CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. MICHAL BOBEK
présentées le 6 février 2019 ( 1 )
Affaire C‑391/17
Commission européenne
contre
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord
« Manquement d’État – Ressources propres – Décision 91/482/CEE – Association des pays et territoires d’outre-mer à l’Union européenne –Importations d’aluminium en provenance d’Anguilla – Transbordement – Certificats d’exportation erronément délivrés par les autorités douanières de pays et territoires d’outre-mer (PTOM) – Droits de douane non perçus par l’État membre d’importation – Responsabilité financière de l’État membre avec lequel un PTOM entretient une relation particulière – Compensation pour
la perte de ressources propres de l’Union européenne subie dans un autre État membre »
I. Introduction
1. La Commission européenne tend à faire constater que le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du principe de coopération loyale, consacré à l’article 5 CE ( 2 ), parce qu’il n’a pas compensé la perte de ressources propres qui auraient dû être mises à disposition du budget de l’Union européenne. Le montant réclamé se rapporte à des droits de douane qui n’ont pas été perçus lors de l’importation en Italie de livraisons d’aluminium
originaires d’États tiers. Cette somme aurait été perçue si les autorités douanières d’Anguilla, un pays et territoire d’outre-mer (PTOM) du Royaume-Uni, n’avaient pas délivré les certificats d’exportation pertinents pour la réexportation vers l’Union européenne au cours des années 1998 à 2000, en violation de l’article 101, paragraphe 2, de la décision no 91/482/CEE ( 3 ). La Commission considère que conformément au droit de l’Union, le Royaume-Uni est responsable de cette perte de ressources
propres causée par son PTOM. Elle fait valoir que, en vertu du devoir de coopération loyale, il incombe à cet État membre de mettre à présent à la disposition du budget de l’Union les droits de douane qui n’ont pas été perçus par un autre État membre (la République italienne), majorés des intérêts.
2. Par un recours parallèle dans l’affaire C‑395/17, Commission/Royaume des Pays-Bas, dans laquelle je présenterai des conclusions à part, la Commission tente d’obtenir une déclaration similaire et la compensation des pertes de ressources propres. Cette affaire porte sur de prétendus manquements des autorités douanières de Curaçao et d’Aruba, deux PTOM du Royaume des Pays-Bas.
3. La nature technique et complexe du recours en l’espèce, qu’il faut lire plusieurs fois pour saisir ce que la Commission requiert, ne doit pas occulter le fait que la partie immergée de l’iceberg est bien plus importante. Les prétentions ne sont pas ce qu’elles semblent être. Un brouillard de détails techniques concernant la réglementation douanière, un ensemble complexe de faits d’un cas particulier et une histoire assez riche d’antécédents procéduraux, dont la clarté peut bien évoquer Twin
Peaks, dissimulent une question structurelle et constitutionnelle d’une importance considérable. La Commission peut-elle, par un recours en manquement en vertu de l’article 258 TFUE, faire constater qu’un État membre (le Royaume-Uni) a enfreint le devoir de coopération loyale en ne compensant pas la perte pour le budget de l’Union qui s’est produite dans un autre État membre (la République italienne), en raison d’une prétendue violation du droit de l’Union commise par son PTOM (Anguilla) par le
passé (assez lointain) ? La Commission peut-elle demander l’indemnisation du préjudice causé à l’Union, à titre de réparation, dans le cadre de ce recours en manquement ? Si une telle prétention est effectivement recevable au titre de l’article 258 TFUE, quelles sont les conditions de preuve auxquelles la Commission doit satisfaire pour qu’une telle prétention soit accueillie ?
II. Le cadre juridique
A. Le système des ressources propres
4. Le règlement (CEE, Euratom) no 1552/89 ( 4 ), tel que modifié par le règlement (Euratom, CE) no 1355/96 ( 5 ) (ci-après le « règlement no 1552/89 »), est applicable aux faits de la présente affaire.
5. Aux termes de l’article 2 du règlement no 1552/89 :
« 1. Aux fins de l’application du présent règlement, un droit des Communautés sur les ressources propres visées à l’article 2 paragraphe 1 points a) et b) de la décision 88/376/CEE, Euratom est constaté dès que sont remplies les conditions prévues par la réglementation douanière en ce qui concerne la prise en compte du montant du droit et sa communication au redevable.
1 bis. La date à retenir pour la constatation visée au paragraphe 1 est la date de la prise en compte prévue par la réglementation douanière.
[…]
1 ter. Dans les cas de contentieux, les autorités administratives compétentes sont réputées pouvoir calculer, aux fins de la constatation visée au paragraphe 1, le montant du droit dû au plus tard à l’occasion de la première décision administrative qui communique la dette au redevable, ou à l’occasion de la saisine de l’autorité judiciaire, si cette saisine intervient en premier lieu.
La date à retenir pour la constatation visée au paragraphe 1 est la date de la décision ou celle du calcul à effectuer consécutivement à la saisine mentionnée au premier alinéa ».
6. L’article 6, paragraphes 1 et 2, du même règlement est libellé comme suit :
« 1. Une comptabilité des ressources propres est tenue auprès du trésor de chaque État membre ou de l’organisme désigné par chaque État membre et ventilée par nature de ressources.
[…]
2.
a) Les droits constatés conformément à l’article 2 sont, sous réserve du point b) du présent paragraphe, repris dans la comptabilité au plus tard le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui au cours duquel le droit a été constaté.
b) Les droits constatés et non repris dans la comptabilité visée au point a) parce qu’ils n’ont pas encore été recouvrés et qu’aucune caution n’a été fournie sont inscrits, dans le délai prévu au point a) dans une comptabilité séparée. Les États membres peuvent procéder de la même manière lorsque les droits constatés et couverts par des garanties font l’objet de contestations et sont susceptibles de subir des variations à la suite des différends survenus.
[…] »
7. Selon l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1552/89, précité, « [a]près déduction de 10 % au titre des frais de perception en application de l’article 2 paragraphe 3 de la décision 88/376/CEE, Euratom, l’inscription des ressources propres visées à l’article 2 paragraphe 1 points a) et b) de cette décision, intervient au plus tard le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui au cours duquel le droit a été constaté conformément à l’article 2.
Toutefois, pour les droits repris dans la comptabilité séparée conformément à l’article 6 paragraphe 2 point b), l’inscription doit intervenir au plus tard le premier jour ouvrable après le 19 du deuxième mois suivant celui du recouvrement des droits. »
8. L’article 11, du règlement no 1552/89 est libellé comme suit : « Tout retard dans les inscriptions au compte visé à l’article 9 paragraphe 1 donne lieu au paiement, par l’État membre concerné, d’un intérêt dont le taux est égal au taux d’intérêt appliqué au jour de l’échéance sur le marché monétaire de l’État membre concerné pour les financements à court terme, majoré de deux points. Ce taux est augmenté de 0,25 point par mois de retard. Le taux ainsi augmenté est applicable à toute la période de
retard. »
9. L’article 17, paragraphes 1 et 2, du même règlement est libellé comme suit :
« 1. Les États membres sont tenus de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les montants correspondant aux droits constatés conformément à l’article 2 soient mis à la disposition de la Commission dans les conditions prévues par le présent règlement.
2. Les États membres ne sont dispensés de mettre à la disposition de la Commission les montants correspondant aux droits constatés que si le recouvrement n’a pu être effectué pour des raisons de force majeure. En outre, dans des cas d’espèce, les États membres peuvent ne pas mettre ces montants à la disposition de la Commission lorsqu’il s’avère, après examen approfondi de toutes les données pertinentes du cas en question, qu’il est définitivement impossible de procéder au recouvrement pour des
raisons qui ne sauraient leur être imputables. Ces cas doivent être mentionnés dans le rapport prévu au paragraphe 3, dans la mesure où les montants dépassent 10000 [euros], convertis en monnaie nationale au taux du premier jour ouvrable du mois d’octobre de l’année civile passée ; ce rapport doit comporter une indication des raisons qui ont empêché l’État membre de mettre à disposition les montants en cause. La Commission dispose d’un délai de six mois pour communiquer, le cas échéant, ses
observations à l’État membre concerné.
[…] »
10. Le règlement (CE, Euratom) no 1150/2000 ( 6 ) a remplacé le règlement no 1552/89. L’article 2, paragraphes 1, 2 et 3, l’article 6, paragraphe 1 et paragraphe 3, sous b) et c), l’article 10, paragraphe 1 et l’article 11 de ce règlement correspondent en substance aux dispositions du règlement no 1552/89 cité ci-dessus. L’article 17 du règlement no 1552/89 a été remplacé par l’article 17 du règlement (CE, Euratom) no 1150/2000, modifié par le règlement (CE, Euratom) no 2028/2004 ( 7 ).
B. La décision relative aux PTOM
11. L’article 101, paragraphe 2, de la décision relative aux PTOM, applicable ratione temporis en l’espèce, est libellé comme suit :
« Les produits non originaires des PTOM se trouvant en libre pratique dans un PTOM et réexportés en l’État vers la Communauté sont admis à l’importation dans la Communauté en exemption de droits de douane et de taxes d’effet équivalent à condition qu’ils :
– aient acquitté, dans le PTOM concerné, des droits de douane ou taxes d’effet équivalent d’un niveau égal ou supérieur aux droits de douane applicables dans la Communauté à l’importation de ces mêmes produits originaires de pays tiers bénéficiant de la clause de la nation la plus favorisée,
– n’aient pas fait l’objet d’exemption ou de restitution, totale ou partielle, de droits de douane ou de taxe d’effet équivalent,
– soient accompagnés d’un certificat d’exportation. »
III. Les faits et la procédure précontentieuse
12. Anguilla est l’un des « pays et territoires d’outre-mer du Royaume-Uni » énumérés à l’annexe II du traité CE, auquel la quatrième partie dudit traité s’applique. La décision relative aux PTOM s’appliquait également à ce territoire pendant la période pertinente.
13. En 1998, un régime de transbordement à Anguilla a été institué pour bénéficier de l’article 101, paragraphe 2, de la décision relative aux PTOM. De l’aluminium provenant de pays tiers a été importé vers Anguilla. Le droit de douane de 6 % a été versé par les importateurs à Anguilla. Corbis Trading (Anguilla) Limited (ci-après « Corbis »), une société établie à Anguilla en tant qu’agent d’importation, a versé une « aide au transport » aux sociétés destinataires pour faire transiter leurs
marchandises par Anguilla. Ce versement était ensuite soumis par Corbis aux autorités d’Anguilla pour remboursement de la dépense. Les autorités d’Anguilla délivraient ensuite des certificats EXP pour l’aluminium destiné à être réexporté vers l’Union.
14. Le Foreign and Commonwealth Office du Royaume‑Uni (le ministère des Affaires étrangères et du Commonwealth britannique, ci‑après le « FCO »), ayant des doutes sur la légalité de l’opération, a demandé formellement aux Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs (administration fiscale et douanière du Royaume‑Uni, ci‑après le « HMRC ») de procéder à une enquête. L’enquête a été menée au mois de novembre 1998. Le HMRC a conclu que les conditions de la délivrance des certificats
d’exportation énoncées à l’article 101, paragraphe 2, de la décision relative aux PTOM n’étaient pas satisfaites. L’unité de coordination de la lutte antifraude (UCLAF) ( 8 ) a été informée des résultats de l’enquête le 25 novembre 1998.
15. Au cours de l’année 1998, Corbis a modifié ses pratiques de facturation. Les factures adressées par Corbis aux autorités d’Anguilla précisaient qu’elles étaient émises en relation avec des « services rendus » effectués par Corbis. Elles ne se référaient plus à une « aide au transport ».
16. En effet, le HMRC a écrit à la Commission le 6 janvier 1999 pour l’informer du fait qu’il ne souhaitait plus attirer l’attention de l’UCLAF ou d’autres États membres sur la question des certificats d’exportation délivrés par Anguilla. À la suite d’une résolution adoptée par l’Assemblée parlementaire d’Anguilla le 22 janvier 1999, tout produit transbordé d’Anguilla vers l’Union en vertu de la décision relative aux PTOM devait être soumis à un droit de douane équivalent au droit de douane de
l’Union applicable à ce produit.
