimensionnelle de l’Union en matière de coopération au développement.

c) Conclusions sur le premier moyen de recours

71. Sur la base de l’ensemble des considérations qui précèdent, le premier moyen de recours doit, à mon sens, être accueilli.

B.   Sur le second moyen

72. Par son second moyen de recours, la Commission fait grief au Conseil d’avoir scindé un acte unique en différentes parties afin de créer artificiellement des actes ayant des centres de gravité différents et de manipuler les règles de vote applicables. En procédant de la sorte, le Conseil aurait, premièrement, méconnu la jurisprudence de la Cour rappelée au point 25 des présentes conclusions, deuxièmement, violé les prérogatives dont la Commission dispose en vertu de l’article 17, paragraphe 2,
TUE, en dénaturant la proposition modifiée qui envisageait l’adoption d’un seul acte, troisièmement, alourdi inutilement la procédure décisionnelle et, quatrièmement, violé le devoir de coopération loyale entre les institutions, tel que prévu à l’article 13, paragraphe 1, TUE ( 72 ). La Commission précise, dans son recours, que le second moyen doit être compris en ce sens qu’il fournit simplement des raisons supplémentaires de considérer les décisions attaquées comme étant illégales, son premier
moyen suffisant seul, à son avis, au succès du recours. Dans sa réplique, cependant, la Commission affirme que, même en cas de rejet de son premier moyen, son second moyen maintient toute son autonomie, la décision du Conseil d’adopter deux décisions différentes, au lieu d’une seule, fondée, entre autres, sur l’article 37 TUE, étant tout de même illégale.

73. Comme la Commission, je suis de l’avis que, s’il est accueilli, le premier moyen de recours devrait conduire, à lui seul, à annuler les deux décisions attaquées, la première en ce qu’elle exclut de son champ d’application le titre II de l’APGR pour les motifs exposés au dixième alinéa de son préambule, la seconde en ce qu’elle adopte comme base juridique l’article 37 TUE. Il s’ensuit que, si, comme je le propose, la Cour devait accueillir le premier moyen de recours, elle n’aurait pas besoin
d’examiner le second. En revanche, si elle décidait de l’aborder, elle devrait, à mon sens, le déclarer comme étant fondé. En effet, en adoptant deux décisions distinctes mais liées entre elles, dont la seconde est fondée sur une base juridique incorrecte, qui requiert l’adoption d’une règle de vote autre que celle prévue pour l’adoption de la première, le Conseil a essayé de contourner les règles qui s’appliquent en matière de choix de la base juridique d’un acte de l’Union ( 73 ).

74. C’est donc à titre subsidiaire et dans l’hypothèse où la Cour devrait rejeter le premier moyen de recours et considérer que le second moyen conserve une autonomie propre que je formulerai les brèves considérations qui suivent.

75. Il est constant que la position à prendre au nom de l’Union aux fins de l’adoption des règlements intérieurs des organes créés par l’APGR est unique. Il est tout autant constant que lesdits règlements sont indivisibles. Il est d’ailleurs un fait que les décisions attaquées ont un contenu substantiellement identique, même avec un champ d’application différent, et renvoient au même document établi par le conseil de partenariat ( 74 ). Dans ces circonstances, les raisons qui ont conduit le Conseil
à adopter deux décisions distinctes restent obscures, si ce n’est une tentative de justifier le recours, pour la seconde de ces décisions, à la base juridique de l’article 37 TUE.

