CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. MICHAL BOBEK
présentées le 5 février 2019 ( 1 )
Affaire C‑676/17
Oana Mădălina Călin
contre
Direcţia Regională a Finanţelor Publice Ploieşti – Administraţia Judeţeană a Finanţelor Publice Dâmboviţa
Statul Român – Ministerul Finanţelor Publice
Administraţia Fondului pentru Mediu
[demande de décision préjudicielle formée par la Curtea de Apel Ploieşti (cour d’appel de Ploiești, Roumanie)]
« Renvoi préjudiciel – Principes de coopération loyale, de sécurité juridique, d’équivalence et d’effectivité – Restitution d’une taxe perçue en violation du droit de l’Union – Demande de révision d’une décision juridictionnelle définitive rejetant la restitution d’une telle taxe – Délai d’introduction de la demande de révision – Date initiale de ce délai »
I. Introduction
1. Mme Oana Mădălina Călin a dû payer un timbre environnemental en vue de l’immatriculation en Roumanie d’un véhicule automobile d’occasion importé d’Allemagne. Elle estimait que cette taxe avait été perçue en violation du droit de l’Union. Elle a intenté une action tendant à sa restitution. Cette action a été rejetée. Elle n’a pas formé de recours. Ce jugement est donc devenu définitif.
2. Mme Călin a demandé deux fois la révision de ce jugement. Chacune de ces demandes se fondait sur un nouvel arrêt de la Cour constatant qu’une taxe telle que celle qu’elle avait dû payer enfreignait le droit de l’Union. La première demande a été rejetée. La seconde a été accueillie et il a été fait droit à la prétention initiale. Néanmoins, sur pourvoi, le jugement faisant droit à la demande a été cassé. Sur le fondement d’une interprétation du droit national donnée dans l’intervalle par l’Înalta
Curte de Casație și Justiție (Haute Cour de cassation et de justice, Roumanie), il a été considéré que la demande de révision avait été présentée tardivement.
3. Par une nouvelle demande de révision, Mme Călin conteste désormais cette interprétation ainsi que, plus généralement, la procédure nationale de révision. Elle les considère comme incompatibles avec le droit de l’Union parce qu’elles rendent en pratique impossible l’obtention de la restitution d’une taxe ultérieurement déclarée incompatible avec le droit de l’Union par un arrêt de la Cour. Dans ces circonstances, la Curtea de Apel Ploieşti (cour d’appel de Ploiești, Roumanie) a décidé d’interroger
la Cour sur la compatibilité de cette interprétation avec, notamment, les principes de sécurité juridique, d’équivalence et d’effectivité.
II. Le cadre juridique
A. Le droit roumain
1. Le code de procédure civile
4. L’article 509, paragraphe 1, du Codul de procedură civilă (code de procédure civile) ( 2 ) énonce les motifs de révision d’un jugement. Plus particulièrement, aux points 10 et 11, il dispose qu’il est possible d’introduire une demande de révision lorsque :
« 10. la Cour européenne des droits de l’homme a constaté une violation des libertés ou des droits fondamentaux résultant d’une décision de justice, et les conséquences graves de cette violation continuent à se produire ;
11. après que la décision est devenue définitive, la Curtea Constituțională [Cour constitutionnelle, Roumanie] s’est prononcée sur l’exception soulevée dans cette affaire et a constaté l’inconstitutionnalité de la disposition ayant fait l’objet de cette exception. »
5. L’article 511 du code de procédure civile établit différents délais de présentation d’une demande de révision ainsi que la date initiale pour le calcul de ces délais. Aussi bien les délais que la date initiale aux fins de leur calcul varient en fonction du motif de révision pertinent. Le paragraphe 1 prévoit un délai général d’un mois.
6. Aux termes de l’article 511, paragraphe 3, « [e]n ce qui concerne les motifs visés à l’article 509, paragraphe 1, points 10 et 11, le délai est de trois mois à partir de la date de publication de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme ou de la décision de la Curtea Constituțională [Cour constitutionnelle] au Monitorul Oficial al României, Partea I ».
2. La loi no 554/2004 et la jurisprudence nationale concernant cette loi
7. L’article 21 de la Legea no 554/2004 a contenciosului administrativ (loi no 554/2004 sur le contentieux administratif) ( 3 ) du 2 décembre 2004 (ci-après la « loi no 554/2004 ») est intitulé « Voies de recours extraordinaires ». Son paragraphe 2 disposait initialement :
« Constitue un motif de révision, qui s’ajoute à ceux prévus par le code de procédure civile, le prononcé d’un jugement définitif et irrévocable, en violation du principe de primauté du droit communautaire prévu à l’article 148, paragraphe 2, lu en combinaison avec l’article 20, paragraphe 2, de la Constitution roumaine, telle que republiée. La demande de révision est introduite dans les quinze jours qui suivent la date de la notification, laquelle est faite, par dérogation à la règle consacrée à
l’article 17, paragraphe 3, sur demande dûment motivée de la partie intéressée, dans les quinze jours qui suivent la date du prononcé de la décision. Il est statué en urgence et prioritairement sur la demande de révision et dans un délai maximal de 60 jours à compter de son enregistrement ».
8. Par arrêt no 1609/2010 du 9 décembre 2010 ( 4 ), la Curtea Constituţională (Cour constitutionnelle) a constaté que la deuxième phrase de l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 était inconstitutionnelle au motif qu’elle était mal rédigée et qu’elle donnait ainsi lieu à une incertitude susceptible d’entraver l’exercice effectif du droit d’accès à la justice.
9. Ultérieurement, la Legea no 299/2011 pentru abrogarea alin. (2) al art. 21 din Legea contenciosului administrativ no 554/2004 (loi no 299/2011 abrogeant le paragraphe 2 de l’article 21 de la loi no 554/2004 sur le contentieux administratif) ( 5 ) (ci-après la « loi no 299/2011 ») a abrogé l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 dans son intégralité.
10. Cependant, la loi no 299/2011 a elle-même été déclarée inconstitutionnelle par arrêt no 1039/2012 de la Curtea Constituţională (Cour constitutionnelle) du 5 décembre 2012 ( 6 ). Dans cet arrêt, la Curtea Constituţională (Cour constitutionnelle) a jugé que « les dispositions de l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 continueront à produire des effets juridiques après la publication du présent arrêt au Monitorul Oficial al României, à l’exception des dispositions de la deuxième phrase
de ce texte, déclarées inconstitutionnelles par l’arrêt no 1609 du 9 décembre 2010 [...]. Les effets juridiques de ces dernières dispositions ont pris fin [...]. En ce qui concerne les dispositions de l’article 21, paragraphe 2, première et troisième phrases, celles-ci continueront à produire des effets juridiques ».
11. Par conséquent, à la suite de la publication de l’arrêt no 1039/2012 de la Curtea Constituţională (Cour constitutionnelle) au Monitorul Oficial al României, le 29 janvier 2013, les première et troisième phrases de l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 ont réintégré le droit en vigueur. En revanche, la deuxième phrase de cette disposition, établissant le délai d’introduction des demandes de révision et la date initiale de ce délai, est demeurée dépourvue d’effets juridiques.
12. Le 12 décembre 2016, l’Înalta Curte de Casație și Justiție – Completul pentru dezlegarea unor chestiuni de drept (Haute Cour de cassation et de justice, chambre compétente pour statuer sur des questions de droit, Roumanie) (ci-après l’« ICCJ ») a rendu l’arrêt no 45/2016 ( 7 ) au terme d’une procédure préjudicielle afin de résoudre une question de droit. Dans cette décision, l’ICCJ a statué comme suit :
« Dans l’interprétation et l’application de l’article 21, paragraphe 2, première phrase, de la [loi no 554/2004], telle que modifiée et complétée ultérieurement, la demande de révision est recevable en vertu des arrêts de la Cour, quel que soit le moment du prononcé de ces arrêts et indépendamment du point de savoir si les dispositions du droit de l’Union préexistantes, violées par la décision dont la révision est demandée, ont été ou non invoquées dans le litige au principal.
Le délai pour introduire une demande en révision fondée sur l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 est d’un mois et court à compter de la date de notification de la décision définitive qui fait l’objet de la révision »
13. Par conséquent, en vertu de l’arrêt no 45/2016, l’ICCJ a établi le délai d’introduction des demandes de révision fondées sur l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 et la date initiale de ce délai, à savoir un mois à compter de la date de notification de la décision définitive qui fait l’objet de la révision.
III. Les faits, la procédure au principal et la question préjudicielle
14. Le 12 avril 2013, Mme Călin a acheté une voiture particulière d’occasion antérieurement immatriculée en Allemagne.
15. Le serviciul public comunitar regim permise de conducere și înmatriculare a vehiculelor Târgoviște (service public des permis de conduire et de l’immatriculation des véhicules de Târgoviște, Roumanie) a subordonné l’immatriculation du véhicule de Mme Călin au paiement du timbre environnemental prévu par l’Ordonanţa de urgenţă no 9/2013 privind timbrul de mediu pentru autovehicule (ordonnance d’urgence du gouvernement no 9/2013 relative au timbre environnemental pour les véhicules à moteur) ( 8 )
(ci-après l’« OUG no 9/2013 »). Le 12 juin 2013, Mme Călin a acquitté cette taxe, qui s’élevait à 968 lei roumains (RON).
16. Mme Călin a saisi le Tribunalul Dâmbovița (tribunal de grande instance de Dâmbovița, ci-après la « juridiction de première instance ») d’une action. Elle réclamait le remboursement, majoré d’intérêts, de la somme versée au titre du timbre environnemental. À l’appui de cette action, elle soutenait que la taxe était incompatible avec le droit de l’Union.
17. Par jugement du 15 mai 2014, la juridiction de première instance a rejeté cette action, en constatant que les dispositions de l’OUG no 9/2013 n’étaient pas incompatibles avec le droit de l’Union. Mme Călin n’ayant pas formé de recours, ce jugement est devenu définitif.
