CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
MME ELEANOR SHARPSTON
présentées le 19 octobre 2017 ( 1 )
Affaire C‑270/16
Carlos Enrique Ruiz Conejero
contre
Ferroser Servicios Auxiliares SA
et
Ministerio Fiscal
[demande de décision préjudicielle formée par le Juzgado de lo Social no 1 de Cuenca (tribunal du travail no 1 de Cuenca, Espagne)]
« Renvoi préjudiciel – Égalité de traitement en matière d’emploi et de travail – Interdiction de toute discrimination fondée sur le handicap – Règle nationale autorisant, sous certaines conditions, le licenciement d’un travailleur pour absences répétées, même justifiées – Absences dûment justifiées liées au handicap du travailleur »
1. La présente demande de décision préjudicielle invite la Cour à examiner l’application de l’interdiction de toute discrimination fondée sur le handicap, établie dans la directive 2000/78/CE ( 2 ), à une règle nationale qui permet à un employeur de résilier un contrat de travail à la suite d’une ou plusieurs périodes d’absence du travail sans faire référence au handicap éventuel du travailleur.
Le cadre juridique
La directive 2000/78
2. Les considérants de la directive 2000/78 énoncent notamment :
« (16) La mise en place de mesures destinées à tenir compte des besoins des personnes handicapées au travail remplit un rôle majeur dans la lutte contre la discrimination fondée sur un handicap.
(17) La présente directive n’exige pas qu’une personne qui n’est pas compétente, ni capable ni disponible pour remplir les fonctions essentielles du poste concerné ou pour suivre une formation donnée soit recrutée, promue ou reste employée ou qu’une formation lui soit dispensée, sans préjudice de l’obligation de prévoir des aménagements raisonnables pour les personnes handicapées.
[…]
(20) Il convient de prévoir des mesures appropriées, c’est-à-dire des mesures efficaces et pratiques destinées à aménager le poste de travail en fonction du handicap, par exemple en procédant à un aménagement des locaux ou à une adaptation des équipements, des rythmes de travail, de la répartition des tâches ou de l’offre de moyens de formation ou d’encadrement.
(21) Afin de déterminer si les mesures en question donnent lieu à une charge disproportionnée, il convient de tenir compte notamment des coûts financiers et autres qu’elles impliquent, de la taille et des ressources financières de l’organisation ou de l’entreprise et de la possibilité d’obtenir des fonds publics ou toute autre aide.
[…] »
3. L’article 1er de la directive 2000/78, intitulé « Objet », dispose :
« La présente directive a pour objet d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, le handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement. »
4. L’article 2 de la directive 2000/78 est intitulé « Concept de discrimination ». Il prévoit :
« 1. Aux fins de la présente directive, on entend par “principe de l’égalité de traitement” l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l’article 1er.
2. Aux fins du paragraphe 1 :
a) une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visés à l’article 1er ;
b) une discrimination indirecte se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’une religion ou de convictions, d’un handicap, d’un âge ou d’une orientation sexuelle donnés, par rapport à d’autres personnes, à moins que :
i) cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires, ou que
ii) dans le cas des personnes d’un handicap donné, l’employeur ou toute personne ou organisation auquel s’applique la présente directive ne soit obligé, en vertu de la législation nationale, de prendre des mesures appropriées conformément aux principes prévus à l’article 5 afin d’éliminer les désavantages qu’entraîne cette disposition, ce critère ou cette pratique.
[…] »
5. Aux termes de l’article 3 de la directive 2000/78, intitulé « Champ d’application » :
« 1. Dans les limites des compétences conférées à [l’Union européenne], la présente directive s’applique à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne :
a) les conditions d’accès à l’emploi, aux activités non salariées ou au travail, y compris les critères de sélection et les conditions de recrutement, quelle que soit la branche d’activité et à tous les niveaux de la hiérarchie professionnelle, y compris en matière de promotion ;
[…]
c) les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération ;
[…] »
6. L’article 5 de la directive 2000/78 est intitulé « Aménagements raisonnables pour les personnes handicapées ». Il prévoit :
« Afin de garantir le respect du principe de l’égalité de traitement à l’égard des personnes handicapées, des aménagements raisonnables sont prévus. Cela signifie que l’employeur prend les mesures appropriées, en fonction des besoins dans une situation concrète, pour permettre à une personne handicapée d’accéder à un emploi, de l’exercer ou d’y progresser, ou pour qu’une formation lui soit dispensée, sauf si ces mesures imposent à l’employeur une charge disproportionnée. Cette charge n’est pas
disproportionnée lorsqu’elle est compensée de façon suffisante par des mesures existant dans le cadre de la politique menée dans l’État membre concerné en faveur des personnes handicapées. »
Le droit national
7. L’article 52, sous d), du Real Decreto Legislativo 1/1995, por el que se aprueba el texto refundido de la Ley del Estatuto de los Trabajadores ( 3 ) (décret royal législatif 1/1995, portant approbation du texte de refonte de la loi sur le statut des travailleurs), du 24 mars 1995 (ci-après l’« article 52, sous d), du statut des travailleurs »), dispose :
« Résiliation du contrat pour raisons objectives.
Le contrat pourra être résilié :
[…]
d) Pour absences répétées au travail, quand bien même justifiées, qui représentent 20 % des jours ouvrables au cours de deux mois consécutifs lorsque le total des absences au cours des douze mois antérieurs atteint 5 % des jours ouvrables ou 25 % au cours de quatre mois non consécutifs sur une période de douze mois.
Ne seront pas considérées comme des absences aux fins de l’alinéa antérieur les absences pour motif de grève légale pour toute la durée de celle-ci, les absences pour exercice d’activités de représentation légale des travailleurs, les absences pour accident de travail, les congés pour risques encourus pendant la maternité, la grossesse et l’allaitement, les congés de maladie pour cause de grossesse, d’accouchement ou d’allaitement, les congés de paternité, les congés et les vacances, les congés
de maladie ou d’accident ne résultant pas du travail lorsque le congé aura été accordé par les services de santé officiels et aura une durée excédant vingt jours consécutifs, les absences motivées par la situation physique ou psychologique résultant de violences au sein du couple, situation attestée par les services sociaux de vigilance ou par les services de santé, selon le cas.
Ne seront pas davantage considérées comme des absences celles qui sont la conséquence du traitement médical d’un cancer ou d’une maladie grave. »
8. L’article 4, paragraphe 2, sous c), du statut des travailleurs établit :
« 2. Les travailleurs ont le droit, dans le cadre du travail :
[…]
c) de ne pas être soumis à une discrimination, directe ou indirecte, en matière de recrutement ou, une fois recrutés, de ne pas être soumis à des discriminations, directes ou indirectes, fondées sur le sexe, l’état civil, l’âge dans les limites fixées par la présente loi, l’origine raciale ou ethnique, la condition sociale, la religion ou les convictions, les idées politiques, l’orientation sexuelle, l’affiliation ou la non-affiliation à un syndicat ou pour des raisons linguistiques à l’intérieur
du territoire espagnol.