76. Cela étant dit, dans le cas où la Cour estimerait que l’acte fixant la position unique à adopter par le Conseil nécessitait l’ajout d’une telle base juridique, la Commission reste, me semble-t-il, en défaut de démontrer l’illégalité du choix d’une telle scission opéré par le Conseil. Certes, l’adoption d’un seul acte aurait évité d’alourdir la procédure décisionnelle. Cependant, dans un tel cas de figure, aucun contournement des règles en matière de détermination de la base juridique, ni des
règles de vote applicables, ne pourrait être reproché au Conseil. Je doute aussi, à l’instar de la République tchèque, que l’on puisse imputer au Conseil, dans de telles circonstances, une violation du devoir de coopération loyale ou une violation du pouvoir d’initiative que l’article 17, paragraphe 2, TUE attribue à la Commission ( 75 ). En effet, la « dénaturation » alléguée par la Commission ne me semble pas avérée dans la mesure où l’objectif poursuivi par la proposition modifiée, à savoir
permettre de fixer la position à prendre au nom de l’Union au sein du conseil de partenariat concernant l’adoption des règlements intérieurs, a été atteint et le contenu de cette position a été fixé, à l’exception de quelques modifications mineures, de manière conforme à ce qui avait été proposé ( 76 ). Certes, l’on pourrait affirmer que, puisque la proposition modifiée ne prévoyait que l’adoption d’une seule décision, la décision 2020/246 a été adoptée en l’absence de toute proposition de la
part de la Commission, en violation de l’article 17, paragraphe 2, TUE, lu conjointement avec l’article 218, paragraphe 9, TFUE. Une telle argumentation me semble cependant trop formaliste, à tout le moins dans les circonstances de l’espèce où la décision 2020/245 et la décision 2020/246 avaient un contenu substantiellement identique ( 77 ).

C.   Sur le maintien des effets des décisions attaquées

77. La Commission et le Conseil, ainsi que les États intervenants, demandent à la Cour, dans l’hypothèse où elle annulerait les décisions attaquées, de maintenir les effets de celles‑ci.

78. Selon les termes de l’article 264, second alinéa, TFUE, la Cour peut, si elle l’estime nécessaire, indiquer ceux des effets d’un acte annulé qui doivent être considérés comme définitifs. L’annulation des décisions attaquées sans que leurs effets soient maintenus étant susceptible de perturber le fonctionnement des instances instituées par l’APGR, de mettre en doute l’engagement de l’Union relativement aux actes juridiques adoptés par ces instances et de gêner, ainsi, la bonne exécution de cet
accord ( 78 ), je suis de l’avis que, au cas où la Cour déciderait d’annuler les décisions attaquées, il conviendrait d’en maintenir les effets.

D.   Sur les dépens

79. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Puisque je propose d’accueillir le recours et puisque la Commission a conclu à la condamnation du Conseil aux dépens, il y a lieu, à mon sens, de condamner ce dernier aux dépens. Conformément à l’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Il y a
dès lors lieu de déclarer que la République française et la République tchèque supportent leurs propres dépens.

VI. Conclusion

80. Sur la base de l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de statuer comme suit :

1) La décision (UE) 2020/245 du Conseil, du 17 février 2020, sur la position à prendre au nom de l’Union européenne au sein du conseil de partenariat institué par l’accord de partenariat global et renforcé entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique et leurs États membres, d’une part, et la République d’Arménie, d’autre part, concernant l’adoption des règlements intérieurs du conseil de partenariat, du comité de partenariat, des sous-comités et d’autres organes
institués par le conseil de partenariat, et l’établissement de la liste des sous-comités, pour l’application dudit accord à l’exception de son titre II, et la décision (UE) 2020/246 du Conseil, du 17 février 2020, sur la position à prendre au nom de l’Union européenne au sein du conseil de partenariat institué par l’accord de partenariat global et renforcé entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique et leurs États membres, d’une part, et la République d’Arménie,
d’autre part, concernant l’adoption des règlements intérieurs du conseil de partenariat, du comité de partenariat, des sous-comités et d’autres organes institués par le conseil de partenariat, et l’établissement de la liste des sous-comités, pour l’application du titre II dudit accord sont annulées.

2) Les effets des décisions 2020/245 et 2020/246 sont maintenus.

3) Le Conseil de l’Union européenne est condamné aux dépens.

4) La République française et la République tchèque supporteront leurs propres dépens.

