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21/01/2021 | CJUE | N°C-50/19

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général M. G. Pitruzzella, présentées le 21 janvier 2021., Sigma Alimentos Exterior SL contre Commission européenne., 21/01/2021, C-50/19


 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GIOVANNI PITRUZZELLA

présentées le 21 janvier 2021 ( 1 )

Affaire C‑50/19 P

Sigma Alimentos Exterior, SL

contre

Commission européenne

« Pourvoi – Dispositions concernant l’impôt sur les sociétés permettant aux entreprises fiscalement domiciliées en Espagne d’amortir la survaleur résultant de prises de participations dans des entreprises fiscalement domiciliées à l’étranger – Notion d’“aide d’État” – Sélectivité »

1. La présente

affaire a pour objet le pourvoi formé par Sigma Alimentos Exterior, SL (ci-après « Sigma ») contre l’arrêt du 15 novembre 2018, Sigma Alimentos Exte...

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GIOVANNI PITRUZZELLA

présentées le 21 janvier 2021 ( 1 )

Affaire C‑50/19 P

Sigma Alimentos Exterior, SL

contre

Commission européenne

« Pourvoi – Dispositions concernant l’impôt sur les sociétés permettant aux entreprises fiscalement domiciliées en Espagne d’amortir la survaleur résultant de prises de participations dans des entreprises fiscalement domiciliées à l’étranger – Notion d’“aide d’État” – Sélectivité »

1. La présente affaire a pour objet le pourvoi formé par Sigma Alimentos Exterior, SL (ci-après « Sigma ») contre l’arrêt du 15 novembre 2018, Sigma Alimentos Exterior/Commission ( 2 ) (ci-après l’« arrêt attaqué »), par lequel le Tribunal a rejeté le recours introduit au titre de l’article 263 TFUE par Sigma et tendant à l’annulation de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/282/UE de la Commission, du 12 janvier 2011, relative à l’amortissement fiscal de la survaleur financière en cas de
prise de participations étrangères appliqué par l’Espagne (ci-après la « décision contestée ») ( 3 ), et, à titre subsidiaire, de l’article 4 de cette décision.

2. Le présent pourvoi fait partie d’une série de huit affaires parallèles ayant pour objet l’annulation des arrêts par lesquels le Tribunal a rejeté les recours formés par des sociétés espagnoles contre la décision contestée ou contre la décision 2011/5/CE de la Commission, du 28 octobre 2009, relative à l’amortissement fiscal de la survaleur financière en cas de prise de participations étrangères appliqué par l’Espagne (ci-après la « décision du 28 octobre 2009 ») ( 4 ).

I. Les faits, la mesure litigieuse et la décision contestée

3. Le 10 octobre 2007, à la suite de plusieurs questions écrites qui lui avaient été posées au cours des années 2005 et 2006 par des membres du Parlement européen, ainsi que d’une plainte d’un opérateur privé dont elle avait été le destinataire au cours de l’année 2007, la Commission européenne a décidé d’ouvrir la procédure formelle d’examen, visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE ( 5 ) (ci-après la « décision d’ouverture »), à l’égard du dispositif prévu à l’article 12, paragraphe 5, introduit
dans la Ley del Impuesto sobre Sociedades (loi espagnole relative à l’impôt sur les sociétés) par la Ley 24/2001, de Medidas Fiscales, Administrativas y del Orden Social (loi 24/2001, portant adoption de mesures fiscales, administratives et d’ordre social), du 27 décembre 2001 ( 6 ), et repris par le Real Decreto Legislativo 4/2004, por el que se aprueba el texto refundido de la Ley del Impuesto sobre Sociedades (décret législatif royal 4/2004, portant approbation du texte remanié de la loi
relative à l’impôt sur les sociétés, ci-après le « TRLIS »), du 5 mars 2004 (ci-après la « mesure litigieuse »). La mesure litigieuse prévoit que lorsqu’une prise de participations dans une « société étrangère » par une entreprise imposable en Espagne est d’au moins 5 %, et que la participation en cause est détenue de manière ininterrompue pendant au moins un an, la survaleur ( 7 ) financière ( 8 ) en résultant peut être déduite, sous forme d’amortissement, de l’assiette imposable de l’impôt sur
les sociétés dont l’entreprise est redevable. La mesure litigieuse précise que pour être qualifiée de « société étrangère », une société doit être assujettie à un impôt similaire à l’impôt applicable en Espagne et ses revenus doivent provenir essentiellement de la réalisation d’activités à l’étranger.

4. Par la décision du 28 octobre 2009, la Commission a clos la procédure formelle d’examen concernant les prises de participations réalisées au sein de l’Union européenne. Dans cette décision, la Commission a déclaré incompatible avec le marché intérieur le régime d’aides mis à exécution par l’Espagne en vertu de la mesure litigieuse en ce qui concerne les aides accordées aux bénéficiaires pour effectuer des acquisitions intracommunautaires.

5. La Commission a toutefois maintenu ouverte la procédure formelle d’examen en ce qui concerne les prises de participations réalisées en dehors de l’Union, dans l’attente d’éléments supplémentaires que les autorités espagnoles s’étaient engagées à lui fournir. Cette partie de la procédure s’est close par l’adoption de la décision contestée. L’article 1er, paragraphe 1, de cette décision déclare incompatible avec le marché intérieur le régime d’aides mis en œuvre par l’Espagne en vertu de la mesure
litigieuse « pour ce qui est des aides octroyées aux bénéficiaires lors de prises de participations en dehors de l’Union » ( 9 ). Le paragraphe 4 de cet article prévoit que « les déductions fiscales octroyées aux bénéficiaires, en vertu de l’article 12, paragraphe 5, du TRLIS, lors de prises de participations en dehors de l’Union à la date de publication de la présente décision au Journal officiel de l’Union européenne, qui sont liées aux participations majoritaires prises directement ou
indirectement dans des entreprises étrangères établies en Chine, en Inde ou dans d’autres pays où l’existence d’obstacles juridiques explicites aux regroupements transfrontières d’entreprises a été démontrée ou peut l’être, pourront continuer de s’appliquer durant toute la période d’amortissement prévue par le régime d’aides ». L’article 4, paragraphe 1, de la décision contestée ordonne la récupération de l’« aide incompatible correspondant à la réduction fiscale prévue en vertu du régime visé à
l’article 1er, paragraphe 1, auprès des bénéficiaires dont les droits dans des entreprises étrangères, acquis dans le cadre de prises de participations en dehors de l’Union, ne remplissent pas les conditions visées à l’article 1er, paragraphes 2 à 5 ».

II. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

6. Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 mai 2011, Sigma a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision contestée. Par acte séparé, la Commission a, le 11 novembre 2011, soulevé une exception d’irrecevabilité que le Tribunal a jointe au fond. La procédure a été suspendue du 13 mars au 7 novembre 2014, date à laquelle le Tribunal s’est prononcé dans l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt du 7 novembre 2014, Banco Santander et Santusa/Commission ( 10 ) (ci-après l’« arrêt Banco
Santander et Santusa/Commission »), en annulant la décision contestée, au motif que la Commission avait fait une application erronée de la condition de sélectivité prévue à l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Le Tribunal a également annulé la décision du 28 octobre 2009 par arrêt du 7 novembre 2014, Autogrill España/Commission ( 11 ) (ci-après l’« arrêt Autogrill España/Commission »).

7. Par requête déposée au greffe de la Cour le 19 janvier 2015, la Commission a formé un pourvoi contre l’arrêt Banco Santander et Santusa/Commission. Ce pourvoi, qui a été enregistré sous le numéro C‑21/15 P, a été joint au pourvoi, enregistré sous le numéro C‑20/15 P, que la Commission avait formé contre l’arrêt Autogrill España/Commission. Par décisions du président de la Cour du 19 mai 2015, la République fédérale d’Allemagne, l’Irlande et le Royaume d’Espagne ont été admis à intervenir dans les
affaires jointes au soutien des conclusions de World Duty Free Group ainsi que de Banco Santander et Santusa. Par arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a. ( 12 ) (ci-après l’« arrêt WDFG »), la Cour a annulé l’arrêt Banco Santander et Santusa/Commission, renvoyé l’affaire devant le Tribunal et réservé pour partie les dépens. La Cour a également annulé l’arrêt Autogrill España/Commission.

8. La procédure devant le Tribunal, qui avait été de nouveau suspendue à compter du 9 mars 2015, a été reprise le 21 décembre 2016 et s’est close par l’adoption de l’arrêt attaqué, par lequel le Tribunal a rejeté le recours de Sigma et l’a condamnée aux dépens.

III. La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

9. Par requête déposée au greffe de la Cour le 25 janvier 2019, Sigma a introduit le présent pourvoi. Cette dernière conclut : i) à l’annulation de l’arrêt attaqué ; ii) à l’annulation de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision contestée, à titre principal, dans la mesure où il déclare que le régime mis en œuvre par la mesure litigieuse constitue une aide d’État et, à titre subsidiaire, dans la mesure où il déclare que ce régime constitue une aide même lorsqu’il implique une prise de contrôle ;
iii) à titre encore plus subsidiaire, à l’annulation de l’article 4 de la décision contestée, dans la mesure où il exige la récupération des aides pour les opérations réalisées antérieurement à la publication au Journal officiel de la décision contestée ; iv) à la condamnation de la Commission aux dépens. La Commission conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation de Sigma aux dépens. La République fédérale d’Allemagne soutient les conclusions de Sigma.

