CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
MME ELEANOR SHARPSTON
présentées le 27 septembre 2018 ( 1 )
Affaire C‑345/17
Sergejs Buivids
contre
Datu valsts inspekcija
[demande de décision préjudicielle
formée par l’Augstākā tiesa (Cour suprême, Lettonie)]
« Renvoi préjudiciel – Champ d’application de la directive 95/46/CE – Filmage d’agents de police dans l’exercice de leurs fonctions dans un commissariat de police et publication de la vidéo sur des sites Internet – Traitement de données à caractère personnel et liberté d’expression – Article 9 de la directive 95/46/CE »
1. La présente demande de décision préjudicielle, formée par l’Augstākā tiesa (Cour suprême, Lettonie), concerne le filmage d’agents de police dans l’exercice de leurs fonctions dans un commissariat de police et la publication sur des sites Internet de cet enregistrement vidéo. La juridiction de renvoi demande à la Cour de l’éclairer sur le champ d’application de la directive 95/46/CE relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la
libre circulation de ces données ( 2 ) et sur l’interprétation de l’exemption prévue à l’article 9 de cette directive (l’exception relative au traitement des données réalisé aux « fins de journalisme »).
Le droit de l’Union
La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne
2. Le droit au respect de la vie privée et familiale d’une personne est garanti par l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte ») ( 3 ). Au titre de l’article 8, « [t]oute personne a droit à la protection des données à caractère personnel la concernant. Ces données doivent être traitées loyalement, à des fins déterminées et sur la base du consentement de la personne concernée ou en vertu d’un autre fondement légitime prévu par la loi. Toute personne
a le droit d’accéder aux données collectées la concernant et d’en obtenir la rectification ». En vertu de l’article 11, toute personne a droit à la liberté d’expression, qui comprend le droit de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques ( 4 ).
3. L’article 52, paragraphe 3, prévoit que, dans la mesure où la Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la CEDH, leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention.
La directive 95/46
4. Les objectifs suivants sont énumérés dans les considérants de la directive 95/46 :
« […] doit être exclu le traitement de données effectué par une personne physique dans l’exercice d’activités exclusivement personnelles ou domestiques, telles la correspondance et la tenue de répertoires d’adresses ;
[…]
[…] compte tenu de l’importance du développement en cours, dans le cadre de la société de l’information, des techniques pour capter, transmettre, manipuler, enregistrer, conserver ou communiquer les données constituées par des sons et des images, relatives aux personnes physiques, la [directive 95/46] est appelée à s’appliquer aux traitements portant sur ces données ;
[…]
[…] les traitements des données constituées par des sons et des images, tels que ceux de vidéo-surveillance, ne relèvent pas du champ d’application de la [directive 95/46] s’ils sont mis en œuvre à des fins de sécurité publique, de défense, de sûreté de l’État ou pour l’exercice des activités de l’État relatives à des domaines du droit pénal ou pour l’exercice d’autres activités qui ne relèvent pas du champ d’application du droit [de l’Union] ;
[…] pour ce qui est des traitements de sons et d’images mis en œuvre à des fins de journalisme ou d’expression littéraire ou artistique, notamment dans le domaine audiovisuel, les principes de la [directive 95/46] s’appliquent d’une manière restreinte selon les dispositions prévues à l’article 9 ;
[…]
[…] le traitement de données à caractère personnel à des fins de journalisme ou d’expression artistique ou littéraire, notamment dans le domaine audiovisuel, doit bénéficier de dérogations ou de limitations de certaines dispositions de la [directive 95/46] dans la mesure où elles sont nécessaires à la conciliation des droits fondamentaux de la personne avec la liberté d’expression, et notamment la liberté de recevoir ou de communiquer des informations, telle que garantie notamment à l’article 10
de la [CEDH] ; […] il incombe donc aux États membres, aux fins de la pondération entre les droits fondamentaux, de prévoir les dérogations et limitations nécessaires en ce qui concerne les mesures générales relatives à la légalité du traitement des données […]» ( 5 ).
5. Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 95/46, les États membres « assurent […] la protection des libertés et droits fondamentaux des personnes physiques, notamment de leur vie privée, à l’égard du traitement des données à caractère personnel ».
6. L’article 2 de la directive 95/46 prévoit les définitions suivantes :
« a) “données à caractère personnel” : toute information concernant une personne physique identifiée ou identifiable (personne concernée) ; est réputée identifiable une personne qui peut être identifiée, directement ou indirectement, notamment par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments spécifiques, propres à son identité physique, physiologique, psychique, économique, culturelle ou sociale ;
b) “traitement de données à caractère personnel” (traitement) : toute opération ou ensemble d’opérations effectuées ou non à l’aide de procédés automatisés et appliquées à des données à caractère personnel, telles que la collecte, l’enregistrement, l’organisation, la conservation, l’adaptation ou la modification, l’extraction, la consultation, l’utilisation, la communication par transmission, diffusion ou toute autre forme de mise à disposition, le rapprochement ou l’interconnexion, ainsi que le
verrouillage, l’effacement ou la destruction ;
[…]
d) “responsable du traitement” : la personne physique ou morale, l’autorité publique, le service ou tout autre organisme qui, seul ou conjointement avec d’autres, détermine les finalités et les moyens du traitement de données à caractère personnel ; […] »
7. L’article 3 de la directive 95/46 circonscrit le champ d’application de celle‑ci comme suit :
« 1. La [directive 95/46] s’applique au traitement de données à caractère personnel, automatisé en tout ou en partie, ainsi qu’au traitement non automatisé de données à caractère personnel contenues ou appelées à figurer dans un fichier.
2. La [directive 95/46] ne s’applique pas au traitement de données à caractère personnel :
– mis en œuvre pour l’exercice d’activités qui ne relèvent pas du champ d’application du droit [de l’Union], telles que celles prévues aux titres V et VI du traité sur l’Union européenne, et, en tout état de cause, aux traitements ayant pour objet la sécurité publique, la défense, la sûreté de l’État (y compris le bien-être économique de l’État lorsque ces traitements sont liés à des questions de sûreté de l’État) et les activités de l’État relatives à des domaines du droit pénal,
– effectué par une personne physique pour l’exercice d’activités exclusivement personnelles ou domestiques. »
8. Le chapitre II est intitulé « Conditions générales de licéité des traitements de données à caractère personnel ». En application de l’article 6, paragraphe 1, les États membres prévoient que les données à caractère personnel doivent être traitées conformément aux conditions cumulatives qui y sont énumérées. L’une d’elles requiert que les données ne peuvent être collectées que pour des finalités déterminées, explicites et légitimes ( 6 ). En vertu de l’article 6, paragraphe 2, il incombe au
responsable du traitement d’assurer le respect des conditions prévues à l’article 6, paragraphe 1.
