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16/01/2020 | CJUE | N°C-615/18

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général M. M. Bobek, présentées le 16 janvier 2020., UY contre Staatsanwaltschaft Offenburg., 16/01/2020, C-615/18


 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 16 janvier 2020 ( 1 )

Affaire C‑615/18

UY,

partie en cause :

Staatsanwaltschaft Offenburg

[demande de décision préjudicielle présentée par l’Amtsgericht Kehl (tribunal de district de Kehl, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière pénale – Directive 2012/13/UE – Droit à l’information dans le cadre de procédures pénales – Droit d’être informé de l’accusation portée contre soi â€

“ Retrait du permis de conduire – Désignation obligatoire d’un mandataire pour recevoir les significations – Négligence du défendeur »

I. Intro...

 CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAL BOBEK

présentées le 16 janvier 2020 ( 1 )

Affaire C‑615/18

UY,

partie en cause :

Staatsanwaltschaft Offenburg

[demande de décision préjudicielle présentée par l’Amtsgericht Kehl (tribunal de district de Kehl, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière pénale – Directive 2012/13/UE – Droit à l’information dans le cadre de procédures pénales – Droit d’être informé de l’accusation portée contre soi – Retrait du permis de conduire – Désignation obligatoire d’un mandataire pour recevoir les significations – Négligence du défendeur »

I. Introduction

1. Au mois de juillet 2017, un conducteur domicilié en Pologne était impliqué en Allemagne dans un accident de la route. À la demande du bureau du procureur, il a désigné un mandataire pour recevoir pour son compte en Allemagne la signification d’actes judiciaires : il s’agissait d’une personne choisie parmi le personnel de justice de la juridiction locale compétente. Une ordonnance pénale a par la suite été prononcée à l’encontre du conducteur pour avoir manqué de s’arrêter après l’accident de la
route, lui infligeant une amende et une interdiction de conduire de trois mois. L’ordonnance pénale a été signifiée au mandataire qui l’a transmise par lettre au conducteur en Pologne. Il n’est pas établi si le conducteur a effectivement reçu cette lettre. Aucun recours n’a été formé contre l’ordonnance pénale. Elle est devenue définitive.

2. À la suite d’un nouveau contrôle routier en Allemagne quelques mois plus tard, le conducteur a été intercepté en train de conduire un camion alors que l’interdiction de conduire imposée précédemment était encore en vigueur. Une procédure pénale a par conséquent été engagée à son encontre pour conduite d’un véhicule sans permis de conduire.

3. Ces faits ont soulevé deux questions juridiques dans le cadre de la présente procédure. La première concerne la signification dans le cadre de la première procédure pénale : l’article 6 de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales ( 2 ), qui consacre le droit d’être informé de l’accusation portée contre soi, s’oppose-t-il à une législation nationale en vertu de laquelle une ordonnance pénale
prononcée à l’encontre d’une personne qui ne réside pas dans l’État membre en question acquiert force de chose jugée deux semaines après signification au mandataire lorsque le défendeur n’a pas été informé de l’ordonnance ? La deuxième question concerne l’impact de la signification (ou de son absence) dans la première procédure pénale sur la deuxième : l’article 6 de la directive 2012/13 s’oppose‑t‑il à une législation nationale qui prévoit que, lorsqu’une personne résidant à l’étranger a fait
l’objet d’une ordonnance pénale dont elle n’a pas été informée, le défaut antérieur de cette personne de tenter de s’informer de l’issue de la procédure auprès du mandataire peut être considéré comme constituant une négligence de sa part, l’exposant le cas échéant à une procédure pénale supplémentaire ?

II. Le cadre juridique

A.   Le droit de l’Union

4. Aux termes des considérants 27 et 28 de la directive 2012/13 :

« (27) Les personnes poursuivies pour une infraction pénale devraient recevoir toutes les informations nécessaires sur l’accusation portée contre elles pour leur permettre de préparer leur défense et garantir le caractère équitable de la procédure.

(28) Les suspects ou les personnes poursuivies devraient recevoir rapidement des informations sur l’acte pénalement sanctionné qu’ils sont soupçonnés ou accusés d’avoir commis, et au plus tard avant leur premier interrogatoire officiel par la police ou une autre autorité compétente, et sans porter préjudice au déroulement des enquêtes en cours. […] »

5. En vertu de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2012/13, relatif à son champ d’application :

« 1.   La présente directive s’applique dès le moment où des personnes sont informées par les autorités compétentes d’un État membre qu’elles sont soupçonnées d’avoir commis une infraction pénale ou qu’elles sont poursuivies à ce titre, et jusqu’au terme de la procédure, qui s’entend comme la détermination définitive de la question de savoir si le suspect ou la personne poursuivie a commis l’infraction pénale, y compris, le cas échéant, la condamnation et la décision rendue sur tout appel. »

6. Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 2012/13, concernant le droit d’être informé de ses droits :

« 1.   Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies reçoivent rapidement des informations concernant, au minimum, les droits procéduraux qui figurent ci‑après, tels qu’ils s’appliquent dans le cadre de leur droit national, de façon à permettre l’exercice effectif de ces droits :

[…]

c) le droit d’être informé de l’accusation portée contre soi, conformément à l’article 6 ;

[…] »

7. L’article 6, paragraphe 1, de la directive 2012/13, concernant le droit d’être informé de l’accusation portée contre soi, dispose :

« Les États membres veillent à ce que les suspects ou les personnes poursuivies soient informés de l’acte pénalement sanctionné qu’ils sont soupçonnés ou accusés d’avoir commis. Ces informations sont communiquées rapidement et de manière suffisamment détaillée pour garantir le caractère équitable de la procédure et permettre l’exercice effectif des droits de la défense. »

B.   Le droit national

8. L’article 44 du Strafgesetzbuch (code pénal allemand, ci‑après « StGB ») dispose :

« (1)   Si une personne est condamnée à une peine privative de liberté ou à une amende en raison d’une infraction commise pendant ou en rapport avec la conduite d’un véhicule à moteur ou en violation des obligations d’un conducteur de véhicule à moteur, le tribunal peut lui imposer pendant une période d’un à trois mois une interdiction de conduire sur la voie publique tout véhicule ou un certain type de véhicule. Une interdiction de conduire doit en général être imposée lorsque, dans les cas de
condamnation en vertu de l’article 315c, paragraphe 1, point 1, sous a), paragraphe 3, ou de l’article 316, il n’y a pas de retrait du permis de conduire en vertu de l’article 69.

(2)   L’interdiction de conduire prend effet à la date à laquelle le jugement devient définitif. […] »

9. L’article 44 de la Strafprozessordnung (code de procédure pénale allemand, ci‑après « StPO ») dispose :

« Si quelqu’un a été empêché sans faute de sa part de respecter un délai, la remise en l’état doit lui être accordée sur demande. Le non‑respect d’un délai de recours est considéré comme n’étant pas fautif s’il n’y a pas eu d’information conformément à l’article 35a, phrases 1 et 2, à l’article 319, paragraphe 2, phrase 3, ou à l’article 346, paragraphe 2, phrase 3. »

10. En vertu de l’article 45 StPO :

« (1)   La demande de remise en l’état doit être présentée dans un délai d’une semaine à compter de la disparition de l’obstacle auprès du tribunal devant lequel le délai aurait dû être observé. Afin de respecter le délai, il suffit que la demande soit présentée en temps utile à la juridiction qui statue sur la demande.

(2)   Les faits sur lesquels la demande est fondée doivent être justifiés au moment où la demande est présentée ou au cours de la procédure relative à la demande. Dans le délai pour présenter la demande, l’acte omis doit être accompli. Une fois que cela a été fait, la remise en l’état peut également être accordée sans demande. »

11. En vertu de l’article 132, paragraphe 1, StPO :

« (1)   Si la personne poursuivie, qui est soupçonnée d’une infraction pénale, n’a pas de résidence ou de domicile permanent au sens de la présente loi, mais que les conditions d’un mandat d’arrêt ne sont pas remplies, il peut être ordonné, afin d’assurer le déroulement de la procédure pénale, que la personne poursuivie

1. verse une garantie adéquate pour l’amende et les frais de procédure à prévoir, et

2. mandate une personne résidant dans le district de la juridiction compétente aux fins de recevoir les notifications.

