CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRAL
MME ELEANOR SHARPSTON
présentées le 7 février 2019 ( 1 )
Affaire C‑589/17
Prenatal S.A.
[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunal Superior de Justicia de Cataluña (Cour supérieure de justice de Catalogne, Espagne)]
« Renvoi préjudiciel – Importation de produits textiles déclarés comme étant originaires de Jamaïque – Remboursement des droits de douane – Cas similaire pendant devant la Commission – Caractère restrictif de la communication de la Commission – Compétence des autorités nationales »
1. La confiance dans l’origine des marchandises qui entrent dans l’Union européenne est essentielle au fonctionnement efficace du régime douanier de l’Union. En plus de tout le reste, l’identification de l’origine des marchandises garantit que le taux correct du droit de douane est appliqué au produit concerné lorsque ce produit franchit la frontière douanière et que le droit est payé par le redevable. Les déclarations portant sur le pays où le produit a été fabriqué (son origine) sont essentielles
pour ce processus. Par exemple, un produit originaire de Chine pourrait être soumis à des droits plus élevés que le même produit originaire de Jamaïque et l’Union souhaitera s’assurer que les droits dus sont payés.
2. Étant donné les implications financières évidentes, les déclarations d’origine peuvent faire l’objet de fraudes. Néanmoins détecter et enrayer la fraude est une tâche peu enviable. Celle-ci n’est habituellement pas offerte sur un plateau ou accompagnée de preuves irréfutables. Le défi pour les autorités douanières sera donc souvent d’identifier le moment approprié où elles doivent prendre des mesures concrètes pour prévenir la fraude ou pour intervenir lorsqu’elle se produit. Des facteurs tels
que le budget, les effectifs et les priorités stratégiques influenceront cette décision. Plus fondamentalement, dans le contexte des accords commerciaux internationaux, à quel stade doit‑on mettre de côté la confiance qu’il faut avoir dans les procédures douanières et la réciprocité, afin de reprendre le contrôle ?
3. La présente demande de décision préjudicielle est née d’une situation dans laquelle des droits de douane ont été imposés mais où le redevable soutient qu’il ne devrait pas payer ces droits en raison d’une fraude commise par un tiers.
Le cadre juridique
L’accord de Cotonou
4. L’accord de partenariat entre les membres du groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ci-après les « États ACP »), d’une part, et la Communauté européenne (sous sa forme de l’époque) et ses États membres, d’autre part, a été signé à Cotonou le 23 juin 2000 ( 2 ) (ci-après l’« accord de Cotonou »). Il est entré en vigueur à titre provisoire du 2 août 2000 au 1er juin 2002 ( 3 ) et a ensuite été étendu jusqu’à son entrée en vigueur définitive le 1er avril 2003 ( 4 ).
5. L’article 3 de l’accord de Cotonou prévoit que « [l]es parties prennent [...] toutes les mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution des obligations découlant du présent accord et à faciliter la réalisation de ses objectifs ».
6. L’article 1er de l’annexe V de cet accord accorde un traitement préférentiel, au cours de la période préparatoire mentionnée à son article 37, paragraphe 1, à l’importation dans l’Union de produits « originaires des États ACP» ( 5 ), de sorte que ceux-ci ne sont soumis à aucun droit. Les détails de ce système de traitement préférentiel figurent au protocole no 1 de l’annexe V de l’accord de Cotonou (ci‑après le « protocole no 1 »). Ainsi :
– le traitement préférentiel est accordé lorsqu’un certificat « EUR.1 » est présenté ;
– ce certificat est délivré par les autorités douanières du pays d’exportation sur demande écrite établie par l’exportateur ou par son représentant habilité, et
– à la demande, l’exportateur ou son représentant doit présenter aux autorités douanières du pays d’exportation « tous les documents appropriés prouvant le caractère originaire des produits concernés ainsi que l’exécution de toutes les autres conditions prévues par le présent protocole» ( 6 ).
7. Après la délivrance du certificat, et afin de vérifier que toutes les procédures ont été correctement suivies, les autorités douanières délivrant les certificats « prennent toutes les mesures nécessaires afin de contrôler le caractère originaire des produits et de vérifier si toutes les autres conditions prévues par le présent protocole sont remplies. À cet effet, elles sont habilitées à exiger toutes preuves et à effectuer tout contrôle des comptes de l’exportateur ou tout autre contrôle
qu’elles estiment utile. Les autorités douanières chargées de la délivrance des certificats EUR.1 doivent aussi veiller à ce que les formulaires visés au paragraphe 2 soient dûment complétés. Elles vérifient notamment si le cadre réservé à la désignation des produits a été rempli de façon à exclure toute possibilité d’adjonctions frauduleuses» ( 7 ). « Afin de garantir une application correcte du présent protocole », toutes les parties à l’accord s’engagent à se prêter mutuellement assistance,
« par l’entremise de leurs administrations douanières respectives, pour le contrôle de l’authenticité des certificats EUR.1, des déclarations sur facture ou des déclarations du fournisseur et de l’exactitude des renseignements fournis dans lesdits documents» ( 8 ).
8. Après que les produits en question ont été importés dans l’Union, le contrôle des preuves de l’origine « est effectué par sondage ou chaque fois que les autorités douanières de l’État d’importation ont des doutes fondés en ce qui concerne l’authenticité de ces documents» ( 9 ). Les autorités douanières du pays d’exportation « sont habilitées à exiger toutes preuves et à effectuer tous contrôles des comptes de l’exportateur ou tout autre contrôle qu’elles estiment utile» ( 10 ) ; et les résultats
des contrôles doivent être communiqués aux autorités requérantes « dans les meilleurs délais » en indiquant « clairement si les documents sont authentiques et si les produits concernés peuvent être considérés comme des produits originaires des États ACP» ( 11 ).
9. En cas de « doutes fondés » et en l’absence de réponse à l’expiration du délai de dix mois ou si la réponse ne comporte pas de renseignements suffisants pour déterminer l’authenticité du document en cause, « les autorités douanières qui sollicitent le contrôle refusent le bénéfice des préférences sauf en cas de circonstances exceptionnelles» ( 12 ). Lorsque la procédure de contrôle ou toute autre information disponible semble indiquer que les dispositions du présent protocole sont transgressées,
« l’État ACP effectue, de sa propre initiative ou à la demande de [l’Union], les enquêtes nécessaires, ou prend des dispositions pour que ces enquêtes soient effectuées avec l’urgence voulue en vue de déceler et de prévenir pareilles transgressions, et l’État ACP concerné peut, à cette fin, inviter [l’Union] à participer à ces enquêtes» ( 13 ).
10. Enfin, le protocole no 1 institue un comité de coopération douanière (ci‑après le « comité »), chargé d’assurer notamment l’« application correcte et uniforme du présent protocole ». Le comité est composé d’« experts des États membres et de fonctionnaires de la Commission responsables des questions douanières et [...] d’experts représentant les États ACP et de fonctionnaires de groupements régionaux des États ACP responsables des questions douanières ». Son rôle est d’examiner « à intervalles
réguliers, l’incidence sur les États ACP [...] de l’application des règles d’origine et recommande au Conseil des ministres les mesures appropriées» ( 14 ). À cette fin, le comité « se réunit régulièrement ».
Le droit de l’Union
Le code des douanes
11. L’article premier du code des douanes communautaire ( 15 ) prévoit que « [l]a réglementation douanière est constituée par le présent code et par les dispositions prises pour son application au niveau communautaire ou national ». L’article 2, paragraphe 1, énonce le principe selon lequel « la réglementation douanière communautaire s’applique de façon uniforme dans l’ensemble du territoire de la Communauté ».
12. Au chapitre 3 intitulé « Recouvrement du montant de la dette douanière » du titre VII, l’article 217 du code des douanes prévoit que « [t]out montant de droits à l’importation ou de droits à l’exportation qui résulte d’une dette douanière [...] doit être calculé par les autorités douanières dès qu’elles disposent des éléments nécessaires et faire l’objet d’une inscription par lesdites autorités dans les registres comptables ou sur tout autre support qui en tient lieu (prise en compte)» ( 16 ).