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( 1 ) Langue originale : le français.

( 2 ) Voir, en ce sens, notamment, avis 2/00 (Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques), du 6 décembre 2001 (EU:C:2001:664, point 5), et arrêt du 14 juin 2016, Parlement/Conseil (C‑263/14, EU:C:2016:435, point 42).

( 3 ) Voir, par exemple, arrêts du 19 juillet 2012, Parlement/Conseil (C‑130/10, EU:C:2012:472) ; du 24 juin 2014, Parlement/Conseil (C‑658/11, EU:C:2014:2025), et du 14 juin 2016, Parlement/Conseil (C‑263/14, EU:C:2016:435).

( 4 ) C‑244/17, EU:C:2018:662.

( 5 ) Il existe d’autres précédents concernant l’interprétation de l’article 218, paragraphe 9, TFUE, dans le contexte d’un litige sur la base juridique pertinente d’une décision établissant la position à prendre au nom de l’Union au sein d’une instance créée par un accord international, qui ne concernent cependant pas la délimitation entre les compétences PESC et les compétences non PESC ; voir arrêts du 26 septembre 2013, Royaume‑Uni/Conseil (C‑431/11, EU:C:2013:589) ; du 27 février 2014,
Royaume‑Uni/Conseil (C‑656/11, EU:C:2014:97), et du 18 décembre 2014, Royaume‑Uni/Conseil (C‑81/13, EU:C:2014:2449).

( 6 ) Décision du 17 février 2020 sur la position à prendre au nom de l’Union européenne au sein du conseil de partenariat institué par l’accord de partenariat global et renforcé entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique et leurs États membres, d’une part, et la République d’Arménie, d’autre part, concernant l’adoption des règlements intérieurs du conseil de partenariat, du comité de partenariat, des sous-comités et d’autres organes institués par le conseil de
partenariat, et l’établissement de la liste des sous-comités, pour l’application dudit accord à l’exception de son titre II (JO 2020, L 52, p. 3).

( 7 ) Décision du 17 février 2020 sur la position à prendre au nom de l’Union européenne au sein du conseil de partenariat institué par l’accord de partenariat global et renforcé entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique et leurs États membres, d’une part, et la République d’Arménie, d’autre part, concernant l’adoption des règlements intérieurs du conseil de partenariat, du comité de partenariat, des sous-comités et d’autres organes institués par le conseil de
partenariat, et l’établissement de la liste des sous-comités, pour l’application du titre II dudit accord (JO 2020, L 52, p. 5).

( 8 ) JO 2018, L 23, p. 4.

( 9 ) Cet accord-cadre devait remplacer l’accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la République d’Arménie, d’autre part (JO 1999, L 239, p. 3).

( 10 ) Décision (UE) 2018/104 du Conseil, du 20 novembre 2017, relative à la signature, au nom de l’Union, et à l’application provisoire de l’accord de partenariat global et renforcé (JO 2018, L 23 p. 1).

( 11 ) Conformément à l’article 362, paragraphe 6, de l’APGR, le conseil de partenariat rend ses décisions et recommandations d’un commun accord entre les parties après l’accomplissement des procédures internes respectives.

( 12 ) Proposition conjointe de décision du Conseil sur la position à prendre au nom de l’Union européenne au sein du conseil de partenariat institué par l’accord de partenariat global et renforcé entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique et leurs États membres, d’une part, et la République d’Arménie, d’autre part, concernant l’adoption de décisions relatives aux règlements intérieurs du conseil de partenariat, du comité de partenariat, des sous-comités ou de tout
autre organe spécialisé [JOIN(2018) 29 final].

( 13 ) Proposition modifiée de décision du Conseil sur la position à prendre au nom de l’Union européenne au sein du conseil de partenariat institué par l’accord de partenariat global et renforcé entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique et leurs États membres, d’une part, et la République d’Arménie, d’autre part, concernant l’adoption de décisions relatives aux règlements intérieurs du conseil de partenariat, du comité de partenariat, des sous-comités ou de tout
autre organe spécialisé [COM(2019) 345 final].

