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22/06/2017 | CJUE | N°C-413/15

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Mme E. Sharpston, présentées le 22 juin 2017., Elaine Farrell contre Alan Whitty e.a., 22/06/2017, C-413/15


CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 22 juin 2017 ( 1 )

Affaire C‑413/15

Elaine Farrell

contre

Alan Whitty,

The Minister for the Environment, Ireland and the Attorney General,

Motor Insurers’ Bureau of Ireland (MIBI)

[demande de décision préjudicielle formée par la Supreme Court (Cour suprême, Irlande)]

« Définition d’une émanation de l’État aux fins d’établir la responsabilité d’un État membre pour défaut de transposition correcte

d’une directive – Conditions auxquelles un organisme privé peut être considéré comme une émanation de l’État »

1.  Depuis que la Cour a ...

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 22 juin 2017 ( 1 )

Affaire C‑413/15

Elaine Farrell

contre

Alan Whitty,

The Minister for the Environment, Ireland and the Attorney General,

Motor Insurers’ Bureau of Ireland (MIBI)

[demande de décision préjudicielle formée par la Supreme Court (Cour suprême, Irlande)]

« Définition d’une émanation de l’État aux fins d’établir la responsabilité d’un État membre pour défaut de transposition correcte d’une directive – Conditions auxquelles un organisme privé peut être considéré comme une émanation de l’État »

1.  Depuis que la Cour a élaboré la théorie de l’effet direct des directives et l’a rendue applicable aux litiges « verticaux », entre un particulier et l’État, mais a refusé d’étendre cette théorie « horizontalement » pour couvrir des litiges entre personnes privées, il a été essentiel de savoir quelles sont les limites de l’« État » aux fins de l’application de la théorie de l’effet direct vertical. Dans ce renvoi préjudiciel de la Supreme Court (Cour suprême, Irlande), cette question est examinée
à la loupe. Le Motor Insurers’ Bureau of Ireland (l’organisme qui, en Irlande, a la compétence exclusive pour l’indemnisation des demandeurs blessés dans des accidents de la circulation routière lorsque le conducteur responsable n’est pas assuré ou ne peut être identifié ; ci-après le « MIBI ») est-il une « émanation de l’État » au sens du critère établi dans l’arrêt Foster e.a. (ci-après l’arrêt « Foster ») ( 2 ) ? Si tel est le cas, c’est le MIBI, plutôt que les parties étatiques dans la
procédure au principal [à savoir, le Minister for the Environment (ministre de l’Environnement, Irlande) (ci-après le « Minister »), l’Irlande et l’Attorney General], qui sera tenu de payer une indemnisation à la victime d’un accident de la route impliquant un conducteur qui n’était pas assuré, en toute légalité, en vertu du droit national en raison du défaut de transposition correcte et en temps utile par l’Irlande de dispositions du droit de l’Union exigeant que tous les passagers de véhicules
automoteurs soient couverts par l’assurance souscrite par le conducteur de ce véhicule.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

2. Depuis 1972, les diverses directives du Conseil concernant l’obligation d’être couvert par une assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs ont visé à assurer que, en parallèle avec l’assouplissement des règles relatives à la circulation des voyageurs, une indemnisation soit garantie aux victimes d’accidents de la circulation routière. À cette fin, le système préexistant (assez lourd) de la « carte verte » a progressivement été remplacé par un
système spécifique de l’Union. La nature et la portée de la couverture d’assurance obligatoire ont progressivement été étendues dans les directives successives ( 3 ).

3. Tandis que l’article 2 de la directive 72/166/CEE du Conseil ( 4 ) (ci-après la « première directive sur l’assurance automobile ») imposait aux États membres de s’abstenir d’effectuer un contrôle systématique de l’assurance de responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules lorsque ceux-ci avaient leur stationnement habituel sur le territoire d’un autre État membre, l’article 3, paragraphe 1, de la directive donnait instruction à chaque État membre de « prend[re] toutes les mesures
utiles […] pour que la responsabilité civile relative à la circulation des véhicules ayant leur stationnement habituel sur son territoire soit couverte par une assurance ». L’article 3, paragraphe 1, de la directive prévoyait également que « les dommages couverts ainsi que les modalités de cette assurance sont déterminés dans le cadre de ces mesures ».

4. La directive 84/5/CEE du Conseil ( 5 ) (ci-après la « deuxième directive sur l’assurance automobile ») a reconnu que d’importantes divergences subsistaient quant à l’étendue de l’obligation d’assurance entre les législations des divers États membres ( 6 ) et a constaté, en particulier, la nécessité « de prévoir qu’un organisme garantira que la victime ne restera pas sans indemnisation dans le cas où le véhicule qui a causé le sinistre n’est pas assuré ou n’est pas identifié » ( 7 ).

5. L’article 1er, paragraphe 1, de la deuxième directive sur l’assurance automobile exigeait que « l’assurance visée à l’article 3, paragraphe 1, de [la première directive sur l’assurance automobile] couvre obligatoirement les dommages matériels et les dommages corporels ».

6. Les deux premiers alinéas de l’article 1er, paragraphe 4, étaient libellés comme suit :

« Chaque État membre crée ou agrée un organisme ayant pour mission de réparer, au moins dans les limites de l’obligation d’assurance, les dommages matériels ou corporels causés par un véhicule non identifié ou pour lequel il n’a pas été satisfait à l’obligation d’assurance visée au paragraphe 1. Cette disposition ne porte pas atteinte au droit des États membres de donner ou non à l’intervention de cet organisme un caractère subsidiaire, ainsi qu’à celui de réglementer les recours entre cet
organisme et le ou les responsables du sinistre et d’autres assureurs ou organismes de sécurité sociale tenus d’indemniser la victime pour le même sinistre. Toutefois, les États membres ne peuvent pas autoriser l’organisme à subordonner son intervention à la condition que la victime établisse, d’une quelconque manière, que la personne responsable n’est pas en mesure ou refuse de payer.

La victime peut en tout cas s’adresser directement à l’organisme qui, sur la base des informations fournies à sa demande par la victime, est tenu de lui donner une réponse motivée quant à son intervention.

[…] »

7. La troisième directive sur l’assurance automobile a noté que des divergences significatives subsistaient dans la couverture d’assurance ( 8 ) et qu’il y avait lieu de garantir aux victimes d’accidents de la circulation automobile un traitement comparable quels que soient les endroits (de l’Union) où les accidents s’étaient produits ( 9 ). Elle notait qu’« il existe en particulier des lacunes dans la couverture d’assurance obligatoire des passagers des véhicules automobiles dans certains États
membres » et que « pour protéger cette catégorie particulièrement vulnérable de victimes potentielles, il convient de combler ces lacunes » ( 10 ) ; elle identifiait également plusieurs améliorations nécessaires dans la manière dont devait opérer l’organisme créé pour indemniser les victimes d’accidents causés par des véhicules non assurés ou non identifiés ( 11 ).

8. L’article 1er de la troisième directive sur l’assurance automobile dispose :

« Sans préjudice du deuxième alinéa de l’article 2, paragraphe 1, de [la deuxième directive sur l’assurance automobile] [ ( 12 )], l’assurance visée à l’article 3, paragraphe 1, de [la première directive sur l’assurance automobile] couvre la responsabilité des dommages corporels de tous les passagers autres que le conducteur résultant de la circulation d’un véhicule.

[…] »

9. En vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la troisième directive sur l’assurance automobile, le délai dont disposait l’Irlande pour transposer l’article 1er de cette directive en droit national était le 31 décembre 1998 en ce qui concerne les passagers arrière des motocyclettes et le 31 décembre 1995 en ce qui concerne les autres véhicules.

Le droit irlandais

10. L’article 56 du Road Traffic Act 1961 (loi de 1961 sur la circulation routière ; ci-après la « loi de 1961 »), tel qu’il était applicable à l’époque des faits en cause dans la procédure au principal, imposait à tout utilisateur de véhicule automoteur d’être couvert par une assurance contre les dommages corporels ou matériels causés aux tiers dans un lieu public. En vertu de l’article 65, paragraphe 1, de cette loi aucune couverture d’assurance n’était toutefois requise pour les « personnes
exceptées ». Ainsi, notamment, les conducteurs de véhicules commerciaux non pourvus de sièges arrière ne devaient pas être assurés contre leur propre conduite négligente ( 13 ).

