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23/09/2020 | CJUE | N°C-83/19,

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général M. M. Bobek, présentées le 23 septembre 2020., Asociaţia « Forumul Judecătorilor din România » e.a. contre Inspecţia Judiciară e.a., 23/09/2020, C-83/19,


 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 23 septembre 2020 ( 1 )

Affaires jointes C‑83/19, C‑127/19 et C‑195/19

Asociația « Forumul Judecătorilor din România »

contre

Inspecția Judiciară

[demande de décision préjudicielle introduite par le Tribunalul Mehedinţi (tribunal de grande instance de Mehedinţi, Roumanie)]

et

Asociația « Forumul Judecătorilor din România »,

Asociaţia « Mişcarea pentru Apărarea Statutului Procurorilor »
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Consiliul Superior al Magistraturii

[demande de décision préjudicielle formée par la Curtea de Apel Alba Iulia (cour d’appel d’Alba Iuli...

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 23 septembre 2020 ( 1 )

Affaires jointes C‑83/19, C‑127/19 et C‑195/19

Asociația « Forumul Judecătorilor din România »

contre

Inspecția Judiciară

[demande de décision préjudicielle introduite par le Tribunalul Mehedinţi (tribunal de grande instance de Mehedinţi, Roumanie)]

et

Asociația « Forumul Judecătorilor din România »,

Asociaţia « Mişcarea pentru Apărarea Statutului Procurorilor »

contre

Consiliul Superior al Magistraturii

[demande de décision préjudicielle formée par la Curtea de Apel Alba Iulia (cour d’appel d’Alba Iulia, Roumanie)]

et

PJ

contre

QK

[demande de décision préjudicielle de la Curtea de Apel București (cour d’appel de Bucarest, Roumanie)]

Affaire C‑291/19

SO

contre

TP e.a.

[demande de décision préjudicielle formée par la Curtea de Apel Braşov (cour d’appel de Braşov, Roumanie)]

Affaire C‑355/19

Asociația « Forumul Judecătorilor din România »,

Asociaţia « Mişcarea pentru Apărarea Statutului Procurorilor »,

OL

contre

Parchetul de pe lângă Înalta Curte de Casaţie şi Justiţie – Procurorul General al României

[demande de décision préjudicielle formée par la Curtea de Apel Piteşti (cour d’appel de Piteşti, Roumanie)]

« Renvoi préjudiciel – Traité d’adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l’Union européenne – Décision 2006/928/CE de la Commission établissant un mécanisme de coopération et de vérification (MCV) – Nature et effets juridiques du MCV et des rapports établis par la Commission sur la base de celui‑ci – Nomination par intérim de la direction de l’inspection judiciaire – Réglementation nationale relative à la mise en place et l’organisation au sein du ministère public d’une section
chargée des enquêtes sur les infractions commises au sein du système judiciaire – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE – État de droit – Indépendance de la justice »

Table des matières

  I. Introduction
  II. Le cadre juridique
  A. Le droit de l’Union
  1. Le droit primaire
  2. La décision MCV
  B. Le droit roumain
  1. La constitution roumaine
  2. Les dispositions relatives au contrôle judiciaire
  a) La loi no 317/2004
  b) L’ordonnance d’urgence no 77/2018
  3. Les dispositions relatives à la section chargée des enquêtes sur les infractions commises au sein du système judiciaire
  a) La loi no 207/2018
  b) L’ordonnance d’urgence no 90/2018
  c) L’ordonnance d’urgence no 92/2018
  d) L’ordonnance d’urgence no 7/2019
  e) L’ordonnance d’urgence no 12/2019
  III. Les faits, la procédure au principal et les questions préjudicielles
  A. Affaire C‑83/19
  B. Affaire C‑127/19
  C. Affaire C‑195/19
  D. Affaire C‑291/19
  E. Affaire C‑355/19
  F. La procédure devant la Cour
  IV. Analyse
  A. La recevabilité des questions préjudicielles
  1. L’affaire C‑83/19
  2. Les affaires C‑127/19 et C‑355/19
  3. Les affaires C‑195/19 et C‑291/19
  4. Conclusion intermédiaire sur la recevabilité
  B. Le droit de l’Union et les critères pertinents
  1. Sur le MCV
  a) La décision MCV et les rapports MCV sont-ils des actes de l’Union ?
  b) L’acte d’adhésion est-il une base juridique appropriée ?
  1) Sur la base juridique formelle
  2) Sur le contenu et les objectifs
  3) Sur la durée du MCV
  4) Conclusion intermédiaire
  c) Sur les effets du MCV
  1) Sur les effets juridiques de la décision MCV
  2) Sur les effets juridiques des rapports MCV
  d) Les mesures nationales litigieuses relèvent-elles du champ d’application du MCV ?
  2. Sur le principe de l’indépendance de la justice : l’article 47 de la Charte et l’article 19, paragraphe 1, TUE.
  a) L’article 47 de la Charte
  b) L’article 19, paragraphe 1, TUE
  c) Sur l’article 19, paragraphe 1, TUE et les risques de solutions trop extensives
  3. Sur les critères et la nature de l’évaluation
  a) Sur les critères : les aspects externes de l’indépendance de la justice et la doctrine des apparences
  b) Sur la nature de l’évaluation : ce qu’il y a lieu d’établir
  C. Sur l’appréciation de la législation nationale en cause
  1. Le contexte général
  2. Sur la désignation par intérim de la direction de l’inspection judiciaire
  a) La décision de renvoi et la position des parties
  b) Analyse
  c) Conclusion provisoire
  3. Sur la SEIJ
  a) Les décisions de renvoi et les positions des parties
  b) Analyse
  i) Sur la justification
  – Une justification dépourvue d’ambiguïté et accessible ?
  – Une justification réelle ?
  ii) Sur les garanties
  iii) Sur le contexte et le fonctionnement pratique
  iv) Sur les délais raisonnables
  c) Conclusion intermédiaire
  V. Conclusion

I. Introduction

1. Les présentes affaires concernent deux aspects institutionnels du système judiciaire roumain qui ont récemment été modifiés par la réforme des « lois sur la justice » ( 2 ) dans cet État membre. Les cinq demandes préjudicielles examinées ensemble dans les présentes conclusions portent en substance, d’une part, sur la nomination par intérim du chef de l’Inspecția Judiciară (inspection judiciaire, Roumanie) et, d’autre part, sur la création au sein du ministère public d’une section chargée des
enquêtes sur les infractions commises au sein du système judiciaire ( 3 ).

2. Toutefois, il y a lieu d’aborder d’emblée deux questions liminaires communes à toutes ces affaires. La première porte sur la nature et les effets juridiques du « mécanisme de coopération et de vérification » (ci‑après le « MCV ») ( 4 ), institué par la décision 2006/928/CE de la Commission ( 5 ).

3. La Commission européenne présente des rapports périodiques sur la base du MCV. Dans son rapport publié en 2018 ( 6 ), la Commission a identifié plusieurs aspects problématiques relatifs aux récentes réformes du système judiciaire roumain qui font l’objet des présents renvois préjudiciels. Dans ce contexte, les juridictions de renvoi demandent des précisions sur le statut juridique du MCV et les rapports présentés par la Commission, notamment afin de savoir si les recommandations contenues dans
ces rapports ont un caractère obligatoire pour les autorités roumaines.

4. En outre, tout en s’interrogeant sur la conformité des modifications législatives nationales aux principes de l’État de droit, de la protection juridictionnelle effective et de l’indépendance de la justice, les questions préjudicielles visent plusieurs dispositions du droit primaire, notamment l’article 2 et l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, ainsi que l’article 47, deuxième alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte »). La seconde
question liminaire qu’il convient de préciser porte donc sur le point de savoir quelles sont parmi ces dispositions celles qui trouvent à s’appliquer dans les présentes affaires, dans le contexte particulier postérieur à l’adhésion de la Roumanie dans lequel le MCV demeure applicable.

II. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

1.   Le droit primaire

5. Conformément à l’article 4, paragraphe 3, du traité relatif à l’adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l’Union européenne (ci‑après le « traité d’adhésion ») ( 7 ), les institutions de l’Union peuvent arrêter avant l’adhésion, notamment, les mesures visées aux articles 37 et 38 de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République de Bulgarie et de la Roumanie et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (ci‑après
l’« acte d’adhésion ») ( 8 ).

6. L’article 2 de l’acte d’adhésion dispose que, dès l’adhésion, les dispositions des traités originaires et les actes pris, avant l’adhésion, par les institutions et la Banque centrale européenne (BCE) lient la République de Bulgarie et la Roumanie et sont applicables dans ces États dans les conditions prévues par ces traités et par l’acte d’adhésion.

7. L’article 37 de l’acte d’adhésion dispose :

« Si la Bulgarie ou la Roumanie n’a pas donné suite aux engagements qu’elle a pris dans le cadre des négociations d’adhésion, y compris les engagements à l’égard de toutes les politiques sectorielles qui concernent les activités économiques ayant une dimension transfrontalière, et provoque ainsi, ou risque de provoquer à très brève échéance, un dysfonctionnement grave du marché intérieur, la Commission peut, pendant une période pouvant aller jusqu’à trois ans à compter de la date d’adhésion, à la
demande motivée d’un État membre, ou de sa propre initiative, adopter des mesures appropriées.

Ces mesures sont proportionnées et le choix est donné en priorité à celles qui perturbent le moins le fonctionnement du marché intérieur et, le cas échéant, à l’application des mécanismes de sauvegarde sectoriels en vigueur. Ces mesures de sauvegarde ne peuvent pas être utilisées comme moyen de discrimination arbitraire ou de restriction déguisée des échanges commerciaux entre les États membres. La clause de sauvegarde peut être invoquée même avant l’adhésion sur la base de constatations établies
dans le cadre du suivi et les mesures adoptées entrent en vigueur dès la date d’adhésion, à moins qu’une date ultérieure ne soit prévue. Les mesures sont maintenues pendant la durée strictement nécessaire et, en tout état de cause, sont levées lorsque l’engagement correspondant est rempli. Elles peuvent cependant être appliquées au-delà de la période visée au premier alinéa tant que les engagements correspondants n’ont pas été remplis. La Commission peut adapter les mesures arrêtées en fonction
de la mesure dans laquelle le nouvel État membre concerné remplit ses engagements. La Commission informe le Conseil en temps utile avant d’abroger les mesures de sauvegarde et elle prend dûment en compte les observations éventuelles du Conseil à cet égard. »

8. Aux termes de l’article 38 de l’acte d’adhésion :

« Si de graves manquements ou un risque imminent de graves manquements sont constatés en Bulgarie ou en Roumanie en ce qui concerne la transposition, l’état d’avancement de la mise en œuvre ou l’application des décisions-cadres ou de tout autre engagement, instrument de coopération et décision afférents à la reconnaissance mutuelle en matière pénale adoptés sur la base du titre VI du traité UE, et des directives et règlements relatifs à la reconnaissance mutuelle en matière civile adoptés sur la
base du titre IV du traité CE, la Commission peut, pendant une période pouvant aller jusqu’à trois ans à compter de la date d’adhésion et à la demande motivée d’un État membre ou de sa propre initiative et après avoir consulté les États membres, prendre des mesures appropriées en précisant les conditions et les modalités de leur application.

Ces mesures peuvent prendre la forme d’une suspension temporaire de l’application des dispositions et décisions concernées dans les relations entre la Bulgarie ou la Roumanie et un ou plusieurs autres États membres, sans que soit remise en cause la poursuite de l’étroite coopération judiciaire. La clause de sauvegarde peut être invoquée même avant l’adhésion sur la base de constatations faites dans le cadre du suivi et les mesures adoptées entrent en vigueur dès la date d’adhésion, à moins qu’une
date ultérieure ne soit prévue. Les mesures sont maintenues pendant la durée strictement nécessaire et, en tout état de cause, sont levées dès que le manquement constaté est corrigé. Elles peuvent cependant être appliquées au-delà de la période visée au premier alinéa tant que ces manquements persistent. La Commission peut, après avoir consulté les États membres, adapter les mesures arrêtées en fonction de la mesure dans laquelle le nouvel État membre corrige les manquements constatés. La
Commission informe le Conseil en temps utile avant d’abroger les mesures de sauvegarde et elle prend dûment en compte les observations éventuelles du Conseil à cet égard. »

2.   La décision MCV

9. Conformément à son considérant 5, la décision MCV a été adoptée sur la base des articles 37 et 38 de l’acte d’adhésion.

10. Conformément au considérant 6 de la décision MCV, « [l]es questions en suspens portant sur la responsabilisation et l’efficacité du système judiciaire et des instances chargées de faire appliquer la loi justifient la mise en place d’un mécanisme de coopération et de vérification des progrès réalisés par la Roumanie en vue d’atteindre certains objectifs de référence spécifiques en matière de réforme du système judiciaire et de lutte contre la corruption ».

11. L’article 1er de la décision MCV précise que la Roumanie fait un rapport à la Commission sur les progrès qu’elle a réalisés en vue d’atteindre chacun des objectifs de référence exposés dans l’annexe de cette décision. Conformément à l’article 2, la Commission transmettra, pour la première fois en juin 2007, au Parlement européen et au Conseil ses propres commentaires et conclusions sur le rapport présenté par la Roumanie, puis en fonction de l’évolution de la situation et au moins tous les six
mois. L’article 3 dispose que la décision MCV « n’entre en vigueur que sous réserve et à la date de l’entrée en vigueur du traité d’adhésion ». Conformément à l’article 4, les États membres sont destinataires de la décision MCV.

12. L’annexe de la décision MCV contient les « [o]bjectifs de référence que la Roumanie doit atteindre, visés à l’article 1er ». Les premier, troisième et quatrième objectifs de référence qui y sont fixés sont, respectivement, de « [g]arantir un processus judiciaire à la fois plus transparent et plus efficace, notamment en renforçant les capacités et la responsabilisation du Conseil supérieur de la magistrature. [...] », de « [c]ontinuer, en se basant sur les progrès déjà accomplis, à mener des
enquêtes professionnelles et non partisanes sur les allégations de corruption de haut niveau » et de « [p]rendre des mesures supplémentaires pour prévenir et combattre la corruption, en particulier au sein de l’administration locale ».

B. Le droit roumain

1.   La constitution roumaine

13. L’article 115, paragraphe 4, de la Constituția României (constitution roumaine) dispose que « [l]e gouvernement peut adopter des ordonnances d’urgence seulement dans les situations extraordinaires dont la réglementation ne peut être ajournée, et doit en motiver l’urgence expressément ».

14. Aux termes de l’article 133, paragraphe 1, de la constitution roumaine, « [l]e [CSM] est le garant de l’indépendance de la justice ».

15. L’article 132, paragraphe 1, de la constitution roumaine précise que « [l]es procureurs exercent leurs fonctions dans le respect des principes de légalité, d’impartialité et de contrôle hiérarchique, sous l’autorité du ministère de la Justice ».

2.   Les dispositions relatives au contrôle judiciaire

a)   La loi no 317/2004

16. Aux termes de l’article 65 de la loi no 317/2004 relative au CSM :

« (1)   L’inspection judiciaire est mise en place comme organe doté de la personnalité juridique, dans le cadre du [CSM], ayant son siège à Bucarest, par réorganisation de l’inspection judiciaire.

(2)   L’inspection judiciaire est dirigée par un Inspecteur en chef, assisté d’un Inspecteur en chef adjoint, nommés à l’issue d’un concours organisé par le [CSM].

(3)   L’inspection judiciaire agit dans le respect du principe d’indépendance opérationnelle, en remplissant, par l’intermédiaire des inspecteurs judiciaires nommés conformément à loi, des fonctions d’analyse, de vérification et de contrôle dans les domaines spécifiques d’activité. »

17. En vertu de l’article 67 de la loi no 317/2004 :

« 1.   L’Inspecteur en chef et l’Inspecteur en chef adjoint sont nommés par l’assemblée plénière du [CSM] parmi les inspecteurs judiciaires en fonction, à la suite d’un concours consistant dans la présentation d’un projet relatif à l’exercice des attributions spécifiques au poste de gestion en question, dans une épreuve écrite testant les connaissances en matière de gestion, de communication, de ressources humaines, la capacité du candidat de prendre des décisions et d’assumer des
responsabilités, sa résistance au stress, ainsi que dans un test psychologique.

2.   Le concours est organisé par le [CSM], conformément au règlement approuvé par décision de l’assemblée plénière du [CSM], publiée au Monitorul Oficial al României, partie I.

3.   L’organisation des concours pour les postes d’Inspecteur en chef et d’Inspecteur en chef adjoint est annoncée au moins trois mois avant leur date.

4.   Le mandat de l’Inspecteur en chef et celui de l’Inspecteur en chef adjoint sont de trois ans et peuvent être renouvelés une seule fois, dans le respect des dispositions du paragraphe 1.

5.   L’Inspecteur en chef et l’Inspecteur en chef adjoint peuvent être révoqués de leurs fonctions par l’assemblée plénière du [CSM], dans le cas où ils ne remplissent pas ou remplissent de manière inappropriée leurs attributions de gestion. La révocation est décidée sur la base du rapport annuel d’audit prévu à l’article 68.

6.   La décision de révocation prise par l’assemblée plénière du [CSM] peut faire l’objet d’un pourvoi, dans un délai de quinze jours après sa communication, auprès de la chambre du contentieux administratif et fiscal de l’Înalta Curte de Casație și Justiție (Haute Cour de cassation et de justice, Roumanie). Le pourvoi suspend l’exécution de la décision du [CSM]. La décision rendue sur pourvoi est irrévocable. »

b)   L’ordonnance d’urgence no 77/2018

18. L’article I de l’ordonnance d’urgence du gouvernement no 77/2018, complétant l’article 67 de la loi no 317/2004 relative au CSM (ci‑après l’« ordonnance d’urgence no 77/2018 ») ( 9 ), a inséré deux nouveaux paragraphes après l’article 67, paragraphe 6, de la loi no 317/2004 :

« 7.   Lorsque le poste d’Inspecteur en chef ou, selon le cas, d’Inspecteur en chef adjoint de l’inspection judiciaire devient vacant à la suite de l’expiration du mandat, la suppléance de ce poste est assurée par l’Inspecteur en chef ou, selon le cas, par l’Inspecteur en chef adjoint dont le mandat a expiré, jusqu’à la date à laquelle ce poste est pourvu dans les conditions prévues par la loi.

8.   Lorsque le mandat de l’Inspecteur en chef prend fin pour une cause autre que l’expiration du mandat, la suppléance de ce poste est assurée par l’Inspecteur en chef adjoint jusqu’à la date à laquelle ce poste est pourvu dans les conditions de la loi. Lorsque le mandat de l’Inspecteur en chef adjoint prend fin pour une cause autre que l’expiration du mandat, la suppléance de ce poste est assurée par un inspecteur judiciaire nommé par l’Inspecteur en chef jusqu’à la date à laquelle ce poste
est pourvu dans les conditions de la loi. »

19. Conformément à l’article II de l’ordonnance d’urgence no 77/2018, l’article 67, paragraphe 7, de la loi no 317/2004 « s’appliqu[e] également aux situations dans lesquelles le poste d’Inspecteur en chef ou, selon le cas, d’Inspecteur en chef adjoint de l’Inspection judiciaire est vacant à la date d’entrée en vigueur de la présente ordonnance d’urgence ».

3.   Les dispositions relatives à la section chargée des enquêtes sur les infractions commises au sein du système judiciaire

a)   La loi no 207/2018

20. L’article I, point 45, de la loi no 207/2018, modifiant et complétant la loi no 304/2004 portant organisation du pouvoir judiciaire (ci‑après la « loi no 207/2018 ») ( 10 ), a introduit, après l’article 88 de la loi no 304/2004, une nouvelle section consacrée à la SEIJ et contenant les articles 881 à 889.

21. L’article 881 de la loi no 304/2004, telle que modifiée, est libellé comme suit :

« 1.   Dans le cadre du Parchetul de pe lângă Înalta Curte de Casație și Justiție (parquet près la Haute Cour de cassation et de justice), il est institué la [SEIJ], qui détient la compétence exclusive en matière de poursuites pénales pour les infractions commises par des juges et procureurs, y compris les juges et procureurs militaires et ceux qui ont qualité de membres du [CSM].

2.   La [SEIJ] demeure compétente pour les poursuites pénales dans le cas où d’autres personnes sont poursuivies en sus de celles prévues au paragraphe 1.

[…]

4.   La [SEIJ] est dirigée par un procureur en chef de la section, assisté par un procureur en chef adjoint, nommés dans ces fonctions par l’assemblée plénière du [CSM], dans les conditions prévues par la présente loi.

5.   Le procureur général du Parchetul de pe lângă Înalta Curte de Casație și Justiție (parquet près la Haute Cour de cassation et de justice) règle les conflits de compétence entre la [SEIJ] et les autres structures ou unités du ministère public.

[...] »

22. Aux termes de l’article 882 de la loi no 304/2004, telle que modifiée :

« 1.   La [SEIJ] exerce ses activités en vertu des principes de légalité, d’impartialité et de contrôle hiérarchique.

2.   Il est interdit de déléguer ou de détacher des procureurs auprès de la [SEIJ].

3.   La [SEIJ] exerce ses activités avec un maximum de quinze procureurs.

4.   Le nombre de postes dans la [SEIJ] peut être modifié, en fonction du volume d’activité, par ordonnance du procureur général du Parchetul de pe lângă Înalta Curte de Casație și Justiție (parquet près la Haute Cour de cassation et de justice), à la demande du procureur en chef de la section, sur avis conforme de l’assemblée plénière du [CSM]. »

23. Les articles 883 et 884 de la loi no 304/2004, telle que modifiée, régissent respectivement la procédure de nomination du procureur en chef et celle du procureur en chef adjoint de la SEIJ, y compris la composition du jury de concours pour le poste de procureur en chef et les conditions de participation à ce concours. L’article 883, paragraphe 1, dispose notamment que « [l]e procureur en chef adjoint de la [SEIJ] est nommé dans ses fonctions par l’assemblée plénière du [CSM], à la suite d’un
concours consistant dans la présentation d’un projet relatif à l’accomplissement des tâches spécifiques du poste de gestion en question, qui vise à évaluer les compétences en matière de gestion, la gestion efficace des ressources, la capacité de prendre des décisions et d’assumer des responsabilités, les compétences en matière de communication et la résistance au stress, ainsi que l’intégrité du candidat, son activité en tant que procureur et son rapport à des valeurs spécifiques à cette
profession, telles que l’indépendance de la justice ou le respect des droits et libertés fondamentaux ». De plus, aux termes de l’article 883, paragraphe 7, « [l]a révocation du poste de procureur en chef de la [SEIJ] est décidée par l’assemblée plénière du [CSM], en cas de non‑accomplissement des tâches spécifiques à ses fonctions ou dans le cas où celui‑ci a fait l’objet d’une sanction disciplinaire au cours des trois dernières années, sur proposition de la commission prévue au paragraphe 2 ».
Conformément à l’article 883, paragraphe 8, « [l]e procureur en chef de la [SEIJ] est nommé dans ses fonctions pour une période de trois ans, renouvelable une seule fois ».

24. L’article 885 de la loi no 304/2004, telle que modifiée, réglemente la procédure de sélection des procureurs de la SEIJ ainsi que les règles du concours, qui comprend un entretien devant l’assemblée plénière du CSM et une évaluation des activités des candidats. Conformément au paragraphe 1, les procureurs sont nommés par l’assemblée plénière du CSM, à la suite d’un concours, pour une durée de trois ans, renouvelable dans la limite d’une période totale maximale de neuf ans. Conformément au
paragraphe 3, pour pouvoir postuler à ce concours, les procureurs doivent remplir les conditions cumulatives suivantes : « a) ne pas avoir fait l’objet d’une sanction disciplinaire au cours des trois dernières années ; b) avoir au moins le grade requis pour travailler au sein d’un parquet près une cour d’appel ; c) avoir une ancienneté effective d’au moins 18 ans dans les fonctions de procureur ; d) avoir une formation professionnelle adéquate, et e) avoir une conduite morale irréprochable ».

25. L’article 888, paragraphe 1, de la loi no 304/2004, telle que modifiée, dispose que les attributions de la SEIJ sont les suivantes : a) exercer les poursuites pénales pour les infractions relevant de sa compétence ; b) saisir les juridictions dans les affaires relatives aux infractions prévues sous a) ; c) créer et actualiser la base de données sur les infractions relevant de son domaine de compétence ; et d) exercer d’autres attributions prévues par la loi. Aux termes de l’article 888,
paragraphe 2, « [l]a participation aux audiences dans les affaires relevant de la compétence de la section est assurée par des procureurs de la section judiciaire du Parchetul de pe lângă Înalta Curte de Casație și Justiție (parquet près la Haute Cour de cassation et de justice) ou par des procureurs du parquet près la juridiction saisie de l’affaire ».

26. L’article III de la loi no 207/2018 dispose :

« (1)   La [SEIJ] commence ses activités dans un délai de trois mois après la date d’entrée en vigueur de la présente loi.

(2)   Les affaires relevant de la compétence de la [SEIJ] qui sont pendantes devant n’importe quelle branche du parquet et non résolues avant la date à laquelle la section est opérationnelle sont renvoyées pour règlement à ladite section, dès que celle‑ci est opérationnelle. »

b)   L’ordonnance d’urgence no 90/2018

27. L’ordonnance d’urgence du gouvernement no 90/2018, relative aux mesures concernant les modalités de fonctionnement de la [SEIJ] (ci‑après l’« ordonnance d’urgence no 90/2018 ») ( 11 ), a été adoptée afin de rendre la SEIJ opérationnelle à la date limite prévue à l’article III, paragraphe 1, de la loi no 207/2018. Conformément à son préambule, étant donné que, à la date de l’adoption de cette ordonnance d’urgence, le CSM n’avait pas encore mené à son terme la procédure de mise en service de la
SEIJ, le gouvernement roumain a estimé nécessaire d’adopter des mesures législatives urgentes prévoyant, par dérogation aux nouveaux articles 883 à 885 de la loi no 304/2004, une procédure simple pour la nomination provisoire du procureur en chef, du procureur en chef adjoint et d’au moins un tiers des procureurs de la section.

28. L’article I de l’ordonnance d’urgence no 90/2018 modifie l’article 882, paragraphe 3, de la loi no 304/2004 comme suit : « La [SEIJ] exerce ses activités avec quinze postes de procureurs. »

29. L’article II de l’ordonnance d’urgence no 90/2018 instaure une procédure dérogatoire aux articles 883 à 885 de la loi no 304/2004, aux fins de la nomination provisoire du procureur en chef et d’au moins un tiers des procureurs de la SEIJ. En particulier, conformément au paragraphe 1 de cette disposition, avant l’achèvement des concours organisés pour la nomination au poste de procureur en chef de la SEIJ et aux postes d’exécution de procureur de cette section, les fonctions de procureur en chef
et au moins un tiers des fonctions d’exécution de procureur seront exercées provisoirement par des procureurs qui satisfont aux conditions prévues par la loi pour être nommés à ces postes et qui sont sélectionnés par le jury de concours composé conformément à l’article 883, paragraphe 2, de la loi no 304/2004. Conformément au paragraphe 2, le jury chargé de l’organisation du concours prévu au paragraphe 1 procède à la sélection des candidats selon une procédure qui se déroule dans les cinq jours
calendaires à compter de la date de son déclenchement par le président du CSM. Aux termes du paragraphe 11, « [à] compter de la date à laquelle la [SEIJ] devient opérationnelle, celle‑ci reprend les affaires relevant de sa compétence pendantes devant la [DNA] et devant d’autres branches du parquet, ainsi que les dossiers des affaires relatives aux infractions prévues à l’article 881, paragraphe 1, de la loi no 304/2004, republiée, telle que modifiée et complétée ultérieurement, qui ont été
clôturées avant la date à laquelle cette section est devenue opérationnelle ».

c)   L’ordonnance d’urgence no 92/2018

30. L’ordonnance d’urgence du gouvernement no 92, du 15 octobre 2018, modifiant et complétant certains actes normatifs dans le domaine de la justice (ci‑après l’« ordonnance d’urgence no 92/2018 ») ( 12 ) a notamment modifié la loi no 304/2004 en introduisant à son article 882 un nouveau paragraphe 5, qui prévoit que les procureurs de la SEIJ ont la qualité de procureurs détachés pendant la durée de leurs fonctions au sein de cette section. L’article 885, paragraphe 5, est modifié en ce sens qu’il
prévoit que l’entretien organisé dans le cadre de la procédure de sélection des procureurs de la SEIJ se déroule devant le jury, et non devant l’assemblée plénière du CSM.

d)   L’ordonnance d’urgence no 7/2019

31. L’ordonnance d’urgence no 7, du 20 février 2019, relative à certaines mesures temporaires concernant le concours d’admission à l’Institut national de la magistrature, la formation professionnelle initiale des juges et des procureurs, l’examen de fin d’études de l’Institutul Național al Magistraturii (Institut national de la magistrature, Roumanie), le stage et l’examen d’aptitude des juges et des procureurs stagiaires, et visant à modifier et compléter la loi no 303/2004 relative au statut des
juges et des procureurs, la loi no 304/2004 sur l’organisation judiciaire et la loi no 317/2004 sur le CSM (ci‑après l’« ordonnance d’urgence no 7/2019 ») ( 13 ), modifie et complète notamment la loi no 304/2004. Elle ajoute à l’article 881 de cette loi un nouveau paragraphe 6, selon lequel, lorsque le Codul de procedură penală (code de procédure pénale) ou toute autre loi spéciale fait référence au « procureur hiérarchiquement supérieur » dans les affaires relatives à des infractions relevant
de la compétence de la SEIJ, cela vise le procureur en chef de la SEIJ, y compris pour les décisions prises avant que cette section ne devienne opérationnelle.

32. Elle a également introduit, après le paragraphe 11 de l’article 885, deux nouveaux paragraphes (111) et (112), qui modifient la procédure de nomination prévue par cette disposition. Conformément au paragraphe (111), les membres du jury visés à l’article 885 conservent leur vote à l’assemblée plénière du CSM. Le paragraphe (112) prévoit que les jurys de concours visés aux articles 883 et 885 exercent leur activité de manière régulière lorsque au moins trois de leurs membres sont présents.

33. Ladite ordonnance modifie également l’article 888, en prévoyant, à son paragraphe 1, sous d), une nouvelle compétence de la SEIJ, qui consiste à former et se désister des recours dans les affaires relevant de la compétence de cette section, y compris les affaires pendantes devant une juridiction ou qui ont été définitivement tranchées avant que la section ne devienne opérationnelle.

e)   L’ordonnance d’urgence no 12/2019

34. L’ordonnance d’urgence du gouvernement no 12, du 5 mars 2019, modifiant et complétant certains actes normatifs dans le domaine de la justice (ci‑après l’« ordonnance d’urgence no 12/2019 ») ( 14 ), a modifié la loi no 303/2004 relative au statut des juges et des procureurs et introduit les articles 8810 et 8811 dans la loi no 304/2004. L’article 8810 prévoit le détachement d’officiers de police judiciaire au sein de la SEIJ, à la demande du procureur en chef de cette section, sur décision du
ministre de l’Intérieur. La durée de ces détachements peut aller jusqu’à trois ans, renouvelables pour la même durée.

III. Les faits, la procédure au principal et les questions préjudicielles

A. Affaire C‑83/19

35. Le 27 août 2018, l’Asociația « Forumul judecătorilor din România » (Association Forum des juges de Roumanie, ci‑après l’« association Forum des juges » ou la « requérante ») a présenté une demande d’information d’intérêt général à l’inspection judiciaire (ci‑après la « défenderesse »). Les informations demandées portaient sur l’activité de la défenderesse au cours de la période allant de l’année 2014 à l’année 2018. Elle concernait plus spécifiquement des informations statistiques sur les
affaires traitées par cet organisme, l’origine et le résultat des procédures disciplinaires, ainsi que des informations concernant la conclusion d’un protocole entre le Serviciul Român de Informații (service de renseignement roumain) et l’inspection judiciaire ainsi que la participation de ce service aux enquêtes.