13. L’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes prévoit qu’il n’est pas procédé à une prise en compte lorsque « le montant des droits légalement dus n’avait pas été pris en compte par suite d’une erreur des autorités douanières elles-mêmes, qui ne pouvait raisonnablement être décelée par le redevable, ce dernier ayant pour sa part agi de bonne foi et observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne la déclaration en douane. [...] Toutefois, la
délivrance d’un certificat incorrect ne constitue pas une erreur lorsque le certificat a été établi sur la base d’une présentation incorrecte des faits par l’exportateur, sauf si, notamment, il est évident que les autorités de délivrance du certificat savaient ou auraient dû savoir que les marchandises ne remplissaient pas les conditions requises pour bénéficier du traitement préférentiel» ( 17 ). Si les conditions de l’article 220, paragraphe 2, sous b), sont remplies, l’article 236,
paragraphe 1, prévoit qu’il est procédé au remboursement ou à la remise des droits à l’importation.
14. L’article 239 du code des douanes établit un autre fondement pour la remise des droits à l’importation. Celui-ci prévoit, à son paragraphe 1 qu’« [i]l peut être procédé au remboursement ou à la remise des droits à l’importation ou des droits à l’exportation dans des situations autres que celles visées aux articles 236, 237 et 238 : [...] à déterminer selon la procédure du comité, [...] qui résultent de circonstances n’impliquant ni manœuvre ni négligence manifeste de la part de l’intéressé. Les
situations dans lesquelles il peut être fait application de cette disposition ainsi que les modalités de procédure à suivre à cette fin, sont définies selon la procédure du comité. Le remboursement ou la remise peuvent être subordonnées à des conditions particulières ». Une demande à cette fin peut être déposée conformément à l’article 239, paragraphe 2. L’article 905 du règlement (CEE) no 2454/93 de la Commission ( 18 ) apporte des précisions supplémentaires sur l’article 239, en prévoyant que
le demandeur peut assortir sa demande visée à l’article 239, paragraphe 2, de justifications « susceptibles de constituer une situation particulière ».
Le règlement d’application
15. Les procédures détaillées qui régissent les demandes présentées au titre de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes figurent au titre III (articles 868 à 876 bis) du règlement d’application. Les procédures relatives aux demandes introduites au titre de l’article 239 figurent au titre IV (articles 899 à 909). Étant donné que ces deux séries de dispositions coïncident ( 19 ) et que les questions de la juridiction de renvoi mentionnent celles relatives à l’article 239 du code des
douanes, je me concentrerai ici sur les articles 899 à 909.
16. L’article 905, paragraphe 1, du règlement d’application prévoit qu’un demandeur peut présenter sa demande de remise aux autorités douanières d’un État membre assortie de justifications d’une « situation particulière » qui résulte de circonstances n’impliquant ni manœuvre ni négligence manifeste de sa part. Lorsque les autorités douanières « considèrent que la situation particulière résulte d’un manquement de la Commission à ses obligations », elles doivent transmettre la demande à la Commission
pour qu’elle décide. Cette obligation de transmission n’existe plus lorsque « la Commission est déjà saisie d’un cas dans lequel des éléments de fait et de droit comparables se présentent» ( 20 ). Si toutefois le cas est transmis, « [l]a Commission renvoie le dossier à l’autorité douanière et la procédure visée aux articles 906 à 909 est considérée comme n’ayant jamais débuté» ( 21 ). Dans ces circonstances, « une décision des autorités douanières autorisant le remboursement ou la remise des
droits en cause ne peut être adoptée qu’à l’issue de la procédure déjà engagée conformément aux articles 906 à 909 [dans le cas parallèle dont la Commission est saisie]» ( 22 ).
17. La décision finale est prise par la Commission après consultation d’un groupe d’experts ( 23 ). Cette décision est notifiée à l’État membre concerné ainsi qu’à tous les autres États membres « afin d’aider les autorités douanières à statuer sur les cas dans lesquels des éléments de fait et de droit comparables se présentent » (article 908, paragraphe 1).
18. Au cours de la procédure de transmission et de décision, le demandeur devra confirmer qu’il a pu prendre connaissance du dossier et indiquer, soit qu’il n’a rien à y ajouter, soit tout élément additionnel qu’il lui semble important d’y faire figurer. Si, après l’examen du dossier, la Commission a l’intention de prendre une décision défavorable, le demandeur a la possibilité de présenter des observations avant que la décision finale soit prise ( 24 ).
Les faits et la procédure
19. La Jamaïque est un État signataire de l’accord de Cotonou.
20. Du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2004 (ci-après la « période pertinente »), Prenatal S.A., a importé en Espagne des vêtements en provenance de Jamaïque en présentant des certificats d’origine EUR.1 qui donnaient droit à un tarif extérieur commun préférentiel de 0 % au moment du dédouanement.
21. Du mois de février au mois de mars 2005, les autorités jamaïcaines, l’Office européen de lutte antifraude de la Commission (OLAF) et les autorités douanières espagnoles ont effectué une enquête sur place afin d’établir si les vêtements importés étaient correctement couverts par le certificat EUR.1. Pour résumer, leur rapport conjoint a conclu que les produits importés ne pouvaient pas bénéficier d’un traitement préférentiel, car ils avaient été fabriqués à partir de pièces provenant de Chine ou
de Hong Kong et n’étaient donc pas d’origine jamaïcaine. Les autorités douanières jamaïcaines ont annulé les certificats EUR.1 pour la période pertinente et, par conséquent, les autorités espagnoles ont procédé à la prise en compte des droits de douane dont Prenatal était redevable pour les importations qu’elle avait effectuées pendant cette période.
22. Le 10 mai 2006 Prenatal a demandé à la Dependencia Regional de Aduanas de la Delegación Especial de Cataluña (Bureau régional des douanes de la délégation spéciale de Catalogne) le remboursement de la dette douanière en vertu de l’article 239 du code des douanes ( 25 ). Selon la demande de décision préjudicielle, cette demande a été transmise à la Commission le 23 mai 2006 en vertu de l’article 905, paragraphe 1, du règlement d’application, car elle concernait des défaillances en relation avec
les mesures prises par les services de la Commission, représentés par l’OLAF. La Commission a conclu que le cas de Prenatal était comparable, en fait et en droit, à un autre cas (REM 03/07, concernant El Corte Inglés SA, ci-après « ECI ») et a donc renvoyé le dossier conformément à l’article 905, paragraphe 6.
23. Le 3 novembre 2008, la Commission a adopté la décision COM(2008) 6317 final, par laquelle elle constatait qu’il était justifié de procéder à la prise en compte a posteriori des droits à l’importation et qu’il n’était pas justifié de procéder à la remise de ces droits dans un cas particulier (dossier REM 03/07) (ci‑après la « décision REM 03/07 »). Elle a conclu que les autorités en question n’avaient pas commis d’erreur au regard de l’article 220, paragraphe 2, sous b) du code des douanes, et
qu’ECI ne se trouvait pas non plus dans une autre situation particulière aux termes de l’article 239 du code des douanes. Le 30 janvier 2009, ECI a introduit un recours en annulation contre cette décision devant le Tribunal de l’Union européenne ( 26 ).
24. Parallèlement, ECI (qui avait invoqué l’existence d’une situation particulière au sens de l’article 239 du code des douanes devant les autorités douanières nationales) a introduit un recours devant les juridictions espagnoles, demandant l’annulation de l’avis douanier par lequel le paiement des droits de douane dus était exigé. Par l’arrêt du 20 octobre 2008, l’Audiencia National (Cour centrale, Espagne) a annulé cet avis. Le pourvoi en cassation devant le Tribunal Supremo (Cour suprême,
Espagne) a été déclaré irrecevable par ordonnance du 4 février 2010. L’arrêt de l’Audiencia National (Cour centrale) est donc devenu définitif et la dette d’ECI a été annulée ( 27 ). Le 9 décembre 2013, le Tribunal de l’Union européenne a décidé que le recours en annulation introduit par ECI contre la décision REM 03/07 était devenu sans objet, malgré les arguments contraires des deux parties qui souhaitaient que le Tribunal statue sur la validité de cette décision ( 28 ).