[…] »

12. L’article 407 StPO dispose quant à lui :

« (1)   Dans la procédure devant le juge pénal et dans la procédure qui relève de la compétence du tribunal avec échevins, les conséquences juridiques de l’acte peuvent, en cas de délits, être établies à la requête écrite du ministère public au moyen d’une ordonnance pénale écrite, sans audience au fond. Le ministère public présente cette requête s’il considère, au vu des résultats de l’instruction, qu’aucune audience n’est nécessaire. La requête doit proposer des conséquences juridiques
précises. Elle engage l’action publique.

(2)   L’ordonnance pénale ne peut prescrire que les conséquences suivantes, seules ou associées :

1. la peine pécuniaire […],

2. l’interdiction de conduire, […]

[…]

(3)   L’audition préalable de l’accusé par le tribunal (article 33, paragraphe 3) n’est pas nécessaire. »

13. En vertu de l’article 410 StPO :

« (1)   L’accusé peut contester l’ordonnance pénale en formant, dans un délai de deux semaines à partir de sa signification, une opposition auprès du tribunal qui a émis l’ordonnance, par écrit, ou sur procès-verbal auprès du greffe. […]

(2)   L’opposition peut être limitée à certains points.

(3)   Si aucune opposition n’a été formée contre une ordonnance pénale dans le délai prescrit, celle‑ci acquiert le caractère d’un jugement passé en force de chose jugée. »

III. Les faits, la procédure et les questions déférées

14. Le 21 août 2017, l’Amtsgericht Garmisch-Partenkirchen (tribunal de district de Garmisch-Partenkirchen, Allemagne) a prononcé une ordonnance pénale à l’encontre de la personne poursuivie, un conducteur professionnel ayant sa résidence permanente en Pologne, parce qu’il ne s’était pas arrêté après un accident de la route. Une amende et une interdiction de conduire de trois mois lui avaient été infligées.

15. Le jour de l’infraction, le 11 juillet 2017, la personne poursuivie a mandaté, sur instruction du bureau du procureur, un fonctionnaire de l’Amtsgericht Garmisch-Partenkirchen (tribunal de district de Garmisch-Partenkirchen) pour recevoir pour son compte les significations. Le formulaire délivrant le mandat en question était rédigé en allemand, mais un proche de la personne poursuivie le lui a traduit par téléphone. Le formulaire contenait le nom et l’adresse officielle du fonctionnaire désigné
comme mandataire et une note en vertu de laquelle les délais légaux commençaient à courir le jour de la signification au mandataire. Le formulaire ne contenait pas d’autres indications en ce qui concerne les conséquences juridiques et matérielles de ce mandat pour recevoir les significations, notamment en ce qui concerne toute obligation de la personne poursuivie de se tenir informée.

16. Le 30 août 2017, l’ordonnance pénale a été signifiée, avec une traduction en polonais, au mandataire. Ce dernier a envoyé l’ordonnance pénale à l’adresse connue de la personne poursuivie en Pologne par courrier ordinaire. D’après la juridiction de renvoi, il n’est pas établi si la personne poursuivie a reçu l’ordonnance pénale.

17. Le 14 septembre 2017, aucun recours n’ayant été formé, l’ordonnance pénale a acquis force de chose jugée. L’interdiction de conduire a ainsi pris effet.

18. Le 14 décembre 2017, alors que l’interdiction de conduire était encore en vigueur, la personne poursuivie a fait l’objet d’un contrôle routier de la police alors qu’il conduisait un camion sur la voie publique à Kehl en Allemagne.

19. Dans le cadre de la procédure au principal, l’Amtsgericht Kehl (tribunal de district de Kehl, Allemagne), la juridiction de renvoi, doit statuer sur une recommandation de la Staatsanwaltschaft Offenburg (bureau du procureur de Offenburg, Allemagne) d’adopter une ordonnance pénale supplémentaire à l’encontre de la personne poursuivie pour avoir conduit par négligence un véhicule sans permis de conduire et de lui imposer une sanction de 40 jours-amende de 50 euros chacun, ainsi qu’une interdiction
de conduire supplémentaire de trois mois.

20. La juridiction de renvoi part du principe que, jusqu’au 14 décembre 2017, jour du contrôle routier, la personne poursuivie n’avait pas connaissance de l’ordonnance pénale et par conséquent de l’interdiction de conduire. Dans ces circonstances, entretenant des doutes quant au point de savoir si la législation nationale applicable à la personne poursuivie est compatible avec le droit de l’Union, cette juridiction a décidé de surseoir à statuer et de déférer les questions préjudicielles suivantes à
la Cour :

« 1) Le droit de l’Union et en particulier la directive 2012/13 ainsi que les articles 21, 45, 49 et 56 TFUE doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils font obstacle à une réglementation d’un État membre qui, dans le cadre d’une procédure pénale, permet d’ordonner à un prévenu, du simple fait qu’il est domicilié dans un autre État membre, de désigner un mandataire pour recevoir la notification d’une ordonnance de condamnation qui lui est adressée, avec pour conséquence que cette ordonnance
de condamnation passe en force de chose jugée créant ainsi la condition juridique de l’incrimination d’une action future du prévenu (effet d’autorité) même si le prévenu n’avait pas connaissance de l’ordonnance de condamnation et qu’il ne peut pas être assuré qu’il en ait effectivement pris connaissance dans une mesure comparable à ce qui serait le cas si ce prévenu était domicilié dans l’État membre ?

2) En cas de réponse négative à la première question, le droit de l’Union européenne et en particulier la directive 2012/13 ainsi que les articles 21, 45, 49 et 56 TFUE doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils font obstacle à la réglementation d’un État membre qui, dans le cadre d’une procédure pénale, permet d’ordonner à un prévenu, du simple fait qu’il est domicilié dans un autre État membre, de désigner un mandataire pour recevoir la notification d’une ordonnance de condamnation qui lui
est adressée, avec pour conséquence que cette ordonnance de condamnation passe en force de chose jugée, créant ainsi la condition juridique de l’incrimination d’une action future du prévenu (effet d’autorité), et que, devant veiller à prendre effectivement connaissance de l’ordonnance de condamnation, le prévenu se voit subjectivement imposer, lors de la poursuite de cette infraction, des obligations plus importantes que celles qui seraient les siennes s’il était domicilié dans l’État membre
de sorte que le prévenu pourra faire l’objet de poursuites pénales pour négligence ? »

21. Des observations écrites ont été présentées par le gouvernement allemand ainsi que par la Commission européenne. Ces mêmes parties ont également été entendues en leurs plaidoiries lors de l’audience du 16 octobre 2019.

IV. Analyse

22. Les présentes conclusions adopteront le plan suivant. J’examinerai tout d’abord deux questions liminaires relatives au droit applicable (section A). Je me pencherai ensuite sur les questions posées par la juridiction de renvoi (section B) avant de conclure par plusieurs remarques finales sur le contexte législatif plus large au-delà des limites de la présente affaire (section C).

A.   Remarques liminaires

1. La directive 2012/13 et/ou les dispositions du traité ?

23. Dans ses questions, la juridiction de renvoi invoque, d’une part, la directive 2012/13 et, d’autre part, les articles 21, 45, 49 et 56 TFUE. En ce qui concerne la directive 2012/13, les problèmes potentiels de compatibilité sont clairement identifiés dans la demande de décision préjudicielle, y compris la jurisprudence pertinente citée ( 3 ) et une discussion quant à son applicabilité (ou non) à la présente affaire. À l’inverse, les dispositions du traité sur la libre circulation ne sont citées
que dans les questions. Il n’y a pas d’explication ou de discussion dans l’ordonnance de renvoi sur le point de savoir si et comment elles sont pertinentes pour la présente affaire.