36. Le 24 septembre 2018, estimant que la réponse de la défenderesse ne répondait que partiellement à cette demande, la requérante a formé un recours contre la défenderesse devant le Tribunalul Olt (tribunal de grande instance d’Olt, Roumanie). La requérante a conclu à ce qu’il soit ordonné à la défenderesse de divulguer certaines informations qui faisaient l’objet de la demande du 27 août 2018.

37. Dans son mémoire en défense, déposé le 26 octobre 2018, la défenderesse a soutenu que les droits individuels de la requérante n’avaient pas été violés et que le recours devait être rejeté comme non fondé. Ce mémoire en défense était signé par le juge Lucian Netejoru.

38. M. Netejoru avait été nommé inspecteur en chef de l’inspection judiciaire pour un mandat de trois ans (du 1er septembre 2015 au 1er septembre 2018) par la décision no 702/2015, du 30 juin 2015, de l’assemblée plénière du CSM. Au moment du dépôt du mémoire en défense dans l’affaire au principal, M. Netejoru agissait en qualité d’inspecteur en chef intérimaire sur la base de l’ordonnance d’urgence no 77/2018, adoptée le 5 septembre 2018.

39. Dans son mémoire en réplique, la requérante a soulevé une exception tirée de l’absence de preuve que le signataire du mémoire en défense, M. Netejoru, disposait de pouvoirs de représentation de la défenderesse, et ce pour deux raisons. D’une part, aucun acte administratif n’a été pris par l’autorité compétente pour désigner l’inspecteur en chef de l’inspection judiciaire, l’assemblée plénière du CSM, attestant que les conditions légales d’exercice de ce poste ad interim ont été respectées.

40. D’autre part, les dispositions de l’ordonnance d’urgence no 77/2018 seraient inconstitutionnelles. La requérante a fait valoir que, en étendant le mandat de la direction de l’inspection judiciaire au moyen de l’ordonnance d’urgence no 77/2018, le gouvernement roumain a empiété sur les compétences constitutionnelles du CSM. La requérante a fondé son objection sur les conclusions du rapport MCV de 2018, selon lesquelles « le fait que le ministre de la Justice a décidé d’intervenir, en prolongeant
les mandats des dirigeants en place, pourrait être considéré comme un empiétement sur les compétences du CSM », et fait valoir que l’ordonnance d’urgence no 77/2018 viole la garantie d’indépendance consacrée à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE. La requérante a fait valoir que, s’il est établi que le MCV, ainsi que l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, imposent des obligations à la Roumanie et qu’elle ne les a pas respectées, cela impliquera que M. Netejoru n’est pas
habilité à agir en qualité de représentant légal, ce qui entraînera l’annulation du mémoire en défense versé au dossier (y compris les moyens de défense, les éléments de preuve produits et les exceptions soulevées).

41. La défenderesse a fait valoir que la décision no 702/2015 du CSM, portant nomination de M. Netejoru en qualité d’inspecteur en chef, figure sur le site Internet de l’inspection judiciaire. Par ailleurs, la défenderesse a invoqué l’ordonnance d’urgence no 77/2018. Sur cette base, elle a conclu au rejet de l’opposition de la requérante comme étant non fondée.

42. Dans ces conditions, le Tribunalul Olt (tribunal de grande instance d’Olt) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Le [MCV], établi par la [décision MCV], du 13 décembre 2006, doit-il être considéré comme un acte pris par une institution de l’Union, au sens de l’article 267 TFUE, pouvant être soumis à l’interprétation de la [Cour] ?

2) Le contenu, le caractère et la durée dans le temps du [MCV], établi par la [décision MCV], relèvent-ils du champ d’application du [traité d’adhésion] ? Les exigences formulées dans les rapports établis dans le cadre dudit mécanisme ont-elles un caractère obligatoire pour la Roumanie ?

3) L’article 19, paragraphe 1, second alinéa, [TUE] doit-il être interprété en ce sens qu’il oblige les États membres à établir les mesures nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union, à savoir des garanties d’une procédure disciplinaire indépendante pour les juges roumains, en écartant tous les risques liés à l’influence politique sur le déroulement de telles procédures, tels que la nomination directe par le gouvernement
de la direction de l’[inspection judiciaire], même à titre provisoire ?

4) L’article 2 [TUE] doit-il être interprété en ce sens que les États membres sont tenus de respecter les critères de l’État de droit, exigés également par les rapports établis dans le cadre du [MCV], établi par la [décision MCV], dans le cas des procédures de nomination directe par le gouvernement de la direction de l’[inspection judiciaire], même à titre provisoire ? »

B. Affaire C‑127/19

43. Les requérantes dans cette affaire sont l’association Forum des juges et l’Asociația « Mișcarea pentru Apărarea Statutului Procurorilor » (l’association « Mouvement pour la défense du statut des procureurs »). Le 13 décembre 2018, les requérantes ont saisi la Curtea de Apel Pitești (cour d’appel de Pitești, Roumanie) d’un recours tendant à l’annulation de deux décisions de l’assemblée plénière du CSM : la décision no 910, du 19 septembre 2018, approuvant le règlement sur la nomination et la
révocation des procureurs ayant des fonctions de gestion au sein de la SEIJ ( 15 ), et la décision no 911, du 19 septembre 2018, approuvant le règlement sur la nomination, la poursuite des fonctions et la révocation des procureurs ayant des fonctions d’exécution au sein de la SEIJ ( 16 ).

44. Ces décisions ont été adoptées sur le fondement de la loi no 207/2018. L’article 1er, paragraphe 45, de cette loi a inséré les articles 881 à 889 après l’article 88 de la loi no 304/2004, portant création et établissement du fonctionnement de la SEIJ. Aux termes du nouvel article 885, paragraphe 12, « [l]es procédures de nomination, de poursuite des fonctions et de révocation des fonctions de gestion et d’exécution dans la section seront détaillées dans un règlement approuvé par l’assemblée
plénière du [CSM] ». Les deux décisions, dont l’annulation est demandée en l’espèce, ont été approuvées sur le fondement de cette disposition.

45. Les requérantes ont fait valoir l’inconstitutionnalité de ces deux décisions administratives par référence à la disposition de la constitution de la Roumanie selon laquelle cet État membre est tenu de respecter les obligations qui lui incombent en vertu des traités auxquels il est partie (article 11 et article 148, paragraphe 2, de la constitution roumaine). Les requérantes ont également fait valoir que certaines dispositions des actes législatifs attaqués étaient contraires aux actes de rang
supérieur y compris la loi, la constitution et le traité FUE. Les requérantes ont également fait référence au MCV. Elles estiment que la création de la SEIJ affecte directement les compétences de la DNA, une entité ayant obtenu des résultats significatifs dans le cadre du MCV, selon les rapports de la Commission. La création de la SEIJ permet le renvoi à cette section de dizaines d’affaires de corruption de haut niveau pendantes devant la DNA par la simple introduction de plaintes fictives
contre un magistrat, entraînant ainsi la suppression pure et simple d’une partie importante de l’activité de la DNA.

46. Par l’arrêt no 33, du 23 janvier 2018, la Curtea Constituțională (Cour constitutionnelle, Roumanie) a examiné les dispositions de la loi no 207/2018 dans le cadre du contrôle préalable de constitutionnalité. Elle a jugé que les griefs concernant les effets de la création de la SEIJ sur les compétences de la DNA étaient infondés et qu’il n’existait pas d’actes contraignants du droit de l’Union susceptibles d’étayer les griefs d’inconstitutionnalité fondés sur l’article 148, paragraphes 2 et 4, de
la constitution.

47. La juridiction de renvoi relève que la création de la SEIJ a fait l’objet de critiques dans les rapports du groupe d’États contre la corruption (GRECO) et de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (ci‑après la « Commission de Venise »). La Commission s’est référée à ces rapports dans le cadre de ses rapports sur le MCV. La juridiction de renvoi précise que, dans la mesure où le MCV et les rapports établis dans son contexte font naître une obligation d’exécution pour l’État, une
telle obligation incombe non seulement à l’autorité législative de cet État, mais également aux autorités administratives, en l’occurrence le CSM, qui adopte la réglementation d’application, ainsi qu’aux juridictions.

48. Par ailleurs, la juridiction de renvoi relève que la Curtea Constituțională (Cour constitutionnelle) a déclaré dans son arrêt no 104, du 6 mars 2018, que le sens de la décision MCV n’a pas été interprété par la Cour « en ce qui concerne le contenu, le caractère et la durée, ainsi que le point de savoir si ces derniers relèvent du champ d’application du traité d’adhésion ». Par conséquent, elle estime que le règlement du différend nécessite des éclaircissements quant au caractère et à la force
juridique de ces actes.

49. Dans ces conditions, la Curtea de Apel București (cour d’appel de Bucarest, Roumanie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Le [MCV], établi par la [décision MCV], doit-il être considéré comme un acte pris par une institution de l’Union, au sens de l’article 267 TFUE, pouvant être soumis à l’interprétation de la [Cour] ?

2) Le contenu, le caractère et la durée dans le temps du [MCV], établi par la [décision MCV], relèvent-ils du champ d’application du [traité d’adhésion] ?

3) L’article 2, lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 3, TUE, doit-il être interprété en ce sens que l’obligation pour la Roumanie de respecter les exigences imposées par les rapports établis dans le cadre du [MCV], établi par la [décision MCV], relève de l’obligation de l’État membre de respecter les principes de l’état de droit ?

4) L’article 2 TUE, plus particulièrement l’obligation de respecter les valeurs de l’état de droit, s’oppose-t-il à une législation par laquelle est créée et organisée la [SEIJ], dans le cadre du Parchetul de pe lângă Înalta Curte de Casație și Justiție (parquet près la Haute Cour de cassation et de justice), en raison de la possibilité d’exercer une pression indirecte sur les magistrats ?

5) Le principe d’indépendance des juges, consacré à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et à l’article 47 de la [Charte], tel qu’interprété par la jurisprudence de la [Cour] (arrêt du 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses, C‑64/16, EU:C:2018:117), s’oppose-t‑il à la création de la [SEIJ], dans le cadre du Parchetul de pe lângă Înalta Curte de Casație și Justiție (parquet près la Haute Cour de cassation et de justice), eu égard aux modalités de
nomination/révocation des procureurs faisant partie de ladite section, aux modalités d’exercice des fonctions dans le cadre de celle‑ci ainsi qu’à la manière dont la compétence est établie, en lien avec le nombre réduit de postes dans le cadre de cette section ? »

C. Affaire C‑195/19

50. La partie requérante, PJ, a introduit un recours à l’occasion d’un litige fiscal, que la partie défenderesse, un juge statuant dans cette affaire, a rejeté comme non fondé. La partie requérante a estimé que la partie défenderesse n’avait pas satisfait à son obligation légale de motiver sa décision dans le délai légal de 30 jours, empêchant ainsi la personne lésée d’exercer des voies de recours. La partie requérante a donc déposé une plainte pénale auprès du Parchetul de pe lângă Curtea de Apel
București (parquet près la cour d’appel de Bucarest, Roumanie), demandant que la partie défenderesse soit tenue pénalement responsable du délit d’abus de pouvoir.

51. Le procureur en charge de l’affaire au Parchetul de pe lângă Curtea de Apel București (parquet près la cour d’appel de Bucarest) a décidé d’engager une procédure pénale, laquelle a, par la suite, été clôturée au motif que l’abus reproché au juge n’existait pas. La partie requérante a introduit une réclamation contre cette décision de clôturer la procédure auprès du procureur de rang supérieur.

52. Après l’entrée en vigueur de la loi no 207/2018, conformément à l’article III de cette loi et au nouvel article 881 de la loi no 304/2004, le Parchetul de pe lângă Curtea de Apel București (parquet près la cour d’appel de Bucarest) a transmis la plainte à la SEIJ, puisqu’elle concernait un magistrat. Le procureur en chef adjoint de la SEIJ a également rejeté la plainte comme non fondée. La partie requérante a fait appel devant la Curtea de Apel București (cour d’appel de Bucarest) (la
juridiction de renvoi) de l’ordonnance initiale du parquet près cette juridiction, telle que confirmée par l’ordonnance du procureur général adjoint du SEIJ.

53. La juridiction de renvoi explique qu’elle peut soit rejeter le recours, soit l’accueillir. Dans ce dernier cas, sa décision aura pour effet d’annuler les ordonnances rendues par les procureurs et de renvoyer l’affaire au procureur. Conformément à l’article 21 de la loi no 304/2004, le procureur de rang supérieur, qui examinait la légalité et le bien‑fondé de l’ordonnance rendue par le procureur chargé de l’affaire, était membre de la SEIJ. Dès lors, si le recours est accueilli, le procureur
chargé de l’affaire et le procureur de rang supérieur audit procureur feront partie de la même section spéciale (la SEIJ).

54. Dans ces conditions, la juridiction de renvoi se voit obligée d’examiner si le droit de l’Union s’oppose à une réglementation nationale instituant la SEIJ. La juridiction de renvoi rappelle que le rapport MCV de 2018 a recommandé de « suspendre immédiatement l’application des lois et des ordonnances d’urgence ultérieures » et de « réviser les lois sur la justice en tenant dûment compte des recommandations émises au titre du [MCV] par la Commission de Venise et par le GRECO ».

55. La juridiction de renvoi fait observer que le fait de constater que l’article 67, paragraphe 1, TFUE, l’article 2, première phrase, et l’article 9, première phrase, TUE s’opposent à la réglementation nationale en cause l’obligerait à déclarer nul et non avenu tout acte de procédure établi par la SEIJ dans la procédure principale. La juridiction de renvoi devra également tenir compte de la réponse apportée par la Cour lors de la désignation du parquet compétent, dans l’hypothèse où le recours
serait accueilli.

56. Dans ces conditions, la Curtea de Apel București (cour d’appel de Bucarest) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Le [MCV], établi par la [décision MCV], et les exigences formulées dans les rapports établis dans le cadre dudit mécanisme ont-ils un caractère obligatoire pour la Roumanie ?

2) L’article 67, paragraphe 1, TFUE, ainsi que l’article 2, première phrase, et l’article 9, première phrase, TUE s’opposent-ils à une réglementation nationale instituant une section du parquet qui est exclusivement compétente pour enquêter sur tout type d’infraction commise par des juges ou des procureurs ?

3) Le principe de primauté du droit européen, tel que consacré par l’arrêt du 15 juillet 1964, Costa, 6/64, EU:C:1964:66, et par la jurisprudence ultérieure constante de la [Cour], s’oppose-t-il à une réglementation nationale permettant à une institution politico-juridictionnelle, telle que la Curtea Constituțională (Cour constitutionnelle), de porter atteinte au principe susmentionné par des décisions qui ne sont susceptibles d’aucune voie de recours ? »

D. Affaire C‑291/19

57. Par quatre plaintes pénales déposées au mois de décembre 2015 et au mois de février 2016, SO, la requérante, a signalé que quatre procureurs avaient commis un abus de pouvoir et qu’un avocat, membre du barreau de Brașov, avait commis une infraction de trafic d’influence. Par la suite, la requérante a introduit une plainte pénale contre deux juges du Judecătoria Brașov (tribunal de première instance de Brașov, Roumanie) et du Tribunalul Brașov (tribunal de grande instance de Brașov, Roumanie), en
faisant valoir qu’ils appartenaient à une organisation criminelle et qu’ils l’avaient condamné dans le cadre de différentes procédures.

58. Par ordonnance du 8 septembre 2017, la section chargée de la lutte contre les infractions assimilées aux infractions de corruption au sein de la DNA a ordonné le classement.

59. La requérante a déposé une plainte contre l’ordonnance du 8 septembre 2017 auprès du procureur hiérarchiquement supérieur, le procureur en chef de la section de lutte contre les infractions assimilées aux infractions de corruption au sein de la DNA. Par ordonnance du 20 octobre 2017, ce dernier a rejeté cette réclamation comme étant non fondée.

60. Le 11 septembre 2018, la requérante a introduit un recours contre l’ordonnance initiale, confirmée par l’ordonnance du 20 octobre 2017 devant la Curtea de Apel Brașov (cour d’appel de Brașov, Roumanie), la juridiction de renvoi.

61. Dans la mesure où la procédure devant elle implique la participation d’un procureur aux audiences, la juridiction de renvoi indique qu’un procureur de la DNA a initialement participé à celles‑ci. À la suite de l’entrée en vigueur des modifications de la loi no 304/2004 et de l’arrêt no 3 de l’Înalta Curte de Casație și Justiție (Haute Cour de cassation et de justice), du 26 février 2019, le procureur de la DNA a été remplacé par le procureur du Parchetul de pe lângă Curtea de Apel Brașov
(parquet près la cour d’appel de Brașov, Roumanie) lors de l’audience.

62. La juridiction de renvoi indique que la poursuite de la procédure au principal implique la participation des procureurs de la SEIJ. Elle a également indiqué que, s’il s’avérait que la plainte déposée par la requérante est fondée, elle devrait transmettre l’affaire à la SEIJ aux fins de l’exercice de poursuites. Dans ces conditions, la juridiction de renvoi estime qu’il convient de déterminer si le droit de l’Union s’oppose à une législation nationale instituant la SEIJ, compte tenu du rapport
MCV de 2018. Plus précisément, pour le cas où la Cour considérerait que les rapports MCV présentent un caractère obligatoire, la juridiction de renvoi souhaite connaître la portée de cette obligation et si elle ne porte que sur les conclusions de ces rapports ou si le juge national doit également tenir compte des constatations desdits rapports, y compris celles provenant des documents de la Commission de Venise et du GRECO.

63. Dans ces conditions, la Curtea de Apel Brașov (cour d’appel de Brașov) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Le [MCV], établi par la décision [MCV], doit-il être considéré comme un acte pris par une institution de l’Union, au sens de l’article 267 TFUE, pouvant être soumis à l’interprétation de la Cour de justice de l’Union européenne ?

2) Les exigences formulées dans les rapports établis dans le cadre dudit mécanisme ont-elles un caractère contraignant pour la Roumanie, notamment (mais pas uniquement) en ce qui concerne la nécessité de procéder à des modifications législatives qui soient conformes aux conclusions du MCV ainsi qu’aux recommandations formulées par la Commission de Venise et par le [GRECO] ?

3) L’article 2, lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 3, TUE, doit-il être interprété en ce sens que l’obligation pour la Roumanie de respecter les exigences imposées par les rapports établis dans le cadre du [MCV,] institué par la [décision MCV], relève de l’obligation de l’État membre de respecter les principes de l’état de droit ?

4) Le principe d’indépendance des juges, consacré à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et à l’article 47 de la [Charte], tel qu’interprété par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (arrêt du 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses, C‑64/16, EU:C:2018:117), s’oppose-t-il à la création de la [SEIJ] dans le cadre du Parchetul de pe lângă Înalta Curte de Casație și Justiție (parquet près la Haute Cour de cassation et de justice), eu égard aux
modalités de nomination et de révocation des procureurs faisant partie de ladite section, aux modalités d’exercice des fonctions dans le cadre de celle‑ci ainsi qu’à la manière dont la compétence est établie, en lien avec le nombre réduit de postes au sein de cette section ?

5) L’article 47, [deuxième alinéa], de la [Charte], relatif au droit à un procès équitable par la résolution de l’affaire dans un délai raisonnable, s’oppose‑t‑il à la création de la [SEIJ] dans le cadre du Parchetul de pe lângă Înalta Curte de Casație și Justiție (parquet près la Haute Cour de cassation et de justice), eu égard aux modalités d’exercice des fonctions dans le cadre de ladite section ainsi qu’à la manière dont la compétence est établie, en lien avec le nombre réduit de postes au
sein de cette section ? »

E. Affaire C‑355/19

64. Les requérantes dans cette affaire sont l’association des juges, l’association « Mouvement pour la défense du statut des procureurs » et OL, une personne physique (ci‑après les « requérants »).

65. Le 23 janvier 2019, les requérants ont introduit devant la Curtea de Apel Pitești (cour d’appel de Pitești) un recours en annulation de l’ordonnance no 252, du 23 octobre 2018, rendue par le Parchetul de pe lângă Înalta Curte de Casaţie şi Justiţie – Procurorul General al României (procureur général du parquet près la Haute Cour de cassation et de justice) ( 17 ). Cette ordonnance concerne l’organisation et le fonctionnement de la SEIJ. Elle a été adoptée sur le fondement de la loi no 207/2018,
qui a instauré la SEIJ, en application de l’article II, paragraphes (10) et (11), de l’ordonnance d’urgence no 90/2018.

66. Les requérants ont fait valoir, en premier lieu, que cette ordonnance est inconstitutionnelle par référence à la disposition de la constitution roumaine selon laquelle la Roumanie est tenue de respecter les obligations qui lui incombent en vertu des traités auxquels elle est partie (article 11 et article 148, paragraphe 2, de la constitution roumaine). En second lieu, ils ont critiqué le texte de l’ordonnance au motif que certaines de ses dispositions seraient contraires à certains actes
législatifs de rang supérieur (la loi, la constitution et le traité sur l’Union européenne). Plus précisément, les requérants ont fait valoir que cette ordonnance ne tient pas compte des recommandations formulées par la Commission dans les rapports établis dans le cadre du MCV.

67. Dans ces conditions, et suivant une argumentation analogue à celle présentée par la juridiction de renvoi dans l’affaire C‑127/19, la Curtea de Apel Pitești (cour d’appel de Pitești) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Le [MCV], établi par [la décision MCV], doit-il être considéré comme un acte pris par une institution de l’Union, au sens de l’article 267 TFUE, pouvant être soumis à l’interprétation de la [Cour] ?

2) Le contenu, le caractère et la durée du [MCV], établi par la décision [MCV], relèvent-ils du champ d’application du [traité d’adhésion] ? Les exigences formulées dans les rapports établis dans le cadre dudit mécanisme ont-elles un caractère obligatoire pour la Roumanie ?

3) L’article 2 [TUE] doit-il être interprété en ce sens que les États membres sont tenus de respecter les critères de l’État de droit, exigés également par les rapports établis dans le cadre du [MCV)], établi par la [décision MCV], en cas de création d’urgence d’une section du parquet chargée d’enquêter exclusivement sur les infractions commises par des magistrats, ce qui suscite une inquiétude particulière en matière de lutte contre la corruption et qui peut faire office d’instrument
supplémentaire pour intimider les magistrats et faire pression sur eux ?

4) L’article 19, paragraphe 1, second alinéa, [TUE] doit-il être interprété en ce sens que les États membres sont tenus de prendre les mesures nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union, à savoir en écartant tous les risques liés à l’influence politique sur l’enquête pénale à l’encontre de juges, en cas de création d’urgence d’une section du parquet chargée d’enquêter exclusivement sur les infractions commises par des
magistrats, ce qui suscite une inquiétude particulière en matière de lutte contre la corruption et qui peut faire office d’instrument supplémentaire pour intimider les magistrats et faire pression sur eux ? »

F. La procédure devant la Cour

68. Les affaires C‑83/19, C‑127/19 et C‑195/19 ont été jointes par décision du président de la Cour du 21 mars 2019. Cette décision a rejeté la demande formée par les juridictions de renvoi dans lesdites affaires de soumettre celles‑ci à la procédure accélérée prévue à l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, mais a accordé aux trois affaires le traitement prioritaire en vertu de l’article 53, paragraphe 3, de ce règlement de procédure.

69. Par lettres des 11 et 20 février 2019, les requérants dans les affaires C‑83/19 et C‑127/19 ont demandé, respectivement, l’adoption de mesures provisoires au titre de l’article 279 TFUE et de l’article 160, paragraphes 2 et 7, du règlement de procédure de la Cour. La Cour a répondu qu’elle n’était pas compétente pour adopter de telles mesures dans le cadre d’une procédure préjudicielle.

70. À la suite de la décision du 8 février 2019 de la Curtea de Apel Craiova (cour d’appel de Craiova, Roumanie), le Tribunalul Olt (tribunal de grande instance d’Olt) a, par ordonnance du 12 février 2019, renvoyé la procédure au principal dans l’affaire C‑83/19 au Tribunalul Mehedinţi (tribunal de grande instance de Mehedinți, Roumanie). Le Tribunalul Olt (tribunal de grande instance d’Olt) a néanmoins informé la Cour que tous les actes de procédure, y compris le renvoi préjudiciel, avaient été
maintenus. La Curtea de Apel Pitești (cour d’appel de Pitești) a, à la suite de la décision du 10 juin 2020 de l’Înalta Curte de Casaţie şi Justiţie (Haute Cour de cassation et de justice), renvoyé le litige au principal dans l’affaire C‑127/19 à la Curtea de Apel Alba Iulia (cour d’appel d’Alba Iulia, Roumanie). La Cour de Apel Pitești (cour d’appel de Pitești) a informé la Cour du maintien de tous les actes de procédure.

71. L’application de la procédure accélérée a également été demandée par la juridiction de renvoi dans l’affaire C‑355/19. Elle a été rejetée par la décision du président de la Cour du 27 juin 2019. Un traitement prioritaire a néanmoins été accordé dans la présente affaire ainsi que dans l’affaire C‑291/19 par décision du président de la Cour du 18 septembre 2019.

72. Des observations écrites ont été présentées dans les affaires C‑83/19, C‑127/19 et C‑195/19 par l’inspection judiciaire, les gouvernements roumain, belge, néerlandais et polonais ainsi que par la Commission. Le gouvernement suédois a présenté des observations écrites dans les affaires C‑83/19 et C‑127/19. Le CSM et l’association « Mouvement pour la défense du statut des procureurs » ont présenté des observations écrites dans l’affaire C‑127/19.

73. Des observations écrites ont été présentées dans l’affaire C‑291/19 par les gouvernements roumain, néerlandais, polonais et suédois ainsi que par la Commission.

74. Dans l’affaire C‑355/19, l’association Forum des juges, le procureur général du parquet près la Haute Cour de cassation et de justice, ci‑après le « procureur général »), les gouvernements roumain, néerlandais, polonais et suédois ainsi que la Commission ont présenté des observations écrites.

75. Une audience conjointe s’est tenue les 20 et 21 janvier 2020 au cours de laquelle les parties intéressées suivantes ont présenté des plaidoiries : l’association Forum des juges, l’association « Mouvement pour la défense du statut des procureurs », le CSM, OL, le procureur général, les gouvernements belge, danois, néerlandais et suédois ainsi que la Commission.

IV. Analyse

76. Les présentes conclusions sont structurées de la manière suivante. Je commencerai par examiner les exceptions d’irrecevabilité soulevées dans les différentes affaires soumises à la Cour (A). J’exposerai ensuite le cadre juridique de l’Union applicable ainsi que les critères à l’aune desquels il y a lieu de procéder à l’analyse des présentes affaires (B). Je procéderai enfin à l’examen des dispositions nationales en cause (C).

A. La recevabilité des questions préjudicielles

77. Différentes parties intéressées, qui ont présenté des observations dans les différentes affaires, ont soutenu que la Cour ne devrait pas répondre à certaines ou à l’ensemble des questions préjudicielles dans les présentes affaires. Les principaux « thèmes » soulevés dans les différentes affaires pourraient essentiellement être « regroupés » comme englobant des objections liées à l’absence de compétence de l’Union dans les domaines visés par les demandes préjudicielles, notamment
1°) l’organisation interne des systèmes judiciaires, 2°) l’incompétence de la Cour pour interpréter la décision MCV, 3°) l’absence de pertinence des réponses à apporter par la Cour aux fins de la solution des affaires au principal et 4°) la circonstance que certaines des questions posées sont devenues sans objet.

78. Toutes ces exceptions ont été soulevées à l’encontre de la recevabilité des questions préjudicielles. Toutefois, il me semble que les arguments relatifs 1°) à l’absence de compétence de l’Union dans le domaine de l’organisation juridictionnelle des États membres et 2°) à la nature juridique du MCV concernent, en réalité, l’appréciation de la compétence de la Cour.

79. En outre, ces éléments de compétence recoupent largement l’analyse matérielle desdites dispositions. La question de savoir si les dispositions nationales en cause dans les présentes affaires, relatives à l’organisation du pouvoir judiciaire, relèvent du champ d’application du droit de l’Union, est liée, de manière indissociable, aux réponses à apporter aux questions préjudicielles, qui portent spécifiquement sur le champ d’application, les exigences et les effets de l’article 2 et de
l’article 19, paragraphe 1, TUE ainsi que de l’article 47 de la Charte ( 18 ). Comme la Cour l’a fait observer dans l’arrêt A.K. e.a., à propos d’arguments similaires, ces questions concernent l’interprétation des dispositions en cause et, à ce titre, elles relèvent de la compétence de la Cour au titre de l’article 267 TFUE ( 19 ).

80. Pour ces raisons, j’aborderai ensemble ces deux objections à la compétence de la Cour dans la partie B des présentes conclusions, dans laquelle j’exposerai les dispositions effectivement applicables aux présentes affaires et le type d’examen exigé. Dans cette partie, la section A des présentes conclusions, je n’aborderai que ce qui, en fait, semble constituer des exceptions d’irrecevabilité, soulevées par différentes parties à l’égard des questions individuelles soulevées dans chacune des
affaires.

81. J’observe que le gouvernement roumain a soutenu dans ses observations écrites que les questions préjudicielles étaient, pour la plupart, irrecevables dans l’ensemble des affaires dont la Cour a été saisie ( 20 ). Lors de l’audience, la position de ce gouvernement a toutefois considérablement changé, ce qui est dû, à mon sens, au fait qu’après le changement de gouvernement national, la politique du nouveau gouvernement a également changé ( 21 ).

82. Toutefois, le gouvernement roumain ne s’est pas désisté expressément lors de l’audience de ses observations écrites et des arguments concernant la recevabilité qui y sont présentés. Dès lors, je considère que la Cour reste tenue de répondre aux arguments soulevés par le gouvernement roumain dans ses observations écrites quant à la recevabilité.

83. En prélude commun aux différentes affaires, il est utile de rappeler dans cette partie que, conformément à une jurisprudence constante, il appartient au seul juge national, qui assume la responsabilité de la décision juridictionnelle dans l’affaire au principal, d’apprécier tant la nécessité d’une décision préjudicielle que la pertinence des questions préjudicielles. La Cour est, en principe, tenue de statuer dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation de dispositions du droit
de l’Union. Les questions préjudicielles bénéficient d’une présomption de pertinence. À ce titre, la Cour ne refuse de se prononcer que dans des circonstances limitées, par exemple lorsque les conditions de l’article 94 du règlement de procédure de la Cour ne sont pas remplies ou lorsqu’il est évident que l’interprétation du droit de l’Union concerné n’a aucun rapport avec les faits, ou lorsque les questions sont hypothétiques ( 22 ). C’est à la lumière de ces principes que j’évaluerai les
exceptions d’irrecevabilité soulevées dans les présentes affaires.

1.   L’affaire C‑83/19

84. La recevabilité de cette affaire a suscité deux séries d’objections. La première tient à l’absence de nécessité ou de pertinence des questions posées dans l’affaire au principal. La seconde porte sur l’allégation selon laquelle l’affaire serait devenue sans objet.

85. D’une part, l’inspection judiciaire a fait valoir que les questions soulevées dans l’affaire C‑83/19 ne sont pas pertinentes pour la solution du litige au principal. Cet argument a également été avancé, s’agissant des première et deuxième questions, par le gouvernement roumain dans ses observations écrites, en plus de souligner que la juridiction de renvoi n’avait pas expliqué les raisons pour lesquelles elle considérait que les renvois préjudiciels étaient nécessaires.