18. Le 28 avril 2015, Mme Călin a présenté une (première) demande de révision de ce jugement devant la juridiction de première instance. Elle faisait valoir que, eu égard à l’arrêt du 14 avril 2015, Manea (C‑76/14, EU:C:2015:216), le timbre environnemental était incompatible avec le droit de l’Union et devait donc être remboursé. Par jugement du 16 juin 2015, la juridiction de première instance a rejeté cette demande de révision, au motif que la solution donnée dans ledit arrêt Manea n’avait aucune
incidence sur la solution adoptée dans le jugement soumis à révision.
19. Mme Călin a formé un pourvoi contre ce jugement devant la Curtea de Apel Ploiești (cour d’appel de Ploiești), juridiction de deuxième instance, qui a rejeté ce pourvoi. Par conséquent, le jugement du 16 juin 2015 est devenu définitif.
20. Le 17 août 2016, Mme Călin a introduit une (deuxième) demande de révision du jugement de la juridiction de première instance du 15 mai 2014. Cette demande se fondait sur l’arrêt du 9 juin 2016, Budișan (C‑586/14, EU:C:2016:421). Par jugement du 11 octobre 2016, la juridiction de première instance a accueilli la demande de révision. En se fondant en particulier sur ledit arrêt Budișan, elle a conclu que l’article 21 de la loi no 554/2004, qui autorise la révision des décisions enfreignant le
principe de primauté du droit de l’Union, était applicable dans cette affaire. Le jugement du 15 mai 2014 a donc été modifié dans son intégralité et, sur le fond, il a été fait droit à la prétention initiale de Mme Călin. En effet, cette juridiction a jugé que la taxe en question était incompatible avec le droit de l’Union et, de ce fait, ordonné sa restitution, assortie d’intérêts.
21. Par arrêt du 16 janvier 2017, la juridiction de deuxième instance a accueilli un pourvoi introduit par l’autorité publique et a cassé le jugement du 11 octobre 2016 dans son intégralité. Elle a fait droit à l’exception tirée du caractère tardif de la demande de révision en cause sur le fondement de l’arrêt no 45/2016, rendu par l’ICCJ le 12 décembre 2016, qui a établi que le délai d’introduction d’une telle demande était d’un mois à compter de la date de notification de la décision définitive
faisant l’objet de la révision ( 9 ). La juridiction de deuxième instance a relevé, en appliquant cet arrêt, que le jugement dont la révision était demandée (à savoir le jugement de la juridiction de première instance du 15 mai 2014) avait été notifié le 26 mai 2014 et que la (deuxième) demande de révision avait été introduite le 17 août 2016, longtemps après l’expiration du délai d’un mois.
22. Le 7 mars 2017, Mme Călin a introduit une (troisième) demande de révision visant l’arrêt de la juridiction de deuxième instance du 16 janvier 2017. Cette demande fait l’objet de la procédure au principal. Dans cette demande, Mme Călin affirme que l’arrêt du 16 janvier 2017 enfreint notamment le principe de coopération loyale consacré à l’article 4, paragraphe 3, TUE. Elle estime que cet arrêt, dans la mesure où il a appliqué l’arrêt no 45/2016 de l’ICCJ, rend impossible l’obtention de la
restitution de la taxe dont l’incompatibilité avec le droit de l’Union a été constatée par l’arrêt Budişan (C‑586/14, EU:C:2016:421) de la Cour.
23. La juridiction de deuxième instance, la Curtea de Apel Ploieşti (cour d’appel de Ploiești, ci-après la « juridiction de renvoi ») partage essentiellement les doutes de Mme Călin quant à la compatibilité de l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004, tel qu’interprété dans l’arrêt no 45/2016 de l’ICCJ, avec le droit de l’Union et plus particulièrement, entre autres, avec les principes de coopération loyale, de sécurité juridique, d’équivalence et d’effectivité. Par ailleurs, la juridiction
de renvoi cite la jurisprudence de la Cour en vertu de laquelle le droit de l’Union n’impose pas au juge national d’écarter l’application des règles de procédure internes conférant l’autorité de la chose jugée à une décision juridictionnelle, même si cela permettrait de remédier à une situation nationale incompatible avec ce droit. En outre, la juridiction de renvoi souligne que la Cour a également relevé que si les règles de procédure internes applicables comportent la possibilité, sous
certaines conditions, pour le juge national de revenir sur une décision revêtue de l’autorité de la chose jugée pour rendre la situation compatible avec le droit national, cette possibilité doit, conformément aux principes d’équivalence et d’effectivité, prévaloir, si ces conditions sont réunies, afin que soit restaurée la conformité de la situation en cause avec le droit de l’Union.
24. Pour les recours en restitution du timbre environnemental qui ont été rejetés de manière définitive avant que la Cour ne se prononce dans l’affaire Budișan [arrêt du 9 juin 2016 (C‑586/14, EU:C:2016:421)], la décision de renvoi signale que la seule voie procédurale actuellement ouverte serait d’introduire une demande de révision conformément à l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004. Ainsi, si la juridiction de renvoi donnait effet à l’arrêt no 45/2016 de l’ICCJ, Mme Călin ne pourrait
plus demander la révision de l’arrêt du 16 janvier 2017 et, de ce fait, elle ne pourrait plus obtenir le remboursement de cette taxe.
25. Dans ces circonstances, la Curtea de Apel Ploieşti (cour d’appel de Ploiești) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« L’article 4, paragraphe 3, TUE, qui concerne le principe de coopération loyale, les articles 17, 20, 21 et 47 de la charte des droits fondamentaux [de l’Union européenne, ci-après la « Charte »], l’article 110 TFUE, le principe de sécurité juridique ainsi que les principes d’équivalence et d’effectivité qui découlent du principe d’autonomie procédurale peuvent-ils être interprétés comme s’opposant à une réglementation nationale, à savoir l’article 21, paragraphe 2, de la [loi no 554], telle
qu’interprétée par l’arrêt no 45/2016 de l’[ICCJ], selon laquelle le délai pour introduire une demande en révision fondée sur l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 est d’un mois et court à compter de la communication de la décision de justice définitive dont la révision est demandée ? »
26. Le gouvernement roumain et la Commission européenne ont présenté des observations écrites. Les deux parties intéressées ont été entendues en leurs plaidoiries lors de l’audience du 28 novembre 2018.
IV. Appréciation
27. Les présentes conclusions suivent le plan suivant : j’exposerai tout d’abord les raisons pour lesquelles j’estime que le présent renvoi préjudiciel est recevable (A). Ensuite, après avoir formulé deux remarques liminaires (B), j’examinerai la question posée à la lumière des principes de sécurité juridique, d’équivalence et d’effectivité (C). Étant donné que, même à l’issue de cet examen, je demeure quelque peu perplexe quant à la nature précise de la voie de recours nationale en cause, je
conclurai avec quelques observations sur les autres solutions que le droit de l’Union offre pour les cas dans lesquels la restitution d’une taxe perçue en violation du droit de l’Union est poursuivie alors qu’il n’est plus possible de revenir sur une décision juridictionnelle définitive (D).
A. Recevabilité du renvoi préjudiciel
28. Une question préjudicielle relative à l’interprétation de l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 donnée par l’ICCJ dans son arrêt no 45/2016, qui n’était apparemment pas une interprétation contraignante lors de l’introduction de la deuxième demande de révision, est-elle recevable ?
29. L’arrêt de l’ICCJ a été rendu dans le cadre d’une procédure préjudicielle destinée à résoudre une question de droit. Sur ce type de procédure, l’ordonnance de renvoi relève que, aux termes de l’article 521, paragraphe 3, du code de procédure civile, « [l]a solution apportée aux questions de droit est contraignante pour la juridiction qui l’a demandée à compter du prononcé de la décision, et pour les autres juridictions à compter de sa publication au Monitorul Oficial al României, Partea I ».
30. Il ressort des observations écrites du gouvernement roumain et de la Commission que, bien que l’arrêt no 45/2016 ait été prononcé le 12 décembre 2016, il n’a été publié au Monitorul Oficial al României que le 23 mai 2017. De plus, cet arrêt a été rendu pour résoudre une question de droit soumise à l’ICCJ par la Curtea de Appel Cluj (cour d’appel de Cluj, Roumanie). Partant, conformément à l’article 521, paragraphe 3, du code de procédure civile, cet arrêt est devenu contraignant pour cette
juridiction dès le jour de son prononcé. Cependant, ce n’est que lorsque cet arrêt a été publié au Monitorul Oficial al României, le 23 mai 2017, qu’il est devenu contraignant pour les autres juridictions, y compris la juridiction de renvoi, la Curtea de Apel Ploieşti (cour d’appel de Ploiești).
31. De ce fait, il est permis de douter que, dans son arrêt du 16 janvier 2017, lorsqu’elle a statué sur la deuxième demande de révision, la juridiction de renvoi était tenue d’appliquer l’interprétation de l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 donnée par l’ICCJ. C’est en effet cette interprétation de l’ICCJ qui est au cœur de la question posée, car autant que je le comprenne, c’est par cette décision de l’ICCJ que le délai d’un mois à compter de la date de notification du jugement
définitif a en pratique été établi.
32. À mon sens, bien que plusieurs éléments de l’espèce puissent effectivement faire sourciller, la recevabilité du renvoi préjudiciel n’en est pas un.
33. Il est de jurisprudence constante que les questions relatives à l’interprétation du droit de l’Union posées par le juge national bénéficient d’une présomption de pertinence ( 10 ). Il n’appartient pas à la Cour, dans le cadre du système de coopération judiciaire établi à l’article 267 TFUE, de vérifier ou de remettre en cause l’exactitude de l’interprétation du droit national faite par le juge national, cette interprétation relevant de la compétence exclusive de ce dernier ( 11 ).