17. Le 18 février 1999, l’UCLAF a publié une communication (AM 10/1999) en vertu de l’article 45 du règlement (CE) no 515/97 ( 9 ). Il y a indiqué qu’environ 50 % des sommes perçues par Anguilla au titre des droits de douane étaient ensuite restitués au titre de l’« aide au transport » et d’autres dépenses. L’UCLAF a conclu que ces paiements étaient liés à la perception des droits de douane. L’UCLAF a donc recommandé aux autorités douanières des États membres que « tous les certificats d’exportation
délivrés par les autorités d’Anguilla soient rejetés et que les droits de douane de 6 % sur les futures importations fassent l’objet d’un dépôt ou d’une garantie jusqu’à ce que les doutes soient levés ».
18. Entre le mois de mars 1999 et le mois de juin 2000, de l’aluminium originaire de pays tiers a été dans un premier temps importé vers Anguilla, puis réexporté d’Anguilla vers l’Italie.
19. Le 28 mai 2003, l’OLAF a publié un rapport de mission conjoint indiquant que l’incitation financière versée aux importateurs par le biais de l’aide au transport s’élevait à 25 dollars des États-Unis (USD) par tonne d’aluminium importé.
20. Le 28 décembre 2004, en réponse à une demande de la République italienne, la Commission a adopté la décision REC 03/2004. Le 17 mars 2003, la République italienne avait réclamé le paiement des droits de douane à une société italienne qui, le 1er avril 1999, avait importé en Italie des barres d’aluminium accompagnées de certificats d’exportation émis par Anguilla. Cette société avait demandé de ne pas prendre en compte les droits ou, à titre subsidiaire, de lui octroyer la remise de ces droits à
l’importation. Dans sa décision, la Commission a conclu qu’il était justifié de renoncer à la prise en compte a posteriori des droits à l’importation dans ce cas précis, en vertu de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du règlement (CEE) no 2913/92 ( 10 ) (ci-après le « code des douanes »). La Commission a déclaré que les cas comparables au cas pris en considération dans la décision REC 03/2004 devaient être traités de la même manière, sous réserve que les circonstances qui les entourent soient
comparables en fait et en droit ( 11 ).
21. Le 26 mai 2006, en réponse à une demande du Royaume des Pays-Bas, la Commission a adopté la décision REM 03/2004. En 1998, une société allemande avait expédié de l’aluminium du Canada et l’avait importé dans l’Union via Saint‑Pierre-et-Miquelon (un PTOM sous la souveraineté française). Le 20 décembre 2000, les autorités néerlandaises ont réclamé le paiement de droits à cette entreprise, qui a demandé une remise en vertu de l’article 239 du code des douanes ( 12 ). La Commission a décidé qu’il
s’agissait d’une situation particulière au sens de cette disposition et qu’il était approprié de lui accorder la remise des droits à l’importation. La Commission a indiqué que les demandes de remboursement ou de remise, en ce qui concerne les importations dans l’Union en provenance de Saint-Pierre-et-Miquelon, Anguilla et les Antilles néerlandaises, comparables en fait et en droit, seraient traitées de la même manière.
22. Les autorités italiennes ont informé la Commission, par lettres du 28 septembre 2006 et du 28 septembre 2007, qu’elles avaient pris plusieurs décisions de remise des droits, respectivement sur le fondement de la décision REC 03/2004 et de la décision REM 03/2004. Au mois de juillet 2009, la Commission a demandé des informations supplémentaires, qui lui ont été fournies dans une réponse datée du 4 septembre 2009.
23. Par lettre du 8 juillet 2010, renvoyant aux informations reçues des autorités italiennes, la Commission a tout d’abord demandé au Royaume-Uni de mettre à disposition 2619504, 01 euros, en indiquant que tout retard dans la mise à disposition du montant dû aux ressources propres donnerait lieu à des intérêts. Le Royaume-Uni a répondu par lettre du 17 septembre 2010, en signalant l’absence de preuves documentaires. Par lettre du 27 septembre 2010, la Commission a fourni des informations
complémentaires aux autorités du Royaume-Uni et lui a donné une analyse des cas concernés basée sur la lettre des autorités douanières italiennes du 4 septembre 2009. D’autres échanges de correspondance entre la Commission et le Royaume-Uni ont eu lieu jusqu’en novembre 2011.
24. Le 27 septembre 2013, la Commission a envoyé une lettre de mise en demeure, par laquelle elle demandait la mise à disposition de 2670001, 29 euros. Le Royaume-Uni a répondu par lettre du 21 novembre 2013, en contestant toute responsabilité ou toute infraction au droit de l’Union.
25. Le 17 octobre 2014, la Commission a envoyé un avis motivé. Le Royaume‑Uni a répondu par lettre du mercredi 17 décembre 2014, en maintenant sa position.
26. Par lettre du 30 octobre 2015, la Commission a demandé aux autorités italiennes de lui fournir des précisions sur les déclarations en douane qui avaient donné lieu au montant total réclamé au Royaume‑Uni. Ces déclarations, avec les certificats d’exportation, ont été envoyées par note du 23 décembre 2015. Sur la base de ces documents, la Commission a établi que le montant à réclamer au Royaume-Uni s’établissait en fait à 1500342, 31 euros, étant donné que les sommes restantes réclamées
antérieurement étaient liées à des importations concernant lesquelles les certificats d’exportation avaient été délivrés par des PTOM autres qu’Anguilla (à savoir Saint-Pierre-et-Miquelon).
27. Le Royaume-Uni n’ayant pas effectué le paiement requis, la Commission a entamé la présente procédure judiciaire.
IV. La procédure devant la Cour et les conclusions des parties
28. Dans sa requête du 30 juin 2017, la Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour :
– déclarer que le [Royaume-Uni] a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5 (devenu article 10) du traité instituant la Communauté européenne (devenu article 4, paragraphe 3, TUE) en ne compensant pas les pertes de ressources propres qui auraient dû être constatées et mises à la disposition du budget de l’Union en vertu des articles 2, 6, 10, 11 et 17 du règlement no 1552/89 [devenus les articles 2, 6, 10, 12 et 13 du règlement (UE, Euratom) no 609/2014] ( 13 ), si des
certificats d’exportation n’avaient pas été délivrés en violation de l’article 101, paragraphe 2, de la décision no 91/482 pour les importations d’aluminium d’Anguilla au cours de la période 1999‑2000 ;
– condamner le Royaume-Uni aux dépens.
29. Le Royaume-Uni conclut à ce qu’il plaise à la Cour :
– rejeter le recours comme non fondé ;
– condamner la Commission aux dépens.
30. Par décision du président de la Cour du 30 novembre 2017, le Royaume des Pays-Bas a été admis à intervenir à l’appui des conclusions du Royaume-Uni.
31. La Commission et le gouvernement du Royaume-Uni ont présenté des observations orales lors de l’audience qui s’est tenue le 2 octobre 2018, à laquelle le gouvernement néerlandais a également participé.
V. Appréciation
32. Les présentes conclusions sont structurées de la manière suivante. Premièrement, j’analyserai la nature exacte du recours formé par la Commission (A). Deuxièmement, j’examinerai la question de savoir si, et dans quelles circonstances, il serait possible d’introduire un recours en manquement sur le fondement de la non-compensation des dommages causés à l’Union européenne par une violation du droit de l’Union imputable à un État membre (B). Troisièmement, étant donné que je vais affirmer en
principe qu’une telle possibilité existe, j’examinerai ensuite la question de savoir si les conditions d’une obligation de compensation sont réunies dans le cas présent (C), et je conclurai qu’elles ne le sont pas. Je proposerai, dès lors, le rejet du recours de la Commission comme non fondé.
A. Trois en un ? La nature exacte du recours
33. La Commission demande à la Cour de constater que le Royaume‑Uni a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5 CE, en ne compensant pas la perte de ressources propres qui auraient dû être constatées et mises à la disposition du budget de l’Union au titre des articles 2, 6, 10, 11 et 17 du règlement no 1552/89, si des certificats d’exportation n’avaient pas été délivrés en violation de l’article 101, paragraphe 2, de la décision relative aux PTOM pour les importations
d’aluminium d’Anguilla de 1999 à 2000.
34. Cette affaire est particulièrement complexe. Ce n’est pas tant parce qu’elle se rapporte aux PTOM de l’Union, mais plutôt à cause de la manière dont la Commission a plaidé sa cause et structuré ses arguments. Lorsque l’on essaie de décomposer le recours formé par la Commission, il s’avère que, en réalité, de multiples propositions sont masquées en un seul recours.
35. En premier lieu, la Commission fait valoir que des certificats d’exportation avaient été délivrés à tort par les autorités d’Anguilla, en violation de l’article 101, paragraphe 2, de la décision relative aux PTOM. En présentant cet argument, la Commission ne précise pas explicitement si cette violation du droit de l’Union est directement imputable au Royaume-Uni, au motif que les autorités douanières d’Anguilla étaient des autorités douanières de cet État membre (ci-après la « violation
initiale »).
36. En deuxième lieu, la Commission allègue que le Royaume-Uni est responsable de cette violation parce qu’il n’a pas pris toutes les mesures appropriées pour empêcher la « violation initiale » et lui donner des suites. Cet argument constitue donc dans un certain sens un argument subsidiaire au premier. Puisqu’une telle proposition ne trouve pas de fondement juridique spécifique dans la décision relative aux PTOM, la Commission constate une violation du principe de coopération loyale à cet égard
(ci-après la « violation intermédiaire »).
37. En troisième lieu, en surface, par son recours, la Commission argumente que le Royaume-Uni ne s’est pas conformé à l’obligation subséquente de compenser les pertes pour le budget de l’Union subies en Italie à cause des violations du droit de l’Union susmentionnées. Ce type d’obligation ne reposant sur aucun fondement juridique explicite, selon la Commission cette obligation découle une fois encore du principe de coopération loyale (ci-après la « violation principale »).
38. Une telle structure « trois en un » en cascade du recours formé par la Commission fait penser à une poupée russe : la surface (troisième strate) des violations du droit de l’Union invoquées est inextricablement liée aux précédentes et fondée sur celles-ci. Toutefois, avoir identifié les différentes strates des arguments invoqués ne résout en fait pas le problème mais augmente plutôt la complexité de cette affaire. Cela est dû au fait que les différentes strates des infractions invoquées sont
soumises à des régimes assez différents concernant : i) l’obligation à laquelle il a été manqué et la nature de l’illégalité, ii) la manière dont cette violation doit être établie sur le plan procédural (et probatoire), et iii) la nature des conséquences de la constatation d’illégalité et les voies de recours disponibles.
39. En ce qui concerne la nature du point i), les obligations auxquelles il a été manqué, le présent recours en manquement fusionne a) une violation de la décision relative aux PTOM, b) le fait que le Royaume-Uni n’a prétendument pas empêché la mauvaise application par ses PTOM de cette décision ni remédié à celle-ci, et c) un manquement à l’obligation de compenser les pertes causées au budget de l’Union. Compte tenu du manque de clarté manifeste quant au fondement juridique de ces obligations et
aux personnes précises auxquelles elles incombaient, toutes ces prétendues infractions au droit de l’Union sont regroupées sous l’ombrelle du principe de coopération loyale, comme si ce principe pouvait atténuer, voire éliminer, la nécessité d’indiquer, pour chacune de ces strates, les dispositions précises du droit de l’Union qui ont été enfreintes, et par qui.
40. En ce qui concerne le point ii), la procédure à suivre, la Commission a introduit un recours en manquement en vertu de l’article 258 TFUE, afin de faire constater un manquement fondé sur la non-compensation d’une perte pour le budget de l’Union (ainsi, elle invoque implicitement aussi l’illégalité des deux strates précédentes de manquements prétendus). Toutefois, chaque procédure (et les types et éléments de preuve requis) a une nature très différente : le régime plutôt objectif de
l’article 258 TFUE, qui tend à la constatation du manquement structurel d’un État membre, auquel il y a lieu de remédier à l’avenir, est mêlé aux éléments d’une prétention essentiellement individuelle et individualisée qui vise à indemniser le budget de l’Union de pertes déterminées au titre de dommages. Tout cela est formulé en termes d’application par analogie de dispositions spécifiques, afin d’établir la perte subie dans un autre État membre (la République italienne) à la suite de
l’application, par cet État membre, des règles du code des douanes et du système des ressources propres.