( 14 ) Voir Conseil de l’Union européenne, compte rendu sommaire du 4 mars 2020 (6517/20 ; CRS CRP 9), Coreper, des 12 et 14 février 2020, annexe Coreper du 12 février 2020, point 38.

( 15 ) Voir Conseil de l’Union européenne, compte rendu sommaire du 4 mars 2020 (6517/20 ; CRS CRP 9), Coreper, des 12 et 14 février 2020, annexe Coreper du 12 février 2020, point 38.

( 16 ) JO 2016, L 29, p. 1.

( 17 ) Voir, en ce sens, arrêt du 24 juin 2014, Parlement/Conseil (C‑658/11, EU:C:2014:2025, point 52), et arrêt Kazakhstan (point 21).

( 18 ) Voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2015, Conseil/Commission (C‑73/14, EU:C:2015:663, point 65), et arrêt Kazakhstan (point 25).

( 19 ) Arrêt du 25 octobre 2017, Commission/Conseil (CMR-15) (C‑687/15, EU:C:2017:803, point 51), et arrêt Kazakhstan (points 25 et 27).

( 20 ) Voir arrêt Kazakhstan (point 29).

( 21 ) Voir arrêt Kazakhstan (point 35).

( 22 ) Voir, en ce sens, entre autres, arrêts du 26 mars 1987, Commission/Conseil, (45/86, EU:C:1987:163, point 11) ; du 11 juin 1991, Commission/Conseil (C‑300/89, EU:C:1991:244, point 10) ; avis 2/00 (Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques), du 6 décembre 2001 (EU:C:2001:664, point 22) ; arrêt du 14 juin 2016, Parlement/Conseil (C‑263/14, EU:C:2016:435, point 43), ainsi que arrêt Kazakhstan (point 36).

( 23 ) Voir, en ce sens, entre autres, arrêts du 10 janvier 2006, Commission/Parlement et Conseil (C‑178/03, EU:C:2006:4, points 42 et 43) ; du 14 juin 2016, Parlement/Conseil (C‑263/14, EU:C:2016:435, point 44), et arrêt Kazakhstan (point 37).

( 24 ) Voir, notamment, arrêt du 6 novembre 2008, Parlement/Conseil (C‑155/07, EU:C:2008:605, point 37 et jurisprudence citée). Il importe cependant de souligner que la Cour limite le cas où une dualité (ou pluralité) de bases juridiques est exclue aux cas d’incompatibilité de procédures, à l’exclusion des cas où ce n’est que la règle de vote qui diffère ; voir arrêt du 19 juillet 2012, Parlement/Conseil (C‑130/10, EU:C:2012:472, points 45 à 48).

( 25 ) Voir, notamment, arrêt du 14 juin 2016, Parlement/Conseil (C‑263/14, EU:C:2016:435, point 42 et jurisprudence citée).

( 26 ) Avis 1/78 (Accord international sur le caoutchouc naturel), du 4 octobre 1979 (EU:C:1979:224).

( 27 ) C‑268/94, EU:C:1996:461, points 37 à 39.

( 28 ) C‑377/12, EU:C:2014:1903, points 35 à 39.

( 29 ) Voir, a contrario, arrêt Philippines, points 56 et 59.

( 30 ) C‑377/12, EU:C:2014:29, points 25 à 28.

( 31 ) Voir points 25 à 27.

( 32 ) Voir, par exemple, arrêts du 18 juillet 2013, Daiichi Sankyo et Sanofi-Aventis Deutschland (C‑414/11, EU:C:2013:520, points 52 à 60) ; du 22 octobre 2013, Commission/Conseil (C‑137/12, EU:C:2013:675, points 58 à 65), et arrêt Kazakhstan (points 42 à 45).