34. En réponse à une question écrite posée par la Cour, le gouvernement roumain a confirmé que l’arrêt no 45/2016 a été prononcé le 12 décembre 2016 et rendu public le même jour. Il a aussi confirmé que, bien que l’arrêt no 45/2016 ne fût pas formellement contraignant pour la juridiction de renvoi lorsqu’elle a rendu son arrêt du 16 janvier 2017, cette juridiction, comme toute autre juridiction roumaine, avait déjà connaissance de l’existence et du contenu de cet arrêt.
35. L’histoire complexe de l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 est résumée ci-dessus ( 12 ). Cette disposition a d’abord été mise au monde par le législateur en 2004, puis déclarée partiellement inconstitutionnelle en 2010 et, de ce fait, mise à mort par le législateur en 2011. Elle a par la suite été en partie ranimée en 2012 par une autre décision de la Curtea Constituțională (Cour constitutionnelle), laquelle ne semble toutefois pas avoir fixé les délais applicables, que l’ICCJ a dû
établir par décision d’interprétation. Sur cette base, il semble que, entre la seconde annulation par la Curtea Constituțională (Cour constitutionnelle) avec effet au 29 janvier 2013 et le prononcé de l’arrêt no 45/2016 de l’ICCJ le 12 décembre 2016, les juridictions roumaines ont été confrontées à une situation dans laquelle il n’existait pas de délai (clair) pour introduire une demande de révision, voire aucun délai à cette fin.
36. Autant que je le comprenne, comme le gouvernement roumain l’a observé, des « interprétations divergentes » ont vu le jour dans la pratique des juridictions roumaines durant cette période. Dans ce contexte, il est parfaitement compréhensible qu’une juridiction suprême nationale tâche d’unifier ces interprétations divergentes.
37. Cependant, ce qui est peut-être légèrement plus discutable, c’est la manière dont un tel délai, qui, en pratique, limite le droit de certaines parties d’accéder à un tribunal, voire les en prive, a été établi au niveau national. Les limitations des droits fondamentaux et, de même, les conditions d’accès à un tribunal doivent, entre autres exigences, être prévues par la loi. Cette exigence comprend certaines normes de qualité d’une telle loi, y compris son accessibilité aux personnes concernées
ainsi que sa formulation suffisamment précise et prévisible ( 13 ). Bien que ces normes diffèrent, par exemple, des critères applicables à la détention de ressortissants étrangers en vue de leur remise à un autre État membre, laquelle équivaut en substance à une privation de liberté, et qui peuvent donc être fixés uniquement dans une disposition contraignante de portée générale (dans la législation écrite, et non dans la jurisprudence) ( 14 ), il est effectivement permis de se demander dans
quelle mesure l’histoire de revenant de l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 satisferait à ces conditions, en particulier celles relatives à la prévisibilité.
38. Toutefois, tel n’est pas l’objet de la présente affaire, du moins pas directement. Le fait qu’une juridiction a appliqué un délai qui n’était formellement pas encore applicable lorsqu’elle a rendu sa décision a certes un « parfum de rétroactivité ». Néanmoins, il semblerait que, devant les « interprétations divergentes » à l’œuvre au niveau national, cette juridiction aurait en tous les cas joui d’une marge d’appréciation quant au délai devant être appliqué. Je ne vois donc pas en quoi, dans une
telle situation, on pourrait reprocher à une juridiction nationale d’avoir décidé de tenir compte d’un délai fixé par la décision d’une juridiction supérieure (adoptée précisément afin d’uniformiser cette situation), même à un moment où l’application de ce délai n’était pas encore formellement obligatoire pour cette juridiction, mais allait bientôt le devenir.
39. Par conséquent, eu égard aux considérations qui précèdent, mais compte tenu également de la pertinence que la question continue de revêtir durablement pour la juridiction de renvoi ( 15 ), j’estime qu’il n’y a aucune raison de douter de la recevabilité du présent renvoi préjudiciel.
B. Remarques liminaires
40. Deux remarques liminaires s’imposent concernant, en premier lieu, les dispositions du droit de l’Union pertinentes pour statuer en l’espèce et, en second lieu, la relation entre la présente affaire et celle qui a donné lieu à l’arrêt Târşia ( 16 ).
41. En premier lieu, dans sa question, la juridiction de renvoi mentionne un certain nombre de dispositions et de principes du droit de l’Union : l’article 4, paragraphe 3, TUE (le principe de coopération loyale), les articles 17, 20, 21 et 47 de la Charte, l’article 110 TFUE, le principe de sécurité juridique ainsi que les principes d’équivalence et d’effectivité qui découlent du principe d’autonomie procédurale.
42. Pour répondre à la question posée, je considère qu’il suffit d’examiner la compatibilité d’une législation telle que celle en cause au principal avec les principes de sécurité juridique, d’équivalence et d’effectivité, à la lumière du principe général de coopération loyale consacré à l’article 4, paragraphe 3, TUE ( 17 ). L’article 47 de la Charte (le droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial) peut donner une impulsion supplémentaire à l’examen de l’exigence d’effectivité,
en particulier s’agissant de la notion de recours effectif devant une juridiction nationale.
43. En second lieu, il convient de rappeler que la Cour a déjà été appelée à apprécier la compatibilité de l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 avec le droit de l’Union dans l’affaire Târşia ( 18 ).
44. La question posée dans cette affaire était analogue à celle posée en l’espèce. Elle visait à vérifier la compatibilité de l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 avec, à peu de choses près, les mêmes dispositions et principes du droit de l’Union ( 19 ). Cependant, la question de la compatibilité de l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 avec le droit de l’Union a été abordée sous un angle bien différent.
45. M. Târşia avait acquitté une taxe sur les véhicules de tourisme qu’il jugeait incompatible avec l’article 110 TFUE. Il a entamé une procédure de nature civile afin d’obtenir le remboursement de ladite taxe. La demande a été accueillie en première instance en 2007, mais, sur pourvoi, elle a été partiellement rejetée en 2008. En 2011, à la suite de l’arrêt du 7 avril 2011, Tatu (C‑402/09, EU:C:2011:219), M. Târşia a demandé la révision de l’arrêt rendu sur pourvoi, parce qu’il considérait que la
taxe acquittée devrait lui être restituée dans son entièreté. Bien que l’arrêt dont il demandait la révision ait été rendu dans le cadre d’un recours de nature civile, il a introduit le recours en révision au titre de l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004, c’est-à-dire la loi sur le contentieux administratif. La raison en était que les règles procédurales applicables au contentieux civil ne prévoyaient pas la possibilité d’introduire un recours en révision d’une décision
juridictionnelle définitive en raison d’une violation du droit de l’Union.
46. C’est dans ce contexte procédural que la juridiction de renvoi dans l’affaire Târşia a souhaité savoir si le fait que l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 permettait la révision des seules décisions juridictionnelles définitives enfreignant le droit de l’Union rendues en matière administrative, et non en matière civile, était compatible avec le droit de l’Union. La Cour a conclu que le droit de l’Union, notamment les principes d’équivalence et d’effectivité, ne s’opposait pas à une
telle situation ( 20 ).
47. La présente espèce, en revanche, concerne seulement les conditions dans lesquelles une demande de révision au titre de l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 peut être présentée à l’égard d’une décision rendue dans le cadre d’un recours de nature administrative. Dès lors, même si l’arrêt Târşia susmentionné fournit quelques indications pour la présente espèce concernant la formulation générale des exigences d’équivalence et d’effectivité, il ne donne pas de réponse à la question
précise posée par la juridiction de renvoi.
C. L’obligation de rembourser les taxes indument perçues : sécurité juridique et effectivité du droit de l’Union
48. Il est de jurisprudence constante que le droit d’obtenir le remboursement de taxes perçues par un État membre en violation des règles du droit de l’Union est la conséquence et le complément des droits conférés aux justiciables par les dispositions du droit de l’Union prohibant de telles taxes. Les États membres sont donc tenus, en principe, de rembourser les impositions perçues en violation du droit de l’Union, avec des intérêts ( 21 ). Il appartient à chaque État membre, en vertu du principe de
l’autonomie procédurale, de régler les modalités procédurales des recours tendant au remboursement de ces taxes, tout en respectant les exigences d’équivalence et d’effectivité ( 22 ).
49. En ce qui concerne l’interaction entre ces exigences et le principe de sécurité juridique, dont le principe de l’autorité de la chose jugée constitue l’expression ( 23 ), la Cour a également dit pour droit que « les modalités de mise en œuvre du principe de l’autorité de la chose jugée relèvent de l’ordre juridique interne des États membres, en vertu du principe de l’autonomie procédurale de ces derniers, dans le respect, toutefois, des principes d’équivalence et d’effectivité» ( 24 ).
50. La Cour a itérativement souligné l’importance que revêt, tant dans l’ordre juridique de l’Union que dans les ordres juridiques nationaux, le principe de l’autorité de la chose jugée. Elle a jugé que, en vue de garantir aussi bien la stabilité du droit et des relations juridiques qu’une bonne administration de la justice, il importe que des décisions juridictionnelles devenues définitives après épuisement des voies de recours disponibles ou après expiration des délais prévus pour ces recours ne
puissent plus être remises en cause, même si cela permettrait de remédier à une situation nationale incompatible avec le droit de l’Union ( 25 ).
51. Ainsi, en vertu du droit de l’Union, les États membres ne sont pas tenus de revenir sur une décision juridictionnelle définitive pour tenir compte de l’interprétation d’une disposition pertinente du droit de l’Union donnée par la Cour postérieurement à cette décision ( 26 ).