41. En ce qui concerne le point iii), à savoir les voies de recours disponibles, par son recours, la Commission conclut expressément à une déclaration de manquement en vertu de l’article 5 CE. Toutefois, l’obligation à laquelle il a prétendument été manqué est de ne pas avoir compensé une somme déterminée qui a auparavant été quantifiée et réclamée par la Commission. Une fois de plus, la Commission demande, à la fois, une déclaration de manquement qui recouvre la constatation de deux autres
infractions (différentes) au droit de l’Union, ainsi que la confirmation d’une obligation de compensation par une somme déterminée.
42. À ce stade, je dois admettre mon extrême perplexité face à une telle approche combinant procédure(s) et voies de recours. Ce que la Commission demande en réalité est une voie de recours tout à fait nouvelle lui offrant le confort procédural d’un recours en manquement, renforcé par une application par analogie de règles relevant d’un système particulier du droit de l’Union ( 14 ). Cela signifierait qu’elle doit produire très peu de preuves réelles quant à la somme précise réclamée, pour obtenir
en un seul recours trois déclarations relatives à des infractions, dont deux ne sont fondées que sur le devoir de coopération loyale, sans indiquer de fondement juridique dans le sens le plus conventionnel du terme.
43. J’admets également trouver extrêmement difficile d’évaluer en une seule fois des arguments qui appartiennent en réalité à trois procédures distinctes, qui nécessitent l’analyse d’obligations matérielles différentes et l’application de règles procédurales et d’exigences différentes en ce qui concerne la nature des éléments de preuve. Et tout cela, en survolant avec nonchalance l’absence d’obligations et de fondements juridiques clairs en ce qui concerne les infractions alléguées en invoquant, ou
plutôt en conjurant, l’obligation de coopération loyale.
44. Aussi, qu’est-ce que la Cour peut et doit examiner dans la présente affaire ? Je proposerais de démonter la poupée russe. Une logique élémentaire veut que toute issue soit fondée sur l’existence de l’illégalité initiale. Si cette violation initiale n’est pas établie, tout recours subséquent découlant de cette violation initiale devient sans objet. Ainsi, en l’espèce, la question essentielle reste la suivante : les certificats d’exportation ont-ils été délivrés en violation de la décision
relative aux PTOM ? Cette infraction cause-t-elle un préjudice sous la forme d’une perte de ressources propres et, dans l’affirmative, quel est son montant ? En effet, s’il n’est pas possible d’établir ces points en ce qui concerne la violation initiale, aucune autre allégation relative à la violation du droit de l’Union dans la présente procédure n’est fondée (qu’il s’agisse de la « violation intermédiaire » consistant à ne pas empêcher quelque chose qui apparemment n’était pas illégal en
premier lieu ou de la « violation principale » subséquente, à savoir le manquement à l’obligation de compensation en faveur du budget de l’Union).
45. Ce point étant, à mon avis, le nœud crucial de la présente affaire, il est néanmoins nécessaire de clarifier une question préliminaire. La Commission demande à la Cour de constater que le Royaume-Uni a enfreint le principe de coopération loyale en ne compensant pas le préjudice causé au budget de l’Union en raison d’une perte encourue dans un autre État membre. La Commission a calculé que cette perte s’élève à 1500342,31 euros. Toutefois, jusqu’à présent, le recours en manquement a
principalement été utilisé et compris comme une procédure permettant de remédier, pour l’avenir, à des infractions en cours du droit de l’Union par les États membres et non, comme la Commission le demande essentiellement dans la présente affaire, pour obtenir des déclarations rétrospectives d’infraction au droit de l’Union ( 15 ) assorties d’une demande de compensation, à savoir d’une somme exacte et déterminée.
46. Par conséquent, le recours de la Commission englobe, par sa nature, une demande de compensation du préjudice prétendument causé au budget de l’Union par un État membre, introduite sous la forme d’un recours en manquement fondé sur l’article 258 TFUE. Il convient dès lors de vérifier si une telle demande peut être introduite, au regard du libellé, de la finalité et de l’économie générale de la procédure de manquement. Si tel n’est pas le cas, le présent recours devra être rejeté comme
irrecevable.
B. Est-il possible de demander l’indemnisation du préjudice dans le cadre d’un recours en manquement ?
47. Selon moi, on ne saurait exclure la possibilité de reprocher à un État membre d’avoir enfreint le droit de l’Union pour ne pas avoir compensé les pertes qu’il a causées au budget de l’Union. En d’autres termes, 1) je ne vois rien dans le texte, la finalité ou le système de la procédure de manquement qui empêcherait la Commission de demander une compensation en vertu de l’article 258 TFUE. Toutefois, dans le cadre d’un tel recours, 2) l’existence d’un préjudice réel causé à l’Union par une ou
plusieurs infractions spécifiques au droit de l’Union imputables à un État membre doit être établie à suffisance pour un recours en indemnisation et 3) la différence entre un tel recours et les règles spécifiques applicables dans le domaine des ressources propres traditionnelles doit également être respectée.
1. Considérations générales
48. Même s’ils n’ont pas expressément prétendu que l’affaire est irrecevable, le Royaume-Uni et le Royaume des Pays-Bas ont contesté la possibilité qu’un État membre soit tenu pour financièrement responsable des pertes causées au budget de l’Union par ses PTOM. L’un des principaux arguments avancés par ces États membres est qu’une telle responsabilité financière n’a aucun fondement juridique explicite. En effet, ni le code des douanes ni le système des ressources propres ni aucune autre disposition
du droit primaire ou dérivé ne contiennent de disposition explicite quant à la responsabilité financière d’un État membre pour les pertes causées au budget de l’Union et subies dans un autre État membre.
49. On ne saurait nier qu’un recours visant à rendre les États membres responsables des pertes dans des circonstances telles que celles de la présente affaire n’a pas de fondement juridique clair. Cependant, avant d’aborder une telle lacune substantielle (prétendue ou réelle), il convient de réfléchir à une question d’ordre procédural plus général, laquelle sous-tend la nature même du recours en l’espèce : est‑il possible d’obtenir, sur le fondement de l’article 258 TFUE, une déclaration de
manquement en raison d’une non-compensation des pertes causées par un État membre du fait d’une violation du droit de l’Union ?
50. La question de la responsabilité des États membres à l’égard de l’Union n’est pas entièrement nouvelle. Elle a au moins été prise en considération théoriquement par la Cour, lorsque celle-ci a déclaré que, « en présence tant d’un retard à exécuter une obligation que d’un refus définitif, un arrêt rendu par la Cour au titre [d’un recours en manquement] peut comporter un intérêt matériel en vue d’établir la base d’une responsabilité qu’un État membre peut être dans le cas d’encourir, en
conséquence de son manquement, à l’égard d’autres États membres, de la Communauté ou de particuliers ( 16 ) ». La doctrine également a discuté la possibilité de fonder une demande en indemnisation pour le compte de l’Union sur un recours en manquement contre un État membre ( 17 ).
51. Les articles 258 à 260 TFUE constituent un cadre qui permet de détecter et de sanctionner les infractions au droit de l’Union commises par les États membres. L’article 258 TFUE s’applique uniquement au manquement, par un État membre « à une des obligations qui lui incombent en vertu des traités ». En d’autres termes, le traité ne précise pas la nature exacte de la réparation que la Commission peut demander au titre d’une infraction. Compte tenu de ce silence, je ne vois pas pourquoi un recours
en indemnisation formé au nom de l’Union européenne par la Commission contre un État membre en vertu de l’article 258 TFUE, devrait être exclu, puisqu’il existe des arguments systémiques suffisamment convaincants pour admettre une telle possibilité.
52. Premièrement, si l’on se penche sur la formulation des traités, il n’y a rien dans les articles 258 à 260 TFUE ni, d’ailleurs, dans aucune autre disposition du traité, qui exclue la possibilité d’apprécier l’existence d’une telle obligation de compensation et sa violation par la voie de procédures en manquement. Un recours de cette nature s’inscrirait dans le cadre de la finalité et des limites procédurales des recours en manquement, puisqu’il viserait à obtenir de la Cour une déclaration en
vertu de laquelle un État membre a manqué à une obligation de compensation, ce qui, en effet, ne reviendrait pas à une injonction de payer ( 18 ).
53. Deuxièmement, sur le plan systémique, en effet, il ne serait guère contestable que l’obligation de compenser d’éventuelles pertes causées à l’Union est l’expression plus spécifique de l’obligation générale de réparer toute faute, qui est un principe directeur de tout système de droit public, privé et international ( 19 ).
54. En droit de l’Union, l’article 340 TFUE prévoit que « l’Union doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres », les dommages causés par ses institutions ou par ses agents. Dans sa jurisprudence, en se fondant sur les principes généraux communs aux États membres et sur le devoir de coopération loyale ( 20 ), la Cour a en outre reconnu que le principe de la responsabilité de l’État à l’égard des dommages causés aux particuliers par des violations du droit de
l’Union est inhérent au système des traités ( 21 ).
55. Cependant, en ce qui concerne cette dernière considération, je pense qu’il est essentiel de bien souligner une différence importante. La considération selon laquelle l’absence de fondement juridique (procédural ou substantiel) explicite n’est pas un motif suffisant pour écarter l’existence d’une obligation de compensation a clairement été formulée pour établir le principe de la responsabilité des États membres à l’égard des dommages causés aux particuliers (niveau systémique). Elle n’a pas été
faite en ce qui concerne le devoir de constater une obligation juridique claire dans le cas individuel, qui est censé donner lieu à la responsabilité de l’État (cas particulier) ( 22 ).
56. Troisièmement, la possibilité de tenir les États membres pour financièrement responsables à l’égard de l’Union des violations du droit de l’Union pourrait également être considérée comme comblant un certain vide dans le système de la responsabilité pour des violations du droit de l’Union. En effet, dans le domaine de la responsabilité pour violations du droit de l’Union, les autres cas de figure ont déjà été prévus. La responsabilité de l’Union européenne est garantie par l’article 340 TFUE.En
théorie, les États membres pourraient également utiliser ce fondement juridique pour entamer des recours en indemnisation contre l’Union ( 23 ). La responsabilité des États membres à l’égard des particuliers est assurée par le principe de la responsabilité des États susmentionné. Enfin, la responsabilité individuelle des personnes physiques et morales en cas d’infraction au droit de l’Union est soumise aux règles nationales de la responsabilité civile ( 24 ).
57. La seule hypothèse restante est donc bien celle de la responsabilité d’un État membre pour des dommages causés à l’Union européenne par la violation du droit de l’Union. On pourrait cependant alléguer qu’il n’existe pas de lacune sur ce plan, étant donné que ce système de responsabilité pourrait relever du système général de la responsabilité des États membres ( 25 ). Dans une telle approche, l’Union européenne devrait entamer des recours devant les juridictions de l’État membre concerné, en
invoquant la responsabilité de celui-ci, de la même manière que les particuliers.
58. Même si une telle hypothèse pourrait être envisageable pour les affaires relatives à la responsabilité civile d’un État membre envers l’Union, en dehors de ses devoirs et obligations (de droit public) à l’égard de l’Union en tant que membre de l’Union européenne ( 26 ), cela aurait peu de sens, voire aucun, dans les cas tels que celui de l’espèce, qui sont en pratique des litiges institutionnels et constitutionnels entre l’Union européenne et ses membres, lesquels ont simplement certaines
conséquences financières pour l’État membre. Ce type d’affaires relève en effet intrinsèquement de la compétence des juridictions de l’Union. En outre, il est également vrai que, d’un point de vue formel, le recours a été introduit par la Commission dans le cadre d’une procédure en manquement en vertu de l’article 258 TFUE, pour laquelle la Cour est certainement compétente.
59. En outre, il convient d’ajouter qu’un recours en manquement fondé sur la non-compensation, par les États membres, de pertes qu’ils ont occasionnées semble bien s’insérer dans l’économie générale et le contexte des articles 258 à 260 TFUE. En particulier, une telle possibilité poursuit l’objectif final des recours en manquement, qui est d’« aboutir à l’élimination effective des manquements des États membres et de leurs conséquences» ( 27 ).
60. En définitive, la possibilité de demander non seulement une déclaration de violation des dispositions du traité, mais également une déclaration de non-compensation en raison de cette violation spécifique du traité ajouterait également à la cohérence du système. En effet, il est tout à fait vrai que, dans l’ensemble constitué par la présente affaire et les affaires semblables, un recours en manquement plus « classique » visant la violation sous-jacente du droit de l’Union à l’origine du
préjudice ( 28 ), n’aurait guère de sens, pour deux motifs.