11. En vertu de l’article 78 de la loi de 1961, les assureurs qui exercent une activité d’assurance automobile en Irlande doivent être membres du MIBI. En cette qualité, ils sont également tenus, en pratique, par les accords conclus entre le MIBI et l’Irlande ( 14 ).

Le MIBI ( 15 )

12. La fonction du MIBI est de connaître, entre autres, des demandes d’indemnisation lorsqu’un conducteur d’un véhicule est responsable, mais n’est ni assuré ni capable d’indemniser lui-même une personne qui a été blessée dans un accident de la circulation. Le MIBI a été constitué au mois de novembre 1954 ( 16 ), à la suite d’un accord entre le Department of Local Government (département des Collectivités locales) et les assureurs émettant des polices d’assurance automobile en Irlande. Le MIBI est
un organisme de droit irlandais : une société à responsabilité limitée par garantie n’ayant pas de capital social.

13. Il y a eu plusieurs versions successives de l’accord entre l’Irlande et les assureurs décrivant l’étendue des responsabilités et pouvoirs du MIBI. C’est l’accord conclu entre le MIBI et le Minister for the Environment en 1988 qui est pertinent pour l’affaire au principal ( 17 ). En vertu de l’article 2 de cet accord, une action peut être intentée contre le MIBI par toute personne cherchant à obtenir une indemnisation à l’encontre d’un conducteur non assuré ou non identifié. Ainsi, le MIBI peut
être poursuivi par une personne blessée en vue d’obtenir l’exécution de l’accord entre l’Irlande et les assureurs, bien que cette personne ne soit pas partie à cet accord. L’article 4 établit le consentement du MIBI à indemniser les victimes de conducteurs non assurés ou non identifiés. En outre, lorsqu’une décision de justice à l’encontre d’un conducteur défendeur connu n’est pas pleinement exécutée dans les vingt-huit jours, le MIBI est tenu d’intervenir à condition que cette décision de
justice couvre « toute responsabilité pour dommages corporels ou dommages matériels devant être couverte par une police d’assurance agréée en vertu de l’article 56 de [la loi de 1961] ». Selon la décision de renvoi, aucune législation ou autre forme d’acte de droit public ne prévoit que le MIBI agit pour le compte du conducteur non assuré ou non identifié. Tout droit ou toute obligation pour le MIBI d’agir ainsi est tiré de l’accord du MIBI avec le Minister.

14. En cas de survenance d’un accident impliquant un conducteur non assuré, le MIBI s’efforcera de conclure avec ce conducteur un contrat aux termes duquel le conducteur donne au MIBI le même mandat pour agir que celui dont sa compagnie d’assurances bénéficierait s’il était assuré. S’il y parvient, le MIBI agit ensuite d’une manière similaire à une compagnie d’assurances normale traitant une demande pour le compte d’un conducteur assuré : le MIBI soit réglera le sinistre, soit bénéficiera de droits
subrogés pour s’opposer à la demande en justice. Lorsque le conducteur refuse de conclure un tel contrat, il apparaît que le MIBI agit simplement pour le compte du conducteur non assuré de toute façon, tirant son pouvoir et son obligation de le faire de son accord de droit privé avec le Minister. En l’absence de contrat avec le conducteur non assuré, le MIBI ne peut chercher à récupérer une quelconque partie de l’indemnisation qu’il paie ou des frais qu’il expose que par un recours contre ce
conducteur fondé sur l’enrichissement sans cause. Lorsque le conducteur n’est pas identifié, le MIBI agira en vertu de ses obligations au titre de son accord avec le Minister, mais n’aura aucune partie à l’encontre de laquelle chercher à récupérer une quelconque part de l’indemnisation qu’il a payée ou des frais qu’il a exposés.

15. Outre l’accord de 1988, le Minister (agissant pour le compte de l’Irlande) et les assureurs ont signé deux autres accords, le 31 mars 2004 et le 29 janvier 2009. Ces deux accords modifient légèrement l’accord de 1988. Selon la juridiction de renvoi, le droit irlandais a, par ces accords, été mis en conformité avec la troisième directive sur l’assurance automobile. En particulier, ces accords corrigent les lacunes du droit national en matière d’obligation d’assurance en ce qui concerne les
passagers à l’arrière de camionnettes non pourvues de sièges [ainsi qu’en matière d’obligation en ce qui concerne les passagers qui auraient raisonnablement dû savoir (par opposition à ceux qui savaient effectivement) qu’un véhicule était volé] ( 18 ).

16. Le MIBI ne reçoit pas de soutien financier de l’Irlande. Il est intégralement financé par ses membres –, à savoir les assureurs émettant des polices d’assurance de la responsabilité automobile en Irlande. Ces assureurs versent des contributions à un fonds général, qui sont fixées au niveau nécessaire pour faire face aux interventions auxquelles le MIBI est effectivement tenu en application du régime ( 19 ). Dans toute affaire (notamment lorsque le conducteur non assuré était précédemment assuré
auprès d’un assureur identifiable, mais a laissé son assurance prendre fin), un assureur donné peut devenir l’« assureur lié ». Dans ce cas, cet assureur assumera les obligations du MIBI et, le cas échéant, paiera une indemnisation et les frais. Selon la juridiction de renvoi, les primes facturées au public par les assureurs pour une assurance automobile comprennent la prime proposée pour l’assurance individuelle du conducteur à assurer ainsi qu’un élément reflétant le coût de leurs
contributions prévisionnelles au budget du MIBI. Ainsi, les membres du MIBI, à savoir les assureurs, financent ensemble le paiement des indemnisations aux personnes blessées et le décaissement des frais juridiques qui sont exposés par le MIBI ou dont celui-ci devient redevable, ainsi que les frais administratifs du MIBI. Le financement même intervient au moyen du mécanisme des contributions des membres, qui sont prélevées sur les assureurs en proportion des revenus bruts des primes qu’ils tirent
de leur activité d’émission de polices d’assurance automobile en Irlande (à savoir sur leurs parts de marché, telles qu’exprimées en valeur) ( 20 ).

17. Les modifications à l’acte constitutif et aux statuts du MIBI nécessitent le consentement du ministre compétent. Selon la juridiction de renvoi, il ne s’agit pas d’une exigence spéciale découlant des fonctions particulières du MIBI ; plus exactement, cette même règle s’applique à toutes les sociétés à responsabilité limitée par garantie au titre de l’article 28 du Companies Act 1963 (la loi de 1963 sur les sociétés).

18. En vertu de l’article 3 lu en combinaison avec les articles 8 et 9 de l’Insurance Act 1963 (loi de 1963 sur les assurances), les assureurs doivent être agréés pour émettre des polices d’assurance en Irlande ( 21 ). En vertu de l’article 78 de la loi de 1961, l’affiliation au MIBI est l’une des conditions pour détenir un tel agrément.

19. De temps à autre, des modifications à l’accord entre le MIBI et le Minister sont nécessaires (par exemple, pour étendre les catégories de couverture d’assurance de véhicules automoteurs pour lesquelles le MIBI est tenu d’intervenir dans l’hypothèse où le conducteur est non identifié ou non assuré). La juridiction de renvoi indique que si un assureur est membre du MIBI mais ne souhaite pas consentir à une modification des termes de l’accord entre le MIBI et le Minister, cet assureur peut renoncer
à sa qualité de membre du MIBI. Dans ce cas, cet assureur ne répondrait toutefois plus aux conditions pour détenir un agrément et ne serait, par conséquent, plus en mesure d’émettre des polices d’assurance automobile en Irlande.