9. L’article 7 de la directive 95/46 énonce les principes relatifs à la légitimation des traitements de données, dont celui qui veut que le traitement de données à caractère personnel ne peut être effectué que s’il est nécessaire à la réalisation de l’intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement ou par le ou les tiers auxquels les données sont communiquées, pour autant que ne prévalent pas les droits et libertés fondamentaux de la ou des personnes concernées qui sont protégés par
l’article 1er, paragraphe 1, de cette directive ( 7 ).
10. Aux termes de l’article 9, intitulé « Traitements de données à caractère personnel et liberté d’expression » (et figurant dans le chapitre II de la directive 95/46), « [l]es États membres prévoient, pour les traitements de données à caractère personnel effectués aux seules fins de journalisme ou d’expression artistique ou littéraire, des exemptions et dérogations au [chapitre II], au chapitre IV et au chapitre VI dans la seule mesure où elles s’avèrent nécessaires pour concilier le droit à la
vie privée avec les règles régissant la liberté d’expression ».
11. L’article 13 de la directive 95/46 prévoit que les États membres peuvent prendre des mesures visant à limiter la portée des obligations et des droits prévus, entre autres, à l’article 6, paragraphe 1, de cette directive lorsqu’une telle limitation est nécessaire pour sauvegarder certains intérêts, tels que la sûreté de l’État, la défense ou la sécurité publique.
Le droit letton
12. La juridiction de renvoi expose que l’objectif de la législation lettonne en cause est de protéger les droits et libertés fondamentaux des personnes physiques et, en particulier, le droit à la vie privée pour ce qui est du traitement des données à caractère personnel qui les concernent. Au titre de l’article 3, paragraphe 3, de la Fizisko personu datu aizsardzības likums (loi sur la protection des données des personnes physiques, ci-après la « loi sur la protection des données à caractère
personnel »), les règles nationales ne s’appliquent pas au traitement des données à caractère personnel qui est effectué par des personnes physiques à des fins personnelles ou domestiques et dans le cadre duquel, en outre, les données personnelles ne sont pas divulguées à des tiers.
13. Conformément à la loi précitée, par « données à caractère personnel », on entend toute information concernant une personne physique identifiée ou identifiable. Par le « traitement de données à caractère personnel », on entend toute opération appliquée à des données à caractère personnel, telle que la collecte, l’enregistrement, l’introduction, la conservation, l’organisation, la modification, l’utilisation, le transfert, la transmission des données, ainsi que leur diffusion, verrouillage ou
effacement.
14. L’article 5 de la loi sur la protection des données à caractère personnel prévoit une exception aux règles qu’elle établit dans le cas où les données à caractère personnel sont traitées à des fins de journalisme conformément à la Par presi un citiem masu informacijas lidzekliem likums (loi sur la presse et les autres médias) ou à des fins d’expression artistique ou littéraire.
Les faits, la procédure et les questions préjudicielles
15. M. Sergejs Buivids, le « responsable du traitement » dans la présente affaire, a réalisé un enregistrement vidéo, à l’intérieur d’un commissariat de police letton, de la déclaration qu’il a faite à la police dans le cadre d’une procédure administrative qui avait été intentée contre lui ( 8 ). L’enregistrement vidéo permet de voir les locaux de la police et un certain nombre de policiers en train d’exercer leurs fonctions. Y est filmé l’entretien que M. Buivids a eu avec les policiers pendant que
ceux-ci vaquaient à certaines fonctions administratives : on peut entendre tant M. Buivids que les policiers concernés, ainsi que la personne qui a accompagné M. Buivids au commissariat. M. Buivids a publié la vidéo qui en résulte sur le site Internet www.youtube.com.
16. Par décision du 30 août 2013, la Datu valsts inspekcija (autorité de la protection des données, Lettonie) a considéré que M. Buivids avait violé les règles nationales en matière de protection des données à caractère personnel (article 8, paragraphe 1, de la loi sur la protection des données à caractère personnel), parce qu’il n’avait pas informé les agents de police (les personnes concernées), conformément à ces règles, du but poursuivi par le filmage. Il n’a pas non plus fourni à l’autorité de
la protection des données la moindre information sur le but du filmage et de la publication de l’enregistrement vidéo sur un site Internet, aux fins de démontrer que son objectif, en réalisant le film et en le publiant, remplissait les conditions requises par les règles nationales pertinentes. L’autorité de la protection des données a donc enjoint M. Buivids de retirer la vidéo concernée du site YouTube, ainsi que des autres sites Internet où elle avait été publiée.
17. M. Buivids a intenté une procédure devant l’administratīvā rajona tiesa (tribunal administratif de district, Lettonie), qui a rejeté son recours. Il a alors interjeté appel devant l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale, Lettonie) pour faire déclarer illégale la décision du 30 août 2013 et être indemnisé du préjudice qu’il avait subi à la suite de cette décision. À l’appui de son recours, il a soutenu que, par cette vidéo, il avait entendu attirer l’attention de la société
sur ce qui constituait, selon lui, un comportement illégal de la part de la police. Il n’y a rien dans la décision de renvoi qui indique que M. Buivids ait identifié les actes qui constituaient le comportement illégal allégué.
18. L’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale) a rejeté le recours de M. Buivids pour les motifs qui suivent. Premièrement, il a été considéré comme un fait que la vidéo de M. Buivids permettait d’identifier les personnes concernées. Deuxièmement, il a été considéré que M. Buivids n’avait pas réalisé la vidéo à des fins de journalisme selon les règles du droit letton. En filmant, sur leur lieu de travail, des policiers vaquant à leurs fonctions et en ne les informant pas du but
spécifique du traitement des données à caractère personnel concernées, M. Buivids ne s’est pas conformé à l’article 5 de la loi sur la protection des données à caractère personnel et a méconnu l’article 8, paragraphe 1, de cette loi. Troisièmement, puisque la façon dont M. Buivids avait procédé au traitement de données à caractère personnel était illégale, l’autorité de la protection des données lui a enjoint de retirer la vidéo des sites Internet où il l’avait publiée et cette injonction était
tant légitime que proportionnée. Enfin, M. Buivids n’ayant pas indiqué l’objectif qu’il poursuivait en publiant la vidéo, il n’y avait aucune contrariété manifeste entre son droit à la libre expression et le droit à la vie privée des personnes concernées. De surcroît, la vidéo ne communiquait pas au public des informations d’actualité ni ne révélait le moindre comportement illégal de la part de la police.
19. M. Buivids s’est pourvu en cassation contre cette décision devant la juridiction de renvoi. Cette dernière observe que la présente affaire concerne un seul enregistrement vidéo, qui montre des policiers vaquant à leurs fonctions pendant qu’ils agissent en qualité de représentants des autorités publiques. Elle n’est pas certaine que les actes de M. Buivids relèvent du champ d’application de la directive 95/46 et que l’exception prévue à l’article 9 de celle-ci quant au traitement à des fins de
journalisme est applicable à l’expression d’une opinion personnelle sur le travail de la police et à la diffusion, sur le site Internet www.youtube.com, d’un enregistrement vidéo montrant des agents de police dans l’exercice de leurs fonctions. La juridiction de renvoi pose donc à la Cour les questions suivantes :
« 1) Les actions telles qu’en cause dans la présente affaire (filmer des membres de la police dans un commissariat de police pendant l’exécution d’actes de nature procédurale et publier la vidéo ainsi enregistrée sur le site Internet www.youtube.com) relèvent-elles du champ d’application de la directive 95/46 ?