25. Prenatal ne semble pas avoir introduit de recours au niveau national contre la décision équivalente des autorités espagnoles. Le 12 mai 2009, en application de la décision REM 03/07, les autorités espagnoles ont rejeté la demande de remise de Prenatal. Prenatal a introduit une réclamation contre cette décision devant le Tribunal Económico-Administrativo Regional de Cataluña (tribunal économique administratif régional de Catalogne, Espagne) (ci-après le « TEARC »), qui a rejeté cette réclamation.
Prenatal a ensuite saisi le Tribunal Superior de Justicia de Cataluña (Cour supérieure de justice de Catalogne, Espagne) (ci-après « la juridiction de renvoi »).
26. La juridiction de renvoi estime nécessaire de demander des clarifications à la Cour. Elle rappelle que la décision REM 03/07 de la Commission était à la base de la décision du TEARC, tandis que Prenatal affirme que les conditions énoncées à l’article 220, paragraphe 2, sous b), et à l’article 239 du code des douanes sont remplies et qu’elle a donc droit à la remise ou au remboursement des droits de douane en question.
27. La juridiction de renvoi a donc décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) La décision COM(2008) 6317 final de la Commission, du 3 novembre 2008, relative à l’importation de produits textiles déclarés comme originaires de Jamaïque (dossier REM 03/07), qui constate qu’il est justifié de procéder à la prise en compte a posteriori des droits à l’importation et qu’il n’est pas justifié de procéder à la remise de ces droits dans un cas particulier, est-elle contraire au droit de l’Union, notamment à l’article 220, paragraphe 2, sous b), et à l’article 239 du [code des
douanes] ?
2) Lorsqu’une remise des droits de douane est demandée et que la Commission notifie une décision en vertu de laquelle le cas d’espèce présente des éléments de fait et de droit comparables à ceux d’un dossier antérieur sur lequel elle s’est déjà prononcée ou une décision en vertu de laquelle elle est déjà saisie d’un cas comparable qui est en cours de traitement, doit-il être considéré que ces décisions sont des actes juridiques qui lient les autorités de l’État membre dans lequel la remise des
droits de douane est demandée et qui peuvent donc faire l’objet d’un recours de l’auteur de la demande de remise des droits de douane (article 239 du [code des douanes]) ou de non‑prise en compte de ces droits [article 220, paragraphe 2, sous b), dudit code] ?
3) S’il ne s’agit pas d’une décision de la Commission dont le contenu est juridiquement contraignant, appartient-il alors aux autorités nationales d’examiner si le cas d’espèce comporte des éléments de fait ou de droit comparables ?
4) En cas de réponse affirmative, si un tel examen a été effectué et a permis de conclure qu’il n’existe pas de tels éléments, convient-il d’appliquer l’article 905, paragraphe 1, du [règlement d’application] et, par conséquent, la Commission doit-elle adopter une décision juridiquement contraignante pour les autorités nationales ? »
28. Prenatal, le gouvernement espagnol et la Commission ont déposé des observations écrites. Conformément à l’article 61, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, celle-ci a invité les parties à aborder trois points lors de l’audience de plaidoiries : premièrement, l’interprétation de la portée des obligations incombant aux autorités jamaïcaines au titre des articles 15 et 32 du protocole no 1, deuxièmement, la mesure dans laquelle un nouvel argument, la méconnaissance de la Commission de
veiller à l’application correcte de l’accord de Cotonou, pourrait être accueilli et, troisièmement, la recevabilité des deuxième à quatrième questions préjudicielles. Les parties ont présenté des observations orales et ont répondu à ces questions lors de l’audience de plaidoiries du 25 octobre 2018.
Appréciation
La recevabilité
29. Le gouvernement espagnol soutient que les quatre questions sont recevables. La Commission, toutefois, doute de la pertinence des deuxième, troisième et quatrième questions. Elle remarque que ces questions concernent le pouvoir d’appréciation des autorités nationales pour arriver, dans le cas de Prenatal, à une conclusion différente de celle dégagée par la Commission dans le cas d’ECI. Toutefois, il apparaît clairement que tant la juridiction de renvoi que le TEARC ont appliqué à Prenatal la
conclusion de la Commission au sujet d’ECI, parce qu’ils ont considéré que la situation de Prenatal était comparable (en effet, identique) en fait et en droit. Les questions portant sur le point de savoir si les autorités nationales peuvent exercer un pouvoir d’appréciation sont par conséquent sans objet.
30. Je ne partage pas (entièrement) les doutes de la Commission. J’analyserai chaque question l’une après l’autre.
31. La deuxième question comporte deux aspects distincts : premièrement, l’effet légal du renvoi du dossier par la Commission au titre de l’article 905, paragraphe 2, du règlement d’application, et deuxièmement, le fait de savoir si Prenatal aurait pu contester ce renvoi à l’époque (en 2006). En ce qui concerne la dernière question, il est indiscutable que Prenatal ne peut pas contester maintenant la lettre de renvoi et il n’est pas évident de savoir quelle pertinence pourrait avoir une réponse à
cette question pour la procédure en cours ( 29 ). En revanche, l’étendue du pouvoir d’appréciation dont les autorités des États membres jouissent en présence d’une décision de renvoi est manifestement pertinente. En effet, les troisième et quatrième questions sont liées à la deuxième question et portent sur le point de savoir si les autorités de l’État membre peuvent tirer leurs propres conclusions en ce qui concerne la demande de remise, selon qu’elles sont ou non formellement liées par cette
décision.
32. Ainsi, telles que je les comprends, la première partie de la deuxième question ainsi que les troisième et quatrième questions visent pour l’essentiel à établir dans quelle mesure les autorités espagnoles (les douanes et les juridictions) peuvent parvenir, dans le cas de Prenatal, à une conclusion différente de celle tirée par la Commission concernant ECI. Ces dispositions seraient particulièrement pertinentes si la Cour jugeait, en réponse à la première question, que la décision REM 03/07 est
invalide.
33. Je considère donc que la première partie de la deuxième question et les troisième et quatrième questions devraient bénéficier de la présomption habituelle de pertinence ( 30 ).
L’argument « nouveau »
34. Dans ses observations relatives à l’article 239 du code des douanes, Prenatal soutient que la Commission n’a pas respecté son obligation de veiller à l’application correcte de l’accord de Cotonou. Cet argument est nouveau en ce sens qu’il n’a été envisagé expressément ni dans la décision REM 03/07 ( 31 ) ni dans le recours en annulation introduit devant le Tribunal ( 32 ). La Commission a fait valoir, lors de l’audience, qu’on ne saurait lui reprocher de ne pas avoir répondu à ce nouvel argument
avant la présente procédure, étant donné que cet argument n’avait pas été invoqué par ECI dans sa demande de remise. Prenatal a considéré que la Commission avait, en effet, répondu à cet argument au point 70 de la décision REM 03/07, où elle avait affirmé qu’elle « n’a[vait] identifié aucun autre facteur susceptible de constituer une situation particulière ». En outre, rien n’empêche d’invoquer cet argument dans le cadre d’une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, et
la Commission doit en tout état de cause examiner si son comportement a contribué à générer cette situation particulière.
35. À mon sens, cet argument « nouveau » peut être invoqué dans le cadre de la présente procédure. À aucun stade de la procédure relative à la demande de remise d’ECI, Prenatal n’a eu le droit ou la possibilité d’invoquer un quelconque argument. Seule ECI avait ce droit ( 33 ). La procédure au titre de l’article 267 TFUE permet maintenant aux parties se trouvant dans la situation de Prenatal de soutenir leur cause sans aucune restriction quant aux arguments qu’elles peuvent invoquer ( 34 ).
Sur la première question
36. Je me pencherai tout d’abord sur le moyen tiré de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes, qui implique d’étudier l’interprétation des articles 15 et 32 du protocole no 1, et par la suite j’examinerai la prétendue « situation particulière » visée à l’article 239 du code des douanes ( 35 ).