Les faits, la procédure et les questions préjudicielles

20. Le 26 janvier 1996, Mme Elaine Farrell voyageait dans une camionnette appartenant à M. Alan Whitty et conduite par ce dernier. La camionnette n’était ni conçue ni construite pour transporter des passagers à l’arrière du véhicule. Mme Farrell était assise sur le sol de la camionnette lorsque M. Whitty a perdu le contrôle de son véhicule. Elle a été blessée. M. Whitty n’était pas assuré. En droit irlandais, tel qu’il existait à l’époque, M. Whitty n’était pas tenu de s’assurer contre les dommages
corporels causés par négligence à Mme Farrell. Elle relevait d’une classe de personnes qui, alors qu’elles étaient couvertes par la troisième directive sur l’assurance automobile et bénéficiaient de droits à une protection au titre de ladite directive, ne bénéficiaient pas de tels droits en vertu du droit irlandais. Bien que la troisième directive sur l’assurance automobile eût rendu une telle assurance obligatoire, cet élément de la directive n’avait, à l’époque des faits, pas encore été
transposé en droit irlandais.

21. Mme Farrell a cherché à obtenir une indemnisation auprès du MIBI.

22. Le MIBI a rejeté la demande d’indemnisation de Mme Farrell au motif que la responsabilité pour les dommages corporels qu’elle avait subis n’était pas une responsabilité pour laquelle une assurance était requise en droit national.

23. Mme Farrell a porté sa demande devant les juridictions irlandaises ; et la High Court (Haute Cour, Irlande) a dûment procédé à un renvoi préjudiciel devant la Cour, cherchant à être éclairée sur l’interprétation de la troisième directive sur l’assurance automobile.

24. Dans son arrêt Farrell ( 22 ), la Cour a jugé que l’article 1er de la troisième directive sur l’assurance automobile s’oppose à une réglementation nationale selon laquelle l’assurance obligatoire de la responsabilité civile automobile ne couvre pas la responsabilité des dommages corporels causés aux personnes voyageant dans une partie d’un véhicule automoteur qui n’a été ni conçue ni construite avec des sièges pour passagers. La Cour a, de plus, jugé que cette disposition a un effet direct. Elle
a toutefois laissé au juge national le soin de vérifier si un particulier pouvait invoquer l’article 1er de la troisième directive sur l’assurance automobile à l’encontre d’un organisme tel que le MIBI ( 23 ).

25. La juridiction de renvoi explique qu’il a, à présent, été payé à Mme Farrell une somme d’argent adéquate à titre d’indemnisation ( 24 ). Toutefois, un litige demeure quant à la question de savoir qui est tenu de prendre en charge le financement de l’indemnisation payée : le MIBI ou le Minister, l’Irlande et l’Attorney General (collectivement, l’État membre). La juridiction de renvoi est d’avis que cela dépend de la question de savoir si le MIBI est, ou n’est pas, une émanation de l’Irlande.

26. Dans ce contexte, la juridiction de renvoi a demandé à la Cour à être éclairée sur les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Faut-il interpréter le critère établi au point 20 de l’arrêt [Foster], concernant ce qu’il y a lieu d’entendre par émanation d’un État membre, en ce sens que les éléments de ce critère doivent s’appliquer :

a) cumulativement ou

b) indépendamment les uns des autres ?

2) Dans la mesure où différents éléments mentionnés dans l’arrêt [Foster] pourraient aussi être considérés comme des facteurs qu’il y aurait lieu de prendre adéquatement en considération dans le cadre d’une appréciation globale, existe-t-il un principe fondamental sous-jacent aux différents facteurs identifiés dans cet arrêt, principe que devrait appliquer une juridiction examinant la question de savoir si un organisme donné est une émanation de l’État ?

3) Est-il suffisant que, dans l’objectif manifeste de remplir les obligations qui lui sont imposées par le droit de l’Union, un État membre ait transféré une part importante de responsabilité à un organisme pour que cet organisme soit une émanation de l’État membre, ou est-il en outre nécessaire qu’un tel organisme dispose également a) de pouvoirs spéciaux ou b) qu’il opère sous le contrôle ou la supervision directs de l’État membre ? »

27. Le MIBI, le Minister, l’Irlande et l’Attorney General, le gouvernement français ainsi que la Commission européenne ont déposé des observations écrites et ont été entendus en leurs plaidoiries lors de l’audience du 5 juillet 2016.

Appréciation

Observations liminaires : le contexte du critère de l’arrêt Foster

28. L’idée selon laquelle le droit de l’Union ne concerne pas que des relations entre États, mais confère des droits aux particuliers remonte à l’arrêt van Gend & Loos ( 25 ). Le raisonnement qui sous-tend l’effet direct vertical des directives suit la même logique. Une disposition claire, précise et inconditionnelle d’une directive consacre un droit dont les États membres ont convenu, lorsqu’ils ont promulgué cette directive, qu’il devrait être conféré aux particuliers. Bien que « le choix quant à
la forme et aux moyens » soit laissé à l’État membre lorsqu’il transpose une directive en droit national, une directive « lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre » (ces deux mentions sont à trouver à l’article 288, troisième alinéa, TFUE). En principe, un État membre devrait naturellement se conformer à ses obligations et transposer chaque directive complètement et correctement pour la date de transposition prévue. La directive devient alors, en un certain sens, invisible
parce que les droits qu’elle confère se trouvent désormais pleinement exprimés en droit national.

29. Parfois, cela n’est toutefois pas le cas ; et des particuliers doivent se référer à la directive elle-même. Lorsqu’elle a formulé le principe de l’effet direct vertical des directives, la Cour a souligné qu’un État membre ne saurait être autorisé à tirer avantage de son propre défaut de transposition d’une directive et qu’un particulier peut, dès lors, invoquer une disposition claire, précise et inconditionnelle d’une directive à l’encontre de l’État membre lui-même ( 26 ).

30. La jurisprudence de la Cour précise qu’est dénuée de pertinence la qualité précise en laquelle l’État membre agit ( 27 ). Il n’est pas non plus une condition préalable de l’effet direct vertical que la partie particulière de l’« État » qui est la défenderesse dans une affaire donnée porte une quelconque responsabilité effective pour le défaut de mise en œuvre de la directive en question par l’État membre ( 28 ).

31. La position est plutôt que si l’État membre avait correctement mis en œuvre la directive, chacun aurait été tenu de respecter les droits accordés par cette directive aux particuliers. Par conséquent, à tout le moins, tout organe faisant partie de l’État devrait être tenu de respecter ces droits individuels.

32. Lorsqu’un droit d’effet direct d’une directive ne peut être invoqué (parce que le défendeur n’est pas l’État ou une émanation de l’État), le modèle général peut être décrit comme suit. Une directive indique, souvent en des termes plutôt abstraits, les droits qui doivent être transposés en droit national et auxquels celui‑ci doit donner corps. Étant donné que les droits au titre du droit de l’Union doivent être effectifs, aucun droit ne peut exister sans une voie de droit correspondante (« ubi
jus, ibi remedium »). La première étape consiste, par conséquent, à se tourner vers le droit national pour voir ce qui (le cas échéant) y existe déjà et peut servir de mise en œuvre (partielle) de la directive ( 29 ) et, simultanément, à examiner si la directive elle-même a précisé une voie de droit à prévoir en droit national en cas de méconnaissance du droit conféré. L’étape suivante consiste à examiner de manière approfondie les voies de droit disponibles en droit national en vue d’utiliser
ce qui peut y être trouvé pour fournir une voie de droit appropriée tout en respectant l’autonomie du droit procédural national, par application des principes (désormais classiques) d’équivalence et d’effectivité dans le cadre de l’obligation globale que la législation nationale soit interprétée en conformité avec le droit de l’Union (« interprétation conforme ») ( 30 ). Ce n’est que lorsque cela n’aboutit pas à une protection effective du droit garanti par le droit de l’Union qu’on se tourne
vers la théorie de la responsabilité de l’État. La responsabilité de l’État donnant lieu à indemnisation est donc une voie de droit, non de premier ressort, mais plutôt de dernier recours.