IV. Analyse

A. Observations liminaires

10. Pour un examen de l’état actuel de la jurisprudence en matière de sélectivité des mesures fiscales et, notamment, pour un exposé de la méthode d’analyse de la sélectivité en trois étapes élaborée par la Cour, je renvoie aux considérations développées et aux critères rappelés aux points 11 à 21 de mes conclusions dans les affaires jointes C‑51/19 P, World Duty Free Group/Commission, et C‑64/19 P, Espagne/Commission, présentées ce jour. C’est à la lumière de ces considérations et critères que
seront examinés les griefs formulés par Sigma.

B. Sur le pourvoi

11. La requérante soulève deux moyens à l’appui de son pourvoi. Par le premier moyen, elle reproche au Tribunal une interprétation erronée de l’arrêt WDFG. Le second moyen, qui se subdivise en quatre branches, est tiré d’une application erronée de la méthode d’analyse de la sélectivité en trois étapes.

1.   Sur le premier moyen

a)   Arguments des parties

12. Par son premier moyen de pourvoi, la requérante, soutenue par le gouvernement allemand, fait valoir que le Tribunal a interprété l’arrêt WDFG de manière erronée en affirmant, aux points 69 et 70 de l’arrêt attaqué, que la sélectivité d’une mesure pouvait être établie en fonction du comportement volontaire des entreprises exclues de l’avantage octroyé par cette mesure, sans tenir compte des circonstances dans lesquelles se trouvent ces entreprises. Selon la requérante, il ressortirait en effet
des points 67, 77 ou 79 de l’arrêt WDFG que l’analyse de la sélectivité doit être opérée sur la base de la situation des entreprises et non du régime applicable aux opérations qu’elles réalisent. Or, le fait que certaines entreprises puissent choisir d’effectuer certaines opérations et d’autres pas impliquerait qu’elles se trouvent dans des situations différentes. Les entreprises investissant dans des sociétés espagnoles seraient libres de décider de procéder à un regroupement et donc, de
bénéficier de l’amortissement. Pour ces entreprises, l’impossibilité d’amortir la survaleur ne dépendrait pas de la situation de l’entreprise acquéreuse, mais de son comportement. En revanche, avant l’entrée en vigueur de la mesure litigieuse, l’impossibilité d’amortissement en cas de prise de participations dans des sociétés étrangères aurait été absolue, en particulier en cas d’acquisitions en dehors de l’Union, et aurait dépendu de la situation de l’entreprise acquéreuse et non de son
comportement. Les entreprises acquérant des actions dans des sociétés résidentes seraient donc dans une situation plus avantageuse, puisqu’elles auraient la possibilité de choisir.

13. La Commission estime que le premier moyen du pourvoi est irrecevable, car le recours de Sigma devant le Tribunal ne comportait aucun grief relatif aux critères de comparaison de la situation des entreprises bénéficiaires de la mesure litigieuse et de celles exclues de son application. Selon la Commission, permettre à Sigma de soulever de nouveaux griefs dans le cadre d’un pourvoi reviendrait à lui permettre de saisir la Cour d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. Le
premier moyen du pourvoi serait, en tout état de cause, non fondé, puisque la mesure litigieuse ne s’applique pas uniquement aux entreprises acquérant des participations dans des sociétés étrangères dans le but de réaliser une fusion, mais également à celles qui acquièrent des participations minoritaires.

b)   Appréciation

1) Sur la recevabilité

14. L’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission doit, à mon avis, être rejetée.

15. Certes, il découle d’une jurisprudence constante, rappelée par la Commission, que, dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens et aux arguments débattus devant le Tribunal, et qu’une partie ne saurait donc, en principe, soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle n’a pas soulevé devant le Tribunal ( 13 ).

16. Toutefois, la Cour a précisé qu’un requérant pouvait, dans son pourvoi, faire valoir des moyens nés de l’arrêt attaqué lui-même et qui visent à en critiquer, en droit, le bien-fondé ( 14 ).

17. Par conséquent, en l’espèce, à supposer même, comme le soutient la Commission, que le grief soulevé par Sigma dans son pourvoi constitue un « moyen nouveau » par rapport à ceux invoqués à l’appui de son recours formé devant le Tribunal, cela ne suffirait pas en soi pour le déclarer irrecevable.

18. Je constate par ailleurs que les arguments avancés par Sigma dans le cadre de son premier moyen de pourvoi contiennent une critique précise et circonstanciée des motifs de l’arrêt attaqué et visent à remettre en cause l’interprétation et l’application de l’arrêt WDFG par le Tribunal. Par conséquent, ceux-ci ne pouvaient pas être soulevés devant ce dernier ( 15 ).

19. Au vu de ce qui précède, j’estime donc que le premier moyen du pourvoi de Sigma doit être déclaré recevable.

2) Sur le fond

20. L’examen du premier moyen du pourvoi requiert de revenir brièvement sur les passages pertinents des arrêts Banco Santander et Santusa/Commission et WDFG.

21. Dans l’arrêt Banco Santander et Santusa/Commission, par lequel il a annulé la décision contestée, le Tribunal a considéré, en premier lieu, que pour satisfaire à la condition de sélectivité, il était nécessaire d’identifier à chaque fois une catégorie d’entreprises bénéficiant de manière exclusive de la mesure en cause et que, lorsque celle-ci était potentiellement accessible à toutes les entreprises, comme dans le cas de la mesure litigieuse, la sélectivité ne pouvait pas résulter de la simple
constatation d’une dérogation à un régime d’imposition commun ou « normal » ( 16 ). En second lieu, le Tribunal a considéré qu’une différenciation fiscale ne permettait pas en soi de conclure à l’existence d’une aide, mais qu’il était également nécessaire, à cette fin, d’identifier une catégorie d’entreprises pouvant être distinguées du fait de propriétés spécifiques ( 17 ).

22. Dans l’arrêt WDFG, pour ce qui est pertinent en l’espèce, la Cour a accueilli le pourvoi de la Commission visant, entre autres, à contester l’obligation, que le Tribunal lui avait imposée, d’identifier un groupe d’entreprises présentant des caractéristiques spécifiques afin de démontrer le caractère sélectif d’une mesure nationale. Après avoir rappelé la méthode d’analyse de la sélectivité en trois étapes, la Cour a jugé que la mesure litigieuse, dès lors qu’elle était susceptible de bénéficier
à l’ensemble des entreprises fiscalement domiciliées en Espagne qui réalisent des prises de participation d’au moins 5 % dans des entreprises fiscalement domiciliées en dehors de cet État membre, pouvait être considérée comme constituant une aide d’État, et qu’il appartenait à la Commission d’établir que cette mesure, bien que conférant un avantage de portée générale, en conférait le bénéfice exclusif à certaines entreprises ou certains secteurs d’activité ( 18 ). La Cour a ensuite constaté que
le raisonnement du Tribunal reposait sur une application erronée de la condition de sélectivité et que, s’agissant d’une mesure nationale conférant un avantage fiscal de portée générale, cette condition était remplie lorsque la Commission parvenait à démontrer que cette mesure déroge au régime fiscal commun ou « normal » applicable dans l’État membre concerné, introduisant, par ses effets concrets, un traitement différencié entre opérateurs, alors que les opérateurs qui bénéficient de l’avantage
fiscal et ceux qui en sont exclus se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par ledit régime fiscal de cet État membre, dans une situation factuelle et juridique comparable ( 19 ). Selon la Cour, le Tribunal avait commis une erreur de droit en concluant que la mesure litigieuse devait être regardée non pas comme une mesure sélective, mais comme une mesure générale au motif qu’elle ne visait aucune catégorie particulière d’entreprises ou de productions, que son application était indépendante
de la nature de l’activité des entreprises ou qu’elle était accessible, a priori ou potentiellement, à toutes les entreprises désireuses de prendre des participations d’au moins 5 % dans des sociétés étrangères et détenant ces participations de manière ininterrompue pendant au moins un an ( 20 ). La Cour a également précisé que, contrairement à ce qu’avait jugé le Tribunal, l’éventuel caractère sélectif de la mesure litigieuse n’était pas remis en cause par le fait que la condition essentielle
pour l’obtention de l’avantage fiscal conféré par cette mesure visait une opération économique, plus particulièrement une « opération purement financière », qui n’était pas assortie d’un montant minimal d’investissement et qui était indépendante de la nature de l’activité des entreprises bénéficiaires ( 21 ). Elle a donc conclu que le Tribunal avait contesté à tort les constatations de la Commission quant à la sélectivité de la mesure litigieuse, sans vérifier si cette dernière avait
effectivement analysé et établi le caractère discriminatoire de cette mesure ( 22 ).