61. D’une part, une procédure « double » serait plus efficace dans les cas où les préjudices ont été causés par un événement ou une pratique qui a déjà pris fin à la date à laquelle l’avis motivé est rendu. Dans ces circonstances, la constatation d’une infraction se bornant à la violation d’une obligation matérielle (en l’espèce la violation initiale ou la violation intermédiaire) présenterait peu d’utilité.C’est en particulier le cas du domaine spécifique des ressources propres, dans lequel
invoquer la violation matérielle du droit de l’Union séparément de ses conséquences financières n’a guère de sens ( 29 ). Cela rend souvent nécessaire, dans les cas particuliers relevant de ce domaine, de former des recours dans lesquels les conséquences de la violation du droit de l’Union constituent d’emblée l’objet même du manquement. Une fois encore, cela est tout à fait logique, et clairement lié à la structure d’une telle affaire : sur le plan fonctionnel, un recours en manquement pour
non-compensation d’une perte, comme le recours dans la présente affaire, est l’équivalent d’une procédure en manquement à l’obligation de mettre les ressources propres dues par un État membre à la disposition de l’Union.
62. Par ailleurs, il est vrai que l’article 260, paragraphe 1, TFUE implique l’obligation, pour l’État membre, de prendre toutes les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt par lequel la Cour a constaté un manquement. Ces mesures pourraient en définitive comporter l’obligation de compenser les pertes découlant du manquement ( 30 ). Toutefois, il est également vrai que la nature de ces mesures que les États membres sont tenus de prendre pour mettre fin au manquement aux obligations qui leur
incombent en vertu du droit de l’Union ne saurait être prescrite par la Cour ( 31 ) et que leur détermination relève encore de la compétence de l’État membre ( 32 ). Par conséquent, le problème relatif à l’existence d’une obligation de compensation de la perte resterait encore en suspens.
63. D’un point de vue formel, il est également vrai qu’un recours ultérieur fondé sur l’article 260, paragraphe 2, TFUE pourrait offrir la possibilité de vérifier si un État membre a respecté ses obligations découlant d’un arrêt antérieur, y compris l’obligation de compenser les pertes. Cependant, cette proposition ne prend pas en compte la logique d’un recours pour non-compensation des pertes occasionnées au budget de l’Union par un État membre, dans le cadre duquel, comme dans le cadre de tout
autre recours en indemnisation ou en dommages‑intérêts, l’établissement et la quantification des pertes font partie de la décision sur le fond de l’affaire. Une telle appréciation est très différente de tout examen ultérieur potentiel quant à la question de savoir si une décision antérieure a été respectée ou non (qui est une question d’exécution) ( 33 ), comme dans le cas de l’appréciation au titre de l’article 260 TFUE. En outre, si la question de la compensation des pertes ne se présentait
qu’à la suite d’une mauvaise application d’un arrêt de la Cour, l’État membre serait confronté pour la première fois au problème de la compensation des pertes de l’Union européenne à ce stade, et subirait en même temps des sanctions pouvant découler de l’application de cet article (qui, en toute hypothèse, ne vise nullement la compensation des pertes).
64. Enfin, dans une perspective plus large sur les voies de recours existantes du système de l’Union, s’il est admis que les États membres ne sauraient contester la validité de lettres de mise en demeure qui, comme en l’espèce, demandent à un État membre de mettre à disposition une somme au titre des ressources propres perdues dans un autre État membre ( 34 ), les États membres doivent être en droit de contester le bien-fondé d’une telle obligation devant les juridictions de l’Union dans le cadre
des recours en manquement ( 35 ). Dès lors, au stade de la procédure en manquement prévue à l’article 258 TFUE, toutes les violations prétendues du droit de l’Union, y compris les violations initiales sous-jacentes, doivent pouvoir faire l’objet d’un contrôle juridictionnel.
2. Éléments à établir
65. Partant, je ne vois rien, ni dans le texte des traités ni dans leur économie générale, qui s’oppose, en soi, à ce que la Commission demande une approche double, dans le cadre de la procédure en vertu de l’article 258 TFUE. Celle-ci tendrait donc à la déclaration de l’illégalité de certains comportements imputables à un État membre et, simultanément, à la déclaration de manquement à l’obligation de compenser des pertes pour le budget de l’Union découlant de cette illégalité.
66. Toutefois, si une telle demande est introduite, la nature d’un tel recours fondé sur l’article 258 TFUE change. Il ne vise plus la déclaration « classique » abstraite concernant le manquement d’un État membre. Il s’agit d’un cas spécifique d’illégalité ayant prétendument causé un montant très spécifique de dommages au budget de l’Union. Ce recours devient en substance un recours en indemnisation d’un préjudice prétendument causé par un État membre à l’Union européenne.
67. Dès lors, si la Commission demande, pour le compte de l’Union européenne, une déclaration de manquement à une obligation de compenser un montant spécifique de dommages au titre d’une violation spécifique du droit de l’Union attribuable à un État membre, qui s’est produite par le passé, alors cette demande doit être soumise aux critères et preuves applicables à un recours en responsabilité extracontractuelle.
68. Les conditions auxquelles est soumis un recours en indemnisation au titre de violations du droit de l’Union ont convergé au fil du temps ( 36 ), et à bon droit. Si la Commission demande en réalité une déclaration de responsabilité de l’État membre, même si formellement un tel recours reste encore fondé sur l’article 258 TFUE, je ne vois pas pourquoi ces conditions devraient de nouveau diverger. Dès lors, en général, en droit de l’Union, pour que la responsabilité extracontractuelle soit engagée,
une règle de droit de l’Union ayant pour objet de conférer des droits doit avoir été enfreinte. Cette violation du droit de l’Union doit, en outre, être suffisamment caractérisée. Le préjudice doit être établi. Un lien de causalité direct doit exister entre la violation de l’obligation incombant à l’auteur de l’acte et le préjudice subi par la partie lésée.
69. Voilà pourquoi, selon moi, les arguments invoqués dans le cadre d’un recours en manquement, sur le fondement de la non-compensation de pertes causées par une violation du droit de l’Union devraient satisfaire à ces exigences. La nature « double » de ce type de procédures les expose particulièrement au risque de confusion en ce qui concerne les exigences juridiques auxquelles répondent leurs deux stades. Il existe en particulier un risque que les éléments des procédures de manquement soient
sélectivement reliés à l’appréciation de la violation du droit de l’Union, ce qui pourrait donner lieu à l’obligation de compensation.
70. Premièrement, les recours en manquement sont par nature objectifs : le simple fait de ne pas satisfaire à une obligation en vertu du droit de l’Union est en soi suffisant pour constituer une infraction ( 37 ). Des éléments subjectifs tels que la faute ou la négligence n’entrent pas en ligne de compte dans l’appréciation de la violation ( 38 ). Par contre, cela n’est pas le cas lorsqu’il s’agit d’établir si une violation du droit de l’Union donne lieu à une obligation de compensation. Toutes les
illégalités n’engagent pas automatiquement la responsabilité. La violation doit être suffisamment caractérisée pour déclencher une obligation de compenser les pertes. Cela suppose que les États membres méconnaissent de façon manifeste et grave les limites qui s’imposent à leur pouvoir d’appréciation ( 39 ). Les facteurs à prendre en considération dans l’appréciation de cette condition comprennent notamment « le degré de clarté et de précision de la règle violée, l’étendue de la marge
d’appréciation que cette règle laisse aux autorités nationales ou [de l’Union], le caractère intentionnel ou involontaire du manquement commis ou du préjudice causé, le caractère excusable ou inexcusable d’une éventuelle erreur de droit, la circonstance que les attitudes prises par une institution [de l’Union] ont pu contribuer à l’omission, l’adoption ou au maintien de mesures ou de pratiques nationales contraires au droit [de l’Union]» ( 40 )
71. Deuxièmement, lorsqu’elle forme un recours « classique » en vertu de l’article 258 TFUE, la Commission n’a pas besoin de démontrer un intérêt particulier à agir : le recours en manquement n’a pas été prévu pour protéger les droits de la Commission ( 41 ). Par contre, lorsqu’elle revendique son droit à compensation à hauteur d’un montant déterminé résultant d’une violation spécifique du droit de l’Union, il est nécessaire qu’elle établisse l’existence d’un droit particulier de l’Union
européenne ( 42 ) ainsi que l’obligation corrélative et clairement définie des États membres, laquelle a prétendument été enfreinte et a entraîné le préjudice particulier pour lequel la compensation est demandée.
72. Troisièmement, dans le cadre du recours en manquement, il incombe à la Commission d’établir l’existence du manquement allégué. C’est en effet cette dernière qui doit apporter à la Cour les éléments nécessaires à la vérification par celle-ci de l’existence de ce manquement, sans pouvoir se fonder sur une présomption quelconque ( 43 ). Toutefois, étant donné que le principal objectif du recours fondé sur l’article 258 TFUE est d’amener les États membres à se conformer au droit de l’Union ( 44 ),
l’absence ou l’existence d’un préjudice ou de conséquences négatives est dépourvue de pertinence ( 45 ). Je réaffirme, par contre, que lorsque la Commission demande la compensation d’un montant exact de dommages, elle doit établir non seulement l’illégalité, mais également le préjudice et le lien de causalité direct entre l’illégalité et le préjudice ( 46 ). En effet, il appartient à la partie qui met en cause la responsabilité non contractuelle de l’Union d’apporter des preuves concluantes de
l’existence et de l’étendue du préjudice qu’elle invoque ainsi que de l’existence d’un lien suffisamment direct de cause à effet entre le comportement incriminé des institutions de l’Union et le dommage invoqué ( 47 ).
73. Par conséquent, la conclusion d’ensemble est remarquablement simple : si un requérant demande effectivement la réparation d’un préjudice, il doit établir le préjudice en vertu des critères applicables en droit de l’Union à ce type de demande en général. Une partie de la confusion qui règne dans la présente affaire s’explique par le fait que la Commission demande la déclaration d’une « triple illégalité » et le paiement subséquent d’une compensation dont le montant est déterminé, tout en
maintenant que tout cela est soumis aux exigences procédurales de l’article 258 TFUE, et en restant globalement dans l’abstrait, sans avoir à fournir de preuves quant au préjudice spécifique ni devoir calculer le montant précis de la compensation demandée ou démontrer le rapport de causalité entre ce montant et les illégalités alléguées.
3. Le système des ressources propres
74. Enfin, le dernier élément à clarifier est la pertinence à accorder, dans un cas tel que celui de l’espèce, au fait que la compensation demandée (et l’une des illégalités invoquées) relève du domaine spécifique des ressources propres de l’Union.
75. Dans le système des ressources propres, les États membres sont tenus d’établir les ressources propres de l’Union dès que leurs autorités douanières sont en mesure de calculer le montant des droits découlant d’une dette douanière et de déterminer le débiteur indépendamment de la question de savoir si les critères de l’application de l’article 220, paragraphe 2, sous b) du code des douanes sont remplis ( 48 ). Un État membre n’est dispensé de cette obligation que s’il satisfait aux conditions
fixées à l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1552/89 (force majeure ou montants irrécouvrables pour des motifs qui ne sauraient être imputables à l’État membre) ( 49 ).
76. L’argument avancé par la Commission dans le cadre de la présente procédure se résume essentiellement à la considération selon laquelle ce régime devrait également être applicable au Royaume-Uni et/ou à Anguilla, qui est sous le contrôle de cet État membre.
77. Je trouve cette approche très contestable. La Commission demande tout simplement l’application a posteriori d’un régime très spécifique à l’aide d’une double analogie : non seulement elle déplace cette application du moment où la dette douanière se produit normalement (au moment de l’entrée sur le territoire de l’Union), mais elle rend également ce régime applicable à un autre État membre que celui auquel cette charge incomberait normalement (c’est-à-dire l’État membre sur le territoire duquel
les importations ont effectivement eu lieu).
78. Je ne pense pas qu’il soit possible de procéder à une telle analogie. Premièrement, les cas cités par la Commission à l’appui de cette proposition renvoient tous à des situations dans lesquelles un État membre n’avait pas exécuté ses obligations en vertu du régime des ressources propres ( 50 ). En d’autres termes, mettre les ressources propres dues à la disposition du budget de l’Union était incontestablement le devoir de l’État membre en cause, qui était également l’État membre d’importation.