86. D’autre part, la Commission a soutenu que le litige au principal était devenu sans objet et que, dès lors, les questions n’étaient plus pertinentes. Elle soutient que, le 15 mai 2019, M. Netejoru a été nommé inspecteur en chef de l’inspection judiciaire pour un nouveau mandat de trois ans, par l’assemblée plénière du CSM, sur le fondement des dispositions de la loi no 317/2004. La Commission estime que les questions préjudicielles ont donc perdu leur pertinence. La nomination ex post de la même
personne, après un concours organisé de manière légale, mettra fin à toute ingérence du pouvoir exécutif dans l’indépendance du pouvoir judiciaire.

87. S’agissant de son défaut de capacité pour représenter l’inspection judiciaire avant le 15 mai 2019, y compris à la date des observations présentées par M. Netejoru au nom de l’inspection judiciaire, la Commission estime qu’il serait possible de remédier à cette situation en appliquant l’article 82, paragraphe 1, du Codul de procedură civilă al României (code de procédure civile roumain). Cette disposition prévoit que, « [l]orsque la juridiction constate le défaut de preuve de la qualité de
représentant de la personne ayant agi au nom de la partie, elle accorde un bref délai pour qu’il y soit remédié ». En conséquence, les questions préjudicielles sont hypothétiques et devraient être rejetées comme irrecevables.

88. Aucune des exceptions d’irrecevabilité soulevées ne me paraît convaincante.

89. En premier lieu, la juridiction de renvoi a expliqué la pertinence des questions préjudicielles aux fins de la procédure au principal. Selon la décision de renvoi, la juridiction nationale doit statuer, à titre préjudiciel, en application des dispositions procédurales nationales, sur les exceptions de procédure susceptibles de rendre superflu l’examen des preuves ou l’examen du fond ( 23 ). À ce stade, la procédure au principal est précisément interrompue en raison de cette objection
procédurale, fondée sur le défaut de pouvoirs de représentation pertinents de M. Netejoru, la personne qui, en sa qualité d’inspecteur en chef, conformément à l’ordonnance d’urgence no 77/2018, a signé le mémoire en défense en tant que représentant de l’inspection judiciaire.

90. Le type d’« effet domino » qu’une réponse donnée par la Cour pourrait éventuellement avoir sur la procédure nationale est assez clair. Si l’opposition incidente devait être accueillie par la juridiction de renvoi, cela conduirait à exclure le mémoire en défense et, implicitement, les éléments de preuve et les objections qui y sont invoqués. Cette décision aurait manifestement des répercussions sur le jugement au fond dans la procédure nationale, concernant la demande de l’association Forum des
juges visant à ce qu’il soit ordonné à l’inspection judiciaire de divulguer certaines informations.

91. J’admets que le contenu des questions préjudicielles soulevées dans la présente affaire est effectivement quelque peu éloigné de l’objet principal de l’affaire au principal, qui demeure le litige relatif à la demande d’information. En outre, il peut sembler quelque peu artificiel de présenter l’ensemble de la question de la désignation, potentiellement problématique, de l’inspecteur en chef de manière substantielle dans le cadre d’un tel recours au principal.

92. Toutefois, le litige pour lequel l’avis de la Cour est sollicité a pour objet la question préalable de la qualité de représentation de M. Netejoru, soulevée à titre d’incident dans la procédure au principal. Le fait que cette procédure porte sur une question incidente n’implique pas un défaut de pertinence et, partant, l’irrecevabilité du renvoi préjudiciel. En effet, la Cour, en appréciant si une question préjudicielle est nécessaire pour permettre à une juridiction de renvoi de « rendre son
jugement » au sens de l’article 267, second alinéa, TFUE, a retenu une interprétation large de cette notion. Cette notion englobe notamment « l’ensemble de la procédure menant au jugement de la juridiction de renvoi, afin que la Cour soit en mesure de connaître de l’interprétation de toutes dispositions procédurales du droit de l’Union que la juridiction de renvoi est tenue d’appliquer pour rendre son jugement » ( 24 ). Cette interprétation a permis de considérer comme recevables des questions
de procédure relatives à l’ensemble du processus d’élaboration de l’arrêt, y compris toutes les questions relatives à la responsabilité des frais de procédure ou à l’obtention de preuves ( 25 ). En outre, la Cour s’est montrée traditionnellement plutôt généreuse par le passé en s’abstenant d’examiner de manière trop approfondie la proximité matérielle des questions soulevées dans le cadre de la procédure au principal ( 26 ).

93. En second lieu, l’objection soulevée par la Commission doit également être écartée. Il est exact que, selon une jurisprudence constante, la procédure préjudicielle présuppose qu’un litige soit pendant devant la juridiction nationale ( 27 ). Cela signifie que, si l’objet du litige a disparu et que les questions déférées deviennent ainsi hypothétiques ou perdent tout lien avec un litige réel, la Cour doit décider qu’il n’est pas nécessaire de statuer sur la demande de décision préjudicielle ( 28
).

94. Or, en l’occurrence, aucun élément du dossier dont dispose la Cour n’indique que l’exception préliminaire soulevée dans l’affaire au principal ou bien la procédure au principal elle‑même aurait perdu son objet. Rien ne confirme que la nomination ultérieure légale de M. Netejoru au poste d’inspecteur en chef aurait des incidences sur la validité des actes de représentation accomplis avant cette nomination.

95. Bien que la Commission ait identifié, de manière appréciable, le droit national potentiellement applicable en la matière, il n’appartient pas à la Cour d’interpréter de telles dispositions. Par ailleurs, il ressort de la décision de renvoi que la juridiction nationale considère qu’elle est tenue de se prononcer sur l’exception procédurale soulevée par la partie requérante et qu’elle doit apprécier la légalité de la représentation de l’inspection judiciaire au moment du dépôt du mémoire en
défense ( 29 ). De ce point de vue, dont seules la ou les juridictions nationales peuvent vérifier l’exactitude, le fait qu’une personne donnée ait été nommée au même poste postérieurement à cette date peut ne pas avoir pour effet de remédier au défaut antérieur de pouvoir de représentation.

96. Au vu des considérations qui précèdent, j’estime que les questions posées dans l’affaire C‑83/19 sont bien recevables.

2.   Les affaires C‑127/19 et C‑355/19

97. Dans ses observations écrites présentées dans l’affaire C‑127/19, le gouvernement roumain a fait valoir que les première, deuxième et troisième questions, relatives à la nature juridique et aux effets de la décision MCV, étaient sans lien avec l’objet du litige au principal. De même, mais en soulevant une exception d’irrecevabilité générale pour l’ensemble des questions posées dans l’affaire C‑127/19, le CSM a soutenu que les questions déférées par la juridiction de renvoi ne portent pas sur
l’interprétation du droit de l’Union, mais invitent la Cour à appliquer ce droit au litige en cause et sollicite un avis consultatif sur des dispositions nationales. Lors de l’audience, le CSM a ajouté que les questions posées ne sont pas pertinentes pour l’objet du litige au principal, lequel porte sur la légalité des deux actes administratifs adoptés par le CSM et non sur la loi instaurant la SEIJ. La juridiction de renvoi n’étant pas compétente pour procéder à l’analyse du droit national, qui
est une question pendante devant la Curtea Constituțională (Cour constitutionnelle), les questions doivent être déclarées irrecevables.

98. Dans ses observations écrites présentées dans l’affaire C‑355/19, le gouvernement roumain a fait valoir que la juridiction de renvoi n’avait pas démontré la pertinence des première, deuxième et quatrième questions aux fins de l’affaire au principal.

99. L’affaire C‑127/19 concerne l’annulation des décisions no 910 et no 911 de l’assemblée plénière du CSM du 19 septembre 2018. La juridiction de renvoi précise que ces actes ont été adoptés en vue de mettre en œuvre les modifications introduites par la loi no 207/2018 et que ces actes visent donc à faciliter le fonctionnement de la SEIJ. Dans ce contexte, la juridiction de renvoi estime nécessaire de clarifier l’interprétation du MCV, de l’article 2, de l’article 4, paragraphe 3, et de
l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE ainsi que de l’article 47 de la Charte en vue de se prononcer sur la conformité de l’instauration de la SIEJ par la loi no 207/2018 à ces dispositions. Cette loi constitue la base juridique des actes dont l’annulation est demandée dans la procédure au principal.

100. Ces explications montrent qu’il existe un lien fonctionnel clair entre les actes en cause au principal et la loi no 207/2018, portant création de la SEIJ. Un constat de non‑conformité au droit de l’Union de la création de la SEIJ aura nécessairement une incidence sur l’appréciation des actes administratifs en cause au principal. En termes simples, si la base est jugée incompatible, il en sera de même pour les actes postérieurs mettant en œuvre cette base.

101. Cela démontre bien, à mon sens, la pertinence des questions soulevées dans l’affaire C‑127/19 aux fins du recours en annulation devant la juridiction de renvoi dans l’affaire au principal. Il y a donc lieu de rejeter les exceptions d’irrecevabilité soulevées dans cette affaire.

102. Dans le même esprit, l’affaire C‑355/19 porte sur l’annulation d’un acte administratif adopté en vue de mettre en œuvre les modifications introduites par la loi no 207/2018 et de faciliter le fonctionnement de la SEIJ. Dans ce contexte, la juridiction de renvoi estime nécessaire de clarifier l’interprétation du MCV, de l’article 2, de l’article 4, paragraphe 3, et de l’article 19, paragraphe 1, TUE ainsi que de l’article 47 de la Charte en vue de se prononcer sur la compatibilité entre ces
dispositions et la création de la SEIJ par la loi no 207/2018, qui est à l’origine de l’adoption des actes dont l’annulation est demandée dans l’affaire au principal.

103. Ces questions sont recevables pour les mêmes raisons que celles valables dans l’affaire C‑127/19 : il s’agit là encore de la logique de la mise en œuvre. En effet, si la base juridique, à savoir l’instauration de la SEIJ par la loi no 207/2018, devait être déclarée non conforme, il en irait de même de l’acte administratif en cause au principal pris pour son exécution.

104. Par conséquent, les première, deuxième et quatrième questions déférées dans l’affaire C‑355/19 sont également recevables.

3.   Les affaires C‑195/19 et C‑291/19

105. Dans ses observations écrites, le gouvernement roumain a contesté la recevabilité de la première question dans l’affaire C‑195/19 et des première, deuxième et troisième questions dans l’affaire C‑291/19. Selon ce gouvernement, ces questions relatives à la nature juridique de la décision MCV et des rapports de la Commission ne sont pas pertinentes aux fins de la procédure au principal dans ces affaires.

106. L’affaire C‑195/19 concerne une affaire en cours mettant en jeu la responsabilité pénale d’un juge. La juridiction de renvoi précise que, si le recours est accueilli, tant le procureur chargé de l’affaire que le procureur de rang supérieur contrôlant ce procureur feront partie de la même entité spéciale (la SEIJ). C’est dans ce contexte que la juridiction de renvoi se trouve dans l’obligation d’examiner si le droit de l’Union s’oppose à une réglementation nationale instituant la SEIJ. C’est à
cette fin qu’elle s’interroge sur la conformité de cette réglementation nationale au MCV et, dans le cadre de la deuxième question dans l’affaire C‑195/19, également à l’article 2 TUE. La juridiction de renvoi relève que, s’il était constaté que le droit de l’Union s’oppose à la réglementation nationale instituant la SEIJ, une telle constatation la conduirait à annuler l’ensemble des actes de procédure pris par cette dernière dans la procédure au principal. La juridiction de renvoi devrait
également tenir compte de la réponse apportée par la Cour lors de la désignation de la division du parquet compétent, dans l’hypothèse où le recours serait accueilli.

107. Ces raisons mettent clairement en évidence la pertinence des première et deuxième questions déférées dans l’affaire C‑195/19 pour la procédure au principal, dans la mesure où la deuxième question porte sur l’article 2 TUE.

108. S’agissant de la recevabilité des première, deuxième et troisième questions dans l’affaire C‑291/19, la juridiction de renvoi a justifié la pertinence de ses questions préjudicielles dans cette affaire par le fait que la poursuite de la procédure au principal implique la participation des procureurs de la SEIJ. Il convient donc de vérifier si le droit de l’Union s’oppose ou non à une réglementation nationale instituant la SEIJ. Dans l’hypothèse où la juridiction de renvoi constaterait le
bien‑fondé du grief formulé par la partie requérante, elle devrait alors transmettre l’affaire à la SEIJ aux fins de poursuites pénales.

109. Au vu de ces précisions, et pour les mêmes raisons que celles qui viennent d’être données en lien avec la première question et, pour partie, avec la deuxième question dans l’affaire C‑195/19, je considère que les première, deuxième et troisième questions dans l’affaire C‑291/19 sont également recevables.

110. Je conviens toutefois avec le gouvernement roumain que la deuxième question déférée dans l’affaire C‑195/19, dans la mesure où elle vise l’article 9 TUE et l’article 67, paragraphe 1, TFUE, ainsi que la troisième question dans cette affaire, doivent être déclarées irrecevables. S’agissant de la troisième question dans l’affaire C‑195/19, le gouvernement roumain a fait valoir qu’une question visant à savoir si le principe de primauté s’oppose à une réglementation nationale permettant à la Curtea
Constituțională (Cour constitutionnelle) d’écarter ce principe par des décisions non susceptibles de recours revêt un caractère « théorique et général » et que, en tant que telle, elle est sans rapport avec l’objet du litige au principal.

111. S’agissant de la deuxième question dans l’affaire C‑195/19, la décision de renvoi ne contient aucune explication démontrant de manière concrète en quoi l’article 9 TUE (proclamant le principe d’égalité des citoyens de l’Union) et l’article 67, paragraphe 1, TFUE (énonçant que l’Union constitue un espace de liberté, de sécurité et de justice) pourraient être pertinents en l’espèce. Cette question, dans la mesure où elle invoque ces dispositions, n’est pas conforme aux exigences énoncées à
l’article 94 du règlement de procédure de la Cour. En effet, selon une jurisprudence constante, il est indispensable que la juridiction nationale donne un minimum d’explications sur les raisons du choix des dispositions du droit de l’Union dont elle demande l’interprétation ainsi que sur le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige qui lui est soumis ( 30 ).

112. La troisième question dans l’affaire C‑195/19 présente, selon moi, le même défaut, auquel s’en ajoute un autre. D’une part, ainsi que le gouvernement roumain l’a relevé à juste titre, cette question est tout aussi loin de satisfaire aux exigences de l’article 94 du règlement de procédure. Elle vise, en substance, à savoir si le principe de primauté s’oppose à une réglementation nationale qui permet, en substance, à la Curtea Constituțională (Cour constitutionnelle) de méconnaître ce principe
par des décisions non susceptibles de recours. Toutefois, la décision de renvoi ne mentionne à aucun moment les dispositions spécifiques ou en quoi elles sont problématiques. En effet, la juridiction de renvoi s’est bornée à citer certains extraits d’arrêts de la Curtea Constituțională (Cour constitutionnelle) dans lesquels cette juridiction prend position sur le MCV dans différentes affaires, sans fournir de contexte ou d’explications sur la question de savoir si ces arrêts concernent des
dispositions nationales liées à l’affaire au principal.

113. D’autre part, telle qu’elle est formulée, cette question comporte également une appréciation implicite (et effectivement peu flatteuse) de la jurisprudence de la Curtea Constituțională (Cour constitutionnelle), invitant la Cour à entériner une certaine lecture de cette jurisprudence dans différentes procédures sans lien entre elles, pour lesquelles peu d’informations sont fournies (de manière sélective), et, ce faisant, à mettre en cause l’autorité institutionnelle d’une juridiction nationale
supérieure. Toutefois, il ne s’agit certainement pas là du rôle de la Cour dans la procédure de décision préjudicielle ( 31 ).

114. Par conséquent, j’estime que la deuxième question préjudicielle dans l’affaire C‑195/19, en ce qu’elle vise l’article 9 TUE et l’article 67, paragraphe 1, TFUE, ainsi que la troisième question déférée dans la même affaire sont irrecevables.

4.   Conclusion intermédiaire sur la recevabilité

115. Je considère que la deuxième question préjudicielle dans l’affaire C‑195/19, dans la mesure où elle se réfère à l’article 9 TUE et à l’article 67, paragraphe 1, TFUE, ainsi que la troisième question préjudicielle dans cette affaire, doivent être déclarées irrecevables. Pour le reste, les questions préjudicielles dans les cinq présentes affaires sont, à mon sens, recevables.

116. Toutefois, dans un souci de clarté, je regrouperai l’ensemble des questions posées dans les présentes affaires sous des questions concernant le droit applicable qui, une fois tranchées, constitueront le cadre des deux éléments de fond traités par les présentes affaires.

117. Premièrement, les juridictions de renvoi dans les présentes affaires ont formulé leurs questions au regard de plusieurs actes du droit de l’Union. D’une part, des questions portent sur la nature, la valeur juridique et les effets du MCV ( 32 ), et sur le point de savoir si les règles nationales en cause relèvent du champ d’application de ce mécanisme ( 33 ). D’autre part, les questions portent également sur l’interprétation de l’article 47 de la Charte, ainsi que de l’article 2, de l’article 4,
paragraphe 3, et de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE ( 34 ).

118. Deuxièmement, ces questions relatives au cadre réglementaire d’analyse adéquat sont posées en vue d’obtenir une interprétation du droit de l’Union qui permettra au juge national d’apprécier la conformité auxdites règles de l’Union des dispositions nationales en cause, portant sur la nomination par intérim à la direction de l’inspection judiciaire ( 35 ) et l’instauration de la SEIJ ( 36 ).

119. Dans la suite des présentes conclusions, j’examinerai donc, dans un premier temps, les dispositions pertinentes du droit de l’Union (la décision MCV, l’article 47 de la Charte, l’article 2 et l’article 19, paragraphe 1, TUE) et les critères qu’elles fixent aux fins des présentes affaires (B). Dans un second temps, j’appliquerai les critères découlant de ces dispositions, dans le cadre des dispositions nationales en cause, afin d’aider les juridictions de renvoi sur les questions de fond
pendantes devant elles (C).

B. Le droit de l’Union et les critères pertinents

1.   Sur le MCV

120. Les différentes décisions de renvoi dans l’ensemble des affaires examinées dans les présentes conclusions ont soulevé plusieurs questions relatives à la nature, à la valeur juridique et aux effets de la décision MCV ainsi que des rapports adoptés sur la base de cette décision.

121. Premièrement, la décision MCV et les rapports de la Commission adoptés sur la base de cette décision constituent-ils des actes des institutions de l’Union aux fins de l’article 267 TFUE, et la Cour peut-elle les interpréter ( 37 ) ? Deuxièmement, le contenu, le caractère et la durée dans le temps du MCV relèvent-ils du champ d’application du traité d’adhésion ( 38 ) ? Troisièmement, les juridictions de renvoi souhaitent savoir si les exigences prévues par le MCV ( 39 ) et par les rapports de la
Commission adoptés dans le cadre du MCV revêtent un caractère contraignant ( 40 ). Quatrièmement, il est également demandé si l’article 2 TUE, en combinaison avec l’article 4, paragraphe 3, TUE, doit être interprété en ce sens que l’obligation pour la Roumanie de se conformer aux exigences énoncées dans les rapports MCV fait partie de l’obligation de se conformer à l’état de droit ( 41 ) et si cette obligation s’applique à la nomination par intérim à la direction de l’inspection judiciaire ( 42
) et à l’instauration de la SEIJ ( 43 ).

122. J’aborderai successivement toutes ces questions de la manière suivante. Je commencerai par confirmer que la décision MCV et les rapports adoptés par la Commission sur la base de cette décision constituent bien des actes de l’Union [sous a)]. J’examinerai ensuite si le traité d’adhésion constitue la base juridique appropriée de la décision MCV [sous b)]. Puis, je me pencherai sur la question de la valeur juridique et des effets du MCV et des rapports de la Commission adoptés dans le cadre de
celui‑ci [sous c)]. Enfin, je terminerai cette partie en examinant si les mesures nationales en cause dans les présentes affaires relèvent du champ d’application du MCV [sous d)].

a)   La décision MCV et les rapports MCV sont-ils des actes de l’Union ?

123. Toutes les parties intéressées ayant présenté des observations sur ce point ( 44 ), à l’exception du CSM, s’accordent à considérer que cette question appelle une réponse affirmative. Le CSM a fait valoir dans ses observations écrites que la décision MCV constituait un instrument de coopération de la Commission et non un acte législatif pouvant relever de la compétence de la Cour en vertu de l’article 267 TFUE. Toutefois, lors de l’audience, cet organisme a précisé que la décision MCV est un
acte contraignant, même si les recommandations qu’elle contient sont dépourvues de caractère contraignant.

124. Selon moi, il ne fait aucun doute que, nonobstant la question du caractère éventuellement contraignant de la décision MCV et des rapports adoptés sur la base de celle‑ci, ils constituent tous des actes du droit de l’Union et que la Cour est dès lors compétente pour les interpréter dans le cadre de la procédure préjudicielle prévue à l’article 267 TFUE.

125. En premier lieu, la décision MCV constitue une décision aux fins de l’article 288, quatrième alinéa, TFUE. Elle a été adoptée par la Commission sur la base des articles 37 et 38 de l’acte d’adhésion. Je ne vois donc pas en quoi elle ne constituerait pas un « acte pris par les institutions » au sens de l’article 267 TFUE.

126. En second lieu, il en va de même pour les rapports adoptés par la Commission sur la base de la décision MCV. Là encore, abstraction faite de la question de leur caractère (non) obligatoire, qui est une question différente, l’article 267 TFUE confère à la Cour la compétence pour statuer à titre préjudiciel sur la validité et l’interprétation des actes pris par les institutions de l’Union, sans exception aucune ( 45 ). La compétence de la Cour ne se limite donc pas aux actes ayant des effets
obligatoires ( 46 ), comme cela a été confirmé à différentes occasions dans lesquelles la Cour s’est prononcée sur l’interprétation de recommandations ou d’autres actes de soft law atypiques dans des décisions préjudicielles ( 47 ).

127. Par conséquent, il convient de répondre à la première question dans les affaires C‑83/19, C‑127/19, C‑291/19 et C‑355/19 que la décision MCV ainsi que les rapports établis par la Commission sur la base de cette décision constituent des actes pris par une institution de l’Union au sens de l’article 267 TFUE et, partant, susceptibles d’être interprétés par la Cour en vertu de cette disposition.

b)   L’acte d’adhésion est-il une base juridique appropriée ?

128. Plusieurs questions préjudicielles portent sur le point de savoir si « le contenu, le caractère et la durée » du MCV relèvent « du champ d’application du traité d’adhésion » ( 48 ). Selon moi, ces questions visent essentiellement à clarifier si la décision MCV, dans son caractère, sa portée et sa forme actuels, aurait pu être valablement fondée sur le traité d’adhésion. Ainsi formulée, la question d’interprétation se rapproche plutôt de la contestation inavouée de la validité d’un acte du droit
de l’Union ( 49 ).

129. Sur la base des arguments présentés au cours de cette procédure, je ne vois aucune raison pour laquelle la décision MCV actuelle n’aurait pas pu être adoptée sur la base du traité d’adhésion et de l’acte d’adhésion. Il en va ainsi eu égard à sa base juridique formelle [sous 1)], à son contenu et ses objectifs [sous 2)] ainsi qu’à sa durée [sous 3)].

1) Sur la base juridique formelle

130. En ce qui concerne sa base juridique formelle, la décision MCV a été adoptée à titre de mesure de sauvegarde sur la base des articles 37 et 38 de l’acte d’adhésion. L’article 4, paragraphe 3, du traité d’adhésion habilite les institutions de l’Union à adopter les mesures prévues, notamment, aux articles 37 et 38 de l’acte d’adhésion, avant l’adhésion des États membres concernés. Conformément à ces dispositions, dites « clauses de sauvegarde », ces mesures n’entrent en vigueur que sous réserve
et à la date d’entrée en vigueur du traité d’adhésion. L’article 2, paragraphe 2, du traité d’adhésion précise que les dispositions de cet acte font partie intégrante dudit traité.

2) Sur le contenu et les objectifs

131. Du point de vue du contenu des mesures susceptibles d’être prises sur le fondement des articles 37 et 38 de l’acte d’adhésion, ces dispositions habilitent la Commission à adopter respectivement, à la demande d’un État membre ou de sa propre initiative, des « mesures appropriées » dans deux cas de figure.

132. D’une part, l’application de l’article 37, la « clause de sauvegarde concernant le marché intérieur », peut être déclenchée si la Roumanie n’a pas donné suite aux engagements qu’elle a pris dans le cadre des négociations d’adhésion, et provoque ainsi, ou risque de provoquer à très brève échéance, un dysfonctionnement grave du marché intérieur. D’autre part, l’application de l’article 38 peut être déclenchée si de graves manquements ou un risque imminent de manquements graves sont constatés en
ce qui concerne la transposition, l’état d’avancement de la mise en œuvre ou l’application des instruments de coopération et décisions afférents à la reconnaissance mutuelle dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice ( 50 ).

133. L’examen des objectifs et du contenu de la décision MCV montre que celle‑ci peut aisément être rattachée au type de mesures prévues aux articles 37 et 38 de l’acte d’adhésion.

134. S’agissant des objectifs de la décision MCV, son considérant 4 fait état de manquements justifiant le recours aux mesures de sauvegarde prévues aux articles 37 et 38 de l’acte d’adhésion. Tout en relevant les efforts déployés pour achever la préparation de la Roumanie en vue de son adhésion à l’Union, ce considérant indique que la Commission a identifié, dans son rapport du 26 septembre 2006 ( 51 ), des « questions en suspens », en particulier en ce qui concerne la responsabilisation et
l’efficacité du système judiciaire et des instances chargées de faire appliquer la loi. De nouveaux progrès ont été jugés nécessaires « pour garantir la capacité de ces organes à mettre en œuvre et à appliquer les mesures adoptées pour établir le marché intérieur et l’espace de liberté, de sécurité et de justice ». Après avoir rappelé, au considérant 5, que les mesures visées par les articles 37 et 38 de l’acte d’adhésion pouvaient être prises en cas de « risques imminents », la Commission a
estimé que de tels risques existaient. Le considérant 6 explique ainsi que les « questions en suspens » relatives à la responsabilisation et à l’efficacité du système judiciaire et des instances chargées de faire appliquer la loi justifient la mise en place d’un MCV afin d’évaluer les progrès réalisés par la Roumanie en vue d’atteindre certains objectifs de référence spécifiques en matière de réforme du système judiciaire et de lutte contre la corruption.

135. La raison sous‑jacente au MCV est donc l’existence de risques imminents pour le fonctionnement du marché intérieur et de l’espace de liberté, de sécurité et de justice en raison des manquements constatés dans le système judiciaire et dans la lutte contre la corruption en Roumanie. Cet objectif paraît pleinement conforme aux articles 37 et 38 de l’acte d’adhésion.

136. D’autre part, du point de vue du contenu des mesures susceptibles d’être prises sur la base de ces dispositions, il ressort du libellé des articles 37 et 38 de l’acte d’adhésion que le terme « mesures » est suffisamment large pour englober un acte tel que la décision MCV. Aucune de ces dispositions ne contient une énumération exhaustive des mesures qui peuvent être prises sur son fondement. La seule mesure expressément mentionnée est la suspension de la reconnaissance mutuelle prévue à
l’article 38 de l’acte d’adhésion. Ainsi, les articles 37 et 38 de l’acte d’adhésion fixent simplement des limites négatives auxquelles les mesures doivent se conformer ; les mesures doivent respecter le principe de proportionnalité et ne doivent pas être discriminatoires.

137. Si les articles 37 et 38 de l’acte d’adhésion peuvent tous deux légitimement être utilisés pour suspendre (en définitive) la reconnaissance mutuelle ou certains éléments du marché intérieur et ne contiennent pas non plus de liste fermée des mesures susceptibles d’être adoptées sur leur fondement, il n’y a alors pas seulement une mesure possible, mais plutôt une échelle de mesures. En d’autres termes, s’il est possible de suspendre, il doit également être possible, au nom de la proportionnalité
expressément mentionnée dans ces dispositions, de prendre, a fortiori, une mesure beaucoup plus simple et en ce sens bien plus proportionnée de coopération et de vérification. La possibilité de prendre d’autres mesures d’application des articles 37 et 38 plus restrictives n’enlève rien au fait que des mesures déjà moins strictes, telles que le MCV, peuvent être adoptées sur la base de ces dispositions et en conformité avec le principe de proportionnalité.

3) Sur la durée du MCV

138. Les articles 37 et 38 de l’acte d’adhésion prévoient les mêmes limitations dans le temps. En premier lieu, les deux dispositions indiquent que les mesures peuvent être prises, en principe, jusqu’à la fin d’une période allant jusqu’à trois ans après l’adhésion. Toutefois, ces deux dispositions prévoient également 1°) que les clauses de sauvegarde peuvent être invoquées avant même l’adhésion sur la base des résultats du suivi et que les mesures adoptées entrent en vigueur à partir du premier jour
de l’adhésion, sauf si elles prévoient une date ultérieure, et 2°) que les mesures peuvent être appliquées au-delà de la période de trois ans, aussi longtemps que ces manquements perdurent. Malgré la possibilité de maintenir les mesures pendant une durée indéterminée, les articles 37 et 38 de l’acte d’adhésion indiquent tous expressément 3°) que les mesures ne seront maintenues que pendant la durée strictement nécessaire et, en tout état de cause, qu’elles seront levées une fois l’engagement
concerné exécuté.

139. Là encore, aucun élément indiquant que la décision MCV ne respecterait pas ces exigences n’a été apporté au cours de la présente procédure. En premier lieu, cette décision a été adoptée plusieurs jours avant l’adhésion, le 13 décembre 2006, sur la base des conclusions du rapport du 26 septembre 2006, comme le rappelle le considérant 4 de la décision MCV. En deuxième lieu, les mesures ont été maintenues au-delà de la période de trois ans suivant l’adhésion sur la base du constat que les
manquements ayant conduit à l’adoption de la décision MCV continuaient à perdurer. En troisième lieu, le considérant 9 de la décision MCV fait observer que cette décision sera abrogée lorsque tous les objectifs de référence auront été remplis de manière satisfaisante. À cet égard, il y a lieu de relever que la levée du MCV était prévue dans le rapport de 2017 et n’a été suspendue qu’après les constatations négatives du rapport du 13 novembre 2018, qui font l’objet des présentes affaires.

140. J’estime que l’analyse à ce titre doit s’arrêter ici. Il existe naturellement la question sous‑jacente et plus approfondie de la proportionnalité, qui resurgit parfois dans le cadre de l’argumentation sur la mesure dans laquelle il est approprié ou nécessaire de maintenir ce qui n’était destiné à n’être qu’un système temporel post-adhésion depuis plus de treize ans. Toutefois, cette boîte de Pandore spécifique peut être laissée fermée en toute sécurité dans le cadre de la présente procédure,
dans laquelle aucune des parties n’a suggéré que les conditions matérielles d’applicabilité continue de la décision MCV, énoncées aux deux points précédents, n’étaient plus réunies.

4) Conclusion intermédiaire

141. L’examen de la première partie de la deuxième question déférée dans les affaires C‑83/19, C‑127/19 et C‑355/19 n’a révélé aucun élément de nature à mettre en doute le fait que la décision MCV, dans sa forme actuelle, a été valablement adoptée et peut être maintenue sur le fondement du traité d’adhésion.

c)   Sur les effets du MCV

142. Une autre question posée par les juridictions de renvoi dans les présentes affaires est celle de savoir si la décision MCV [sous 1)] et les rapports de la Commission adoptés sur la base de cette décision [sous 2)] ont un caractère obligatoire pour la Roumanie.