23. Aux points 64 à 76 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a fait application des principes dégagés par la Cour dans l’arrêt WDFG et a rejeté le premier grief du moyen unique du recours de Sigma, par lequel cette dernière faisait valoir l’absence de sélectivité de la mesure litigieuse dès lors que celle-ci s’appliquait à toutes les entreprises assujetties à l’impôt sur les sociétés et ne réservait pas le bénéfice qu’elle prévoyait à un type particulier d’entreprises. Au point 69 de l’arrêt attaqué, le
Tribunal a jugé qu’il découlait de la solution retenue par la Cour dans l’arrêt WDFG qu’« un constat de sélectivité ne résulte pas nécessairement d’une impossibilité pour certaines entreprises de bénéficier de l’avantage prévu par la mesure en cause du fait de contraintes juridiques, économiques ou pratiques les empêchant de réaliser l’opération qui conditionne l’octroi de cet avantage, mais peut résulter de la seule constatation qu’il existe une opération qui, alors qu’elle est comparable à
celle qui conditionne l’octroi de l’avantage en cause, n’ouvre pas droit à celui-ci ». Il a poursuivi en précisant qu’il « s’ensuit qu’une mesure fiscale peut être sélective alors même que toute entreprise peut librement faire le choix de réaliser l’opération qui conditionne l’octroi de l’avantage que prévoit cette mesure ». Au point 70 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a affirmé que « [l]’accent a ainsi été mis sur une notion de “sélectivité” fondée sur la distinction entre des entreprises
choisissant de réaliser certaines opérations et d’autres entreprises choisissant de ne pas les réaliser et non sur la distinction entre des entreprises au regard de leurs caractéristiques propres ».

24. Il apparaît clairement que, aux points 69 et 70 susmentionnés, le Tribunal fait une lecture « orientée » de l’arrêt WDFG, mettant en exergue les aspects qui distinguent la solution retenue par la Cour de celle retenue dans l’arrêt Banco Santander et Santusa/Commission, non sans laisser transparaître une préférence pour cette dernière. Toutefois, contrairement à la requérante, je ne pense pas que ces points révèlent une mauvaise compréhension de l’arrêt WDFG par le Tribunal, ni que les
affirmations qu’ils contiennent aient influencé le raisonnement du Tribunal dans un sens qui n’est pas conforme aux critères dégagés par cet arrêt.

25. En effet, d’une part, c’est en application de ces critères, rappelés en particulier au point 68 de l’arrêt attaqué, que le Tribunal a conclu, au point 75 de cet arrêt, conformément à ce qui ressortait d’ailleurs déjà de l’arrêt WDFG lui-même, que la mesure litigieuse, « qui accorde un avantage dont l’octroi est conditionné par la réalisation d’une opération économique, peut être sélective y compris lorsque [...] toute entreprise peut librement faire le choix de réaliser cette opération », et a,
dès lors, rejeté le premier grief du moyen unique du recours de Sigma.

26. D’autre part, contrairement à ce que soutient Sigma, il ne ressort pas des points 69 et 70 de l’arrêt attaqué que le Tribunal ait entendu affirmer que la sélectivité d’une mesure nationale pouvait être établie sur la seule base du comportement des entreprises exclues de l’avantage conféré par la mesure en cause, sans tenir compte de la situation dans laquelle se trouvent ces entreprises. En effet, ces points se bornent à souligner que, selon l’arrêt WDFG, une mesure peut être sélective même si
l’octroi de l’avantage qu’elle prévoit dépend non pas des caractéristiques spécifiques de l’entreprise, mais de l’opération que celle-ci décide ou non de réaliser ( 23 ).

27. Or, une telle affirmation ne me paraît pas être en contradiction avec l’arrêt WDFG. En effet, selon cet arrêt, une mesure nationale peut être sélective même lorsqu’elle n’identifie pas ex ante une catégorie particulière de bénéficiaires et que toutes les entreprises établies sur le territoire de l’État membre concerné, quels que soient leur taille, leur forme juridique, leur secteur d’activité ou d’autres caractéristiques qui leur sont propres, ont potentiellement accès à l’avantage prévu par
cette mesure à condition de procéder à un certain type d’investissement. Ce n’est donc pas à tort que le Tribunal a relevé, en substance, que, selon l’arrêt WDFG, aux fins de l’appréciation du caractère sélectif d’une mesure, on devait tenir également compte de l’existence d’une inégalité de traitement rattachable au comportement des entreprises.

28. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, j’estime que le premier moyen du pourvoi de Sigma doit être rejeté comme étant non fondé.

2.   Sur le second moyen du pourvoi

29. Par son second moyen de pourvoi, divisé en quatre branches, Sigma fait valoir que le Tribunal a commis une erreur en ce qu’il a considéré que l’existence éventuelle d’obstacles aux regroupements transfrontaliers ne permettait pas d’exclure la sélectivité de la mesure litigieuse.

a)   Sur la première branche du second moyen du pourvoi

1) Arguments des parties

30. La requérante estime, en premier lieu, que le Tribunal a conclu à tort que l’objectif de la déductibilité fiscale de la survaleur était de rapprocher son traitement fiscal de son traitement comptable, indépendamment du fait que l’entreprise prenne des participations dans des sociétés résidentes ou non résidentes. Ce faisant, le Tribunal aurait non seulement perdu de vue la finalité réelle du traitement fiscal de la survaleur, qui consisterait à promouvoir la neutralité fiscale en éliminant les
obstacles au regroupement transfrontalier entre entreprises, mais aurait également substitué sa propre motivation à celle de la décision contestée, dès lors qu’aucun passage de cette décision ne contiendrait une conclusion analogue. La requérante fait valoir, en deuxième lieu, qu’en droit espagnol, les traitements fiscal et comptable de la survaleur, tout en étant liés, demeurent distincts et suivent des règles et des critères différents. En troisième lieu, elle relève qu’aux points 103 et 104
de l’arrêt attaqué, le Tribunal reconnaît lui-même qu’une survaleur comptable peut apparaître sans fusion, c’est-à-dire sans qu’une telle comptabilisation ait d’incidence fiscale. En quatrième lieu, elle rappelle qu’entre 2008 et 2015, le droit espagnol ne permettait pas l’amortissement comptable de la survaleur, alors que la déductibilité fiscale de la survaleur résultant d’une fusion était, en tout état de cause, autorisée. Selon la requérante, c’est en raison de l’appréciation erronée de
l’objectif poursuivi par la mesure litigieuse que le Tribunal aurait confirmé le choix de la Commission d’identifier le système de référence dans le traitement fiscal de la survaleur, en excluant que la mesure litigieuse puisse constituer un tel système. En cinquième lieu, la requérante fait valoir que les entreprises prenant des participations dans des sociétés espagnoles peuvent non seulement procéder librement à un regroupement en se prévalant de la déduction fiscale de la survaleur, mais
bénéficient aussi d’autres avantages, tels que l’accès à un régime d’intégration fiscale, qui ne sont pas ouverts aux entreprises prenant des participations dans des sociétés étrangères. En faisant référence aux opérations d’acquisition qu’elle a réalisées aux États-Unis et au Pérou, la requérante souligne que, même en admettant qu’il n’existe pas d’obstacles juridiques au regroupement d’entreprises, le seul fait que les sociétés espagnoles et étrangères aient une forme juridique ou sociale
différente constitue en soi un obstacle. Les entreprises prenant des participations dans des sociétés résidentes se trouveraient donc dans une situation juridique et factuelle différente de celle dans laquelle se trouvent les entreprises prenant des participations dans des sociétés étrangères, en particulier s’il s’agit, comme c’est le cas de la requérante, de sociétés de pays tiers et de participations de contrôle.

31. La Commission, d’une part, invoque l’irrecevabilité de la première branche du second moyen du pourvoi pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 13 des présentes conclusions et, d’autre part, fait valoir son absence de fondement. Contrairement à ce que soutient Sigma, la mesure litigieuse ne serait pas de nature à garantir la neutralité fiscale et ne serait pas proportionnée, puisqu’elle s’applique également à des prises de participations transfrontalières minoritaires qui ne permettraient
pas, en tout état de cause, de réaliser un regroupement d’entreprises. Il s’ensuit que le Tribunal aurait conclu à bon droit que la prétendue existence d’obstacles au regroupement d’entreprises au Pérou ou aux États-Unis était dénuée de pertinence.

2) Appréciation

32. L’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission doit être rejetée pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 14 des présentes conclusions.

33. Sur le fond, il convient tout d’abord de rappeler le raisonnement développé par le Tribunal aux points 79 à 111 de l’arrêt attaqué, contre lesquels sont dirigés les griefs soulevés par Sigma. Ce raisonnement peut être divisé en deux parties.

34. La première partie, qui inclut les points 79 à 95, aborde, de manière générale, la question de la méthodologie applicable à la détermination du système de référence dans le cadre de la première étape de l’examen de la sélectivité. Au point 85, le Tribunal affirme que la délimitation matérielle de ce système est opérée, en principe, en lien avec la mesure analysée, et, au point 89, lequel est précédé d’une analyse des arrêts du 8 septembre 2011, Paint Graphos e.a. ( 24 ) (ci‑après l’« arrêt Paint
Graphos »), et du 8 septembre 2011, Commission/Pays‑Bas ( 25 ), il constate que « outre l’existence d’un lien entre l’objet de la mesure en cause et celui du régime normal, l’examen du caractère comparable des situations relevant de cette mesure et des situations relevant de ce régime permet également de délimiter matériellement la portée dudit régime ». Le Tribunal précise ensuite, aux points 90 et 91, que, dès lors que c’est le caractère comparable de ces situations qui permet aussi de
conclure à l’existence d’une dérogation, lorsque les situations relevant de la mesure litigieuse sont traitées différemment de celles relevant du régime normal, « un raisonnement d’ensemble portant sur les deux premières étapes de la méthode [d’analyse de la sélectivité] peut, dans certains cas, conduire à déterminer à la fois le régime normal et l’existence d’une dérogation ».