2) Convient-il d’interpréter la directive 95/46 en ce sens que les actions susmentionnées peuvent être considérées comme un traitement de données à caractère personnel aux fins de journalisme au sens de l’article 9 de la directive ? »
20. Des observations écrites ont été déposées par M. Buivids, par les gouvernements letton, tchèque, italien, autrichien, polonais et portugais, ainsi que par la Commission européenne. M. Buivids, le gouvernement letton et la Commission ont assisté à l’audience du 21 juin 2018, de même que le gouvernement suédois, qui n’a pas déposé d’observations écrites.
Sur la première question préjudicielle
21. Par la première question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande si une personne qui filme des policiers dans l’exercice de leurs fonctions et qui publie cette vidéo par la suite sur un site Internet, tel que YouTube, relève du champ d’application de la directive 95/46.
22. M. Buivids, les gouvernements tchèque, italien, polonais et portugais et la Commission soutiennent que ces actes relèvent du champ d’application de la directive 95/46. Les gouvernements letton et autrichien soutiennent le contraire.
23. Il me semble que des activités telles celles que M. Buivids a entreprises relèvent effectivement du champ d’application de la directive 95/46.
24. Un enregistrement vidéo de policiers dans l’exercice de leurs fonctions, réalisé dans les locaux de la police, relève des termes de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 95/46 dans la mesure où il constitue un traitement automatisé en tout ou en partie de données à caractère personnel. La Cour a déjà jugé que, conformément à l’article 2, sous a), de la directive 95/46, la notion de « donnée à caractère personnel » englobe l’image d’une personne enregistrée par une caméra ( 9 ). Il découle
de l’article 2, sous b), de la directive 95/46 que, en principe, un enregistrement vidéo constitue un « traitement de données à caractère personnel », en ce qu’il relève de la notion de « toute opération ou [tout] ensemble d’opérations […] appliquées à des données à caractère personnel, telles que la collecte, l’enregistrement, […] la conservation» ( 10 ). La Cour a déjà jugé que l’opération consistant à faire figurer, sur une page Internet, des données à caractère personnel constitue un
traitement au sens de l’article 2, sous b), de la directive 95/46 ( 11 ).
25. La publication d’un tel enregistrement vidéo sur un site Internet relève donc clairement de la notion de « traitement » de données à caractère personnel prévu à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 95/46 ( 12 ).
26. Ma lecture de l’article 2, sous a) et b), lu conjointement avec l’article 3, paragraphe 1, est cohérente avec les objectifs de la directive 95/46, celle-ci exposant qu’elle est appelée à s’appliquer, entre autres, à l’enregistrement, à la conservation, ou à la communication de données constituées par des sons et des images relatives aux personnes physiques ( 13 ). Si le considérant 16 indique que le champ d’application de la directive doit être restreint pour ce qui est du traitement, par les
pouvoirs publics, de données constituées par des sons et des images « mis en œuvre à des fins de sécurité publique, de défense, de sûreté de l’État ou pour l’exercice des activités de l’État relatives à des domaines du droit pénal ou pour l’exercice d’autres activités qui ne relèvent pas du champ d’application du droit [de l’Union] », il s’ensuit a contrario que le législateur de l’Union a considéré que, cela mis à part, la directive 95/46 devait couvrir les enregistrements vidéo ( 14 ).
27. Le gouvernement autrichien estime que des activités telles celles que M. Buivids a entreprises échappent au champ d’application de la directive 95/46. Elle observe que la décision de renvoi précise que, en droit letton, dans l’exercice de leurs fonctions, les fonctionnaires restent en dehors du champ d’application du droit à la vie privée pour ce qui est du traitement de données à caractère personnel, et ce en raison du fait que les fonctionnaires doivent accepter que, dans l’exercice de leurs
fonctions, ils opèrent dans la sphère publique et que leurs actes peuvent faire l’objet d’un examen approfondi.
28. Je ne saurais souscrire à cette argumentation.
29. Le texte de la directive 95/46 ne contient aucune exception expresse excluant de son champ d’application des fonctionnaires tels que les policiers. Un objectif de cet ordre n’apparaît pas davantage dans le préambule de la directive 95/46.
30. De surcroît, la directive 95/46 doit être interprétée dans le respect des droits fondamentaux. En matière du droit au respect de la vie privée et familiale (article 7 de la Charte) et du droit à la protection des données à caractère personnel (article 8 de la Charte), qui émane du droit plus général à la vie privée, les fonctionnaires sont en principe protégés de la même manière que les autres personnes physiques ( 15 ). Considérer le contraire pourrait, en effet, aboutir à des conséquences
préjudiciables, car cela rendrait les fonctionnaires vulnérables quant au respect de leurs droits à la vie privée et pourrait gêner le recrutement et la conservation du personnel dans la fonction publique.
31. Qui plus est, ainsi que la Cour l’a déclaré, les termes « vie privée » ne doivent pas être interprétés de façon restrictive et aucune raison de principe ne permet donc d’exclure les activités professionnelles ( 16 ).
32. Selon le gouvernement letton, des actes comme ceux que M. Buivids a entrepris échappent à la directive 95/46 pour quatre raisons. Premièrement, il ressort de l’interprétation littérale de l’article 3, paragraphe 1, que, pour que la directive 95/46 soit applicable, les données concernées doivent être contenues dans un fichier. La juridiction de renvoi déclare que M. Buivids a fait un seul enregistrement vidéo. Ses activités ne sauraient dès lors être considérées comme étant organisées ou
structurées pour figurer dans un fichier. Deuxièmement, il convient d’interpréter l’article 3, paragraphe 1, conformément aux objectifs de la directive 95/46, lesquels comprennent la protection du droit à la vie privée. Le lien entre cet objectif, correctement compris, et la publication sur Internet d’une seule vidéo est trop ténu. Troisièmement, les personnes montrées dans cette vidéo ne peuvent pas être identifiées sans déployer d’importants efforts. Cet enregistrement ne contient donc pas
d’« information concernant une personne physique identifiée ou identifiable » qui relève de la définition de la notion de « données à caractère personnel » contenue à l’article 2, sous a), de la directive 95/46. Enfin, il y a lieu de différencier la présente affaire de celle faisant l’objet de l’arrêt Lindqvist ( 17 ) : dans cette dernière affaire, il était possible de retrouver des données à caractère personnel publiées sur Internet en introduisant un nom ou un autre élément d’information dans
le moteur de recherche. Le gouvernement letton ajoute que la mesure prise par l’autorité de la protection des données contre M. Buivids était néanmoins fondée, parce que le champ d’application de la loi sur la protection des données à caractère personnel est plus étendu que celui de la directive 95/46.