1) Sur les effets juridiques de la décision MCV

143. Les gouvernements belge et néerlandais ont fait valoir que la décision MCV était obligatoire en tous ses éléments. De même, le gouvernement suédois, dans ses observations écrites, ainsi que l’association Forum des juges et le procureur général, lors de l’audience, ont soutenu que la décision MCV et les objectifs de référence visés à son annexe sont juridiquement contraignants pour la Roumanie.

144. Le gouvernement roumain a fait valoir dans ses observations écrites que la seule obligation imposée à la Roumanie par la décision MCV était celle de rendre compte périodiquement à la Commission de l’état d’avancement par rapport aux objectifs de référence visés à l’annexe de cette décision. Ce gouvernement a modifié sa position lors de l’audience et a soutenu que les objectifs de référence visés à l’annexe de la décision MCV concrétisent les conditions du traité d’adhésion, conformément aux
valeurs et aux principes visés aux articles 2 et 19 TUE.

145. La décision MCV est une décision au sens de l’article 288, quatrième alinéa, TFUE. Comme le prévoit cette disposition, les décisions sont obligatoires dans tous leurs éléments pour leurs destinataires. Conformément à l’article 4 de la décision MCV, les États membres sont destinataires de cette décision. Au moment de son adoption, la Roumanie n’était en effet pas encore membre, mais, dans ce contexte spécifique, le caractère obligatoire des actes de l’Union adoptés avant l’adhésion découle
(également) de l’article 2 de l’acte d’adhésion : « Dès l’adhésion, les dispositions des traités originaires et les actes pris, avant l’adhésion, par les institutions et la [BCE] lient la Bulgarie et la Roumanie et sont applicables dans ces États dans les conditions prévues par ces traités et par le présent acte. »

146. Ainsi, la décision MCV présente clairement un caractère obligatoire. La véritable question est plutôt de savoir quelles sont les obligations imposées par la décision MCV à la Roumanie.

147. L’obligation juridique imposée à la Roumanie, formulée sans équivoque, figure à l’article 1er de la décision MCV : « Chaque année, le 31 mars au plus tard […], la Roumanie fait rapport à la Commission sur les progrès qu’elle a réalisés en vue d’atteindre chacun des objectifs de référence exposés dans l’annexe. » Il existe donc une obligation de présenter des rapports.

148. Toutefois, les obligations imposées à la Roumanie sur la base de l’article 1er de la décision MCV ne se limitent certainement pas à l’envoi de rapports annuels dans un délai déterminé. En effet, l’obligation imposée à l’article 1er ne consiste pas seulement à présenter un rapport, mais à signaler l’état d’avancement de la prise en compte de chacun des objectifs de référence énumérés à l’annexe de la décision MCV. Ainsi, l’article 1er de la décision MCV énonce également l’obligation d’atteindre
les objectifs définis dans les objectifs de référence énoncés à l’annexe de cette décision. En outre, l’article 1er, deuxième alinéa, qui habilite la Commission à fournir une assistance technique au moyen de différentes activités ou à recueillir et à échanger des informations sur les objectifs de référence ainsi qu’à organiser à cette fin des missions d’expertise en Roumanie, indique également que les autorités roumaines lui apportent le soutien nécessaire dans ce contexte.

149. Ainsi, faire état des progrès réalisés exige que certains efforts soient déployés dans une certaine direction. La logique de cette disposition ne serait guère assurée en faisant mécaniquement état annuellement du fait que les choses demeurent plus ou moins inchangées. Dans un tel contexte, je n’accorderai pas trop d’importance à l’argument textuel tiré de l’annexe de la décision MCV.
En effet, dans certaines versions linguistiques, l’annexe se réfère, de manière quelque peu vague, aux « objectifs de référence que la Roumanie doit prendre en compte » ( 52 ). En revanche, un certain nombre d’autres versions linguistiques prévoient clairement une obligation de les atteindre ( 53 ).

150. Par ailleurs, le caractère contraignant de l’obligation de se conformer progressivement aux objectifs de référence énumérés à l’annexe de la décision MCV est clairement mis en exergue par la place de cette dernière dans le cadre des obligations découlant du traité d’adhésion. La décision MCV a rendu l’adhésion possible malgré la persistance de préoccupations liées à l’existence de graves manquements en matière de réforme judiciaire et de lutte contre la corruption en Roumanie. On ne saurait
donc s’étonner que la décision MCV comporte une obligation spécifique pour la Roumanie d’atteindre les objectifs prévus par les objectifs de référence contenus dans l’annexe. Loin d’être envisagée comme une simple recommandation, la décision MCV a été adoptée sur la base des articles 37 et 38 de l’acte d’adhésion en tant que mesure de sauvegarde, essentielle pour permettre l’adhésion avant le 1er janvier 2007.

151. De manière générale, les objectifs de référence du MCV sont liés et précisent l’exigence de l’état de droit prévue à l’article 2 TUE, auquel l’article 49 TUE fait référence comme condition préalable à l’adhésion. Conformément à l’article 49 TUE, seuls les États qui respectent les valeurs visées à l’article 2 TUE et qui s’engagent à les promouvoir peuvent demander à devenir membres de l’Union. Le préambule de la décision MCV souligne le rôle central de l’état de droit pour l’Union et, en
particulier, pour l’espace de liberté, de sécurité et de justice, ainsi que la nécessité implicite, pour tous les États membres, de disposer d’un système judiciaire et administratif impartial et indépendant pour lutter contre la corruption ( 54 ).

152. Le rôle du MCV dans le processus d’adhésion était déterminant dans ce contexte. Les préoccupations concernant le système judiciaire et la lutte contre la corruption ont subsisté lors des négociations précédant l’adhésion et ont été expressément mentionnées à l’annexe IX de l’acte d’adhésion dans la liste des engagements spécifiques pris et des exigences acceptées par la Roumanie à l’issue des négociations d’adhésion le 14 décembre 2004 ( 55 ). Conformément à l’article 39, paragraphe 2, de
l’acte d’adhésion, le non‑respect de ces engagements aurait pu conduire le Conseil à reporter d’un an la date d’adhésion. Ainsi que l’a relevé le gouvernement belge, les objectifs de référence reflètent les engagements pris par la Roumanie dans le cadre des négociations d’adhésion, comme l’illustre l’annexe IX de l’acte d’adhésion. On peut donc considérer, ainsi que l’a fait valoir le gouvernement danois lors de l’audience, que le MCV était une condition essentielle dans le cadre de la
signature du traité d’adhésion par tous les États membres, tout en gardant à l’esprit la persistance de manquements significatifs. Ces manquements, tels que constatés par le dernier rapport de préadhésion de la Roumanie établi par la Commission, servent de fondement à l’adoption de la décision MCV.

153. Dans un tel contexte historique et réglementaire, une interprétation de la décision MCV selon laquelle les objectifs de référence figurant à son annexe ne lieraient pas la Roumanie aurait pour conséquence que le MCV dans son ensemble donnerait carte blanche à la Roumanie pour ne pas respecter des exigences essentielles de l’adhésion.

154. Comme l’a fait remarquer le gouvernement suédois, un autre élément soulignant le caractère contraignant de l’obligation d’atteindre les objectifs énoncés dans les objectifs de référence du MCV réside dans les conséquences juridiques importantes attachées au non‑respect de cette obligation. Comme l’indique le considérant 7 de la décision MCV, si les objectifs de référence ne sont pas atteints, la Commission indique qu’elle pourra appliquer d’autres mesures de sauvegarde sur la base des
articles 37 et 38 de l’acte d’adhésion, y compris la suspension de la reconnaissance mutuelle. En outre, les conséquences juridiques spécifiques d’une hypothétique infraction pouvant découler du régime spécifique du MCV n’empêchent pas, à elles seules, le recours aux instruments d’exécution ordinaires au moyen d’une procédure en manquement en cas de non‑respect par la Roumanie des obligations qui lui incombent en vertu de la décision MCV ( 56 ).

155. En résumé, je considère que la décision MCV, même si elle utilise les termes d’« objectifs de référence », constitue, quant à sa substance et à son contenu, une réglementation contraignante de l’Union. Dans un contexte de préadhésion, l’évaluation comparative (benchmarking) peut relever de la conditionnalité politique pour mesurer le progrès qui conduit à l’adhésion. Dans un contexte postérieur à l’adhésion, elle devient une règle de droit édictée au moyen d’un instrument juridique
contraignant, une décision, imposant des obligations spécifiques, dont la violation est susceptible d’entraîner des conséquences juridiques. Au-delà des possibilités de constater et de sanctionner un éventuel manquement par les voies ordinaires du droit de l’Union, les conséquences du non‑respect, peuvent également avoir un effet significatif sur la participation de la Roumanie au marché intérieur ainsi que sur l’espace de liberté, de sécurité et de justice.

156. Quant au contenu de ces obligations, outre l’obligation de présenter des rapports, il existe également une obligation claire de déployer tous les efforts possibles pour se conformer aux objectifs de référence figurant à l’annexe de la décision MCV.

2) Sur les effets juridiques des rapports MCV

157. Les juridictions de renvoi ont également interrogé la Cour sur la valeur juridiquement contraignante des rapports établis par la Commission sur la base de la décision MCV ainsi que des recommandations de la Commission de Venise et du GRECO.

158. Lors de l’audience, l’association Forum des juges et OL ont soutenu que, considérées conjointement avec la décision MCV, les recommandations figurant dans les rapports de la Commission avaient des effets juridiques contraignants. Dans le même ordre d’idées, le gouvernement roumain a fait valoir, lors de l’audience, que, en dépit de leur nature sui generis et de leur absence de caractère obligatoire, les recommandations contenues dans les rapports ne sauraient être ignorées, et, compte tenu de
l’obligation de coopération loyale prévue à l’article 4, paragraphe 3, TUE, elles doivent être respectées et deviennent même contraignantes lorsque la Roumanie prend des mesures législatives ou administratives dans les domaines couverts par les objectifs de référence visés à l’annexe de la décision MCV.

159. En revanche, la Commission et le procureur général ont fait valoir que la nature juridique des rapports présentés par la Commission dans le cadre du MCV n’était pas celle d’une recommandation aux fins de l’article 288, cinquième alinéa, et de l’article 292 TFUE, puisqu’il s’agit plutôt d’un acte juridique sui generis adopté sur la base de la décision MCV.

160. Il résulte de ces considérations que, dans le cadre du rôle spécifique que jouent les recommandations contenues dans le rapport MCV dans le système mis en place par la décision MCV, elles constituent bien plus que des recommandations « traditionnelles ». Comme l’ont fait observer les gouvernements néerlandais et suédois, les rapports MCV sont des instruments d’évaluation. Les rapports sont adoptés sur la base de l’article 2 de la décision MCV et, comme le souligne la Commission, ils sont
adressés au Parlement et au Conseil. Aux termes de cette disposition, la Commission « transmettra [...] au [Parlement] et au Conseil ses propres commentaires et conclusions sur le rapport présenté par la Roumanie ». Les rapports fournissent donc le cadre méthodologique permettant d’évaluer ces progrès. Les mesures contenues dans les recommandations reprises dans les rapports expriment, de manière spécifique, les objectifs de référence d’une manière qui permet d’évaluer les progrès réalisés par
la Roumanie, ce qui conduira, finalement, à mettre un terme au MCV.

161. Partant, les effets juridiques des rapports à l’égard de la Roumanie dérivent des obligations découlant du principe de coopération loyale consacré à l’article 4, paragraphe 3, TUE. En effet, les rapports constituent la base permettant d’apprécier si la Roumanie remplit ses obligations en ce qui concerne les objectifs de référence du MCV. Ces rapports contiennent des recommandations spécifiques pour guider les efforts déployés par la Roumanie. Comme le souligne la Commission, les recommandations
visent à soutenir la Roumanie dans la réalisation des objectifs de la décision MCV. Étant donné que les objectifs de référence concrétisent les conditions du traité d’adhésion et que la décision MCV a été adoptée sur la base de cet acte, la Roumanie est soumise à une obligation de coopération renforcée sur le fondement du MCV. La coopération loyale ne se limite donc pas à rendre simplement compte de l’état d’avancement, mais inclut plutôt l’obligation de tenir compte des recommandations lors de
l’adoption des mesures législatives ou administratives dans les domaines couverts par les objectifs de référence de la décision MCV.

162. Par conséquent, comme le soutient le gouvernement belge, pour se conformer aux objectifs de référence de la décision MCV, la Roumanie peut soit adopter les mesures recommandées, soit prendre d’autres mesures adéquates pour atteindre ces objectifs. En tout état de cause, cet État membre est obligé de tenir compte des rapports de la Commission, à la lumière de l’article 4, paragraphe 3, TUE. L’obligation de coopération loyale implique également l’obligation de coopérer avec la Commission dans le
cadre du MCV et de s’abstenir de toute mesure susceptible de mettre en péril la réalisation des objectifs énoncés dans les objectifs de référence.

163. Selon moi, comparer les effets juridiques des rapports MCV à ceux des recommandations formulées au titre de l’article 288TFUE, puis discuter du point de savoir lesquels d’entre eux sont les plus sui generis, n’est peut-être pas un exercice très utile ( 57 ). Dans les développements qui suivent, je préfère donc décrire quel devrait être, selon moi, le rôle propre des rapports MCV.

164. En premier lieu, je partage l’approche globale adoptée par les gouvernements belge, danois et suédois. J’estime également que, s’agissant de leur contenu spécifique, les rapports établis par la Commission sont dépourvus de caractère obligatoire. Ils devraient être lus et étudiés, et en ce sens pris en compte par la Roumanie lorsqu’elle cherche à atteindre les objectifs figurant dans les objectifs de référence MCV. Toutefois, cela ne signifie pas qu’il y ait lieu de suivre toutes les
recommandations spécifiques contenues dans ces rapports. Il existe une obligation de coopérer, mais pas de copier littéralement.

165. En deuxième lieu, cela inclut naturellement la possibilité de ne pas suivre les recommandations. La Roumanie, comme tout État membre, conserve la faculté de concevoir ses institutions et procédures nationales comme elle l’entend. Toutefois, dans le cadre de la conception de ces autres modèles et procédures, la Roumanie doit être en mesure de démontrer, ou à tout le moins d’indiquer au niveau d’une hypothèse plausible, comment ces autres modèles contribuent à la réalisation des objectifs de
référence figurant à l’annexe de la décision MCV.

166. En troisième lieu, contrairement à ce qui a déjà été indiqué à propos de la décision MCV ( 58 ), les recommandations spécifiques contenues dans les rapports ne sont pas opposables au titre d’une obligation légale autonome. Logiquement, puisque les rapports MCV ne contiennent pas d’obligations juridiques contraignantes, ils ne sauraient en eux‑mêmes être invoqués, que ce soit devant les juridictions de l’Union ou devant les juridictions nationales.

167. Cela n’exclut toutefois pas que lesdits rapports, comme d’autres types de sources, puissent être pris en considération et mentionnés lorsqu’ils sont censés éclairer l’interprétation de mesures de l’Union ou de mesures nationales. Cela peut naturellement se produire, de la même manière que pour toute autre valeur purement indicative (par opposition au caractère obligatoire), qui peut aller du procès-verbal du Conseil européen aux citations mémorables de Terry Pratchett ou à Alice au pays des
merveilles (dans les cultures juridiques les plus discursives, pour ne pas dire verbeuses), en passant par des travaux d’Immanuel Kant.

168. Toutefois, il convient de souligner clairement dans le cadre des présentes questions préjudicielles que, en raison de l’absence de caractère juridiquement obligatoire des rapports MCV, les juges nationaux ne peuvent pas, en vertu du droit de l’Union, se fonder sur les recommandations contenues dans ces rapports pour écarter l’application de dispositions nationales qu’ils estiment contraires à de telles recommandations.

169. Enfin, sur une problématique voisine, la deuxième question posée dans l’affaire C‑291/19 interroge sur l’obligation pour la Roumanie de procéder à des modifications législatives, qui seraient conformes aux recommandations de la Commission de Venise et du GRECO.

170. Les rapports de la Commission de Venise et du GRECO sont souvent mentionnés dans les rapports MCV de la Commission. Au regard du droit de l’Union, ces rapports constituent, dans ce contexte, une source d’information utile et des orientations probantes concernant les normes pertinentes pour évaluer la conformité aux objectifs de référence MCV. Les deux organismes internationaux fournissent des rapports qui font autorité dans des domaines étroitement liés aux objectifs de référence relatifs à
l’efficacité du système judiciaire et à la lutte contre la corruption.

171. Toutefois, à la lumière des considérations qui précèdent concernant l’absence d’effets juridiques obligatoires des rapports MCV eux‑mêmes, ces derniers ne sauraient rendre obligatoires les rapports établis par ces autres organismes internationaux. Leurs constatations, dans la mesure où elles sont visées de manière spécifique par les rapports de la Commission, ne peuvent que déclencher le même type d’obligations liées à la coopération loyale que les recommandations figurant dans les rapports MCV
eux‑mêmes ( 59 ).

172. Toutefois, les considérations qui précèdent apportent la réponse à apporter au regard du droit de l’Union. Cela n’empêche ni n’affecte la possibilité que de tels rapports se voient reconnaître un statut différent au regard du droit national (constitutionnel), dans le respect des obligations de droit international qui incombent, de manière autonome, aux États membres.

d)   Les mesures nationales litigieuses relèvent-elles du champ d’application du MCV ?

173. Enfin, comme je l’ai indiqué au point 117 des présentes conclusions, il reste à clarifier une dernière question relative au rôle de la décision MCV dans les présentes affaires : les mesures nationales en cause dans ces affaires relèvent-elles du champ d’application de cet instrument juridique de l’Union ?

174. Interrogée sur cette question lors de l’audience, la Commission a confirmé que, selon elle, les modifications des lois sur la justice en cause dans les présentes affaires relèvent toutes du champ d’application de la décision MCV.

175. Je partage cet avis.

176. Le premier, le troisième et le quatrième objectifs de référence de l’annexe à la décision MCV sont pertinents pour apprécier si les mesures nationales en cause dans les présentes affaires relèvent du MCV : 1) « Garantir un processus judiciaire à la fois plus transparent et plus efficace, notamment en renforçant les capacités et la responsabilisation du Conseil supérieur de la magistrature […] », 3) « Continuer, en se basant sur les progrès déjà accomplis, à mener des enquêtes professionnelles
et non partisanes sur les allégations de corruption de haut niveau » et 4) « Prendre des mesures supplémentaires pour prévenir et combattre la corruption, en particulier au sein de l’administration locale ».

177. Le libellé du premier objectif de référence est particulièrement large. Pratiquement toutes les questions liées à la conception institutionnelle du pouvoir judiciaire pourraient être subsumées sous la formule « Garantir un processus judiciaire à la fois plus transparent et plus efficace ». Toutefois, l’extraordinaire portée de cet objectif de référence n’est absolument pas surprenante si on la considère à la lumière de la situation particulière des États membres auxquels s’applique le MCV ( 60
).

178. Dans ce contexte et, notamment à la lumière du premier objectif de référence, il ne fait guère de doute que les dispositions en cause dans les présentes affaires, qui portent sur la nomination aux postes de direction de l’Inspection judiciaire, ainsi que celles relatives à la création et au fonctionnement de la SIEJ relèvent du champ d’application de la décision MCV. Ces dispositions ont été introduites par la modification de certains aspects institutionnels centraux des « lois sur la
justice », qui forment le cadre législatif central de l’organisation du système judiciaire roumain.

179. En effet, premièrement, l’Inspection judiciaire est un organisme doté de la personnalité juridique au sein du CSM, dont la responsabilité et la transparence sont expressément énoncées comme une finalité du premier objectif de référence. Deuxièmement, l’Inspection judiciaire joue un rôle essentiel dans le cadre des procédures disciplinaires au sein du pouvoir judiciaire, directement lié à l’objectif de renforcement de la responsabilisation, et donc de l’efficacité du système judiciaire.
Troisièmement, la structure institutionnelle actuelle de l’Inspection judiciaire est étroitement liée aux recommandations du MCV. Il ressort du dossier soumis à la Cour que c’est en lien avec les informations figurant dans les rapports MCV de 2010 et de 2011 ( 61 ) que l’Inspection judiciaire a été réorganisée en 2012 et instituée en tant qu’organe distinct doté de la personnalité juridique et de l’indépendance opérationnelle au sein du CSM et dirigé par un Inspecteur en chef et un Inspecteur
en chef adjoint nommés au terme d’une procédure de concours ( 62 ).

180. Pour des raisons analogues, je considère que la création de la SIEJ relève également du premier objectif de référence visé à l’annexe de la décision MCV. La création de la SIEJ affecte le régime de responsabilité pénale des juges qui, conjointement avec les procédures disciplinaires qui leur sont applicables, est non seulement intrinsèquement lié à la responsabilité des magistrats, mais également susceptible de se rattacher à l’efficacité de la procédure judiciaire.

181. Par ailleurs, la création de la SIEJ est également liée aux troisième et quatrième objectifs de référence figurant à l’annexe de la décision MCV, selon lesquels la Roumanie accepte de continuer à mener des enquêtes sur des allégations de corruption de haut niveau, en s’appuyant sur les progrès déjà accomplis, et à prendre d’autres mesures pour prévenir et lutter contre la corruption. En effet, l’une des préoccupations centrales exprimées par les décisions de renvoi dans les affaires C‑127/19,
C‑195/19, C‑291/19 et C‑355/09 est précisément que, sur le plan structurel, la création de la SIEJ a des effets significatifs sur les compétences de la section anticorruption du parquet, la DNA. À cet égard, comme l’a confirmé le gouvernement roumain lors de l’audience, la consolidation de la DNA a été une exigence du MCV et de son troisième objectif de référence.

182. En résumé, il ne fait guère de doute que les deux questions de fond qui font l’objet des présentes demandes de décision préjudicielle relèvent de la décision MCV. En conséquence, le droit de l’Union s’applique aux affaires en cause et la Cour est compétente. Toutefois, les juridictions de renvoi ont également invoqué plusieurs autres dispositions du droit de l’Union susceptibles de s’appliquer aux présentes affaires et je vais maintenant examiner cette question.

2.   Sur le principe de l’indépendance de la justice : l’article 47 de la Charte et l’article 19, paragraphe 1, TUE.

183. Les différentes questions des cinq renvois préjudiciels, qui font l’objet des présentes conclusions, suivent la même structure : après avoir demandé des précisions sur la nature et les effets juridiques de la décision MCV et des rapports adoptés dans le cadre de cette décision, les juridictions de renvoi s’interrogent sur la conformité de dispositions nationales à diverses dispositions du droit de l’Union. La majorité des questions déférées ont identifié l’article 2, l’article 4, paragraphe 3,
et l’article 19, paragraphe 1, TUE comme les dispositions pertinentes du droit de l’Union ( 63 ) ; seules certaines des questions se réfèrent à l’article 47 de la Charte ( 64 ). Ces questions reflètent l’incertitude quant aux différents champs d’application de l’article 2 et de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, d’une part, et de l’article 47 de la Charte, d’autre part, et à l’articulation de ces dispositions.

184. Les parties intéressées, après avoir présenté des observations, ont exprimé des positions divergentes quant aux dispositions pertinentes du droit de l’Union devant servir de point de référence. La divergence d’opinions concerne principalement l’applicabilité de l’article 47 de la Charte. Toutes les parties intéressées, à l’exception de la République de Pologne, conviennent que l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE est applicable.

185. Dans les développements qui suivent, j’expliquerai les raisons pour lesquelles je considère que la décision MCV a déclenché l’applicabilité de la Charte, y compris son article 47, ouvrant ainsi la possibilité de recourir à l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte comme point principal de référence [sous a)]. Toutefois, il ne saurait être nié que la manière dont l’article 19, paragraphe 1, TUE a été interprété et appliqué par la Cour jusqu’à présent a pour conséquence que cette disposition
serait également applicable aux présentes affaires [sous b)]. Je conclus néanmoins par quelques suggestions prudentes permettant de comprendre pourquoi le fait de fonder l’ensemble de l’appréciation de ces affaires exclusivement sur l’article 19, paragraphe 1, TUE n’est pas nécessairement la meilleure approche [sous c)].

a)   L’article 47 de la Charte

186. Les parties intéressées ont soutenu différentes positions quant à l’applicabilité potentielle de la Charte et de son article 47. Le gouvernement polonais et le CSM ont fait valoir, en substance, que les présentes affaires concernaient des questions liées à l’organisation interne du pouvoir judiciaire qui relèvent de la compétence exclusive des États membres et pour lesquelles l’Union n’a aucune compétence ( 65 ). Par conséquent, en tenant dûment compte de l’article 51, paragraphes 1 et 2, de la
Charte ainsi que de l’article 6, paragraphe 1, TUE, l’article 47 de la Charte ne serait pas applicable.

187. S’agissant de la cinquième question dans l’affaire C‑291/19, la Commission a indiqué, sans formuler toutefois d’objections explicites à la compétence de la Cour, que l’article 47 de la Charte ne serait applicable que dans le cas où l’affaire au principal porterait sur une mise en œuvre du droit de l’Union. Tel serait le cas, par exemple, si elles concernaient des infractions harmonisées en application des mesures adoptées en vertu de l’article 83, paragraphes 1 et 2, TFUE ou si elles relevaient
du champ d’application de l’article 325 TFUE.

188. En revanche, l’association Forum des juges ainsi que les gouvernements belge et suédois soutiennent la thèse selon laquelle la décision MCV rend la Charte applicable.

189. Je partage cette dernière position.

190. Selon moi, la Charte est devenue applicable à compter du moment où les mesures nationales en cause dans les affaires dont est saisie la Cour sont entrées dans le champ d’application de la décision MCV et de l’acte d’adhésion. Ainsi, l’adoption de telles mesures nationales qui, comme je l’ai indiqué au point 178 des présentes conclusions, concernent certains aspects institutionnels centraux du cadre législatif de base pour l’organisation du système judiciaire en Roumanie, constitue un exemple de
« mise en œuvre » du droit de l’Union au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte.

191. Comme l’a souligné le gouvernement belge lors de l’audience, même si la Roumanie dispose d’une marge d’appréciation considérable pour se conformer à ses obligations au titre du MCV, cela n’enlève rien à l’applicabilité de la Charte. Selon une jurisprudence constante, le champ d’application de la Charte, tel que défini à son article 51, paragraphe 1, couvre également les situations dans lesquelles le droit de l’Union accorde aux États membres une marge d’appréciation qui fait partie intégrante
du régime établi par cet acte de l’Union ( 66 ). La nature du MCV, basée sur le contrôle d’objectifs de référence dont la réalisation est impérative, est un exemple de ce « pouvoir discrétionnaire limité ». La jurisprudence récente a en effet souligné que l’existence d’une obligation spécifique tirée du droit de l’Union constituait l’un des éléments les plus pertinents conduisant à l’application de la Charte ( 67 ). Néanmoins, de telles obligations sont souvent définies en termes larges et
assez vagues ( 68 ).

192. Toutefois, les présentes affaires et l’applicabilité de la Charte à celles‑ci s’inscrivent dans une logique quelque peu différente. L’arrêt Florescu rendu par la Cour est plutôt illustratif à cet égard. Dans cette affaire, la Cour a constaté que l’adoption de règles nationales dans le cadre de la réalisation de conditions, définies largement dans un protocole d’accord concernant un concours financier de l’Union à un État membre, relevait du champ d’application du droit de l’Union aux fins de
l’application de la Charte ( 69 ).

193. En ce qui concerne la spécificité des engagements (tels que la réduction de la masse salariale du secteur public ou la réforme du système des pensions dans l’objectif d’améliorer la durabilité à long terme, qui constituaient des éléments clés pour statuer sur l’applicabilité de la Charte dans l’affaire Florescu) ( 70 ), il n’y a effectivement pas de différence importante entre le protocole d’accord en cause dans l’affaire Florescu et les objectifs de référence contenus dans la décision MCV.

194. Ainsi, lorsqu’il adopte des mesures étroitement liées à la réalisation des objectifs de référence figurant à l’annexe de cette décision, un État membre agit pour « mettre en œuvre » le droit de l’Union aux fins de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte. Le fait que les obligations imposées par la décision MCV soient larges est la conséquence logique de la nature, des objectifs et du contenu de l’instrument juridique lui‑même. En effet, si la Charte est censée être l’« ombre » du droit de
l’Union ( 71 ), cette ombre a nécessairement la taille et la forme de la structure qu’elle reflète.

195. Le gouvernement néerlandais a toutefois fait valoir que, à supposer même que la Charte puisse trouver à s’appliquer de manière générale, en vertu des critères de son article 51, paragraphe 1, l’article 47 de la Charte n’est pas applicable parce que cette disposition exige, pour être applicable, l’existence d’un droit matériel faisant l’objet d’une procédure juridictionnelle. Cette condition n’était pas remplie en l’espèce.

196. À ma connaissance, cet argument trouve son fondement dans le fait que l’article 47, premier alinéa, de la Charte établit que le « droit à un recours effectif devant un tribunal » s’applique à « [t]oute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés ». En effet, comme je l’ai suggéré dans mes conclusions dans l’affaire El Hassani, deux conditions cumulatives doivent être remplies pour que l’article 47, premier alinéa, de la Charte soit applicable à un
requérant individuel. Premièrement, la situation en cause doit relever du champ d’application du droit de l’Union pour que la Charte, dans son ensemble, soit applicable conformément à son article 51, paragraphe 1, et, deuxièmement, le requérant doit disposer d’un « droit ou d’une liberté » concrets garantis par le droit de l’Union, susceptible de déclencher l’application de la disposition spécifique de l’article 47, premier alinéa, de la Charte ( 72 ).

197. Je ne peux donc que souscrire à l’avis du gouvernement néerlandais selon lequel, si un individu déterminé souhaite se prévaloir de l’article 47 de la Charte pour justifier un droit procédural garanti par cette disposition, il doit disposer d’un « droit ou d’une liberté » concrets garantis par le droit de l’Union, qu’il souhaite faire respecter devant une juridiction. On voit mal, en effet, comment l’article 47 de la Charte pourrait être invoqué pour faire respecter un droit subjectif
inexistant.

198. Toutefois, les présentes affaires sont très différentes en termes de structure. La Charte n’est pas invoquée en tant que source de droits subjectifs pour des justiciables spécifiques. Elle est invoquée en tant que critère objectif du contrôle de constitutionnalité applicable à l’éventail des solutions normatives admises par un État membre dans le cadre de la mise en œuvre de ses obligations établies par le droit de l’Union découlant de la décision MCV et de l’acte d’adhésion.

199. Les dispositions nationales en cause sont entrées dans le champ d’application du droit de l’Union en ce qu’elles constituent la mise en œuvre nationale, en premier lieu, de la décision MCV et, en second lieu, de l’acte d’adhésion également ( 73 ). Ainsi, la charte est applicable, l’observation et le contrôle de l’exercice de la puissance publique nationale étant exercés pour que les États membres se conforment aux obligations qui leur incombent en vertu du droit de l’Union. Bien entendu, cela
ne signifie pas que la décision MCV ou l’acte d’adhésion, même s’ils déclenchaient l’applicabilité de la Charte en vertu de son article 51, paragraphe 1, constitueraient la base d’un « droit ou d’une liberté » concrets pour des particuliers.

200. Néanmoins, au sein de cet espace ouvert par la décision MCV et l’acte d’adhésion, la Charte, y compris son article 47, peut certainement servir de critère objectif et général de constitutionnalité au niveau de l’Union. Le rôle des droits fondamentaux en tant que paramètres de contrôle objectifs, employés dans le cadre d’un contrôle abstrait de constitutionnalité exercé dans plusieurs ordres juridiques nationaux, existe également en droit de l’Union. Non seulement le droit de l’Union peut être
invoqué en tant que critère dans une procédure nationale portant sur le contrôle abstrait des dispositions du droit national ( 74 ), mais les droits consacrés par la Charte, qui ont la même valeur que les traités en vertu de l’article 6, paragraphe 1, TUE, sont utilisés comme paramètres de contrôle des actes et dispositions du droit de l’Union ( 75 ), également lorsqu’il s’agit d’apprécier le comportement des États membres dans les domaines couverts par le droit de l’Union ( 76 ).