35. Dans la seconde partie de son raisonnement, qui inclut les points 96 à 111 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné, en application de la méthodologie exposée aux points 95 à 108 de cet arrêt, si, au regard de l’objectif du régime normal identifié par la Commission, les entreprises prenant des participations dans des sociétés résidentes et celles prenant des participations dans des sociétés non résidentes se trouvaient dans une situation juridique et factuelle comparable. Cet examen de
comparabilité, qui est normalement effectué dans le cadre de la deuxième étape de l’analyse de la sélectivité, est donc avancé à la première étape, et le Tribunal fait dépendre la délimitation correcte du système de référence de son résultat (voir point 96 de l’arrêt attaqué). Au terme de cet examen, le Tribunal parvient à la conclusion que « les entreprises qui prennent des participations dans des sociétés non résidentes se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par le traitement fiscal de
la survaleur, dans une situation juridique et factuelle comparable à celle des entreprises qui prennent des participations dans des sociétés résidentes » (point 109 de l’arrêt attaqué), et que c’est à bon droit que la Commission a retenu « au titre du régime normal, le traitement fiscal de la survaleur et non le traitement fiscal de la survaleur financière instauré par la mesure litigieuse » (point 110 de l’arrêt attaqué). Au point 111 de l’arrêt attaqué, le Tribunal clôt cette partie de son
raisonnement en relevant que la mesure précitée, « en permettant l’amortissement de la survaleur pour des prises de participations dans des sociétés non résidentes sans qu’il y ait de regroupement d’entreprises, applique à ces opérations un traitement différent de celui qui s’applique aux prises de participations dans des sociétés résidentes, alors que ces deux types d’opérations se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par le régime normal, dans des situations juridiques et factuelles
comparables ».

36. J’observe, à titre liminaire, que Sigma semble considérer que le système de référence identifié par le Tribunal dans le traitement fiscal de la survaleur est cohérent avec celui adopté par la Commission dans la décision contestée et n’invoque donc pas, à cet égard, une substitution de motifs, contrairement aux requérants dans les affaires parallèles citées à la note 4 des présentes conclusions. Sigma n’émet pas non plus de critiques visant à contester la méthodologie exposée par le Tribunal aux
points 79 à 95 de l’arrêt attaqué, concernant lesquels je me borne donc à renvoyer aux observations formulées au point 73 de mes conclusions dans les affaires jointes C‑51/19 P et C‑64/19 P, présentées ce jour.

37. S’agissant des arguments de Sigma visant à contester la conclusion à laquelle est parvenu le Tribunal au point 108 de l’arrêt attaqué, selon laquelle l’objectif du système de référence est d’assurer une certaine cohérence entre le traitement fiscal de la survaleur et son traitement comptable, j’estime qu’ils doivent être déclarés irrecevables. En effet, cette conclusion repose sur des constatations qui découlent de l’interprétation, par le Tribunal, des principes fiscaux et comptables du droit
espagnol en matière de survaleur, et qui échappent donc au contrôle de la Cour dans le cadre du pourvoi, sauf si une dénaturation des principes précités est alléguée et démontrée ( 26 ).

38. En revanche, le grief tiré de la substitution des motifs de la décision contestée en ce qui concerne l’identification de l’objectif du système de référence doit, à mon avis, être accueilli. En effet, force est de constater que, nulle part dans la décision contestée, la Commission ne mentionne le maintien d’une certaine cohérence entre le traitement fiscal et le traitement comptable de la survaleur en tant qu’objectif du système de référence qu’elle a identifié. Certes, le Tribunal confirme les
constatations figurant dans cette décision lorsqu’il indique que le traitement fiscal de la survaleur s’organise autour du critère tiré de l’existence ou non d’un regroupement d’entreprises (voir points 103 et 105), et lorsqu’il explique, en rappelant les considérants 28 et 123 de cette décision, que cela est dû au fait que, à la suite d’une acquisition ou d’une contribution d’actifs composant des entreprises indépendantes ou encore d’une fusion ou d’une scission, « une survaleur [...] apparaît,
comme actif incorporel distinct, dans la comptabilité de l’entreprise issue du regroupement » (voir point 104 de l’arrêt attaqué). De même, l’affirmation énoncée au point 103 de l’arrêt attaqué, selon laquelle le traitement fiscal de la survaleur est en lien avec une logique comptable, est également conforme aux conclusions de la Commission dans la décision contestée (voir, en particulier, les considérants 121 à 124). Toutefois, c’est de manière totalement autonome par rapport à cette décision,
et sur la base de sa propre interprétation des règles fiscales et comptables espagnoles, que le Tribunal conclut que l’objectif des règles concernant l’amortissement de la survaleur fiscale contenues dans la loi espagnole relative à l’impôt sur les sociétés est la cohérence entre le traitement fiscal et comptable de la survaleur et que, au regard de cet objectif, la situation des entreprises qui investissent dans des sociétés espagnoles est comparable à celle des entreprises qui investissent
dans des sociétés non résidentes.

3) Sur les conséquences du bien-fondé du grief tiré d’une substitution de motifs

39. À cet égard, je rappelle tout d’abord que, selon la jurisprudence invoquée aux points 13 à 15 de mes conclusions dans les affaires jointes C‑51/19 P et C‑64/19 P, présentées ce jour, l’examen de comparabilité à effectuer dans le cadre de la deuxième étape de l’analyse de la sélectivité doit être réalisé au regard de l’objectif du système de référence et non de celui de la mesure litigieuse.

40. Dans la décision contestée, tout en indiquant que la mesure litigieuse poursuivait également un objectif d’accroissement de la compétitivité internationale des entreprises espagnoles (voir considérant 138), la Commission a néanmoins examiné si elle pouvait être justifiée au regard du principe de neutralité fiscale, et est parvenue à une conclusion négative sur la base d’une double motivation. D’une part, elle a rejeté l’argument avancé par le Royaume d’Espagne selon lequel un traitement
différent des investissements étrangers était nécessaire en raison des obstacles aux fusions transfrontalières. Cette motivation figure aux considérants 110 à 118 de la décision contestée, dans la partie consacrée à la définition du système de référence. D’autre part, elle a considéré qu’en tout état de cause, la mesure litigieuse n’était pas proportionnée (voir considérants 132 à 140 de la décision contestée).

41. En revanche, il ne semble pas, à la lecture de la décision contestée, que la Commission ait attribué l’objectif de neutralité fiscale invoqué devant la Cour par Sigma au système de référence qu’elle a identifié. Elle a considéré, en substance, sans indiquer explicitement l’objectif de ce système, que les entreprises investissant dans des sociétés nationales et celles investissant dans des sociétés étrangères se trouvaient dans une situation comparable au regard du régime instauré par la mesure
litigieuse, qui prévoyait, par dérogation au système de référence, l’amortissement de la survaleur financière même dans le cas où la prise de participations n’était pas suivie d’une fusion ( 27 ). En d’autres termes, la Commission a considéré que pouvait constituer une discrimination, en l’absence de justification par le Royaume d’Espagne, la différenciation introduite par la mesure litigieuse entre les entreprises acquérant des participations dans des sociétés résidentes, qui doivent
nécessairement procéder à une fusion pour amortir la survaleur, et celles qui acquièrent des participations dans des sociétés étrangères, qui bénéficientautomatiquement de la possibilité d’opérer un tel amortissement, indépendamment du fait que l’opération vise à réaliser une fusion et indépendamment de la preuve de l’existence d’obstacles effectifs à la réalisation d’une telle fusion.

42. Si cette façon de procéder peut ne pas sembler totalement conforme à la méthode d’analyse en trois étapes de la sélectivité telle que précisée par la jurisprudence la plus récente à partir de l’arrêt Paint Graphos, postérieur à la décision contestée, je ne pense pas que cette décision doive être annulée pour cette seule raison.

43. Comme le Royaume d’Espagne l’affirme d’ailleurs clairement, la mesure litigieuse est une mesure corrective qui sert à remédier aux effets défavorables du traitement fiscal de la survaleur en général, en vertu duquel l’amortissement n’est autorisé qu’en cas de regroupements d’entreprises (ou en cas de contrôle et de présentation de comptes consolidés). Elle tend donc, de par sa nature même, à réserver un traitement favorable à une certaine catégorie d’entreprises, en l’occurrence à celles qui
réalisent un certain type d’investissements, comme la Cour elle-même l’a d’ailleurs relevé aux points 62 et 119 de l’arrêt WDFG, au motif que, dans le cas contraire, ces entreprises seraient pénalisées par l’application du régime normal. Or, indépendamment des encadrements systématiques imposés par la jurisprudence, je considère que les différenciations introduites par des mesures de ce type doivent, en principe, s’apprécier non seulement au regard de la matérialité des éléments de fait sur
lesquels elles reposent, mais aussi au regard de leur proportionnalité ainsi que de leur capacité à atteindre l’objectif poursuivi et donc, dans le cadre de la troisième étape de l’analyse de la sélectivité, qui vise à vérifier si la différence de traitement introduite par une mesure dérogatoire a priori sélective est justifiée par la nature ou la structure du système fiscal dans lequel elle s’insère. Un tel contrôle serait, au contraire, systématiquement exclu s’il suffisait, dans le cadre de
la deuxième étape de l’analyse de la sélectivité, d’invoquer, en tant qu’objectif du système de référence au regard duquel est à effectuer l’examen de comparabilité des situations faisant l’objet de différenciations, l’objectif général de neutralité fiscale dans lequel s’inscrit l’objectif spécifique de l’intervention corrective mise en œuvre par la mesure en cause.