Ils ne pourront pas non plus être soumis à des discriminations fondées sur le handicap dès lors qu’ils remplissent les conditions d’aptitude à l’exercice du travail ou de l’emploi dont il s’agit. »
9. L’article 2, sous d), du Real Decreto Legislativo 1/2013, por el que se aprueba el Texto Refundido de la Ley General de derechos de las personas con discapacidad y de su inclusión social (décret royal législatif 1/2013, portant approbation du texte de refonte de la loi générale sur les droits des personnes atteintes de handicap et leur inclusion sociale), du 29 novembre 2013 (BOE no 289, du 3 décembre 2013, p. 95635, ci-après la « loi générale sur le handicap »), prévoit :
« Définitions
Aux fins de la présente loi :
[…]
d) discrimination indirecte : elle existe lorsqu’une disposition législative ou réglementaire, une clause conventionnelle ou contractuelle, un accord individuel, une décision unilatérale, un critère ou une pratique, ou bien un environnement, un produit ou un service, apparemment neutre, peut occasionner un désavantage particulier pour une personne par rapport à une autre, au motif de ou en raison de son handicap, pour autant qu’il ne réponde pas, objectivement, à une finalité légitime et que les
moyens d’y parvenir ne soient pas appropriés et nécessaires.
[…]»
10. L’article 40, paragraphe 2, de la loi générale sur le handicap énonce :
« 2. Les employeurs prennent les mesures appropriées pour adapter le poste de travail et améliorer l’accessibilité du poste de travail en fonction des besoins liés à chaque cas particulier afin de permettre aux personnes handicapées d’accéder à l’emploi, d’effectuer leur travail, d’être promues et d’accéder à la formation, à moins que ces mesures ne représentent une charge excessive pour l’employeur.
Pour déterminer si une charge est excessive, il faut se demander si elle est suffisamment mitigée par les mesures, aides et subventions publiques relatives aux personnes handicapées et tenir compte des coûts, financiers et autres, impliqués par ces mesures ainsi que de la taille de l’entreprise ou de l’organisation et de son chiffre d’affaires total. »
Les faits, la procédure et la question préjudicielle
11. M. Carlos Enrique Ruiz Conejero est agent d’entretien depuis le 2 juillet 1993 et était employé, au moment des faits, par Ferroser Servicios Auxiliares SA, titulaire du contrat de service de nettoyage à l’Hospital Virgen de la Luz (hôpital Virgen de la Luz, Espagne), à Cuenca (qui relève des services de santé de Castille-La Manche), où il travaillait. Auparavant, il avait été employé par les entreprises précédemment titulaires du contrat de nettoyage desdits locaux. Il n’a été confronté à aucune
difficulté liée à son travail et n’a jamais été sanctionné.
12. Par décision du 15 septembre 2014, l’agence locale du Consejería de Salud y Asuntos Sociales de la Junta de Comunidades de Castilla-La Mancha (secrétariat de la Santé et des Affaires sociales de la communauté autonome de Castille-La Manche, Espagne), située à Cuenca, a constaté le handicap de M. Ruiz Conejero. Cette décision reconnaît à ce dernier un taux d’incapacité de 37 %, dont 32 % pour restrictions physiques [24 % pour troubles du système endocrinien-métabolique (obésité) et 10 % pour
limitation fonctionnelle de la colonne vertébrale] et 5 % dus à d’autres facteurs sociaux ( 4 ).
13. En 2014 et 2015, M. Ruiz Conejero a été en congé de maladie ordinaire durant les périodes suivantes :
– du 1er au 17 mars 2014 pour « douleurs aiguës » nécessitant hospitalisation (du 26 février au 1er mars 2014) ;
– du 26 au 31 mars 2014 pour « vertiges/nausées » ;
– du 26 juin au 11 juillet 2014 pour « lumbago » ;
– du 9 au 12 mars 2015 pour « lumbago » ;
– du 24 mars au 7 avril 2015 pour « lumbago » ;
– du 20 au 23 avril 2015 pour « vertiges/nausées ».
14. Selon le diagnostic posé par les Servicios Médicos de la Sanidad Pública (services médicaux de santé publique, Espagne), les « vertiges/nausées » et le « lumbago » sont causés par une arthropathie dégénérative et une polyarthrose, aggravées par l’obésité dont souffre M. Ruiz Conejero. Les services médicaux en ont conclu que ces limitations résultaient des pathologies à l’origine du handicap de M. Ruiz Conejero.
15. M. Ruiz Conejero a informé son employeur de toutes ces absences dans le délai et les formes requis au moyen des certificats médicaux précisant la raison de ces absences et leur durée. Il n’a toutefois pas informé son employeur de son handicap avant son licenciement et a refusé de plein gré les examens médicaux périodiques offerts et réalisés par la mutuelle de l’entreprise. L’ordonnance de renvoi indique que, par conséquent, l’employeur ne savait pas que M. Ruiz Conejero souffrait, ou était
susceptible de souffrir, d’un handicap lorsqu’il l’a licencié.
16. Par lettre envoyée à M. Ruiz Conejero le 7 juillet 2015, l’entreprise lui a notifié son licenciement pour cause objective conformément à l’article 52, sous d), du statut des travailleurs au motif que la durée de ces absences, quoique justifiées, avait dépassé les limites prévues par cette disposition. Dans cette lettre, l’entreprise a notamment relevé que les absences de M. Ruiz Conejero représentaient plus de 20 % des jours ouvrables en mars et avril 2015 et que le total de ces absences sur les
douze mois antérieurs représentait plus de 5 % des jours ouvrables.
17. M. Ruiz Conejero a formé un recours contre son licenciement devant le Juzgado de lo Social no 1 de Cuenca (tribunal du travail no 1 de Cuenca, Espagne). Il ne conteste ni la véracité, ni l’exactitude de ces absences, ni le pourcentage que celles-ci représentent, mais excipe du fait qu’elles avaient pour seul motif la maladie à l’origine de son handicap. Il en déduit qu’il existe un lien direct entre ces absences et son statut de handicapé. Il soutient donc que son licenciement est nul pour cause
de discrimination.
18. Dans ces conditions, le tribunal du travail no 1 de Cuenca a décidé de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« La directive 2000/78 fait-elle obstacle à l’application d’une réglementation nationale permettant à l’entreprise de licencier un travailleur pour motif objectif pour absence[s] au travail [quand bien même] justifiées, mais [intermittentes], qui atteignent 20 % des jours ouvrables sur deux mois consécutifs lorsque le total des absences sur les 12 mois antérieurs atteint 5 % des jours ouvrables ou 25 % des jours ouvrables au cours de quatre mois non consécutifs sur une période de 12 mois, dans
le cas d’un travailleur qui doit être considéré comme handicapé au sens de la directive lorsque cette absence du travail a été causée par son handicap ? »
19. Des observations écrites ont été déposées par M. Ruiz Conejero, Ferroser Servicios Auxiliares, le gouvernement espagnol et la Commission européenne. Toutes ces parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions de la Cour lors de l’audience du 22 mars 2017.
Appréciation
Observations préliminaires
L’obésité en tant que handicap au sens de la directive 2000/78
20. L’ordonnance de renvoi indique que M. Ruiz Conejero a été reconnu au niveau national comme souffrant d’un handicap essentiellement causé, semble-t-il, par l’obésité dont il est atteint.