Cependant, la présente affaire ne porte pas sur les obligations imposées au Royaume-Uni par les dispositions particulières du régime des ressources propres de l’Union ( 51 ). La présente affaire concerne une obligation de compensation basée sur le principe de coopération loyale en ce qui concerne des pertes encourues dans un autre État membre.
79. Par son recours, la Commission tend à obtenir l’application de cette jurisprudence à une situation ne relevant pas des obligations prévues dans le code des douanes ni dans le règlement no 1552/89 ( 52 ). Elle tente d’imputer au Royaume-Uni les pertes de ressources propres subies en Italie au moyen de l’application de l’article 220, paragraphe 2, sous b), et de l’article 239 du code des douanes, car elle considère probablement ( 53 ) que l’Italie ne pouvait pas recouvrer les droits pour des
motifs qui ne lui sont pas imputables, au sens de l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1522/98.
80. Un double problème se pose ici. Premièrement, l’obligation prévue par le droit de l’Union dans le chef d’un État membre est essentiellement transférée à un autre. Deuxièmement, cela signifie également que l’on impose automatiquement à un État membre, sans autre vérification, l’obligation de payer des sommes déterminées par un autre État membre.
81. Dans son argumentation sur ce point, la Commission semble négliger le fait qu’une éventuelle obligation de compensation des pertes subies dans un autre État membre n’est pas régie par les dispositions particulières de la réglementation sur les ressources propres. Étant donné que l’affaire se trouve en dehors du champ d’application des obligations expressément établies par le système de ressources propres, les règles générales concernant l’établissement du préjudice doivent s’appliquer. Dans ce
cadre, la Commission ne peut se borner à renvoyer aux règles du droit de l’Union en matière de ressources propres applicables à une situation différente pour rendre les pertes (et leur quantification) automatiquement imputables à un autre État membre.
82. Je comprends bien les difficultés de la charge de la preuve qui pourrait incomber à la Commission pour établir une telle demande, surtout si celle-ci doit être considérée comme liée à la responsabilité de l’État membre, comme je l’ai suggéré dans la section précédente. En effet, l’application des conditions du code des douanes en vertu desquelles les droits de douane peuvent être remis ou non perçus ( 54 ) ainsi que le déclenchement de l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 1552/89 ( 55 )
dépend largement de l’appréciation de l’État membre qui aurait dû constater les ressources propres concernées.
83. Dès lors, en fin de compte, si la Commission souhaite former un recours en indemnisation contre un autre État membre, elle sera tenue de se fonder sur les informations fournies par l’État membre où les pertes ont été subies ( 56 ). Il appartiendra ensuite à la Commission d’enquêter sur ces informations et de les contrôler afin de répondre aux exigences mentionnées ci-dessus ( 57 ). Ce qui n’est toutefois pas possible selon moi est d’appliquer automatiquement à un État membre, auquel ni les
obligations du code des douanes ni le système des ressources propres ne s’appliquent dans une affaire donnée, les résultats du système objectif des ressources propres créées par un autre État membre.
84. En résumé, imposer à un État membre les estimations effectuées par un autre tant sur la comparabilité des décisions de remise ou de non prélèvement des droits de douane, que sur l’appréciation autonome concernant l’impossibilité définitive de recouvrer les ressources propres, si on le somme à un niveau potentiellement contestable de preuves documentaires établissant le montant des dettes concernées, n’est pas seulement dénué de tout fondement juridique. Cela entraîne également des risques
considérables pour le bon fonctionnement du système des ressources propres, découlant de la collecte des droits de douane, parce que cela contrarie la logique de ce système et la répartition des obligations et responsabilités en son sein. Enfin, cela poserait également de graves problèmes en ce qui concerne le respect des droits de la défense de l’État membre en cause, étant donné que l’appréciation et les estimations effectuées par l’État membre d’origine ne seraient, de fait, jamais
contestables.
C. Application en l’espèce
85. La Commission prétend que le Royaume-Uni a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du principe de coopération loyale. Cela parce qu’elle n’a pas compensé la perte de ressources propres qui auraient dû être constatées et mises à la disposition du budget de l’Union en vertu du règlement no 1552/89, si les certificats d’exportation n’avaient pas été délivrés en violation de l’article 101, paragraphe 2, de la décision relative aux PTOM pour les importations d’aluminium d’Anguilla de 1999
à 2000.
86. Pour établir si effectivement il y a eu un manquement à l’obligation de compenser les pertes de ressources propres, comme le prétend la Commission, il est nécessaire de vérifier en premier lieu s’il existait bien une telle obligation de compensation, dont la violation est suffisamment caractérisée (1), entraîne un préjudice spécifique et quantifiable (2), et s’il y a un lien de causalité entre l’illégalité et le préjudice qui en résulte.
87. Selon moi, le recours de la Commission ne remplit pas ces conditions. La Commission n’a pas démontré le caractère illégal des certificats d’exportation à l’origine du litige, sans parler de la gravité de l’infraction imputée au Royaume‑Uni et consistant à ne pas empêcher ni contrôler l’émission de ces certificats (1). En outre, il existe des lacunes manifestes en ce qui concerne l’établissement et la quantification du préjudice (2).
1. L’illégalité (correspondant à une violation suffisamment caractérisée)
88. Selon la Commission, il est établi que les autorités douanières d’Anguilla ont commis une erreur en délivrant les certificats d’exportation. Le Royaume-Uni n’a pas pris les mesures appropriées afin d’éviter cela. La responsabilité du Royaume-Uni découle de la souveraineté qu’il exerce sur Anguilla. La Commission souligne que, en vertu de son droit constitutionnel, le Royaume-Uni a certains pouvoirs sur Anguilla, mais que cet État membre a pris des mesures insuffisantes. Le fait que le FCO ait
invité le HMRC à mener une enquête démontre notamment que le Royaume-Uni était habilité à prendre des mesures. En outre, même si le FCO n’ignorait pas l’existence de cette situation au mois de février 1998, le Royaume-Uni n’a informé l’UCLAF qu’au mois de novembre 1998. Si le Royaume-Uni avait agi rapidement lorsque l’UCLAF a émis la communication relative à l’assistance mutuelle de février 1999, les pertes auraient pu être évitées. Des mesures appropriées, prises par le Royaume-Uni, auraient
abouti à une intervention permettant de prévenir une perte de ressources propres.
89. Le Royaume-Uni a contesté les arguments de la Commission. Il conteste tout d’abord que les certificats d’exportation aient été émis à tort à Anguilla. Les arrangements entre le gouvernement d’Anguilla et Corbis ont été modifiés au mois de décembre 1998. Par conséquent, les factures émises après cette date ne renvoyaient plus à l’aide au transport. Le Royaume‑Uni a adopté plusieurs mesures : le HMRC a mené une enquête, puis un rapport a été adopté le 19 novembre 1998. Les détails complets des
résultats ont été transmis à l’UCLAF six jours après cette date. Les importations pertinentes d’aluminium ont été effectuées à partir du 1er avril 1999 et, à cette époque, le rapport du Royaume-Uni avait déjà été rendu et la communication de l’UCLAF relative à l’assistance mutuelle avait été divulguée six semaines avant cette date. La modification des pratiques de facturation a dissipé tout éventuel doute résiduel du Royaume-Uni.
90. En outre, en ce qui concerne le volet procédural, le Royaume-Uni allègue que la procédure de partenariat prévue par la décision relative aux PTOM à l’annexe III, article 7, paragraphe 7, a été invoquée par le gouvernement d’Anguilla, qui a ensuite organisé des réunions tripartites avec la Commission et les autorités italiennes. La Commission aurait dû suivre les mesures prescrites par la décision relative aux PTOM pour corriger les erreurs, y compris la procédure de règlement des différends
prévue à l’article 235 de la décision relative aux PTOM ou adopter des mesures de précaution. Compte tenu du litige pendant à l’époque entre le gouvernement d’Anguilla et la Commission en ce qui concerne l’interprétation de la notion de « restitution de droits de douane », il n’aurait pas été approprié que le Royaume-Uni adopte d’autres mesures.
a) L’obligation principale dont la violation doit être établie
91. La requête de la Commission n’est pas claire en ce qui concerne la question de savoir si la violation de la décision relative aux PTOM devrait être imputable directement au Royaume-Uni.Bien que certains points suggèrent plutôt le contraire ( 58 ), la Commission ne semble pas prétendre expressément que les autorités douanières d’Anguilla sont à considérer comme des autorités britanniques, et que la délivrance irrégulière des certificats d’exportation est directement imputable au Royaume‑Uni. En
effet, dans son mémoire en réplique au mémoire en intervention déposé par le gouvernement néerlandais dans la présente affaire, la Commission a précisé qu’elle ne prétend pas que toutes les infractions alléguées reposent sur la prémisse qu’Anguilla fait partie intégrante du Royaume-Uni. Lorsque des éclaircissements sur ce point lui ont été demandés à l’audience, la Commission a confirmé que l’objet de son recours n’était pas de déterminer qui avait enfreint la décision relative aux PTOM.
92. Sans vouloir paraître trop formaliste sur le plan juridique, je trouve assez difficile de traiter la question de l’obligation de compensation sans avoir d’indications expresses concernant celui qui est responsable (le sujet de la responsabilité) et exactement de quoi il est responsable (l’obligation juridique à laquelle il a été manqué). Selon moi, le fait que cette incertitude soit noyée dans le devoir de coopération loyale, qui la recouvre apparemment intégralement, n’aide nullement à réduire
ce manque de clarté.
93. Toutefois je comprends également pourquoi la Commission pourrait avoir souhaité rester vague à ce sujet. La nature juridique complexe de la relation des PTOM avec la législation de l’Union ne rend pas aisé, pour la Commission, de plaider cette affaire. En effet, l’article 355, paragraphe 2, TFUE, quatrième partie du traité, sur le fondement duquel la décision relative aux PTOM est adoptée, établit « un régime spécial d’association » qui s’applique aux PTOM. Cette configuration constitutionnelle
ambiguë a été interprétée comme donnant lieu à un « statut hybride» ( 59 ). D’une part, les PTOM ne sauraient être considérés comme faisant partie de l’Union européenne (aux fins de la libre circulation des marchandises et de l’application des règles douanières notamment) ( 60 ) et, en l’absence de renvoi explicite, les dispositions générales du traité ne s’appliquent pas aux PTOM ( 61 ). D’autre part, le droit du PTOM n’est pas un ordre juridique séparé, à l’écart du système général du droit de
l’Union européenne ( 62 ). Il en découle l’applicabilité des principes et dispositions généraux du traité nécessaires à son fonctionnement en tant que partie du droit de l’Union ( 63 ), ou qui définissent leur portée par renvoi aux sujets auxquels ils s’appliquent ( 64 ).
94. Dans ce cadre, la question de la responsabilité pour les actes administratifs des PTOM est particulièrement complexe, en particulier eu égard au fait que la décision relative aux PTOM définit des voies précises de résolution des conflits et des désaccords relevant de son champ d’application. Premièrement, sur le plan général, un mécanisme de partenariat est établi ( 65 ). Deuxièmement, dans le système particulier du traitement commercial préférentiel, il existe un système de coopération
administrative dans le domaine douanier, prévoyant des obligations particulières en matière de contrôle, lesquelles s’imposent aux PTOM et à l’État membre d’importation ( 66 ). Des compétences spécifiques sont conférées aux autorités administratives du PTOM, d’une part, et à l’État membre concerné, d’autre part.
95. C’est dans ce contexte particulier que la Commission a choisi de ne pas imputer la violation de la décision relative aux PTOM (causée par l’émission erronée de certificats d’exportation) directement au Royaume‑Uni. La violation que la Commission impute au Royaume‑Uni comme fondement de sa responsabilité financière de compensation des pertes en cause consiste à ne pas avoir pris les mesures appropriées pour prévenir l’infraction à la décision relative aux PTOM par les autorités douanières
d’Anguilla et lui donner des suites.