33. Le processus d’analyse que je viens de décrire est souvent un exercice complexe et compliqué. Une interprétation uniforme de la législation nationale existante ne sera pas possible si une telle interprétation intervient contra legem ( 31 ). Réclamer une indemnisation à l’encontre de l’État membre ( 32 ) nécessite que le demandeur soit mette l’État membre à la cause en tant que défendeur additionnel (avec, dans le même temps, une exposition aux dépens à l’égard de l’État membre si la demande
contre le défendeur principal devait aboutir), soit initie une deuxième procédure, dirigée contre l’État membre, après avoir tenté, sans succès, de se retourner contre le défendeur principal. À moins que le litige ne surgisse dans le contexte d’un défaut total de mise en œuvre d’une directive, une indemnisation à l’encontre de l’État membre n’est pas acquise d’avance ( 33 ).

34. Toutefois, lorsque le droit national ne contient rien qui puisse être considéré comme une mise en œuvre du droit qui aurait dû être accordé conformément à la directive (comme en l’espèce), le choix est binaire. Si le défendeur manifeste (en l’espèce, le MIBI) peut dûment être qualifié d’« État » ou d’« émanation de l’État », le demandeur peut invoquer directement ses droits d’effet direct au titre de la directive elle-même (effet direct vertical) et obtenir réparation auprès de ce défendeur. Si
tel n’est pas le cas, la voie de droit est ouverte à l’encontre de l’État membre en indemnisation selon le principe exposé clairement par la Cour dans son arrêt Dillenkofer e.a. ( 34 ).

La première question

35. Par sa première question, la juridiction de renvoi demande si les éléments du critère de l’arrêt Foster doivent être appliqués cumulativement ou indépendamment les uns des autres. C’est une question légitime. La formulation du point 18 de l’arrêt Foster implique que ses éléments soient appréciés indépendamment les uns des autres : « la Cour a tour à tour admis que des dispositions inconditionnelles et suffisamment précises d’une directive pouvaient être invoquées par les justiciables à
l’encontre d’organismes ou d’entités qui étaient soumis à l’autorité ou au contrôle de l’État ou qui disposaient de pouvoirs exorbitants par rapport à ceux qui résultent des règles applicables dans les relations entre particuliers » ( 35 ). En revanche, la formulation utilisée au point 20 semble être cumulative : « Il résulte de ce qui précède que figure en tout cas au nombre des entités qui peuvent se voir opposer les dispositions d’une directive susceptibles d’avoir des effets directs un
organisme qui, quelle que soit sa forme juridique, a été chargé en vertu d’un acte de l’autorité publique d’accomplir, sous le contrôle de cette dernière, un service d’intérêt public et qui dispose, à cet effet, de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers ( 36 ). »

36. D’un point de vue logique, la prémisse qui sous-tend la première question est que les éléments identifiés par la Cour dans l’arrêt Foster constituent une liste exhaustive de ce qui doit être pris en compte lorsqu’il s’agit de répondre à la question : « le défendeur est-il une émanation de l’État aux fins de l’effet direct vertical ? ». Si les éléments du critère doivent être appréciés indépendamment les uns des autres, la présence de A ou B ou C ou D dans les faits du contexte suffira. Si le
critère est cumulatif, A, B, C et D devront tous être présents. Mais, de l’une ou l’autre manière, la présence (ou l’absence) d’un autre facteur (disons E ou F) est dénuée de pertinence. Pour l’exprimer autrement : la prémisse est que la Cour, dans son arrêt Foster, s’est efforcée d’identifier – et a identifié – tous les éléments qui seraient pertinents pour apprécier si un défendeur donné est, ou n’est pas, une émanation de l’État aux fins de l’effet direct vertical.

37. Selon moi, un examen plus approfondi du raisonnement de la Cour dans l’arrêt Foster montre toutefois que la Cour ne s’y livrait pas à l’exercice (hasardeux) de chercher à prévoir toutes les constellations futures possibles de faits qui pourraient donner lieu à la question : « ce défendeur est-il une émanation de l’État ? ». Elle est, plutôt, allée puiser dans des affaires qu’elle avait déjà jugées dans la mesure nécessaire pour apporter une réponse à la juridiction nationale dans cette affaire
spécifique. Si cela est exact, il en résulte, en toute logique, que la réponse à la première question doit être que les éléments du critère, tel que formulé dans l’arrêt Foster, ne doivent être appréciés ni cumulativement ni indépendamment les uns des autres.

38. Il est, dès lors, nécessaire de se livrer à un petit exercice archéologique minutieux portant sur le libellé de l’arrêt Foster ( 37 ).

39. Les faits essentiels peuvent être exposés simplement. Cinq femmes employées de la British Gas Corporation (ci-après la « BGC ») ont été licenciées à l’âge de 60 ans, conformément à la politique de la BGC consistant à licencier ses employés lorsqu’ils atteignent l’âge de la pension de l’État (à l’époque, 60 ans pour les femmes et 65 ans pour les hommes). Elles souhaitaient continuer à travailler et ont fait valoir devant un Industrial Tribunal (tribunal du travail) que la politique de la BGC,
bien qu’elle ne fût pas interdite par les règles nationales, était contraire à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 76/207/CEE du Conseil ( 38 ). Elles soutenaient qu’elles pouvaient se prévaloir de cette disposition à l’encontre de la BGC.

40. Les caractéristiques connues de la BGC, telles qu’elles ressortent de l’arrêt, étaient les suivantes ( 39 ). En vertu des dispositions du United Kingdom Gas Act 1972 (loi britannique de 1972 sur le gaz), qui régissait la BGC à l’époque des faits du litige au principal, la BGC était une personne morale instituée par la loi, chargée de développer et de maintenir, en régime de monopole, un système de distribution du gaz en Grande-Bretagne. Les membres de l’organe de direction de la BGC étaient
nommés par le secrétaire d’État compétent. Ce dernier avait également le pouvoir de donner à la BGC des directives de caractère général, pour des questions touchant à l’intérêt national, ainsi que des instructions au sujet de sa gestion. La BGC avait pour sa part l’obligation de présenter au secrétaire d’État des rapports périodiques sur l’exercice de ses fonctions, de sa gestion et de ses programmes. Ces rapports étaient ensuite transmis aux deux chambres du parlement. Par ailleurs, la loi
britannique de 1972 sur le gaz conférait à la BGC le droit de présenter des projets de loi au parlement avec l’autorisation du secrétaire d’État. Les éléments d’information soumis à la Cour, tels que notés dans le rapport en vue de l’audience, incluaient également le fait que, en droit anglais, la BGC était un « organisme public » et une « autorité publique » aux fins de diverses lois nationales.

41. L’Industrial Tribunal (tribunal du travail), l’Employment Appeal Tribunal (tribunal d’appel du travail) et la Court of Appeal (Cour d’appel) ont tous rejeté la demande des employées. Elles ont introduit un recours devant la House of Lords (Chambre des Lords), qui a formé un renvoi préjudiciel dans ce qui est devenu l’affaire Foster.

42. Après avoir examiné un argument liminaire concernant la recevabilité, la Cour s’est penchée, au point 16 de son arrêt, sur le fond de la question sur laquelle elle avait à se prononcer.

43. Elle a commencé par exposer les paramètres. Premièrement, elle a rappelé (point 16) que l’effet utile des directives (qui oblige les États membres à adopter un comportement déterminé) se trouverait affaibli si les justiciables ne pouvaient pas s’en prévaloir et que les juridictions nationales ne pouvaient pas les prendre en considération. Elle avait déjà indiqué cela dès 1982 dans son arrêt Becker ( 40 ). « En conséquence », l’État membre qui a manqué de prendre les mesures d’application d’une
directive dans le délai de transposition ne saurait utiliser « le non‑accomplissement par lui-même des obligations qu’elle comporte » à titre de défense à l’encontre d’une demande d’un particulier. « Ainsi » (un autre mot pour « en conséquence »), les dispositions d’effet direct d’une directive peuvent être invoquées i) « à l’encontre de toute disposition nationale non conforme à la directive » ou ii) « en tant qu’elles sont de nature à définir des droits que les particuliers sont en mesure de
faire valoir à l’égard de l’État ».