33. Je rejette les arguments du gouvernement letton quant au champ d’application de la directive 95/46 pour les raisons qui suivent.
34. Je ne lis pas l’article 3, paragraphe 1, de la même façon que le gouvernement letton. Le texte ne dit pas que, pour l’application de la directive 95/46, il faut que les données à caractère personnel traitées en tout ou en partie de manière automatisée figurent en outre dans un fichier. Il me semble, au contraire, que l’article 3, paragraphe 1, de la directive 95/46 est d’application dans l’un comme l’autre des deux cas suivants : i) celui du traitement de données à caractère personnel,
automatisé en tout ou en partie, et ii) celui de données à caractère personnel qui ne sont pas traitées de manière automatisée mais qui sont contenues (ou appelées à figurer) dans un fichier.
35. La protection du droit à la vie privée à l’égard du traitement de données à caractère personnel est un objectif primordial de la directive 95/46. Les droits des policiers qui ont été filmés par M. Buivids sont à la base de la présente affaire. En tant que personnes physiques concernées, ces policiers sont identifiables et des informations les concernant ont été publiées. Il y a donc prima facie une méconnaissance manifeste de leurs droits fondamentaux garantis par l’article 7 et par l’article 8
de la Charte ( 18 ). Il est sans intérêt de savoir si les informations publiées présentent un caractère sensible ou si les personnes concernées ont subi d’éventuels inconvénients de ce fait ( 19 ).
36. La question de savoir si les personnes concernées sont ou non difficilement identifiables n’est pas un critère prévu par la directive 95/46 et ne saurait donc être utilisée pour déterminer si les conditions de l’article 3, paragraphe 1, sont réunies. La directive 95/46 ne requiert pas davantage que le traitement de données à caractère personnel comprenne des éléments d’information permettant de faire une recherche sur Internet, tels qu’un nom ou une adresse, pour qu’une personne puisse invoquer
que ses droits à la protection des données à caractère personnel ont été violés.
37. Pour le bon ordre, j’ajoute que, à mon sens, l’article 3, paragraphe 2, de la directive 95/46 n’est pas d’application en l’espèce. Cette disposition prévoit que la directive ne s’applique pas au traitement de données à caractère personnel « mis en œuvre pour l’exercice d’activités qui ne relèvent pas du champ d’application du droit [de l’Union] […] et, en tout état de cause, aux traitements ayant pour objet la sécurité publique, la défense, la sûreté de l’État […] et les activités de l’État
relatives à des domaines du droit pénal ». En tant qu’exception aux règles qui régissent le champ d’application de la directive, l’article 3, paragraphe 2, doit être interprété de façon restrictive ( 20 ). Les activités énumérées à titre d’exemples sont toutes des activités propres aux États ou aux autorités étatiques, qui sont étrangères aux divers domaines d’activité des particuliers. Elles sont destinées à définir la portée de l’exception prévue dans ladite disposition, de sorte que cette
exception ne s’applique qu’aux activités qui y sont ainsi expressément mentionnées ou qui peuvent être rangées dans la même catégorie (ejusdem generis) ( 21 ).
38. Les actions de M. Buivids étaient des activités d’un particulier exprimant ses opinions personnelles. Elles ne relèvent dès lors manifestement pas du premier tiret de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 95/46.
39. Pour ce qui est du second tiret de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 95/46, la Cour a jugé que cette disposition doit être interprétée au regard des objectifs énoncés au considérant 12, qui a trait à cette exception et qui mentionne, comme exemples de traitement de données effectué par une personne physique dans l’exercice d’activités exclusivement personnelles ou domestiques, la correspondance et la tenue de répertoires d’adresses. Il en découle que cette seconde exception doit être
interprétée comme visant uniquement les activités qui s’insèrent dans le cadre de la vie privée ou familiale des particuliers ( 22 ).
40. Par conséquent, le second tiret de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 95/46 ne peut pas non plus être d’application aux activités de M. Buivids. La publication de la vidéo sur Internet ne relevait en rien de sa vie privée ou familiale. Elle signifiait, au contraire, que les données étaient mises à disposition et rendues accessibles à un nombre illimité de personnes.
41. C’est pourquoi je conclus que des activités telles que le filmage et l’enregistrement de fonctionnaires en train d’exercer leurs fonctions sur leur lieu de travail et la publication par la suite de l’enregistrement vidéo sur Internet constituent un traitement automatisé en tout ou en partie de données à caractère personnel aux fins de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 95/46.
Sur la seconde question préjudicielle
42. Par la seconde question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande à la Cour si des actes comme ceux entrepris par M. Buivids doivent être considérés comme relevant de l’exception prévue à l’article 9 de la directive 95/46 pour les traitements de données effectués aux fins de journalisme.
43. Elle expose dans sa décision de renvoi que, si M. Buivids avait réalisé son enregistrement vidéo et l’avait publié aux fins de journalisme conformément aux règles nationales pertinentes, ses activités auraient été exemptées des conditions à observer, prévues à l’article 8 de la loi sur la protection des données à caractère personnel, qui imposent que le responsable du traitement informe la ou les personnes concernées, suivant la façon prévue, du but poursuivi par l’enregistrement vidéo.
44. À cet égard, j’observe qu’il incombe aux États membres, lors de la transposition de directives, telle la directive 95/46, de veiller à assurer que les règles nationales soient interprétées d’une manière qui permette de ménager un juste équilibre entre les différents droits fondamentaux protégés par l’ordre juridique de l’Union. En outre, lors de la mise en œuvre de mesures nationales de transposition des directives, il incombe aux autorités et aux juridictions des États membres non seulement
d’interpréter leur droit national d’une manière conforme auxdites directives mais également de veiller à ne pas se fonder sur une interprétation des règles nationales qui entrerait en conflit avec lesdits droits fondamentaux ou avec les autres principes généraux du droit de l’Union, tels que le principe de proportionnalité ( 23 ).
45. La Cour a déjà jugé que l’article 9 doit être interprété au regard des objectifs que la directive 95/46 poursuit et du système qu’elle institue ( 24 ). L’article 1er précise que ces objectifs incluent celui d’assurer la libre circulation des données à caractère personnel ainsi que celui de protéger les libertés et droits fondamentaux des personnes physiques, notamment de leur vie privée, à l’égard du traitement des données à caractère personnel. L’article 9 de la directive indique comment ces
deux objectifs doivent être conciliés. L’obligation de réaliser la pondération nécessaire repose sur les États membres ( 25 ).
46. La genèse de la directive 95/46 laisse apparaître qu’il faut appliquer l’exception prévue pour les traitements de données effectués aux fins de journalisme de manière restrictive. Le texte qui se trouve à présent à l’article 9 de la directive 95/46 ne figurait pas dans la proposition initiale de la Commission ( 26 ). Il a été inséré, presque cinq ans après cette proposition, à la suite d’amendements proposés par le Parlement européen en vue de clarifier que les États membres prévoient des
exemptions et dérogations dans la seule mesure où elles s’avèrent nécessaires pour concilier le droit à la vie privée avec les règles régissant la liberté d’expression ( 27 ).