96. Selon moi, contrairement à ce qu’avance le Royaume-Uni, il n’y a guère de doute que les États membres qui ont des relations particulières avec les PTOM sont tenus de prendre toutes les mesures appropriées pour prévenir les violations du droit de l’Union qui peuvent résulter du comportement des autorités des PTOM dans le cadre du régime d’association et leur donner des suites. Cette obligation générale découle en effet du principe constitutionnel de coopération loyale ( 67 ). En tant que principe
général gouvernant la relation entre l’Union européenne et les États membres, il doit s’appliquer à chaque fois que le droit de l’Union s’applique, comme c’est le cas dans le cadre de la décision relative aux PTOM. Il ne saurait en être autrement, compte tenu, surtout, que c’est à l’initiative de cet État membre que ce PTOM figurait sur la liste de l’annexe II, à laquelle fait référence l’article 355, paragraphe 2, TFUE, et que l’État membre ayant une relation particulière avec les PTOM garde
une souveraineté générale sur eux. En outre, le Royaume-Uni lui-même soulève la question de la pertinence de l’article 4 TUE, lorsqu’il s’agit de reconnaître le devoir de l’Union européenne de respecter l’identité nationale des États membres, tel qu’établi en son paragraphe 2 ( 68 ). Il serait donc assez contradictoire de prétendre que cette disposition s’applique en ce qui concerne la quatrième partie du TFUE et la décision relative aux PTOM et que le principe de coopération loyale consacré au
paragraphe 3 de la même disposition est exclu.
97. L’obligation de prendre toute mesure générale ou particulière propre à assurer l’exécution des obligations découlant de la décision relative aux PTOM lie le Royaume-Uni. Cette responsabilité générale s’étend ensuite logiquement à l’ensemble des obligations incombant au PTOM. Il en va ainsi même lorsque aucune disposition expresse de cette décision n’impose explicitement une obligation de supervision (ou plutôt de vérification) aux autorités douanières des PTOM lorsqu’elles délivrent des
certificats d’exportation.
98. Le Royaume-Uni a invoqué des arguments d’ordre constitutionnel contre cette responsabilité générale, et a prétendu que, en vertu de ses dispositions constitutionnelles, il n’a aucun pouvoir pour légiférer de manière générale pour Anguilla ou pour contrôler les décisions administratives individuelles adoptées par ces autorités. Malgré ces arguments, on peut simplement relever que les faits de la présente affaire qui, sur ce point, n’ont pas été contestés (voir points 14, 16 ainsi que 89 des
présentes conclusions), montrent une réalité différente. Ce sont les autorités du Royaume-Uni qui ont en premier mené les enquêtes à Anguilla, à la suite de quoi il apparaît que la pratique des autorités d’Anguilla a changé. En conséquence de ce changement de pratiques de facturation, les autorités du Royaume-Uni n’ont plus estimé nécessaire de prendre d’autres mesures.
99. Compte tenu de ces considérations et du cours des événements, il est assez difficile de se rallier aux arguments selon lesquels le Royaume-Uni, en tant qu’État membre qui a en effet une relation privilégiée avec le PTOM en question, n’avait aucune responsabilité en matière de supervision indirecte des violations potentielles de la décision relative aux PTOM prétendument commises par les autorités d’Anguilla et de suites à leur donner.
100. Cependant, il n’y a, en réalité, aucune nécessité de régler définitivement cette question, pour une raison relativement simple : la question de la responsabilité découlant d’un manque de coopération loyale du fait de la non-adoption de mesures de prévention et de contrôle ne se poserait que s’il était établi que le comportement reproché était effectivement illégal en premier lieu. Dès lors, dans l’esprit de ce qui a déjà été observé ( 69 ), c’est le caractère illégal des certificats
d’exportation en cause qui constitue l’étape première et préliminaire, avec l’existence d’un préjudice spécifique causé par l’illégalité en cause.
b) La violation initiale
101. À mon sens, le Royaume-Uni souligne à raison que la Commission n’a pas rapporté la preuve suffisante de ce que les douze certificats d’exportation délivrés en 1999, figurant en annexe de la requête, étaient nuls au motif que les autorités d’Anguilla auraient accordé une « exemption ou une restitution, totale ou partielle, de droits de douane ».
102. Comme l’a précisé la Commission à l’audience, l’appréciation selon laquelle les paiements correspondant aux « services rendus » par Corbis après le mois de décembre 1998 constituent des restitutions non autorisées entachant les certificats d’exportation est uniquement fondée sur les constatations formulées par l’OLAF dans son rapport de 2003.
103. Bien entendu, il ne fait pas de doute que, en général, un rapport de l’OLAF constitue une preuve dont la Cour peut tenir compte. Toutefois, pour démontrer à partir d’un rapport général tel que celui-ci que certains certificats d’exportation ont été délivrés illégalement, il est nécessaire de passer par plusieurs degrés d’argumentation ou de preuve. C’est notamment le cas puisque l’État membre défendeur a contesté à plusieurs reprises, contrairement à ce que prétend la Commission, le fait que
les certificats délivrés après le changement des pratiques de facturation du mois de décembre 1998 avaient en premier lieu été délivrés illégalement.
104. En conséquence, la Commission n’a pas établi à suffisance que les certificats particuliers joints à sa requête à l’appui de sa demande en compensation ont réellement fait l’objet de restitutions non autorisées.
105. En résumé, la Commission n’est pas parvenue à établir l’illégalité de la délivrance des certificats d’exportation après le mois de décembre 1998. Étant donné que l’illégalité sur laquelle est fondée la demande de compensation n’a pas été établie, le recours de la Commission ne saurait prospérer, à la fois en ce qui concerne la non-compensation des pertes en cause et le non-paiement des intérêts.
106. À mon sens, le raisonnement de la Cour en ce qui concerne la demande avancée contre le Royaume-Uni pourrait prendre fin à ce stade. Toutefois, par souci d’exhaustivité et compte tenu également du recours parallèle contre le Royaume des Pays-Bas ( 70 ) dans le cadre duquel ces questions ont une plus grande importance, je souhaite (aussi) ajouter deux remarques finales sur la nature suffisamment caractérisée de la violation et sur la qualification du préjudice en l’espèce.
c) La violation est-elle suffisamment caractérisée ?
107. En toute hypothèse, même si la Cour devait conclure qu’une illégalité a été commise au niveau « initial » ou potentiellement au niveau « intermédiaire », je trouve en effet difficile de considérer que le comportement du Royaume-Uni dans la présente affaire atteindrait le seuil d’une violation suffisamment caractérisée.
108. Les arguments des parties ( 71 ) comme les faits de l’espèce ( 72 ) montrent que, au moment des événements pertinents, un différend juridique était en cours concernant ce qui constituait une « restitution » au sens de l’article 101, paragraphe 2 de la décision relative aux PTOM. Le manque de clarté de la notion de « restitution » est devenu encore plus évident avec la version subséquente de la décision relative aux PTOM, qui a établi une méthode permettant d’apprécier ce qui constituait une
mesure d’aide financière publique autorisée en vertu du régime de transbordement ( 73 ).
109. Le manque de clarté quant à ce qui était considéré comme une « restitution » à la période pertinente empêche de conclure que la violation prétendument commise par le Royaume-Uni est suffisamment caractérisée. En effet, les facteurs qui peuvent être pris en considération pour constater une « violation suffisamment caractérisée » comprennent notamment la clarté et la précision de la règle violée, le point de savoir si une erreur de droit était excusable ou non, ou le fait que la position prise
par une institution peut avoir contribué au manquement ( 74 ).
110. Enfin, si comme je l’ai suggéré précédemment ( 75 ), les faits de l’affaire ne montrent pas que le Royaume-Uni n’aurait pas eu le pouvoir de superviser les infractions potentielles à la décision relative aux PTOM commises par les autorités d’Anguilla et leur donner des suites, les mêmes faits devraient aussi être pris en considération en faveur du même État membre. Il convient de reconnaître que cet État membre, lorsqu’il a détecté des problèmes potentiels concernant les certificats
d’exportation à Anguilla, a agi de manière relativement rapide. Il a mené une enquête et alerté la Commission et les autres États membres ; par conséquent, il n’a pas contribué à une violation qui aurait alors pu être qualifiée de suffisamment caractérisée et ne l’a pas renforcée (par son inaction ou sa négligence).
111. En conséquence, même si le caractère illégal des certificats d’exportation pour la période pertinente était établi, ce qui n’est pas le cas à ce stade, la violation du droit de l’Union attribuée au Royaume-Uni n’est pas une violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union qui pourrait déclencher son obligation de compenser le préjudice économique.
2. La quantification du préjudice et le lien de causalité
112. Le Royaume-Uni allègue que la Commission n’a pas associé des exemptions ou des restitutions particulières octroyées par les autorités d’Anguilla et des certificats d’exportation déterminés présentés aux autorités italiennes pour établir le lien de causalité entre la prétendue violation de la décision relative aux PTOM et les pertes subies en Italie. Le Royaume-Uni fait également valoir que la Commission n’a pas établi que les certificats d’exportation concernés ont causé la perte de ressources
propres, étant donné que la Commission n’a notamment pas apporté d’éléments permettant d’établir que l’ensemble des importations concernées satisfont aux critères établis dans la décision REC 03/2004, qu’il faut appliquer aux cas comparables.
113. Les faiblesses de l’argumentation de la Commission soulignées par le Royaume-Uni concernent non seulement l’établissement et la quantification du préjudice, mais également la question du lien de causalité. On peut en partie les rattacher au manque de clarté des obligations légales précises enfreintes et de l’illégalité qui en découle ( 76 ), mais elles soulèvent également en partie d’autres problèmes qui leurs sont propres. Les événements qui se sont produits avant et pendant la procédure
précontentieuse illustrent les difficultés relatives à l’établissement et à la quantification du préjudice dans le cadre du présent recours.
114. Par lettre du 27 septembre 2010, la Commission a demandé au Royaume-Uni un montant de 2670001,29 euros en conséquence des informations fournies par l’Italie concernant l’application des décisions REM 03/2004 et REC 03/2004. Ce n’est qu’en 2015, après avoir émis l’avis motivé et après que le Royaume-Uni a souligné l’absence de documents à plusieurs reprises, que la Commission a demandé aux autorités italiennes de lui fournir les détails des déclarations en douane. Cette demande de renseignements
complémentaires a fait émerger des inexactitudes dans les évaluations précédentes étant donné que, sur la base des nouvelles informations, la Commission a établi que le montant à demander au Royaume-Uni était de 1500342, 31 euros.
115. Reconnaissant que le rapport 2003 de l’OLAF ne contenait pas suffisamment d’éléments pour quantifier les pertes, et afin de justifier ce montant, la Commission a joint plusieurs documents en annexe de sa requête : une liste des droits de douane non recouvrés par la République italienne ; des certificats d’exportation délivrés par Anguilla avec les déclarations en douane pour les importations en Italie ; et les factures transmises à la Commission par les autorités italiennes.
116. Sur demande de la Cour, la Commission a tenté d’apporter des éclaircissements supplémentaires concernant le rapport entre ces documents. Toutefois, il a été confirmé que les justificatifs et les preuves documentaires produites ne couvraient pas les montants correspondant à chacune des opérations d’importation qui faisaient l’objet du recours de la Commission.
117. À l’audience, la Commission a prétendu ne pas être tenue de prouver le lien entre les restitutions octroyées par les autorités d’Anguilla et les certificats d’exportation spécifiques, et que la charge de la preuve relative à l’établissement de la restitution totale ou partielle des droits de douane ne lui incombe pas. Elle a ajouté qu’elle ne devrait pas non plus être tenue de vérifier les décisions de remise prises par les autorités italiennes. La Commission étaye cet argument par des
considérations systématiques fondées sur le fonctionnement de l’union douanière. Selon la Commission, l’estimation des montants non recouvrés incombe à l’État membre où les pertes ont été subies, lequel n’est pas tenu de communiquer dans chaque cas les dossiers à la Commission.
118. À moins de considérer que le recours en manquement en vertu de l’article 258 TFUE, et surtout, une demande de compensation formée par l’Union européenne contre un État membre et cachée dans ce recours, sont une séance (d’ailleurs unilatérale) d’impressionnisme juridique, je ne peux qu’être en profond désaccord avec la Commission sur ce point. En tant que partie requérante, la Commission a la charge de la preuve. Si elle souhaite obtenir la compensation d’une somme donnée en raison d’une
certaine illégalité prétendument commise par un État membre, il lui incombe à la fois de prouver l’illégalité et de justifier les montants réclamés ainsi que de prouver le lien de causalité entre ceux-ci.