24. La situation transfrontalière en cause dans la procédure au principal pourrait faire naître des questions d’éventuelle discrimination indirecte à l’égard de la personne poursuivie, eu égard aux différents régimes de signification des actes judiciaires aux personnes résidant en Allemagne et aux personnes résidant à l’étranger. De même, il pourrait être considéré que l’engagement d’une procédure pénale à l’égard d’un conducteur étranger pour avoir conduit en violation d’une interdiction de
conduire dont il n’a pas été informé pourrait constituer un obstacle à son droit de libre circulation ( 4 ).

25. Toutefois, aucune question de cette nature n’a été identifiée ou soulevée dans la demande de décision préjudicielle ( 5 ). L’affaire n’a au contraire été présentée par la juridiction de renvoi et discutée par les parties intéressées dans la présente procédure que comme un prolongement de la jurisprudence récente de la Cour dans les arrêts Covaci et Tranca ( 6 ), et donc comme un sujet concernant la directive 2012/13.

26. À la différence d’une situation dans laquelle une juridiction de renvoi identifie des problèmes matériels et juridiques, mais omet de les rattacher à la disposition appropriée du droit de l’Union, problème pour lequel la Cour a compétence pour remédier en appliquant une disposition du droit de l’Union non identifiée par la juridiction de renvoi ( 7 ), l’inverse n’est selon moi pas possible. Il n’appartient pas à la Cour d’invoquer des faits et de possibles problèmes que la juridiction de renvoi
n’aurait pas identifiés.

27. J’aborderai donc la présente affaire comme ne concernant que la compatibilité de la législation nationale en cause avec les dispositions de la directive 2012/13 et, par voie de conséquence, comme un prolongement de la jurisprudence récente de la Cour dans les arrêts Covaci et Tranca. Je reviendrai néanmoins à des questions plus larges dans la dernière section des présentes conclusions (section C).

2. Article 6 de la directive 2012/13 et caractéristiques spécifiques de la présente affaire

28. La présente affaire se distingue des affaires à l’origine des arrêts Covaci et Tranca par l’existence de deux procédures (pénales), interconnectées mais formellement distinctes. Dans les affaires Covaci et Tranca, les ordonnances pénales en question avaient été adoptées dans le cadre de la même procédure pénale au cours de laquelle il était allégué que la violation de l’article 6 de la directive 2012/13 était intervenue.

29. Il y a, à l’inverse, dans la présente affaire, deux procédures pénales : l’une devant l’Amtsgericht Garmisch-Partenkirchen (tribunal de district de Garmisch‑Partenkirchen), qui concernait le défaut de s’arrêter à la suite d’un accident de la route, et l’autre devant la juridiction de renvoi, l’Amtsgericht Kehl (tribunal de district de Kehl), qui concerne le fait que la personne poursuivie conduisait un véhicule en violation de l’interdiction de conduire qui lui avait été imposée au terme de la
première procédure.

30. Ces circonstances font naître deux types de questions.

31. Premièrement, les dispositions de la directive 2012/13 s’appliquent clairement à la seconde procédure pénale : celle actuellement pendante devant la juridiction de renvoi. Il pourrait cependant y avoir un certain doute en ce qui concerne la procédure antérieure qui n’est plus pendante. Celle-ci était en effet, du moins en principe, formellement close lorsque l’ordonnance pénale, n’ayant pas fait l’objet d’un recours dans un délai de deux semaines, a acquis force de chose jugée.

32. Cela est lié à la seconde question. L’article 6, paragraphe 1, de la directive 2012/13 pose le droit d’être informé rapidement de l’accusation portée contre soi afin de protéger l’équité de la procédure et l’exercice effectif des droits de la défense. Que signifie précisément l’information quant à l’accusation portée contre soi en ce qui concerne la (seconde) procédure en cours ? Il n’y a pas de problème apparent avec l’information quant à l’accusation portée dans la seconde procédure pénale
puisqu’il n’a pas été suggéré que la personne poursuivie ne sait pas de quoi elle est désormais accusée et qu’elle ne peut donc pas exercer ses droits de la défense. Le véritable problème réside en fait dans la (qualité de la) signification dans le cadre de la première procédure pénale. Il pourrait cependant être difficile intellectuellement de qualifier cette question comme un défaut d’information quant à l’accusation portée dans le cadre de la (seconde) procédure pénale en cours.

33. On ne saurait ignorer qu’il est quelque peu excessif de traiter l’éventuelle absence de signification effective d’une condamnation pénale antérieure comme un facteur pertinent en ce qui concerne l’information au sujet de l’accusation dans une autre procédure pénale subséquente et liée, et relevant de ce fait du champ d’application de l’article 6 de la directive 2012/13. Cet article a peut-être été conçu comme s’appliquant à différents types de communications, mais clairement dans le contexte
d’une et unique procédure pénale. On pourrait néanmoins approcher cette question de cette manière en tenant compte des points suivants.

34. Premièrement, en vertu de son article 2, la directive 2012/13 s’applique « dès le moment où des personnes sont informées par les autorités compétentes d’un État membre qu’elles sont soupçonnées d’avoir commis une infraction pénale ou qu’elles sont poursuivies à ce titre, et jusqu’au terme de la procédure, qui s’entend comme la détermination définitive de la question de savoir si le suspect ou la personne poursuivie a commis l’infraction pénale, y compris, le cas échéant, la condamnation et la
décision rendue sur tout appel » ( 8 ).

35. L’article 2, conçu de manière large, ne peut pas être interprété comme excluant du champ d’application de la directive les situations dans lesquelles une décision potentiellement définitive a été adoptée, mais où la procédure est réouverte par la suite en vertu du droit national ( 9 ). L’article 2 ne peut pas, en soi, être vu comme imposant une obligation de réouvrir une procédure. Toutefois, si le droit national prévoit la possibilité d’une réouverture, une fois la procédure réouverte, cette
situation rentre de nouveau dans le champ d’application de la directive 2012/13.

36. De plus, étant donné les objectifs poursuivis par la directive ( 10 ) et le libellé même de l’article 2, les termes de « décision rendue sur tout appel » ( 11 ) doivent être interprétés largement. Ces termes pourraient ainsi couvrir les procédures de recours qui pourraient être qualifiées dans un système juridique national d’extraordinaire ou spécial. J’ajouterais aussi qu’une « détermination définitive » n’est pas à proprement parler définitive lorsqu’elle est remise en cause dans une procédure
subséquente.

37. Deuxièmement, comme la Cour l’a déjà affirmé dans l’arrêt Covaci ( 12 ), la procédure menant à l’ordonnance pénale est une procédure spécifique et simplifiée. Ainsi qu’il ressort également de l’article 407 StPO ( 13 ), il est probable, pour des raisons pratiques, que le moment où un suspect est pleinement informé de l’accusation portée à son encontre est en fait le moment où il reçoit l’ordonnance pénale qui, si elle ne fait pas l’objet d’une contestation, devient immédiatement une condamnation
définitive.

38. Par conséquent, lorsque le droit national prévoit la possibilité de relancer la procédure pénale comme cela semble être le cas dans la procédure au principal, la directive 2012/13 redevient applicable dès que la procédure est réengagée. Cela doit être le cas, a fortiori, dans le scénario spécifique d’une procédure pénale simplifiée dans le cadre de laquelle différentes étapes procédurales peuvent, le cas échéant, être réunies en définitive avec ce qui constitue, dans les faits, une accusation
formelle non contestée qui devient un jugement définitif.

B.   Le droit (des non‑résidents) à être informé(s) de l’accusation portée

39. En vertu du considérant 14 et de l’article 1er, la directive 2012/13 pose des règles concernant le droit des suspects ou des personnes poursuivies à être informés quant à leurs droits dans la procédure pénale et aux accusations portées à leur encontre. Ainsi que le précise le considérant 40, la directive 2012/13 établit des règles minimales, autorisant ainsi les États membres à accorder aux suspects et personnes poursuivies un niveau de protection plus élevé. Les États membres ne sont, en
revanche, naturellement pas libres de déroger à ces règles minimales ( 14 ) qui doivent correspondre au moins à celles garanties par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales telle qu’interprétée par la Cour européenne des droits de l’homme ( 15 ).