47. L’article 9 peut se répartir en deux branches. La première branche impose aux États membres de prévoir des exemptions et dérogations, entre autres, aux règles générales relatives à la légalité du traitement des données à caractère personnel, telles que celles qui figurent à l’article 6 et à l’article 7 de la directive 95/46. La seconde souligne que de telles exemptions et dérogations peuvent être admises pour le traitement de données à caractère personnel aux seules fins de journalisme
uniquement dans la mesure où elles s’avèrent nécessaires pour concilier le droit à la vie privée avec les règles régissant la liberté d’expression ( 28 ).
48. La Cour a déjà précisé que, dans le contexte du droit à la liberté d’expression, la notion de « aux fins de journalisme » doit être interprétée de manière large ( 29 ), et elle a établi un certain nombre de critères à prendre en considération. Premièrement, la notion de « journalisme » ne se restreint pas aux entreprises de média mais recouvre toute personne exerçant une activité de journalisme. Deuxièmement, la question de savoir si le journalisme en cause génère un profit ne constitue pas un
élément déterminant. Troisièmement, les moyens de communication changent et évoluent : ainsi, le fait que les données soient traitées et transmises soit par des moyens traditionnels, voire anciens, tels que sur un support papier ou par les ondes hertziennes, soit par un moyen plus moderne (tel que le téléchargement sur Internet) n’est pas déterminant. Enfin, compte tenu de ces critères, les activités peuvent être qualifiées d’« activités journalistiques » si elles ont pour finalité la
divulgation d’informations, d’opinions ou d’idées au public ( 30 ).
49. Des activités telles celles qu’un particulier comme M. Buivids a entreprises relèvent-elles de la notion de « aux fins de journalisme » au sens de l’article 9 de la directive 95/46 ?
50. M. Buivids, soutenu en cela par les gouvernements portugais et suédois, fait valoir que ses actes peuvent tomber dans le champ d’application de l’article 9 et qu’il est exempté des dispositions du chapitre II de la directive 95/46. Les gouvernements tchèque et polonais rétorquent que l’article 9 ne s’applique pas en l’espèce. Les gouvernements italien et autrichien et la Commission soutiennent qu’il appartient en fin de compte à la juridiction nationale d’apprécier si l’exception prévue pour les
traitements de données effectués aux fins de journalisme s’applique ou non. Le gouvernement letton maintient que, même si les actes de M. Buivids ne relèvent pas du champ d’application de la directive 95/46, les règles nationales pertinentes sont d’application.
51. Les objectifs de la divulgation en cause sont clairement des questions de fait qui ne sont pas du ressort de la Cour. Cela étant, dans l’interprétation de l’article 9 de la directive 95/46, la Cour doit fournir à la juridiction de renvoi le cadre qui est nécessaire à celle-ci pour qu’elle puisse procéder à l’appréciation qui lui incombe. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (ci‑après la « Cour EDH ») se rapportant à l’interprétation des dispositions correspondantes de la
CEDH (l’article 8 et l’article 10) offre des points de repère utiles.
52. Ainsi, dans l’interprétation de l’article 10 de la CEDH, la Cour EDH a jugé que « la possibilité pour les individus de s’exprimer sur Internet constitue un outil sans précédent d’exercice de la liberté d’expression » et que la publication d’actualités et de commentaires sur un site Internet est une activité journalistique ( 31 ). Elle a reconnu à plusieurs reprises le rôle crucial joué par les médias s’agissant de faciliter l’exercice par le public du droit de recevoir et de communiquer des
informations et des idées et de contribuer à la réalisation de ce droit ( 32 ). Elle a aussi reconnu que la fonction consistant à créer des « plateformes pour le débat public n’est pas l’apanage de la presse [classique] » et que, « compte tenu de ce que les sites Internet contribuent grandement à améliorer l’accès du public à l’actualité et, de manière générale, à faciliter la diffusion de l’information […], la fonction des blogueurs et des utilisateurs populaires des médias sociaux peut aussi
être assimilée à celle [du rôle] de “chien de garde public” en ce qui concerne la protection offerte par l’article 10 [de la CEDH]» ( 33 ).
53. Il me paraît donc clair qu’un particulier qui se lance dans ce que l’on appelle du journalisme « citoyen » par la collecte et la communication d’informations, d’opinions ou d’idées au public peut être considéré comme traitant des données à caractère personnel aux fins de journalisme au sens de l’article 9 ( 34 ).
54. Je ne partage donc pas l’avis des gouvernements tchèque et portugais dans la mesure où elles soutiennent que le journalisme implique toujours nécessairement un degré de formalisme et de procédures ou contrôle professionnels. Même si, par le passé, cela a pu être vrai d’un point de vue générique, le progrès technologique et l’évolution des usages sociaux ne permettent plus à présent de cantonner la notion de « journalisme » au concept d’une profession réglementée ( 35 ).
55. Toutefois, cela ne signifie en aucune façon que toute divulgation d’informations relatives à une personne identifiable qu’un particulier réalise en publiant des éléments sur Internet constitue du journalisme et relève ainsi de l’exception prévue à l’article 9 de la directive 95/46. Cette disposition prévoit sans équivoque, d’une part, que l’exception pour les traitements de données effectués aux fins de journalisme ne s’applique que dans la mesure nécessaire pour concilier le droit à la vie
privée avec les règles régissant la liberté d’expression et, d’autre part, que le traitement de données à caractère personnel doit avoir lieu aux seules fins de journalisme.
56. Où faut-il alors tracer la ligne de démarcation ?
57. Je rappelle à cet égard que, selon l’article 9 de la directive 95/46, l’obligation de ménager le juste équilibre entre les deux droits fondamentaux en conflit (la protection de la vie privée et la liberté d’expression) repose entièrement sur les États membres. Cependant, la Cour peut et doit donner les éléments nécessaires pour assurer l’application correcte et uniforme, sous le contrôle des juridictions nationales, des principes prévus par le législateur de l’Union. À mon sens, l’approche
suivante peut être utile.
58. Premièrement, dans chaque cas d’espèce, la juridiction nationale doit examiner si les données traitées véhiculent des éléments de fond de façon à constituer « une divulgation d’informations, d’opinions ou d’idées au public » au sens du critère prévu dans l’arrêt Satakunnan Markkinapörssi et Satamedia ( 36 ). En l’espèce, la décision de renvoi ne contient pas suffisamment d’éléments pour qu’il soit possible à la Cour de discerner si la vidéo de M. Buivids satisfait à ce critère et il appartient
aux juridictions nationales de procéder aux constatations de fait supplémentaires nécessaires ( 37 ). Si cette condition de contenu matériel devait ne pas être remplie, la vidéo ne serait en tout état de cause pas couverte par l’exception prévue à l’article 9 de la directive 95/46 pour les traitements de données effectués aux fins de journalisme.