119. En outre, cette succession d’événements démontre clairement les problèmes pratiques décrits de manière générale précédemment ( 77 ). L’application automatique des estimations et des calculs relatifs à des montants spécifiques, effectués par un État membre en vertu du système des ressources propres, ne saurait être acceptée en tant que substitution de l’établissement et de la quantification à suffisance des pertes, dans le respect des exigences permettant d’établir une obligation de
compensation.
VI. Coûts
120. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Royaume-Uni ayant conclu à la condamnation de la Commission aux dépens et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
121. Aux termes de l’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Par conséquent, il convient que Royaume des Pays-Bas supporte ses propres dépens.
VII. Conclusion
122. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de statuer comme suit :
1) rejeter le recours ;
2) condamner la Commission aux dépens ;
3) condamner le Royaume des Pays-Bas à supporter ses propres dépens.
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( 1 ) Langue originale : l’anglais.
( 2 ) Devenu par la suite l’article 10 CE puis, à présent, l’article 4, paragraphe 3, TUE.
( 3 ) Décision du Conseil du 25 juillet 1991 relative à l’association des pays et territoires d’outre-mer à la Communauté économique européenne (JO 1991, L 263, p. 1) (ci-après la « décision relative aux PTOM »).
( 4 ) Règlement du Conseil du 29 mai 1989 portant application de la décision 88/376/CEE, Euratom relative au système des ressources propres des Communautés (JO 1989, L 155, p. 1).
( 5 ) Règlement du Conseil du 8 juillet 1996 modifiant le règlement (CEE, Euratom) no 1552/89 portant application de la décision 88/376/CEE, Euratom relative au système des ressources propres des Communautés (JO 1996, L 175, p. 3).
( 6 ) Règlement du Conseil du 22 mai 2000 portant application de la décision 94/728/CE, Euratom relative au système des ressources propres des Communautés (JO 2000, L 130, p. 1).
( 7 ) Règlement du Conseil du 16 novembre 2004 modifiant le règlement (CE, Euratom) no 1150/2000 portant application de la décision 94/728/CE, Euratom relative au système des ressources propres des Communautés (JO 2004, L 352, p. 1).
( 8 ) Cette unité a été remplacée dans un premier temps par le groupe de travail « Coordination de la lutte antifraude » et, par la suite, par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF). Voir décision 1999/352/CE, CECA, Euratom de la Commission, du 28 avril 1999, instituant l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) (JO 1999, L 136, p. 20).
( 9 ) Règlement du Conseil du 13 mars 1997 relatif à l’assistance mutuelle entre les autorités administratives des États membres et à la collaboration entre celles-ci et la Commission en vue d’assurer la bonne application des réglementations douanière et agricole (JO 1997, L 82, p. 1).
( 10 ) Règlement du Conseil du 12 octobre 1992 établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1). En vertu de l’article 220, paragraphe 2, sous b), de ce règlement, il n’est pas procédé à une prise en compte a posteriori lorsque le montant des droits légalement dus n’avait pas été pris en compte à la suite d’une erreur des autorités douanières elles-mêmes, qui ne pouvait raisonnablement être décelée par le redevable. Ce dernier doit avoir agi de bonne foi et observé toutes les
dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne la déclaration en douane.
( 11 ) Dans sa décision, la Commission précise en particulier que « [l]es intéressés ne devront en aucune manière avoir été impliqués dans les opérations d’acheminement des marchandises depuis le pays d’exportation jusqu’à l’entrée dans le territoire douanier communautaire, via Anguilla. Ils devront avoir acheté les marchandises en vertu d’un contrat DDP (delivered duty paid) (livrées droits acquittés). Ils ne doivent pas être intervenus en tant qu’importateur des marchandises dans la Communauté ou
en tant que représentant d’un tel importateur. Enfin, ils ne devront pas être réputés liés à leur fournisseur, à l’exportateur à Anguilla, à des personnes ayant participé à l’acheminement des marchandises depuis le pays d’exportation jusque dans la Communauté ou au gouvernement d’Anguilla ».
( 12 ) Aux termes de cette disposition, il peut être procédé au remboursement ou à la remise des droits à l’importation ou des droits à l’exportation dans des situations autres que celles visées aux articles 236, 237 et 238 dudit règlement qui résultent de circonstances n’impliquant ni manœuvre ni négligence manifeste de la part de l’intéressé.
( 13 ) Règlement du Conseil du 26 mai 2014 relatif aux modalités et à la procédure de mise à disposition des ressources propres traditionnelles, de la ressource propre fondée sur la TVA et de la ressource propre fondée sur le RNB et aux mesures visant à faire face aux besoins de trésorerie (JO 2014, L 168, p. 39).
( 14 ) Ainsi que je l’expliquerai ci-dessous dans la section B.3 (points 74 à 84 des présentes conclusions), la combinaison des dispositions du système des ressources propres et du code des douanes institue en pratique un régime de responsabilité objective (quasi) sans faute en ce qui concerne les dettes douanières. Toutefois, en l’espèce, il ne s’applique qu’à l’État membre d’importation. Maintenir le même niveau de responsabilité et l’appliquer automatiquement à un autre État membre n’est que l’un
des nombreux arguments innovants présentés par la Commission dans la présente affaire.
( 15 ) Certes, en fonction de la « strate » de violation alléguée choisie, on pourrait prétendre que la demande de la Commission vise l’avenir, parce que le Royaume‑Uni n’a pas encore payé la somme demandée par la Commission. Toutefois, un tel argument ramène la discussion sur le caractère plutôt tortueux de la demande de la Commission.
( 16 ) Arrêt du 7 février 1973, Commission/Italie (39/72, EU:C:1973:13, point 11). Voir également arrêts du 30 mai 1991, Commission/Allemagne (C‑361/88, EU:C:1991:224, point 31) ; du 30 mai 1991, Commission/Allemagne (C‑59/89, EU:C:1991:225, point 35), et du 14 juin 2001, Commission/Italie (C‑207/00, EU:C:2001:340, point 28). La Cour a maintenu ce raisonnement de manière constante en ce qui concerne la possibilité d’introduire un recours en manquement, même lorsque l’infraction reprochée a été
éliminée postérieurement au délai fixé dans l’avis motivé de la Commission.
( 17 ) Voir, par exemple, Ehlermann, C. D., « Die Verfolgung von Vertragsverletzungen der Mitgliedstaaten durch die Kommission », dans Europäische Gerichtsbarkeit und nationale Verfassungsgerichtsbarkeit. Fetschfrift zum 70. Geburgstag von H. Kutscher, 1981, p. 135 à 153, en particulier p. 151 ; Schwarze, J., « Das allgemeine Völkerrecht in den innergemeinschaftlichen Rechtsbeziehungen », Europarecht 1983 (1), p. 1 à 39, en particulier p. 24 ; et Wyatt, D., « New Legal Order, or Old ? », European
Law Review 1982 (7), p. 147 à 166, en particulier p. 160 et suivantes.
( 18 ) Voir, par analogie, arrêt du 15 novembre 2005, Commission/Danemark (C‑392/02, EU:C:2005:683, point 33), en prenant en compte le fait que de telles demandes sont exclues dans le cadre des recours en manquement : voir arrêts du 14 avril 2005Commission/Allemagne (C‑104/02, EU:C:2005:219, point 49), et du 5 octobre 2006, Commission/Allemagne (C‑105/02, EU:C:2006:637, points 44 and 45).
( 19 ) Voir, par exemple, en droit international, Chorzów Factory, Cour permanente de justice internationale, arrêt no 13 du 13 septembre 1928, rapports PCJR, série A, no 17, p. 4).
( 20 ) Arrêt du 19 novembre 1991, Francovich e.a. (C‑6/90 et C‑9/90, EU:C:1991:428, point 36).
( 21 ) Voir, en particulier, arrêt du 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et Factortame (C‑46/93 et C‑48/93, EU:C:1996:79, point 29), aux termes duquel « la responsabilité de la Communauté n’est qu’une expression du principe général connu dans les ordres juridiques des États membres, selon lequel une action ou omission illégale entraîne l’obligation de réparer le préjudice causé ».
( 22 ) Ainsi, par exemple, dans le cas (d’école) du défaut de transposition d’une directive qui pourrait avoir causé un préjudice aux personnes, l’obligation juridique claire enfreinte par un État membre dans ce cas particulier serait, à tout le moins, la disposition finale ou de clôture de la directive en question, précisant le délai de transposition, éventuellement en combinaison avec l’obligation découlant de l’article 288 TFUE et peut-être même avec le devoir de coopération loyale. Toutefois, il
ne fait aucun doute qu’il existe une obligation assez spécifique de transposer la directive à une date donnée.
( 23 ) Comme l’ont observé Lenaerts, K., Maselis, I., Gutman, K., EU Procedural Law, Oxford University Press, 2014, p. 495. Les conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire Slovaquie/Commission et Roumanie/Commission (C‑593/15 P et C‑599/15 P, EU:C:2017:441, point 108) indique également cette possibilité. Des recours en indemnisation semblent avoir été introduits par le passé (au moins par des organismes de l’État) mais, à ma connaissance, ils n’ont apparemment jamais atteint le stade
d’une décision. Voir, par exemple, ordonnance du 16 novembre 1998, Antilles néerlandaises/Conseil et Commission (T‑163/97 et T‑179/97, EU:T:1998:260).
( 24 ) Avec l’exception logique de la responsabilité personnelle des fonctionnaires de l’Union européenne à l’égard de l’Union européenne, également prévue à l’article 340 TFUE.
( 25 ) Puisque l’article 274 TFUE dispose que « [s]ous réserve des compétences attribuées à la Cour de justice de l’Union européenne par les traités, les litiges auxquels l’Union est partie ne sont pas, de ce chef, soustraits à la compétence des juridictions nationales ».
( 26 ) Ce qui est similaire aux actions en responsabilité civile engagées contre des parties privées par la Commission devant les juridictions nationales, par lesquelles elle réclame en substance des dommages-intérêts. Voir notamment arrêt du 6 novembre 2012, Otis e.a. (C‑199/11, EU:C:2012:684).
( 27 ) Voir, par exemple, arrêt du 16 octobre 2012, Hongrie/Slovaquie (C‑364/10, EU:C:2012:630, point 68). Mise en italique par mes soins.
( 28 ) Qu’il s’agisse de la violation « initiale » ou de la violation « intermédiaire » mentionnées aux points 35 et 36 des présentes conclusions.
( 29 ) Arrêt du 5 octobre 2006, Commission/Belgique (C‑377/03, EU:C:2006:638, point 36). La Cour a déclaré qu’« il existe un lien indissociable entre l’obligation de constater les ressources propres communautaires, celle de les inscrire au compte de la Commission dans les délais impartis et, enfin, celle de verser des intérêts de retard ».
( 30 ) La question de savoir si l’article 260, paragraphe 1, TFUE requiert que la réparation du dommage représente une mesure à adopter a, en toute hypothèse, été débattue. Voir conclusions de l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer dans l’affaire Commission/Luxembourg (C‑299/01, EU:C:2002:243, points 23 et suivants) ; conclusions de l’avocat général Mischo dans les affaires jointes Francovich e.a. (C‑6/90 et C‑9/90, EU:C:1991:221, point 57 et suivants). En tout cas, la réparation du préjudice
n’entraîne pas en soi l’élimination de l’infraction au droit de l’Union. Voir, par exemple, arrêt du 9 décembre 1997, Commission/France (C‑265/95, EU:C:1997:595, point 60).
( 31 ) Voir arrêts du 14 avril 2005, Commission/Allemagne (C‑104/02, EU:C:2005:219, point 49), et du 5 octobre 2006, Commission/Allemagne (C‑105/02, EU:C:2006:637, points 44 et 45). Voir également arrêt du 2 octobre 2008, Commission/Grèce (C‑36/08, non publié, EU:C:2008:536, points 8 et 9).
( 32 ) Voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2007, Commission/Allemagne (C‑503/04, EU:C:2007:432, point 15). Voir également les conclusions de l’avocat général Trstenjak dans l’affaire Commission/Allemagne (C‑503/04, EU:C:2007:190, point 41).
( 33 ) Arrêt du 12 juillet 2005, Commission/France (C‑304/02, EU:C:2005:444, point 92).
( 34 ) Arrêt du 25 octobre 2017, Slovaquie/Commission (C‑593/15 P et C‑594/15 P, EU:C:2017:800, points 75 et suivants).