40. La directive 2012/13 est un instrument orienté vers les résultats : elle introduit un certain nombre de droits qui doivent être garantis aux suspects et aux personnes poursuivies. Les États membres se voient néanmoins reconnaître une large marge d’appréciation en ce qui concerne la manière dont ils donnent effet à ces droits dans leurs systèmes juridiques respectifs. Il appartient donc aux États membres, en conformité avec le principe de l’autonomie procédurale, d’adopter des règles détaillées à
cet effet tout en respectant les exigences d’équivalence et d’effectivité.

1. Arrêts Covaci et Tranca

41. Ces considérations générales sont également valables en ce qui concerne les dispositions spécifiques de l’article 6 de la directive 2012/13 déjà examinées par la Cour dans les arrêts Covaci et Tranca, qui faisaient suite à quatre demandes de décisions préjudicielles présentées par différentes juridictions allemandes de première instance. Dans ces arrêts, la Cour a relevé que la directive 2012/13 ne réglait pas les modalités selon lesquelles l’information relative à l’accusation portée doit être
fournie au suspect ou à la personne poursuivie ( 16 ). Il appartient donc aux États membres de régler cette question à la condition néanmoins que deux conditions soient remplies. Premièrement, ces modalités ne sauraient priver l’article 6 de son effectivité, portant ce faisant atteinte aux objectifs poursuivis par la directive 2012/13 ( 17 ). Deuxièmement, ces modalités ne doivent pas entraîner de discrimination à l’encontre des suspects ou des personnes poursuivies résidant à l’étranger ( 18 ).

42. Premièrement, appliquant ces principes, la Cour a admis qu’un État membre pouvait, à titre de principe, réglementer différemment la signification d’actes judiciaires à des personnes résidant sur son territoire et la signification de ces mêmes actes aux personnes résidant à l’étranger. La Cour ne s’est de ce fait pas opposée à la législation d’un État membre, comme celle en cause en l’espèce, qui, dans les procédures pénales, imposait à une personne poursuivie et ne résidant pas dans cet État de
désigner un mandataire pour recevoir la signification d’actes judiciaires ( 19 ). La Cour a également admis que, dans de telles situations, le délai pour contester la décision judiciaire pourrait commencer à courir à partir du moment où la décision est signifiée au mandataire et non à partir du moment où la personne poursuivie en prend effectivement connaissance ( 20 ).

43. Deuxièmement, la Cour a ajouté qu’une telle différence de traitement ne devrait pas porter atteinte à l’exercice effectif des droits de la défense du suspect ou de la personne poursuivie, ni la placer dans une situation dans laquelle elle ne pourrait pas bénéficier du délai dans son intégralité pour former opposition à la décision judiciaire en question ( 21 ). Pour ce qui est de la législation nationale en question, la Cour a noté que, bien que la législation ait prévu que le délai pour former
une opposition à l’ordonnance pénale commençait à courir à compter de la signification de l’ordonnance au mandataire, elle permettait également à cette personne de demander un relevé de forclusion lorsqu’elle prend connaissance de l’ordonnance. Ce mécanisme permet à la personne poursuivie de bénéficier de l’intégralité du délai de deux semaines pour former une opposition à l’ordonnance. La Cour a donc jugé qu’il appartenait aux juridictions de renvoi d’interpréter le droit national, en
particulier la procédure de relevé de forclusion d’une personne ainsi que les conditions auxquelles l’exercice de cette procédure est soumis, conformément aux exigences posées à l’article 6 de la directive 2012/13 ( 22 ).

2. Interprétation conforme et issue dans la présente affaire

44. La question soulevée dans la présente procédure est en substance celle de savoir si les principes esquissés ci‑dessus sont également applicables dans l’affaire qui nous occupe. En d’autres termes, il s’agit de savoir si, dans une situation comme celle de la procédure au principal, la législation nationale en cause, si elle est interprétée en conformité avec la directive 2012/13, assure aux personnes ne résidant pas dans l’État membre où se déroulent l’enquête et les poursuites une protection
adéquate du droit d’être informé d’une accusation.

45. Le gouvernement allemand soutient que, tout comme dans les arrêts Covaci et Tranca, la législation nationale en cause devrait être considérée comme étant compatible avec le droit de l’Union parce qu’elle peut être interprétée d’une manière garantissant le respect de l’article 6 de la directive 2012/13. Il souligne qu’une ordonnance pénale qui acquiert l’autorité de la chose jugée (à l’expiration du délai pour former opposition, l’acte ayant été signifié au mandataire) devient exécutoire, mais
sans pour autant être nécessairement définitive. En effet, une personne qui a été empêchée, sans faute de sa part, de respecter un délai procédural peut, à sa demande ou d’office, bénéficier d’un relevé de forclusion. Ce principe est également applicable à une situation comme celle en cause dans la procédure au principal.

46. Le gouvernement allemand reconnaît que le délai imposé à la personne poursuivie pour demander un relevé de forclusion n’est, en principe, que d’une semaine. Il ajoute néanmoins qu’il est généralement admis qu’un tel délai peut être interprété de manière flexible, en ce sens qu’il peut être étendu afin de correspondre au délai (plus long) qui ne pouvait pas être respecté. En outre, il souligne qu’une telle demande de la partie concernée est, souvent, inutile dans la mesure où la juridiction qui
prend connaissance d’un empêchement qui a conduit la personne poursuivie à ne pas pouvoir respecter un délai procédera généralement d’office au relevé de forclusion.

47. De plus, une personne qui se retrouve dans une situation comme celle de la personne poursuivie dans la procédure au principal ne peut pas, d’après le gouvernement allemand, être poursuivie au pénal sur le fondement d’une interdiction de conduire dont elle n’avait pas connaissance. Le gouvernement souligne que, à titre de principe, une personne peut être considérée comme « négligente » lorsque, par son comportement, elle a violé une obligation de diligence. Ce n’est le cas que lorsque les faits
reprochés à la personne étaient prévisibles et pouvaient être évités. Toutefois, dans un cas comme celui en cause dans la procédure au principal, la nature et l’étendue de l’obligation de diligence devraient être appréciées à l’aune de la directive 2012/13. Par conséquent, dans la mesure où le conducteur n’avait aucune obligation de s’informer auprès du mandataire au sujet de la procédure en cours, il ne pouvait y avoir aucune négligence et donc aucune violation de sa part de l’obligation de
diligence.

48. Le gouvernement allemand affirme enfin qu’en vertu de l’article 47, paragraphe 2, StPO, lu en combinaison avec l’article 456c, paragraphe 2, StPO, une personne comme le conducteur dans la procédure au principal peut présenter une demande de suspension de l’interdiction de conduire dès qu’il en prend connaissance si cette interdiction équivaut pour elle, en tant que conducteur professionnel, à une interdiction d’exercer sa profession.

49. Ainsi, en ce qui concerne les réponses concrètes aux deux questions posées par la juridiction de renvoi, le gouvernement allemand soutient en substance que, d’après le droit national : premièrement, tous les droits procéduraux du conducteur seront pleinement rétablis lorsque l’ordonnance pénale découlant de la première procédure lui aura été signifiée et, deuxièmement, toute responsabilité pénale du conducteur pour violation de l’interdiction de conduire dont il n’avait pas connaissance est
exclue, ce qui signifie qu’il ne peut pas être poursuivi dans le cadre de la seconde procédure pénale.

50. Un certain nombre d’assertions de la juridiction de renvoi jettent un doute sur une telle lecture du droit national. La juridiction de renvoi cite plusieurs dispositions du droit national régissant la signification de décisions judiciaires, qui, lorsqu’elles sont appliquées à une situation comme celle de la procédure au principal, s’avèrent être problématiques en pratique et potentiellement incompatibles avec le droit de l’Union.