21. Dans l’arrêt FOA ( 5 ), la Cour a été invitée à déterminer si le droit de l’Union consacrait ou non un principe général de non-discrimination fondée sur l’obésité en matière d’emploi et de travail. Elle a jugé que ce principe n’existait pas ( 6 ). Elle s’est cependant ensuite demandé si l’obésité pouvait relever de la notion de « handicap » au sens de la directive 2000/78.
22. La Cour a estimé qu’une telle acception était possible. Elle a fixé un critère commun à toute l’Union sur ce point : elle a jugé que lorsque « l’état d’obésité du travailleur concerné entraîne une limitation, résultant notamment d’atteintes physiques, mentales ou psychiques, dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à la pleine et effective participation de cette personne à la vie professionnelle sur la base de l’égalité avec les autres travailleurs et si cette limitation
est de longue durée, un tel état relève de la notion de “handicap” au sens de la directive 2000/78 […] ». Tel serait le cas, notamment, si l’obésité du travailleur faisait obstacle à sa pleine et effective participation à la vie professionnelle sur la base de l’égalité avec les autres travailleurs du fait d’une mobilité réduite ou de la survenance, chez cette personne, de pathologies qui l’empêcheraient d’accomplir son travail ou qui entraîneraient une gêne dans l’exercice de son activité
professionnelle ( 7 ).
23. Lorsque le handicap d’un travailleur est reconnu en droit national, il se peut, sans que ce soit nécessairement le cas, que ce travailleur remplisse également les conditions posées par le droit de l’Union sur ce point. C’est à la juridiction de renvoi de déterminer, en appliquant le critère exposé ci-dessus, si tel est le cas de M. Ruiz Conejero. Toutefois, puisque la juridiction de renvoi a formulé sa question sur cette base, je continue mon analyse en partant de cette prémisse.
La portée de la question de la juridiction de renvoi
24. Bien qu’elle reflète le libellé du seul article 52, sous d), du statut des travailleurs, la question posée par la juridiction de renvoi explique également, dans l’ordonnance de renvoi, que M. Ruiz Conejero n’a pas fait part de son état de santé à son employeur, ce que ladite juridiction semble considérer, tout du moins implicitement, comme un obstacle à l’application des articles 2, paragraphe 2, sous b), ii), et 5 de la directive 2000/78. Comme je l’expliquerai par la suite ( 8 ), la réponse à
cette question ne me semble pas aussi simple que pourrait le supposer la juridiction de renvoi. Afin de fournir à la juridiction de renvoi une réponse utile, j’inclurai dans mon raisonnement une analyse de ces dispositions.
Discrimination directe ou indirecte ?
25. L’effet combiné des paragraphes 1 et 2 de l’article 2 de la directive 2000/78 est d’interdire la discrimination directe fondée sur le handicap dans presque tous les cas ( 9 ).
26. En vertu de l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2000/78, une discrimination directe se produit « lorsqu’une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable », sur la base, entre autres, de son handicap.
27. La disposition nationale litigieuse en cause dans la question de la juridiction de renvoi, à savoir l’article 52, sous d), du statut des travailleurs, s’applique à tous les travailleurs de la même manière. Elle ne traite pas les personnes handicapées de manière moins favorable que les personnes valides et ne constitue donc pas une discrimination directe au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2000/78.
28. Dès lors, il faut déterminer si son application est susceptible de constituer une discrimination indirecte au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/78. Celui-ci concerne une disposition, un critère ou une pratique qui est « apparemment neutre », mais qui peut, entre autres, entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’un handicap donné par rapport à d’autres personnes.
29. Comme la Cour l’a relevé dans l’arrêt HK Danmark ( 10 ), un travailleur handicapé peut être plus exposé au risque de se voir appliquer un délai de préavis réduit qu’un travailleur valide puisqu’un travailleur handicapé est exposé au risque supplémentaire d’une maladie liée à son handicap, et donc à un risque accru de cumuler les jours d’absence pour cause de maladie ( 11 ). Il s’ensuit que la disposition en cause constitue, à première vue, une discrimination indirecte.
30. Cela étant dit, il faut continuer l’analyse et déterminer si les exceptions posées à l’article 2, paragraphe 2, sous b), i) ou ii), de la directive 2000/78 sont susceptibles de s’appliquer et, le cas échéant, dans quelle mesure.
31. Dans ces conditions, la première question qui se pose est celle de la corrélation entre ces deux dérogations. La seconde dérogation ne s’applique qu’en cas de handicap. Elle est précédée des mots « ou que ». Peut-on en déduire que ces dispositions doivent être interprétées comme étant, d’une certaine façon, mutuellement exclusives, voire même soutenir que les personnes handicapées relèvent uniquement de la seconde ?
32. Je ne le pense pas.
33. Comme le gouvernement espagnol l’a relevé à l’audience, à juste titre selon moi, ces deux dispositions devraient être lues conjointement, puisque la seconde peut être considérée comme éclairant la notion de proportionnalité visée par la première. En outre, on ne saurait soutenir que l’article 2, paragraphe 2, sous b), ii), de la directive 2000/78 devrait être appliqué aux personnes handicapées à l’exclusion de l’article 2, paragraphe 2, sous b), i), puisque, s’il est possible que la première
disposition s’applique à la majorité des personnes handicapées, pour les raisons fournies dans les présentes conclusions ( 12 ), elle ne saurait s’appliquer à toutes.
Article 2, paragraphe 2, sous b), ii), et article 5 de la directive 2000/78 – Mesures appropriées et aménagements raisonnables
34. Je commencerai par examiner l’article 2, paragraphe 2, sous b), ii), qui doit à son tour être lu en combinaison avec l’article 5 de la directive 2000/78. Il ne saurait y avoir de discrimination indirecte lorsque le droit national ( 13 ) impose à l’employeur de prendre les mesures appropriées pour éliminer les désavantages qu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutres causeraient autrement aux « personnes d’un handicap donné » et qui constitueraient donc une discrimination
indirecte. Afin de satisfaire à l’obligation d’adopter des mesures appropriées, l’employeur doit prévoir des « aménagements raisonnables ». Cela oblige ce dernier à prendre des mesures pour permettre à une personne handicapée d’accéder à un emploi, de l’exercer ou d’y progresser, ou pour qu’une formation lui soit dispensée dès lors que cela est nécessaire dans un cas donné. Le considérant 20 de la directive 2000/78 contient des indications supplémentaires sur ce point ( 14 ). La Cour a jugé que
l’expression « aménagements raisonnables » devait être interprétée largement au regard, entre autres, de l’article 2 de la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées ( 15 ).
35. Tout cela est cependant soumis à la condition importante posée à l’article 5 de la directive 2000/78 selon laquelle les mesures prises ne devraient pas imposer à l’employeur ce que la réglementation qualifie de « charge disproportionnée ». Le considérant 21 de cette directive, aux termes duquel il convient de tenir compte notamment du coût des aménagements, de la nature de l’entreprise de l’employeur et de la possibilité d’obtenir des fonds publics ou toute autre aide, apporte des clarifications
sur ce point. Autrement dit, il faut effectuer un exercice de pondération.