44. La neutralité fiscale est l’un des objectifs de tout régime fiscal et il ne fait aucun doute que le régime fiscal de la survaleur dans le cadre de l’impôt espagnol sur les sociétés s’inspire également de ce principe. Toutefois, comme le Tribunal l’affirme à juste titre au point 131 de l’arrêt attaqué, l’objectif poursuivi par ce régime « n’est pas de permettre aux entreprises de bénéficier de l’avantage fiscal que constitue l’amortissement de la survaleur lorsqu’elles rencontrent des difficultés
les empêchant de procéder à un regroupement d’entreprises ». C’est plutôt la mesure litigieuse qui vise à le faire. Accueillir le grief de Sigma reviendrait donc à admettre, en contradiction avec la jurisprudence la plus récente en matière de sélectivité, que l’examen de comparabilité dans le cadre de la deuxième étape de l’analyse de la sélectivité doit être effectué au regard de l’objectif de la mesure litigieuse et non de celui du système de référence, et cela indépendamment du fait que cet
objectif n’ait pas été explicitement identifié dans la décision contestée et même si l’on doit considérer, comme l’affirme Sigma, que celui-ci réside dans la neutralité fiscale.

4) Conclusions sur la première branche du second moyen du pourvoi de Sigma

45. À la lumière des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de déclarer que le Tribunal a interprété la décision contestée de manière erronée en substituant sa propre motivation à celle de cette décision, mais que cette erreur ne saurait entraîner l’annulation de l’arrêt attaqué, puisque le grief de Sigma en lien avec lequel cette erreur a été commise doit, en tout état de cause, être rejeté.

b)   Sur la deuxième branche du second moyen du pourvoi

1) Arguments des parties

46. La requérante fait valoir que le Tribunal aurait rejeté à tort la possibilité de considérer la mesure litigieuse comme un système de référence autonome sur la base des conclusions de l’avocat général Warner dans l’affaire Italie/Commission ( 28 ) (ci-après les « conclusions de l’avocat général Warner »). En effet, contrairement à la mesure en cause dans cette affaire, la mesure litigieuse ne vise pas à résoudre un problème particulier à un secteur industriel déterminé, mais s’applique à toutes
les entreprises assujetties à l’impôt sur les sociétés. Le Tribunal aurait également commis une erreur en ne considérant pas la mesure litigieuse comme une mesure à caractère général destinée à offrir aux opérateurs économiques une solution pratique assimilant le traitement fiscal des opérations transnationales à celui prévu à l’article 89, paragraphe 3, et à l’article 11, paragraphe 4, du TRLIS pour les opérations nationales, afin que les décisions d’investissement soient prises par les
entreprises sur la base de critères économiques et non fiscaux. La mesure litigieuse serait clairement une mesure de politique économique générale visant à préserver le principe de neutralité fiscale. À titre subsidiaire, la requérante fait valoir que la mesure litigieuse doit être considérée comme justifiée par la logique du système fiscal, au regard du principe de neutralité fiscale.

47. La Commission, d’une part, excipe de l’irrecevabilité de la deuxième branche du second moyen du pourvoi pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 13 des présentes conclusions et, d’autre part, invoque son absence de fondement. Contrairement à ce que soutient la requérante, la mesure litigieuse ne garantirait pas la neutralité fiscale puisqu’elle accorde à la prise de participations dans des entreprises étrangères des conditions plus favorables que celles prévues pour les participations
dans des entreprises nationales. En effet, pour les premières, l’amortissement de la survaleur est subordonné à la seule condition de l’acquisition d’une participation de 5 % dans le capital de l’entreprise acquise, tandis que, dans le second cas, le regroupement entre les entreprises est également requis.

2) Appréciation

48. Il convient tout d’abord de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 14 des présentes conclusions.

49. Sur le fond, s’agissant de l’objection opposée par Sigma à la référence aux conclusions de l’avocat général Warner, figurant aux points 114 et 115 de l’arrêt attaqué, je note tout d’abord que ses arguments n’ont pas pour objet de critiquer, en tant que telle, l’affirmation, que le Tribunal extrapole à partir de ces conclusions, selon laquelle une mesure fiscale ne peut pas constituer un système de référence autonome « si elle a pour objet de résoudre un problème particulier » ( 29 ), mais la
conclusion – à laquelle le Tribunal est parvenu au point 138 de l’arrêt attaqué – selon laquelle l’élimination des effets des obstacles aux regroupements transfrontaliers sur le traitement fiscal de la survaleur constitue un « problème particulier », ainsi que l’assimilation de la présente affaire à celle faisant l’objet des conclusions précitées.

50. J’observe ensuite que, contrairement à ce que soutient la requérante, ce n’est pas en raison du caractère « particulier » de l’objectif poursuivi par la mesure litigieuse que le Tribunal a exclu que cette mesure puisse constituer un système de référence à part entière. En effet, il ressort clairement des points 121 et 122 de l’arrêt attaqué que le Tribunal est parvenu à cette conclusion en tenant compte du fait que ladite mesure constituait « une exception à la règle générale selon laquelle
seuls les regroupements d’entreprises peuvent conduire à l’amortissement de la survaleur », visant à remédier aux effets défavorables induits par l’application de cette règle, ainsi que de la constatation que cette mesure ne faisait pas de l’opération de prise de participations un nouveau critère général qui organiserait le traitement fiscal de la survaleur, mais « réserv[ait] le bénéfice de l’amortissement de la survaleur aux seules prises de participations dans des sociétés non résidentes »
(point 122 de l’arrêt attaqué). Ce n’est donc pas le caractère « limité » de l’objectif poursuivi par la mesure litigieuse que le Tribunal a, en définitive, jugé déterminant, et cela malgré la déclaration formulée au terme de son analyse, au point 125 de l’arrêt attaqué.

51. Dans ces conditions, les arguments avancés par la requérante visant, d’une part, à contester l’assimilation de la présente espèce à celle ayant fait l’objet des conclusions de l’avocat général Warner et, d’autre part, à démontrer que l’objectif de la mesure litigieuse est la sauvegarde du principe de neutralité fiscale et non la résolution d’un « problème particulier », sont, à mon avis, insuffisants pour infirmer le raisonnement développé par le Tribunal aux points 112 à 127 de l’arrêt attaqué.

52. Enfin, je relève que, pour autant que Sigma fait valoir que la mesure litigieuse doit être considérée comme étant non sélective dès lors qu’elle est accessible à toutes les entreprises assujetties à l’impôt sur les sociétés, elle remet directement en cause l’arrêt WDFG, dans lequel la Cour a jugé que cette mesure, en ce qu’elle est susceptible de bénéficier à l’ensemble des entreprises fiscalement domiciliées en Espagne réalisant des opérations de prises de participations d’au moins 5 % dans des
entreprises fiscalement domiciliées en dehors de cet État membre, devait être considérée comme pouvant constituer une aide d’État bien qu’elle confère un avantage de portée générale, pour autant que son caractère discriminatoire soit établi ( 30 ).

53. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je considère que la deuxième branche du second moyen du pourvoi de Sigma doit être rejetée comme non fondée.

c)   Sur la troisième branche du second moyen du pourvoi

1) Arguments des parties

54. La troisième branche du second moyen du pourvoi de Sigma, soulevée à titre subsidiaire, est dirigée contre le point 134 de l’arrêt attaqué dans lequel, après avoir rappelé que « le régime normal ne prévoit l’amortissement de la survaleur qu’en cas de regroupement d’entreprises et que la mesure litigieuse, en permettant cet amortissement pour des prises de participations dans des sociétés non résidentes, applique à ces opérations un traitement différent de celui qui s’applique aux prises de
participations dans des sociétés résidentes, alors que ces deux types d’opérations se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par le régime normal, dans des situations juridiques et factuelles comparables », le Tribunal a affirmé que « [l]a mesure litigieuse introduit [...] une dérogation à ce régime, ainsi que la Commission l’a estimé à bon droit ». Selon la requérante, à supposer même que le système de référence tel que défini par la Commission et confirmé par le Tribunal soit correct,
rien ne permettait au Tribunal de conclure à l’existence d’une dérogation au système de référence, puisque les entreprises qui prennent des participations dans des sociétés résidentes en Espagne et celles qui prennent des participations dans des sociétés étrangères ne se trouvent pas dans une situation comparable en raison de l’existence de barrières aux regroupements transfrontaliers.

55. La Commission, d’une part, invoque l’irrecevabilité de la troisième branche du second moyen du pourvoi pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 13 des présentes conclusions et, d’autre part, fait valoir son absence de fondement, dès lors que la question de l’existence d’obstacles au regroupement d’entreprises serait dépourvue de pertinence aux fins de l’examen de comparabilité.

2) Appréciation

56. L’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission doit être rejetée pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 14 des présentes conclusions.

57. Sur le fond, je relève tout d’abord que le Tribunal a écarté la pertinence de l’éventuelle existence d’obstacles aux regroupements transfrontaliers aux fins de l’examen de comparabilité entre les entreprises prenant des participations dans des sociétés résidentes en Espagne et les entreprises prenant des participations dans des sociétés étrangères sur la base des motifs exposés aux points 128 à 133 de l’arrêt attaqué, non visés par le grief soulevé par Sigma, et que le point 134 de cet arrêt,
contre lequel ce grief est dirigé, est formulé à titre surabondant (« [a] mayor abundamiento », en espagnol, langue de procédure faisant foi, et « [a]u surplus », en français).