51. Comme la juridiction de renvoi l’explique, il existe des règles très précises et strictes pour la signification de décisions judiciaires aux personnes résidant en Allemagne ( 23 ). Compte tenu des exigences strictes de cette législation, dont le respect doit être apprécié d’office par la juridiction, il est pratiquement certain qu’en cas de doute, aussi minime soit-il, la signification sera considérée comme dénuée de validité. Il en est a fortiori ainsi pour une ordonnance pénale, qui, si elle
ne fait pas l’objet d’une opposition, équivaudra à une condamnation pénale définitive.

52. À l’inverse, comme la juridiction de renvoi le note également, les règles relatives à la signification des décisions judiciaires aux personnes résidant en dehors du territoire allemand à travers un mandataire sont relativement vagues et pourraient faire naître une considérable incertitude. La personne poursuivie n’est pas en mesure d’influencer si, quand, vers quelle destination et de quelle manière un document est effectivement transmis. Le mandataire n’est pas obligé de transmettre une
ordonnance pénale d’une manière qui permette de vérifier si cette dernière parvient effectivement à son destinataire (par exemple, par courrier recommandé). Dans ces circonstances, la probabilité est bien plus élevée qu’une personne poursuivie ne prendra connaissance d’une décision judiciaire que bien longtemps après qu’elle ait acquis force de chose jugée, voire n’en prenne jamais connaissance.

53. Dans ses observations écrites et orales, le gouvernement allemand offre une lecture remarquablement différente de la législation nationale en cause. En particulier, les inquiétudes exprimées par la juridiction de renvoi en ce qui concerne la compatibilité de cette législation avec les dispositions de la directive 2012/13 peuvent, selon lui, être écartées par une interprétation conforme.

54. Il n’appartient pas à la Cour d’arbitrer entre deux points de vue concurrents quant à l’interprétation correcte du droit national. Toutefois, même si la juridiction de renvoi et le gouvernement allemand sont clairement en désaccord quant à l’interprétation correcte d’un certain nombre de dispositions du droit national, je note que, en ce qui concerne l’issue correcte de l’affaire spécifique en cause, ils sont en substance d’accord : les droits que le conducteur tire de l’article 6 de la
directive 2012/13 doivent être protégés. Premièrement, cela implique que les droits procéduraux du conducteur dans la première procédure pénale soient pleinement rétablis après que l’ordonnance pénale lui a été signifiée. Deuxièmement, le conducteur ne peut pas être considéré pénalement responsable dans la seconde procédure pénale pour avoir conduit en violation de l’interdiction de conduire précédemment prononcée. Il ne peut en effet pas être considéré comme étant négligent parce qu’il n’a
entrepris aucune tentative pour contacter le mandataire afin de s’informer du cours de la procédure pénale.

55. Ainsi, puisqu’il y a au fond accord sur l’issue de l’affaire qui serait aussi largement compatible avec la direction prise récemment par la Cour dans les arrêts Covaci et Tranca, la présente affaire peut s’arrêter là. Partant, sous réserve de quelques précisions supplémentaires, je ne considère pas la présente affaire comme une bonne occasion d’adapter, développer ou nuancer les principes de base de la jurisprudence des arrêts Covaci et Tranca ( 24 ). Cela ne devrait cependant certainement pas
être interprété comme signifiant que la législation nationale en cause ne pourrait pas faire naître des questions de compatibilité avec le droit de l’Union dans d’autres circonstances ainsi que je l’expliquerai ci‑après en conclusion dans la section C.

3. Réserves

56. La réponse fournie par la Cour dans les arrêts Covaci et Tranca comprenait déjà un certain nombre de « oui, mais » ( 25 ). La situation à la base de la présente affaire renforce encore le nombre de ces « mais » et pousse même tout l’édifice établi par ces affaires jusqu’à ses limites absolues.

57. L’article 6 de la directive 2012/13 ne saurait être privé de son effectivité. De plus, la manière dont il est donné effet à cet article ne saurait créer de discrimination à l’encontre des suspects et des personnes poursuivies résidant dans d’autres États membres de l’Union. Le droit d’être informé de l’accusation portée contre soi fait probablement partie des droits les plus fondamentaux dont une personne devrait jouir lorsqu’elle est soupçonnée ou accusée d’avoir commis une infraction ( 26 ).
Il est clair qu’une personne ne peut pas adéquatement exercer ses droits de la défense si elle n’est pas informée de l’accusation portée contre elle. En ce sens, le droit d’être informé de l’accusation portée contre soi est, en termes de temps et de logique, le tout premier droit qui devrait être garanti à une personne faisant l’objet d’une enquête pénale ou d’un procès.

58. Il est par conséquent crucial qu’un suspect ou une personne poursuivie dont le droit d’être informé de l’accusation portée contre lui a été violé soit rétabli dans sa situation antérieure. Le point de savoir comment cet objectif est atteint est, du point de vue systémique, de peu d’importance pour le droit de l’Union ( 27 ) dès lors que cette action est rapide et effective.

59. Le relevé de forclusion doit impliquer, d’une part, que l’ordonnance pénale soit (de nouveau) signifiée à la personne poursuivie de sorte que, du point de vue procédural, elle se retrouve dans la même position que celle qui aurait été la sienne si la première signification était intervenue correctement. Dans la présente affaire, le conducteur doit disposer d’un délai de deux semaines pour contester l’ordonnance pénale avant que celle‑ci ne prenne effet.

60. D’autre part, à moins que et jusqu’à ce qu’elle soit correctement signifiée, l’ordonnance pénale n’est pas exécutoire et tout effet préjudiciel découlant du défaut de respect de ladite ordonnance doit être levé. Cela doit nécessairement recouvrir la possibilité pour la personne poursuivie d’obtenir une suspension immédiate des mesures imposées par l’ordonnance pénale si la procédure de relevé de forclusion ne devait pas avoir d’effet suspensif ( 28 ). Cela est particulièrement important dans la
présente affaire : la personne poursuivie est un conducteur professionnel et tout maintien injustifié de la suspension de son permis de conduire avant que le relevé de forclusion ne soit accordé pourrait lui porter un préjudice important.

61. Lever les effets de l’ordonnance pénale implique également que la personne visée ne peut pas être poursuivie pour défaut de respect (volontaire ou par négligence) des mesures qui y sont imposées. En ce qui concerne la présente affaire, le conducteur ne peut pas être considéré comme étant responsable d’avoir conduit avec négligence sans permis de conduire. Le fait qu’il n’a pas cherché à s’informer auprès du mandataire au sujet de la procédure en cours est sans pertinence. Il ressort clairement
de l’article 6 de la directive 2012/13 que l’obligation d’informer un suspect ou une personne poursuivie de l’accusation portée repose sur les autorités des États membres. Aucune disposition de cette directive ne peut être lue comme plaçant, directement ou indirectement, une partie de cette charge sur les épaules du suspect ou de la personne poursuivie.

62. En outre, ayant établi qu’il n’y avait aucune obligation quelle qu’elle soit pour le conducteur de s’informer de l’issue de la première procédure, la responsabilité pénale dans le cadre de cette deuxième procédure pénale est exclue du fait de l’absence de tout élément subjectif de l’infraction alléguée de conduite sans permis de conduire. Il n’y avait pas de faute de la part du conducteur (intentionnelle ou par négligence). Il relève après tout du bon sens que, si le conducteur n’a pas été
informé de l’interdiction de conduire qui lui a été imposée, il ne peut pas par la suite être poursuivi pour avoir violé ladite interdiction.

63. Pour être clair, la personne poursuivie ne peut pas être tenue pour pénalement responsable dans la seconde procédure, indépendamment du point de savoir si, une fois rétablie dans sa situation antérieure, elle décide de s’opposer à l’ordonnance pénale prononcée dans la première procédure. Comme la juridiction de renvoi le signale à juste titre, une autre conclusion conduirait à un résultat paradoxal : même si la personne poursuivie devait admettre les allégations avancées à son encontre dans la
première procédure pénale et accepter les conséquences juridiques découlant de cette ordonnance pénale, elle serait tout de même contrainte de former un recours contre ladite ordonnance afin de prévenir de nouvelles poursuites. Cela imposerait à la personne poursuivie des charges administratives et des frais supplémentaires qu’une personne résidant dans cet État membre ne doit normalement pas supporter.

64. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit à la question préjudicielle déférée : l’article 6 de la directive 2012/13 ne s’oppose pas à une législation nationale en vertu de laquelle une ordonnance pénale adoptée à l’encontre d’une personne ne résidant pas dans cet État membre acquiert force de chose jugée après signification au mandataire, même lorsque la personne poursuivie n’a pas été informée de l’ordonnance à la condition que la personne
poursuivie, premièrement, se voie correctement signifier l’ordonnance une fois qu’elle en prend connaissance et bénéficie pleinement du relevé de forclusion, et, deuxièmement, ne soit pas tenue pour pénalement responsable de ne pas avoir respecté les mesures qui lui sont imposées dans l’ordonnance, sur le fondement du fait qu’elle n’a pas tenté de s’informer de l’issue de la procédure précédente auprès du mandataire.

C.   Observations finales (sur l’interprétation sans limite et les futures affaires)

65. Cela n’est pas la première affaire dans laquelle une juridiction allemande demande à la Cour de vérifier si la législation nationale en cause est compatible avec les dispositions de la directive 2012/13. En effet, au cours d’une période de moins de cinq ans, la Cour a été saisie de quatre demandes de décisions préjudicielles sur le sujet qui ont conduit au prononcé des arrêts Covaci et Tranca par la Cour.

66. Les principes établis par la Cour dans ces affaires sont naturellement applicables dans les affaires subséquentes. Le droit national ne peut pas être considéré comme étant incompatible avec le droit de l’Union tant que le droit national peut être interprété conformément au droit de l’Union afin d’atteindre l’objectif visé par le législateur de l’Union. Il convient de conserver à l’esprit qu’en vertu de l’article 4, paragraphe 3, TUE, les autorités des États membres (y compris les autorités
judiciaires) ont l’obligation d’interpréter le droit national, dans la mesure du possible, à la lumière des termes et de l’objectif de la directive en question afin d’atteindre l’objectif poursuivi par cette dernière et, ce faisant, de se conformer à l’article 288, paragraphe 3, TFUE ( 29 ).

67. Cela étant dit et sous réserve des divergences qui peuvent raisonnablement être envisagés dans les avis juridiques au niveau national, je dois admettre que je comprends, et partage, un certain nombre d’éléments de doute exprimés par la juridiction de renvoi.

68. Premièrement, les arguments du gouvernement allemand semblent étendre le principe de l’interprétation conforme à ses limites raisonnables, si ce n’est au‑delà. Dans son ordonnance de renvoi, la juridiction de renvoi invoque des délais légaux clairs et précis posés par le droit national. La réponse du gouvernement allemand est que ces dispositions peuvent être « réinterprétées » afin de se conformer au droit de l’Union. Pour ne prendre qu’un exemple, une juridiction nationale peut-elle
contourner, par le biais de l’interprétation conforme, une exigence claire au titre de l’article 45, paragraphe 1, StPO en vertu de laquelle le relevé de forclusion doit être demandé dans un délai d’une semaine après la disparition de l’obstacle en raison duquel le délai n’a pas pu être respecté, et considérer que cette disposition doit être lue comme renvoyant à un délai de deux semaines ?

69. Il suffit de rappeler que le principe de l’interprétation conforme ne peut pas servir de base à une interprétation contra legem du droit national ( 30 ). Cette limite sera certainement comprise différemment dans différents systèmes juridiques. Toutefois, à mon avis (éventuellement indûment positiviste et littéral), faire d’une semaine deux semaines ne pourrait pas vraiment être décrit comme une question d’interprétation, comme c’est le cas pour toute limite précise dans le temps.
L’interprétation conforme peut-elle faire que un devienne deux ? Ma perplexité sur ce point est renforcée par le fait que, lorsqu’il a été interrogé lors de l’audience s’il existait le moindre précédent judiciaire sur cette question, le gouvernement allemand a renvoyé à un commentaire académique au soutien de son argument, sous-entendant que tout juge allemand lit (et souscrit probablement à) ce commentaire.

70. Deuxièmement, je me demande si le fait que le respect de l’article 6 de la directive 2012/13 ne peut être assuré qu’en interprétant plusieurs dispositions de droit national à la lumière du droit de l’Union, certaines d’ailleurs d’une manière plutôt contre-intuitive, ne présuppose pas que les juridictions et autorités répressives nationales aient un niveau extraordinairement élevé de connaissance du droit de l’Union (et éventuellement aussi de créativité juridique). S’il en est effectivement
ainsi, ce qui, du point de vue de la connaissance requise du droit et de la jurisprudence de l’Union, ne peut être que félicité et admiré, une autre question sera nécessairement soulevée : celle de la prévisibilité et de la sécurité juridique, non seulement pour ces acteurs, mais également et spécialement pour les citoyens de l’Union qui pourraient être concernés. Prenons un exemple évident : si les juridictions allemandes ont elles‑mêmes des doutes quant à l’interprétation correcte des règles
procédurales applicables ainsi que le démontre du moins la présente demande de décision préjudicielle, comment peut-on attendre d’un conducteur polonais qu’il comprenne sa situation juridique et soit capable d’agir (dans un court laps de temps) afin de protéger ses droits ? N’oublions pas que les procédures nationales en cause sont de nature pénale ( 31 ).

71. Troisièmement, les arrêts Covaci et Tranca concernaient des situations dans lesquelles la violation potentielle de l’article 6 de la directive 2012/13 est intervenue au cours de la même procédure dans laquelle l’ordonnance pénale en cause a été prononcée. Toutefois, la transposition des conclusions de la Cour dans ces affaires aux situations dans lesquelles la violation potentielle de l’article 6 de la directive 2012/13 dans une procédure donnée affecte d’autres procédures nationales
subséquentes semble moins évidente ainsi que l’illustre la présente affaire.

72. La violation du droit de la personne poursuivie à être informée de l’accusation portée contre elle dans une procédure pénale pourrait bel et bien – comme le soutient le gouvernement allemand – emporter avec elle une procédure pénale liée. Je me demande néanmoins si la situation pourrait être différente si, par exemple, la procédure subséquente, liée, concernait l’adoption de mesures administratives. Qu’en serait-il des actions civiles potentielles pour obtenir réparation du préjudice subi sur la
base du caractère de chose jugée de la (première) ordonnance pénale ? Qu’en serait-il enfin, des répercussions indirectes se manifestant dans la sphère privée ( 32 ) ? Y a-t-il d’autres mécanismes en place dans la législation nationale qui pourraient également adéquatement protéger un suspect ou une personne poursuivie des conséquences négatives d’une procédure pénale conduite en violation de l’article 6 de la directive 2012/13, que ce soit au niveau administratif ou civil ? Si ce n’est pas le
cas, un problème d’équivalence pourrait se présenter dans ces situations.

73. Cette question nous ramène au point de départ : la question de l’équivalence et de la qualité de la signification d’actes dans des affaires pénales. Cette question, formulée dans les termes les plus rudimentaires possibles, pourrait être présentée ainsi : est-il (encore) justifié de traiter par défaut des citoyens de l’Union qui ne résident pas en Allemagne comme des fugitifs ou des personnes sans domicile fixe ( 33 ), et de mettre en place, pour ces mêmes personnes, une fiction juridique
signifiant en pratique que les autorités publiques signifient les actes à leurs propres employés qui n’ont visiblement qu’une obligation très « légère » de transmettre de tels documents ? Cela signifie-t-il, en pratique et dans le cas quelque peu spécifique de l’ordonnance pénale, que les personnes résidant sur le territoire allemand jouissent d’un niveau élevé de protection juridique, mais que les autres citoyens de l’Union ne bénéficient pratiquement d’aucune protection juridique ?