52. Cependant, dans les arrêts Impresa Pizzarotti et Târşia, la Cour a également signalé que, si les règles de procédure internes applicables comportent la possibilité, sous certaines conditions, pour le juge national de revenir sur une décision juridictionnelle définitive pour rendre la situation compatible avec le droit national, cette possibilité doit, conformément aux principes d’équivalence et d’effectivité, prévaloir, si ces conditions sont réunies, afin que soit restaurée la conformité de la
situation en cause avec le droit de l’Union ( 27 ).
53. En somme, le droit de l’Union n’exigeait pas que la Roumanie adopte l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004, une disposition permettant de revenir sur une décision juridictionnelle définitive. Néanmoins, la Roumanie ayant décidé de l’adopter, cette disposition doit satisfaire aux exigences d’équivalence et d’effectivité. Je vais donc maintenant procéder à l’examen de ces exigences dans le contexte du cas d’espèce.
1. Équivalence
54. L’exigence d’équivalence interdit à un État membre de prévoir des modalités procédurales moins favorables pour les demandes de remboursement d’une taxe fondées sur une violation du droit de l’Union que celles applicables aux recours similaires fondés sur une violation du droit interne ( 28 ). Pour vérifier si un recours national peut être considéré comme similaire à un recours visant à la sauvegarde du droit de l’Union, il est nécessaire de tenir compte de l’objet, de la cause ainsi que des
éléments essentiels de ces recours ( 29 ).
55. En l’espèce, la juridiction de renvoi mentionne l’exigence d’équivalence comme éventuel critère d’appréciation de la compatibilité de l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 avec le droit de l’Union. Néanmoins, elle n’indique aucun recours national similaire pouvant permettre d’apprécier l’exigence d’équivalence.
56. Selon le gouvernement roumain, il n’existe aucun motif de révision pour violation du droit interne similaire au motif (spécifique) de révision prévu à l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004. Il observe que cette disposition permet l’introduction d’une demande de révision sur le fondement de la violation d’une quelconque disposition du droit de l’Union, que cette disposition ait été ou non invoquée dans le cadre du litige initial. En revanche, le code de procédure civile, qui contient
les règles générales de procédure en matière de révision, permettrait la présentation d’une demande de révision uniquement sur le fondement de la violation de l’un des motifs énoncés à l’article 509, paragraphe 1, dudit code, qui visent, pour l’essentiel, des circonstances nouvelles, inconnues de la juridiction lors du prononcé de sa décision.
57. La Commission considère quant à elle qu’il existe un motif de révision fondé sur une violation du droit interne similaire à l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004. Il s’agit de celui prévu à l’article 509, paragraphe 1, point 11, du code de procédure civile, aux termes duquel il est possible d’introduire une demande de révision d’une décision juridictionnelle lorsque, « après que la décision est devenue définitive, la Curtea Constituțională (Cour constitutionnelle) s’est prononcée sur
l’exception soulevée dans cette affaire et a déclaré inconstitutionnelle la disposition visée par cette exception ». Selon la Commission, les délais différents (un mois pour les demandes présentées au titre de la loi no 554/2004 et trois mois en application de l’article 511, paragraphe 3, du code de procédure civile) et les dates initiales différentes [(dans le premier cas, la date de notification de la décision définitive qui fait l’objet de la révision ; dans le second, la date de publication
de la décision de la Curtea Constituțională (Cour constitutionnelle) au Monitorul Oficial al României] sont incompatibles avec l’exigence d’équivalence.
a) Révision au titre de l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 et révision au titre de l’article 509 du code de procédure civile
58. L’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 prévoit une voie de recours très spécifique qui permet la révision d’une décision juridictionnelle définitive. Cette voie de recours est circonscrite à un domaine spécifique, à savoir le contentieux administratif, et peut être exercée uniquement au motif qu’une décision juridictionnelle définitive a enfreint le droit de l’Union. Le titre de cet article 21 ainsi que le fait qu’il permet de revenir sur une décision définitive semblent effectivement
indiquer qu’il s’agit là d’une voie de recours extraordinaire.
59. L’ordonnance de renvoi laisse entendre que cette disposition du droit roumain n’est pas la seule permettant de demander la révision d’une décision juridictionnelle définitive. L’article 509 du code de procédure civile contient les règles générales en matière de révision. Ces règles énumèrent une série de cas dans lesquels il est possible de demander la révision d’une décision juridictionnelle définitive. Ces règles s’appliquent de manière générale à tous les domaines du droit, y compris au
contentieux administratif ( 30 ).
60. Le gouvernement roumain affirme, dans ses observations écrites, que les motifs de révision prévus à l’article 509 du code de procédure civile reposent sur l’apparition de circonstances nouvelles qui étaient inconnues de la juridiction nationale lors du prononcé de la décision faisant l’objet de la révision. À cet égard, je note que les délais fixés à l’article 511 du code de procédure civile pour chacun de ces motifs de révision commencent à courir, en règle générale, à compter du moment où la
nouvelle circonstance pertinente est apparue ou de celui où la partie concernée a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance de l’existence de cette nouvelle circonstance.
61. À la lumière de ces dispositions ainsi que des observations formulées sur celles-ci par les parties intéressées par écrit et lors de l’audience, je dois avouer ne pas voir une correspondance exacte entre la révision prévue à l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 et les éléments principaux de la révision régie par le code de procédure civile. En effet, l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 ne semble pas être déclenché par l’apparition d’une nouvelle circonstance qui était
inconnue des parties et de la juridiction nationale lorsqu’elle a prononcé sa décision.
62. De fait, la version initiale de l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 ( 31 ) prévoyait déjà que le délai d’introduction d’une demande de révision commençait à courir à compter de la date de notification de la décision juridictionnelle faisant l’objet de la révision. Il en va en fait de même à la suite de l’arrêt no 45/2016 de l’ICCJ, bien que ce délai soit calculé autrement.
b) La nature de la révision au titre de l’article 509, paragraphe 1, point 11, du code de procédure civile
63. Dans la disposition générale sur la révision contenue à l’article 509 du code de procédure civile, deux motifs de révision spécifiques méritent d’être mentionnées. Dans ses observations, la Commission insiste tout particulièrement sur l’un d’entre eux : la révision d’une décision juridictionnelle définitive à la suite d’une décision de la Curtea Constituțională (Cour constitutionnelle), prévue à l’article 509, paragraphe 1, point 11, du code de procédure civile. Ce motif est encadré dans des
termes analogues à l’article 509, paragraphe 1, point 10, du code de procédure civile, qui prévoit la révision de décisions juridictionnelles définitives à la suite de la constatation d’une violation par la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH »).
64. L’article 509, paragraphe 1, point 11, du code de procédure civile permet de revenir sur les décisions juridictionnelles définitives sur le fondement d’une décision de la Curtea Constituțională (Cour constitutionnelle). Ici, en revanche, le point de départ du délai est le prononcé d’une décision de ladite Cour après que la décision juridictionnelle est devenue définitive. La raison d’être de cette procédure est que, comme le gouvernement roumain l’a confirmé lors de l’audience, en vertu du droit
national, la Curtea Constituțională (Cour constitutionnelle) ne peut pas elle-même annuler ou modifier la décision finale des juridictions (ordinaires) qui ont engagé le contrôle constitutionnel. Ce type de révision a donc pour objet de fournir un mécanisme permettant la révision, à la lumière d’une décision de la Curtea Constituțională (Cour constitutionnelle), de la décision juridictionnelle définitive sur le fondement de laquelle la procédure devant la Curtea Constituțională (Cour
constitutionnelle) a été engagée.
65. Il convient d’ajouter que ce système semble partager la logique de la disposition précédente, à savoir l’article 509, paragraphe 1, point 10, du code de procédure civile. En cas de décision de la Cour EDH constatant qu’une partie signataire a enfreint les dispositions de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci‑après la « CEDH ») au moyen d’une décision juridictionnelle, la seule manière de traduire cette constatation
dans le cas particulier qui a donné lieu à cette plainte déterminée est de rouvrir la procédure juridictionnelle nationale originelle. Ici aussi, le délai imparti pour demander cette réouverture commence à courir à compter du prononcé de la décision de la Cour EDH en question.
c) L’appréciation de l’équivalence : objet, cause et éléments essentiels
66. Il appartient en définitive à la juridiction de renvoi, qui a une connaissance directe des règles de procédure nationales, d’examiner s’il existe un recours interne similaire au recours prévu à l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004.
67. Cependant, compte tenu des faits et des éléments de droit national présentés à la Cour, et eu égard tant au cadre de l’analyse récemment réitérée par la Cour dans l’arrêt XC e.a. ( 32 ) qu’à la conclusion tirée dans cette affaire, il me semble que le motif de révision énoncé à l’article 509, paragraphe 1, point 11, du code de procédure civile et le type de révision prévu à l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 diffèrent sensiblement par leur objet, leur cause et leurs éléments
essentiels.
68. Comme expliqué plus en détail ci-dessous ( 33 ), le point de savoir quelle était précisément l’intention du législateur lorsqu’il a adopté l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 donne certes matière à discussion. Il n’en demeure pas moins que les deux types de révision semblent répondre à des besoins systémiques plutôt différents.
69. Premièrement, l’article 509, paragraphe 1, point 11, du code de procédure civile (tout comme l’article 509, paragraphe 1, point 10, dudit code) a pour objet de remédier à une violation de la constitution nationale (ou de la CEDH) dans les cas particulier dans lesquels une telle violation a été établie par une décision qui sera toujours, par définition, postérieure à la décision définitive de la juridiction (ordinaire). En revanche, l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 semble avoir
pour objet de corriger de manière continue une application incorrecte du droit de l’Union par une juridiction nationale, sans toutefois requérir l’existence d’un lien entre la décision juridictionnelle faisant l’objet de la révision et une décision précise de la Cour ( 34 ). La décision de la Cour, si elle existe, pourrait être antérieure ou postérieure à la décision juridictionnelle faisant l’objet de la révision. Cependant, compte tenu du délai relativement court, il est probable que, dans la
grande majorité des cas, la Cour ait rendu son arrêt avant l’adoption de la décision nationale faisant l’objet de la révision.