58. Dans la mesure où les arguments de Sigma doivent être considérés comme visant à contester les conclusions auxquelles le Tribunal est parvenu aux points 108 et 111 de l’arrêt attaqué, ils se confondent avec les arguments développés au soutien des griefs qu’elle a formulés dans le cadre de la première branche du second moyen du pourvoi, auxquels je renvoie.

59. Eu égard aux considérations qui précèdent, j’estime que la troisième branche du second moyen du pourvoi de Sigma doit également être rejetée.

d)   Sur la quatrième branche du second moyen du pourvoi

1) Arguments des parties

60. La quatrième branche du second moyen du pourvoi de Sigma vise à contester le point 155 de l’arrêt attaqué dans lequel le Tribunal, au terme de l’analyse exposée aux points 147 à 154 de cet arrêt, a conclu qu’il n’avait pas été démontré que l’avantage résultant de la mesure litigieuse bénéficierait aux entreprises subissant la différence de traitement à laquelle cette mesure est censée remédier et, par conséquent, que « les effets neutralisants » de ladite mesure n’étaient pas établis. Selon la
requérante, sans la correction apportée par cette mesure, le principe de neutralité fiscale serait violé puisque des situations seraient alors consolidées, dans lesquelles les obstacles aux prises de participations dans des sociétés étrangères empêcheraient l’amortissement de la survaleur dans les mêmes conditions que celles auxquelles sont soumises les prises de participations dans des sociétés résidentes. Concernant l’existence d’obstacles aux fusions avec des sociétés américaines et
péruviennes, Sigma renvoie aux éléments déjà invoqués dans le recours devant le Tribunal. Quant à la constatation formulée par ce dernier au point 154 de l’arrêt attaqué, selon laquelle il ne ressort pas des pièces du dossier que le Royaume d’Espagne ait « établi que les entreprises qui souhaitent procéder à des fusions transfrontalières et qui ne peuvent le faire du fait d’obstacles, notamment juridiques, au regroupement, prennent par défaut des participations dans des sociétés non résidentes
ou, pour le moins, conservent les participations dont elles disposent déjà », Sigma affirme qu’un tel critère ne figure pas dans la décision contestée et qu’il s’agirait donc d’une autre substitution des motifs de cette décision opérée par le Tribunal. En conclusion, Sigma estime que la mesure litigieuse est justifiée par la logique du système fiscal et, en particulier, par le principe de neutralité fiscale.

61. La Commission, d’une part, invoque l’irrecevabilité de la quatrième branche du second moyen du pourvoi pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 13 des présentes conclusions et, d’autre part, fait valoir son absence de fondement par des arguments identiques à ceux déjà exposés au point 43 des présentes conclusions.

2) Appréciation

62. Il convient tout d’abord de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 14 des présentes conclusions.

63. En ce qui concerne le fond, je rappelle que, aux points 149 à 156 de l’arrêt attaqué, le Tribunal, partant du constat que la mesure litigieuse « se fonde [...] nécessairement sur la prémisse selon laquelle les entreprises qui souhaitent procéder à des fusions transfrontalières et qui ne peuvent le faire en raison d’obstacles [...] au regroupement, prennent par défaut des participations dans des sociétés non résidentes ou, pour le moins, conservent les participations dont elles disposent déjà »
(point 149 de l’arrêt attaqué), a conclu que le Royaume d’Espagne, auquel il incombait de justifier la dérogation apportée au système de référence par la mesure litigieuse, n’avait pas établi une telle prémisse. Le Tribunal a considéré, en substance, que, la prise de participations étant une opération distincte de la fusion et ne constituant pas une alternative à cette dernière, la mesure litigieuse avait effectivement conféré un avantage aux sociétés souhaitant investir dans des sociétés
étrangères, mais qui n’avaient pas nécessairement pour objectif de procéder à une fusion, c’est-à-dire à des sociétés différentes de celles qui auraient subi, selon les affirmations du Royaume d’Espagne, les conséquences défavorables des règles générales sur l’amortissement de la survaleur.

64. À cet égard, je relève tout d’abord que si, aux points contestés par le grief en cause, le Tribunal a conclu que le Royaume d’Espagne n’avait pas démontré que la mesure litigieuse neutralisait les effets supposément pénalisants du régime normal, il a néanmoins poursuivi son analyse en partant du postulat que cette démonstration avait été faite (voir points 157 et 165 de l’arrêt attaqué). Les motifs contre lesquels ce grief est dirigé, ainsi qu’il résulte expressément du point 166 de l’arrêt
attaqué, ne sont donc pas les seuls sur lesquels repose la conclusion du Tribunal selon laquelle la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant que le Royaume d’Espagne n’avait pas justifié la différenciation introduite par la mesure litigieuse. Il s’ensuit que, même si le grief sous examen était accueilli, cette conclusion resterait étayée par d’autres motifs (exposés aux points 145 à 165 de l’arrêt attaqué). Or, il résulte d’une jurisprudence constante que, dans le cadre d’un pourvoi, un
moyen dirigé contre un motif surabondant de l’arrêt attaqué dont le dispositif est fondé à suffisance de droit sur d’autres motifs est inopérant et doit, dès lors, être rejeté ( 31 ).

65. Je relève par ailleurs que, si le raisonnement exposé aux points 149 à 156 de l’arrêt attaqué n’est pas formulé dans les mêmes termes dans la décision contestée, il s’inscrit parfaitement dans la logique suivant laquelle la Commission a constaté le manque de cohérence et de proportionnalité de la mesure litigieuse par rapport à l’objectif allégué de neutralisation des effets défavorables du régime normal d’amortissement de la survaleur pour les entreprises prenant des participations dans des
sociétés étrangères et qui sont dans l’impossibilité de réaliser des fusions transfrontalières ( 32 ). Je ne pense donc pas que le Tribunal ait opéré, comme le soutient la requérante, une substitution des motifs de la décision contestée.

66. Pour les raisons qui précèdent, la quatrième branche du second moyen du pourvoi de Sigma est, à mon avis, inopérante et, à titre subsidiaire, non fondée.

C. Sur la demande de substitution de motifs de la Commission

67. Dans l’hypothèse où le pourvoi de Sigma serait considéré comme fondé, la Commission demande à la Cour de procéder à une substitution de motifs et de déclarer le recours devant le Tribunal irrecevable. À cet égard, je rappelle que la Commission avait opposé, devant le Tribunal, une exception formelle d’irrecevabilité au recours de Sigma, exception qui avait été jointe au fond. En se fondant sur l’arrêt du 26 février 2002, Conseil/Boehringer ( 33 ), le Tribunal a néanmoins considéré, au point 26
de l’arrêt attaqué, qu’il était justifié d’examiner au fond le recours sans statuer préalablement sur cette exception ( 34 ).

68. Dans la mesure où je propose à la Cour de rejeter le pourvoi de Sigma, je me limiterai ci-dessous à quelques brèves considérations sur le fond de la demande de la Commission, qui exige, en substance, d’examiner l’exception d’irrecevabilité soulevée par cette dernière devant le Tribunal.

69. La question qui se pose au fond est celle de savoir si une entreprise, afin de prouver sa qualité pour agir contre la décision par laquelle la Commission déclare incompatible avec le marché intérieur un régime d’aides accordant une déduction fiscale et impose la restitution des aides versées en exécution de celui-ci, peut se contenter d’invoquer et de produire, d’une part, les corrections au compte des profits et pertes qu’elle a apportées en application de la déduction en cause dans le cadre
d’un système d’autoliquidation faisant apparaître une base d’imposition négative, et, d’autre part, les rectifications apportées par l’autorité fiscale dans le cadre de la procédure de contrôle de l’autoliquidation et justifiées par l’adoption de la décision de la Commission.

70. Devant le Tribunal, la Commission a fait valoir que Sigma n’avait ni qualité pour agir ni intérêt à agir contre la décision contestée, puisqu’elle n’était pas le bénéficiaire effectif d’une aide octroyée en exécution du régime instauré par la mesure litigieuse et qu’elle n’était pas tenue de la restituer ni exposée au risque d’une telle restitution, comme l’exige la jurisprudence ( 35 ). Selon la Commission, un régime fiscal qui accorde une déduction fiscale confère un avantage uniquement si le
contribuable réalise des bénéfices et obtient une réduction d’impôt. En l’espèce, Sigma n’aurait obtenu aucune réduction d’impôt, puisque sa base d’imposition était négative. Le fait que la décision contestée ait entraîné la réduction de la base d’imposition négative que Sigma était autorisée à compenser par d’éventuels bénéfices au cours d’exercices ultérieurs ne suffirait pas en soi à démontrer sa qualité de bénéficiaire tenu à la restitution de l’aide, puisque, dans de telles circonstances,
la décision contestée aurait uniquement pour effet de ne pas lui permettre d’appliquer la déduction à l’avenir. La requérante a répondu à l’exception d’irrecevabilité de la Commission qu’elle avait bénéficié d’une aide individuelle pour les opérations effectuées au Pérou et aux États-Unis ( 36 ), qu’elle figurait sur la liste des bénéficiaires des aides en question et que la récupération avait eu lieu par la rectification des bases d’imposition négatives effectuée par l’autorité fiscale en
application de la décision contestée.