74. On pourrait par conséquent se demander combien de temps encore la double approche actuelle au sujet de la signification de décisions judiciaires de nature pénale pourra encore être justifiée tant au niveau de l’Union qu’au niveau national.

75. Au niveau de l’Union, des progrès significatifs sont réalisés dans l’établissement d’un espace de liberté, de sécurité et de justice, et plus spécifiquement dans le domaine de la coopération judiciaire en matière pénale. Comme l’affirme l’article 82, paragraphe 1, TFUE, cette politique est fondée sur le principe de la reconnaissance mutuelle des jugements et décisions judiciaires, et inclut le rapprochement des dispositions législatives et réglementaires des États membres dans un certain nombre
de domaines pertinents. La directive 2012/13 est l’un des instruments adoptés, sur la base de l’article 82, paragraphe 2, TFUE, dans le contexte du programme dit de Stockholm ( 34 ). Un certain nombre de propositions de nouveaux instruments législatifs dans ce domaine sont actuellement examinées par le législateur de l’Union en vue de renforcer davantage encore le principe de la confiance mutuelle et d’accroître le degré de coopération administrative et judiciaire entre les autorités des États
membres.

76. Dans le même temps, les marchés de services – y compris de services postaux – sont de plus en plus intégrés. Il n’est peut-être pas nécessaire, dans ce contexte, de s’attarder sur les règles régissant la fourniture de services postaux dans l’Union ( 35 ). Il suffit de signaler, notamment, que les sociétés chargées d’obligations de service universel doivent se conformer à un certain nombre d’obligations découlant du droit de l’Union et visant à garantir au niveau national ou de manière
transfrontalière un ensemble minimal de services de qualité déterminée ( 36 ). Je trouve révélateur que, lorsqu’il lui a été demandé, lors de l’audience, d’expliquer les motifs sous-tendant son système différent (et complexe) de signification à l’étranger des actes judiciaires dans les affaires pénales et pourquoi il n’était pas possible d’envoyer un courrier recommandé dans un autre État membre, le gouvernement allemand a simplement répondu que le système avait été établi il y a longtemps.

77. Eu égard à ces développements, des problèmes d’équivalence et de proportionnalité sont susceptibles de se représenter à l’avenir. Je pense qu’il deviendra progressivement plus difficile de soutenir qu’envoyer un courrier recommandé au-delà de la frontière est généralement plus lent et/ou fait naître plus d’incertitudes que de l’envoyer à une autre adresse au sein du même État membre. En tout état de cause, même si cela devait demeurer être le cas, on pourrait légitimement se demander si les
différences entre ces deux situations sont si significatives qu’elles justifient un système comme celui établi par la législation nationale en cause. Il faut rappeler que la législation nationale en question traite toujours et de manière automatique tout citoyen de l’Union ne résidant pas en Allemagne comme un fugitif ou une personne sans domicile fixe. Pourtant, un système moins drastique (ou plutôt plus proportionné) à l’égard de personnes résidant à l’étranger est certainement concevable.

78. En outre, un tel niveau de protection juridique en vertu du droit de l’Union devient encore plus difficile à justifier lorsque d’autres régimes de signification transfrontalière d’actes sont pris en compte. Les États membres sont, par exemple, tenus d’être particulièrement rigoureux lors de la signification à l’étranger d’actes judiciaires de nature civile ou commerciale en vertu des dispositions du règlement (CE) no 1393/2007 ( 37 ). Dans le cadre de ce régime, tel qu’interprété par la Cour,
même des erreurs minimes lors de la signification d’actes judiciaires, y compris l’omission d’une annexe dans la bonne langue, peut avoir des conséquences importantes sur la procédure ( 38 ).

79. Il est certes vrai que, si la signification d’actes judiciaires civils et commerciaux est harmonisée, la signification d’actes de nature pénale, en grande partie, ne l’est pas. Bien que formellement correct, cet argument ne sert qu’à souligner l’anomalie systémique en vertu de laquelle la signification d’actes judiciaires civils jouit d’un niveau très élevé de protection, mais que cette protection est quasiment inexistante pour les actes de nature pénale.

80. Enfin, du point de vue de l’État membre concerné, on pourrait également se demander dans quelle mesure la solution à laquelle la Cour est parvenue dans les arrêts Covaci et Tranca, et potentiellement développée et confirmée par la présente affaire, est dans l’intérêt du moindre État membre et du caractère exécutoire de ses décisions. Est‑il souhaitable, du point de vue d’un État membre, premièrement, que ses décisions judiciaires de nature pénale signifiées à des personnes résidant dans d’autres
États membres de l’Union risquent de flotter perpétuellement dans un vide juridique, deuxièmement, qu’elles ne puissent pas être exécutées ou puissent être réouvertes à tout moment lorsque leur destinataire en prend connaissance et y fait opposition, troisièmement, que les démarches juridiques subséquentes, adoptées sur la base de ces décisions, qu’elles soient de nature pénale, administrative ou civile, soient susceptibles de faire l’objet de recours ou soient même nulles, ou quatrièmement,
qu’elles ne soient probablement pas reconnues et exécutées dans d’autres États membres parce que les autorités compétentes de ces États membres d’exécution pourraient soulever des questions en ce qui concerne des décisions pénales rendues en pratique par contumace et sans que la personne concernée en ait connaissance, cette dernière étant par conséquent incapable d’exercer ses droits de la défense ( 39 ) ? Compte tenu de tels problèmes structurels, il pourrait être peut-être dans le meilleur
intérêt de tout État membre, même agissant seul, de revisiter la véritable origine du problème, à savoir la qualité discutable de la signification des actes, plutôt que d’appliquer des correctifs supplémentaires aux circonstances spécifiques de la prochaine affaire individuelle ?

81. En résumé, il est improbable que la Cour revisite sa jurisprudence à la légère (et elle ne devrait pas le faire), en particulier au sujet de questions tranchées récemment. Je pense cependant que la présente affaire est la limite au-delà de laquelle la Cour ne peut pas déclarer une législation nationale, qui soulève clairement des problèmes en termes de protection juridique de citoyens de l’Union résidant dans des États membres autre que la République fédérale d’Allemagne, comme étant compatible
avec le droit de l’Union. Si d’autres affaires de ce type continuent à être présentées à la Cour, confirmant de manière décisive les problèmes déjà identifiés et suggérant des déficiences supplémentaires dans l’ensemble de la procédure, la Cour pourrait être contrainte de réexaminer l’ensemble de la jurisprudence, y compris son hypothèse de départ à savoir qu’en dépit des différences considérables entre les deux régimes de signification, en termes de protection juridique, ces derniers peuvent
d’une certaine manière être considérés comme étant « distincts mais équivalents » ( 40 ). Les preuves juridiques et matérielles présentées dans les affaires futures pourraient exposer que ces hypothèses de départ pourraient avoir été erronées. Une chose est claire : on ne saurait admettre que la signification par fiction (juridique) entraîne que la protection juridique des citoyens de l’Union devienne elle aussi une fiction.

V. Conclusion

82. Je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles présentées par l’Amtsgericht Kehl (tribunal de district de Kehl, Allemagne) :

– l’article 6 de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales, ne s’oppose pas à une législation nationale en vertu de laquelle une ordonnance pénale prononcée à l’encontre d’une personne ne résidant pas dans cet État membre acquiert force de chose jugée après signification à un mandataire, même lorsque la personne poursuivie n’a pas été informée de l’ordonnance à la condition que la personne
poursuivie, premièrement, se voie correctement signifier l’ordonnance une fois qu’elle en est informée et bénéficie pleinement du relevé de forclusion, et, deuxièmement, ne puisse pas être tenue pour pénalement responsable de ne pas avoir respecté les mesures imposées dans l’ordonnance, du fait qu’elle n’a pas tenté de s’informer auprès du mandataire de l’issue de la procédure antérieure.

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( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) JO 2012, L 142, p. 1.