L’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes
37. Pour qu’un demandeur puisse obtenir la remise ou le remboursement des droits au titre de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes, trois conditions cumulatives doivent être réunies ( 36 ). Premièrement, il doit être démontré que l’erreur sur les certificats est due au fait que les autorités douanières « savaient ou auraient dû savoir » que les marchandises ne remplissaient pas les conditions requises pour bénéficier du traitement préférentiel. Deuxièmement, le demandeur doit
avoir agi de bonne foi ou n’avoir pu raisonnablement déceler l’erreur commise par les autorités. Troisièmement, ce dernier doit avoir observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne sa déclaration en douane.
38. Seule la première de ces conditions est prise en compte ici pour l’examen de la validité de la décision REM 03/07. Les deuxième et troisième conditions sont forcément personnelles pour Prenatal et n’ont pas été examinées par la Commission dans la décision REM 03/07, qui ne portait que sur ECI.
39. Dans le cadre d’une demande de décision préjudicielle portant sur la validité d’un acte de l’Union tel que la décision REM 03/07, le contrôle effectué par la Cour est limité. La Commission jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour évaluer les éléments de preuve qui lui ont été soumis par les autorités douanières espagnoles et par ECI. Par conséquent, sauf erreur manifeste d’appréciation, telle que l’omission d’examiner « avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce
sur lesquels cette appréciation est fondée », la Cour ne saurait substituer sa propre appréciation à celle de la Commission et ne le fera pas ( 37 ).
40. Prenatal soutient ( 38 ) que la Commission a commis une erreur manifeste en concluant que les autorités jamaïcaines n’étaient pas au courant des irrégularités présentes dans les certificats EUR.1. Pour étayer cette affirmation, elle fait valoir que leur connaissance ressort, premièrement, d’un rapport d’audit établi par JAMPRO ( 39 ) en 1998 auprès des sociétés exportatrices en question, montrant un écart notable entre la capacité de production et le volume des produits exportés ; deuxièmement,
du fait que, en 1998, les autorités italiennes et celles du Royaume‑Uni avaient demandé un contrôle a posteriori des certificats délivrés – demandes auxquelles les autorités jamaïcaines ont répondu (dans le cas où elles l’ont fait) en 2000, en expliquant ces écarts de manière peu crédible, et, troisièmement, du rapport d’un fonctionnaire de l’administration fiscale espagnole qui a participé à l’enquête de l’OLAF en 2005, selon lequel, notamment, des fonctionnaires de la zone franche de Jamaïque
parlaient de l’absence de transformation pertinente des produits importés de Chine avant leur réexportation.
41. Prenatal soutient, à titre subsidiaire, que la Commission a eu tort de ne pas conclure que les autorités jamaïcaines auraient dû être au courant des irrégularités présentes sur les certificats EUR.1. Elle interprète les obligations imposées aux autorités jamaïcaines par l’article 15, paragraphe 5, et l’article 32 du protocole no 1 en ce sens que ces autorités étaient tenues d’effectuer des contrôles physiques des produits exportés, mais qu’elles ne l’ont pas fait. Dans le cas contraire, elles
auraient découvert les irrégularités. Prenatal s’appuie principalement sur le procès-verbal des réunions tenues en janvier 2006 par le Trade Board jamaïcain, qui confirme notamment qu’aucun système de contrôle physique n’était en vigueur au moment pertinent.
42. Un requérant qui cherche à prouver que les autorités douanières en question étaient au courant doit assumer une lourde charge de la preuve. Il doit démontrer que ces autorités connaissaient effectivement l’erreur ( 40 ). La preuve de cette connaissance doit répondre à une norme élevée de fiabilité et de clarté ; elle ne peut pas se contenter d’être suggestive. La qualité de la preuve doit être telle qu’elle doit renverser la présomption que les autorités n’étaient pas au courant. En l’absence de
preuves documentaires qui équivalent en effet à un aveu institutionnel, cette lourde charge de la preuve sera rarement accomplie.
43. Les preuves invoquées par ECI dans sa demande de remise, et que Prenatal réitère devant la Cour, ne sont pas d’une nature susceptible de satisfaire à cette charge de la preuve. Un rapport de JAMPRO relatif à une période de deux semaines en juillet 1998 ne saurait être invoqué pour établir l’état réel des connaissances des autorités douanières pendant toute la période allant de janvier 2002 à mars 2005. Le fait que les autorités douanières jamaïcaines connaissaient le rapport de JAMPRO, mais ont
conclu qu’elles n’avaient besoin d’un justificatif que pour un écart de 8 % entre les volumes exportés et les capacités de production (contrairement à l’écart de l’ordre de 252 % à 559 %, selon JAMPRO) ( 41 ), est à mon sens non concluant. Le point de vue (contesté) de deux fonctionnaires, dont la place exacte dans la hiérarchie des autorités douanières jamaïcaines n’est pas établie, ne saurait raisonnablement être considéré comme représentant la connaissance spécifique de ces autorités
douanières dans leur ensemble.
44. Je rejette donc l’argument selon lequel la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant, à la lumière du rapport d’audit établi par JAMPRO en 1998 ( 42 ), des réponses données par les autorités douanières jamaïcaines à des demandes de contrôle a posteriori ( 43 ) et des preuves provenant de certains fonctionnaires des douanes ( 44 ), que les autorités jamaïcaines n’étaient pas au courant des irrégularités présentes dans les certificats EUR.1.
45. Je parviens à la même conclusion en ce qui concerne le moyen subsidiaire selon lequel les autorités douanières jamaïcaines auraient dû être au courant de ces irrégularités.
46. L’argument invoqué ici par Prenatal dépend de l’existence d’une obligation légale et concrète en vigueur pour les autorités jamaïcaines d’effectuer des contrôles physiques des produits exportés, par opposition aux contrôles qui ont lieu seulement sur pièces. Selon Prenatal, cette obligation découle des articles 15 et 32 du protocole no 1.
47. Je n’interprète pas ces dispositions d’une telle manière.
48. En premier lieu, l’article 15 du protocole no 1 décrit la procédure selon laquelle un exportateur obtient un certificat EUR.1 et met l’accent sur les preuves documentaires. Les droits et obligations sont partagés entre les exportateurs et les autorités douanières qui délivrent des certificats. Ainsi, les exportateurs sont tenus de remplir des certificats de circulation EUR.1 et des formulaires de demande (article 15, paragraphe 2, de ce protocole) et doivent « pouvoir présenter à tout moment, à
la demande des autorités douanières d’exportation [...], tous les documents appropriés prouvant le caractère originaire des produits concernés [...] » (article 15, paragraphe 3, dudit protocole). Les autorités douanières « prennent toutes les mesures nécessaires » pour vérifier l’origine des produits et « sont habilitées à exiger toutes preuves et à effectuer tous contrôles des comptes de l’exportateur ou tout autre contrôle qu’elles estiment utile » (article 15, paragraphe 5, du même
protocole).
49. Rien dans l’article 15 du protocole no 1, et plus particulièrement au paragraphe 5, n’oblige les autorités douanières à prendre n’importe quel type spécifique ou particulier d’actions ou de mesures, a fortiori d’effectuer des contrôles physiques, que ce soit fréquemment ou non. L’obligation imposée aux autorités à l’article 15, paragraphe 5, première ligne, dudit protocole est tempérée par le mot « nécessaires » qui figure dans la même phrase. Il appartient donc entièrement à ces autorités de
juger ce qui est nécessaire. Ce pouvoir d’appréciation est souligné par l’introduction des mots « toutes » et « les mesures nécessaires ». Cela renforce le pouvoir d’appréciation des autorités, au lieu de suggérer qu’un type particulier de procédure de contrôle doit être appliqué. Ainsi, je suis d’accord avec la Commission sur le fait que ledit article 15, paragraphe 5, autorise simplement les autorités douanières jamaïcaines à effectuer des contrôles physiques si elles l’estiment nécessaire (
45 ). Dans ce contexte, on ne saurait critiquer les autorités jamaïcaines pour le fait qu’elles semblent avoir préféré un contrôle sur pièces ( 46 ).