36. La directive 2000/78 n’impose pas aux travailleurs ou aux candidats handicapés de révéler leur handicap. Selon moi, il est évident qu’on ne saurait attendre d’un employeur qui ignore, légitimement, le handicap d’un travailleur – rien ne lui laissant entrevoir ce handicap et le travailleur ne l’en ayant pas informé – qu’il apporte des « aménagements raisonnables ». Dans quelles conditions, par conséquent, l’obligation prévue à l’article 5 de la directive 2000/78 s’applique-t-elle ?
37. Il est évident que cette obligation s’applique dès lors que le travailleur a informé l’employeur de son handicap et de la portée de celui-ci ainsi que de tout autre élément pertinent y afférent. Sous réserve que cela ne fasse pas peser sur lui une charge disproportionnée, l’employeur sera dès lors à même de prendre des mesures spécifiques pour aider le travailleur et procéder aux aménagements raisonnables qui s’imposent. Grâce à ces mesures, le travailleur peut intégrer l’entreprise.
38. Qu’en est-il lorsque, comme dans le litige au principal, le travailleur ne révèle pas le handicap dont il est atteint ? Dans certains cas, il sera manifeste pour l’employeur que la personne concernée est handicapée. L’exemple le plus flagrant sera celui d’une personne qui a perdu un membre à la suite d’une amputation. L’employeur ne peut pas ne pas être au courant de la situation et l’on peut supposer qu’il doit savoir, ou devrait raisonnablement savoir, que le travailleur est handicapé. Rien ne
permet d’exclure ce travailleur du champ d’application de l’article 5 de la directive 2000/78. La réponse à la question de savoir si l’employeur devrait raisonnablement avoir connaissance du handicap est fonction de chaque affaire. Étant donné que l’éventail des handicaps possibles est à la fois étendu et varié, il ne saurait y avoir de réponse unique.
39. Le fait qu’un handicap soit manifeste ne signifie toutefois pas que l’employeur connaîtra, dans chaque cas, les mesures appropriées, ou toutes les mesures appropriées, qui peuvent s’avérer nécessaires pour apporter des aménagements raisonnables au travailleur. L’employeur peut demander au travailleur de lui donner des informations supplémentaires afin de lui permettre de lui fournir appui et soutien le cas échéant. Si le travailleur refuse de lui donner ces informations ou hésite à les lui
communiquer, il ne saurait être forcé à le faire. Il peut préférer ne pas le faire pour des motifs liés à ce qu’il estime relever de sa dignité personnelle ou de son indépendance. Dans ce cas-là, le champ d’action de l’employeur est circonscrit à des interventions qui sont évidentes ( 16 ). Le résultat de ces interventions peut aboutir, ou non, à ce que le travailleur rejoigne les effectifs de l’entreprise. En revanche, l’employeur ne saurait être tenu d’aller plus loin.
40. Cette question est également compliquée par le fait que nombre de handicaps ne sont pas statiques par nature. Un travailleur peut notamment commencer sa carrière auprès d’un employeur donné avec un handicap qui a une incidence minime sur ses capacités de travail. Son état de santé est toutefois susceptible, par la suite, de s’aggraver, conduisant à une incidence plus prononcée sur ses capacités de travail. Dans ces conditions, il me semble que des principes similaires à ceux que j’ai exposés
dans les présentes conclusions s’appliquent. Si et dans la mesure où un travailleur fait part de son nouvel état de santé à son employeur, ce dernier doit se demander si de nouvelles mesures sont nécessaires afin d’apporter des aménagements raisonnables au travailleur. Lorsque ce n’est pas le cas, il est du devoir de l’employeur de prendre toute mesure manifestement nécessaire, mais on ne saurait exiger de lui qu’il aille plus loin ( 17 ).
41. Plus généralement, il me semble que l’obligation d’apporter des aménagements raisonnables prévue à l’article 5 de la directive 2000/78 est une mesure importante et précieuse. En imposant à l’employeur de prendre des initiatives, cet article permet aux travailleurs handicapés de s’insérer sur le marché du travail d’une manière qui ne serait, sans lui, pas ouverte à beaucoup d’entre eux. Il enrichit ainsi leur vie dans une mesure non négligeable. En outre, le champ d’application de la directive
2000/78 est étendu. En vertu de l’article 3, paragraphe 1, sous a) et c), ladite directive s’applique à tous les stades de la relation de travail ainsi qu’au stade du recrutement. Il s’ensuit, selon moi, que lorsqu’un employeur sait, ou devrait raisonnablement savoir, qu’une personne qu’il envisage de recruter ou qui fait déjà partie de ses effectifs est, ou pourrait être, handicapée, cette obligation est la première étape d’un processus qui conduit à prévenir tout traitement discriminatoire. Le
non-recrutement ou, le cas échéant, le licenciement à la suite de la méconnaissance de cette obligation constitue une discrimination illégale au sens de la directive 2000/78.
42. Cela étant dit, je dois souligner que l’obligation posée à l’article 5 de la directive 2000/78 n’est pas illimitée. J’ai déjà indiqué que cette obligation ne s’applique pas si elle a pour effet d’imposer une charge disproportionnée à l’employeur ( 18 ). Il est également important de relever que cette disposition s’efforce de placer les travailleurs handicapés sur un pied d’égalité avec leurs collègues valides, et non de leur donner des droits plus importants. Ainsi, le considérant 17 de la
directive 2000/78 rappelle, entre autres, que ladite directive n’impose pas à un employeur de maintenir dans leur emploi des personnes qui ne sont ni compétentes, ni capables, ni disponibles pour remplir les fonctions essentielles du poste concerné. Sur ce point, un travailleur handicapé est précisément dans la même position qu’un travailleur valide ( 19 ).
43. La situation est plus compliquée lorsqu’un handicap qui, au début, permettait des aménagements raisonnables au sens de l’article 5 de la directive 2000/78 a atteint un niveau tel que des aménagements ne sont plus possibles ou ne peuvent être obtenus qu’en imposant à l’employeur une charge déraisonnable. L’employeur peut-il licencier le travailleur handicapé dans ce cas ?
44. Il me semble qu’un licenciement qui n’est fondé que sur le handicap d’un travailleur ne peut être justifié. Cela constituerait une discrimination directe au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2000/78. En revanche, le licenciement fondé sur l’un des facteurs mentionnés au considérant 20 ou sur tout autre facteur ne constituant pas une discrimination ne méconnaît pas, selon moi, les exigences de la directive 2000/78.
45. Eu égard à ce qui précède, je considère que la première partie de la réponse à donner à la juridiction de renvoi devrait être que, lors de l’examen de l’application de la directive 2000/78 au licenciement d’un travailleur dans des circonstances qui pourraient constituer une discrimination indirecte au sens de cette directive, il faut commencer par examiner l’application de l’article 2, paragraphe 2, sous b), ii), et de l’article 5 de ladite directive. Lorsqu’un travailleur est atteint d’un
handicap et que son employeur en a connaissance, ou devrait raisonnablement en avoir connaissance, ce dernier est tenu de prendre les mesures appropriées pour apporter des aménagements raisonnables conformément à l’article 5 de cette directive, à moins que cela ne fasse peser sur lui une charge disproportionnée. Ne pas le faire implique que le licenciement du travailleur méconnaît les exigences de cette directive.