59. Deuxièmement, la juridiction nationale devrait déterminer si le traitement des données en question a été effectué aux seules fins de journalisme. La décision de renvoi observe que M. Buivids n’a pas indiqué l’objectif qu’il poursuivait en réalisant et publiant l’enregistrement vidéo. Cependant, lors de l’audience devant la Cour, il a été avancé qu’il pourrait avoir entendu mettre en lumière des pratiques irrégulières de la police (objectif classique d’un bon journalisme inspiré par le souci de
l’intérêt général). À nouveau, il incombe à la juridiction nationale, en tant que seul juge du fond, de déterminer aussi bien si tel était l’objectif de M. Buivids que si tel était son seul objectif. L’existence d’autres éléments (telle une conviction d’avoir le droit intrinsèque de filmer et de publier des vidéos de la police simplement parce que les policiers sont des fonctionnaires, ou tel du simple voyeurisme) impliquerait que le critère retenant les « seules fins de journalisme » ne serait
pas rempli et que l’exception prévue à l’article 9 ne serait donc pas d’application.
60. Troisièmement, la juridiction nationale devra se pencher sur la condition qui impose que les exemptions, visées à l’article 9, des exigences normales de la directive protégeant les données à caractère personnel soient autorisées « dans la seule mesure où elles s’avèrent nécessaires pour concilier le droit à la vie privée avec les règles régissant la liberté d’expression » (mise en italique par mes soins). La jurisprudence constante de la Cour souligne que les dérogations au droit à la protection
des données à caractère personnel garanti à l’article 8 de la Charte et les limitations de cette protection doivent s’opérer dans les limites du strict nécessaire, et ces dérogations et limitations doivent recevoir une interprétation stricte ( 38 ).
61. La CEDH ne contient pas de disposition équivalente à celle de l’article 8 de la Charte (protection des données à caractère personnel). Dans sa jurisprudence, la Cour EDH a assimilé ce droit fondamental au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l’article 8 de la CEDH, le considérant comme une expression plus spécifique du droit à la vie privée en ce qui concerne le traitement de données à caractère personnel ( 39 ). Ainsi, les décisions de la Cour EDH sur la mise en balance de
l’article 8 et de l’article 10 de la CEDH offrent un cadre dans lequel concilier le droit fondamental à la vie privée quant à la protection des données à caractère personnel et le droit fondamental à la libre expression, ce qui est la tâche que l’article 9 de la directive 95/46 impose.
62. À l’égard de la mise en balance à laquelle les autorités nationales (et, par la suite, les juridictions nationales) doivent procéder pour concilier ces deux droits, la Cour EDH a décidé que les droits protégés par l’article 8 et par l’article 10 de la CEDH méritent, en principe, un égal respect ( 40 ). Les étapes pertinentes du processus qui ont été ainsi définies jusqu’ici sont : i) l’évaluation de la contribution à un débat d’intérêt général ; ii) l’appréciation du degré de notoriété de la
personne visée ; iii) l’examen de l’objet du reportage ; iv) l’examen du comportement antérieur de la personne concernée, v) la vérification du contenu, de la forme et des répercussions de la publication, et vi) la prise en compte des circonstances dans lesquelles les informations ont été obtenues.
63. La Cour EDH a pris en compte l’importance de la question pour le public ainsi que la nature de l’information révélée pour déterminer si une publication divulguant des éléments de la vie privée concernait également une question d’intérêt général. En outre, ont trait à un intérêt général les questions qui touchent le public dans une mesure telle qu’il peut légitimement s’y intéresser, qui éveillent son attention ou le préoccupent sensiblement, notamment parce qu’elles concernent le bien-être des
citoyens ou la vie de la collectivité ( 41 ). La Cour EDH a jugé que les communications en ligne et leur contenu risquent assurément de porter bien plus atteinte à l’exercice et à la jouissance des droits et libertés fondamentaux, en particulier du droit au respect de la vie privée, que la presse dite écrite, qui recourt à la technologie traditionnelle de l’impression ( 42 ).
64. En l’espèce, la décision de renvoi n’apporte pas suffisamment d’éléments d’information à la Cour. La juridiction nationale déclare que la vidéo de M. Buivids ne contient pas d’information d’actualité ni ne révèle un comportement illégal de la part de la police ; elle ne laisse pas entendre que l’un ou l’autre policier identifié dans cette vidéo serait en tant que tel une personnalité publique. Elle ne donne aucune information sur le comportement antérieur d’aucune des personnes concernées.
L’enregistrement vidéo paraît ne se rapporter qu’au fait que M. Buivids était dans les locaux de la police dans le cadre d’une procédure administrative le concernant. M. Buivids a réalisé cette vidéo ouvertement mais sans informer les personnes concernées (les policiers) de l’objectif spécifique de ce filmage. Lors de l’audience, il a confirmé qu’il ne disposait pas de leur consentement exprès, ni pour le filmage ni pour la publication ultérieure sur Internet.
65. Il est clair que, en publiant son enregistrement vidéo sur un site Internet, M. Buivids a méconnu le droit fondamental à la vie privée des personnes concernées. Il n’a pris aucune mesure pour atténuer l’ampleur de cette violation, par exemple en floutant ou en obscurcissant leur visage ou en déformant leur voix avant la publication de la vidéo.
66. Sur la base des informations limitées dont la Cour dispose, il me semble probable qu’il n’était pas satisfait aux critères, indiqués plus haut, qui permettent d’apprécier si, dans un cas d’espèce, le droit à la liberté d’information doit l’emporter sur le droit à la vie privée et à la protection des données à caractère personnel. Je souligne cependant qu’il appartient à la juridiction nationale de procéder à la constatation des éléments de fait complémentaires nécessaires et de se prononcer à
cet égard, dans la présente affaire, compte tenu de ceux-ci.
67. Dans un souci d’exhaustivité, il me faut encore aborder un argument, soulevé par le gouvernement tchèque, qui fait valoir que l’article 7, sous f), de la directive 95/46 donne aux activités de traitements de données de M. Buivids un caractère licite. Cette disposition établit une liste exhaustive et limitative de cas dans lesquels le traitement de données à caractère personnel peut être considéré comme licite ( 43 ), pour autant qu’ils répondent aussi, au préalable, aux principes relatifs à la
qualité des données énumérés à l’article 6 de la directive 95/46.
68. En application de l’article 7, sous f), de la directive 95/46, le traitement répond à la condition de la légitimité lorsqu’il est nécessaire à la réalisation de l’intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement (en l’espèce M. Buivids) ou par le ou les tiers auxquels les données sont communiquées, à condition que ne prévalent pas l’intérêt ou les droits et libertés fondamentaux de la personne concernée protégés au titre de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 95/46. Cet
examen requiert une pondération des droits et des intérêts opposés en cause ( 44 ).
69. Il me semble que l’approche que la Cour a adoptée dans l’interprétation des dispositions combinées de l’article 7, sous e), et de l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la directive 95/46 convient également en l’espèce ( 45 ). Ainsi, l’article 7, sous f), doit être lu conjointement avec l’article 6, paragraphe 1), sous b), de la directive 95/46.