201. En définitive, il existe au moins deux types de cas dans lesquels des dispositions de la Charte peuvent être invoquées. Il s’agit, d’une part, de la mise en œuvre classique, ascendante, d’un droit fondamental spécifique garanti à un individu spécifique, qui se traduit d’une manière traditionnellement désignée comme le contrôle concret de constitutionnalité. Y a-t-il eu violation du droit de l’individu X dans les circonstances d’un cas particulier ? D’autre part, il y a l’appréciation
descendante et abstraite qui consiste à analyser la conformité de certaines solutions législatives, largement dissociées d’un cas d’espèce. Une solution législative donnée est-elle conforme à tel ou tel droit fondamental ? Cela équivaut à un contrôle abstrait de constitutionnalité.

202. Ce qui est demandé en substance dans les présentes affaires, c’est bien un contrôle abstrait de constitutionnalité au niveau de l’Union de deux solutions législatives nationales au regard des principes d’indépendance de la justice, tels qu’ils découlent notamment du droit à un procès équitable consacré à l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte. L’application du droit de l’Union étant déclenchée et l’applicabilité de la Charte en vertu de l’article 51, paragraphe 1, de celle‑ci étant engagée
par la décision MCV et l’acte d’adhésion, puisque toutes ces solutions nationales relèvent clairement du champ d’application de ces derniers instruments, la Charte fournit un critère de cette appréciation. Cela ne découle pas nécessairement des droits subjectifs de personnes déterminées, mais plutôt du fait que cela reflète les choix législatifs nationaux adoptés dans le cadre de la mise en œuvre du droit de l’Union.

203. En tout état de cause, si la Cour ne suivait pas l’approche que je suggère et décidait que l’article 47 de la Charte s’applique aux présentes affaires, l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE serait applicable à la lumière de la jurisprudence récente. Je vais maintenant examiner cette question.

b)   L’article 19, paragraphe 1, TUE

204. S’agissant de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, le gouvernement polonais a insisté sur le fait que, à la différence de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Associaçãons Sindical dos Juízes Portugueses ( 77 ) de la Cour, dans laquelle la juridiction nationale statuait sur un recours en annulation introduit par des particuliers invoquant la violation du principe de l’indépendance de la justice par certaines dispositions nationales, les affaires en cause présentent un caractère
purement national. Un argument analogue est invoqué à propos de l’article 2 TUE, en rappelant que les principes généraux qui en découlent ne sont applicables qu’en cas d’application du droit de l’Union.

205. Les arguments du gouvernement polonais ne sauraient être accueillis.

206. L’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE impose aux États membres d’établir les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines qui relèvent du droit de l’Union. La Cour a précisé que cette disposition s’applique indépendamment de la question de savoir si les États membres mettent en œuvre le droit de l’Union au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte ( 78 ). En conséquence, l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE
s’applique lorsqu’un organisme national pourrait être appelé à se prononcer, en tant que juridiction, sur des questions concernant l’application ou l’interprétation du droit de l’Union et qui relèvent ainsi des domaines couverts par ce droit ( 79 ).

207. Dans la mesure où il serait assez difficile de trouver une juridiction nationale qui ne serait, par définition, jamais appelée à se prononcer sur des questions de droit de l’Union ( 80 ), il apparaît que l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE est sans limite, tant sur le plan institutionnel (s’agissant de l’ensemble des juridictions, voire des organismes, qui appliquent potentiellement le droit de l’Union) que sur le plan matériel.

208. S’agissant de sa portée matérielle, le champ d’application de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE englobe, à tout le moins en l’état actuel de la jurisprudence, l’ensemble des règles et pratiques nationales susceptibles d’avoir une incidence négative sur l’obligation des États membres de prévoir des voies de recours effectives, y compris l’indépendance et l’impartialité de ces systèmes juridictionnels. Par ailleurs, le champ d’application de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa,
TUE ne semble pas avoir de limites internes et quantitatives. Il n’existe pas de règle de minimis. Il n’y a donc ni exclusion sur le fondement du domaine concerné, ni exclusion sur la base de la gravité. Tout et n’importe quoi, aussi insignifiante soit la question, qu’il s’agisse de l’organisation, de la procédure ou des pratiques judiciaires nationales, relève potentiellement de l’article 19, paragraphe 1, TUE ( 81 ).

209. À l’heure actuelle, la seule condition limitative concerne la recevabilité : il doit exister un lien fonctionnel. Les questions préjudicielles doivent être nécessaires pour permettre à la juridiction de renvoi de se prononcer dans le cas d’espèce ( 82 ). Il doit ainsi exister « entre [le] litige et les dispositions du droit de l’Union dont l’interprétation est sollicitée un lien de rattachement tel que cette interprétation réponde à un besoin objectif pour la décision que la juridiction de
renvoi doit prendre » ( 83 ).

210. Comme cela a déjà été relevé dans les présentes conclusions concernant la recevabilité ( 84 ), la solution du litige au principal dans les présentes affaires présente un lien matériel avec l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, sur lequel portent les questions préjudicielles ( 85 ).

211. Par conséquent, en ce qui concerne la portée de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, j’estime que les présentes affaires satisfont à la fois à la condition de la recevabilité et à celle (inexistante) de la compétence de la Cour en vertu de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE. Ces affaires concernent toutes différents éléments du système juridictionnel roumain qui sont d’application générale et qui comportent vraisemblablement des risques pour l’indépendance de la justice
considérée dans son ensemble, affectant ainsi les juridictions susceptibles de se prononcer sur des domaines auxquels le droit de l’Union est applicable. Ces demandes ont été présentées dans le cadre d’une procédure pour laquelle la réponse de la Cour, sur le fondement de l’article 19, paragraphe 1, TUE, répond effectivement à un besoin objectif pour la juridiction nationale de statuer.

c)   Sur l’article 19, paragraphe 1, TUE et les risques de solutions trop extensives

212. Cela étant précisé, dans les circonstances de la présente affaire, je recommanderais à la Cour de ne pas se fonder exclusivement sur l’article 19, paragraphe 1, TUE. En effet, il existe, à mon sens, des arguments solides en faveur d’une appréciation de ces affaires plutôt sur la base de la décision MCV combinée à l’acte d’adhésion, examinés conjointement avec la Charte, l’article 19, paragraphe 1, TUE demeurant en marge, pour ainsi dire, à supposer qu’il soit nécessaire.

213. S’agissant des normes applicables, ce débat peut paraître quelque peu théorique dans des affaires concernant des éléments « structurels » affectant l’indépendance de la justice. De tels cas structurels, pour autant qu’ils satisfont à la condition de recevabilité et du facteur de rattachement, relèvent, en tout état de cause, du champ d’application de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, comme je viens de le rappeler. L’exigence d’indépendance des juridictions et d’impartialité des
juges est, en effet, un élément essentiel du principe de protection juridictionnelle effective, consacré tant à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE qu’à l’article 47 de la Charte. En outre, la jurisprudence récente montre que le contenu de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE coïncide avec les garanties requises à l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, à tout le moins expressément en ce qui concerne les éléments d’indépendance et d’impartialité de la justice ( 86 ).
Ce principe est, à son tour, essentiel à la protection de tous les droits accordés par le droit de l’Union, ainsi que pour la préservation des valeurs visées à l’article 2 TUE, notamment l’état de droit ( 87 ).

214. Toutefois, il existe dans le contexte des présentes affaires des éléments, ainsi que des conséquences pratiques de l’invocation exclusive de l’article 19, paragraphe 1, TUE, qui méritent d’être soulignés.

215. Tout d’abord, en vertu du MCV, les États membres se trouvent dans une position spécifique, caractérisée par leur assujettissement à un cadre juridique assez poussé et détaillé, notamment pour ce qui est de leurs engagements en matière d’organisation efficace du pouvoir judiciaire et de la lutte contre la corruption. Cette position spécifique implique qu’il existe de nombreuses bases juridiques, tant en droit primaire qu’en droit dérivé, pour examiner tout aspect de leur structure
juridictionnelle, pour autant qu’on puisse considérer qu’il se rapporte directement aux critères et conditions énoncés dans la décision MCV et dans l’acte d’adhésion.

216. Deuxièmement, dans le même esprit, la Charte est un instrument beaucoup plus élaboré et plus détaillé que l’article 19, paragraphe 1, TUE. L’article 47, deuxième alinéa, de la Charte a un contenu solide qui vise expressément l’indépendance des tribunaux. Ce contenu juridique est en outre renforcé par le lien impératif avec la protection offerte par la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci‑après la « CEDH »), car, en
vertu de l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, l’article 47 de celle‑ci doit garantir un niveau de protection qui ne soit pas en deçà du niveau de protection établi par les articles 6 et 13 de la CEDH ( 88 ). De plus, le rôle crucial de l’article 47 de la Charte concernant l’exigence d’indépendance du pouvoir judiciaire est confirmé par la jurisprudence récente, selon laquelle le contenu normatif de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE est identifié par référence à cette
disposition. En outre, du point de vue de ses effets juridiques, la jurisprudence a confirmé l’effet direct de l’article 47 de la Charte ( 89 ).

217. Par conséquent, insister sur l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE comme objectif de référence principal, voire exclusif, d’une analyse qui conduira en définitive à l’application des conditions de l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte dans un cas où cette disposition est, en tout état de cause, applicable par elle‑même me semble être un détour superflu.

218. Il est vrai que, dans un passé récent, l’utilisation de l’article 19, paragraphe 1, TUE par la Cour a conduit, pour des raisons d’économie de la procédure, à juger l’examen de l’article 47 de la Charte inutile ( 90 ). J’estime que cela est assez compréhensible dans le cas des affaires concernant des mesures transversales et horizontales qui, par définition, affecteront tout acte des juridictions nationales en vertu du droit de l’Union ( 91 ).

219. Toutefois, à la différence de la situation en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Associação Sindical dos Juízes Portugueses (C‑64/16, EU:C:2018:117), l’examen de l’applicabilité de l’article 47 de la Charte semble inéluctable dans les présentes affaires. D’une part, ces affaires comportent une question portant sur un aspect spécifique de l’article 47 de la Charte, tel que le droit à un procès équitable par la résolution de l’affaire dans un délai raisonnable ( 92 ). Cela rend, quoi
qu’il en soit, inéluctable l’appréciation de l’application de l’article 47 de la Charte aux présentes affaires. D’autre part, l’analyse requise par les questions préjudicielles liées à la nature, à la portée et aux effets juridiques du MCV à l’égard des dispositions nationales en cause offre déjà une base solide pour confirmer que la Charte s’applique aux présentes affaires ( 93 ).

220. Pour ces raisons, dans le cadre des présentes affaires, l’économie de la procédure plaide plutôt de fonder l’analyse sur un cadre juridique plus spécifique et plus solide, celui de la décision MCV et de l’article 47 de la Charte. En effet, comme l’illustre la jurisprudence récente, lorsqu’une conclusion positive sur l’applicabilité de la Charte est inéluctable, l’article 47 de celle‑ci constitue le critère pertinent, rendant ainsi superflu un examen séparé sur la base de l’article 2 et de
l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE ( 94 ).

221. Enfin, troisièmement, outre l’argument de la double lex specialis qui rend inutile l’invocation (exclusive) de quelque chose de plus générique et de plus basique, il est globalement question de savoir si le chemin qui semble le plus facile est vraiment le plus sûr, surtout s’il n’est pas très bien tracé.

222. La portée de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, actuellement apparemment illimitée, n’est pas seulement une force de cette disposition, c’est également sa principale faiblesse. La Cour sera-t-elle disposée, à l’avenir, à contrôler n’importe quelle question ou n’importe quel élément porté à sa connaissance par ses homologues nationaux qui soutiendront que tel ou tel élément de la structure ou de la procédure juridictionnelle nationale pourrait poser, de leur point de vue
certainement subjectif, des problèmes au regard du degré d’indépendance de la justice qu’ils jugent approprié ? L’éventail des questions est illimité : cela va du niveau d’autogouvernance ou d’auto-administration judiciairement souhaité jusqu’au système d’attribution des affaires dans un système national, de la question de la non‑promotion de certains juges au poste de président de chambre jusqu’aux questions favorites portant sur le salaire des juges, des suppléments, les avantages et les
primes de Noël. Tous ces éléments doivent-il être formulés uniquement en termes « structurels » pour relever de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE ( 95 ) ? C’est assurément possible. Il s’agit simplement de formuler la bonne question. Ou bien une « autodéfense judiciaire » ( 96 ) individuelle visant une mesure spécifique voire même le président d’un tribunal qui pose problème est-elle également permise ? Si tel n’est pas le cas, comment convient-il d’établir une telle carence
structurelle, compte tenu du fait que la Cour a précédemment infirmé que les éventuels mécanismes formalisés, tels que la procédure de l’article 7 TUE ( 97 ), étaient une condition nécessaire à la constatation d’une défaillance (systémique) dans un cas d’espèce ?

223. Il est probable que la Cour devra se pencher à nouveau sur la portée illimitée de l’article 19, paragraphe 1, TUE, mais cette fois peut-être d’un œil plus exigeant. Cela ne fait toutefois que souligner la véritable nature de l’article 19, paragraphe 1, TUE, lequel devrait dûment demeurer un instrument exceptionnel pour les cas extraordinaires. En revanche, le MCV a expressément soulevé un large éventail de questions, peut-être pas toutes aussi extraordinaires, relatives à toute question
d’efficacité de la procédure judiciaire et d’indépendance des juges, certainement dans le cadre de la lutte contre la corruption.

224. Dans un tel contexte, le recours principal à la décision MCV et à la Charte fournit une base solide pour examiner en détail l’ensemble de ces questions, dans le respect de l’égalité des États membres devant les traités. Il est vrai que tous les États membres doivent respecter les obligations qui leur incombent en vertu de l’article 19, paragraphe 1, TUE. Certains d’entre eux sont néanmoins soumis, en raison de leurs conditions spécifiques d’adhésion, à des règles beaucoup plus détaillées et
plus exigeantes du MCV. On estime qu’il y a injustice non seulement lorsque des situations similaires sont traitées différemment, mais également lorsque des situations objectivement différentes sont traitées de manière identique ( 98 ). Les États membres soumis au MCV ne se trouvent tout simplement pas objectivement dans la même situation que les autres États membres.

225. Enfin, par souci d’exhaustivité, j’ajouterai que, pour des raisons analogues à celles exposées précédemment à propos de l’interaction entre l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE et la Charte, il n’apparaît pas nécessaire de procéder à un examen séparé de l’article 2 TUE. Le principe de l’état de droit, en tant que valeur parmi d’autres, sur laquelle repose l’Union, est sauvegardé par la garantie du droit à une protection juridictionnelle effective et du droit fondamental à un procès
équitable, dont l’une des composantes intrinsèques essentielles est le principe d’indépendance des tribunaux ( 99 ). L’article 47 de la Charte ainsi que l’article 19 TUE expriment donc plus précisément la valeur du principe de l’état de droit visé à l’article 2 TUE ( 100 ).

3.   Sur les critères et la nature de l’évaluation

226. Après avoir identifié que la décision MCV constitue, conjointement avec l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, et éventuellement l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, le cadre juridique pertinent des présentes affaires, il reste encore à clarifier les éléments matériels découlant de ces dispositions, qui doivent servir de critères à l’évaluation des dispositions nationales en cause ainsi que la nature de cette évaluation.

a)   Sur les critères : les aspects externes de l’indépendance de la justice et la doctrine des apparences

227. L’organisation interne du système judiciaire, y compris les modalités institutionnelles de création d’organes disciplinaires des juges et de leur procédure, relève des compétences des États membres en vertu du principe par défaut d’autonomie institutionnelle. Cela s’applique également à un État membre soumis au MCV.

228. La Roumanie est néanmoins tenue de respecter les obligations qui lui incombent en vertu de la décision MCV, notamment en ce qui concerne la réalisation des premier, troisième et quatrième objectifs de référence visés à l’annexe de cette décision, à savoir assurer un processus judiciaire plus transparent et plus efficace, continuer à mener des enquêtes en matière de corruption à haut niveau et prendre des mesures pour prévenir et lutter contre la corruption.

229. Lorsqu’il aménage ses institutions et ses procédures judiciaires en vue de répondre à ces objectifs, cet État membre est tenu, en outre, de respecter ses obligations au titre du droit de l’Union, qui découlent de l’article 47 de la Charte, dont la portée et le contenu doivent être interprétés à la lumière de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH ainsi que de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE ( 101 ).

230. Le principe de l’indépendance de la justice n’impose pas aux États membres l’obligation d’adopter un modèle constitutionnel spécifique régissant les rapports et l’interaction entre les différents pouvoirs de l’État ( 102 ), à condition, bien entendu, qu’une séparation basique des pouvoirs, caractéristique de l’état de droit, soit maintenue ( 103 ). Il n’existe aucun modèle ou système préconçu ou singulier valide, mais plutôt une diversité de systèmes et de structures. La jurisprudence vise
plutôt à identifier des exigences minimales auxquelles les systèmes nationaux doivent se conformer. Ces exigences portent à la fois sur les aspects internes et externes de l’indépendance de la justice ainsi que sur l’exigence d’impartialité, tirée de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (ci‑après la « Cour EDH »).

231. C’est notamment l’aspect externe de l’indépendance de la justice, étroitement lié à l’exigence d’impartialité, qui suppose que « l’instance concernée exerce ses fonctions en toute autonomie, sans être soumise à aucun lien hiérarchique ou de subordination à l’égard de quiconque et sans recevoir d’ordres ou d’instructions de quelque origine que ce soit, étant ainsi protégée contre les interventions ou les pressions extérieures susceptibles de porter atteinte à l’indépendance de jugement de ses
membres et d’influencer leurs décisions » ( 104 ). Cela inclut non seulement toute influence directe, sous forme d’instructions, mais également « les formes d’influence plus indirecte susceptibles d’orienter les décisions des juges concernés » ( 105 ).

232. Comme la Cour l’a souligné, rappelant la jurisprudence de la Cour EDH relative à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH, afin d’établir l’élément d’« indépendance », certains des éléments pertinents à prendre en considération sont, notamment, le mode de désignation et la durée du mandat des juges, l’existence d’une protection contre les pressions externes ainsi que le point de savoir si l’organe concerné présente une « apparence d’indépendance », car ce qui est en cause c’est la confiance même
que tout tribunal doit inspirer aux justiciables dans une société démocratique ( 106 ). Les apparences sont également un élément important du critère objectif d’impartialité, selon lequel il y a lieu de déterminer si, indépendamment de la conduite personnelle du juge, certains faits vérifiables autorisent à suspecter l’impartialité de ce dernier ( 107 ).

233. L’aspect externe de l’indépendance de la justice, couplé à la doctrine des apparences, forme, dans le cadre de ce qui constitue effectivement un contrôle effectif abstrait, le fondement de l’appréciation de la conformité à ces exigences des modèles juridictionnels nationaux choisis. Ce type de contrôle porte souvent sur la question de savoir s’il existe des garanties suffisantes intégrées au système qui empêchent ensuite, à tout le moins dans une certaine mesure, l’exercice des pressions
extérieures et l’influence politique.

234. Toutefois, le caractère certes assez vague de tels critères, combiné au caractère abstrait du contrôle de conformité à effectuer, nécessite une précision sur ce qu’il convient exactement d’examiner, avec quel degré de précision et sur la base de quels arguments, une question que je vais maintenant examiner.

b)   Sur la nature de l’évaluation : ce qu’il y a lieu d’établir

235. Premièrement, il y a lieu de préciser le type d’affaires soumises à la Cour. Une première précision concerne donc la différenciation entre deux catégories d’affaires potentielles dans lesquelles peuvent se poser des questions liées à l’indépendance de la justice.

236. En effet, d’une part, une question d’indépendance de la justice peut être soulevée par un particulier, en tant que question incidente constatée dans une situation concernant généralement la violation de droits protégés par le droit de l’Union dans un cas individuel. Dans un tel cas, des défaillances dans l’indépendance de la justice sont susceptibles d’entraîner une violation des droits prévus à l’article 47 de la Charte dans le cas d’espèce. Une telle situation peut être indicative d’un
caractère dysfonctionnel général des règles ( 108 ), mais pas nécessairement : elle peut également concerner une défaillance individuelle dans un système au demeurant fonctionnel.

237. D’autre part, il existe également des affaires concernant l’appréciation structurelle des différents éléments d’un système judiciaire. Une telle appréciation s’attache en substance à la conformité de certaines solutions législatives adoptées dans les États membres aux exigences du droit de l’Union. Tel peut être le cas, comme dans les présentes affaires, lorsque le litige au principal porte sur de prétendues défaillances d’un système judiciaire, mais ne sont pas nécessairement, en tout cas pas
tous, liés à un cas particulier de violation du droit individuel à un procès équitable dans une affaire donnée. Dans une telle situation, l’analyse exige l’appréciation abstraite de la conformité de ce système aux paramètres du droit de l’Union ( 109 ).

238. Cette seconde situation s’est présentée récemment devant la Cour sous la forme de procédures d’infraction ( 110 ). Elle s’est également présentée dans des affaires qui, en raison d’une absence de lien avec la question de fond à traiter par la juridiction de renvoi dans l’affaire au principal, ont finalement été déclarées irrecevables ( 111 ). Cependant, il est vrai que, dans le passé, il y a également eu des affaires dans lesquelles un tel contrôle abstrait d’éléments structurels était au cœur
du litige au principal, pour lesquels une réponse de la Cour a été jugée nécessaire ( 112 ).

239. Ce dernier type de cas de contrôle abstrait de la conformité de certaines solutions institutionnelles ou procédurales nationales aux exigences du droit de l’Union est certainement possible dans le cadre du MCV. Comme je l’ai expliqué en détail précédemment ( 113 ), ce mécanisme permet un contrôle abstrait de certains modèles adoptés par la Roumanie, sans qu’il y ait nécessairement une allégation de violation d’un droit individuel tiré du droit de l’Union dans chaque cas d’espèce. Il reste à
voir quelle est la situation actuelle à cet égard en vertu de l’article 19, paragraphe 1, TUE, après le récent arrêt Miasto rendu par la grande chambre ( 114 ).

240. La clarification des types d’arguments auxquels s’applique un tel contrôle abstrait, que ce soit sous l’empire de la décision MCV et de la Charte, voire même de l’article 19, paragraphe 1, TUE, pourrait éventuellement présenter une valeur transversale aux fins des présentes affaires, ainsi que pour d’autres questions potentielles concernant le degré approprié d’indépendance de la justice dans les États membres. À cet égard, je distinguerai trois cas de figure.

241. Dans le premier cas, l’aménagement institutionnel ou procédural, déjà envisagé de manière générale et abstraite, est problématique. Le « schéma directeur » (blue print) lui‑même, considéré isolément et même en l’absence d’exemples spécifiques d’application, semble erroné. Il serait susceptible d’être détourné puisqu’il est clair qu’il n’est pas en mesure de garantir le degré adéquat d’indépendance externe ou de se conformer aux exigences de la doctrine des apparences, comme l’exige
l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, ou encore l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE. Cette première option pourrait être qualifiée d’« évaluation sur le papier ».

242. Le deuxième cas de figure concerne la situation dans laquelle la configuration institutionnelle n’est peut-être pas problématique en soi, mais où il existe des arguments clairs, voire des éléments de preuve, présentés à une juridiction, ou à la Cour, qui démontrent l’existence de tels problèmes ou de telles possibilités de détournement en pratique. Cela peut se produire dans deux scénarios : d’une part, le schéma directeur s’inscrit dans le contexte d’autres schémas d’organisation. Tel sera le
cas lorsqu’une règle nationale, considérée isolément et de manière théorique, n’apparaît pas problématique, mais le devient considérablement lorsqu’elle est combinée à d’autres règles de ce système. En revanche, les défauts d’un modèle donné pourraient ne pas être apparents en théorie, mais l’être dans son application réelle. Ainsi, le thème commun du deuxième scénario va au-delà du simple schéma directeur, en examinant « la combinaison des modèles théoriques » ou « la mise en œuvre de la
théorie ».

243. Il pourrait également exister une troisième situation dans laquelle la configuration institutionnelle, telle qu’envisagée « sur le papier », semble conforme aux exigences légales de l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, ou de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE. Il existe néanmoins des indices que, dans l’environnement spécifique et en lien avec le contexte juridique et institutionnel particulier d’un État membre, un modèle par ailleurs solide est déjà utilisé de manière
abusive. Ce scénario, qui est effectivement le plus problématique pour l’appréciation à laquelle procède n’importe quelle juridiction internationale ou autre institution internationale, revient effectivement à faire référence à la « seule pratique », ou plutôt malheureusement au fait que « la théorie n’a aucune valeur ».

244. Il convient de souligner que, dans les deuxième et troisième scénarios, le contexte national et l’application effective sont particulièrement pertinents à deux égards. En premier lieu, les dispositions en cause doivent être examinées dans le contexte du paysage institutionnel d’un État membre. Dans la mesure du possible, il convient donc de tenir compte du contexte institutionnel et structurel général et de la manière dont les règles en cause interagissent avec d’autres ensembles de règles
liées. En effet, même si une disposition donnée, prise isolément, peut être considérée comme correcte, elle peut être hautement problématique lorsqu’elle est examinée conjointement avec d’autres éléments pertinents du système ( 115 ).

245. En second lieu, il existe bien entendu la question sensible de la vérification des déclarations concernant l’application concrète et la pratique nationale effective qui repose sur le dossier et les arguments présentés devant la Cour. Il est certainement possible et nécessaire de prendre en compte la pratique nationale. En effet, la jurisprudence de la Cour a confirmé à maintes reprises que non seulement la législation nationale en tant que telle, mais également la jurisprudence et la pratique
sont généralement pertinentes pour un examen de la conformité au droit de l’Union ( 116 ).

246. Toutefois, si de telles circonstances contextuelles et fondées sur la pratique sont invoquées devant les juridictions, et notamment devant la Cour, elles doivent être correctement expliquées, démontrées et débattues, que ce soit par le juge national ou par les parties et intervenants devant la Cour. En d’autres termes, s’il est allégué qu’un système ou une structure institutionnelle donnés fonctionnent, en réalité, différemment de ce qu’indique le droit « théorique », il est nécessaire que ces
arguments soient dûment établis à un degré raisonnable.

247. Je souhaite insister sur le degré « raisonnable ». D’une part, il serait tout à fait déraisonnable d’exiger d’une juridiction nationale, qui suggère par exemple dans sa décision de renvoi que le système national des procédures disciplinaires est détourné pour exercer une pression politique sur les juges, de fournir des statistiques exhaustives portant sur toutes les procédures disciplinaires exercées dans cet État membre, ainsi que des éléments de preuve circonstanciés sur la manière exacte
dont cette pression est exercée et la manière précise dont elle influence le processus décisionnel des juridictions dans les cas particuliers. D’autre part, il serait également problématique de faire uniquement allusion au modèle national et de laisser entendre, in abstracto, que, sauf à remplacer ce dernier par un modèle différent, il pourrait être appliqué de manière abusive.

248. Tout peut être utilisé de manière abusive. La simple potentialité ne constitue pas un argument suffisant pour supprimer l’intégralité d’une structure ou d’un modèle. On n’interdit pas non plus l’utilisation des couteaux ou des voitures, même si, entre des mains moins responsables, ils peuvent être utilisés à de nombreuses fins autres que découper du pain ou se rendre au travail. Ainsi, même dans le monde de l’indépendance et des apparences externes de la justice, il y a lieu de produire devant
la Cour quelques arguments convaincants quant à la manière concrète et spécifique dont un modèle donné est susceptible d’être utilisé de manière abusive ou, assurément, des exemples illustratifs de la façon dont cela s’est déjà produit en pratique, ce qui équivaut à un problème structurel.

C. Sur l’appréciation de la législation nationale en cause

249. Au vu de cette feuille de route plutôt détaillée, je vais maintenant m’attacher, en dernier lieu, à l’examen des deux questions institutionnelles litigieuses. Je commencerai par une vue d’ensemble du contexte juridique national (1). J’apprécierai ensuite les questions liées à la nomination à la direction de l’inspection judiciaire posées dans l’affaire C‑83/19 (2), avant d’aborder les questions préjudicielles des affaires C‑127/19, C‑195/19, C‑291/19 et C‑355/19, relatives à la création de la
SEIJ (3).

1.   Le contexte général

250. Les présentes affaires portent toutes sur différents éléments des lois dites « lois sur la justice » : la loi no 303/2004, relative au statut des juges et des procureurs, la loi no 304/2004, relative à l’organisation judiciaire, et la loi no 317/2004, relative au CSM. Ces lois ont été adoptées dans le cadre des négociations d’adhésion de la Roumanie à l’Union en vue d’améliorer l’indépendance et l’efficacité du pouvoir judiciaire ( 117 ).

251. Ces lois et leurs modifications ultérieures ont fait l’objet, après l’adhésion, d’un suivi attentif au titre du MCV. Sur la base de ces lois et de leurs modifications ultérieures, la Commission a périodiquement communiqué l’état d’avancement de la Roumanie en ce qui concerne l’indépendance et le bon fonctionnement du pouvoir judiciaire ainsi que les progrès réalisés dans la lutte contre la corruption. Ces progrès ont conduit la Commission à formuler des recommandations finales dans son rapport
MCV de 2017, qui auraient pu conduire à mettre fin au MCV ( 118 ). Toutefois, les progrès constatés ont été annulés entre l’année 2017 et l’année 2018, lorsque les lois sur la justice ont toutes été modifiées par différentes lois ( 119 ), adoptées par le Parlement au moyen d’une procédure accélérée, ce qui a conduit à un débat limité dans les deux chambres du Parlement ( 120 ). Ces lois ont été adoptées dans un climat de forte controverse politique et de protestations publiques importantes (
121 ). Par la suite, entre le mois de septembre 2018 et le mois de mars 2019, le gouvernement roumain a adopté cinq ordonnances d’urgence qui ont modifié et ajouté de nouvelles dispositions aux lois sur la justice ( 122 ).

252. Les amendements incluent d’autres éléments qui ne font pas l’objet des présentes affaires, tels qu’un nouveau régime de retraite anticipée, des restrictions à la liberté d’expression des juges et des motifs élargis de révocation des membres du CSM ( 123 ). Ils ont également introduit les modifications qui constituent le fondement des affaires portées devant la Cour, telles que la procédure de nomination intérimaire à la direction de l’inspection judiciaire et la création de la SEIJ, ainsi que
des modifications des dispositions sur la responsabilité matérielle des juges, que j’examine dans des conclusions distinctes dans l’affaire C‑397/19.

253. Ces modifications ont fait l’objet d’une évaluation négative dans les rapports MCV de 2018 et 2019 établis par la Commission. Certaines d’entre elles ont également été mentionnées dans les rapports de plusieurs organismes internationaux, dont la Commission de Venise ( 124 ) et le GRECO ( 125 ), qui ont averti des risques que ces éléments pouvaient présenter, à savoir porter atteinte à l’indépendance ainsi qu’à l’efficacité et à la qualité du pouvoir judiciaire. La Commission de Venise a
également exprimé son inquiétude quant à l’utilisation intensive des ordonnances d’urgence ( 126 ).

254. Le rôle prépondérant des ordonnances d’urgence adoptées par le gouvernement roumain pour modifier des points importants des différentes lois sur la justice constitue une caractéristique commune importante qui mérite d’être mentionnée dans un contexte général. La question de savoir si une telle utilisation d’un instrument, a priori du moins extraordinaire, est licite en vertu du droit constitutionnel national ne relève pas de la compétence de la Cour, mais, plutôt de celle de la ou des
juridictions (constitutionnelles) nationales.