44. Ensuite (point 17 du même arrêt), la Cour a rappelé qu’elle avait déjà jugé dans son arrêt Marshall ( 41 ) que, aux fins de l’effet direct vertical, la qualité précise en laquelle l’État, en tant que défendeur, agit est sans importance (dans l’arrêt Marshall, c’était « quelle que soit [la qualité en laquelle] [l’État agissait], employeur ou autorité publique »). Et la Cour y a donné l’explication de la raison pour laquelle elle considérait que les directives devraient avoir un effet direct
vertical à l’encontre des États membres : « Dans l’un et l’autre cas, il convient, en effet, d’éviter que l’État ne puisse tirer avantage de sa méconnaissance du droit [de l’Union] » ( 42 ).

45. La Cour s’attache ensuite (point 18) à proposer une définition des types de défendeurs à l’encontre desquels un particulier peut invoquer « des dispositions inconditionnelles et suffisamment précises d’une directive » (en bref, ce qui constitue une émanation de l’État aux fins de l’effet direct vertical). La phrase introductive « sur la base de ces considérations, la Cour a tour à tour admis que […] » sert de signal pour informer le lecteur que la Cour est sur le point de lui donner une formule
abstraite dont les éléments peuvent tous être tirés de la jurisprudence existante.

46. Il n’est, dès lors, pas surprenant de constater que la Cour a immédiatement (point 19) prouvé son affirmation selon laquelle tout ce qu’elle venait d’indiquer pouvait être tiré de la jurisprudence existante. La liste des affaires figurant dans ce point est introduite par la formule « la Cour a ainsi jugé que […] ». Les diverses affaires citées – Becker (« autorités fiscales ») ( 43 ), Busseni (« autorités fiscales ») ( 44 ), Costanzo (« collectivités territoriales ») ( 45 ), Johnston
(« autorités constitutionnellement indépendantes chargées du maintien de l’ordre et de la sécurité publique ») ( 46 ) et Marshall (« autorités publiques assurant des services de santé publique ») ( 47 ) – peuvent être rattachées à un ou plusieurs des éléments individuels exposés par la Cour dans sa formule abstraite figurant au point 18.

47. À ce stade, j’attire l’attention sur le fait que les points 18 et 19 de l’arrêt auraient, tout aussi facilement, pu être écrits dans la séquence opposée. Que l’on indique, « i) voici comment je vais formuler le critère en des termes abstraits ; et ii) vous pouvez voir les caractéristiques que j’ai identifiées dans les affaires suivantes sur lesquelles la Cour s’est déjà prononcée » (l’ordre réel de ces points) ou « i) regardez, voici plusieurs affaires sur lesquelles la Cour s’est déjà
prononcée, qui présentent certaines caractéristiques ; et ainsi ii) voici comment je vais formuler le critère en des termes abstraits » (l’ordre inverse), le raisonnement est, en substance, le même.

48. La Cour aurait pu s’en arrêter là, ayant énoncé la formule abstraite. À strictement parler, la réponse à la question particulière de savoir si la BGC était une émanation de l’État au regard de ce critère incombait à la juridiction de renvoi, statuant sur la base des faits ( 48 ). Toutefois, cette juridiction avait expressément posé la question suivante : « La British Gas Corporation était-elle […] un organisme d’un type tel que les appelantes sont habilitées à invoquer directement la [directive
76/207] devant les juridictions anglaises et peuvent donc prétendre à des dommages et intérêts au motif que la politique de licenciement de la British Gas Corporation était contraire à la directive ? » et la Cour a clairement jugé qu’elle avait suffisamment d’éléments d’information à sa disposition pour donner une indication claire quant à ce que devrait être la réponse ( 49 ). Les divers éléments factuels répertoriés au sujet de la BGC suffisaient à établir que la BGC remplissait en fait chacun
des critères énumérés ( 50 ). La Cour a, dès lors, indiqué (point 20) qu’« il résulte de ce qui précède » qu’un organisme qui combine les diverses caractéristiques identifiées au point 18 (avec plusieurs commentaires additionnels) « figure en tout cas au nombre des entités qui peuvent se voir opposer les dispositions d’une directive susceptibles d’avoir des effets directs » ( 51 ).

49. Je m’arrête pour faire observer que les commentaires additionnels introduits par le point 20 sont davantage conformes à la proposition selon laquelle ce point contient l’application de la formule abstraite à la BGC, plutôt qu’à la proposition selon laquelle il contient le critère lui-même. Premièrement, il y a la référence à « un organisme qui, quelle que soit sa forme juridique », formule qui étend (peut-être un peu par inadvertance) le critère qui précède tiré de la jurisprudence impliquant
essentiellement des autorités publiques, à d’autres organismes dont la « forme juridique » peut être en partie publique et en partie privée ou véritablement exclusivement privée plutôt qu’exclusivement publique ( 52 ). Deuxièmement, il y a l’indication selon laquelle l’organisme en question est un organisme qui « a été chargé en vertu d’un acte de l’autorité publique d’accomplir […] un service d’intérêt public » (il n’existe pas de mention expresse quant au fait d’« accomplir un service
d’intérêt public » au point 18). Troisièmement, il bénéficie de « pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers » (déjà identifiés au point 18) « à cet effet » – à savoir pour permettre à l’organisme d’accomplir un service d’intérêt public. Quatrièmement, tandis que trois des organismes visés dans la jurisprudence citée au point 19 disposaient de « pouvoirs exorbitants », le quatrième (l’autorité de santé dans l’affaire Marshall) n’en disposait
pas. Cela crée une incertitude quant au point de savoir si cet élément devrait être interprété comme un élément nécessaire de la définition de ce qui constitue une émanation de l’État aux fins de l’effet direct vertical. Toutefois, la BGC disposait de tels pouvoirs exorbitants ( 53 ). Ces commentaires additionnels expliquent à la juridiction nationale (en langage à peine codé) que les faits que la Cour a établis sur la base de la décision de renvoi au sujet de la BGC suffisent à qualifier la BGC
d’émanation de l’État.

50. Sont toutefois plus révélateurs les mots « figure en tout cas ». Ils confirment que la Cour ne tente pas, au point 20, de formuler un quelconque type de critère général ou de couvrir toutes les éventualités pour le futur. Elle aborde le cas particulier en cause et indique à la juridiction nationale : « quels que soient les autres organismes qui peuvent (ou ne peuvent pas) être des émanations de l’État, un organisme qui présente toutes ces caractéristiques est une émanation de l’État – ce qui est
ce que vous vouliez savoir ».

51. Cette lecture est renforcée par ce qui se produit entre le point 20 et le dispositif de l’arrêt. Au point 21, la Cour a rappelé qu’elle avait déjà dit pour droit dans son arrêt Marshall ( 54 ) que l’article 5, paragraphe 1, de la directive 76/207 remplissait le critère de l’effet direct. Les points 20 et 21 sont ensuite combinés (au point 22, repris comme dispositif) pour donner à la juridiction de renvoi une réponse précise à la question déférée. Les termes « figure en tout cas », qui
apparaissaient au point 20, ont désormais été supprimés étant donné qu’ils sont inutiles – en effet, même inappropriés – dans le dispositif.

52. Je conclus que la Cour dans son arrêt Foster n’avait aucune intention d’essayer d’énumérer, de manière exhaustive et une fois pour toutes, les éléments du critère de ce qu’est une émanation de l’État aux fins de l’effet direct vertical. Elle a élaboré une formule abstraite à partir de la jurisprudence existante (point 18), qu’elle a ensuite appliquée avec des commentaires pour identifier un organisme dont les caractéristiques impliquaient qu’il devait en tout cas figurer dans la catégorie des
émanations de l’État (point 20). La décision s’arrête là. Ni l’élaboration du critère même à partir de la jurisprudence préexistante, au point 18, ni l’application de ce critère, au point 20, ne visent à être exhaustives ; et tant la logique que le bon sens militent à l’encontre d’une qualification de celles-ci rétrospectivement comme telles.

53. Il en résulte que la réponse à la première question est que le critère de l’arrêt Foster quant à ce qui constitue une émanation de l’État aux fins de l’effet direct vertical des directives doit être trouvé au point 18, et non au point 20, de l’arrêt dans cette affaire. Les éléments du critère qui y est formulé ne doivent être lus ni cumulativement ni indépendamment les uns des autres. Le critère contient plutôt une liste non exhaustive des éléments qui peuvent être pertinents pour une telle
appréciation.