71. Pour ma part, je relève que, devant le Tribunal, Sigma a produit, en annexe à la requête, une « proposition de liquidation » du centre des impôts d’Alcobendas, dans laquelle l’autorité fiscale indique expressément qu’elle n’a pas procédé aux vérifications relatives à la réalité des opérations d’acquisition mentionnées dans l’acte d’autoliquidation de Sigma, mais qu’elle a uniquement examiné les documents annexés par celle-ci aux fins de mettre en œuvre la décision contestée. Dans cette
proposition, qui ne semble pas revêtir le caractère d’un acte définitif et contraignant, l’autorité fiscale indique avoir modifié la base d’imposition déclarée par Sigma puisque les corrections apportées par cette dernière en application de la mesure litigieuse en ce qui concerne la prise de participations dans une société péruvienne devaient être considérées comme incorrectes étant donné que cette mesure avait été considérée comme une aide d’État dans la décision contestée. En annexe aux
observations sur l’exception d’irrecevabilité, Sigma a également produit deux avis d’imposition provisoire qui confirment les rectifications apportées à l’acte d’autoliquidation. Les allégations de Sigma sont donc confirmées par le dossier, contrairement à ce que soutient la Commission dans sa réplique. De même, je relève que c’est à tort que la Commission a soutenu devant le Tribunal que la situation de Sigma était assimilable à celle de la requérante dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt
du 8 mars 2012, Iberdrola/Commission ( 37 ), dès lors que, ainsi qu’il ressort du point 29 de cet arrêt, ladite requérante n’avait demandé l’application de la mesure litigieuse dans aucune de ses déclarations fiscales.

72. Je me demande toutefois, d’une part, si une entreprise peut être considérée comme étant le bénéficiaire effectif d’une déduction fiscale accordée en application d’un régime d’aides déclaré incompatible même lorsqu’elle n’a pas bénéficié d’une réduction d’impôt, mais uniquement d’un crédit d’impôt à imputer au cours d’exercices ultérieurs en cas de réalisation de bénéfices ( 38 ) et, d’autre part, si une décision dans laquelle l’autorité fiscale se borne à prendre acte de la correction effectuée
par l’entreprise concernée dans le cadre de l’autoliquidation, sans vérifier si les conditions matérielles d’application de la déduction en question sont remplies, suffit à établir une telle qualité.

73. Cela étant dit, je rappelle que, dans l’arrêt Andres, la Cour a précisé que le fait qu’un requérant puisse relever, ou ne pas relever, de la catégorie des bénéficiaires effectifs ou des bénéficiaires potentiels d’une aide individuelle octroyée au titre d’un régime d’aides déclaré incompatible avec le marché intérieur par une décision de la Commission n’est pas décisif afin de déterminer si ce requérant est individuellement concerné par cette décision lorsqu’il est, en toute hypothèse, établi que
ledit requérant est, par ailleurs, atteint par celle-ci en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui le caractérise par rapport à toute autre personne. Si elle se prononce sur l’exception d’irrecevabilité de la Commission et parvient à la conclusion que Sigma ne saurait être considérée comme le bénéficiaire effectif de l’avantage prévu par la mesure litigieuse, la Cour devra donc apprécier si sa situation est néanmoins de nature à la distinguer
d’autres opérateurs qui ne sont concernés qu’en tant que bénéficiaires potentiels de cette mesure et, en particulier, si le « crédit d’impôt » qu’elle prétend avoir acquis par l’application de la mesure litigieuse lors de l’autoliquidation lui confère, en vertu de la législation espagnole ( 39 ), un « droit à une économie d’impôt » ( 40 ), tel qu’il a été reconnu à la requérante dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Andres. À cet égard, je me contenterai d’observer que, dans cette affaire,
le Tribunal avait constaté, d’une part, que ladite requérante avait réalisé, au cours de l’exercice précédant l’ouverture de la procédure formelle d’examen, des bénéfices imposables dont elle aurait déduit les pertes reportées au titre de la clause d’assainissement en cause dans cette affaire et, d’autre part, qu’il résultait d’un renseignement contraignant des autorités fiscales allemandes que celle-ci remplissait les conditions d’application de cette clause ( 41 ).

74. S’agissant du prétendu défaut d’intérêt à agir de Sigma, je rappelle que, selon une jurisprudence constante de la Cour, un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où cette dernière a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. Un tel intérêt suppose que l’annulation de cet acte soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques et que le recours puisse ainsi, par son résultat, procurer un bénéfice à la partie qui l’a
intenté ( 42 ). L’intérêt à agir d’un requérant doit être né et actuel ( 43 ). Il ne peut concerner une situation future et hypothétique ( 44 ). En l’espèce, on peut se demander si les critères de l’existence d’un intérêt à agir « né et actuel » sont remplis, étant donné que l’application de la mesure litigieuse à la situation de la requérante, à supposer qu’elle soit établie, n’aurait pas entraîné une réduction de la charge fiscale, en l’exposant ainsi au risque de devoir payer l’impôt dû en
l’absence de déduction, mais seulement « la reconnaissance de l’application future de bases d’imposition négatives » à compenser avec d’éventuels bénéfices sur une période donnée.

V. Sur les dépens

75. Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable, mutatis mutandis, en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce même règlement, à la procédure devant la Cour ayant pour objet un pourvoi contre une décision du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Dans la mesure où je
propose à la Cour de rejeter le pourvoi de Sigma, cette dernière doit, à mon avis, être condamnée aux dépens, conformément aux conclusions formulées en ce sens par la Commission. En vertu de l’article 184, paragraphe 4, du règlement de procédure de la Cour, « [l]orsqu’elle n’a pas, elle-même, formé le pourvoi, une partie intervenante en première instance ne peut être condamnée aux dépens dans la procédure de pourvoi que si elle a participé à la phase écrite ou orale de la procédure devant la
Cour. Lorsqu’une telle partie participe à la procédure, la Cour peut décider qu’elle supporte ses propres dépens ». Je propose donc à la Cour de déclarer que la République fédérale d’Allemagne supporte ses propres dépens.

VI. Conclusion

76. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de rejeter le pourvoi, de condamner Sigma aux dépens et de déclarer que la République fédérale d’Allemagne supporte ses propres dépens.

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( 1 ) Langue originale : l’italien.

( 2 ) T‑239/11, non publié, EU:T:2018:781.

( 3 ) Décision no C 45/07 (ex NN 51/07, ex CP 9/07) (JO 2011, L 135, p. 1). Cette décision a fait l’objet de deux rectificatifs, en date du 3 mars 2011 et du 26 novembre 2011.

( 4 ) C 45/07 (ex NN 51/07, ex CP 9/07) (JO 2011, L 7, p. 48). Les autres affaires, dans lesquelles je présente mes conclusions ce jour, sont les affaires jointes C‑51/19 P, World Duty Free Group/Commission, et C‑64/19 P, Espagne/Commission, C‑53/19 P, Banco Santander et Santusa/Commission, et C‑65/19 P, Espagne/Commission, et les affaires C‑52/19 P, Banco Santander/Commission, C‑54/19 P, Axa Mediterranean/Commission, et C‑55/19 P, Prosegur Compañía de Seguridad/Commission.

( 5 ) JO 2007, C 311, p. 21.

( 6 ) BOE no 61, du 11 mars 2004, p. 10951.

( 7 ) La survaleur est définie, au considérant 27 de la décision contestée, comme « la valeur de la bonne réputation du nom commercial, les bonnes relations avec les clients, la qualification des travailleurs et d’autres facteurs similaires qui permettent d’espérer qu’ils produiront à l’avenir des gains supérieurs aux gains apparents », et correspond à « l’écart entre le prix payé pour la prise de participations dans une entreprise et la valeur de marché des actifs qui font partie de l’entreprise »,
qui doit, en vertu des principes comptables espagnols, être enregistré dans la comptabilité comme actif corporel distinct dès que l’entreprise acquéreuse prend le contrôle de l’entreprise acquise.

( 8 ) Selon le considérant 29 de la décision contestée, au sens du système fiscal espagnol, la « survaleur financière » équivaut à la survaleur qui aurait été enregistrée dans la comptabilité en cas de regroupement de l’entreprise acquéreuse et de l’entreprise acquise.

( 9 ) L’article 1er, paragraphe 2, de la décision contestée excluait de la déclaration d’incompatibilité et de l’ordre de récupération les déductions fiscales dont les bénéficiaires avaient profité lors de prises de participations en dehors de l’Union en application de la mesure litigieuse « en ce qui concerne des droits détenus directement ou indirectement dans des entreprises étrangères qui remplissent les conditions pertinentes du régime d’aides avant le 21 décembre 2007, hormis l’obligation de
détenir ces participations durant une période ininterrompue d’au moins un an ». En effet, la Commission a considéré que, jusqu’à cette date (correspondant à la publication au Journal officiel de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen), il existait, dans le chef des bénéficiaires de la mesure litigieuse, une confiance légitime quant à la légalité de cette mesure (voir considérants 186 à 202 de la décision contestée).

( 10 ) T‑399/11, EU:T:2014:938.

( 11 ) T‑219/10, EU:T:2014:939.

( 12 ) C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981.

( 13 ) Voir, entre autres, arrêts du 1er février 2007, Sison/Conseil (C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 95), et du 28 février 2019, Alfamicro/Commission (C‑14/18 P, EU:C:2019:159, point 38).

( 14 ) Voir arrêts du 29 novembre 2007, Stadtwerke Schwäbisch Hall e.a./Commission (C‑176/06 P, non publié, EU:C:2007:730, point 17) ; du 10 avril 2014, Commission/Siemens Österreich e.a. et Siemens Transmission & Distribution e.a./Commission (C‑231/11 P à C‑233/11 P, EU:C:2014:256, point 102) ; du 20 décembre 2017, EUIPO/European Dynamics Luxembourg e.a. (C‑677/15 P, EU:C:2017:998, point 28) : du 6 septembre 2018, République tchèque/Commission (C‑4/17 P, EU:C:2018:678, point 24), et du 26 février
2020, SEAE/Alba Aguilera e.a. (C‑427/18 P, EU:C:2020:109, point 54).