Article 2, paragraphe 2, sous b), i), de la directive 2000/78
46. J’ai précisé dans les présentes conclusions que la protection que l’article 2, paragraphe 2, sous b), ii), lu en combinaison avec l’article 5 de la directive 2000/78, accorde aux personnes handicapées peut être importante et précieuse. Il est tout aussi évident que la portée de cette protection peut être limitée ( 20 ).
47. Le fait que ces dispositions fassent spécifiquement référence aux personnes handicapées signifie-t-il qu’elles doivent être interprétées en ce sens que, lorsqu’elles s’appliquent, elles sont exhaustives ? Autrement dit, sous réserve qu’un employeur respecte l’article 2, paragraphe 2, sous b), ii), lu en combinaison avec l’article 5 de la directive 2000/78, et sous réserve des limitations mentionnées au point 44 des présentes conclusions, le licenciement d’un travailleur handicapé est-il valide
et est-il superflu pour l’employeur de tenir également compte de l’article 2, paragraphe 2, sous b), i), d’une manière ou d’une autre ?
48. J’estime que cette approche est trop simple.
49. Selon moi, l’article 2, paragraphe 2, sous b), ii), lu en combinaison avec l’article 5 de la directive 2000/78, ne fait rien d’autre qu’exprimer un aspect particulier de la discrimination indirecte fondée sur le handicap, en termes de devoirs concrets comme de limites à ceux‑ci. Un employeur peut, dans des circonstances appropriées et dans des limites proportionnées, être obligé de prendre des mesures pour promouvoir les intérêts de ceux qui seraient sinon victimes de discrimination. J’ai évoqué
cette question, bien que brièvement, au point 125 des conclusions que j’ai présentées dans l’affaire Bougnaoui et ADDH ( 21 ), lors de l’examen de l’application du principe de proportionnalité dans une affaire de discrimination indirecte. J’y ai relevé que « [c]e qui est proportionné peut varier selon la taille de l’entreprise concernée. Plus grande est l’entreprise, plus il est probable qu’elle disposera des ressources nécessaires pour affecter avec souplesse ses travailleurs aux différentes
tâches qui leur sont assignées. On peut donc attendre d’un employeur qui est une grande entreprise qu’il prenne plus de mesures pour parvenir à un aménagement raisonnable avec son personnel que d’un employeur qui est une entreprise petite ou moyenne ».
50. Supposons toutefois que l’article 2, paragraphe 2, sous b), ii), de la directive 2000/78 ne s’applique pas à un cas particulier. Il ressort clairement de son libellé qu’il ne couvre pas toutes les personnes handicapées, mais uniquement « [l]es personnes d’un handicap donné ». L’avantage conféré par les mesures relatives aux aménagements raisonnables visés à l’article 5 de la directive 2000/78 est donc réservé à la catégorie restreinte composée a) des personnes handicapées pour qui des
aménagements raisonnables peuvent de facto être réalisés, ce que toutes les catégories de handicap ne permettent pas, et b) des personnes pour qui des aménagements peuvent être réalisés sans faire peser une charge disproportionnée sur l’employeur. Je ne vois aucune raison d’exclure les personnes handicapées qui ne relèvent pas de cette catégorie du champ d’application de l’article 2, paragraphe 2, sous b), i), de la directive 2000/78, pas plus que je ne vois pourquoi celles qui relèvent bien de
cette catégorie ne devraient pas aussi être couvertes par cette disposition.
51. Une telle approche restrictive serait également contraire à la jurisprudence établie. Dans l’arrêt HK Danmark ( 22 ), la Cour a examiné séparément l’application des articles 5 ( 23 ) et 2, paragraphe 2, sous b), i) ( 24 ), de la directive 2000/78 à un travailleur qui a été soumis à un délai de préavis (prétendument) discriminatoire en vertu du droit national. Elle n’a jamais affirmé que ces dispositions fussent mutuellement exclusives. Au contraire, elle a jugé qu’un licenciement en vertu de la
disposition nationale litigieuse, dont elle a ensuite affirmé la possible validité aux fins de l’article 2, paragraphe 2, sous b), i), si les conditions pertinentes étaient remplies, ne pouvait pas être valide lorsque l’employeur n’avait pas pris les mesures appropriées pour prévoir des aménagements raisonnables conformément à l’article 5 de la directive 2000/78 ( 25 ).
52. Même si cette affaire et le litige au principal sont similaires, pour autant qu’ils concernent tous deux la validité (ou absence de validité) d’une disposition de droit national régissant les délais de préavis au regard de la directive 2000/78, la juridiction de renvoi affirme, dans l’ordonnance de renvoi, que « c’est à cause de la réponse que la Cour a donnée dans l’arrêt qu’elle a rendu le 11 avril 2013 dans les affaires jointes C‑335/11 et C‑337/11 [qu’elle s’interroge] sur l’interprétation
ou la validité de la directive 2000/78» ( 26 ).
53. Il y a donc lieu d’examiner ledit arrêt un peu plus en détail.
54. Cette procédure concernait deux travailleurs qui avaient été licenciés pour des motifs qui étaient prétendument discriminatoires, car fondés sur leur handicap ( 27 ). La disposition législative nationale ( 28 ) sur laquelle ces licenciements se fondaient prévoyait qu’un travailleur pouvait être licencié au terme d’un préavis d’un mois si, au cours des douze derniers mois, il avait été absent pour cause de maladie avec maintien de la rémunération pendant 120 jours. Cette mesure prévoyait un
préavis réduit : la règle normale prévue par la législation nationale établissait une durée de préavis de trois à six mois. La disposition litigieuse s’appliquait de la même manière aux personnes handicapées et valides. Le gouvernement danois avait fait valoir que la finalité de cette disposition était d’inciter les employeurs à embaucher et à maintenir dans leur emploi des travailleurs présentant un risque particulier d’absences répétées pour cause de maladie en permettant auxdits employeurs de
procéder plus tard au licenciement des travailleurs en question avec un préavis réduit, si l’absence tendait à être de très longue durée. En contrepartie, ces travailleurs pouvaient garder leur emploi pendant la durée de leur maladie. Le gouvernement danois avait donc soutenu que la disposition litigieuse prenait en compte tant les intérêts des employeurs que ceux des travailleurs ( 29 ).