70. Deuxièmement, la cause au sens de l’événement qui déclenche l’applicabilité de cette voie de recours est, dans le cas de l’article 509, paragraphe 1, point 11, du code de procédure civile, le fait que la Curtea Constituțională (Cour constitutionnelle) rende une décision constatant l’inconstitutionnalité d’une disposition nationale donnée. Quant à l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004, l’événement déclencheur semble être une violation alléguée du droit de l’Union déjà inscrite dans la
décision juridictionnelle dont la révision est demandée.
71. Troisièmement, les éléments essentiels d’une voie de recours englobent non seulement les éléments tenant à la manière globale dont la procédure est menée à bien, mais égalent le résultat de cette procédure. Ici encore, le résultat des deux procédures diffère considérablement, certainement en ce qui concerne leur incidence sur les cas particuliers. Ainsi, tandis que l’article 509, paragraphe 1, point 11, du code de procédure civile amène en principe à revenir sur la décision juridictionnelle
particulière sur le fondement de laquelle le contrôle constitutionnel a été effectué, l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 peut en principe justifier de revenir sur toute décision juridictionnelle enfreignant une règle du droit de l’Union.
72. Selon moi, ce dernier point amène à la question cruciale à cet égard : comment, d’une part, les décisions individuelles rendues par la Cour à titre préjudiciel et, d’autre part, les décisions individuelles rendues par la cour constitutionnelle nationale dans les systèmes dans lesquels celle-ci n’a pas de compétence à l’égard des recours constitutionnels individuels (c’est-à-dire la compétence d’annuler les décisions rendues par les juridictions ordinaires dans les cas particuliers) ainsi que, à
cet égard, les décisions de la Cour EDH, dont la fonction est similaire (elles peuvent uniquement constater une violation commise par la partie contractante dans le cas particulier), doivent-elles exactement être prises en compte dans les affaires pendantes particulières qui ont donné lieu à la décision de ces juridictions (conséquences essentiellement inter partes) ?
73. Une décision préjudicielle de la Cour est toujours rendue avant la décision de la juridiction nationale dans l’affaire pour laquelle le renvoi préjudiciel a été effectué et doit être prise en compte dans cette procédure pendante. Si une décision de la Cour est rendue après qu’une décision nationale est devenue définitive, le droit de l’Union, hormis quelques exceptions mineures ( 35 ), ne requiert pas de revenir sur la décision nationale définitive et de rouvrir l’affaire.
74. En revanche, comme déjà indiqué, le fonctionnement du système de la Cour EDH ainsi que, au demeurant, des cour constitutionnelles nationales n’ayant pas la compétence de contrôler et d’annuler des décisions juridictionnelles individuelles pour des motifs tenant à leur constitutionnalité, est différent. Au regard de l’affaire particulière ayant donné lieu au contrôle en question, la décision de la Cour EDH ou de la cour constitutionnelle sera toujours rendue ex post, une fois la décision
juridictionnelle originelle devenue définitive. Si la décision d’une telle juridiction doit être prise en compte dans cette affaire particulière, celle-ci doit être rouverte ( 36 ).
75. Devant ces nécessités objectivement différentes, des procédures distinctes et qui ne sont guère comparables quant à leur objet, leur cause et leurs éléments essentiels sont mises en œuvre.
76. Je souhaite ajouter un élément supplémentaire : l’appréciation de la similitude de procédures destinées à revenir sur des décisions juridictionnelles doit être effectuée au regard des conséquences inter partes d’une décision donnée qui a été rendue. Telle est en effet la raison d’être de ces procédures. Affirmer que, pour ce qui concerne leur objet, ces procédures ne sont pas comparables parce qu’elles répondent à des besoins structurels et systémiques différents est une chose, mais affirmer que
les arrêts et les indications donnés par les juridictions constitutionnelles ou européennes ne pourraient pas avoir la même force normative erga omnes dans toutes les affaires pendantes et futures est tout autre chose. Il s’agit simplement d’une autre question.
77. Il peut être utile d’insister sur cet élément précis pour conclure, car il semble avoir été sujet à une certaine confusion dans les arguments avancés par la Commission, qui plaide en faveur de l’équivalence entre la révision au titre de l’article 509, paragraphe 1, point 11, du code de procédure civile et celle au titre de l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004. Ces procédures diffèrent sur le plan systémique parce qu’elles visent un type différent de force contraignante des décisions
juridictionnelles : la réouverture d’une affaire particulière à la suite de l’annulation du fondement normatif sur lequel un arrêt a été rendu par la Cour constitutionnelle (effets contraignants inter partes), par opposition à la révision au motif que le droit de l’Union, tel qu’interprété par un arrêt de la Cour qui a néanmoins été rendu dans une autre procédure, n’a pas été dûment pris en compte (effets contraignants erga omnes).
78. Toutefois, cette différence par rapport à un recours en révision si particulier n’implique naturellement pas que les arrêts de ces juridictions constitutionnelles ou européennes ne devraient pas, dans toutes les affaires pendantes et futures devant les juridictions nationales, être dûment pris en compte. Sous cet angle, suivant les règles constitutionnelles nationales, il peut effectivement n’exister aucune différence entre les arrêts de la Cour et ceux d’une cour constitutionnelle nationale ou
de la Cour EDH. Ils peuvent tous être pourvus d’effets normatifs prospectifs erga omnes.
79. Pour les raisons exposées dans la présente section, j’estime que l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 et l’article 509, paragraphe 1, point 11, du code de procédure civile ne partagent pas le même objet, la même cause ni les mêmes éléments essentiels. Dès lors, ils ne sauraient être considérés comme des recours similaires et, par conséquent, les régimes procéduraux différents des deux recours, en particulier s’agissant des délais, ne représentent pas une violation de l’exigence
d’équivalence.
2. Effectivité
a) Absence d’obligation de revenir sur les décisions juridictionnelles définitives
80. Hormis dans des circonstances exceptionnelles, la Cour n’a jamais exigé d’écarter, au nom de l’effectivité, l’autorité de la chose jugée des décisions définitives. Il n’existe donc pas d’obligation générale de revenir sur les décisions juridictionnelles définitives pour assurer la mise en œuvre effective du droit de l’Union ou, plus particulièrement, des décisions de la Cour ( 37 ).
81. La jurisprudence de la Cour a néanmoins établi deux cas de figure exceptionnels dans lesquels ce principe général a été quelque peu nuancé.
82. Le premier cas de figure découle de l’arrêt Kühne & Heitz. Il se rapporte à l’obligation, imposée aux organes administratifs, de réexaminer les décisions administratives définitives afin de tenir compte d’une interprétation donnée ultérieurement par la Cour, lorsque plusieurs conditions sont réunies ( 38 ). Néanmoins, cette exception comporte uniquement une obligation de revenir sur les décisions administratives définitives, et non sur les décisions juridictionnelles.
83. Le second cas de figure exceptionnel a été établi dans l’arrêt Lucchini. Dans cet arrêt, la Cour a jugé que le droit de l’Union s’opposait à l’application d’une disposition du droit national consacrant le principe de l’autorité de la chose jugée. La raison en était que l’application de cette disposition faisait obstacle à la récupération d’une aide d’État octroyée en violation du droit de l’Union, et dont l’incompatibilité avec le marché commun a été constatée par une décision antérieure de la
Commission devenue définitive ( 39 ). La logique sous-jacente de cette exception était que, la décision nationale ayant été adoptée en violation de la répartition des compétences entre les États membres et l’Union, elle était clairement illégale et n’aurait donc jamais pu acquérir l’autorité de la chose jugée ( 40 ).
84. Ni l’une ni l’autre exception ne semble pertinente en l’espèce. La règle par défaut en matière d’équilibre entre l’exigence d’effectivité comme limite à l’autonomie procédurale nationale et l’obligation de revenir sur les décisions juridictionnelles définitives demeure donc que le droit de l’Union n’impose pas, en règle générale, aux États membres de créer de nouvelles voies de recours ( 41 ), en particulier si cela implique nécessairement de passer outre les règles nationales sur l’autorité de
la chose jugée. Cependant, s’il prévoit bel et bien cette possibilité, le droit national doit respecter non seulement l’exigence d’équivalence, mais également l’exigence d’effectivité ( 42 ).
b) Révision au titre de l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 : recours ou réexamen ?
85. L’examen de l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 au regard de l’exigence d’effectivité pose quelques difficultés. Il est uniquement possible d’apprécier l’effectivité d’une voie de recours si l’on comprend ce que celle-ci vise à obtenir. Il en va de même lorsqu’il s’agit d’apprécier l’effectivité d’une voie de recours eu égard à son délai (un mois) et au moment où celui-ci commence à courir (lors du prononcé de la décision juridictionnelle faisant l’objet de la révision). Effectif
par rapport à quoi ? Quelle était la finalité de cette voie de recours ?
86. La question essentielle à cet égard est celle de savoir si l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 était supposé fonctionner comme une nouvelle révision d’une décision juridictionnelle, à l’instar d’autres voies de recours exceptionnelles telles que les pourvois (éventuellement en cassation), ou s’il était supposé constituer un réexamen. L’un et l’autre correspondent à des modèles différents.
87. Les pourvois, d’une part, portent généralement sur des questions de droit, en ce sens qu’ils se fondent sur une violation alléguée de règles de droit et ne comportent que des possibilités très limitées de réexaminer les constatations et appréciations factuelles. Ils sont d’ordinaire présentés devant une juridiction hiérarchiquement supérieure à celle qui a rendu la décision visée par le pourvoi, bien qu’ils puissent parfois être introduits devant la juridiction qui a rendu la décision rendue en
dernier ressort contestée (comme une forme d’« autocontrôle » préliminaire). Il importe de relever que le délai d’introduction d’un pourvoi commence normalement à courir à compter de la signification ou de la notification de la décision attaquée. Enfin, les pourvois ne visent pas, par définition, des décisions définitives au sens de la jurisprudence de la Cour, en vertu de laquelle les décisions deviennent définitives « après épuisement des voies de recours disponibles ou après expiration des
délais prévus pour ces recours» ( 43 ).