( 15 ) Voir, en ce sens, arrêt du 1er juin 2006, P & O European Ferries (Vizcaya) et Diputación Foral de Vizcaya/Commission (C‑442/03 P et C‑471/03 P, EU:C:2006:356, point 60).

( 16 ) Voir, en particulier, points 48 et 49, 57 et 66 de l’arrêt Banco Santander et Santusa/Commission.

( 17 ) Voir points 71 et 72 de l’arrêt Banco Santander et Santusa/Commission.

( 18 ) Voir point 62 de l’arrêt WDFG.

( 19 ) Voir point 67 de l’arrêt WDFG.

( 20 ) Voir point 69 de l’arrêt WDFG.

( 21 ) Voir point 81 de l’arrêt WDFG.

( 22 ) Voir point 93 de l’arrêt WDFG.

( 23 ) J’observe également que, aux points 69 et 70 de l’arrêt attaqué, le Tribunal fait clairement référence au choix entre les prises de participations nationales ou étrangères, qui conditionne l’octroi de l’avantage prévu par la mesure litigieuse, et non au choix de procéder ou non à la fusion avec l’entreprise acquise, dont dépend la possibilité d’amortir la survaleur pour les entreprises exclues de l’application de la mesure litigieuse.

( 24 ) C‑78/08 à C‑80/08, EU:C:2011:550.

( 25 ) C‑279/08 P, EU:C:2011:551.

( 26 ) Voir arrêt du 28 juin 2018, Andres (faillite Heitkamp BauHolding)/Commission (C‑203/16 P, ci-après l’« arrêt Andres », EU:C:2018:505), point 78, ainsi que, dans un sens analogue, arrêts du 3 avril 2014, France/Commission (C‑559/12 P, EU:C:2014:217, point 79 et jurisprudence citée) ; du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma del País Vasco e.a./Commission (C‑66/16 P à C‑69/16 P, EU:C:2017:999, point 98), et du 20 septembre 2018, Espagne/Commission (C‑114/17 P, EU:C:2018:753, point 75). Voir, en
ce sens, les points 90 et 91 de mes conclusions dans les affaires C‑51/19 P et C‑64/19 P, prononcées ce jour.

( 27 ) Plusieurs passages de la décision contestée vont dans ce sens ; voir, en particulier, les considérants 89 à 91.

( 28 ) 173/73, non publiées, EU:C:1974:52, p. 728.

( 29 ) Les conclusions susvisées de l’avocat général Warner contiennent en réalité une évaluation plus détaillée de la mesure en cause dans l’affaire 173/73, consistant dans le dégrèvement temporaire de certaines charges sociales en faveur du secteur textile et visant à rééquilibrer le désavantage que le système précédent entraînait pour les secteurs ayant une proportion élevée de travailleurs du sexe féminin. L’avocat général Warner a exclu que cette mesure puisse instituer un régime fiscal
autonome non seulement parce qu’elle avait pour objet de résoudre un problème particulier à un secteur industriel déterminé, mais aussi en raison de son caractère limité dans le temps, puisqu’elle avait été prévue dans le cadre d’une loi visant « la restructuration, la réorganisation et la conversion » de ce secteur industriel, ainsi que de l’observation qu’elle n’était pas fondée sur un critère général lié à la proportion de travailleurs de sexe féminin dans diverses industries.

( 30 ) Voir, en particulier, points 62 et 93 de l’arrêt WDFG.

( 31 ) Voir, par exemple, arrêt du 21 décembre 2011, ACEA/Commission (C‑319/09 P, non publié, EU:C:2011:857, point 120 et jurisprudence citée).

( 32 ) Voir, en particulier, considérant 106 de la décision contestée, cité au point 156 de l’arrêt attaqué. Voir également considérant 139 de cette décision.

( 33 ) C‑23/00 P, EU:C:2002:118, point 52.

( 34 ) L’inversion de l’ordre logique ou naturel de l’examen des voies de recours qu’implique l’application de la jurisprudence dite « Boehringer » dans le cas où le juge de l’Union rejette le recours sur le fond même si une exception d’irrecevabilité a été soulevée – en particulier si elle est d’ordre public et qu’elle est soulevée par un acte séparé demandant au juge de statuer sans engager le débat au fond – a fait l’objet de critiques ; voir, par exemple, conclusions de l’avocat général
Jääskinen dans l’affaire Suisse/Commission (C‑547/10 P, EU:C:2012:565, points 46 à 54) ; de l’avocat général Bot dans l’affaire Philips Lighting Poland et Philips Lighting/Conseil (C‑511/13 P, EU:C:2015:206, points 50 à 67) ; de l’avocat général Mengozzi dans l’affaire SNCF Mobilités/Commission (C‑127/16 P, EU:C:2017:577, point 163), et de l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer dans l’affaire Conseil/Boehringer (C‑23/00 P, EU:C:2001:511, points 30 à 36). Nonobstant ces critiques, la jurisprudence
Boehringer continue à être appliquée, que ce soit par le Tribunal (voir, en dernier lieu, arrêt du 11 novembre 2020, AV et AW/Parlement, T‑173/19, non publié, EU:T:2020:535, point 42), ou par la Cour (pour une application récente dans le cadre d’un pourvoi, voir arrêt du 21 décembre 2016, Club Hotel Loutraki e.a./Commission, C‑131/15 P, EU:C:2016:989, point 68).

( 35 ) Selon une jurisprudence bien établie, les bénéficiaires effectifs d’aides individuelles octroyées au titre d’un régime d’aides d’État dont la Commission a ordonné la récupération sont, de ce fait, individuellement concernés au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (voir, notamment, arrêt du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, point 53, ci-après l’« arrêt Comitato “Venezia vuole vivere”»), même si la
récupération n’est mise en œuvre que dans une phase ultérieure, dans laquelle il devra être établi si les avantages reçus constituent effectivement des aides d’État devant être remboursées (voir arrêt Comitato « Venezia vuole vivere », point 55). En effet, selon la Cour, l’injonction de récupération concerne déjà individuellement tous les bénéficiaires du régime en question « en ce qu’ils sont exposés, dès le moment de l’adoption de la décision [de la Commission], au risque que les avantages qu’ils
ont perçus soient récupérés, et se trouvent ainsi affectés dans leur situation juridique » (voir arrêt Comitato « Venezia vuole vivere », point 56). Ainsi, ces bénéficiaires font partie d’un cercle restreint au sens de la jurisprudence issue de l’arrêt du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission (11/82, EU:C:1985:18, point 31).

( 36 ) Cela résulterait des rectifications correspondantes du compte des profits et pertes effectuées par Sigma dans le cadre de l’autoliquidation.

( 37 ) T‑221/10, EU:T:2012:112, point 29.

( 38 ) En ce sens, la situation de Sigma est similaire à celle de la requérante dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 11 juin 2009, AMGA/Commission (T‑300/02, EU:T:2009:190, point 50).

( 39 ) La requérante cite, en particulier, l’article 25 du TRLIS.

( 40 ) Voir arrêt Andres, points 54 à 58.

( 41 ) Voir, en particulier, points 13 et 55 de l’arrêt Andres.

( 42 ) Voir, en particulier, en ce sens, arrêts du 17 septembre 2009Commission/Koninklijke FrieslandCampina (C‑519/07 P, EU:C:2009:556, point 63) ; du 21 décembre 2011, ACEA/Commission (C‑319/09 P, non publié, EU:C:2011:857, point 67) ; du 27 février 2014, Stichting Woonpunt e.a./Commission (C‑132/12 P, EU:C:2014:100, point 67), et du 27 février 2014, Stichting Woonlinie e.a./Commission (C‑133/12 P, EU:C:2014:105, point 54).

( 43 ) Voir, en ce sens, arrêts du 17 septembre 2009Commission/Koninklijke FrieslandCampina (C‑519/07 P, EU:C:2009:556, point 65), et du 26 février 2015, Planet/Commission (C‑564/13 P, EU:C:2015:124, point 34).

( 44 ) Voir, en ce sens, arrêts du 21 janvier 1987, Stroghili/Cour des Comptes (204/85, EU:C:1987:21, point 11) ; du 20 juin 2013, Cañas/Commission (C‑269/12 P, non publié, EU:C:2013:415, points 16 et 17), ainsi que, enfin, du 17 septembre 2020, Compagnie des pêches de Saint-Malo (C‑212/19, EU:C:2020:726, point 34).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-50/19
Date de la décision : 21/01/2021
Type d'affaire : Pourvoi - non fondé
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Pourvoi – Aides d’État – Article 107, paragraphe 1, TFUE – Régime fiscal – Dispositions concernant l’impôt sur les sociétés permettant aux entreprises fiscalement domiciliées en Espagne d’amortir la survaleur résultant de prises de participations dans des entreprises fiscalement domiciliées en dehors de cet État membre – Notion d’“aide d’État” – Condition relative à la sélectivité – Système de référence – Dérogation – Différence de traitement – Justification de la différence de traitement.

Aides accordées par les États

Concurrence


Parties
Demandeurs : Sigma Alimentos Exterior SL
Défendeurs : Commission européenne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Pitruzzella

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2021:49

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