55. La Cour a statué (pour autant que ce soit pertinent dans le cadre du présent renvoi préjudiciel) comme suit :
– elle a rappelé la règle posée dans l’arrêt Chacón Navas ( 30 ) selon laquelle un traitement désavantageux fondé sur le handicap ne va à l’encontre de la protection visée par la directive 2000/78 que pour autant qu’il constitue une discrimination au sens de l’article 2, paragraphe 1, de celle-ci. Il se posait donc la question de savoir si la disposition nationale en cause au principal était susceptible d’entraîner une discrimination à l’encontre des personnes handicapées (point 71) ;
– elle a rappelé i) que les États membres disposent d’une large marge d’appréciation dans le choix non seulement de la poursuite d’un objectif déterminé en matière de politique sociale et de l’emploi, mais également dans la définition des mesures susceptibles de le réaliser (point 81) et ii) que la promotion de l’embauche constitue incontestablement un objectif légitime de politique sociale ou de l’emploi des États membres et que cette appréciation doit à l’évidence s’appliquer à des instruments
de politique du marché du travail national visant à améliorer les chances d’insertion dans la vie active de certaines catégories de travailleurs. De même, une mesure prise afin de favoriser la flexibilité du marché du travail peut être considérée comme une mesure relevant de la politique de l’emploi (point 82) ;
– elle en a conclu que des objectifs de la nature de ceux indiqués par le gouvernement danois peuvent, en principe, être considérés comme justifiant objectivement, dans le cadre du droit national, ainsi que le prévoit l’article 2, paragraphe 2, sous b), i), de la directive 2000/78, une différence de traitement fondée sur le handicap, telle que celle résultant de l’article 5, paragraphe 2, de la disposition de droit national litigieuse (point 83).
56. Après avoir établi que cette disposition litigieuse poursuivait un objectif susceptible d’être légitime au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous b), i), de la directive 2000/78, la Cour s’est penchée sur la question de savoir si les moyens mis en œuvre pour réaliser cet objectif étaient proportionnés. Elle a souligné, une fois encore, la large marge d’appréciation reconnue aux États membres dans ce domaine et a jugé qu’il ne semblait pas déraisonnable pour ceux-ci d’estimer qu’une mesure telle
que la mesure nationale litigieuse puisse être appropriée pour atteindre les objectifs évoqués précédemment (point 87).
57. La Cour a ensuite jugé que :
– il pourrait être admis que cette règle, en prévoyant le droit de recourir à un préavis d’une durée réduite pour procéder au licenciement des travailleurs absents pour cause de maladie pendant une période qui excédait 120 jours dans ce cas-là, ait, à l’égard des employeurs, un effet incitatif à l’embauche et au maintien en fonction (point 88) ;
– afin d’examiner si cette règle excédait ce qui était nécessaire pour atteindre les objectifs poursuivis, il convenait de replacer cette disposition dans le contexte dans lequel elle s’inscrivait et de prendre en considération le préjudice qu’elle était susceptible d’occasionner aux personnes visées (point 89) ;
– il incombait à cet égard à la juridiction de renvoi d’examiner si le législateur national, en poursuivant les objectifs légitimes de la promotion de l’embauche des personnes malades, d’une part, et d’un équilibre raisonnable entre les intérêts opposés du travailleur et de l’employeur en ce qui concerne les absences pour cause de maladie, d’autre part, avait omis de tenir compte d’éléments pertinents qui concernaient, en particulier, les travailleurs handicapés (point 90). Le risque encouru par
les personnes atteintes d’un handicap, lesquelles rencontrent en général davantage de difficultés que les travailleurs valides pour réintégrer le marché de l’emploi et ont des besoins spécifiques liés à la protection que requiert leur état, ne devait pas être méconnu (point 91).
58. Quelles conclusions peut-on en tirer aux fins du présent renvoi préjudiciel ?
59. En premier lieu, il me semble que, pour déterminer si la mesure nationale en cause poursuit un objectif légitime, il n’est nul besoin que cette mesure mentionne cet objectif expressément. S’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier que l’objectif poursuivi par la mesure est bien légitime, l’objectif affiché ou exprès (si tant est qu’il existe) n’est pas un facteur dont ladite juridiction doit tenir compte. Il ne semble y avoir de telle mention dans la législation nationale en cause ni
dans l’arrêt HK Danmark ( 31 ) ni dans le litige au principal ( 32 ).
60. En second lieu, l’objectif de la disposition litigieuse dans l’affaire HK Danmark ( 33 ) était d’inciter les employeurs à recruter et à maintenir dans leur emploi des travailleurs présentant un risque particulier d’absences répétées pour cause de maladie. La Cour semble avoir eu peu de mal à conclure que cet objectif pourrait être légitime puisqu’il peut inciter au recrutement ( 34 ). Dans le litige au principal, l’objectif invoqué par le gouvernement espagnol pour justifier l’adoption de la
législation litigieuse est celui de la lutte contre l’absentéisme, un problème qui, selon lui, est une source de préoccupation majeure dans cet État membre ( 35 ). Ce faisant, la mesure vise à assurer un équilibre entre les intérêts des employeurs et ceux des travailleurs en garantissant que les entreprises maintiennent leur productivité et que les travailleurs ne sont pas licenciés sans motif valable. Comme le relève la Commission, le fait que la liste des absences exclues comprenne des
maladies qui ne sont probablement pas répétitives peut être considéré comme étayant l’affirmation selon laquelle cette mesure s’attaque à l’absentéisme ( 36 ). Selon moi, lutter contre l’absentéisme au travail lorsqu’il est prouvé que celui-ci cause un préjudice important à la fois au niveau national et au niveau de l’entreprise, laquelle doit en subir les conséquences, peut également être considéré comme un objectif légitime.
61. En ce qui concerne la proportionnalité de la mesure nationale en cause, il me semble possible de pouvoir isoler deux éléments particuliers du raisonnement de la Cour résumé aux points 56 et 57 des présentes conclusions. Tout d’abord, la juridiction de renvoi est tenue de procéder à un exercice de pondération afin de déterminer si la mesure en cause est appropriée, en tenant compte à la fois des intérêts des employeurs et de ceux des travailleurs, ou des travailleurs potentiels, atteints d’un
handicap. Ensuite, elle doit tenir compte du large pouvoir discrétionnaire réservé aux États membres dans ce domaine.
62. La présence du second de ces facteurs rend difficile le fait d’offrir à la juridiction de renvoi autre chose que des orientations très générales, voire, je le reconnais, autre chose que des indications moins précises que ce qu’elle espérait. Si les intérêts des employeurs semblent en effet être pris en considération dans la mesure litigieuse, la Cour dispose de moins d’informations quant aux intérêts des travailleurs, si ce n’est l’affirmation mentionnée au point 60 des présentes conclusions,
selon laquelle « les travailleurs ne [sauraient être] licenciés sans motif valable ». Dans ce cadre général, je relève que la mesure nationale en cause dans l’affaire HK Danmark ( 37 ) prévoyait qu’un employeur était en droit de licencier un membre du personnel lorsque ce dernier avait été absent pendant une période excédant 120 jours au cours de 12 mois consécutifs. La mesure en cause dans le présent renvoi préjudiciel est plus complexe. Toutefois, il semble bien que cette mesure,
indépendamment de la formule choisie, soit susceptible d’être moins généreuse que la mesure danoise.