( 33 ) Voir, en ce sens, notamment, arrêts du 26 septembre 2013, Royaume‑Uni/Conseil (C‑431/11, EU:C:2013:589, points 48 et suiv.) ; du 27 février 2014, Royaume‑Uni/Conseil (C‑656/11, EU:C:2014:97, point 50) ; du 18 décembre 2014, Royaume‑Uni/Conseil (C‑81/13, EU:C:2014:2449, point 38), et du 20 novembre 2018, Commission/Conseil (AMP Antarctique) (C‑626/15 et C‑659/16, EU:C:2018:925, points 76 et 87).

( 34 ) C‑626/15 et C‑659/16, EU:C:2018:925, points 88 à 94 ; voir également arrêt du 14 juin 2016, Parlement/Conseil (C‑263/14, EU:C:2016:435, point 51), où la référence au contexte a été utilisée afin d’établir l’objectif de la mesure en cause.

( 35 ) En ce sens, voir, notamment, avis 2/00 (Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques), du 6 décembre 2001 (EU:C:2001:664, point 22).

( 36 ) Voir conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire Commission/Conseil (Accord avec le Kazakhstan) (C‑244/17, EU:C:2018:364, point 53).

( 37 ) Voir arrêt Philippines, point 35.

( 38 ) Aux termes de l’article 40, premier alinéa, TUE, « [l]a mise en œuvre de la politique étrangère et de sécurité commune n’affecte pas l’application des procédures et l’étendue respective des attributions des institutions prévues par les traités pour l’exercice des compétences de l’Union visées aux articles 3 à 6 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ». Le second alinéa de cet article prévoit que, « [d]e même, la mise en œuvre des politiques visées auxdits articles n’affecte pas
l’application des procédures et l’étendue respective des attributions des institutions prévues par les traités pour l’exercice des compétences de l’Union au titre du présent chapitre ».

( 39 ) Voir arrêt du 20 mai 2008, Commission/Conseil (C‑91/05, EU:C:2008:288, points 76 et 77).

( 40 ) Voir arrêts du 10 janvier 2006, Commission/Conseil (Convention de Rotterdam, (C‑94/03, EU:C:2006:2, point 51) ; du 10 janvier 2006, Commission/Parlement et Conseil (Importation de produits chimiques dangereux (C‑178/03, EU:C:2006:4, point 56), ; du 20 mai 2008, Commission/Conseil (Armes de petit calibre) (C‑91/05, EU:C:2008:288, points 99, 108 et 109), et du 6 novembre 2008, Parlement/Conseil (Pertes de la Banque européenne d’investissement) (C‑155/07, EU:C:2008:605, point 84). Voir également
conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire Commission/Conseil (Accord avec le Kazakhstan) (C‑244/17, EU:C:2018:364, point 63).

( 41 ) Voir, en ce sens, après l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, arrêts du 24 juin 2014, Parlement/Conseil (C‑658/11, EU:C:2014:2025, point 43), et du 14 juin 2016, Parlement/Conseil (C‑263/14, EU:C:2016:435, points 43 et 44).

( 42 ) Voir point 24 de l’arrêt Kazakhstan.

( 43 ) Voir, en ce sens, récemment, arrêt du 6 octobre 2020, Bank Refah Kargaran/Conseil (C‑134/19 P, EU:C:2020:793, point 47 et suiv.).

( 44 ) Voir conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire Commission/Conseil (Accord avec le Kazakhstan) (C‑244/17, EU:C:2018:364, point 50).

( 45 ) Je relève qu’un critère fondé sur la capacité des dispositions examinées à être immédiatement opérationnelles, en prévoyant les modalités concrètes de mise en œuvre de la coopération qu’elles envisagent, avait déjà été retenu par la Cour dans l’arrêt du 3 décembre 1996, Portugal/Conseil (C‑268/94, EU:C:1996:461, point 40).

( 46 ) Pour une tentative en ce sens, voir conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Parlement/Conseil (C‑658/11, EU:C:2014:41, points 85 et suiv.).