255. Toutefois, comme l’a reconnu le gouvernement roumain lors de l’audience, le fait que la technique législative des ordonnances d’urgence ait été utilisée de manière extensive dans le cadre de la réforme judiciaire, sans que, en réalité, il existe toujours une justification claire de cette pratique en termes d’urgence, constitue déjà un élément important du contexte global. Dans un système respectueux de la séparation des pouvoirs, les lois censées régir structurellement le troisième pouvoir de
l’État ne devraient être adoptées qu’au terme d’une réflexion et d’une délibération, en donnant la parole à tous les organes législatifs et judiciaires pertinents impliqués normalement dans la conception d’une législation. Après tout, de telles règles devraient idéalement être plus qu’éphémères.

256. En résumé, si la « réglementation de la justice par des ordonnances d’urgence » ne constitue pas en soi une violation du droit de l’Union, elle fournit certainement un élément de contexte important qui doit être pris en compte dans l’appréciation des dispositions nationales en cause.

2.   Sur la désignation par intérim de la direction de l’inspection judiciaire

a)   La décision de renvoi et la position des parties

257. La décision de renvoi exprime plusieurs préoccupations concernant la procédure juridique et les circonstances contextuelles de l’adoption de l’ordonnance d’urgence no 77/2018 ainsi que ses conséquences.

258. En premier lieu, on observe que l’ordonnance d’urgence n’a pas pour effet de palier un prétendu « vide législatif », contrairement à ce qu’indique son préambule, mais elle prive plutôt le CSM de l’une des compétences attachées à son rôle constitutionnel de garant de l’indépendance de la justice. En outre, l’ordonnance d’urgence permettrait d’occuper un poste de direction sans limite dans le temps, un mandat arrivé à expiration étant automatiquement prolongé en vertu de l’application
indifférenciée du droit, sans que le CSM puisse exercer le pouvoir discrétionnaire qui est fondamental pour son rôle constitutionnel.

259. En second lieu, la juridiction de renvoi précise que, en vertu de l’article 133, paragraphe 1, de la constitution roumaine, le CSM est chargé de sauvegarder l’indépendance de la justice. Il est également suggéré que la solution retenue par l’ordonnance d’urgence no 77/2018 constitue une exception injustifiée à la règle générale des nominations par intérim consistant à désigner une personne pour un poste de direction, en empiétant ainsi sur les compétences du CSM.

260. Devant la Cour, l’association Forum des juges a fait valoir, conformément aux arguments déjà soulevés devant la juridiction de renvoi et entérinés par celle‑ci, que l’ordonnance d’urgence no 77/2018 a pour effet de priver le CSM de l’une des compétences attachées à son rôle constitutionnel de garant de l’indépendance de la justice. Lors de l’audience, la requérante a également précisé que le système de délégation avait déjà été utilisé dans le passé pour pourvoir le poste d’inspecteur en chef
de l’inspection judiciaire. En outre, l’adoption de règles relatives au statut des juges et des procureurs, y compris l’organisation et le fonctionnement de l’inspection judiciaire, requiert un avis du CSM. Aucun avis de ce type n’a été sollicité dans le cas de l’ordonnance d’urgence en cause.

261. Les gouvernements néerlandais et suédois s’accordent à considérer que la procédure disciplinaire applicable aux juges, y compris la procédure de nomination de l’inspection judiciaire, doit respecter le principe d’indépendance de la justice conformément à la jurisprudence de la Cour et de la Cour EDH. Le gouvernement néerlandais fait observer que l’ordonnance d’urgence no 77/2018, telle que décrite par la décision de renvoi, ne semble pas respecter ce principe. Le gouvernement suédois souligne,
pour sa part, qu’il appartient à la juridiction de renvoi de procéder à cette appréciation.

262. La Commission a soutenu, lors de l’audience, qu’une intervention du gouvernement roumain dans la nomination à la direction de l’inspection judiciaire est susceptible de susciter des doutes quant aux garanties d’indépendance de la justice, notamment, eu égard au fait que ce pouvoir de nomination relève de la compétence du CSM. Il existe donc des indices d’une violation de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE.

263. Le gouvernement roumain a fait valoir, lors de l’audience, que l’article 19 TUE s’oppose aux dispositions nationales en vertu desquelles il est procédé aux nominations à la tête de l’inspection judiciaire, même ad interim, par une ordonnance d’urgence, dans la mesure où cela peut donner l’impression d’une influence politique ou de pression politique. Ce gouvernement ne conteste pas l’urgence, mais souligne que la possibilité de délégation prévue à l’article 57 de la loi no 303/2004 n’aurait pas
pu être utilisée, car elle vise exclusivement la délégation dans le cadre des tribunaux et des parquets. Le gouvernement roumain actuel soutient néanmoins que le gouvernement précédent aurait pu adopter un autre mécanisme afin d’éviter le blocage institutionnel, par exemple en procédant à une nomination provisoire à court terme et en associant le CSM à la procédure.

264. En revanche, l’inspection judiciaire a fait valoir que, comme l’indique le préambule de cet instrument, la mesure trouve sa raison d’être dans la situation résultant de l’expiration, le 1er septembre 2018, du mandat de la direction antérieure sans qu’une procédure de concours ait été initiée par l’organe compétent. En outre, cet acte prévoit que seules peuvent être nommées les personnes qui ont déjà réussi le concours et qui ont déjà exercé les fonctions d’inspecteur en chef et d’inspecteur en
chef adjoint. Enfin, le concours ayant été effectivement organisé par le CSM, le même inspecteur en chef a obtenu le poste avec une très bonne note.

b)   Analyse

265. Ni l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, ni l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE n’imposent un modèle spécifique d’organisation des régimes disciplinaires des magistrats. L’exigence d’indépendance impose toutefois que le régime disciplinaire des juges « présent[e] les garanties nécessaires afin d’éviter tout risque d’utilisation d’un tel régime en tant que système de contrôle politique du contenu des décisions judiciaires » ( 127 ). Pour cette raison, la Cour a considéré
l’implication d’un organe indépendant et la mise en place d’une procédure garantissant pleinement les droits consacrés aux articles 47 et 48 de la Charte, en particulier les droits de la défense, comme des garanties essentielles à la sauvegarde de l’indépendance du pouvoir judiciaire ( 128 ). Cette déclaration signifie sans équivoque que les normes des articles 47 et 48 de la Charte s’appliquent aux procédures disciplinaires visant les magistrats ( 129 ).

266. Force est de constater que ces normes s’appliquent aux organes disciplinaires eux‑mêmes (la chambre disciplinaire statuant généralement sur la faute disciplinaire) et non pas à l’entité qui les saisit (à savoir le « procureur disciplinaire »). L’inspection judiciaire n’est pas habilitée à statuer sur l’existence d’une infraction disciplinaire. Cela est réservé à la section compétente du CSM, qui est l’organe disciplinaire.

267. Toutefois, comme l’a précisé le gouvernement roumain lors de l’audience et comme l’a fait observer la partie requérante, l’inspection judiciaire joue un rôle essentiel dans la procédure disciplinaire. Elle mène l’instruction préliminaire et décide s’il y a lieu d’ouvrir une enquête disciplinaire. Elle mène cette enquête, avant de décider finalement de former ou non un recours disciplinaire devant la section compétente du CSM pour que celle‑ci statue ( 130 ). Elle a également des fonctions
importantes en ce qu’elle déclenche la procédure qui conduit à la détermination d’une erreur judiciaire ( 131 ). En outre, comme l’a expliqué la juridiction de renvoi, l’inspecteur en chef dispose de pouvoirs clés qui ont également été renforcés par les modifications récentes ( 132 ) : il nomme les inspecteurs ayant des fonctions de gestion, gère l’activité d’inspection et les procédures disciplinaires, organise l’attribution des dossiers, définit les domaines d’activité spécifiques dans
lesquels les actions de contrôle sont exercées ; il est l’ordonnateur principal et a qualité pour exercer lui‑même l’action disciplinaire.

268. Dans un tel contexte, il est assez clair que ces pouvoirs d’enquête et de « déclenchement » des enquêtes disciplinaires sont déjà susceptibles, quelles que soient les garanties offertes par l’organe qui prend la décision finale sur la procédure disciplinaire, d’exercer des pressions sur les personnes qui ont la tâche de statuer sur un différend ( 133 ). C’est a fortiori le cas lorsque le pouvoir d’ouvrir une enquête et une action disciplinaire semble dévolu à une seule institution, spécialisée
en fait dans l’inspection des juges et les enquêtes qui les visent.

269. Pour cette raison, un organe en charge de l’ouverture de procédures disciplinaires, tel que l’inspection judiciaire, doit démontrer au moins un certain degré d’indépendance opérationnelle et en matière d’enquêtes. Là encore, le niveau d’indépendance attendu ne saurait assurément être celui exigé des organes disciplinaires eux‑mêmes. Toutefois, compte tenu du rôle de l’inspection judiciaire au sein du CSM et des pouvoirs de l’inspecteur en chef, la procédure de nomination à ce poste ne saurait
être de nature à faire naître des préoccupations concernant l’utilisation des prérogatives et des fonctions de cet organe comme instruments de contrôle politique de l’activité juridictionnelle et de pression sur cette activité.

270. Comment une règle qui prévoit un système de nomination par intérim, consistant à prolonger le mandat de l’intéressé s’inscrit-elle dans ce tableau ? Envisagée de manière abstraire et détachée de tout contexte, une telle règle pourrait difficilement être considérée, en soi, comme contraire aux exigences d’indépendance de la justice imposées par le droit de l’Union.

271. D’une part, en effet, toute participation du pouvoir exécutif à la nomination à des postes dans le pouvoir judiciaire ne crée pas automatiquement un rapport de subordination violant le principe d’indépendance, s’il existe des garanties protégeant les personnes nommées d’une influence ou d’une pression dans l’exercice de leur fonction après la nomination ( 134 ). En réalité, c’est plutôt le contraire : la séparation des pouvoirs va dans les deux sens.

272. Cette conclusion s’impose également, à mon sens, pour la nomination aux postes de direction d’un organisme tel que l’inspection judiciaire. À cet égard, comme le fait valoir l’inspection judiciaire, le gouvernement roumain n’a pas directement nommé, par décision individuelle, l’inspecteur en chef de l’inspection judiciaire. L’ordonnance d’urgence no 77/2018 réglemente une procédure visant à assurer la gestion intérimaire de l’inspection judiciaire.

273. D’autre part, l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte ne s’oppose pas non plus, en principe, à un régime selon lequel la direction intérimaire d’un organisme tel que l’inspection judiciaire est assurée par l’inspecteur en chef et l’inspecteur en chef adjoint déjà en place jusqu’à ce qu’une nouvelle direction soit désignée par la voie de la procédure ordinaire. Certes, ainsi que le fait également valoir l’inspection judiciaire, cela permet de s’assurer que les personnes occupant la fonction
par intérim ont déjà réussi le concours prévu par la loi et qu’elles disposent d’une expérience dans la fonction. Un tel système peut, en effet, être nécessaire et existe dans diverses juridictions pour certaines positions clés, y compris les nominations aux postes de juge ( 135 ).

274. En l’espèce, le diable n’est toutefois pas dans les détails, mais dans le contexte. Les deux éléments, en apparence non problématiques, qui viennent d’être évoqués rapidement, perdent leur caractère incontestable dès lors que l’on s’attache au système spécifique de nomination intérimaire à la direction de l’inspection judiciaire, tel qu’il est prévu par l’ordonnance d’urgence no 77/2018, et au résultat concret auquel elle aboutit dans le cas d’espèce.

275. Conformément à l’article II de cette ordonnance, le système de nomination intérimaire est également applicable dans la situation dans laquelle la direction de l’inspection judiciaire est vacante à la date d’entrée en vigueur de cette ordonnance d’urgence, ce qui était précisément le cas lors de l’adoption de l’ordonnance d’urgence no 77/2018 ( 136 ). Concrètement, cela signifie que la règle introduite par une ordonnance d’urgence, sans consulter l’organe qui doit normalement être consulté sur
une telle nomination, n’est pas seulement conçue pour assurer la continuité du mandat, mais elle a pour effet pratique de réintégrer a posteriori dans ses fonctions une personne dont le mandat a déjà expiré, au moyen d’une procédure autre que celle prévue par la loi et en contournant les acteurs normalement associés à cette procédure.

276. Cet élément de contexte et de fonctionnement pratique d’une règle apparemment neutre est en soi suffisant pour conclure que le système de nomination intérimaire à la direction de l’inspection judiciaire mis en place par l’ordonnance d’urgence no 77/2018 est susceptible d’instiller le doute quant à l’intérêt du gouvernement roumain à nommer une personne donnée à la tête de l’organe responsable des enquêtes disciplinaires visant des magistrats. Par conséquent, un tel système ne semble pas
comporter de garanties propres à dissiper tout doute légitime, dans l’esprit des justiciables, quant à l’imperméabilité des instances judiciaires aux éléments extérieurs et à leur neutralité par rapport à l’intérêt dont elles sont saisies.

277. Selon moi, l’analyse peut et doit véritablement s’arrêter à ce stade. La juridiction de renvoi et, surtout, les parties (nationales) à la présente procédure ont présenté d’autres arguments contextuels, tirés non seulement des questions de la répartition (nationale) des compétences, mais portant également sur des personnes et des organismes concernés et leurs prétendus intérêts particuliers. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire ou opportun que la Cour examine l’un de ces autres éléments
contextuels, compte tenu du fait que l’argument exposé précédemment est lui‑même clair et concluant.

278. En définitive, une règle neutre quant aux personnes, conçue ex ante, qui, au nom de la continuité des institutions, prévoit qu’une personne restera en fonction jusqu’à ce qu’un successeur soit valablement désigné, est bonne et raisonnable. Faire usage d’une telle règle apparemment neutre, dont le seul effet serait de réintégrer une personne donnée à un poste à l’expiration de son mandat, en violation des procédures normales de nomination, n’est ni bien ni raisonnable.

c)   Conclusion provisoire

279. Je propose donc de répondre à la troisième question dans l’affaire C‑83/19 de la manière suivante : l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte ainsi que l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à des dispositions nationales par lesquelles le gouvernement adopte, par dérogation au régime juridique normalement applicable, un système de nomination intérimaire à des postes de direction de l’organe chargé de conduire des enquêtes
disciplinaires au sein de la magistrature, qui a pour effet, en pratique, de réintégrer dans l’exercice de ses fonctions une personne dont le mandat a déjà expiré.

3.   Sur la SEIJ

a)   Les décisions de renvoi et les positions des parties

280. Quatre des cinq affaires examinées dans les présentes conclusions concernent les dispositions juridiques instituant et régissant la SEIJ. La légalité de différents actes administratifs d’exécution des dispositions juridiques instituant la SEIJ est en cause dans les procédures au principal dans les affaires C‑127/19 et C‑355/19, qui font l’objet d’un renvoi préjudiciel de la même juridiction nationale. Les affaires C‑195/19 et C‑291/19 ont été présentées dans le cadre d’une procédure pénale
pendante, visant des juges et des procureurs, à laquelle la SEIJ est appelée à participer.

281. C’est dans ce contexte que les quatrième et cinquième questions dans l’affaire C‑127/19, la quatrième question dans l’affaire C‑291/19 et la quatrième question dans l’affaire C‑355/19 visent, en substance, à savoir si le principe d’indépendance de la justice consacré à l’article 19, paragraphe 1, TUE et à l’article 47 de la Charte ainsi que l’obligation de respecter le principe de l’État de droit prévu à l’article 2 TUE s’opposent à la création de la SEIJ. La cinquième question dans l’affaire
C‑291/19 vise à savoir si l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, relatif au droit à un procès équitable par la résolution de l’affaire dans un délai raisonnable, s’oppose à la création de la SEIJ, eu égard au nombre limité de postes dans cette section.

282. Les décisions de renvoi soulèvent ainsi, en reprenant dans une large mesure l’argumentation des parties au principal, différentes questions relatives à la création et au fonctionnement de la SEIJ. Ces arguments ont été développés davantage par certaines parties intéressées qui ont présenté des observations devant la Cour, notamment l’association Forum des juges, l’association « Mouvement pour la défense du statut des procureurs », le procureur général et OL.

283. Au vu des éléments avancés dans les décisions de renvoi, les gouvernements néerlandais et suédois, ainsi que la Commission, ont constaté l’existence d’indices significatifs démontrant que les règles régissant l’instauration et le fonctionnement de la SEIJ ne sont pas conformes aux exigences d’indépendance et d’impartialité de la justice.

284. Le gouvernement roumain, qui a défendu dans ses observations écrites la conformité de la SEIJ à ces normes, a modifié sa position lors de l’audience. Il a informé la Cour que, pour les raisons exposées dans un mémorandum approuvé par le gouvernement le 27 décembre 2019, le gouvernement actuel plaide en faveur de la suppression de la SEIJ, conformément aux recommandations des rapports MCV, ainsi que des rapports de la Commission de Venise et du GRECO.

285. Ce gouvernement a expliqué certains éléments sur lesquels repose sa nouvelle position. Je me limiterai à en rappeler trois, mentionnés par ce gouvernement et discutés par les parties intéressées devant la Cour. En premier lieu, les dispositions relatives à la composition des jurys de concours telles que modifiées ultérieurement semblent aller à l’encontre du principe de séparation des carrières de juge et de procureur prévu en droit roumain, selon lequel la nomination des procureurs relève de
la compétence des sections des procureurs du CSM. En deuxième lieu, il apparaît que la création de la SEIJ a entraîné un risque d’immunité de poursuites pénales de fait pour les procureurs appartenant à cette section. En troisième lieu, compte tenu du principe constitutionnel du contrôle hiérarchique, la règle relative à la notion de « procureur hiérarchiquement supérieur » est controversée.

286. Ainsi, il apparaît en définitive que seul le CSM défend la création et le fonctionnement de la SEIJ. Le CSM a expliqué que la création de cette section se justifie par la nécessité de protéger les magistrats ( 137 ). La SEIJ vise à offrir des garanties supplémentaires à une catégorie de personnes, eu égard au rôle important qu’elles jouent dans la société, et à garantir un degré élevé de professionnalisme des personnes qui procèdent à l’examen de leurs dossiers. Elle renforcerait donc
l’indépendance du système judiciaire en assurant la protection contre les pressions et les abus résultant de plaintes et d’actions arbitraires contre des membres de la magistrature.

287. Lors de l’audience, le CSM a souligné que le système était également motivé par des excès à l’égard des magistrats commis par la DNA qui, avant la création de la SEIJ, avait enquêté sur plus de la moitié des juges roumains, comme l’a mis en lumière un rapport rédigé par l’inspection judiciaire et approuvé par le CSM au mois d’octobre 2019 ( 138 ). De plus, cet objectif « protecteur » a été retenu par la Curtea Constituțională (Cour constitutionnelle) dans son arrêt no 33/2018 ( 139 ).

288. Le CSM a également fait valoir que la création de la SEIJ s’accompagnait d’un système de garanties de nature à dissiper tout doute quant à son indépendance face aux pressions politiques. Des garanties supplémentaires ont renforcé les procédures de nomination du procureur en chef de la SEIJ et de sélection des procureurs de cette section ( 140 ). Le procureur en chef de la SEIJ est nommé par l’assemblée plénière du CSM, contrairement aux chefs des autres sections du parquet, qui sont nommés à
l’issue d’un concours organisé par le ministre de la Justice, ne laissant au CSM que la possibilité de donner un avis consultatif. On observera également, s’agissant des procureurs de la SEIJ, que les garanties supplémentaires d’indépendance consistent à exiger au moins 18 années d’expérience en tant que procureur, que la sélection se fait sans influence politique dans le cadre d’une procédure transparente, qu’il y a un examen rigoureux des cinq dernières années de l’activité professionnelle
des procureurs et qu’il n’existe aucune possibilité de délégation à cette section.

b)   Analyse

289. Les arguments avancés par les juridictions de renvoi, de même que les préoccupations exprimées par les parties ayant présenté des observations devant la Cour, sont nombreux et complexes. Ils portent sur différents éléments concernant les règles nationales régissant la création de la SEIJ, sa composition et ses compétences, le choix de sa direction, ses effets institutionnels plus larges en termes d’incidence sur la compétence d’autres sections des poursuites et la manière dont cette instance
exerce ses fonctions dans la pratique.

290. Conformément à la jurisprudence récente de la Cour ( 141 ), je considère que ces éléments, même s’ils échappent à la critique lorsqu’ils sont examinés individuellement, doivent faire l’objet d’une appréciation globale, afin de déterminer l’incidence de la création et du fonctionnement de la SEIJ sur les exigences d’indépendance de la justice.

291. Pour commencer, compte tenu des effets que la création d’une section contentieuse spécifique « pour les juges » peut avoir sur la perception publique du pouvoir judiciaire, l’instauration d’une telle section doit nécessairement répondre à une justification particulièrement importante, transparente et réelle [sous i)]. Une fois ce critère rempli, il est en outre impératif que la composition, l’organisation et le fonctionnement d’une telle section répondent à des garanties propres à éviter le
risque de pressions extérieures sur le pouvoir judiciaire [sous ii)]. Enfin, les circonstances particulières ayant entouré la création de la SEIJ, ainsi que la description de la manière dont cet organisme a exercé ses fonctions, sont également pertinentes pour identifier le contexte en cause [sous iii)].

i) Sur la justification

292. Comme il a déjà été suggéré ( 142 ), les exigences de l’Union en matière d’impartialité et d’indépendance du pouvoir judiciaire, consacrées à l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, ainsi qu’à l’article 19, paragraphe 1, TUE, n’imposent pas aux États membres l’obligation d’adopter une structure ou un modèle déterminé concernant l’architecture institutionnelle du ministère public. En effet, la structure du parquet varie fortement dans les États européens ( 143 ).

293. Toutefois, la création d’une section des poursuites dédiée disposant d’une compétence exclusive pour les infractions commises par les magistrats, a une incidence réelle sur la perception de l’indépendance et de l’impartialité de la justice par le public. Elle individualise les magistrats en tant que groupe professionnel nécessitant une structure administrative distincte du ministère public. Comme le fait observer la Commission, cela est de nature à créer l’impression d’une criminalité répandue,
voire d’une corruption, dans le système judiciaire. Elle a pour effet de placer les infractions commises par les juges (qui peuvent être de nature diverse) à un niveau de gravité équivalent à celui de la corruption, du crime organisé ou du terrorisme, qui sont les seules autres matières pour lesquelles il existe des sections spécialisées au sein du parquet en Roumanie ( 144 ). Cette « impression de criminalité » affecte l’un des éléments cruciaux permettant d’évaluer l’impact d’une mesure
donnée sur l’indépendance de la justice, à savoir la confiance que les tribunaux doivent inspirer au public dans une société démocratique ( 145 ).

294. Là encore, il est difficile de soutenir que la création de sections de poursuites spécifiques, voire même de services de poursuites distincts, est, en soi, exclue. Il existe d’ailleurs dans les États membres des structures de poursuites dédiées, soit fondées sur des besoins spécifiques de protection d’un groupe de personnes particulier (tel que les mineurs), un statut particulier de certaines personnes (comme les services de procureurs militaires), soit se rapportant à une question
particulièrement avancée qui nécessite une expertise ou des connaissances particulières (comme la délinquance économique complexe, la cybersécurité, etc.).

295. Toutefois, compte tenu de l’importance de l’impact d’une mesure institutionnelle sur la perception du pouvoir judiciaire, il est essentiel que sa justification repose sur des raisons réelles et suffisamment importantes qui doivent, en outre, être portées à l’attention du public de manière non équivoque et accessible.

296. Existait-il des raisons suffisamment importantes pour justifier la création de la SEIJ ? Le CSM a expliqué que la création de la SEIJ se justifiait par la nécessité de protéger le pouvoir judiciaire.

297. La nécessité de protéger le pouvoir judiciaire contre des pressions indues pourrait certes, d’une manière générale, constituer une raison légitime et suffisamment importante de mettre en place une structure de poursuites destinée à atténuer ce risque, compte tenu de circonstances spécifiques propres à un État membre donné, et dans le respect des exigences d’indépendance de l’impartialité de la justice.

– Une justification dépourvue d’ambiguïté et accessible ?

298. Toutefois, lorsque la création d’une section telle que la SEIJ n’est pas motivée par la lutte contre la criminalité, mais plutôt par la nécessité de protéger le pouvoir judiciaire lui‑même, il est impératif qu’une telle justification soit rendue publique d’une manière non équivoque et accessible, afin de ne pas porter atteinte à la confiance du public dans le pouvoir judiciaire.

299. Le gouvernement roumain a souligné lors de l’audience que les raisons de l’instauration de la SEIJ n’ont pas été explicitées dans le préambule de la loi no 207/2018. Le rapport de l’inspection judiciaire concernant les excès de la DNA, sur lequel se fonde le CSM pour justifier la création de la SEIJ, n’a été adopté qu’après la publication de la loi, entrée en vigueur le 23 juillet 2018. On voit mal, dès lors, en quoi il pourrait en constituer la motivation. Enfin, le gouvernement roumain a
souligné lors de l’audience qu’une justification tirée de la nécessité de protéger des personnes spécifiques en raison de la nature et de l’importance de leur rôle n’est pas convaincante dès lors que le même système n’est pas appliqué à d’autres personnes importantes, telles que les sénateurs ou les députés.

300. Au vu de ces éléments, il est difficile de déterminer si l’objectif consistant à protéger le système judiciaire contre les pressions indues était, en tout état de cause, celui qui a motivé la création de la SEIJ. Il ne peut donc être établi, à mon sens, que le public a été informé de la création de cette section répressive par une justification dépourvue d’ambiguïté et accessible.

– Une justification réelle ?

301. Le point essentiel, et le plus litigieux du débat entre les parties ayant présenté des observations devant la Cour, porte sur la réalité de la justification « protectrice » de la création de la SEIJ. L’Association Forum des juges, l’association « Mouvement pour la défense du statut des procureurs », le procureur général et OL ont présenté une argumentation assez circonstanciée à l’appui de l’affirmation selon laquelle la création de la SEIJ était en réalité inspirée par des motifs différents. À
cette fin, ces parties se sont fondées sur les conséquences pratiques de la structure institutionnelle de la SEIJ. Ainsi que l’a fait observer le procureur général lors de l’audience, ces éléments peuvent amener le public à croire que l’instauration de la SEIJ visait en fait à affaiblir la lutte contre la corruption.

302. En premier lieu, l’association « Mouvement pour la défense du statut des procureurs » et le procureur général ont contesté la véritable nature de l’objectif de « protection ». Cela tient, tout d’abord, au faible nombre d’affaires dans lesquelles des magistrats ont été poursuivis avant la création de la SEIJ ( 146 ). De plus, le nombre d’affaires visant des magistrats a davantage augmenté que diminué depuis que la SEIJ est devenue opérationnelle. En second lieu, l’instauration de la SEIJ n’a été
accompagnée d’aucune garantie supplémentaire. La SEIJ applique les mêmes règles procédurales que les autres sections de poursuites et elle est tenue, sur la base du principe de légalité, de procéder à l’enregistrement et à l’instruction de toute plainte déposée conformément aux exigences formelles du code de procédure pénale. Au contraire, il n’existe pas d’instruments adéquats, ce qui se traduit par moins de garanties, le plus souvent en raison du nombre limité de procureurs, et compte tenu du
fait que, à la différence d’autres sections de poursuites, il n’existe pas de structure territoriale appropriée au niveau national, tous les procureurs de la SEIJ étant basés à Bucarest.

303. Le gouvernement roumain a convenu de ce dernier point lors de l’audience. Il a fait observer que la compétence exclusive de la SEIJ pour tout type d’infraction commise par les membres du pouvoir judiciaire ne garantit pas aux procureurs la spécialisation nécessaire, notamment, en matière d’infractions de corruption, ce fait étant d’autant plus alarmant que le SEIJ ne dispose d’aucune structure territoriale.

304. D’autre part, plusieurs éléments suggèrent que la création de la SEIJ conduit en réalité à affaiblir la lutte contre la corruption à haut niveau. Conformément à l’article 881, paragraphes 1 et 2 de la loi no 304/2004, la SEIJ dispose d’une compétence exclusive pour les affaires concernant les magistrats et conserve cette compétence lorsque d’autres personnes sont également poursuivies. L’association « Mouvement pour la défense du statut des procureurs » et le procureur général ont expliqué que
les affaires traitées par d’autres sections de poursuites seront transférées à la SEIJ du simple fait que des griefs « fictifs » sont allégués à l’encontre d’un magistrat. Il est également allégué que cela affecterait principalement les affaires qui relèvent de la compétence de la DNA, certains cas de corruption pouvant également impliquer des juges. L’association « Mouvement pour la défense du statut des procureurs » a précisé, lors de l’audience, que la SEIJ pouvait demander l’attribution de
n’importe quel dossier en invoquant des éléments de connexité avec l’un des dossiers faisant l’objet d’une enquête menée par elle. En outre, selon la modification introduite à l’article 888, paragraphe 1, sous d), de la loi no 304/2004 par l’ordonnance d’urgence no 7/2009, la SEIJ est compétente pour se désister de recours déjà introduits par d’autres sections de poursuites. OL a soutenu, lors de l’audience, que les premières actions de la SEIJ avaient consisté à se désister dans d’importantes
affaires de corruption arrivées au stade du pourvoi.

305. Il convient également de noter que le risque que la SEIJ soit perçue comme un organe dont la création et le fonctionnement sont motivés par des considérations politiques a été souligné par les rapports MCV, par la Commission de Venise et par le GRECO ( 147 ). Ce risque a également été expressément reconnu par le gouvernement roumain lors de l’audience.

306. Au vu de ces considérations, et malgré la légitimité théorique et la gravité de l’objectif de protection invoqué par le CSM, il me semble difficile de soutenir que la création de la SEIJ a été justifiée d’une manière claire, non équivoque et accessible, afin de ne pas porter atteinte à la confiance du public dans le pouvoir judiciaire. En outre, et sous réserve de vérification par la juridiction de renvoi, les éléments indiqués précédemment, relatifs aux effets des atteintes systématiques sur
la compétence des autres sections de poursuites, font non seulement naître des doutes sérieux quant au caractère réel de la justification avancée par le CSM, mais sont également de nature à susciter une méfiance quant à l’impartialité du système judiciaire et son imperméabilité aux pressions extérieures, notamment en donnant l’impression que la création et le fonctionnement de la SEIJ sont motivés par des raisons politiques.

307. Exprimé en termes simples, lorsque l’on réunit toutes les menaces, l’image qui émerge n’est pas nécessairement celle d’une protection renforcée des juges. Ce qui apparaît de manière inquiétante au premier plan, c’est une superstructure toute-puissante, qui pourrait bien entendu protéger, mais qui pourrait tout aussi bien contrôler et donc influencer. C’est peut-être là que réside le paradoxe de toute l’idée : les juges faisant prétendument l’objet de pressions par les dénonciations introduites
de manière diffuse, il est nécessaire de créer une entité centralisée ayant une compétence exclusive dans ces matières. Toutefois, en termes de possibilité structurelle d’abus, une entité centralisée et spécialisée devient alors encore plus dangereuse. Il est possible que les systèmes diffusés et décentralisés ne soient pas toujours coordonnés, mais, de manière générale, ils sont beaucoup plus résilients. En revanche, dans les systèmes centralisés, il suffit de prendre le contrôle du centre.

ii) Sur les garanties

308. En dépit de la conclusion qui vient d’être tirée, le CSM a soutenu que la création de la SEIJ s’accompagnait d’un système de garanties de nature à dissiper tout doute quant à son indépendance à l’égard des pressions politiques ( 148 ).

309. Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de s’engager dans un long débat sur les détails du droit national, qu’il appartient, en tout état de cause, au juge national d’apprécier. Je me bornerai à relever que, sur ce point, le CSM a été contredit par le gouvernement roumain, qui a reconnu, lors de l’audience, que de nombreuses garanties auxquelles se réfère le CSM ont été substantiellement affaiblies par les réformes ultérieures adoptées par le gouvernement pendant une brève période au moyen des
ordonnances d’urgence.

310. Comme l’a admis le gouvernement roumain lors de l’audience, l’urgence à adopter des ordonnances portant modification des dispositions relatives à la SEIJ n’a pas toujours été établie. Bien que certaines raisons aient été avancées s’agissant des ordonnances d’urgence no 90/2018 ( 149 ) et no 12/2019 ( 150 ), le gouvernement roumain a relevé que les ordonnances d’urgence no 92/2018 et no 7/2019 ne contenaient pas la moindre justification de l’urgence ou de la nécessité de modifier les
dispositions relatives à la SEIJ.

311. Il ressort des observations présentées à la Cour que les ordonnances d’urgence ont modifié à plusieurs reprises les dispositions relatives à la procédure de sélection, assouplissant les conditions relatives à la composition du jury de concours ( 151 ). Le gouvernement roumain a souligné lors de l’audience que, bien qu’il ait indiqué dans ses observations écrites que la procédure de nomination des procureurs de la SEIJ était une garantie supplémentaire, il a omis toute mention des modifications
ultérieures introduites par l’ordonnance d’urgence no 90/2018. En outre, l’article II de l’ordonnance d’urgence no 90/2018 dérogeait aux dispositions relatives à la procédure de nomination afin d’assurer la désignation intérimaire du procureur en chef et d’au moins un tiers des procureurs de la SEIJ.

312. Outre la modification de la procédure de sélection indiquée précédemment, ces ordonnances d’urgence ont introduit et modifié des dispositions essentielles relatives aux compétences et à la structure institutionnelle de la section. Premièrement, l’ordonnance d’urgence no 7/2019 adoptée par le gouvernement a ajouté à l’article 881 de la loi no 304/2004 un nouveau paragraphe 6, aux termes duquel, lorsque le code de procédure pénale ou toute autre loi spéciale fait référence au « procureur
hiérarchiquement supérieur » dans les affaires relatives à des infractions relevant de la compétence de la SEIJ, cette expression doit être comprise comme désignant le procureur en chef de la SEIJ, y compris pour des décisions adoptées avant que cette section ne devienne opérationnelle ( 152 ). Deuxièmement, ladite ordonnance modifie également l’article 888 de la loi no 304/2004, en prévoyant, à son paragraphe 1, sous d), une nouvelle compétence de la SEIJ, qui consiste à introduire les recours
ou à s’en désister dans des affaires relevant de la compétence de la section, y compris des affaires pendantes devant les juridictions ou définitivement tranchées avant que la SEIJ ne devienne opérationnelle.

313. Il apparaît donc que, sur une courte période, le gouvernement roumain a adopté pas moins de quatre ordonnances d’urgence modifiant des aspects des dispositions introduites par la loi no 207/2018 en ce qui concerne la SEIJ. Cela fut notamment le cas en ce qui concerne la procédure de sélection et de nomination de son procureur en chef et de ses procureurs, mais également à l’égard d’autres éléments importants des compétences de la section et de son statut au sein du ministère public, sans
toujours fournir une justification de l’urgence ayant motivé l’intervention du gouvernement.

314. Ainsi que le fait valoir la Commission, ces éléments confirment l’existence d’un risque sérieux d’atteinte à l’indépendance de la justice, aggravé par l’intervention rapide et directe du gouvernement au moyen d’ordonnances d’urgence, portant ainsi gravement atteinte à la perception par le public de l’influence politique sur le pouvoir judiciaire.

315. Tous ces éléments m’amènent à conclure que, contrairement à ce que soutient le CSM, la réglementation de la SEIJ n’offre pas de garanties suffisantes pour écarter tout risque d’influence politique sur son fonctionnement et sa composition. S’agissant de leur contenu, les garanties invoquées par le CSM ont été affaiblies à la suite de l’adoption des ordonnances d’urgence, lesquelles ont également modifié à maintes reprises la conception institutionnelle de la section, ses règles de nomination des
procureurs, ainsi que ses relations avec d’autres sections du ministère public. Enfin, tout cela est intervenu dans le cadre de la conception déjà quelque peu contestable de la SEIJ, qui, pour les raisons exposées dans la partie précédente, n’était pas très solide en premier lieu au regard de la perception externe de son indépendance.

iii) Sur le contexte et le fonctionnement pratique

316. J’estime que les considérations qui précèdent suffisent pour répondre utilement aux questions déférées à la Cour. Toutefois, les juridictions nationales, lorsqu’elles statuent en dernier ressort sur la conformité du droit national au droit de l’Union, sont également fondées à tenir compte, lors de l’appréciation du degré suffisant des garanties qui doivent être exigées, comme il a été observé précédemment, des circonstances factuelles et contextuelles dans lesquelles la SEIJ a exercé ses
fonctions après sa mise en place.

317. D’une part, s’agissant des effets concrets des règles (souvent modifiées) relatives à la sélection et à la nomination du procureur en chef et des procureurs de la SEIJ, OL a souligné, lors de l’audience, que le pouvoir de nomination et de révocation appartenait en principe à un petit groupe de membres du CSM, qui étaient des sympathisants du gouvernement de l’époque. L’association « Mouvement pour la défense du statut des procureurs » a notamment souligné que tant le procureur en chef ad
interim que le procureur en chef désigné ultérieurement sont des personnes ayant des liens particuliers avec le gouvernement de l’époque.

318. D’autre part, s’agissant des actions entreprises par la SEIJ depuis sa création, l’association Forum des juges et l’association « Mouvement pour la défense du statut des procureurs » ont fourni une description détaillée de la manière dont la SEIJ a exercé ses fonctions. Ces parties intéressées ont fait valoir que la SEIJ avait ouvert des enquêtes et rouvert des dossiers clos concernant des magistrats qui s’étaient publiquement opposés aux modifications législatives, y compris des juges et des
procureurs de haut rang ( 153 ). Elles relèvent également l’ouverture d’enquêtes visant des procureurs qui avaient ouvert des enquêtes sur des membres du parti gouvernemental au moment de l’adoption des règles sur la SEIJ. On relève également que la SEIJ s’est désistée, sans motif, de pourvois en matière de corruption ainsi que d’autres affaires concernant des membres importants de l’ancien parti gouvernemental et qu’elle a cherché à obtenir la compétence dans des affaires examinées par
d’autres sections du ministère public et visant des membres de ce parti. D’autres éléments, tels que des fuites d’informations, la publication d’avis sans anonymisation adéquate, ou une communication officielle d’informations erronées, ont également été avancés comme arguments confirmant la prémisse de l’utilisation de la SEIJ à des fins autres que des poursuites pénales impartiales.

319. Il n’appartient pas à la Cour d’apprécier les éléments factuels qui viennent d’être énumérés. Toutefois, dans le cadre des critères d’appréciation générale des dispositions nationales en cause ( 154 ), j’estime que les juridictions nationales sont en droit de prendre en compte des éléments objectifs concernant les conditions de création de la SEIJ, ainsi que son fonctionnement en pratique, en tant qu’éléments susceptibles de confirmer ou d’infirmer les risques d’une influence politique. En
effet, la confirmation d’un tel risque est de nature à susciter des doutes légitimes dans l’esprit des justiciables quant à l’indépendance des juges, dans la mesure où elle compromet l’impression de neutralité de ces derniers par rapport à l’intérêt dont ils ont à connaître, notamment lorsqu’il s’agit de cas de corruption.

iv) Sur les délais raisonnables

320. Enfin, la cinquième question dans l’affaire C‑291/19 vise à savoir si l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, aux termes duquel « [t]oute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable », s’oppose à la création de la SEIJ, à la lumière des règles qui régissent l’exercice de sa fonction et des modalités d’établissement de sa compétence, en lien avec le nombre limité de postes dans cette section.

321. La juridiction de renvoi estime qu’il existe un risque que les affaires ne soient pas traitées dans un délai raisonnable en raison de l’activité de poursuites de la SEIJ, essentiellement parce que le nombre de postes au sein de cette section est limité par rapport au volume des affaires dont elle est saisie. D’une part, sur un nombre déjà limité de quinze procureurs, seuls six postes étaient pourvus à partir du 5 mars 2019. D’autre part, au moment où la SEIJ est devenue opérationnelle, elle
avait déjà fait enregistrer 1422 dossiers.

322. La juridiction de renvoi fait également observer que, chaque année, des milliers de plaintes fictives sont déposées contre des magistrats et nécessitent au moins une certaine instruction. Ce volume de dossiers et l’administration d’autres dossiers généraux, ainsi que la possibilité (qui s’est déjà concrétisée) de reprendre les affaires d’autres sections de poursuites suscitent de sérieux doutes quant à la capacité de la SEIJ à mener une enquête efficace dans un délai raisonnable.

323. Dans le même ordre d’idées, l’association Forum des juges, l’association « Mouvement pour la défense du statut des procureurs », le procureur général et OL soutiennent que le nombre limité de procureurs de la SEIJ conduit inévitablement à une surcharge de travail. Le procureur général a ajouté que, au moment de la tenue de l’audience, la SEIJ comptait sept procureurs et qu’il y avait environ 4000 dossiers en suspens, alors que, au cours de l’année 2019, cette section n’avait pu traiter que
400 dossiers.

324. J’observe d’emblée que la présente question se distingue des autres questions préjudicielles examinées dans cette partie en ce qu’elle concerne exclusivement les droits procéduraux des magistrats, indépendamment de son incidence sur leur indépendance ou leur impartialité. Pour cette raison, la Commission soutient que la question doit être reformulée en ce sens qu’il est demandé si, dans les circonstances particulières du litige au principal, l’article 47 de la Charte interdit à la juridiction
de renvoi de renvoyer une affaire à la SEIJ, dans l’hypothèse où le pourvoi serait confirmé ( 155 ). La Commission fait valoir que, dans le cas où une juridiction nationale doit renvoyer une affaire au ministère public, l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à un tel renvoi s’il est fort probable que la procédure pénale ne prendra pas fin dans un délai raisonnable.

325. J’estime qu’il n’est pas nécessaire de procéder à une telle reformulation. Je considère que la question posée par la juridiction de renvoi démontre une fois de plus le double aspect de la fonction de contrôle des dispositions de la Charte déjà évoqué précédemment ( 156 ) : l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte sert de référence au contrôle concret de conformité dans le cas d’espèce, ce qui n’empêche pas que la Charte serve également de critère du contrôle abstrait des règles nationales
concernant la SEIJ.

326. En outre, ces deux aspects se confondent effectivement dans le contexte de la présente affaire. L’approche spécifique (subjective) de l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte doit, en l’espèce, également être suivie par référence à un examen (objectif) abstrait de l’incidence des règles régissant la SEIJ sur la durée potentielle des procédures. En effet, la juridiction de renvoi ne demande pas si, dans le cas particulier de la requérante, la procédure a déjà atteint une durée déraisonnable,
mais si le fait que la configuration institutionnelle de la SEIJ soit de nature à conduire à un tel résultat constitue une violation des garanties prévues à l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte.

327. L’article 47, deuxième alinéa, de la Charte correspond à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH. Son champ d’application et son contenu doivent recevoir, conformément à l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, une interprétation qui ne demeure pas en deçà des normes de la CEDH.

328. Selon la jurisprudence de la Cour EDH, le « délai raisonnable » visé à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH commence à courir lorsqu’une personne est « accusée » ( 157 ). Le concept d’« accusation » a été interprété par la Cour EDH de manière souple et approfondie. Le moment auquel il fait référence inclut le moment de la notification officielle par une autorité compétente d’une allégation selon laquelle la personne a commis une infraction pénale, mais également le moment où la situation de
cette personne a été substantiellement affectée par les mesures prises par les autorités sur la base d’un soupçon ( 158 ). Comme l’a fait observer la Commission, cette interprétation est donc susceptible de couvrir la période d’enquête préliminaire ( 159 ).

329. Il est vrai que la Cour EDH examine le caractère raisonnable de la durée de la procédure à la lumière des circonstances spécifiques de chaque affaire en se référant à sa complexité, au comportement du requérant et des autorités compétentes, ainsi qu’à l’enjeu pour le requérant ( 160 ). Toutefois, cela n’empêche pas, selon moi, l’examen des modalités institutionnelles susceptibles de conduire, presque inévitablement, à une violation de l’exigence d’un « délai raisonnable » dans les procédures en
cours.

330. Dans le cadre de la présente affaire, où l’appréciation du respect de la structure institutionnelle du parquet est en jeu, les éléments pertinents pour l’évaluation seront pris en compte in abstracto. L’appréciation faite dans ce contexte s’attache notamment au « comportement des autorités compétentes ». L’article 6, paragraphe 1, de la CEDH impose aux États l’obligation d’organiser leur système judiciaire de manière à ce que leurs tribunaux puissent répondre à chacune de ses exigences ( 161 ).
Ces exigences comprennent, bien entendu, le fonctionnement et les actions du parquet ( 162 ). Les retards motivés par l’arriéré d’affaires ne constituent donc pas une justification, car les États peuvent être jugés responsables non seulement du retard dans une affaire particulière « mais également de l’incapacité d’augmenter les ressources en réponse à un arriéré d’affaires, ou de carences structurelles dans son système judiciaire qui causent des retards » ( 163 ).

331. Selon moi, il résulte de ces éléments que l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte prévoit l’obligation pour les États membres d’organiser leur système judiciaire de manière à les rendre conformes aux exigences liées, notamment, à la durée raisonnable de la procédure. Par conséquent, cette disposition s’oppose à ce que les États membres instaurent une section des poursuites qui, au regard de la charge de travail résultant de sa compétence, ne dispose pas d’un nombre suffisant de procureurs,
de sorte que son fonctionnement opérationnel se traduira certainement par une durée déraisonnable des procédures pénales, y compris celles visant des juges.

c)   Conclusion intermédiaire

332. À la lumière des considérations qui précèdent, je propose de répondre aux quatrième et cinquième questions dans l’affaire C‑127/19, à la quatrième question dans l’affaire C‑291/19 et à la quatrième question dans l’affaire C‑355/19 de la manière suivante : l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, ainsi que l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à la création d’une section spécifique des poursuites ayant une compétence exclusive
pour les infractions commises par les magistrats, si la création d’une telle section n’est pas justifiée par des raisons réelles et suffisamment importantes portées à la connaissance du public de manière non équivoque et accessible et si elle n’est pas assortie de garanties suffisantes pour écarter tout risque d’influence politique sur son fonctionnement et sa composition. Dans le cadre de leur appréciation du point de savoir si c’est bien le cas, les juridictions nationales sont en droit de
prendre en compte des éléments objectifs concernant les circonstances ayant présidé à la création d’une telle section des poursuites ainsi que son fonctionnement pratique ultérieur.

333. Il convient de répondre à la cinquième question dans l’affaire C‑291/19 que l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, relatif au droit à un procès équitable par la résolution de l’affaire dans un délai raisonnable, s’oppose à ce que les États membres mettent en place une section des poursuites qui, au regard de la charge de travail résultant de sa compétence, ne dispose pas d’un nombre suffisant de procureurs, de sorte que son fonctionnement se traduira certainement par une durée
déraisonnable des procédures pénales. Il appartient aux juridictions de renvoi d’apprécier, au vu de tous les éléments pertinents dont elles disposent, si les dispositions nationales relatives à la création, à la composition et au fonctionnement de la SEIJ satisfont à ces exigences.

V. Conclusion

334. Je propose à la Cour de statuer comme suit :

1) La deuxième question dans l’affaire C‑195/19, dans la mesure où elle se réfère à l’article 9 TUE et à l’article 67, paragraphe 1, TFUE, ainsi que la troisième question dans cette affaire sont irrecevables.

2) Il convient de répondre comme suit aux premières questions dans les affaires C‑83/19, C‑127/19, C‑291/19 et C‑355/19 :

La décision 2006/928/CE de la Commission, du 13 décembre 2006, établissant un mécanisme de coopération et de vérification des progrès réalisés par la Roumanie en vue d’atteindre certains objectifs de référence spécifiques en matière de réforme du système judiciaire et de lutte contre la corruption, ainsi que les rapports établis par la Commission européenne sur la base de cette décision, constituent des actes pris par une institution de l’Union européenne au sens de l’article 267 TFUE et,
partant, susceptibles d’être interprétés par la Cour.

3) L’examen de la première partie de la deuxième question posée dans les affaires C‑127/19 et C‑355/19 n’a révélé aucun élément de nature à jeter le doute sur le fait que la décision 2006/928, dans sa forme actuelle, a été valablement adoptée sur le fondement du traité d’adhésion.

4) Il y a lieu de répondre comme suit à la seconde partie de la deuxième question dans les affaires C‑83/19, C‑127/19 et C‑355/19, à la première question dans l’affaire C‑195/19 et à la deuxième question dans l’affaire C‑291/19 :

La décision 2006/928 est juridiquement contraignante. Les rapports adoptés par la Commission dans le cadre du mécanisme de coopération et de vérification ne lient pas juridiquement la Roumanie. Toutefois, ces rapports doivent être dûment pris en considération par cet État membre dans ses efforts pour s’acquitter des obligations qui lui incombent en vue d’atteindre les objectifs de référence énumérés à l’annexe de la décision 2006/928, compte tenu de l’exigence de coopération loyale prévue à
l’article 4, paragraphe 3, TUE.

5) Il convient de répondre comme suit à la troisième question dans l’affaire C‑83/19 :

L’article 47, deuxième alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à des dispositions nationales par lesquelles le gouvernement adopte, par dérogation au régime juridique normalement applicable, un système de nomination intérimaire aux postes de direction de l’organe chargé de mener des enquêtes disciplinaires au sein de la magistrature, dont l’effet pratique est la
réintégration dans l’exercice de ses fonctions d’une personne dont le mandat a déjà expiré.

6) Il y a lieu de répondre comme suit aux quatrième et cinquième questions dans l’affaire C‑127/19, à la quatrième question dans l’affaire C‑291/19 et à la quatrième question dans l’affaire C‑355/19 :

L’article 47, deuxième alinéa, de la charte des droits fondamentaux ainsi que l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à la création d’une section pénale spécifique ayant une compétence exclusive pour les infractions commises par des magistrats, si la création d’une telle section n’est pas justifiée par des raisons réelles et suffisamment importantes portées à la connaissance du public de manière non équivoque et accessible et si
elle n’est pas assortie de garanties suffisantes pour écarter tout risque d’influence politique sur son fonctionnement et sa composition. Dans le cadre de leur appréciation du point de savoir si c’est bien le cas, les juridictions nationales sont en droit de prendre en compte des éléments objectifs concernant les circonstances ayant présidé à la création d’une telle section des poursuites ainsi que son fonctionnement pratique ultérieur.

7) Il y a lieu de répondre à la cinquième question dans l’affaire C‑291/19 que l’article 47, deuxième alinéa, de la charte des droits fondamentaux, relatif au droit à un procès équitable par la résolution de l’affaire dans un délai raisonnable, s’oppose à ce que les États membres mettent en place une section des poursuites qui, au regard de la charge de travail résultant de sa compétence, ne dispose pas d’un nombre suffisant de procureurs, de sorte que son fonctionnement se traduira
certainement par une durée déraisonnable des procédures pénales. Il appartient aux juridictions de renvoi d’apprécier, au vu de tous les éléments pertinents dont elles disposent, si les dispositions nationales relatives à la création, à la composition et au fonctionnement de la Secția pentru investigarea infracțiunilor din justiție (section chargée des enquêtes sur les infractions commises au sein du système judiciaire, Roumanie) peuvent effectivement conduire à ce résultat.

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( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) Legea nr. 303/2004 privind statutul judecătorilor și procurorilor (loi no 303/2004 relative au statut des juges et des procureurs), republiée au Monitorul Oficial al României, no 826 du 13 septembre 2005 (ci‑après la « loi no 303/2004 »), Legea nr. 304/2004 privind organizarea judiciară (loi no 304/2004 sur l’organisation du système judiciaire), republiée au Monitorul Oficial al României, no 827 du 13 septembre 2005 (ci‑après la « loi no 304/2004 »), et Legea nr. 317/2004 privind Consiliul
Superior al Magistraturii (loi no 317/2004 sur le Conseil supérieur de la magistrature), republiée au Monitorul Oficial al României, no 628 du 1er septembre 2012 (ci‑après la « loi no 317/2004 »).

( 3 ) Il existe une autre demande de décision préjudicielle parallèle dans l’affaire C‑397/19. Elle concerne des modifications du régime national de responsabilité civile des juges. Dans cette affaire, je présente des conclusions distinctes le même jour que dans les présentes affaires.

( 4 ) Outre le MCV, compte tenu du nombre d’acronymes utilisés dans les présentes conclusions, il me semble utile d’indiquer déjà à ce stade les acronymes les plus fréquemment utilisés afin de faciliter la citation : la Direcția Națională Anticorupție (direction nationale anticorruption, Roumanie, ci‑après la « DNA ») ; le Consiliul Superior al Magistraturii (Conseil supérieur de la magistrature, ci‑après le « CSM ») ; et la Secția pentru investigarea infracțiunilor din justiție (section chargée des
enquêtes sur les infractions commises au sein du système judiciaire, Roumanie, ci‑après la « SEIJ »).

( 5 ) Décision du 13 décembre 2006 établissant un mécanisme de coopération et de vérification des progrès réalisés par la Roumanie en vue d’atteindre certains objectifs de référence spécifiques en matière de réforme du système judiciaire et de lutte contre la corruption (JO 2006, L 354, p. 56, ci‑après la « décision MCV »).

( 6 ) Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil, du 13 novembre 2018, sur les progrès réalisés par la Roumanie au titre du mécanisme de coopération et de vérification [COM(2018) 851 final] (ci‑après le « rapport MCV de 2018 »), accompagné du document de travail des services de la Commission – Roumanie : rapport technique [SWD(2018) 551 final] (ci‑après le « rapport technique de 2018 »).

( 7 ) JO 2005, L 157, p. 11.

( 8 ) JO 2005, L 157, p. 203.

( 9 ) Ordonanța de Urgență a Guvernului nr. 77/2018 pentru completarea art. 67 din Legea nr. 317/2004 privind Consiliul Superior al Magistraturii (Monitorul Oficial al României, no 767 du 5 septembre 2018). Plusieurs dispositions de la loi no 317/2004, dont les articles 65 et 67, ont été modifiées ultérieurement par la Legea nr. 234/2018 pentru modificarea și completarea Legii nr. 317/2004 privind CSM (loi no 234/2018 visant à modifier et compléter la loi no 317/2004 sur le CSM, Monitorul Oficial al
României, no 850 du 8 octobre 2018).

( 10 ) Legea nr. 207/2018 pentru modificarea și completarea Legii nr. 304/2004 privind organizarea judiciară (Monitorul Oficial al României, partie I, no 636 du 20 juillet 2018).

( 11 ) Ordonanța de urgență a guvernului nr. 90/2018 privind unele măsuri pentru operaționalizarea Secției pentru investigarea infracțiunilor din justiție (Monitorul Oficial al României, no 862 du 10 octobre 2018).

( 12 ) Ordonanța de urgență nr. 92 pentru modificarea și completarea unor acte normative în domeniul justiției (Monitorul Oficial al României, no 874 du 16 octobre 2018).

( 13 ) Ordonanța de urgență nr. 7/2019 privind unele măsuri temporare referitoare la concursul de admitere la Institutul Național al Magistraturii, formarea profesională inițială a judecătorilor și procurorilor, examenul de absolvire a Institutului Național al Magistraturii, stagiul și examenul de capacitate al judecătorilor și procurorilor stagiari, precum și pentru modificarea și completarea Legii nr. 303/2004 privind statutul judecătorilor și procurorilor, Legii nr. 304/2004 privind organizarea
judiciară și Legii nr. 317/2004 privind Consiliul Superior al Magistraturii (Monitorul Oficial al României, no 137 du 20 février 2019).

( 14 ) Ordonanța de urgență nr. 12 din 5 martie 2019 pentru modificarea şi completarea unor acte normative în domeniul justiţiei (Monitorul Oficial al României, no 185 du 7 mars 2019).

( 15 ) Consiliului Superior al Magistraturii, CSM nr. 910/2018 pentru aprobarea Regulamentului privind numirea şi revocarea procurorilor cu funcţii de conducere din cadrul Secţiei pentru investigarea infracţiunilor din justiţie (Monitorul Oficial al României, no 812 du 21 septembre 2018).

( 16 ) Consiliului Superior al Magistraturii, CSM nr. 911/2018 pentru aprobarea Regulamentului privind numirea, continuarea activităţii şi revocarea procurorilor cu funcţii de execuţie din cadrul Secţiei pentru investigarea infracţiunilor din justiţie (Monitorul Oficial al României, no 812 du 21 septembre 2018).

( 17 ) Ordinul procurorului general al Parchetului de pe lângă Înalta Curte de Casație și Justiție nr. 252 privind organizarea și funcționarea în cadrul Parchetului de pe lângă Înalta Curte de Casație și Justiție a Secției pentru investigarea infracțiunilor din justiție.

( 18 ) Voir, en ce sens, arrêts du 7 mars 2017, X et X (C‑638/16 PPU, EU:C:2017:173, point 37), et du 26 septembre 2018, Belastingdienst/Toeslagen (Effet suspensif de l’appel) (C‑175/17, EU:C:2018:776, point 24).

( 19 ) Arrêt du 19 novembre 2019, A.K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 74).

( 20 ) Notamment les première et deuxième questions dans l’affaire C‑83/19, la première à la troisième question dans l’affaire C‑127/19, la première question dans l’affaire C‑195/19, la première à la troisième question dans l’affaire C‑291/19 et les première, deuxième et quatrième questions dans l’affaire C‑355/19.

( 21 ) Voir, également, points 144, 263, 284 et 285 des présentes conclusions.

( 22 ) Voir, notamment, arrêts du 25 juillet 2018, Confédération paysanne e.a. (C‑528/16, EU:C:2018:583, points 72 et 73 ainsi que jurisprudence citée), et du 1er octobre 2019, Blaise e.a. (C‑616/17, EU:C:2019:800, point 35).

( 23 ) Article 248 de la Legea nr. 134/2010 privind Codul de procedură civilă (loi no 134/2010 portant code de procédure civile), republiée au Monitorul Oficial al României, no 247 du 10 avril 2015.

( 24 ) Arrêt du 17 février 2011, Weryński (C‑283/09, EU:C:2011:85, point 42).

( 25 ) Arrêt du 17 février 2011, Weryński (C‑283/09, EU:C:2011:85, points 35 à 45). Voir également, sur les différents cas de figure dans lesquels des questions liées à des problèmes tels que la répartition des dépens peuvent être recevables, mes conclusions dans l’affaire Pegaso et Sistemi di Sicurezza (C‑521/18, EU:C:2020:306, points 58 et suiv.).

( 26 ) Pour un exemple récent, voir arrêt du 1er octobre 2019, Blaise e.a. (C‑616/17, EU:C:2019:800, points 31 à 39) : la procédure nationale ayant donné lieu aux questions préjudicielles concernait, au fond, une procédure pénale pour destruction intentionnelle d’un bien. Dans ce contexte, la Cour a apprécié plusieurs questions assez complexes relatives à la validité du règlement (CE) no 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, concernant la mise sur le marché des produits
phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil (JO 2009, L 309, p. 1) et l’autorisation du glyphosate, ce qui pourrait également être considéré comme quelque peu éloigné des problèmes réels dont était saisie la juridiction de renvoi.

( 27 ) Voir, notamment, arrêt du 19 juin 2018, Gnandi (C‑181/16, EU:C:2018:465, point 31).

( 28 ) Voir, notamment, ordonnances du 10 janvier 2019, Mahmood e.a. (C‑169/18, EU:C:2019:5, points 25 et 26), du 2 mai 2019, Faggiano (C‑524/16, non publiée, EU:C:2019:399, points 23 et 24), et du 1er octobre 2019, YX (Transmission d’un jugement à l’État membre de nationalité du condamné) (C‑495/18, EU:C:2019:808, points 23 à 26).

( 29 ) La juridiction de renvoi précise que, aux termes de l’article 208, paragraphe 2, du code de procédure civile roumain, « [s]i aucun mémoire en défense n’a été déposé dans le délai prévu par la loi, le défendeur perd son droit de présenter des preuves et des objections, à l’exception des moyens d’ordre public, sauf dispositions contraires de la législation ».

( 30 ) Voir, notamment, arrêt du 10 mars 2016, Safe Interenvíos (C‑235/14, EU:C:2016:154, point 115), et ordonnance du 12 mai 2016, Security Service e.a. (C‑692/15 à C‑694/15, EU:C:2016:344, point 20).

( 31 ) Voir, dans le même esprit, s’agissant des questions formulées de la même manière par une juridiction nationale, mes conclusions dans l’affaire Hochtief Solutions Magyarországi Fióktelepe (C‑620/17, EU:C:2019:340, points 36 et 50).

( 32 ) Première et deuxième questions dans les affaires C‑83/19, C‑127/19, C‑291/19 et C‑355/19 ainsi que première question dans l’affaire C‑195/19.

( 33 ) Selon moi, c’est ce que demandent les juridictions de renvoi dans la quatrième question dans l’affaire C‑83/19 ainsi que dans la troisième question dans les affaires C‑127/19, C‑291/19 et C‑355/19. Les juridictions de renvoi demandent, en substance, si les États membres sont tenus de respecter les critères de l’état de droit visés à l’article 2 TUE et si ces exigences, également imposées par la décision MCV et les rapports MCV, doivent être interprétées comme faisant obstacle aux mesures
nationales en cause. Voir points 121 et 173 des présentes conclusions.

( 34 ) Troisième question dans l’affaire C‑83/19, quatrième et cinquième questions dans l’affaire C‑127/19, deuxième question dans l’affaire C‑195/19, dans la mesure où elle vise l’article 2 TUE, quatrième et cinquième questions dans l’affaire C‑291/19 et quatrième question dans l’affaire C‑355/19.

( 35 ) Troisième question dans l’affaire C‑83/19.

( 36 ) Quatrième et cinquième questions dans les affaires C‑127/19 et C‑291/19, deuxième question dans l’affaire C‑195/19 et quatrième question dans l’affaire C‑355/19.

( 37 ) Première question dans les affaires C‑83/19, C‑127/19 et C‑355/19.

( 38 ) Première partie de la deuxième question dans les affaires C‑83/19, C‑127/19 et C‑355/19.

( 39 ) Première question dans l’affaire C‑195/19.

( 40 ) Deuxième partie de la deuxième question dans les affaires C‑83/19, C‑127/19 et C‑355/19 ainsi que première question dans l’affaire C‑195/19 et deuxième question dans l’affaire C‑291/19.

( 41 ) Troisième question dans les affaires C‑127/19 et C‑291/19.

( 42 ) Quatrième question dans l’affaire C‑83/19.

( 43 ) Troisième question dans l’affaire C‑355/19.

( 44 ) L’association « Mouvement pour la défense du statut des procureurs », l’association Forum des juges, le procureur général, les gouvernements roumain, belge, néerlandais et suédois ainsi que la Commission.

( 45 ) Voir, notamment, arrêts du 13 décembre 1989, Grimaldi (C‑322/88, EU:C:1989:646, point 8), et du 13 juin 2017, Florescu e.a. (C‑258/14, EU:C:2017:448, point 30).

( 46 ) Arrêt du 27 octobre 2016, James Elliott Construction (C‑613/14, EU:C:2016:821, point 35 et jurisprudence citée).

( 47 ) Voir, notamment, arrêt du 13 décembre 1989, Grimaldi (C‑322/88, EU:C:1989:646, point 9 et jurisprudence citée), récemment confirmé par arrêt du 20 février 2018, Belgique/Commission (C‑16/16 P, EU:C:2018:79, point 44).