50. En deuxième lieu, l’article 32 du protocole no 1 exige que le contrôle soit effectué par les autorités douanières qui délivrent les certificats EUR.1 (premièrement) au hasard et aussi (deuxièmement) à la suite d’une demande d’un État membre. Si l’État membre fait une telle demande, il doit renvoyer tous les documents pertinents pour aider les autorités délivrant les certificats à effectuer leur contrôle (article 32, paragraphe 2, du protocole no 1). Une fois en possession de ces documents, les
autorités « sont habilitées à exiger toutes preuves et à effectuer tous contrôles [...] » (article 32, paragraphe 3, du protocole no 1). Lorsque, par la suite, ce contrôle « semble indiquer que les dispositions du présent protocole sont transgressées », l’article 32, paragraphe 7, dudit protocole prévoit que « les enquêtes nécessaires » (entre autres) seront effectuées.
51. Je ne considère pas que l’article 32 impose aux autorités douanières jamaïcaines une obligation absolue ou positive d’effectuer des contrôles physiques, a fortiori pas à un moment déterminé ou avec une périodicité déterminée. Si ces autorités avaient indiscutablement le droit d’effectuer un contrôle physique, rien ne les obligeait à le faire. À la demande des autorités douanières de l’État membre au titre de l’article 32, les autorités douanières jamaïcaines pouvaient remplir leur obligation de
vérifier les transactions en question en utilisant les preuves documentaires disponibles, complétées par des enquêtes appropriées.
52. Par conséquent, je rejette l’argument de Prenatal selon lequel les autorités douanières jamaïcaines n’étaient pas au courant des irrégularités parce qu’elles n’avaient pas rempli leur obligation légale d’effectuer des contrôles physiques. Nonobstant l’affirmation (isolée) qui figure dans le procès-verbal des réunions du Trade Board jamaïcain, selon laquelle « aucun système de contrôle n’avait jamais été mis en place », la Commission n’a donc pas commis d’erreur manifeste d’appréciation à cet
égard. En arrivant à cette conclusion, je ne dis pas qu’il ne pourra jamais arriver un moment où les preuves portées à l’attention des autorités douanières de l’État d’exportation feront pencher la balance en faveur de la nécessité d’un contrôle physique. Toutefois, je n’interprète pas de cette manière les éléments présentés à la Cour dans la présente affaire.
L’article 239 du code des douanes
53. Afin de pouvoir invoquer valablement l’existence d’une situation particulière aux fins de l’article 239 du code des douanes, un demandeur doit démontrer qu’il « se trouve dans une situation exceptionnelle par rapport aux autres opérateurs exerçant une même activité et que, en l’absence de ces circonstances, il n’aurait pas subi le préjudice lié à la prise en compte a posteriori des droits de douane» ( 47 ). Le demandeur supporte donc la charge de la preuve.
54. Étant donné que cet argument est examiné pour la première fois dans le cadre de la présente procédure, le contrôle judiciaire de la Cour ne se limite pas à établir si la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation. La Cour devra plutôt déterminer si la Commission a « [mis] effectivement en balance, d’une part, l’intérêt de la Communauté au plein respect des dispositions de la réglementation douanière, qu’elle soit communautaire ou liant la Communauté, et, d’autre part, l’intérêt de
l’importateur de bonne foi à ne pas supporter des préjudices dépassant le risque commercial normal» ( 48 ).
55. La Cour a jugé qu’une situation particulière peut survenir lorsque la Commission n’a pas contrôlé « de manière appropriée » l’application correcte d’un accord international ( 49 ). La Commission, en tant que gardienne des traités et des accords conclus en vertu de ceux-ci, est tenue de s’assurer de la correcte application par un pays tiers des obligations qu’il a contractées en vertu d’un accord conclu avec l’Union par le biais des moyens prévus par l’accord ou par les décisions prises en vertu
de celui-ci ( 50 ).
56. Une partie de cette obligation implique la mise en balance de deux principes concurrents. D’une part, c’est le principe de confiance mutuelle qui sous-tend les accords commerciaux internationaux. Par conséquent, la Commission (et les autorités des États membres) – au moins dans la phase initiale – sont tenus d’accepter en l’état les déclarations faites par les autorités d’un État exportateur tel que la Jamaïque ( 51 ). D’autre part, l’accord de Cotonou est un accord qui apporte principalement un
bénéfice financier à une partie (les États ACP) et dont le système de traitement préférentiel tente inévitablement les personnes sans scrupules à commettre des contournements et des abus. La Commission doit par conséquent être particulièrement attentive lorsqu’elle remplit son obligation de contrôle et surveillance.
57. Prenatal fait valoir de manière générale que la Commission était tenue de mettre en place des mesures en vue de prévenir les activités frauduleuses, et plus spécifiquement qu’elle aurait dû surveiller les autorités jamaïcaines. Ainsi, Prenatal met l’accent sur le suivi et la prévention plutôt que simplement sur l’enquête et l’intervention ex post. Pour résumer, la Commission est accusée de passivité, alors qu’une action était légalement exigée de sa part.
58. Prenatal présente des preuves indiquant que la Commission n’a effectué aucune activité de suivi, en se fondant sur des affirmations tirées de deux communications de la Commission et d’un rapport de la Cour des comptes de l’Union européenne ( 52 ). Prenatal fait référence au comité institué en vertu de l’article 37 du protocole no 1, dont la mission générale est d’assurer « l’application correcte et uniforme du présent protocole » et dont la Commission est membre, et invoque plus particulièrement
l’article 37, paragraphe 2, de ce protocole qui exige que ledit comité « examine, à intervalles réguliers, l’incidence sur les États ACP [...] de l’application des règles d’origine ». Prenatal invoque également l’article 31, paragraphe 2, du protocole no 1, en vertu duquel l’Union européenne, les pays et territoires d’outre-mer et les États ACP « se prêtent mutuellement assistance, par l’entremise de leurs administrations douanières respectives, pour le contrôle de l’authenticité des certificats
EUR.1, des déclarations sur facture ou des déclarations du fournisseur ».
59. Il me semble que Prenatal fait une interprétation trop extensive des dispositions qu’elle invoque. L’article 31, paragraphe 2, dudit protocole exige que l’authenticité des documents soit assurée « par l’entremise de leurs administrations douanières respectives ». Il s’agit d’une charge partagée. Cependant, la Commission n’administre pas elle-même le régime douanier de l’Union. La responsabilité primaire repose inévitablement sur les autorités douanières des États membres d’exportation et
d’importation. Par conséquent, la plupart du travail de surveillance et de suivi est effectué par les autorités douanières des États membres. L’article 32 du protocole no 1 accorde à ces autorités le droit d’exiger des types spécifiques d’action de la part de leurs homologues dans les États ACP et, en effet, de retirer le bénéfice du traitement préférentiel si, par exemple, elles ont des « doutes fondés » et si la réponse à leur lettre de demande de vérification arrive tardivement (article 32,
paragraphe 6, de ce protocole). Toutefois, la Commission manque à son obligation si elle omet de s’informer sur les évolutions pertinentes au niveau de l’État membre et si ultérieurement elle omet de prendre des mesures appropriées. Cependant, dans la présente affaire, les preuves limitées mises à la disposition de la Cour suggèrent que la Commission était en communication avec les autorités douanières des États membres. Ainsi, la Commission a affirmé, lors de l’audience de plaidoiries, que
l’Allemagne l’avait informée en 2003 au sujet des lettres de demande de contrôle envoyées par les États membres. La procédure devant l’OLAF a débuté en mars 2004, et a donné lieu à des visites sur place en Jamaïque en février et mars 2005. Des réunions ont eu lieu au moins en septembre 2004 pour discuter de certaines questions. Dans ce contexte, avec le recul, si une action supplémentaire ou plus rapide aurait été souhaitable, on ne saurait toutefois affirmer à juste titre que la Commission a
fait preuve de la plus grande passivité ( 53 ). Je relève également que l’article 37, paragraphe 2, du protocole no 1 oblige le comité à examiner « l’incidence » sur des États tels que la Jamaïque de l’application des règles d’origine, et non de suivre activement l’application de ces règles.
60. Par conséquent, je ne considère pas que la Commission a manqué à ses obligations spécifiques découlant de l’accord de Cotonou. Je ne pense pas qu’un « devoir de bonne administration » général suffise pour imposer à la Commission les obligations positives qui auraient été nécessaires pour créer une « situation particulière » aux fins de l’article 239 du code des douanes ( 54 ).