88. Les réexamens, d’autre part, se fondent d’ordinaire sur l’apparition de faits nouveaux ou d’éléments de preuve nouveaux que les parties et la juridiction ignoraient lors du prononcé de la décision initiale, lorsque ces faits ou ces éléments de preuve sont susceptibles d’avoir une incidence sur cette décision. Lorsqu’une demande de réexamen est accueillie, cela signifie généralement que la juridiction ayant statué en première instance doit réexaminer la décision initiale ou revenir sur celle-ci,
parce qu’il est probable que les faits soient appréciés de nouveau. S’agissant des délais, dans la mesure où le réexamen se fonde sur l’apparition d’un fait nouveau, le délai pour introduire une demande de réexamen commence généralement à courir à compter du moment auquel la partie intéressée a pris connaissance de ce fait nouveau. Parfois, ce délai subjectif est en outre combiné avec un délai plus objectif, conformément auquel les demandes de réexamen peuvent seulement être présentées durant un
certain nombre d’années à compter du prononcé de la décision originelle. Enfin, les demandes de réexamen portent également, par définition, sur des décisions définitives au sens de la jurisprudence de la Cour citée au point précédent des présentes conclusions.
c) Effectif en tant que quoi précisément ?
89. Si je compare le mécanisme de révision au titre de l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 avec les deux modèles idéaux de voies de recours extraordinaires, je ne vois pas clairement auquel de ces modèles ce mécanisme était censé correspondre. Dès lors que la demande de révision est présentée contre des décisions définitives, la révision semble au premier abord s’apparenter à une procédure de réexamen. Néanmoins, dans la mesure où elle se fonde sur la violation de règles juridiques
(selon toute probabilité préexistantes) et où le délai, qui est relativement court, court à compter du prononcé de la décision originelle, le mécanisme de révision semble constituer un pourvoi extraordinaire. Cela dit, dans ce cas, il est plutôt surprenant que la révision au titre de l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 doive être demandée à la même juridiction que celle ayant rendu la décision originelle, étant donné, notamment, que cette juridiction sera appelée à réexaminer une
décision qu’elle a rendue seulement quelques jours ou semaines auparavant et au regard de règles du droit de l’Union qui existaient déjà et que, en toute probabilité, cette juridiction avait déjà prises en considération lorsqu’elle avait rendu cette décision.
90. En vertu du principe d’autonomie procédurale, les États membres jouissent d’une marge d’appréciation considérable dans la conception de leur système de voies de recours. Le choix entre des modèles implique alors en toute logique la liberté d’engendrer des hybrides et des mutants procéduraux, si les États membres le souhaitent.
91. Néanmoins, ces hybrides doivent être effectifs. Ils doivent être en mesure d’offrir la protection qu’ils visent à garantir, sans interférer indument avec d’autres valeurs revêtant la même importance ni empiéter sur celles-ci. Comme je l’ai itérativement souligné aux points précédents des présentes conclusions ( 44 ), une autre valeur essentielle, reconnue et mise en évidence par la Cour, est la sécurité juridique et l’importance de l’autorité de la chose jugée. La mise en balance et la
pondération de ces valeurs au niveau de l’Union a conduit la Cour à affirmer clairement que l’importance de la sécurité juridique des décisions juridictionnelles définitives et de la stabilité juridique est si élevée que l’exigence d’effectivité du droit de l’Union ne l’emporte pas sur elle, même s’il pourrait ainsi être remédié aux erreurs commises dans l’application du droit de l’Union au niveau national. Les décisions juridictionnelles définitives ne sont pas définitives parce qu’elles sont
nécessairement irréprochables. Elles le sont parce qu’à un certain moment, une affaire doit être clôturée.
92. Il appartient en définitive au juge national d’apprécier, à la lumière de ces considérations, l’effectivité du mécanisme de révision institué à l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004. Cependant, autant que je comprenne le droit national pertinent et le contexte procédural, tels que présentés dans le cadre de la procédure devant la Cour, il semblerait que ce mécanisme soit simplement assis entre deux chaises.
93. D’une part, sa nature de pourvoi est discutable. Il vise à obtenir satisfaction auprès de la même juridiction que celle qui a rendu la décision juridictionnelle faisant l’objet de la révision seulement quelques jours ou semaines auparavant, selon toute probabilité à la lumière et potentiellement en violation des mêmes règles du droit de l’Union et arrêts de la Cour, car il est peu probable que de nombreuses évolutions surviennent durant le mois suivant le prononcé de cette décision
juridictionnelle ( 45 ).
94. D’autre part, sa nature de réexamen est tout aussi discutable. Le délai d’introduction d’une demande de révision est calculé à compter de la date de la décision initiale, et non de la date de l’apparition du nouvel élément permettant de demander la révision, à savoir un nouvel arrêt de la Cour. De fait, l’exigence d’effectivité devrait être interprétée comme imposant une obligation de fixer un délai raisonnable ( 46 ), ce qui a une incidence non seulement sur la longueur du délai, mais également
sur le point de départ de celui-ci. En outre, le fait que l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 contenait initialement des règles sur les délais qui étaient incompréhensibles ( 47 ), puis, jusqu’à ce que l’ICCJ rende l’arrêt no 45/2016, ne prévoyait apparemment aucun délai, accentue tout simplement la confusion ( 48 ). Le droit à une protection juridictionnelle effective requiert que les limitations au droit d’accès à un tribunal, telles que celles dues aux délais, soient claires et
prévisibles ( 49 ).
95. Il semble donc que l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 puisse poser quelques obstacles au respect des exigences d’effectivité, qui sont également énoncées à l’article 47, premier alinéa, de la Charte en ce qui concerne les recours en justice. Cette disposition requiert expressément qu’il existe un « recours effectif devant un tribunal ». Par conséquent, cet article 47 comporte non seulement le droit d’accès à un tribunal ( 50 ) (au sens strict de l’accès, c’est‑à‑dire la
possibilité de saisir le tribunal), mais également l’exigence que cet accès aboutisse à un recours effectif ( 51 ) (en ce sens qu’un contrôle aura effectivement lieu), chevauchant en ce sens le principe général de protection juridictionnelle effective, également inscrit audit article 47 ( 52 ).
96. Enfin, les faits de l’espèce illustrent de manière saisissante la nature discutable de la voie de recours prévue à l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004. Même après avoir présenté trois demandes de révision sur le fondement de cette disposition, Mme Călin n’est pas parvenue à obtenir le remboursement du timbre environnemental. Il importe de souligner que cela n’est pas parce que le fond de son affaire lui était défavorable. Dans son cas, la seule décision sur le fond qui a été
adoptée sur révision lui a donné gain de cause. Elle a été privée du bénéfice de cette constatation par la (non-)application du délai du recours en révision. Par ailleurs, cette affaire montre aussi que cette voie de recours empiète considérablement sur les principes de sécurité juridique et de stabilité du droit et des rapports juridiques, dont l’importance a elle aussi été clairement exprimée dans la jurisprudence de la Cour ( 53 ).
D. Les autres solutions
97. On dit souvent que l’enfer est pavé de bonnes intentions. Force est de louer l’intention apparente du législateur national d’assurer la mise en œuvre effective du droit de l’Union au niveau national. Toutefois, il est, de fait, discutable que les moyens choisis pour atteindre cet objectif soient optimaux. Des litiges sans fin tournant perpétuellement en boucle au fil de réexamens ne peuvent guère contribuer à l’effectivité du droit de l’Union.
98. Si le juge national, qui connaît parfaitement le droit national et sa procédure, parvient à la conclusion que l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 ne satisfait pas à l’exigence d’effectivité telle qu’exposée dans la section précédente, le problème des autres solutions permettant d’obtenir le remboursement des taxes et prélèvements perçus en violation du droit de l’Union se pose avec une importance nouvelle. Pour aider le juge national, je souhaite ajouter les observations finales
suivantes.
99. Il peut être utile de relever d’emblée que l’obligation de ne pas prélever de taxes telles que celle en cause au principal a été établie par la jurisprudence de la Cour de longue date concernant non seulement la Roumanie ( 54 ), mais également d’autres États membres ( 55 ). Sous cet angle, on pourrait affirmer que le débat sur le point de savoir si l’obligation de restituer la taxe en cause est née à la suite des arrêts de la Cour dans l’affaire Manea (C‑76/14, EU:C:2015:216) ou dans l’affaire
Budişan (C‑586/14, EU:C:2016:421), et à compter duquel de ces deux arrêts l’obligation de réexamen commencerait à exister, semble quelque peu artificiel.
100. Cela étant dit, je souhaite également souligner que l’ordre juridique de l’Union européenne prévoit déjà des moyens d’obtenir satisfaction pour le cas où les États membres méconnaissent l’obligation de ne pas prélever de telles taxes, moyens qui assurent peut-être en eux‑mêmes un équilibre plus subtil entre le principe de sécurité juridique et l’exigence d’une mise en œuvre effective du droit de l’Union.
101. En premier lieu, une obligation générale incombe aux autorités administratives, en particulier aux autorités fiscales, en tant qu’autorités d’un État membre, de restituer les taxes indument perçues. Je considère qu’une telle possibilité ne dépend pas nécessairement de l’existence d’une décision juridictionnelle nationale réexaminant ou annulant une décision définitive antérieure imposant le paiement d’un tel prélèvement. Le droit national peut naturellement prévoir la restitution (dans certains
cas, pour certains types de paiements préalablement perçus) sans exiger que la décision juridictionnelle qui a initialement établi l’obligation de payer la taxe soit préalablement annulée. De même, satisfaire à l’obligation de remboursement au niveau administratif ne requiert pas nécessairement que les autorités administratives réexaminent la décision administrative initiale, dans la mesure où le droit national permet simplement d’adopter une nouvelle décision administrative reconnaissant le
droit d’obtenir la restitution de la taxe indument perçue.