54. Avant de passer à la deuxième question, je dois aborder, brièvement et au passage, une caractéristique curieuse des éléments utilisés par la Cour pour élaborer le critère : à savoir la référence à des « pouvoirs exorbitants ». Dans le français original dans lequel le projet de motifs a été préparé et a fait l’objet du délibéré, le terme utilisé était « pouvoirs exorbitants » – un terme consacré en droit administratif français dont « special powers » n’est pas une traduction anglaise
particulièrement appropriée ( 55 ). L’exemple classique en matière de notion de « service public » en droit administratif français est, comme je le comprends, la décision du Tribunal des conflits du 8 février 1873 dans l’affaire Blanco ( 56 ), qui a reconnu tant la possibilité d’une responsabilité de l’État donnant lieu à indemnisation en conséquence d’actions du « service public » que la compétence exclusive des juridictions administratives (par opposition aux juridictions civiles ordinaires)
pour connaître de telles affaires ( 57 ). L’arrêt du Conseil d’État dans l’affaire Bureau Veritas ( 58 ) fournit d’utiles indications additionnelles sur la notion de droit français d’« exercice des prérogatives de puissance publique […] conférées pour l’exécution de la mission de service public dont [la société en question] est investie ». Cela étant, le libellé de l’arrêt de la Cour dans l’affaire Foster ne cherche pas à définir les « pouvoirs exorbitants » aux fins du droit de l’Union, sauf à
indiquer que de tels pouvoirs sont exorbitants « par rapport à ceux qui résultent des règles applicables dans les relations entre particuliers ». Je reviendrai sur cette notion lorsque j’aborderai plus particulièrement la troisième question déférée ( 59 ).

La deuxième question

55. Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi souhaite être éclairée sur le point de savoir – en partant de l’hypothèse que les éléments énumérés dans l’arrêt Foster constituent un faisceau de facteurs à prendre en considération (comme je l’ai suggéré dans la réponse que je propose à la première question) plutôt qu’un critère restrictif, cumulatif – s’il existe un principe fondamental sous‑tendant les facteurs distincts identifiés qu’une juridiction nationale devrait appliquer aux faits qui
lui sont soumis pour déterminer si un défendeur donné est, ou n’est pas, une émanation de l’État aux fins de l’effet direct vertical des directives.

56. Il y a lieu de commencer par se demander si la jurisprudence postérieure à l’arrêt Foster indique de manière décisive si la Cour a, depuis cet arrêt, effectivement choisi un critère dont les éléments doivent être appréciés indépendamment les uns des autres ou cumulativement (de sorte que la deuxième question devient redondante) ou a donné un poids particulier à l’un ou l’autre des éléments qu’elle a identifiés dans l’arrêt Foster.

57. Pour autant que je puisse en juger, la réponse, en un mot, sur les deux aspects est « non » ; pour le bon ordre toutefois, je vais, à présent, examiner cette jurisprudence de manière un peu plus détaillée. J’aborderai cette jurisprudence dans l’ordre chronologique dans lequel les divers arrêts ont été rendus.

58. La première décision pertinente postérieure à l’arrêt Foster est l’arrêt rendu dans l’affaire Kampelmann e.a. ( 60 ). M. Kampelmann et trois collègues, les requérants dans les affaires C‑253/96 à C‑256/96, étaient des employés du Landschaftsverband (conseil régional, Allemagne), chargé notamment de la construction et de l’entretien des routes de la région de Westfalen-Lippe et de la gestion de plusieurs services de la voirie du Land ( 61 ). M. Schade (affaire C‑257/96) et M. Haseley (affaire
C‑258/96) étaient employés respectivement par Stadtwerke Witten (Département des travaux municipaux, Witten) et par Stadtwerke Altena (Département des travaux municipaux, Altena), des entreprises publiques regroupant les services de distribution d’énergie des villes respectives (de Witten et d’Altena) ( 62 ). Ils souhaitaient invoquer directement, à l’encontre de leurs employeurs respectifs, l’article 2, paragraphe 2, sous c), ii), de la directive 91/533/CEE du Conseil ( 63 ) dans le cadre d’un
litige portant sur leur classement. Ayant conclu que cette disposition avait un effet direct ( 64 ), la Cour a exposé une version amplifiée de l’énumération des éléments à apprécier indépendamment les uns des autres figurant au point 18 de l’arrêt Foster ( 65 ) et a répondu à la deuxième question de la juridiction nationale en rappelant la formule mentionnée au point 18 de l’arrêt Foster ( 66 ).

59. Le défendeur dans l’affaire Collino et Chiappero ( 67 ) était Telecom Italia, la société ayant succédé à une série d’entreprises jouissant d’une concession, à titre exclusif, pour les services de télécommunications à l’usage du public accordée par l’État italien ( 68 ). Les requérants contestaient les conditions de leur transfert du concessionnaire initial au concessionnaire suivant ( 69 ). La juridiction de renvoi a considéré que, objectivement, un transfert d’une entreprise avait eu lieu, mais
a noté que le droit italien avait introduit un régime spécial dérogatoire au droit commun du transfert d’entreprises qui aurait pour effet de tenir en échec la demande des requérants. La juridiction de renvoi a demandé à la Cour si les règles dérogatoires introduites par la loi italienne no 58/92 étaient compatibles avec la directive 77/187/CEE du Conseil ( 70 ).

60. Telecom Italia a cherché à contester la recevabilité du renvoi préjudiciel, faisant valoir que la juridiction de renvoi « ne pourrait pas, en tout état de cause, appliquer les dispositions de la [directive 77/187] au litige au principal qui oppose exclusivement des particuliers » ( 71 ). La Cour a admis que, conformément à une jurisprudence constante, une directive ne peut avoir d’effet direct horizontal ; mais elle a ensuite poursuivi en rappelant à la fois le principe de l’interprétation
conforme et le fait que lorsque les justiciables sont en mesure de se prévaloir d’une directive à l’encontre de l’État, ils peuvent le faire quelle que soit la qualité en laquelle agit ce dernier étant donné qu’il convient d’éviter que l’État ne puisse tirer avantage de sa méconnaissance de (ce qui était à l’époque) le droit communautaire. La Cour a ensuite cité le point 20 de l’arrêt Foster et laissé à la juridiction nationale le soin de vérifier si les requérants pouvaient invoquer directement
la directive 77/187 et s’est attachée à répondre aux questions déférées sur le fond ( 72 ).

61. Dans l’affaire Rieser Internationale Transporte ( 73 ), l’entreprise de transports requérante demandait le remboursement des péages qu’elle estimait avoir trop payés pour l’usage de l’autoroute du Brenner. Le défendeur (« Asfinag ») était l’organisme chargé de la construction, de la planification, de l’exploitation, de l’entretien et du financement des autoroutes et voies rapides autrichiennes dont l’autoroute du Brenner fait partie, en vertu d’un contrat d’usufruit entre lui-même et son
actionnaire unique, l’État autrichien. La société de transports (et la Commission) considéraient que les dispositions pertinentes des directives en cause pouvaient être opposées à une entité telle que Asfinag en raison des liens étroits qui unissent cette société à l’État dans la gestion des autoroutes autrichiennes. Asfinag contestait cette interprétation, faisant valoir qu’elle était constituée sous forme d’une société par actions de droit privé, que son directoire n’était pas lié par des
instructions émanant d’organes de l’État autrichien, qu’elle n’assurait pas de mission étatique et qu’elle percevait les péages pour son propre compte ( 74 ).

62. Après avoir cité les principes sous-tendant l’effet direct vertical établis dans les arrêts Becker ( 75 ), Marshall ( 76 ) et Foster ( 77 ), la Cour a exposé, mot pour mot, le critère figurant au point 20 de l’arrêt Foster, tel qu’il a trouvé écho dans l’arrêt Collino et Chiappero ( 78 ). Elle s’est ensuite engagée dans une analyse méticuleuse des éléments d’information qui lui étaient soumis dans la décision de renvoi ( 79 ). La Cour a jugé que ces éléments faisaient apparaître qu’Asfinag était
un organisme qui avait été chargé, en vertu d’un acte de l’autorité publique, d’accomplir, sous le contrôle de cette dernière, un service d’intérêt général et qui disposait, à cet effet, de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers ( 80 ). La Cour a, dès lors, conclu qu’« un tel organisme figure, quelle que soit sa forme juridique, au nombre des entités qui peuvent se voir opposer les dispositions d’une directive susceptibles d’avoir un effet
direct » ( 81 ).