( 48 ) Première partie de la deuxième question dans les affaires C‑83/19, C‑127/19 et C‑355/19.

( 49 ) L’autre option, si la Cour ne souhaite pas valider cette interprétation de la deuxième question dans les affaires C‑83/19, C‑127/19 et C‑355/19, serait de reformuler cette question en ce sens qu’elle porte uniquement sur le point de savoir si la Roumanie est liée par les exigences prévues par le MCV et les rapports adoptés sur la base de celui‑ci. Compte tenu de la finalité de ces questions, cela semble effectivement être la préoccupation première des juridictions de renvoi.

( 50 ) Ces deux dispositions sont reproduites aux points 7 et 8 des présentes conclusions.

( 51 ) Communication de la Commission : Rapport de suivi sur le degré de préparation à l’adhésion à l’UE de la Bulgarie et de la Roumanie [COM(2006) 549 final]. Ce rapport envisageait déjà la mise en place du MCV.

( 52 ) Comme c’est le cas, notamment, de la version en langue anglaise, ainsi que des versions en langues tchèque, lettonne, lituanienne, maltaise, néerlandaise ou slovaque.

( 53 ) Notamment, les versions en langues bulgare, espagnole, danoise, allemande, estonienne, française, italienne, hongroise, polonaise, portugaise, roumaine, slovène, finnoise ou suédoise.

( 54 ) Considérants 1, 2 et 3 de la décision MCV.

( 55 ) Voir, en particulier, annexe IX, points 3 et 4, de l’acte d’adhésion. Le point 3 concerne l’adoption et la mise en œuvre d’un plan d’action et d’une stratégie pour la réforme du système judiciaire, y compris les mesures d’application des lois sur la justice. Ledit point 4 concerne la lutte contre la corruption, notamment en « garantissant l’application rigoureuse de la législation en matière de lutte contre la corruption ainsi que l’indépendance réelle de l’Office national du ministère public
chargé de la lutte contre la corruption ».

( 56 ) Quelque chose qui peut être exécuté doit clairement être contraignant – voir, plus en détail, mes conclusions dans l’affaire Belgique/Commission (C‑16/16 P, EU:C:2017:959, points 120 à 122).

( 57 ) Notamment parce que la portée exacte de l’obligation incombant aux autorités nationales, en particulier aux juges nationaux, dans la prise en considération des recommandations pour trancher les litiges qui leur sont soumis (arrêt du 13 décembre 1989, Grimaldi, C‑322/88, EU:C:1989:646, point 18) n’est elle‑même pas tout à fait claire (voir mes conclusions dans l’affaire Belgique/Commission, C‑16/16 P, EU:C:2017:959, points 97 à 101).

( 58 ) Point 155 des présentes conclusions.

( 59 ) Les arguments contenus dans ces rapports ayant la même force probante lorsque l’on apprécie le respect des exigences de l’article 19 TUE et de l’article 47 de la Charte. Voir, en ce sens, arrêt du 24 juin 2019, Commission/Pologne (Indépendance de la Cour suprême) (C‑619/18, EU:C:2019:531, point 82).

( 60 ) Comme je l’ai indiqué aux points 134, 135 et 152 des présentes conclusions.

( 61 ) Rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur les progrès réalisés par la Roumanie au titre du mécanisme de coopération et de vérification [COM(2010) 401 final], et rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur les progrès réalisés par la Roumanie au titre du mécanisme de coopération et de vérification [COM(2011) 460 final].

( 62 ) Article 65 de la loi no 317/2004 dans sa version du 26 janvier 2012.

( 63 ) Troisième et quatrième questions dans l’affaire C‑83/19, troisième, quatrième et cinquième questions dans l’affaire C‑127/19, deuxième question dans l’affaire C‑195/19, troisième et quatrième questions dans l’affaire C‑291/19, et troisième et quatrième questions dans l’affaire C‑355/19.

( 64 ) Cinquième question dans l’affaire C‑127/19 ainsi que quatrième et cinquième questions dans l’affaire C‑291/19.

( 65 ) Le gouvernement polonais ne s’est prononcé, dans ses observations écrites, que sur la troisième question dans l’affaire C‑83/19, sur les quatrième et cinquième questions dans l’affaire C‑127/19, sur la deuxième question dans l’affaire C‑195/19, sur les quatrième et cinquième questions dans l’affaire C‑291/19 ainsi que sur la quatrième question dans l’affaire C‑355/19. Ces arguments ont été partagés pour l’essentiel par le gouvernement roumain dans ses observations écrites concernant les
quatrième et cinquième questions dans l’affaire C‑127/19, les quatrième et cinquième questions dans l’affaire C‑291/19, la deuxième question dans l’affaire C‑195/19 ainsi que la quatrième question dans l’affaire C‑355/19. Néanmoins, c’est également pour cette raison que le gouvernement roumain a changé de position à l’audience, en fournissant des observations sur le fond de ces affaires, sans apparemment maintenir les motifs de l’incompétence de la Cour.

( 66 ) Voir, notamment, arrêts du 21 décembre 2011, N. S. e.a. (C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865, points 65 à 68), du 9 mars 2017, Milkova (C‑406/15, EU:C:2017:198, points 51 et 52), et du 13 juin 2017, Florescu e.a. (C‑258/14, EU:C:2017:448, point 48).

( 67 ) Voir, notamment, arrêt du 19 novembre 2019, TSN et AKT (C‑609/17 et C‑610/17, EU:C:2019:981, point 53 et jurisprudence citée), ainsi qu’ordonnance du 24 septembre 2019, QR (Présomption d’innocence) (C‑467/19 PPU, EU:C:2019:776, points 34 à 37).

( 68 ) Voir, notamment, arrêts du 26 février 2013, Åkerberg Fransson (C‑617/10, EU:C:2013:105, points 25 et 26), et du 9 novembre 2017, Ispas (C‑298/16, EU:C:2017:843, point 27).

( 69 ) Arrêt du 13 juin 2017, Florescu e.a. (C‑258/14, EU:C:2017:448, points 44 à 49).

( 70 ) Voir, également, les conclusions de l’avocat général Saugmandsgaard Øe dans l’affaire Associação Sindical dos Juízes Portugueses (C‑64/16, EU:C:2017:395, points 52 et 53).

( 71 ) Lenaerts, K., et Gutiérrez-Fons, J.A., « The Place of the Charter in the EU Constitutional Edifice », dans Peers, S., Hervey, T., Kenner, J., et Ward, A., The EU Charter of Fundamental Rights : A Commentary, C.H. Beck, Hart, Nomos, Oxford, 2014, p. 1560 à 1593, p. 1568. Voir également mes conclusions dans l’affaire Ispas (C‑298/16, EU:C:2017:650, points 58 à 65).

( 72 ) S’agissant de cette discussion, voir mes conclusions dans l’affaire El Hassani (C‑403/16, EU:C:2017:659, points 74 à 83). Pour une opinion différente, voir Prechal, S., « The Court of Justice and Effective Judicial Protection : What Has the Charter Changed ? », dans Paulussen, C., e.a. (éd.), Fundamental Rights in International and European Law, TMC Asser Press, La Haye, 2016, p. 143 à 157, ou Peers, S., e.a. The EU Charter of Fundamental Rights : A Commentary, C.H. Beck, Hart, Nomos, Oxford,
2014, p. 1199. Voir ensuite, notamment, arrêt du 16 mai 2017, Berlioz Investment Fund (C‑682/15, EU:C:2017:373, point 51), identifiant le « droit » sous‑jacent garanti par le droit de l’Union dans la « protection contre des interventions de la puissance publique dans la sphère privée d’une personne physique ou morale, qui seraient arbitraires ou disproportionnées ».

( 73 ) Point 173 à 182 des présentes conclusions.

( 74 ) Voir, notamment, arrêts du 23 décembre 2015, Scotch Whisky Association e.a. (C‑333/14, EU:C:2015:845, point 50), et du 13 novembre 2019, Lietuvos Respublikos Seimo narių grupė (C‑2/18, EU:C:2019:962, points 70 et 82).

( 75 ) Voir, pour ne citer que quelques exemples, arrêts du 27 juin 2006, Parlement/Conseil (C‑540/03, EU:C:2006:429, points 76, 90 et 108), du 9 novembre 2010, Volker und Markus Schecke et Eifert (C‑92/09 et C‑93/09, EU:C:2010:662, points 86 à 89), du 1er mars 2011, Association belge des consommateurs Test-Achats e.a. (C‑236/09, EU:C:2011:100, points 30 à 33), et du 8 avril 2014, Digital Rights Ireland e.a. (C‑293/12 et C‑594/12, EU:C:2014:238, point 37 et points 48 à 71).

( 76 ) Voir, en particulier, dans le cadre d’une procédure d’infraction, arrêt du 21 mai 2019, Commission/Hongrie (Usufruit des terres agricoles) (C‑235/17, EU:C:2019:432, points 89 et 129).

( 77 ) Arrêt du 27 février 2018 (C‑64/16, EU:C:2018:117).

( 78 ) Arrêts du 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses (C‑64/16, EU:C:2018:117, point 29), du 24 juin 2019, Commission/Pologne (Indépendance de la Cour suprême) (C‑619/18, EU:C:2019:531, point 50), du 19 novembre 2019, A.K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 82), et du 26 mars 2020, Miasto Łowicz et Prokurator Generalny (C‑558/18 et C‑563/18, EU:C:2020:234, point 33).

( 79 ) Arrêts du 24 juin 2019, Commission/Pologne (Indépendance de la Cour suprême) (C‑619/18, EU:C:2019:531, point 51), du 19 novembre 2019, A.K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 83), et du 26 mars 2020, Miasto Łowicz et Prokurator Generalny (C‑558/18 et C‑563/18, EU:C:2020:234, point 34).

( 80 ) L’application nationale du droit de l’Union ne se limitant naturellement pas à l’application directe des sources du droit de l’Union, telles qu’un règlement, mais également à l’application de la législation nationale qui transpose le droit de l’Union, généralement une directive, c’est‑à‑dire l’application indirecte de règles du droit de l’Union, ces règles étant prises en compte dans le cadre de l’interprétation conforme.

( 81 ) Voir, néanmoins, peut-être au regard de sa logique, mais pas nécessairement de son libellé, la récente ordonnance du 2 juillet 2020, S.A.D. Maler und Anstreicher OG (C‑256/19, EU:C:2020:523).

( 82 ) Arrêt du 26 mars 2020, Miasto Łowicz et Prokurator Generalny (C‑558/18 et C‑563/18, EU:C:2020:234, point 45), et ordonnance du 2 juillet 2020, S.A.D Maler und Anstreicher OG (C‑256/19, EU:C:2020:523, point 43).

( 83 ) Arrêt du 26 mars 2020, Miasto Łowicz et Prokurator Generalny (C‑558/18 et C‑563/18, EU:C:2020:234, point 48), et ordonnance du 2 juillet 2020, S.A.D Maler und Anstreicher OG (C‑256/19, EU:C:2020:523, point 45).

( 84 ) Points 89 à 92, 99 à 104 et 106 à 109.

( 85 ) Voir, a contrario, arrêt du 26 mars 2020, Miasto Łowicz et Prokurator Generalny (C‑558/18 et C‑563/18, EU:C:2020:234, point 49).

( 86 ) Voir le chevauchement de la norme au regard de l’article 19, paragraphe 1, TUE dans l’arrêt du 24 juin 2019, Commission/Pologne (Indépendance de la Cour suprême) (C‑619/18, EU:C:2019:531, points 58, 72 à 74 et 112), avec l’arrêt du 19 novembre 2019, A.K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, points 120 à 125).

( 87 ) Arrêt du 26 mars 2020, Review Simpson et HG/Conseil et Commission (C‑542/18 RX-II et C‑543/18 RX-II, EU:C:2020:232, point 71).

( 88 ) Voir, en ce sens, arrêt du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, points 116 à 118).

( 89 ) Voir arrêts du 17 avril 2018, Egenberger (C‑414/16, EU:C:2018:257, point 78), du 29 juillet 2019, Torubarov (C‑556/17, EU:C:2019:626, point 56), et du 19 novembre 2019, A.K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 162).

( 90 ) Arrêt du 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses (C‑64/16, EU:C:2018:117, point 52). Voir, néanmoins, pour une approche différente fondée sur la Charte, conclusions de l’avocat général Saugmandsgaard Øe dans cette affaire (EU:C:2017:395).

( 91 ) Ainsi que je l’ai relevé dans mes conclusions dans l’affaire Torubarov (C‑556/17, EU:C:2019:339, points 53 à 55).

( 92 ) Cinquième question dans l’affaire C‑291/19, relative au droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable.

( 93 ) Comme indiqué aux points 128 à 182 des présentes conclusions.

( 94 ) Voir arrêt du 19 novembre 2019, A.K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 169).

( 95 ) Ce qui ne semble pas être le cas jusqu’à présent. Voir, toutefois, dans le sens d’une telle approche, conclusions de l’avocat général Tanchev dans l’affaire Commission/Pologne (Indépendance des juridictions ordinaires) (C‑192/18, EU:C:2019:529, point 115).

( 96 ) Il est vrai que la tendance récente est plus stricte qu’auparavant. Outre l’arrêt du 26 mars 2020, Miasto Łowicz et Prokurator Generalny (C‑558/18 et C‑563/18, EU:C:2020:234), points 43 à 49) déjà examiné (aux points 209 et 210 des présentes conclusions), voir également ordonnance du 2 juillet 2020, SAD Maler und Anstreicher OG (C‑256/19, EU:C:2020:523, points 45 à 48). Une telle tendance n’est pas immédiatement conciliable avec l’approche, en fait assez généreuse, des questions relatives à
la conformité de procédures ou d’institutions nationales au droit de l’Union qu’un juge national est normalement autorisé à poser (voir, en particulier, point 47 de l’ordonnance susmentionnée, comparé à l’arrêt, qui y est également cité, du 17 février 2011, Weryński, C‑283/09, EU:C:2011:85, points 41 et 42, et en fait à de nombreuses autres décisions de la Cour).

( 97 ) Arrêt du 25 juillet 2018, Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire) (C‑216/18 PPU, EU:C:2018:586, points 68 à 79).

( 98 ) Bartlett R.C., et Collins S.D., Aristotle’s Nicomachean Ethics : A New Translation, University of Chicago Press, 2011, volume 3.

( 99 ) Voir, en ce sens, arrêts du 24 juin 2019, Commission/Pologne (Indépendance de la Cour suprême) (C‑619/18, EU:C:2019:531, point 58 et jurisprudence citée), et du 19 novembre 2019, A.K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 120).

( 100 ) Voir, en ce sens, arrêts du 24 juin 2019, Commission/Pologne (Indépendance de la Cour suprême) (C‑619/18, EU:C:2019:531, point 47 et jurisprudence citée), et du 19 novembre 2019, A.K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 98).

( 101 ) Voir, en ce sens, arrêts du 24 juin 2019, Commission/Pologne (Indépendance de la Cour suprême) (C‑619/18, EU:C:2019:531, point 52), et du 19 novembre 2019, A.K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 115).

( 102 ) Voir, en ce qui concerne l’article 47, paragraphe 2, de la Charte, arrêt du 19 novembre 2019, A.K. e.a. (indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 130 et jurisprudence citée).

( 103 ) Arrêt du 19 novembre 2019, A.K. e.a. (indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, points 124 à 126 et jurisprudence citée).

( 104 ) Arrêt du 19 novembre 2019, A.K. e.a. (indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 121 et jurisprudence citée). Mise en italique par mes soins.

( 105 ) Arrêt du 19 novembre 2019, A.K. e.a. (indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 125 et jurisprudence citée).

( 106 ) Arrêt du 19 novembre 2019, A.K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 127), renvoyant, en ce sens, aux arrêts de la Cour EDH du 6 novembre 2018, Ramos Nunes de Carvalho e Sá c. Portugal (CE:ECHR:2018:1106JUD005539113, § 144 et jurisprudence citée), et du 21 juin 2011, Fruni c. Slovaquie (CE:ECHR:2011:0621JUD000801407, § 141).

( 107 ) Arrêt du 19 novembre 2019, A.K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 128), renvoyant aux arrêts de la Cour EDH du 6 mai 2003, Kleyn et autres c. Pays‑Bas (CE:ECHR:2003:0506JUD003934398, § 191 et jurisprudence citée, ainsi que du 6 novembre 2018, Ramos Nunes de Carvalho e Sá c. Portugal (CE:ECHR:2018:1106JUD005539113, § 145, 147 et 149 ainsi que jurisprudence citée).

( 108 ) Tel a été le cas dans l’arrêt du 19 novembre 2019, A.K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982).

( 109 ) Voir, pour ces deux cas de figure, mes conclusions dans l’affaire Torubarov (C‑556/17, EU:C:2019:339, point 53).

( 110 ) Arrêts du 24 juin 2019, Commission/Pologne (Indépendance de la Cour suprême) (C‑619/18, EU:C:2019:531), et du 5 novembre 2019, Commission/Pologne (Indépendance des juridictions de droit commun) (C‑192/18, EU:C:2019:924).

( 111 ) Arrêt du 26 mars 2020, Miasto Łowicz et Prokurator Generalny (C‑558/18 et C‑563/18, EU:C:2020:234).

( 112 ) Arrêts du 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses (C‑64/16, EU:C:2018:117), et du 7 février 2019, Escribano Vindel (C‑49/18, EU:C:2019:106).

( 113 ) Points 198 à 202 des présentes conclusions.

( 114 ) Voir, également, ordonnance susmentionnée du 2 juillet 2020, S.A.D. Maler und Anstreicher OG (C‑256/19, EU:C:2020:523).

( 115 ) Voir, pour cette approche, arrêt du 19 novembre 2019, A.K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C 624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, points 152 et 153). Voir, également, mes conclusions dans l’affaire PG (C‑406/18, EU:C:2019:1055) (sur le délai de 60 jours dont dispose la juridiction pour statuer s’il est considéré dans le contexte d’autres règles de procédure et contraintes institutionnelles de l’application d’un contrôle juridictionnel efficace des
décisions de protection internationale dans un État membre).

( 116 ) Voir, notamment, concernant la jurisprudence, arrêt du 19 mars 2020, Sánchez Ruiz e.a. (C‑103/18 et C‑429/18, EU:C:2020:219, point 80) ; ou, concernant les pratiques administratives, arrêts du 11 juin 2015, Zh. et O. (C‑554/13, EU:C:2015:377, point 75), du 17 décembre 2015, Viamar (C‑402/14, EU:C:2015:830, points 31 et 46), et du 20 juin 2018, Enteco Baltic (C‑108/17, EU:C:2018:473, point 100).

( 117 ) Rapport régulier 2004 sur les progrès réalisés par la Roumanie sur la voie de l’adhésion [COM(2004) 1200 final], p. 19.

( 118 ) Voir rapport MCV de 2018, p. 3.

( 119 ) Loi no 207/2018 (voir point 20 des présentes conclusions), ainsi que loi no 234/2018, et Legea nr. 242/2018 pentru modificarea și completarea Legii nr. 303/2004 privind statutul judecătorilor și procurorilor (loi no 242/2018 s’agissant de la modification et du complément de la loi no 303/2004 relative au statut des juges et des procureurs, Monitorul Oficial al României, no 868 du 15 octobre 2018).

( 120 ) Rapport MCV de 2018, p. 9.

( 121 ) Voir rapport ad hoc du GRECO sur la Roumanie (règle 34) adopté lors de sa 79e réunion plénière du 23 mars 2018 (2018/2).

( 122 ) Ordonnances d’urgence no 77/2018, no 90/2018, no 92/2018, no 7/2019 et no 12/2019. Voir point 18 et points 27 à 34 des présentes conclusions.

( 123 ) Voir, également, rapport MCV de 2018, p. 3.

( 124 ) Avis de la Commission de Venise no 924/2018 sur les projets d’amendements de la loi no 303/2004, de la loi no 304/2004 et de la loi no 317/2004 [CDL-AD(2018)017] (ci-après l’« avis de la Commission de Venise no 924/2018 »).

( 125 ) Rapport ad hoc du GRECO sur la Roumanie (règle 34) adopté lors de sa 79e réunion plénière du 23 mars 2018 (2018/2).

( 126 ) Avis de la Commission de Venise no 950/2019 sur les ordonnances d’urgence OGU no 7 et 12 portant révision des lois sur la justice (Roumanie) [CDL-AD(2019)014].

( 127 ) Arrêt du 24 juin 2019, Commission/Pologne (Indépendance de la Cour suprême) (C‑619/18, EU:C:2019:531, point 77).

( 128 ) Voir arrêt du 24 juin 2019, Commission/Pologne (Indépendance de la Cour suprême) (C‑619/18, EU:C:2019:531, point 77).

( 129 ) À cet égard, il semblerait que la Charte offre en effet un niveau de protection plus élevé que la Cour EDH, malgré l’évolution récente de cette dernière dans, notamment, les arrêts de la Cour EDH du 9 janvier 2013, Volkov c. Ukraine (CE:ECHR:2013:0109JUD002172211, § 87 à 91), du 23 juin 2016, Baka c. Hongrie [CE:ECHR:2016:0623JUD002026112 (Grande Chambre) §§ 107 et suiv.], du 23 mai 2017, Paluda c. Slovaquie [CE:ECHR:2017:0523JUD003339212 (troisième section), §§ 33 à 35], et du 25 septembre
2018, Denisov c. Ukraine [CE:ECHR:2018:0925JUD007663911 (Grande Chambre), §§ 44 et suiv.].

( 130 ) Selon les précisions apportées par le gouvernement roumain lors de l’audience, les compétences des inspecteurs judiciaires sont énumérées à l’article 74, paragraphe 1, de la loi no 317/2004. En vertu de l’article 45, paragraphe 1, de la loi no 317/2004, l’inspection judiciaire peut ouvrir une enquête d’office, ou à la demande de toute personne intéressée, y compris le CSM. Conformément à l’article 44, paragraphe 31, de cette loi, le ministre de la Justice peut demander à l’inspection
judiciaire de vérifier s’il existe des indices de fautes disciplinaires commises par des procureurs.

( 131 ) Conformément à l’article 74 de la loi no 317/2004 et à l’article 94 de la loi no 303/2004. Voir mes conclusions dans l’affaire C‑397/19.

( 132 ) Il ressort du dossier soumis à la Cour que ces compétences ont été renforcées par la loi no 234/2018, qui a modifié l’article 69 de la loi no 317/2004, en ce qui concerne les compétences de l’inspecteur en chef.

( 133 ) Voir, concernant les effets sur l’indépendance de la justice de la simple ouverture éventuelle d’une procédure disciplinaire, Cour EDH, 9 février 2012, Kinský c. République tchèque, CE:ECHR:2012:0209JUD004285606, § 97 à 99.

( 134 ) Voir, notamment, arrêt du 19 novembre 2019, A.K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 133), citant à cet effet l’arrêt du 31 janvier 2013, D. et A. (C‑175/11, EU:C:2013:45, point 99), et Cour EDH, 28 juin 1984, Campbell et Fell c. Royaume‑Uni, CE:ECHR:1984:0628JUD000781977, § 79 ; 2 juin 2005, Zolotas c. Grèce, CE:ECHR:2005:0602JUD003824002, §§ 24 et 25 ; 9 novembre 2006, Sacilor Lormines c. France,
CE:ECHR:2006:1109JUD006541101, § 67, ainsi que 18 octobre 2018, Thiam c. France, CE:ECHR:2018:1018JUD008001812, § 80 et jurisprudence citée.

( 135 ) Pour ne citer que l’exemple le plus évident, voir article 5 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

( 136 ) Le mandat initial de M. Netejoru avait expiré le 1er septembre 2018 et l’ordonnance d’urgence no 77/2018 a été adoptée le 5 septembre 2018.

( 137 ) C’était également la position défendue par le gouvernement roumain dans ses observations écrites.

( 138 ) Le gouvernement roumain a invoqué les rapports de l’inspection judiciaire 5488/IJ/1365/DIP/2018 et 5488/IJ/2510/DIJ/2018.

( 139 ) Point 141 de cet arrêt.

( 140 ) C’est également la position défendue par le gouvernement roumain dans ses observations écrites.

( 141 ) Arrêt du 19 novembre 2019, A.K. e.a. (indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, points 141 à 144). Voir, également, points 242 à 244 des présentes conclusions.

( 142 ) Points 227 à 230 (général) ainsi que point 265 des présentes conclusions.

( 143 ) Voir, sur cette variété, notamment, rapport sur les normes européennes relatives à l’indépendance du système judiciaire : partie II – le ministère public – adopté par la Commission de Venise lors de sa 85e session plénière (Venise, 17‑18 décembre 2010) [CDL‑AD(2010)040-e].

( 144 ) Voir également, à cet égard, avis de la Commission de Venise no 924/2018.

( 145 ) Arrêt du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême) (C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 128 et jurisprudence de la Cour EDH citée).

( 146 ) Voir, également, à cet égard, avis de la Commission de Venise no 924/2018, point 88.

( 147 ) Voir, notamment, rapport technique de 2018, p. 24 ; avis de la Commission de Venise no 950/2019 sur les ordonnances d’urgence OGU no 7 et no 12 portant révision des lois sur la justice (Roumanie) [CDL-AD(2019)014, point 40] ; et rapport ad hoc du GRECO sur la Roumanie règle 34) adopté lors de sa 79e réunion plénière du 23 mars 2018 (2018/2), point 34.

( 148 ) Voir point 288 des présentes conclusions.

( 149 ) Ordonnance d’urgence no 90/2018 (point 27 des présentes conclusions), qui a modifié les garanties de la procédure de sélection afin d’assurer une nomination par intérim de la direction et d’un tiers des procureurs de la SEIJ et a fixé un délai de trois mois, jusqu’au 23 octobre 2018, pour que la SEIJ devienne opérationnelle. Le gouvernement roumain a expliqué lors de l’audience que sur la base du préambule de cette ordonnance, à compter de cette date, les autres sections du ministère public
n’étaient plus compétentes pour les infractions relevant de la SEIJ. Il a donc été jugé nécessaire de créer, par ordonnance d’urgence, une procédure dérogatoire pour assurer la nomination par intérim de la direction de la section et d’un tiers des procureurs.

( 150 ) L’urgence de l’ordonnance d’urgence no 12/2019 (point 34 des présentes conclusions) était justifiée par la nécessité d’établir des règles sur le statut et les fonctions des officiers de police et des spécialistes opérant pour le SEIJ.

( 151 ) L’article 885, paragraphe 5, de la loi no 304/2004 a été modifié par l’ordonnance d’urgence no 92/2018 (reproduite au point 30 des présentes conclusions) ; l’ordonnance d’urgence no 7/2019 a ajouté deux nouveaux paragraphes à l’article 885 de cette loi (voir point 32 des présentes conclusions).

( 152 ) Comme l’a fait observer le gouvernement roumain lors de l’audience, l’article 881, paragraphe 5, de la loi no 304/2004 dispose que le procureur général règle les conflits de compétence. La Commission de Venise a déclaré qu’il n’était pas certain que cette garantie sera efficace, compte tenu du nombre potentiel de conflits et des ressources dont dispose le procureur général pour examiner l’ensemble des affaires. Avis de la Commission de Venise no 950/2019 sur les ordonnances d’urgence OGU
no 7 et no 12 portant révision des lois sur la justice (Roumanie) [CDL-AD (2019) 014, point 40].

( 153 ) Parmi lesquels figurent l’ancien procureur général, l’ancien procureur en chef de l’ADN, le président de l’Înalta Curte de Casație și Justiție (Haute Cour de cassation et de justice), des membres du CSM et des juges qui saisissent la Cour à titre préjudiciel.

( 154 ) Points 241 à 247 des présentes observations.

( 155 ) Je rappelle que, comme indiqué au point 187 des présentes conclusions, la Commission considère que l’article 47 de la Charte n’est applicable que si l’affaire au principal concerne une situation de « mise en œuvre du droit de l’Union ».

( 156 ) Voir points 198 à 202 des présentes conclusions.

( 157 ) Voir, notamment, Cour EDH, 5 octobre 2017, Kalēja c. Lettonie, CE:ECHR:2017:1005JUD002205908, § 36 et jurisprudence citée.

( 158 ) Voir, notamment, Cour EDH, 11 juin 2015, Tychko c. Russie, CE:ECHR:2015:0611JUD005609707, § 63. Dans le cadre de la directive 2013/48/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013, relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et des procédures relatives au mandat d’arrêt européen, au droit d’informer un tiers dès la privation de liberté et au droit des personnes privées de liberté de communiquer avec des tiers et avec les autorités consulaires (JO
2013, L 294, p. 1), voir, également, arrêt du 12 mars 2020, VW (Droit d’accès à un avocat en cas de non‑comparution) (C‑659/18, EU:C:2020:201, points 24 à 27).

( 159 ) Cour EDH, 22 mai 1998, Hozee c. Pays‑Bas, CE:ECHR:1998:0522JUD002196193, § 43 ; 18 janvier 2007, Šubinski c. Slovénie, CE:ECHR:2007:0118JUD001961104, §§ 65 à 68 ; et 5 octobre 2017, Kalēja c. Lettonie, CE:ECHR:2017:1005JUD002205908, § 37 à 40 et jurisprudence citée.

( 160 ) Voir, notamment, Cour EDH, 10 septembre 2010, McFarlane c. Irlande, CE:ECHR:2010:0910JUD003133306, § 140.

( 161 ) Cour EDH, 25 novembre 1992, Abdoella c. Pays‑Bas, CE:ECHR:1992:1125JUD001272887, § 24.

( 162 ) Voir, parmi les nombreux cas dans lesquels le comportement du ministère public a conduit à la durée déraisonnable de la procédure, Cour EDH, 26 novembre 1992, Francesco Lombardo c. Italie, CE:ECHR:1992:1126JUD001151985, § 22.

( 163 ) Cour EDH, 10 mai 2011, Dimitrov et Hamanov c. Bulgarie, CE:ECHR:2011:0510JUD004805906, § 72. Voir, également, Cour EDH, 13 juillet 1983, Zimmermann et Steiner c. Suisse, CE:ECHR:1983:0713JUD000873779, §§ 29 à 32.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-83/19,
Date de la décision : 23/09/2020
Type de recours : Recours préjudiciel - irrecevable, Recours préjudiciel

Analyses

Demandes de décision préjudicielle, introduites par le Tribunalul Olt e.a.

Renvoi préjudiciel – Traité d’adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l’Union européenne – Acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union de la République de Bulgarie et de la Roumanie – Articles 37 et 38 – Mesures appropriées – Mécanisme de coopération et de vérification des progrès réalisés par la Roumanie en vue d’atteindre certains objectifs de référence spécifiques en matière de réforme du système judiciaire et de lutte contre la corruption – Décision 2006/928/CE – Nature et effets juridiques du mécanisme de coopération et de vérification et des rapports établis par la Commission sur le fondement de celui-ci – État de droit – Indépendance de la justice – Article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE – Article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Lois et ordonnances gouvernementales d’urgence adoptées en Roumanie au cours des années 2018 et 2019 en matière d’organisation du système judiciaire et de responsabilité des juges – Nomination ad interim aux postes de direction de l’Inspection judiciaire – Mise en place au sein du ministère public d’une section chargée d’enquêter sur les infractions commises au sein du système judiciaire – Responsabilité patrimoniale de l’État et responsabilité personnelle des juges en cas d’erreur judiciaire.

Adhésion

Justice et affaires intérieures


Parties
Demandeurs : Asociaţia « Forumul Judecătorilor din România » e.a.
Défendeurs : Inspecţia Judiciară e.a.

Composition du Tribunal
Avocat général : Bobek

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2020:746

Source

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