102. En deuxième lieu, même si le législateur national se refusait la compétence originelle de décider des paiements effectués sur les fonds publics, ce qui serait pour le moins surprenant, il serait en tout état de cause toujours possible de réexaminer les décisions administratives originales adoptées dans les cas individuels, dans les conditions définies par la Cour dans l’arrêt Kühne & Heitz ( 56 ).
103. En troisième lieu, une personne se trouvant dans la situation de Mme Călin a également la possibilité d’intenter une action en responsabilité contre l’État membre qui n’a pas remboursé la taxe indument perçue.
104. À cet égard, dans l’ordonnance de renvoi, la juridiction de renvoi indique que la demande de révision était, à l’époque des faits, la seule voie procédurale ouverte à Mme Călin. Cependant, dans ses observations écrites, le gouvernement roumain affirme, quant à lui, que Mme Călin a toujours la possibilité d’intenter une action en responsabilité de l’État.
105. La Cour a récemment rappelé que « le principe de l’autorité de la chose jugée ne s’oppose pas à la reconnaissance du principe de la responsabilité de l’État du fait de la décision d’une juridiction statuant en dernier ressort [...]. En effet, en raison, notamment, de la circonstance qu’une violation des droits tirés du droit de l’Union par une telle décision ne peut normalement plus faire l’objet d’un redressement, les particuliers ne sauraient être privés de la possibilité d’engager la
responsabilité de l’État afin d’obtenir par ce moyen une protection juridique de leurs droits» ( 57 ).
106. Il apparaît donc clairement qu’une action en responsabilité de l’État ne requiert pas de décision nationale annulant officiellement la décision juridictionnelle définitive antérieure empêchant la restitution de la taxe indument perçue ( 58 ). Toutefois, ce qui est légèrement moins clair, c’est la question de savoir si une action en responsabilité de l’État est seulement possible pour autant qu’une décision juridictionnelle définitive ait été rendue par une juridiction statuant en dernier
ressort, c’est-à-dire une juridiction dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours ordinaire ( 59 ).
107. À mon sens, dans le cadre des actions en responsabilité de l’État, l’exigence que la juridiction ayant prétendument enfreint le droit de l’Union soit celle statuant en dernier ressort est sans nul doute pleinement justifiée lorsque la violation alléguée du droit de l’Union est une violation de l’obligation, imposée à ces juridictions par l’article 267, troisième alinéa, TFUE, d’effectuer un renvoi préjudiciel ( 60 ).
108. Cependant, j’estime que la question de savoir si la même exigence peut être imposée dans d’autres cas, en particulier lorsque la violation alléguée est une violation suffisamment caractérisée d’une disposition du droit de l’Union, reste ouverte.
109. Une lecture littérale de la jurisprudence de la Cour semble laisser entendre qu’une telle exigence s’imposerait effectivement en matière de responsabilité de l’État en raison d’une faute commise par une juridiction. Il convient toutefois de rappeler que ces constatations s’inscrivent dans le contexte d’affaires relatives à la violation alléguée de l’obligation de renvoi préjudiciel en vertu de l’article 267, troisième alinéa, TFUE ( 61 ). Ainsi, l’illégalité alléguée (la faute) elle-même
consistait en partie ( 62 ) dans l’absence de renvoi à la Cour. Toutefois, cela exclurait‑il aussi automatiquement la responsabilité des autres juridictions nationales pour les violations du droit de l’Union autres que (ou commises indépendamment de) l’obligation de renvoi ( 63 ) ?
110. Selon moi, si la violation alléguée du droit de l’Union ne consiste pas, en tout ou partie, dans l’absence de renvoi préjudiciel par une juridiction ayant cette obligation en vertu de l’article 267, troisième alinéa, TFUE, mais dans la violation d’une autre disposition du droit de l’Union, il est possible que la nature de l’illégalité ne requière pas nécessairement l’épuisement de toutes les voies de recours nationales avant qu’une action en responsabilité de l’État puisse être intentée ( 64 ).
V. Conclusion
111. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre à la question posée par la Curtea de Apel Ploieşti (cour d’appel de Ploiești, Roumanie) comme suit :
L’exigence d’équivalence doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose, dans des circonstances telles que celles du litige au principal, à une législation nationale, telle qu’interprétée par la jurisprudence nationale, en vertu de laquelle le délai pour l’introduction d’une demande de révision d’une décision juridictionnelle définitive enfreignant le droit de l’Union est d’un mois et court à compter de la date de notification de la décision juridictionnelle définitive faisant l’objet de la
révision. En revanche, l’exigence d’effectivité et l’article 47, premier alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne peuvent s’opposer à une voie de recours qui, tout en empiétant considérablement sur les principes de sécurité juridique et de l’autorité de la chose jugée, n’offre pas de moyen effectif d’atteindre les objectifs qu’elle poursuit. Il appartient à la juridiction de renvoi de définir ces objectifs et d’établir si la voie de recours en cause au principal y
répond.
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( 1 ) Langue originale : l’anglais.
( 2 ) Monitorul Oficial al României, partie I, no 485 du 15 juillet 2010, tel que modifié ultérieurement.
( 3 ) Monitorul Oficial al României, partie I, no 1154 du 7 décembre 2004.
( 4 ) Monitorul Oficial al României, partie I, no 70 du 27 janvier 2011.
( 5 ) Monitorul Oficial al României, partie I, no 916 du 22 décembre 2011.
( 6 ) Monitorul Oficial al României, partie I, no 61 du 29 janvier 2013.
( 7 ) Monitorul Oficial al României, partie I, no 386 du 23 mai 2017.
( 8 ) Monitorul Oficial al României, partie I, no 119 du 4 mars 2013.
( 9 ) Voir points 12 et 13 des présentes conclusions.
( 10 ) Pour un exemple récent, voir arrêt du 24 octobre 2018, XC e.a. (C‑234/17, EU:C:2018:853, point 16).
( 11 ) Arrêt du 6 octobre 2015, Târşia (C‑69/14, EU:C:2015:662, point 13).
( 12 ) Points 7 à 13 des présentes conclusions.
( 13 ) Voir, notamment, Cour EDH, 13 février 2003, Refah Partisi (parti de la prospérité) et autres c. Turquie (CE:ECHR:2003:0213JUD004134098, § 57) ; Cour EDH, 9 juillet 2009, Mooren c. Allemagne (CE:ECHR:2009:0709JUD001136403, § 76) ou Cour EDH, 21 octobre 2013, Del Río Prada c. Espagne (CE:ECHR:2013:1021JUD004275009, § 125).
( 14 ) Récemment, voir, par exemple, arrêt du 15 mars 2017, Al Chodor (C‑528/15, EU:C:2017:213, points 42 à 44).
( 15 ) Bien que la mesure dans laquelle la juridiction de renvoi était liée par l’interprétation donnée par l’ICCJ lorsqu’elle a statué sur la deuxième demande de révision en janvier 2017 soit discutable, cette juridiction est indubitablement liée par cette décision maintenant qu’elle statue sur la troisième demande. Je suppose que cela vaudrait à présent pour toutes les autres juridictions roumaines.
( 16 ) Arrêt du 6 octobre 2015, Târşia (C‑69/14, EU:C:2015:662).
( 17 ) Il semble en effet que le principe de coopération loyale constitue un principe général, dont les exigences d’équivalence et d’effectivité sont des expressions plus spécifiques : voir, en ce sens, arrêts du 27 juin 2013, Agrokonsulting-04 (C‑93/12, EU:C:2013:432, point 36) ; du 19 octobre 2017, Raimund (C‑425/16, EU:C:2017:776, point 41) ; et du 24 octobre 2018, XC e.a. (C‑234/17, EU:C:2018:853, point 22).
( 18 ) Arrêt du 6 octobre 2015, Târşia (C‑69/14, EU:C:2015:662).
( 19 ) À savoir les articles 17, 20, 21 et 47 de la Charte, l’article 6 TUE, l’article 110 TFUE et le principe de sécurité juridique.
( 20 ) Arrêt du 6 octobre 2015, Târşia (C‑69/14, EU:C:2015:662, point 41).
( 21 ) Arrêt du 6 octobre 2015, Târşia (C‑69/14, EU:C:2015:662, points 24 et 25 ainsi que jurisprudence citée).
( 22 ) Arrêt du 6 octobre 2015, Târşia (C‑69/14, EU:C:2015:662, points 26 et 27 ainsi que jurisprudence citée).
( 23 ) Arrêt du 1er juin 1999, Eco Swiss (C‑126/97, EU:C:1999:269, point 46).
( 24 ) Arrêts du 10 juillet 2014, Impresa Pizzarotti (C‑213/13, EU:C:2014:2067, point 54) et du 24 octobre 2018, XC e.a. (C‑234/17, EU:C:2018:853, point 21).
( 25 ) Arrêt du 6 octobre 2015, Târşia (C‑69/14, EU:C:2015:662, points 28 et 29). Voir également arrêts du 30 septembre 2003, Köbler (C‑224/01, EU:C:2003:513, point 38) ; du 16 mars 2006, Kapferer (C‑234/04, EU:C:2006:178, points 20 et 21) ; et du 10 juillet 2014, Impresa Pizzarotti (C‑213/13, EU:C:2014:2067, points 58 et 59).
( 26 ) Arrêts du 10 juillet 2014, Impresa Pizzarotti (C‑213/13, EU:C:2014:2067, point 60) et du 6 octobre 2015, Târşia (C‑69/14, EU:C:2015:662, point 38).