( 47 ) Voir arrêt Kazakhstan, point 40, et conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire Commission/Conseil (Accord avec le Kazakhstan) (C‑244/17, EU:C:2018:364, points 54 et 55).

( 48 ) Voir arrêt Kazakhstan (point 43).

( 49 ) Voir, notamment, arrêts du 10 janvier 2006, Commission/Conseil (Convention de Rotterdam) (C‑94/03, EU:C:2006:2, point 50), et du 18 décembre 2014, Royaume‑Uni/Conseil (Extension de règles de droit social à la Turquie) (C‑81/13, EU:C:2014:2449, point 36). Tel est le cas, comme le précise l’avocate générale Kokott dans ses conclusions dans l’affaire Commission/Conseil (Accord avec le Kazakhstan) (C‑244/17, EU:C:2018:364, point 53), également de la décision de signature de l’accord pour la mise
en œuvre duquel la décision concernée a été adoptée.

( 50 ) Voir cinquième alinéa du préambule de l’APGR.

( 51 ) Dans le même sens, voir arrêt Kazakhstan (point 42).

( 52 ) Voir arrêt Kazakhstan (point 46).

( 53 ) Voir arrêt Philippines (point 37).

( 54 ) Voir arrêt Philippines (point 37).

( 55 ) Voir arrêts du 23 octobre 2007, Parlement/Commission (C‑403/05, EU:C:2007:624, point 56), et du 20 mai 2008, Commission/Conseil (C‑91/05, EU:C:2008:288, point 65).

( 56 ) Voir arrêt du 20 mai 2008, Commission/Conseil (C‑91/05, EU:C:2008:288, points 68 à 70, 98 et 99).

( 57 ) Le nouveau consensus européen pour le développement « Notre monde, notre dignité, notre avenir », déclaration conjointe du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres réunis au sein du Conseil, du Parlement européen et de la Commission, 8 juin 2017. Sur la pertinence de ce type de documents afin de déterminer le domaine dont relève un accord international, voir, notamment, arrêt Philippines (point 42).

( 58 ) Voir consensus, point 10.

( 59 ) Adopté par l’Assemblée générale des Nations unies le 25 septembre 2015.

( 60 ) Voir consensus, point 11.

( 61 ) Règlement (UE) no235/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2014, instituant un instrument financier pour la démocratie et les droits de l’homme dans le monde (JO 2014, L 77, p. 85).

( 62 ) Voir règlement (UE) no230/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2014, instituant un instrument contribuant à la stabilité (JO 2014, L 77, p. 1).

( 63 ) Voir proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant l’instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale [COM(2018) 460 final], modifiée [COM(2020) 459 final] à la suite de la crise liée à la pandémie de COVID-19.

( 64 ) Voir communiqué de presse sur https://www.consilium.europa.eu/en/press/press-releases/2021/03/17/neighbourhood-development-and-international-cooperation-instrument-global-europe-eu-ambassadors-greenlight-final-compromise-text-with-a-view-to-an-agreement-with-the-ep/.

( 65 ) Voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2008, Commission/Conseil (C‑91/05, EU:C:2008:288, points 71 et 72). Dans le même sens, mais dans le cadre d’un conflit entre bases juridiques relevant toutes du traité FUE, voir arrêt Philippines (point 44).

( 66 ) Dix-huitième et vingt-troisième alinéas du préambule de l’APGR.

( 67 ) Dix-neuvième et vingt-troisième alinéas du préambule, et titre V, chapitres 3 et 4, de l’APGR.

( 68 ) Troisième et sixième alinéas du préambule de l’APGR.

( 69 ) Vingt-neuvième alinéa du préambule et titre V, chapitre 16, de l’APGR.

( 70 ) Voir, notamment, résolution du Conseil de sécurité des Nations unies 1504 (2004) du 28 avril 2004 et plan d’action pour la mise en œuvre de cette résolution élaboré par l’Arménie, disponible sur https://www.un.org/fr/sc/1540/national-implementation/national-implementation-plans.shtml.