63. Cela ne signifie pas, en soi, que ces provisions sont disproportionnées. Il appartiendra à la juridiction de renvoi de déterminer si elles sont conçues de manière si large qu’elles sont susceptibles de couvrir des absences qui sont simplement ponctuelles et sporadiques, auquel cas elles sont, selon moi, clairement disproportionnées, ou si elles sont correctement conçues pour remplir l’objectif de lutte contre l’absentéisme. La juridiction de renvoi devrait également tenir compte du fait qu’il
semble que les accords danois aient prévu qu’un employeur était remboursé, au moins en partie, des indemnités pour maladie versées à son personnel ( 38 ), tandis que la législation espagnole applicable ne le fait pas, obligeant, à l’inverse, l’employeur, au moins pour un montant significatif, à payer ces absences de sa propre poche ( 39 ). Pris isolément, ces facteurs ne sont pas nécessairement décisifs pour l’appréciation de la juridiction de renvoi. Il s’agit simplement d’éléments qui
devraient être pris en compte lors de l’examen de tous les aspects pertinents de cette question. La question centrale est de savoir si la mesure est appropriée et nécessaire, question dont la résolution incombe à la juridiction de renvoi. Je répète que je n’ai pas de réponse tranchée à cette question.
64. Je considère donc que la seconde partie de la réponse à la juridiction de renvoi devrait être que, pour constater la compatibilité avec le droit de l’Union d’une mesure nationale qui i) permet à l’employeur de licencier un travailleur devant être considéré comme handicapé au sens de la directive 2000/78 ; ii) pour cause d’absence(s) de ce travailleur causée(s) par son handicap ; et qui iii) établit un ou plusieurs seuils que cette ou ces absences doivent dépasser pour que le licenciement soit
conforme au droit, il faut tenir compte des critères établis aux points 71 à 91 de l’arrêt HK Danmark ( 40 ). À cet égard, une mesure nationale qui entend lutter contre l’absentéisme au travail lorsqu’il est prouvé que cet absentéisme cause un préjudice important au niveau national et à celui de l’entreprise qui doit en subir les conséquences doit être considérée comme représentant un objectif légitime aux fins de l’article 2, paragraphe 2, sous b), i), de la directive 2000/78. En ce qui
concerne la proportionnalité de la mesure nationale en cause, la juridiction de renvoi doit replacer la réglementation dans son contexte et tenir compte des effets négatifs que celle-ci pourrait avoir sur les personnes concernées. Il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer si ces périodes d’absences sont conçues de manière si large qu’elles sont susceptibles de couvrir des absences qui sont simplement ponctuelles et sporadiques, auquel cas elles sont disproportionnées, ou si elles
sont aptes à remplir l’objectif de lutte contre l’absentéisme. La mesure selon laquelle l’employeur doit supporter les indemnités pour congé de maladie est également pertinente. Toutefois, aucun de ces facteurs pris isolément n’est décisif. La question centrale est de savoir si la mesure est appropriée et nécessaire, question dont la résolution incombe à la juridiction de renvoi.
Conclusion
65. Eu égard à ce qui précède, je considère que la réponse à la question du Juzgado de lo Social no 1 de Cuenca (tribunal du travail no 1 de Cuenca, Espagne) devrait être que :
– lors de l’examen de l’application de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, au licenciement d’un travailleur dans des conditions qui pourraient constituer une discrimination indirecte au sens de cette directive, il faut commencer par examiner l’application de l’article 2, paragraphe 2, sous b), ii), et de l’article 5 de cette directive. Lorsqu’un travailleur est atteint
d’un handicap et que son employeur en a connaissance, ou devrait raisonnablement en avoir connaissance, ce dernier est tenu de prendre les mesures appropriées pour apporter des aménagements raisonnables conformément à l’article 5 de cette directive, à moins que cela ne fasse peser sur lui une charge disproportionnée. Ne pas le faire implique que le licenciement du travailleur méconnaît les exigences de cette directive ;
– pour constater la compatibilité avec le droit de l’Union d’une mesure nationale qui i) permet à l’employeur de licencier un travailleur devant être considéré comme handicapé au sens de la directive 2000/78 ; ii) pour cause d’absence(s) de ce travailleur causée(s) par son handicap ; et qui iii) établit un ou plusieurs seuils que cette ou ces absences doivent dépasser pour que le licenciement soit conforme au droit, il faut tenir compte des critères établis aux points 71 à 91 de l’arrêt du
11 avril 2013, HK Danmark (C‑335/11 et C‑337/11, EU:C:2013:222). À cet égard, une mesure nationale qui entend lutter contre l’absentéisme au travail lorsqu’il est prouvé que cet absentéisme cause un préjudice important au niveau national et à celui de l’entreprise qui doit en subir les conséquences doit être considérée comme représentant un objectif légitime aux fins de l’article 2, paragraphe 2, sous b), i), de la directive 2000/78. En ce qui concerne la proportionnalité de la mesure
nationale en cause, la juridiction de renvoi doit replacer la réglementation dans son contexte et tenir compte des effets négatifs que celle-ci pourrait avoir sur les personnes concernées. Il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer si ces périodes d’absences sont conçues de manière si large qu’elles sont susceptibles de couvrir des absences qui sont simplement ponctuelles et sporadiques, auquel cas elles sont disproportionnées, ou si elles sont aptes à remplir l’objectif de lutte
contre l’absentéisme. La mesure selon laquelle l’employeur doit supporter les indemnités pour congé de maladie est également pertinente. Toutefois, aucun de ces facteurs pris isolément n’est décisif. La question centrale est de savoir si la mesure est appropriée et nécessaire, question dont la résolution incombe à la juridiction de renvoi.
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( 1 ) Langue originale : l’anglais.
( 2 ) Directive du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO 2000, L 303, p. 16).
( 3 ) Je crois comprendre que le décret législatif en cause a été abrogé et remplacé par le Real Decreto Legislativo 2/2015, por el que se aprueba el texto refundido de la Ley del Estatuto de los Trabajadores (décret royal législatif 2/2015, portant approbation du texte de refonte de la loi sur le statut des travailleurs), du 23 octobre 2015, lequel a toutefois repris, sans aucune modification de fond, les dispositions en cause dans le litige au principal.
( 4 ) Les chiffres semblent indiquer un taux d’incapacité total de 39 % et non de 37 %, ce qui pourrait s’expliquer par des nuances supplémentaires dans la structure de la décision nationale. En tout état de cause, il s’agit là des pourcentages figurant dans l’ordonnance de renvoi.
( 5 ) Arrêt du 18 décembre 2014 (C‑354/13, EU:C:2014:2463), également connu sous le nom d’« arrêt Kaltoft ».
( 6 ) Voir arrêt du 18 décembre 2014, FOA (C‑354/13, EU:C:2014:2463, points 31 et 40).
( 7 ) Voir arrêt du 18 décembre 2014, FOA (C‑354/13, EU:C:2014:2463, points 59 et 60).
( 8 ) Voir points 36 et suivants des présentes conclusions.
( 9 ) Certaines exceptions, très limitées, sont établies à l’article 2, paragraphe 5, et aux articles 4 et 6 de ladite directive. Elles ne sont pas pertinentes dans la présente affaire.
( 10 ) Arrêt du 11 avril 2013 (C‑335/11 et C‑337/11, EU:C:2013:222), également connu sous le nom d’« arrêt Ring et Werge ».