61. Ainsi, les exigences légales applicables dans la présente affaire sont significativement différentes de celles qui ont amené la Cour, dans des précédents cas, à confirmer l’existence d’une situation particulière. Dans l’affaire C.A.S./Commission, par exemple, la Commission avait omis de s’informer pleinement au sujet de certaines choses, malgré le fait qu’elle était légalement tenue de le faire en vertu des dispositions spécifiques de l’accord entre l’Union européenne et la République de
Turquie ( 55 ). De manière similaire, dans l’affaire Eyckeler & Malt/Commission, la Commission avait l’obligation expresse de contrôler les importations de viande bovine d’Argentine tous les dix jours pour s’assurer que le contingent mis en place pour les viandes bovines était correctement appliqué. Non seulement la Commission savait que ce contingent avait été dépassé, mais elle n’avait mis en place aucune mesure de contrôle qui aurait pu détecter l’excès, une telle omission constituant un
« grave manquement» ( 56 ). En outre, dans l’affaire Kaufring e.a./Commission, le Tribunal a énuméré une série de cas connus dans lesquels la Turquie, pendant une longue période, a manqué à ses obligations issues des dispositions spécifiques de l’accord d’association créant une association entre la Communauté économique européenne (CEE) et la Turquie ainsi que des « différentes décisions adoptées par le conseil d’association en ce qui concerne l’application des articles 2 et 3 du protocole
additionnel » , et a noté l’omission de la Commission de s’attaquer à ces défaillances, malgré le fait qu’elle avait le pouvoir de le faire ( 57 ).
62. Par conséquent, je propose de répondre à la première question que l’examen des éléments présentés devant la Cour n’a fait apparaître aucun facteur qui affecterait la validité de la décision REM 03/07.
Sur les deuxième à quatrième questions
La deuxième question
63. La décision de la Commission de refuser la transmission d’un dossier en vertu de l’article 905 du règlement d’application a pour effet de bloquer le pouvoir d’appréciation des autorités douanières pertinentes pour statuer sur la demande de remise ou de remboursement en attendant l’issue de l’évaluation par la Commission du cas parallèle ( 58 ). Partant, de cette manière spécifique et limitée, la décision de renvoi a bien un effet suspensif légal.
64. Prenatal ne pouvait toutefois contester cette décision et/ou sa communication aux autorités douanières espagnoles. Pour contester une lettre ou communication adressée à un tiers, Prenatal devrait prouver que cette lettre la concerne tant directement ( 59 ) qu’individuellement ( 60 ). Pour ce qui est de l’affectation directe, je ne vois pas quel est l’effet juridique de la lettre de renvoi sur la situation de Prenatal. Les autorités douanières ont conservé leur droit d’évaluer le dossier qui leur
était soumis, même si ce droit a été temporairement suspendu ( 61 ). Je ne vois pas non plus comment Prenatal pouvait prétendre être individuellement concernée par la lettre de renvoi : la probabilité que d’autres opérateurs se soient trouvés dans une situation analogue est évidente. En outre, le renvoi du cas par la Commission n’est pas une décision au sens de l’article 4, point 5, du code des douanes, étant donné que cette définition ne s’applique qu’aux actes des « autorités douanières », qui
elles-mêmes sont définies à l’article 4, point 3, comme « les autorités compétentes, entre autres, pour l’application de la réglementation douanière ». Dans le cadre du code des douanes, la Commission n’est pas compétente pour l’« application de la réglementation douanière ».
65. Si la décision éventuellement adoptée par la Commission en vertu de l’article 907 du règlement d’application peut évidemment être contestée par le demandeur concerné, le demandeur dans le cas parallèle qui a été suspendu ne peut pas formuler une telle contestation. Toutefois, ses droits de la défense sont protégés par la procédure de renvoi préjudiciel prévue à l’article 267 TFUE ( 62 ).
66. Il convient donc de répondre à la deuxième question que la décision de la Commission adoptée en vertu de l’article 905, paragraphe 6, du règlement d’application rejetant le cas transféré par les autorités douanières espagnoles n’affecte pas la situation juridique du demandeur concerné et ne peut pas être contestée par ce demandeur en vertu du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
Les troisième et quatrième questions
67. J’examinerai ces questions ensemble et envisagerai les deux hypothèses proposées.
68. Si la Cour confirme la validité de la décision REM 03/07, comme je l’ai suggéré, cette décision restera contraignante pour les autorités douanières et judiciaires espagnoles à l’égard d’ECI ( 63 ). Les autorités douanières espagnoles devaient par la suite tenir compte de « toute particularité, de fait ou de droit, de nature à caractériser la situation spécifique » de Prenatal, en vue de déterminer si sa situation est « suffisamment dissemblable de celle [d’ECI] pour justifier une issue
différente» ( 64 ).
69. Si, au contraire, la Cour déclarait invalide la décision REM 03/07, la Commission serait tenue de prendre des mesures correctives en application de ses obligations découlant de l’article 266 TFUE. Les autorités douanières espagnoles ne peuvent pas recommencer leur évaluation de la demande de Prenatal avant que la Commission ne mette fin correctement et légalement à la « procédure prévue aux articles 906 à 909 » en ce qui concerne le cas d’ECI ( 65 ).
70. Il est bien sûr possible que les autorités (et juridictions) espagnoles, après avoir évalué la demande de Prenatal, considèrent que la situation de celle-ci n’est pas la même que celle d’ECI et, par conséquent, qu’elle n’est pas couverte par la (nouvelle) décision de la Commission relative à la dette douanière de cette dernière.
71. Dans ce cas, les autorités espagnoles sont-elles tenues de recommencer la procédure prévue à l’article 905 en transférant le dossier à la Commission en vue d’une nouvelle évaluation ? À mon avis, elles doivent faire cela en vue d’assurer l’application uniforme des conditions permettant la remise et le remboursement des droits ( 66 ). Cela reflète la répartition des rôles prévue par le règlement d’application. Les autorités douanières nationales prennent des décisions relatives à la dette de la
personne redevable, tandis que la Commission se prononce sur les demandes de remise ou de remboursement lorsqu’une situation particulière est invoquée.
72. Je propose donc à la Cour de répondre aux troisième et quatrième questions qu’une décision prise par la Commission en vertu de l’article 907 du règlement d’application lie les autorités douanières et judiciaires nationales et doit être appliquée à une demande de remise [ou] de remboursement introduite par un autre demandeur, à moins qu’il y ait une particularité, de fait ou de droit, de nature à caractériser sa situation comme suffisamment dissemblable pour justifier une issue différente. Dans
ce cas, les autorités nationales doivent transmettre à la Commission le dossier de ce demandeur, en vue d’une nouvelle décision conformément à l’article 905, paragraphe 1, du règlement d’application.
Conclusion
73. Par conséquent, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions préjudicielles présentées par le Tribunal Superior de Justicia de Cataluña (Cour supérieure de justice de Catalogne, Espagne) :
1) L’examen des éléments présentés devant la Cour n’a fait apparaître aucun facteur qui affecterait la validité de la décision COM(2008) 6317 final de la Commission, du 3 novembre 2008, relative à l’importation de produits textiles déclarés comme originaires de Jamaïque (dossier REM 03/07), qui constate qu’il est justifié de procéder à la prise en compte a posteriori des droits à l’importation et qu’il n’est pas justifié de procéder à la remise de ces droits dans un cas particulier.
2) La décision de la Commission adoptée en vertu de l’article 905, paragraphe 6, du règlement (CEE) no 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement (CE) no 1335/2003 de la Commission, du 25 juillet 2003, rejetant le cas transféré par les autorités douanières espagnoles, n’affecte pas la situation juridique du demandeur concerné et ne
peut pas être contestée par ce demandeur en vertu du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
3) Une décision prise par la Commission en vertu de l’article 907 du règlement no 2454/93, lie les autorités douanières et judiciaires nationales et doit être appliquée à une demande de remise [ou] de remboursement introduite par un autre demandeur, à moins qu’il y ait une particularité, de fait ou de droit, de nature à caractériser sa situation comme suffisamment dissemblable pour justifier une issue différente. Dans ce cas, les autorités nationales doivent transmettre à la Commission le
dossier de ce demandeur, en vue d’une nouvelle décision conformément à l’article 905, paragraphe 1, du règlement no 2454/93.