70. Selon la décision de renvoi, la juridiction de première instance a constaté que M. Buivids n’avait pas informé les personnes concernées de l’objectif spécifique qu’il poursuivait en réalisant l’enregistrement vidéo. Compte tenu de cette constatation, il paraît probable qu’au moins deux des conditions cumulatives de l’article 6, paragraphe 1), sous b), de la directive 95/46 n’étaient pas remplies, à savoir que les données à caractère personnel aient été « collectées pour des finalités
déterminées, explicites et légitimes ».
71. Il s’ensuit que l’article 7, sous f), de la directive 95/46 ne saurait s’appliquer en l’espèce.
72. Enfin, je souligne qu’il peut bien sûr y avoir des circonstances particulières où le journalisme d’investigation n’est à même de dévoiler des écarts de conduite graves qu’en opérant dans une certaine mesure secrètement. Une telle situation sera caractérisée par un intérêt général d’un haut niveau à permettre l’investigation et la publication (impliquant donc nécessairement un traitement de données). Un examen particulièrement attentif sera néanmoins nécessaire pour ménager un équilibre approprié
entre les droits fondamentaux concernés en conflit. Je n’examinerai pas davantage cette question délicate, car, compte tenu des éléments de fait portés à la connaissance de la Cour, il m’apparaît qu’elle ne se pose manifestement pas en l’espèce.
73. Je conclus que, lorsqu’un particulier qui n’est pas journaliste de profession réalise des enregistrements vidéo qu’il publie sur un site Internet, ces enregistrements vidéo sont susceptibles de relever de la notion de « aux fins de journalisme » au sens de l’article 9 de la directive 95/46 s’il est établi que ces activités ont été effectuées à ces seules fins. Conformément à cette disposition, il appartient aux autorités nationales, sous le contrôle des juridictions nationales, d’examiner et de
concilier le droit fondamental à la vie privée quant au traitement des données à caractère personnel de la ou des personnes concernées et le droit fondamental à la libre expression du responsable du traitement des données. En procédant à cette mise en balance, ces autorités doivent tenir compte i) de la question de savoir si les éléments d’information divulgués contribuent à un débat d’intérêt général ; ii) du degré de notoriété de la ou des personnes visées ; iii) de l’objet du reportage ;
iv) du comportement antérieur de la personne concernée, v) du contenu, de la forme et des répercussions de la publication en cause, ainsi que vi) des circonstances dans lesquelles les informations ont été obtenues.
Conclusion
74. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je suis d’avis que la Cour devrait répondre aux questions préjudicielles posées par l’Augstākā tiesa (Cour suprême, Lettonie) comme suit :
– Des activités telles que le filmage et l’enregistrement de fonctionnaires en train d’exercer leurs fonctions sur leur lieu de travail et la publication par la suite de l’enregistrement vidéo sur Internet constituent un traitement automatisé en tout ou en partie de données à caractère personnel aux fins de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des
données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.
– Lorsqu’un particulier qui n’est pas journaliste de profession réalise des enregistrements vidéo qu’il publie sur un site Internet, ces enregistrements vidéo sont susceptibles de relever de la notion de « aux fins de journalisme » au sens de l’article 9 de la directive 95/46 s’il est établi que ces activités ont été effectuées à ces seules fins.
– En application de l’article 9 de la directive 95/46, c’est aux autorités nationales, sous le contrôle des juridictions nationales, qu’il appartient dans chaque cas d’espèce d’examiner et de concilier le droit fondamental à la vie privée quant au traitement des données à caractère personnel de la ou des personnes concernées et le droit fondamental à la libre expression du responsable du traitement des données. En procédant à cette mise en balance, ces autorités doivent tenir compte i) de la
question de savoir si les éléments d’information communiqués contribuent à un débat d’intérêt général ; ii) du degré de notoriété de la ou des personnes visées ; iii) de l’objet du reportage ; iv) du comportement antérieur de la personne concernée, v) du contenu, de la forme et des répercussions de la publication en cause, ainsi que vi) des circonstances dans lesquelles les informations ont été obtenues.
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( 1 ) Langue originale : l’anglais.
( 2 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 (JO 1995, L 281, p. 31 ; ci‑après la « directive 95/46 »). Cette directive a depuis été abrogée et remplacée par le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil, du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) (JO
2016, L 119, p. 1), qui est entré en vigueur le 25 mai 2018.
( 3 ) JO 2010, C 83, p. 391.
( 4 ) L’article 7 et l’article 11 de la Charte correspondent aux droits prévus à l’article 8 et à l’article 10 (respectivement le droit au respect de la vie privée et familiale et le droit à la libre expression) de la Convention européenne des droits de l’homme (ci‑après la « CEDH »), signée à Rome le 4 novembre 1950. Tous les États membres de l’Union européenne sont signataires de la CEDH, mais l’Union n’y a pas encore adhéré en tant que telle : voir avis 2/13 (Adhésion de l’Union à la CEDH), du
18 décembre 2014, EU:C:2014:2454.
( 5 ) Voir, respectivement, les considérants 12, 14, 16, 17 et 37.
( 6 ) Voir article 6, paragraphe 1, sous b). Les conditions que l’article 6, paragraphe 1, établit sous a), et sous c) à e) prévoient que les données à caractère personnel doivent être traitées loyalement et licitement, qu’elles doivent aussi être adéquates, pertinentes ainsi que non excessives au regard de leurs finalités, qu’elles doivent être exactes et qu’elles doivent être conservées sous une forme permettant l’identification des personnes concernées pendant une durée n’excédant pas celle
nécessaire à la réalisation des finalités pour lesquelles elles sont collectées. Ce ne sont pas directement ces conditions qui sont en cause en l’espèce.
( 7 ) L’énumération des cas dans lesquels le traitement de données à caractère personnel peut être considéré comme licite aux fins de l’article 7 est exhaustive et limitative. Seul l’article 7, sous f), est pertinent en l’espèce : voir, plus loin, points 67 à 71.
( 8 ) La demande de décision préjudicielle précise que, dans le cadre de cette procédure administrative, M. Buivids s’est vu par la suite imposer une amende.
( 9 ) Arrêt du 11 décembre 2014, Ryneš (C‑212/13, EU:C:2014:2428, points 21 et 22).
( 10 ) Arrêt du 11 décembre 2014, Ryneš (C‑212/13, EU:C:2014:2428, points 23 et 24).
( 11 ) Arrêt du 13 mai 2014, Google Spain et Google (C‑131/12, EU:C:2014:317, point 26).
( 12 ) Arrêt du 6 novembre 2003, Lindqvist (C‑101/01, EU:C:2003:596, points 25 et 26). Cette affaire concernait la publication, par une catéchiste, de pages Internet permettant aux paroissiens préparant leur confirmation d’obtenir les informations dont ils pourraient avoir besoin.
( 13 ) Considérant 14 de la directive 95/46.
( 14 ) Considérant 16 de la directive 95/46 ; voir point 4 des présentes conclusions.