( 11 ) Voir, à cet égard, arrêt du 11 avril 2013, HK Danmark (C‑335/11 et C‑337/11, EU:C:2013:222, point 76).
( 12 ) Voir point 50 des présentes conclusions.
( 13 ) Il semble constant que la législation espagnole pertinente de mise en œuvre de l’article 5 soit l’article 40, paragraphe 2, de la loi générale. Voir point 10 des présentes conclusions.
( 14 ) Voir point 2 des présentes conclusions. La Cour a jugé que l’énumération fournie dans ce considérant (énumération qui commence par l’expression « par exemple ») n’est pas exhaustive. Voir arrêt du 11 avril 2013, HK Danmark (C‑335/11 et C‑337/11, EU:C:2013:222, point 56).
( 15 ) Telle qu’approuvée au nom de l’Union européenne par la décision 2010/48/CE du Conseil, du 26 novembre 2009, concernant la conclusion, par [l’Union] européenne, de la convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (JO 2010, L 23, p. 35). Voir arrêt du 11 avril 2013, HK Danmark (C‑335/11 et C‑337/11, EU:C:2013:222, point 53).
( 16 ) Tel est notamment le cas lorsque, comme dans le litige au principal, le travailleur refuse volontairement les examens médicaux périodiques offerts par l’employeur. Voir point 15 des présentes conclusions.
( 17 ) Aux points 43 et 44 des présentes conclusions, j’examinerai la situation qui pourrait exister si le handicap progressait tellement qu’aucun aménagement raisonnable ne pourrait être apporté ou que l’aménagement qui pourrait être apporté constituerait une charge disproportionnée pour l’employeur.
( 18 ) Voir point 35 des présentes conclusions.
( 19 ) Voir, à cet égard, arrêt du 11 juillet 2006, Chacón Navas (C‑13/05, EU:C:2006:456, point 51), où la Cour a jugé que « [l]’interdiction, en matière de licenciement, de la discrimination fondée sur le handicap, inscrite aux articles 2, paragraphe 1, et 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 2000/78, s’oppose à un licenciement fondé sur un handicap qui, compte tenu de l’obligation de prévoir des aménagements raisonnables pour les personnes handicapées, n’est pas justifié par le fait que la
personne concernée n’est pas compétente, ni capable, ni disponible pour remplir les fonctions essentielles de son poste. »
( 20 ) Voir points 41 et 42 des présentes conclusions.
( 21 ) C‑188/15, EU:C:2016:553.
( 22 ) Arrêt du 11 avril 2013 (C‑335/11 et C‑337/11, EU:C:2013:222).
( 23 ) Voir arrêt du 11 avril 2013, HK Danmark (C‑335/11 et C‑337/11, EU:C:2013:222, points 48 à 64).
( 24 ) Voir arrêt du 11 avril 2013, HK Danmark (C‑335/11 et C‑337/11, EU:C:2013:222, points 69 à 92).
( 25 ) Voir arrêt du 11 avril 2013, HK Danmark (C‑335/11 et C‑337/11, EU:C:2013:222, point 68 et point 3 du dispositif).
( 26 ) Arrêt du 11 avril 2013, HK Danmark (C‑335/11 et C‑337/11, EU:C:2013:222).
( 27 ) L’arrêt examinait la question de savoir si les maladies dont souffraient les travailleurs constituaient bien un handicap au sens de la directive 2000/78. Cette question n’est toutefois pas pertinente pour cette partie de mon analyse.
( 28 ) Il semble que cette disposition ait été optionnelle. Elle s’appliquait lorsqu’elle avait été stipulée dans « [l]e contrat de travail écrit ». Voir arrêt du 11 avril 2013, HK Danmark (C‑335/11 et C‑337/11, EU:C:2013:222, point 13).
( 29 ) Voir arrêt du 11 avril 2013, HK Danmark (C‑335/11 et C‑337/11, EU:C:2013:222, points 26, 72, 78 et 79).
( 30 ) Voir arrêt du 11 juillet 2006, Chacón Navas (C‑13/05, EU:C:2006:456, point 48).
( 31 ) Arrêt du 11 avril 2013 (C‑335/11 et C‑337/11, EU:C:2013:222).
( 32 ) En effet, je relève que, dans l’arrêt du 30 avril 2014, Pfleger e.a. (C‑390/12, EU:C:2014:281), dans lequel la législation nationale litigieuse était beaucoup plus explicite en ce qui concernait les maux à combattre (l’addiction aux jeux d’argent, dans cette affaire), la Cour a toutefois jugé qu’il appartenait à la juridiction nationale d’effectuer sa propre appréciation des circonstances entourant l’adoption et la mise en œuvre de cette législation (voir, notamment, point 52 de cet arrêt).
( 33 ) Arrêt du 11 avril 2013 (C‑335/11 et C‑337/11, EU:C:2013:222).
( 34 ) Bien que la juridiction de renvoi affirme dans l’ordonnance de renvoi que la législation danoise en cause s’inscrivait dans le cadre d’une politique d’intégration des travailleurs handicapés, rien dans l’arrêt de la Cour ne le corrobore. Il est vrai que la Cour relève, au point 14 dudit arrêt, que cette politique existe en effet dans la législation nationale de mise en œuvre de la directive 2000/78, mais elle ne suggère pas que ces deux ensembles législatifs sont liés. Au point 78 dudit
arrêt, elle relève que le gouvernement danois a indiqué, dans son mémoire en intervention, que la finalité de la mesure nationale permettant un licenciement rapide concerne les travailleurs qui présentent « un risque particulier d’absences répétées pour cause de maladie », et non spécifiquement les travailleurs handicapés. Même si elle rappelle au point 85 dudit arrêt l’argument du gouvernement selon lequel la mesure litigieuse permet l’embauche et le maintien dans l’emploi, notamment, de
travailleurs handicapés, cela visait à refléter le résultat de la législation et non son objectif.
( 35 ) À l’audience, le gouvernement espagnol a indiqué que, en 2016, 5,67 % de la population active en moyenne était absente du travail chaque jour, ce qui a causé une perte de production des biens et services représentant 5,63 % du produit national brut.
( 36 ) Voir point 7 des présentes conclusions.
( 37 ) Arrêt du 11 avril 2013 (C‑335/11 et C‑337/11, EU:C:2013:222).
( 38 ) Voir arrêt du 11 avril 2013, HK Danmark (C‑335/11 et C‑337/11, EU:C:2013:222, points 19 et 86). Il semble que ce remboursement ait été limité à 52 semaines et que le montant ait été inférieur aux montants réellement déboursés par l’employeur.
( 39 ) Selon la Commission, la règle générale établit un délai de carence de trois jours et prévoit que l’employeur est susceptible de payer 60 % des coûts salariaux pendant les 12 jours suivants, avant que l’État ne prenne la suite. En outre, les employeurs espagnols sont, dans la plupart des cas, tenus de verser l’équivalent de 20 jours de rémunération par année travaillée, avec un plafond fixé à un an de salaire, en cas de licenciement.
( 40 ) Arrêt du 11 avril 2013 (C‑335/11 et C‑337/11, EU:C:2013:222).