63. Dans son arrêt Rieser Internationale Transporte, tel que je le comprends, la Cour a fait exactement ce qu’elle avait fait précédemment dans son arrêt Foster. Sur la base des éléments d’information dont elle disposait, la Cour s’est jugée en mesure de conclure qu’Asfinag remplissait tous les éléments énumérés dans l’arrêt Foster. Par conséquent, Asfinag « figur[ait] en tout cas » au nombre des entités à l’encontre desquelles un requérant pouvait invoquer l’effet direct vertical des directives.
J’ajouterai que la décision dans l’affaire Rieser Internationale Transporte précise, sans le moindre doute possible, qu’une société par actions de droit privé dont le directoire n’est pas lié par des instructions émanant de l’État peut néanmoins être une émanation de l’État aux fins de l’effet direct vertical des directives.

64. L’affaire Sozialhilfeverband Rohrbach ( 82 ) concernait la question de savoir si les contrats de travail des travailleurs du Sozialhilfeverband, un syndicat intercommunal d’aide sociale de droit public, avaient été transférés respectivement à deux nouvelles sociétés à responsabilité limitée de droit privé, dont le seul actionnaire était le Sozialhilfeverband. Il a été statué sur le renvoi préjudiciel par voie d’ordonnance motivée conformément à ce qui est l’actuel article 99 du règlement
procédure de la Cour. La Cour semble avoir mis l’accent principal sur le fait que les nouvelles sociétés à responsabilité limitée étaient sous le contrôle du seul actionnaire, qui était lui-même une émanation de l’État. Pour autant que je puisse en juger, elle n’a pas réellement examiné si le Sozialhilfeverband disposait de pouvoirs exorbitants ( 83 ).

65. Dans l’affaire Vassallo ( 84 ), le défendeur était un établissement hospitalier et la question de savoir s’il était une émanation de l’État s’était posée dans le contexte d’une exception d’irrecevabilité. L’établissement hospitalier a noté qu’il ne dépendait ni de l’État italien ni d’aucun ministère. Il s’agissait d’un établissement autonome ayant des dirigeants propres, qui étaient tenus, dans le cadre de leur gestion, d’appliquer les règles du droit interne qu’ils ne pouvaient remettre en
cause et auxquelles ils ne pouvaient déroger ( 85 ). La Cour s’est bornée à indiquer qu’il ressortait de la décision de renvoi que la juridiction nationale considérait comme établi le fait que cet établissement hospitalier constituait une institution du secteur public rattachée à l’administration publique. Cela était suffisant pour que la Cour (utilisant la même formulation amplifiée du critère de l’émanation de l’État que celle qu’elle avait proposée dans son arrêt Kampelmann e.a.) conclue que
l’exception d’irrecevabilité soulevée par l’établissement hospitalier devait être rejetée ( 86 ). Une nouvelle fois, je ne trouve aucun examen des « pouvoirs exorbitants » dans l’analyse de la Cour. Il n’est pas non plus intrinsèquement probable (voir arrêt Marshall) qu’un établissement hospitalier du secteur public possède de tels pouvoirs.

66. Dans son arrêt Farrell I, la Cour a cité le critère exposé au point 20 de l’arrêt Foster (ainsi qu’au point 23 de l’arrêt Collino et Chiappero et au point 24 de l’arrêt Rieser Internationale Transporte), plutôt qu’au point 18 de l’arrêt Foster. La Cour a toutefois immédiatement expressément indiqué qu’elle ne disposait pas de suffisamment d’éléments d’information pour établir si le MIBI était une émanation de l’État et a, dès lors, laissé cette question à l’appréciation de la juridiction
nationale ( 87 ), ce qui a conduit par la suite au présent renvoi préjudiciel.

67. Dans l’affaire Dominguez ( 88 ), la grande chambre était saisie d’une demande au titre de la directive sur le temps de travail (refonte), (directive 2003/88/CE ( 89 )), formée par un employé contre le Centre informatique du Centre-Ouest Atlantique, qui, comme la Cour l’a noté, était « un organisme agissant dans le domaine de la sécurité sociale » ( 90 ). La Cour s’est bornée à citer le point 20 de l’arrêt Foster et a laissé à la juridiction nationale le soin de déterminer si une disposition
ayant un effet direct du droit de l’Union (l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88) pouvait être invoquée à l’encontre de ce défendeur ( 91 ). De nouveau, il n’y a pas eu de constatation expresse quant au point de savoir si le défendeur disposait de pouvoirs exorbitants.

68. Dans l’affaire Carratù ( 92 ), la Cour a eu à connaître de clauses de fixation d’un terme dans des contrats de travail. Le défendeur était la Poste Italiane (service postal italien). Le raisonnement de la Cour sur l’argument relatif à l’émanation de l’État était succinct ( 93 ). Elle a noté le fait que la Poste Italiane était une entité entièrement détenue par l’État italien par l’intermédiaire de son unique actionnaire, le ministère de l’Économie et des Finances et qu’elle était contrôlée par
l’État et la Corte dei Conti (cour des comptes), dont un membre siégeait au conseil d’administration. Dans ce contexte, la Cour a conclu que la Poste Italiane répondait à la version cumulative des éléments identifiés dans l’arrêt Foster et figurait « au nombre des entités » à l’encontre desquelles l’effet direct vertical pouvait être invoqué ( 94 ).

69. J’avoue être moins certaine de comprendre totalement la décision dans l’affaire Portgás (cinquième chambre) ( 95 ), rendue le même jour que l’arrêt Carratù (troisième chambre).

70. À l’époque des faits, Portgás était une société par actions de droit portugais qui était concessionnaire exclusif de service public gazier au sens de l’article 2 de la directive 93/38/CEE du Conseil ( 96 ). Elle avait reçu un cofinancement de l’Union dans le cadre du Fonds européen de développement régional, qu’elle a utilisé notamment pour financer l’acquisition de compteurs de gaz. À la suite d’un audit, un organe de l’État portugais [le gestionnaire du Programa Operacional Norte (programme
opérationnel Nord)] a ordonné la récupération de ce concours financier au motif que Portgás avait manqué aux règles du droit de l’Union pertinentes contenues dans la directive 93/38 régissant une telle passation des marchés publics. Ces règles n’avaient pas encore été transposées en droit portugais. Portgás était-elle une émanation de l’État aux fins de l’effet direct vertical des directives et, si tel était le cas, l’État portugais lui-même pouvait-il invoquer la directive non transposée à
l’encontre de Portgás ?

71. Dans ses conclusions, l’avocat général Wahl a procédé à une analyse en deux parties : i) à l’encontre de qui et ii) par qui les dispositions d’effet direct d’une directive peuvent-elles être invoquées « verticalement » ? Il a pris le point 20 de l’arrêt Foster comme point de départ, considérant qu’il « consacr[ait] » le critère fixé par la Cour dans cette affaire ( 97 ). Il a conclu que le fait que Portgás était un concessionnaire d’un service public et une autorité adjudicatrice au sens de
l’article 2 de la directive 93/38 n’impliquait pas nécessairement qu’elle devait être considérée comme une émanation de l’État ; et que, étant donné que la juridiction de renvoi n’avait « pas fourni suffisamment d’informations au sujet de Portgás pour déterminer si ladite entreprise disposait, au moment des faits litigieux, de pouvoirs exorbitants et était soumise au contrôle des autorités publiques », il appartiendra, « conformément à la règle énoncée dans l’arrêt [Foster] et à l’approche
traditionnellement retenue par la Cour dans des affaires semblables », à cette juridiction d’examiner si toutes ces conditions étaient remplies ( 98 ). Si toutefois Portgás était une émanation de l’État, il ne voyait aucun obstacle à ce que l’État invoque des dispositions d’effet direct de la directive à l’encontre de Portgás ( 99 ).