Annexe I : Chronologie des principales étapes et évolutions
Juillet 1998 Rapports de JAMPRO
Mai et octobre 1998 Lettres envoyées par les autorités douanières italiennes et par celles du Royaume-Uni aux autorités douanières jamaïcaines
Février 2000 Réponses des autorités douanières jamaïcaines aux autorités douanières italiennes et à celles du Royaume-Uni
Octobre 2003 Réponse des autorités jamaïcaines aux autorités douanières italiennes concernant le contrôle après importation
2003 La Commission prend connaissance des lettres des autorités douanières de l’État membre
Mars 2004 L’OLAF commence son enquête
Juillet 2004 Réponse des autorités jamaïcaines aux autorités douanières allemandes concernant le contrôle après importation
Septembre 2004 Réunion entre des États membres de l’Union et la Commission (OLAF), dans le cadre de laquelle la question des lettres a été soulevée
Mars 2005 Enquête de l’OLAF en Jamaïque
Janvier 2006 Procès-verbal des réunions du Trade Board
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( 1 ) Langue originale : l’anglais.
( 2 ) JO 2000, L 317, p. 3.
( 3 ) Décision no 1/2000 du Conseil des ministres ACP-CE, du 27 juillet 2000, concernant des mesures transitoires applicables du 2 août 2000 jusqu’à l’entrée en vigueur de l’accord de partenariat ACP-CE (JO 2000, L 195, p. 46).
( 4 ) Information concernant la date d’entrée en vigueur de l’accord de partenariat ACP‑CE (JO 2003, L 83, p. 69).
( 5 ) L’article 37, paragraphe 1, de l’accord de Cotonou prévoit que « [d]es accords de partenariat économique seront négociés au cours de la période préparatoire qui se terminera le 31 décembre 2007 au plus tard. Les négociations formelles des nouveaux accords commerciaux commenceront en septembre 2002 et ces nouveaux accords entreront en vigueur le 1er janvier 2008, à moins que les parties ne conviennent de dates plus rapprochées ».
( 6 ) Articles 14 et 15 du protocole no 1.
( 7 ) Article 15, paragraphe 5, du protocole no 1.
( 8 ) Article 31, paragraphe 2, du protocole no 1.
( 9 ) Article 32, paragraphe 1, du protocole no 1.
( 10 ) Article 32, paragraphe 3, du protocole no 1.
( 11 ) Article 32, paragraphe 5, du protocole no 1.
( 12 ) Article 32, paragraphe 6, du protocole no 1.
( 13 ) Article 32, paragraphe 7, du protocole no 1.
( 14 ) Article 37 du protocole no 1.
( 15 ) La version du code des douanes en vigueur au moment des faits était le règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1, ci-après le « code des douanes »). Le règlement no 2913/92 a été remplacé et abrogé le 24 juin 2008 par le règlement (CE) no 450/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, établissant le code des douanes communautaire (JO 2008, L 145, p. 1), lui-même remplacé et abrogé par le
règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union (JO 2013, L 269, p. 1).
( 16 ) L’article 4, point 9, du code des douanes définit la dette douanière comme étant « l’obligation pour une personne de payer les droits à l’importation (dette douanière à l’importation) ou les droits à l’exportation (dette douanière à l’exportation) qui s’appliquent à des marchandises déterminées selon les dispositions communautaires en vigueur ».
( 17 ) Cette version de l’article 220, paragraphe 2, sous b), a été insérée dans le code des douanes par le règlement (CE) no 2700/2000 du Parlement européen et du Conseil, du 16 novembre 2000, modifiant le règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire (JO 2000, L 311, p. 17).
( 18 ) Règlement de la Commission du 2 juillet 1993 fixant certaines dispositions d’application du règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire (JO 1993, L 253, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 1335/2003 de la Commission, du 25 juillet 2003 (JO 2003, L 187, p. 16) (ci-après le « règlement d’application »).
( 19 ) Elles sont identiques mutatis mutandis.
( 20 ) Article 905, paragraphe 2, du règlement d’application.
( 21 ) Article 905, paragraphe 6, du règlement d’application.
( 22 ) Article 899, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement d’application.
( 23 ) Article 907, du règlement d’application.
( 24 ) Article 905, paragraphe 3, et article 906 bis, du règlement d’application.
( 25 ) Prenatal indique dans ses observations écrites qu’elle a introduit deux demandes, la première en application de l’article 239 du code des douanes, présentée le 8 mai 2006, et la seconde en application de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes, présentée le 23 janvier 2009.
( 26 ) Ordonnance du 9 décembre 2013, El Corte Inglés/Commission (T‑38/09, non publiée, EU:T:2013:675).
( 27 ) Pour une description de cette procédure parallèle assez complexe, voir ordonnance du 9 décembre 2013, El Corte Inglés/Commission (T‑38/09, non publiée, EU:T:2013:675, points 6 à 9 et 17).
( 28 ) Voir ordonnance du 9 décembre 2013, El Corte Inglés/Commission (T‑38/09, non publiée, EU:T:2013:675, points 26 à 41). Aux points 42 à 84, le Tribunal a ensuite examiné et rejeté les sept arguments (présentés, selon le cas, par ECI, par ECI et la Commission, ou par la Commission seule) invoqués pour justifier la poursuite de la procédure, avant de juger que celle‑ci était devenue sans objet et de condamner chaque partie à supporter ses propres dépens.
( 29 ) Ainsi, il n’a pas été suggéré dans le cadre de cette procédure que Prenatal avait la possibilité de contester une mesure de l’Union directement au titre de l’article 263 TFUE et par conséquent elle ne devrait pas pouvoir maintenant contester la validité de cette mesure au moyen d’une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE. La décision REM 03/07 concernait ECI. Il est discutable (tout au moins) de savoir si Prenatal aurait eu locus standi pour contester la lettre de
renvoi.
( 30 ) Arrêt du 8 septembre 2010, Winner Wetten (C‑409/06, EU:C:2010:503, point 36 et jurisprudence citée).
( 31 ) Au point 60 de la décision REM 03/07, il semble qu’ECI a soutenu que la Commission avait omis d’informer les importateurs communautaires sur les doutes qu’elle nourrissait, mais cela constitue à mon sens un argument en substance différent de celui actuellement invoqué.
( 32 ) Ordonnance du 9 décembre 2013, El Corte Inglés/Commission (T‑38/09, non publiée, EU:T:2013:675, points 59 et 60).
( 33 ) Voir notamment article 906 bis du règlement d’application et point 18 des présentes conclusions.
( 34 ) Ordonnance du 9 décembre 2013, El Corte Inglés/Commission (T‑38/09, non publiée, EU:T:2013:675, point 57 et jurisprudence citée).
( 35 ) Cette approche différenciée est à mon sens appropriée, étant donné que chacun de ces articles poursuit un but différent : l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code douanes a pour objectif de protéger la confiance légitime du redevable quant au bien-fondé des informations ou critères intervenant dans la décision de recouvrer ou non les droits de douane [arrêt du 14 mai 1996, Faroe Seafood e.a. (C‑153/94 et C‑204/94, EU:C:1996:198, point 87)] tandis que le deuxième article constitue une
« clause générale d’équité » [arrêt du 25 juillet 2008, C.A.S./Commission (C‑204/07 P, EU:C:2008:446, point 85 et jurisprudence citée)].
( 36 ) Arrêt du 15 décembre 2011, Afasia Knits Deutschland (C‑409/10, EU:C:2011:843, point 47 et jurisprudence citée).
( 37 ) Voir notamment, arrêts du 21 novembre 1991, Technische Universität München (C‑269/90, EU:C:1991:438, point 13 ; du 9 novembre 1995, France-Aviation/Commission, T‑346/94, EU:T:1995:187, point 34) ; du 8 juillet 2010, Afton Chemical (C‑343/09, EU:C:2010:419, point 28 et jurisprudence citée), et du 19 février 1998, Eyckeler & Malt/Commission (T‑42/96, EU:T:1998:40, points 77 et 140).