( 3 ) Arrêts du 15 octobre 2015, Covaci (C‑216/14, ci‑après l’« arrêt Covaci , EU:C:2015:686), et du 22 mars 2017, Tranca e.a. (C‑124/16, C‑188/16 et C‑213/16, ci‑après l’« arrêt Tranca », EU:C:2017:228).

( 4 ) Le droit primaire demeurant applicable et pertinent, même au vu de dispositions plus spécifiques du droit dérivé. Dans le contexte des permis de conduire et de l’interaction entre les dispositions relatives à la libre circulation et la non‑discrimination du traité et de la directive 2006/126/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 décembre 2006, relative au permis de conduire (JO 2006, L 403, p. 18), Voir arrêt du 26 octobre 2017, I (C‑195/16, EU:C:2017:815).

( 5 ) En commençant avec la question matérielle du statut professionnel de la personne poursuivie et la clarification en découlant des dispositions du traité qui devraient dans les faits lui être applicables (celles sur les travailleurs, sur l’établissement ou sur la libre prestation de services).

( 6 ) Voir note 3 des présentes conclusions.

( 7 ) Appliquant le principe que iura (Europaea) novit Curia (Europaea) – voir à cet effet, par exemple, arrêt du 19 septembre 2013, Betriu Montull (C‑5/12, EU:C:2013:571, points 40 et 41 ainsi que jurisprudence citée).

( 8 ) Mise en italique par mes soins.

( 9 ) Dans la présente affaire en vertu de l’article 44 de la StPO.

( 10 ) Voir, spécialement, considérants 3, 8 et 41 de la directive 2012/13.

( 11 ) Mise en italique par mes soins.

( 12 ) Arrêt Covaci, point 20.

( 13 ) Reproduit au point 12 des présentes conclusions.

( 14 ) Voir, à cet effet, conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Covaci (C‑216/14, EU:C:2015:305, point 32).

( 15 ) Voir considérant 41 de la directive 2012/13 et, en général, article 52, paragraphe 3, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

( 16 ) Voir, à cet effet, arrêt Covaci, point 62, et arrêt Tranca, point 37.

( 17 ) Voir, à cet effet, arrêt Covaci, point 63, et arrêt Tranca, point 38.

( 18 ) Voir, à cet effet, arrêt Covaci, point 65, et arrêt Tranca, point 40.

( 19 ) Voir, à cet effet, arrêt Covaci, point 68.

( 20 ) Voir, à cet effet, arrêt Tranca, points 41 et 42.

( 21 ) Voir, à cet effet, arrêt Covaci, point 67, et arrêt Tranca, points 45 et 46.

( 22 ) Voir, à cet effet, arrêt Tranca, points 48 et 49.

( 23 ) La juridiction de renvoi invoque en particulier l’article 176, l’article 178, paragraphe 1, premier alinéa, et les articles 180 à 182 de la Zivilprozessordnung (code de procédure civile allemand).

( 24 ) Étant donné, également, la portée de l’affaire telle qu’exposée aux points 23 à 27 des présentes conclusions.

( 25 ) Points 41 à 43 des présentes conclusions.

( 26 ) On peut raisonnablement présumer que même ceux qui apprécient les romans de Kafka en tant qu’œuvres littéraires n’apprécieraient probablement pas d’être placés dans la situation de Josef K., accusé (et même condamné par contumace) sans jamais apprendre pourquoi (Kafka, F., Le procès, « Folios Classique », Gallimard, Paris, 1987).

( 27 ) Cela pourrait dépendre des spécificités du système juridique national : par exemple, la décision pourrait n’acquérir l’autorité de la chose jugée qu’à la condition qu’elle ait été correctement signifiée à la personne en question ; elle pourrait sinon entrer en vigueur, mais être écartée par la suite sur demande. Je comprends que la possibilité (impossibilité) d’une telle construction dogmatique en vertu du droit allemand est l’un des points de désaccord entre la juridiction de renvoi et le
gouvernement allemand.

( 28 ) Dans la présente demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi indique que tel est le cas et le gouvernement allemand n’a pas contesté ce point.

( 29 ) Voir, à cet effet, arrêt du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a. (C‑397/01 à C‑403/01, EU:C:2004:584, point 113 et jurisprudence citée).

( 30 ) Voir, par exemple, arrêt du 24 juin 2019, Popławski (C‑573/17, EU:C:2019:530, point 74).

( 31 ) À ce stade, je n’aborderai même pas la question intrigante de savoir quelle information relative à ses droits une personne dans la situation du conducteur doit recevoir de quelle autorité nationale et quand (et si et comment toute obligation a été respectée dans la présente affaire).

( 32 ) Pour ne donner qu’un exemple : une personne pourrait ne pas être en mesure d’accepter une offre d’emploi en Allemagne en raison de son casier judiciaire dont elle n’a cependant pas connaissance.

( 33 ) Il faut préciser que la République fédérale d’Allemagne n’est certainement pas le seul État membre qui recourt à des présomptions juridiques, voire même à des fictions juridiques, dans certaines situations de signification d’actes. Ce qui est toutefois, selon moi, plutôt singulier est le système de désignation d’un mandataire qui, d’une part, est autorisé à agir pleinement au nom du suspect ou de la personne poursuivie, mais, dans le même temps, n’a virtuellement aucune obligation
d’entretenir un réel contact avec cette personne. Toute l’approche est ainsi curieusement placée entre deux chaises : ce n’est ni une réelle représentation ni un réel service de signification.

( 34 ) Résolution du Conseil, du 30 novembre 2009, relative à la feuille de route visant à renforcer les droits procéduraux des suspects ou des personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales (JO 2009, C 295, p. 1) et « Le programme de Stockholm – une Europe ouverte et sûre qui sert et protège les citoyens », point 2.4 (JO 2010, C 115, p. 1).

( 35 ) Voir, spécifiquement, directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 décembre 1997, concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l’amélioration de la qualité du service (JO 1998, L 15, p. 14), telle que modifiée.

( 36 ) Voir, spécialement, considérants 11 et 13 de la directive 97/67.

( 37 ) Règlement du Parlement européen et du Conseil du 13 novembre 2007 relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale (signification ou notification des actes), et abrogeant le règlement (CE) no 1348/2000 du Conseil (JO 2007, L 324, p. 79).

( 38 ) Voir, par exemple, arrêts du 16 septembre 2015, Alpha Bank Cyprus (C‑519/13, EU:C:2015:603), et du 2 mars 2017, Henderson (C‑354/15, EU:C:2017:157).

( 39 ) Voir, à titre d’illustration (et sans faire la moindre déclaration quant à son applicabilité potentielle à la présente affaire), article 7, paragraphe 2, sous g), de la décision-cadre 2005/214/JAI du Conseil, du 24 février 2005, concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux sanctions pécuniaires (JO 2005, L 76, p. 16).

( 40 ) Cela étant le point de départ dans les arrêts Covaci et Tranca – voir points 41 et 42 des présentes conclusions.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-615/18
Date de la décision : 16/01/2020
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par l'Amtsgericht Kehl.

Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière pénale – Droit à l’information dans le cadre des procédures pénales – Directive 2012/13/UE – Article 6 – Droit d’être informé de l’accusation portée contre soi – Poursuites pénales pour conduite d’un véhicule sans permis de conduire – Interdiction de conduire résultant d’une ordonnance pénale antérieure dont l’intéressé n’a pas pris connaissance – Signification de cette ordonnance à l’intéressé par le seul moyen d’un mandataire obligatoire – Acquisition de l’autorité de chose jugée – Négligence éventuelle de l’intéressé.

Espace de liberté, de sécurité et de justice

Droit d'établissement

Libre prestation des services

Libre circulation des travailleurs

Citoyenneté de l'Union

Droit d'entrée et de séjour

Coopération judiciaire en matière pénale

Rapprochement des législations


Parties
Demandeurs : UY
Défendeurs : Staatsanwaltschaft Offenburg.

Composition du Tribunal
Avocat général : Bobek

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2020:9

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