( 27 ) Arrêts du 10 juillet 2014, Impresa Pizzarotti (C‑213/13, EU:C:2014:2067, point 62) et du 6 octobre 2015, Târşia (C‑69/14, EU:C:2015:662, point 30).
( 28 ) Arrêt du 6 octobre 2015, Târşia (C‑69/14, EU:C:2015:662, point 32 et jurisprudence citée).
( 29 ) Voir arrêt du 24 octobre 2018, XC e.a. (C‑234/17, EU:C:2018:853, point 27).
( 30 ) Il ressort des observations écrites du gouvernement roumain que, en vertu de l’article 28, paragraphe 1, de la loi no 554/2004, les dispositions de cette loi sont complétées notamment par les dispositions du code de procédure civile. De plus, je note que le libellé même de l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 énonce que le motif de révision qui y est visé « s’ajoute à ceux prévus par le code de procédure civile ».
( 31 ) Voir point 7 des présentes conclusions.
( 32 ) Arrêt du 24 octobre 2018, XC e.a. (C‑234/17, EU:C:2018:853, point 27).
( 33 ) Aux points 85 à 95 des présentes conclusions.
( 34 ) La question reste ouverte, du moins pour moi, de savoir s’il faut réellement viser un arrêt précis de la Cour (comme le requiert en pratique l’interprétation de la deuxième phrase de l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 donnée par l’ICCJ) ou s’il suffit d’invoquer une violation de la primauté du droit de l’Union comme l’impose l’article 148, paragraphe 2, de la Constitution roumaine (comme l’exige la première phrase de la même disposition). À première vue, il semblerait que
l’engagement de la révision au titre de l’article 21, paragraphe 2, de la loi no 554/2004 ne se limite pas à un arrêt de la Cour. Sur le fondement de sa première phrase, d’autres motifs pourraient également être invoqués (tels que la violation d’une directive ou d’un règlement que la Cour n’a pas encore interprétés, mais avec lesquels la décision nationale faisant l’objet de la révision est prétendument incompatible).
( 35 ) Voir point 51 ainsi que points 80 à 83 des présentes conclusions.
( 36 ) Voir, par analogie, arrêt du 24 octobre 2018, XC e.a. (C‑234/17, EU:C:2018:853, point 46), relatif à un recours national permettant la répétition d’une procédure pénale clôturée par une décision nationale passée en force de chose jugée sur le fondement de la constatation ultérieure d’une violation de la CEDH.
( 37 ) Arrêt du 6 octobre 2015, Târşia (C‑69/14, EU:C:2015:662, point 38). Voir également arrêt du 10 juillet 2014, Impresa Pizzarotti (C‑213/13, EU:C:2014:2067, point 60).
( 38 ) Arrêt du 13 janvier 2004, Kühne & Heitz (C‑453/00, EU:C:2004:17, point 28).
( 39 ) Arrêt du 18 juillet 2007, Lucchini (C‑119/05, EU:C:2007:434, point 63).
( 40 ) Arrêts du 3 septembre 2009, Fallimento Olimpiclub (C‑2/08, EU:C:2009:506, point 25) et du 10 juillet 2014, Impresa Pizzarotti (C‑213/13, EU:C:2014:2067, point 61).
( 41 ) Arrêt du 24 octobre 2018, XC e.a. (C‑234/17, EU:C:2018:853, point 51).
( 42 ) Arrêts du 10 juillet 2014, Impresa Pizzarotti (C‑213/13, EU:C:2014:2067, point 62) et du 6 octobre 2015, Târşia (C‑69/14, EU:C:2015:662, point 30).
( 43 ) Arrêts du 30 septembre 2003, Köbler (C‑224/01, EU:C:2003:513, point 38) ; du 16 mars 2006, Kapferer (C‑234/04, EU:C:2006:178, point 20) ; du 10 juillet 2014, Impresa Pizzarotti (C‑213/13, EU:C:2014:2067, point 58), ou du 6 octobre 2015, Târşia (C‑69/14, EU:C:2015:662, point 28). Mise en italique par mes soins.
( 44 ) Aux points 49, 50 et 80 ci-dessus.
( 45 ) Il convient de souligner que, en règle générale, un premier « autocontrôle » est certainement possible si, en cas de décision négative, l’affaire est portée devant une autre juridiction, ou du moins latéralement devant un autre juge. Si toutefois tous les éléments de l’instance précédente demeurent en pratique identiques, force est de répéter le bon mot déjà utilisé dans un autre contexte : « la folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent » [voir mes
conclusions dans l’affaire El Hassani (C‑403/16, EU:C:2017:659, point 66 et note 17)].
( 46 ) Voir, à titre d’exemple, arrêt du 12 février 2008, Kempter (C‑2/06, EU:C:2008:78, points 58 et 59) ou du 19 septembre 2006, i-21 Germany et Arcor (C‑392/04 et C‑422/04, EU:C:2006:586, points 58 et 59).
( 47 ) Voir point 8 ci-dessus.
( 48 ) Point 35 et 37 ci-dessus.
( 49 ) Voir également, en ce sens, ordonnance du 16 novembre 2010, Internationale Fruchtimport Gesellschaft Weichert/Commission (C‑73/10 P, EU:C:2010:684, point 56).
( 50 ) Voir arrêt du 6 novembre 2012, Otis e.a. (C‑199/11, EU:C:2012:684, point 48).
( 51 ) Arrêt du 6 octobre 2015, Orizzonte Salute (C‑61/14, EU:C:2015:655, point 48).
( 52 ) Arrêt du 16 mai 2017, Berlioz Investment Fund (C‑682/15, EU:C:2017:373, point 54).
( 53 ) Arrêts du 30 septembre 2003, Köbler (C‑224/01, EU:C:2003:513, point 38) ; du 16 mars 2006, Kapferer (C‑234/04, EU:C:2006:178, point 20) ; du 10 juillet 2014, Impresa Pizzarotti (C‑213/13, EU:C:2014:2067, point 58), ou du 6 octobre 2015, Târşia (C‑69/14, EU:C:2015:662, point 28).
( 54 ) Pour la première fois dans l’arrêt du 7 avril 2011, Tatu (C‑402/09, EU:C:2011:219).
( 55 ) Voir, notamment, arrêt du 5 octobre 2006, Nádasdi et Németh (C‑290/05 et C‑333/05, EU:C:2006:652) (concernant la Hongrie) ou du 18 janvier 2007, Brzeziński (C‑313/05, EU:C:2007:33) (concernant la République de Pologne).
( 56 ) Arrêt du 13 janvier 2004, Kühne & Heitz (C‑453/00, EU:C:2004:17, point 28).
( 57 ) Arrêt du 24 octobre 2018, XC e.a. (C‑234/17, EU:C:2018:853, point 58).
( 58 ) Pas plus qu’elle ne requiert au préalable une décision préjudicielle de la Cour établissant l’existence d’une violation du droit de l’Union dans ce cas particulier : voir arrêt du 26 janvier 2010, Transportes Urbanos y Servicios Generales (C‑118/08, EU:C:2010:39, point 38).
( 59 ) Voir conclusions de l’avocat général Wahl dans l’affaire Tomášová (C‑168/15, EU:C:2016:260, points 37 à 48) ainsi que l’arrêt du 28 juillet 2016, Tomášová (C‑168/15, EU:C:2016:602, points 20 et 21).
( 60 ) Arrêt du 30 septembre 2003, Köbler (C‑224/01, EU:C:2003:513, points 35 et 36).
( 61 ) Arrêts du 30 septembre 2003, Köbler (C‑224/01, EU:C:2003:513) ; du 13 juin 2006, Traghetti del Mediterraneo (C‑173/03, EU:C:2006:391), et du 6 octobre 2015, Târşia (C‑69/14, EU:C:2015:662, point 40).
( 62 ) Dès lors que cette illégalité va normalement de pair avec une autre violation des règles du droit de l’Union applicables, ce qui laisse en substance entendre que la juridiction nationale, en concluant à une interprétation donnée du droit de l’Union sans saisir la Cour d’un renvoi préjudiciel alors qu’elle statue en dernier ressort, a commis une violation (suffisamment caractérisée) du droit de l’Union.
( 63 ) On pourrait simplement observer qu’un certain nombre de systèmes nationaux de responsabilité de l’État pour violation commise par une juridiction requiert que l’illégalité revête une certaine gravité, mais non, en même temps et par défaut, l’épuisement de toutes les voies de recours. Dans certains cas, il est possible que, pour quelque raison que ce soit, cet épuisement ne se soit pas produit, mais que la violation du droit demeure suffisamment caractérisée pour entraîner la responsabilité de
l’État. À titre d’exemple, on peut imaginer une décision d’une juridiction de première instance obtenue par fraude ou par corruption et contre laquelle la partie lésée n’a pas intenté de recours parce qu’elle ignorait cette circonstance à l’époque. Si, toutefois, cette partie prend connaissance du fait de corruption par la suite, peut-être même après l’expiration du délai objectif de réexamen, la responsabilité de l’État serait-elle exclue si cette décision enfreignait aussi le droit de l’Union ? De
même, qu’en serait-il d’une décision administrative définitive qui n’aurait pas été contestée en justice mais qui se fonderait sur une législation nationale dont l’incompatibilité avec le droit de l’Union serait constatée ultérieurement ? Une partie invoquant un préjudice subi en raison de cette décision administrative serait-elle privée du droit d’intenter une action en responsabilité de l’État au motif qu’elle n’a pas formé de recours en justice contre cette décision, si la décision administrative
était elle-même définitive ?
( 64 ) Toutes les conditions de la responsabilité de l’État demeurant bien évidemment les mêmes : voir, notamment, arrêt du 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et Factortame (C‑46/93 et C‑48/93, EU:C:1996:79, point 51) et du 30 septembre 2003, Köbler (C‑224/01, EU:C:2003:513, point 51).