( 15 ) Arrêt du 16 juillet 2015, ClientEarth et PAN Europe/EFSA (C‑615/13 P, EU:C:2015:489, point 30).
( 16 ) Arrêt du 9 novembre 2010, Volker und Markus Schecke et Eifert (C‑92/09 et C‑93/09, EU:C:2010:662, point 59).
( 17 ) Arrêt du 6 novembre 2003, Lindqvist (C‑101/01, EU:C:2003:596).
( 18 ) Arrêt du 13 mai 2014, Google Spain et Google (C‑131/12, EU:C:2014:317, point 66).
( 19 ) Arrêt du 8 avril 2014, Digital Rights Ireland e.a. (C‑293/12 et C‑594/12, EU:C:2014:238, point 33).
( 20 ) Arrêt du 27 septembre 2017, Puškár (C‑73/16, EU:C:2017:725, point 38).
( 21 ) Arrêt du 27 septembre 2017, Puškár (C‑73/16, EU:C:2017:725, points 36 et 37, ainsi que jurisprudence citée).
( 22 ) Arrêt du 16 décembre 2008, Satakunnan Markkinapörssi et Satamedia (C‑73/07, EU:C:2008:727, points 43 et 44).
( 23 ) Arrêt du 29 janvier 2008, Promusicae (C‑275/06, EU:C:2008:54, point 68 et jurisprudence citée).
( 24 ) Arrêt du 16 décembre 2008, Satakunnan Markkinapörssi et Satamedia (C‑73/07, EU:C:2008:727, points 50 à 53).
( 25 ) Voir considérants 17 et 37 de la directive 95/46.
( 26 ) [COM(90) 314 final du 13 septembre 1990]. La proposition initiale comprenait un projet d’article 19 permettant aux États membres de prévoir des dérogations aux dispositions de la directive pour les organismes de presse et de l’audiovisuel, dans la mesure nécessaire pour concilier les droits fondamentaux des personnes à la vie privée et à la liberté d’expression. Cette proposition a été modifiée à deux reprises, d’abord par la proposition de la Commission [COM(92) 422 final du 15 octobre 1992]
et, ensuite, par la proposition de la Commission [COM(95) 375 final du 18 juillet 1995].
( 27 ) Voir décision concernant la position commune arrêtée par le Conseil en vue de l’adoption d’une directive du Parlement européen et du Conseil relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données [C4-0051/95 – 00/0287(COD) (JO 1995, C 166, p. 105)].
( 28 ) L’exemption couvre aussi le traitement de données à caractère personnel aux fins d’expression artistique ou littéraire, ce qui est sans intérêt dans de cadre de la procédure au principal : voir, plus haut, point 10.
( 29 ) Arrêt du 16 décembre 2008, Satakunnan Markkinapörssi et Satamedia (C‑73/07, EU:C:2008:727, point 56).
( 30 ) Arrêt du 16 décembre 2008, Satakunnan Markkinapörssi et Satamedia (C‑73/07, EU:C:2008:727, points 58 à 61).
( 31 ) Cour EDH (grande chambre), 16 juin 2015, Delfi AS c. Estonie, CE:ECHR:2015:0616JUD006456909, § 110 et jurisprudence citée, ainsi que § 112.
( 32 ) Cour EDH, 8 novembre 2016, Magyar Helsinki Bizottság c. Hongrie, CE:ECHR:2016:1108JUD001803011, § 165 et jurisprudence citée.
( 33 ) Cour EDH, 8 novembre 2016, Magyar Helsinki Bizottság c. Hongrie, CE:ECHR:2016:1108JUD001803011, § 166 et 168.
( 34 ) Voir, plus haut, note en bas de page 30.
( 35 ) Voir « The rise of citizen journalism » dans le journal The Guardian du 11 juin 2012. Le Financial Times a élu comme « personnalité de l’année » 2017 Susan Fowler, la jeune Américaine qui, en faisant part de son expérience sous la forme d’un blog, a étalé au grand jour des problèmes de harcèlement sexuel chez Uber et a incité les femmes à parler. Même avant l’ère d’Internet, le journalisme ne se restreignait pas au sens formel à une profession spécifique. Ainsi, par exemple, le samizdat, un
système clandestin qui reproduisait et distribuait secrètement des œuvres et des textes afin d’éluder la censure gouvernementale en URSS et dans les pays gravitant dans son orbite, a permis à des hommes et des femmes ordinaires d’exprimer leurs points de vue.
( 36 ) Arrêt du 16 décembre 2008, Satakunnan Markkinapörssi et Satamedia (C‑73/07, EU:C:2008:727) ; voir, plus haut, point 48.
( 37 ) La demande de décision préjudicielle émanant de l’Augstākā tiesa (Cour suprême), il peut s’avérer nécessaire que ce point soit renvoyé à la juridiction inférieure pour que celle-ci procède à ces constatations de fait supplémentaires.
( 38 ) Arrêt du 11 décembre 2014, Ryneš (C‑212/13, EU:C:2014:2428, points 28 et 29, ainsi que jurisprudence citée).
( 39 ) Cour EDH (grande chambre), 27 juin 2017, Satakunnan Markkinapörssi Oy and Satamedia Oy c. Finlande, CE:ECHR:2017:0627JUD000093113, § 8 à 28. Cette affaire trouve son origine dans les circonstances de fait ayant donné lieu à l’arrêt du 16 décembre 2008, Satakunnan Markkinapörssi et Satamedia (C‑73/07, EU:C:2008:727). La procédure devant la Cour EDH a été entamée sur la base de la requête no 931/13. La quatrième section de la Cour a rendu un arrêt le 21 juillet 2015. La demande des sociétés
requérantes du renvoi de l’affaire devant la grande chambre a été accueillie le 14 décembre 2015 et celle-ci a statué le 27 juin 2017.
( 40 ) Cour EDH (grande chambre), 16 juin 2015, Delfi AS c. Estonie, CE:ECHR:2015:0616JUD006456909, § 139.
( 41 ) Cour EDH (grande chambre), 27 juin 2017, Satakunnan Markkinapörssi Oy and Satamedia Oy c. Finlande, CE:ECHR:2017:0627JUD000093113, § 165, 166 et 171.
( 42 ) Cour EDH (grande chambre), 16 juin 2015, Delfi AS c. Estonie, CE:ECHR:2015:0616JUD006456909, § 133.
( 43 ) Arrêt du 27 septembre 2017, Puškár (C‑73/16, EU:C:2017:725, point 104 et jurisprudence citée ; voir également point 105).
( 44 ) Arrêt du 13 mai 2014, Google Spain et Google (C‑131/12, EU:C:2014:317, point 74 et jurisprudence citée).
( 45 ) Arrêt du 27 septembre 2017, Puškár (C‑73/16, EU:C:2017:725, point 110 et jurisprudence citée) ; voir également les conclusions que l’avocat général Jääskinen a présentées dans cette affaire (EU:C:2017:253, point 106).