( 38 ) Dans les présentes conclusions, je me limite à citer les arguments développés par Prenatal dans ses observations écrites et lors de l’audience. La juridiction de renvoi a résumé une série plus large d’arguments dans sa demande de décision préjudicielle.
( 39 ) « JAMPRO » était l’acronyme de « Jamaica Promotions Corporation » laquelle, comme je l’ai compris, était une agence du gouvernement jamaïcain. Ses attributions ont été transférées à « Jamaica Trade Board » en 2002.
( 40 ) Le demandeur de remise assume la charge de la preuve selon laquelle il était « évident » que les autorités qui ont délivré le certificat savaient ou auraient dû savoir : arrêt du 9 mars 2006, Beemsterboer Coldstore Services (C‑293/04, EU:C:2006:162, point 45).
( 41 ) Comme elles l’ont exprimé dans les réponses données en février 2000 à l’Italie et au Royaume‑Uni. Le fait que ces lettres semblent avoir été envoyées tardivement, en prétendue violation de l’article 32, paragraphe 5, du protocole no 1, est dépourvu de pertinence pour l’état des connaissances des autorités jamaïcaines au moment en question.
( 42 ) Voir points 38 à 42 de la décision REM 03/07.
( 43 ) Voir points 27 à 34, notamment 31 à 33, de la décision REM 03/07.
( 44 ) Voir points 52 et 53 de la décision REM 03/07. Je marque ici une pause pour mentionner que, au point 59 de ses observations, la Commission fait référence aux arguments écrits qu’elle a présentés au Tribunal de l’Union européenne dans le cadre de la procédure qui a abouti à l’ordonnance du 9 décembre 2013, El Corte Inglés/Commission (T‑38/09, non publiée, EU:T:2013:675). Je n’en ai pas tenu compte. Tous les arguments doivent figurer dans le corps des observations présentées à la Cour et non
être introduits clandestinement au moyen d’annexes qui, dans la présente affaire, représenteraient un total de plus de 70 pages d’arguments supplémentaires (en espagnol).
( 45 ) Voir, par analogie, arrêt du 17 juillet 1997, Pascoal & Filhos (C‑97/95, EU:C:1997:370, points 65 et 66), interprétant des dispositions similaires.
( 46 ) Prenatal a mis l’accent sur le statut d’« exportateur agréé » qui peut être obtenu en vertu de l’article 20 du protocole no 1. Ce statut permet effectivement aux exportateurs de certifier eux‑mêmes leurs produits aux fins du traitement préférentiel. Toutefois, l’existence de ce statut ne signifie pas que toutes les autres vérifications doivent impliquer des contrôles physiques.
( 47 ) Arrêt du 25 juillet 2008, C.A.S./Commission (C‑204/07 P, EU:C:2008:446, point 88 et jurisprudence citée). Une « situation particulière » peut être invoquée par plus d’un opérateur à la fois : voir, entre autres, arrêt du 17 février 2011, Bolton Alimentari (C‑494/09, EU:C:2011:87, points 55 à 56 et 61).
( 48 ) Arrêt du 25 juillet 2008, C.A.S./Commission (C‑204/07 P, EU:C:2008:446, point 93).
( 49 ) Arrêt du 25 juillet 2008, C.A.S./Commission (C‑204/07 P, EU:C:2008:446, point 92).
( 50 ) Arrêt du 25 juillet 2008, C.A.S./Commission (C‑204/07 P, EU:C:2008:446, point 95), et article 211 TFUE.
( 51 ) Sur l’accord de Cotonou spécifiquement, voir arrêt du 15 décembre 2011, Afasia Knits Deutschland, C‑409/10, EU:C:2011:843, points 28 et 29 et jurisprudence citée. Voir également, par analogie, arrêt du 25 juillet 2018, Commission/Combaro, C‑574/17 P, EU:C:2018:598, points 50, 55 et 56 et jurisprudence citée.
( 52 ) Communication de la Commission au Conseil, intitulée « Plan d’action pour le suivi du fonctionnement des régimes commerciaux préférentiels » [COM(2014) 105 final, 26 février 2014] ; communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen et Comité économique et social européen, intitulée « Les règles d’origine dans les régimes commerciaux préférentiels – Orientations pour l’avenir » [COM(2005) 100 final, 16 mars 2005], et rapport spécial no 2/2014 de la Cour des comptes, intitulé
« Les régimes commerciaux préférentiels sont-ils gérés de manière appropriée ? ».
( 53 ) À des fins pratiques, je joins en annexe I un tableau exposant la chronologie des principales évolutions décrites par les parties, telles que je les ai comprises.
( 54 ) Ainsi, je comprends les références mentionnées dans l’arrêt du 10 mai 2001, Kaufring e.a./Commission (T‑186/97, T‑187/97, T‑190/97 à T‑192/97, T‑210/97, T‑211/97, T‑216/97 à T‑218/97, T‑279/97, T‑280/97, T‑293/97 et T‑147/99, EU:T:2001:133, point 257 et jurisprudence citée), comme renforçant la conclusion à laquelle la Cour était déjà parvenue quant au libellé spécifique des accords en question dans cette affaire.
( 55 ) Arrêt du 25 juillet 2008, C.A.S./Commission (C‑204/07 P, EU:C:2008:446, points 97 à 100, 112 et 117 à 120).
( 56 ) Arrêt du 19 février 1998, Eyckeler & Malt/Commission (T‑42/96, EU:T:1998:40, points 162 à 190).
( 57 ) Arrêt du 10 mai 2001, Kaufring e.a./Commission (T‑186/97, T‑187/97, T‑190/97 à T‑192/97, T‑210/97, T‑211/97, T‑216/97 à T‑218/97, T‑279/97, T‑280/97, T‑293/97 et T‑147/99, EU:T:2001:133, points 257 à 273).
( 58 ) Ordonnance du 21 avril 2016, Makro autoservicio mayorista et Vestel Iberia/Commission (C‑264/15 P et C‑265/15 P, non publiée, EU:C:2016:301, point 47).
( 59 ) Arrêt du 13 mars 2008, Commission/Infront WM (C‑125/06 P, EU:C:2008:159, point 47).
( 60 ) Arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, EU:C:1963:17, p. 107).
( 61 ) Ordonnance du 21 avril 2016, Makro autoservicio mayorista et Vestel Iberia/Commission (C‑264/15 P et C‑265/15 P, non publiée, EU:C:2016:301, points 47 à 49).
( 62 ) Ordonnance du 9 décembre 2013, El Corte Inglés/Commission (T‑38/09, non publiée, EU:T:2013:675, point 57).
( 63 ) Avant que la Commission adopte sa décision REM, une juridiction nationale est seulement tenue d’éviter de « prendre des décisions qui vont à l’encontre d’une décision envisagée par la Commission », dans la mesure où elle « a connaissance, au cours de la procédure engagée devant elle, de la saisine de la Commission au titre des articles 220 ou 239 du code des douanes » : voir arrêt du 20 novembre 2008, Heuschen & Schrouff Oriëntal Foods Trading (C‑375/07, EU:C:2008:645, point 66). La
méconnaissance pourrait expliquer pourquoi la juridiction nationale a annulé la décision des autorités espagnoles de prise en compte a posteriori des droits d’importation contre ECI : voir points 23 et 24 des présentes conclusions. Il est clair que, en tout état de cause, aucun autre recours ne peut être introduit à présent contre ECI pour le recouvrement des droits de douane concernés. Cette question est res judicata.
( 64 ) Ordonnance du 21 avril 2016, Makro autoservicio mayorista et Vestel Iberia/Commission (C‑264/15 P et C‑265/15 P, non publiée, EU:C:2016:301, points 48 et 49) ; et articles 908, paragraphes 1 et 2, du règlement d’application.
( 65 ) Voir, par analogie, arrêt du 7 septembre 1999, De Haan (C‑61/98, EU:C:1999:393, point 48).
( 66 ) Arrêt du 20 novembre 2008, Heuschen & Schrouff Oriëntal Foods Trading (C‑375/07, EU:C:2008:645, points 62 et 63) ; voir également article 2, paragraphe 2, du code des douanes.