( 71 ) L’article 10, paragraphe 4, de l’APGR vise, en outre, la coopération à la lumière de la position commune 2008/944/PESC du Conseil, du 8 décembre 2008, définissant des règles communes régissant le contrôle des exportations de technologie et d’équipements militaires et de la législation nationale pertinente de la République d’Arménie.

( 72 ) Il importe de signaler, malgré la différence de contexte, qu’une question similaire se pose dans la procédure d’avis 1/19, dans laquelle l’avocat général Hogan a présenté ses conclusions le 11 mars 2021 (EU:C:2021:198, points 167 à 194), au sujet de la scission en deux décisions séparées de l’acte autorisant la signature de la convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.

( 73 ) Il importe néanmoins de préciser que ce n’est pas, en tant que telle, la scission en deux décisions distinctes qui conduit à un contournement de la jurisprudence de la Cour en matière de choix de la base juridique, mais cette scission conjointement avec la prévision d’une base juridique incorrecte pour l’une de ces deux décisions.

( 74 ) Il s’agit du projet de décision du conseil de partenariat UE-République d’Arménie portant adoption de son règlement intérieur ainsi que de ceux du comité de partenariat et des sous-comités et autres organes institués par le conseil de partenariat, et établissant la liste des sous-comités, ST 15226/19 sur le site Internet http://register.consilium.europa.eu.

( 75 ) L’article 17, paragraphe 2, TUE, in fine, prévoit que les actes non législatifs sont adoptés sur proposition de la Commission lorsque les traités le prévoient. Conformément à l’article 218, paragraphe 9, TFUE, le Conseil adopte les décisions établissant la position à prendre au nom de l’Union au sein d’une instance créée par un accord sur proposition de la Commission (ou du haut représentant).

( 76 ) Je rappelle que la Cour a déjà eu l’occasion de préciser, s’agissant de la procédure d’adoption d’actes législatifs, que « lorsqu’un amendement envisagé par le Parlement et le Conseil dénature la proposition d’acte législatif dans un sens qui fait obstacle à la réalisation des objectifs poursuivis par celle‑ci et qui, partant, la prive de sa raison d’être, la Commission est en droit de la retirer » (voir arrêt du 14 avril 2015, Conseil/Commission,C‑409/13, EU:C:2015:217, point 83).

( 77 ) Tout au plus l’on pourrait considérer, avec une argumentation tout autant formaliste, que le Conseil a violé l’article 293, paragraphe 1, TFUE en ce que la décision 2020/245, bien que s’écartant, en ce qui concerne son champ d’application, de la proposition modifiée, a été adoptée à la majorité qualifiée et non pas à l’unanimité.

( 78 ) Voir, par analogie, arrêt Kazakhstan (point 51). Sauf erreur de ma part, les règlements intérieurs sur lesquels portent les décisions attaquées semblent entre-temps avoir été adoptés, v. https://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-4555-2020-INIT/en/pdf.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-180/20
Date de la décision : 17/06/2021
Type de recours : Recours en annulation - fondé

Analyses

Recours en annulation – Décisions (UE) 2020/245 et 2020/246 – Position à prendre au nom de l’Union européenne au sein du conseil de partenariat institué par l’accord de partenariat global et renforcé entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique et leurs États membres, d’une part, et la République d’Arménie, d’autre part – Accord dont certaines dispositions peuvent être rattachées à la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) – Adoption des règlements intérieurs du conseil de partenariat, du comité de partenariat, des sous-comités et d’autres organes – Adoption de deux décisions distinctes – Choix de la base juridique – Article 37 TUE – Article 218, paragraphe 9, TFUE – Règle de vote.

Dispositions institutionnelles


Parties
Demandeurs : Commission européenne
Défendeurs : Conseil de l'Union européenne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Pitruzzella

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2021:495

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