( 35 ) Sur ce point, voir les conclusions exhaustives de l’avocat général Kokott dans l’affaire Slovaquie/Commission et Roumanie/Commission (C‑593/15 P et C‑599/15 P, EU:C:2017:441, point 101 et suivants).
( 36 ) Arrêt du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission (C‑352/98 P, EU:C:2000:361, points 39 et suivants). Voir, pour des exemples plus récents, arrêt du 4 avril 2017, Médiateur/Staelen (C‑337/15 P, EU:C:2017:256, point 31), au sujet du régime de responsabilité de l’Union ; et du 4 octobre 2018, Kantarev, (C‑571/16, EU:C:2018:807, point 94), concernant le principe de la responsabilité de l’État pour des dommages causés aux particuliers.
( 37 ) Voir notamment arrêts du 14 novembre 2002, Commission/Royaume-Uni (C‑140/00, EU:C:2002:653, point 34) ; du 30 janvier 2003, Commission/Danemark (C‑226/01, EU:C:2003:60, point 32) ; ou du 13 juillet 2006, Commission/Portugal (C‑61/05, EU:C:2006:467, point 32).
( 38 ) Voir, par exemple, arrêt du 16 septembre 2004, Commission/Espagne (C‑227/01, EU:C:2004:528, point 58) ; ou du 4 mars 2010, Commission/Italie (C‑297/08, EU:C:2010:115, point 82).
( 39 ) Voir, par exemple, arrêt du 4 octobre 2018, Kantarev (C‑571/16, EU:C:2018:807, point 105). En ce qui concerne la responsabilité de l’Union européenne voir, notamment, arrêt du 4 avril 2017, Médiateur/Staelen (C‑337/15 P, EU:C:2017:256, point 37).
( 40 ) Arrêt du 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et Factortame (C‑46/93 et C‑48/93, EU:C:1996:79, point 56).
( 41 ) Voir, par exemple, arrêt du 24 mars 2009, Danske Slagterier (C‑445/06, EU:C:2009:178 points 43 et 44).
( 42 ) On ne saurait certes considérer que l’Union européenne et la Commission qui agit pour son compte sont titulaires de « droits individuels ». Toutefois, on peut également considérer que cette condition requiert d’indiquer la disposition de droit qui permet au demandeur d’exiger un certain comportement du défendeur et dont la violation cause prétendument le préjudice (et naturellement l’adapter). En ce qui concerne l’exigence que la règle du droit de l’Union confère des droits aux particuliers,
voir notamment arrêt du 11 juin 2015, Berlington Hungary e.a. (C‑98/14, EU:C:2015:386, point 106).
( 43 ) Voir, par exemple, arrêts du 4 octobre 2007, Commission/Italie (C‑179/06, EU:C:2007:578, point 37), et du 10 septembre 2009, Commission/Grèce (C‑416/07, EU:C:2009:528, point 32).
( 44 ) Voir, par exemple, arrêts du 6 décembre 2007, Commission/Allemagne (C‑456/05, EU:C:2007:755, point 25).
( 45 ) Voir, par exemple, arrêts du 5 mars 1998, Commission/France (C‑175/97, EU:C:1998:89, point 14) ; et du 5 octobre 2006, Commission/Belgique (C‑377/03, EU:C:2006:638, point 38).
( 46 ) Arrêt du 4 octobre 2018, Kantarev (C‑571/16, EU:C:2018:807, point 117).
( 47 ) Voir, dans le domaine de la responsabilité extracontractuelle de l’Union, par exemple, arrêt du 7 juin 2018, Equipolymers e.a./Conseil (C‑363/17 P, non publié, EU:C:2018:402, point 37 et la jurisprudence citée).
( 48 ) Arrêt du 15 novembre 2005, Commission/Danemark (C‑392/02, EU:C:2005:683, point 68).
( 49 ) Ibid.
( 50 ) La Commission cite en particulier les arrêts du 16 mai 1991, Commission/Pays-Bas (C‑96/89, EU:C:1991:213, point 37) ; du 15 juin 2000, Commission/Allemagne (C‑348/97, EU:C:2000:317, point 64) ; du 15 novembre 2005, Commission/Danemark (C‑392/02, EU:C:2005:683, point 60), et du 17 mars 2011, Commission/Portugal (C‑23/10, non publié, EU:C:2011:160, point 60).
( 51 ) Voir, en sens contraire, conclusions de l’avocat général Geelhoed dans l’affaire Commission/Danemark (C‑392/02, EU:C:2005:142, points 46 et 47).
( 52 ) Ce n’est pas la première fois que la Commission avance un tel argument. Voir les faits à l’origine de l’arrêt du 25 octobre 2017, Roumanie/Commission (C‑599/15 P, EU:C:2017:801).
( 53 ) J’emploie le terme « probablement » parce que la Commission n’a pas expressément avancé cet argument dans ses mémoires. Toutefois, on pourrait également se demander ce que cet argument serait devenu si en fait l’Italie avait été en mesure de recouvrer les droits en cause : dans ce cas, n’existerait-il aucune responsabilité « subsidiaire » du Royaume-Uni ? Ou la Commission pourrait-elle se retourner contre le Royaume-Uni indépendamment du fait que les sommes pouvaient être recouvrées en
Italie ? Et si le non-recouvrement était en partie dû à des raisons imputables à l’Italie ?
( 54 ) Voir ordonnance du 21 avril 2016, Makro autoservicio mayorista et Vestel Iberia/Commission (C‑264/15 P et C‑265/15 P, non publiée, EU:C:2016:301, point 47).
( 55 ) Voir ordonnance du 14 septembre 2015, Roumanie/Commission (T‑784/14, non publiée, EU:T:2015:659, points 27 à 29) [cette décision a été confirmée par l’arrêt du 25 octobre 2017, Roumanie/Commission (C‑599/15 P, EU:C:2017:801)].
( 56 ) Il est de jurisprudence constante que, en vertu de l’article 10 CE, les États membres sont tenus de coopérer de bonne foi à toute enquête entreprise par la Commission dans le cadre d’un recours en manquement et de fournir à celle-ci toutes les informations demandées à cette fin [voir, par exemple, arrêt du 6 mars 2003, Commission/Luxembourg (C‑478/01, EU:C:2003:134, point 24)]. À mon sens, ce principe s’applique également lorsque la procédure d’infraction concerne d’autres États membres.
( 57 ) Voir la section B.2 des présentes conclusions.
( 58 ) En outre, à l’audience, la Commission a renvoyé à l’arrêt du 12 décembre 1990, Commission/France (C‑263/88, EU:C:1990:454). La Commission a également renvoyé à la jurisprudence en vertu de laquelle un État membre « ne saurait exciper de situations de son ordre juridique interne » pour justifier le non‑respect des obligations en vertu du droit de l’Union. Voir, par exemple, arrêt du 16 décembre 2004, Commission/Autriche (C‑358/03, EU:C:2004:824, point 13).
( 59 ) Voir, pour une analyse approfondie, les conclusions de l’avocat général Cruz Villalón dans l’affaire Prunus et Polonium (C‑384/09, EU:C:2010:759, points 23 et suivants).
( 60 ) Voir, par exemple, arrêts du 11 février 1999, Antillean Rice Mills e.a./Commission (C‑390/95 P, EU:C:1999:66, point 36) ; du 21 septembre 1999, DADI et Douane-Agenten (C‑106/97, EU:C:1999:433, points 37 et 38), et du 8 février 2000, Emesa Sugar (C‑17/98, EU:C:2000:70, point 29).
( 61 ) Voir, par exemple, en ce qui concerne la libre circulation de marchandises, arrêts du 12 février 1992, Leplat (C‑260/90, EU:C:1992:66, point 10) ; du 22 novembre 2001, Pays-Bas/Conseil (C‑110/97, EU:C:2001:620, point 49), et du 28 janvier 1999, van der Kooy (C‑181/97, EU:C:1999:32, point 37). En ce qui concerne la libre circulation des capitaux, voir arrêts du 5 mai 2011, Prunus et Polonium (C‑384/09, EU:C:2011:276, points 29 à 31), et du 5 juin 2014, X et TBG (C‑24/12 et C‑27/12,
EU:C:2014:1385, point 45). En ce qui concerne le droit dérivé adopté sur le fondement de l’article 114 TFUE, voir arrêt du 21 décembre 2016, TDC (C‑327/15, EU:C:2016:974, points 77 et 78). En ce qui concerne les élections au Parlement européen, voir arrêt du 12 septembre 2006, Eman et Sevinger (C‑300/04, EU:C:2006:545, point 46).
( 62 ) Conclusions de l’avocat général Cruz Villalón dans l’affaire Prunus et Polonium (C‑384/09, EU:C:2010:759, point 33).
( 63 ) Voir, par exemple, arrêt du 12 décembre 1990, Kaefer et Procacci (C‑100/89 et C‑101/89, EU:C:1990:456), qui reconnaît la possibilité, pour les juridictions des PTOM, de présenter des demandes de décision préjudicielle.
( 64 ) Voir arrêt du 12 septembre 2006, Eman et Sevinger (C‑300/04, EU:C:2006:545, points 27 à 29), dans lequel la Cour a déclaré que des personnes qui possèdent la nationalité d’un État membre et qui résident dans un PTOM peuvent invoquer les droits reconnus aux citoyens de l’Union.
( 65 ) Voir les articles 234 à 236 de la décision relative aux PTOM.
( 66 ) Voir, en particulier, la décision relative aux PTOM, annexe III, article 7. En vertu du paragraphe 7 de cette disposition, les litiges non réglés entre les autorités douanières sont soumis au comité du code des douanes.
( 67 ) L’article 5 CE « est l’expression de la règle plus générale imposant aux États membres et [à l’Union] des devoirs réciproques de coopération et d’assistance loyales ». Arrêt du 15 janvier 1986, Hurd (44/84, EU:C:1986:2, point 38). Voir également, par exemple, arrêt du 29 avril 2004, Grèce/Commission (C‑278/00, EU:C:2004:239, point 114), ou du 1er avril 2004, Commission/Italie (C‑99/02, EU:C:2004:207, point 17).
( 68 ) En ce qui concerne la pertinence de l’article 4, paragraphe 2, TUE, voir mes conclusions dans l’affaire Commission/Pays-Bas (C‑395/17, EU:C:2019:98, point 63).
( 69 ) Points 44 et 87 des présentes conclusions.
( 70 ) Affaire C‑395/17, Commission/Pays-Bas.
( 71 ) Voir point 90 des présentes conclusions. Le rapport de l’OLAF de 2003 renvoie également aux incertitudes quant à l’interprétation de ce qui pourrait exactement être considéré comme une « restitution de droits de douane ». De manière similaire, la communication de l’UCLAF de 1999 précisait qu’une interprétation de l’article 101 de la décision relative aux PTOM était nécessaire. Les éléments de preuve produits par les parties témoignent également de cette incertitude, notamment le projet de
procès-verbal de la réunion du groupe de travail de partenariat visé à l’article 7, paragraphe 3, de la décision relative aux PTOM du 1er décembre 2003.
( 72 ) Voir points 15 et 16 des présentes conclusions.
( 73 ) Article 36, paragraphe 2, de la décision 2001/822/CE du Conseil, du 27 novembre 2001, relative à l’association des pays et territoires d’outre-mer à la Communauté européenne (« décision d’association outre-mer ») (JO 2001, L 314, p. 1) (la décision relative aux PTOM de 2001). Cette décision dispose expressément que cette aide « doit prendre la forme d’une aide au transport de marchandises mises en libre circulation, y compris les frais découlant légitimement de la gestion de la procédure du
transbordement ». Cette disposition précise également expressément que, sur demande des autorités des PTOM, un groupe de travail de partenariat, visé à l’article 7, paragraphe 3, est convoqué pour résoudre tout problème découlant de la gestion de la procédure du transbordement. Le manque de clarté des décisions PTOM antérieures est reconnu, étant donné que, conformément au considérant 15 de cette décision « [l]a procédure pour le transbordement des marchandises non originaires des PTOM, mais qui y
sont en libre pratique doit être complétée et clarifiée, en vue de garantir aux opérateurs et aux administrations un cadre légal transparent et fiable ».
( 74 ) Voir point 70 des présentes conclusions et jurisprudence citée.
( 75 ) Voir point 98 des présentes conclusions.
( 76 ) Voir points 101 à 105 des présentes conclusions.
( 77 ) Voir points 74 à 84 des présentes conclusions.