72. Dans son arrêt, la Cour a d’abord jugé que les dispositions pertinentes de la directive 93/38 étaient effectivement inconditionnelles et suffisamment précises pour avoir un effet direct ( 100 ). Ensuite, elle a cité le point 20 de l’arrêt Foster, tel qu’il se retrouve dans les arrêts Collino et Chiappero (point 23), Rieser Internationale Transporte (point 24), Farrell I (point 40) et Dominguez (point 39) ( 101 ). Elle a tiré de cette jurisprudence la proposition selon laquelle « même si un
particulier relève du champ d’application personnel d’une directive, [les dispositions de] celle-ci ne peuvent être invoquées en tant que telles à son encontre devant les juridictions nationales ». (Je partage cette conclusion, mais je suggérerais de la tirer de l’arrêt Faccini Dori ( 102 ), et non de la jurisprudence citée.)

73. La Cour a directement poursuivi en indiquant qu’« ainsi […], la seule circonstance qu’une entreprise privée concessionnaire exclusif d’un service public fasse partie des entités expressément visées par le champ d’application personnel de la directive 93/38 n’a pas pour conséquence que cette entreprise puisse se voir opposer les dispositions de cette directive » ( 103 ). Ici, je suis d’accord avec la conclusion, mais pour une raison légèrement différente. Il me semble que l’article 2 ne fait rien
de plus que définir le champ d’application matériel de la directive 93/38. Il présente clairement deux branches : l’article 2, paragraphe 1, sous a) (pouvoirs publics ou entreprises publiques) et l’article 2, paragraphe 1, sous b) (entités adjudicatrices qui ne sont pas des pouvoirs publics ou des entreprises publiques, mais qui ont comme activités l’une des activités visées à l’article 2, paragraphe 2 « et bénéficient de droits spéciaux ou exclusifs délivrés par une autorité compétente d’un
État membre »). Je ne considère pas que cette définition du champ d’application matériel (qui répond à la question « qui doit se conformer à cette directive une fois qu’elle est mise en œuvre ? ») répond automatiquement à la question différente « si cette directive n’a pas été mise en œuvre, ses dispositions d’effet direct peuvent-elles être invoquées à l’encontre de tous les organismes qui sont définis comme relevant de son champ d’application ? ».

74. La Cour a ensuite indiqué qu’« il faut […] que ledit service d’intérêt public soit accompli sous le contrôle d’une autorité publique et que ladite entreprise dispose de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers », citant à titre d’autorité pour cette proposition les points 25 à 27 de son arrêt Rieser Internationale Transporte. J’ai déjà commenté cette affaire ( 104 ). Ces trois points de l’arrêt Rieser Internationale Transporte contenaient
l’application du point 20 de l’arrêt Foster aux faits détaillés de l’affaire Rieser Internationale Transporte et ont conduit à la conclusion (au point 28, non cité dans l’arrêt Portgás) qu’« un tel organisme figure, quelle que soit sa forme juridique, au nombre des entités qui peuvent se voir opposer les dispositions d’une directive susceptibles d’avoir un effet direct » ( 105 ). Ils n’appuient pas, comme tels, la proposition selon laquelle tous les éléments énumérés au point 20 de l’arrêt
Foster doivent toujours être présents pour qu’un organisme soit dûment considéré comme une émanation de l’État.

75. Aux points 27 à 30, la Cour a procédé à l’examen des informations dont elle disposait au sujet de Portgás. Elle a conclu que, étant donné qu’elle ne disposait pas de tous les éléments d’information nécessaires pour décider de façon incontestable si Portgás était une émanation de l’État, la juridiction nationale devrait procéder à l’analyse nécessaire (point 31, qui contient une reformulation du point 20 de l’arrêt Foster) ( 106 ). La deuxième partie de l’arrêt a alors abordé la question de
savoir si l’État lui-même pouvait invoquer une directive non transposée à l’encontre d’une émanation de l’État – une question à laquelle, comme l’avocat général, la Cour a répondu par l’affirmative ( 107 ).

76. Selon moi, et avec tout le respect dû, la cinquième chambre semble avoir procédé, dans l’affaire Portgás, sur la base d’une compréhension incomplète du critère adéquat à appliquer. Son insistance à exiger la présence de tous les éléments énumérés au point 20 de l’arrêt Foster ne me semble pas non plus trouver écho ailleurs dans la jurisprudence de la Cour postérieure à l’arrêt Foster.

77. Je conclus de cet examen de la jurisprudence postérieure à l’arrêt Foster que la Cour n’a pas nécessairement décidé de choisir un critère restrictif, cumulatif, quant à ce qui constitue une émanation de l’État aux fins de l’effet direct vertical des directives. Il est vrai qu’elle a eu tendance à citer le point 20 de l’arrêt Foster plus souvent que le point 18 de cet arrêt. Mais il me semble que, en termes de résultat, la Cour n’ait pas insisté rigoureusement sur la présence de tous les éléments
y mentionnés. Elle a plutôt, tout comme dans son arrêt Foster, donné des indications spécifiques déterminantes à la juridiction nationale dans ces instances dans lesquelles elle jugeait qu’elle disposait des éléments d’information pour le faire (notamment dans l’affaire Rieser Internationale Transporte). Ailleurs, elle a laissé à la juridiction nationale le soin de déterminer si le critère était rempli ( 108 ).

78. Même si mon appréciation s’avère inexacte, vu que la question de savoir comment définir ce qu’est une émanation de l’État aux fins de l’effet direct vertical des directives est actuellement soumise à la grande chambre, la Cour a l’occasion, dans le présent renvoi préjudiciel, d’apporter les clarifications nécessaires.

Inspiration d’autres domaines du droit de l’Union

79. Je m’arrête à ce stade pour examiner si des indications utiles peuvent être tirées de trois domaines du droit de l’Union – aides d’État, les règles régissant la fourniture de services d’intérêt économique général (« SIEG ») et les marchés publics – dans lesquels la Cour a déjà eu à connaître de questions qui, conceptuellement, ne sont pas très éloignées du présent problème de savoir comment affiner le critère de l’arrêt Foster de ce qu’est une émanation de l’État aux fins de l’effet direct
vertical des directives. Tous ces domaines comportent les notions d’autorité publique et de fourniture de services en contrepartie d’une rémunération ; tous impliquent que l’État entre en relation avec divers types d’organismes ou d’entreprises. Je ne laisse pas entendre qu’un quelconque des régimes s’appliquant dans ces domaines du droit de l’Union pourrait être transposé automatiquement ou dans son intégralité dans le présent contexte. Ils peuvent toutefois éclairer utilement les critères qui
devraient être adoptés pour tracer une ligne de démarcation entre l’« État et ses émanations » et les « personnes privées ».

– Aides d’État (article 107 TFUE)

80. Il y a souvent lieu de déterminer si une mesure particulière est une aide d’État aux fins de l’article 107 TFUE. Dans ce contexte, le critère de savoir si une mesure particulière favorisant une entreprise est d’« origine étatique » est utilisé pour déterminer si cette mesure devrait être considérée comme une « aide accordée par les États ou au moyen de ressources d’État ». L’origine étatique d’une mesure suppose, d’une part, la notion d’imputabilité de la mesure à l’État et, d’autre part, la
notion d’utilisation de ressources d’État.

81. Lorsqu’une autorité publique octroie un avantage à un bénéficiaire, la mesure est par définition imputable à l’État, même si l’autorité en question jouit d’une autonomie juridique à l’égard d’autres autorités publiques ( 109 ). Ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence constante, il n’y a pas lieu de distinguer entre les cas où l’aide est accordée directement par l’État et ceux où elle est accordée par des organismes publics ou privés que l’État institue ou désigne en vue de gérer l’aide ( 110 ).
Cela vaut ainsi si une autorité publique désigne un organisme privé ou public pour gérer une mesure conférant un avantage. Le droit de l’Union ne saurait admettre que la création d’institutions autonomes chargées de la distribution d’aides permette de contourner les règles relatives aux aides d’État ( 111 ).

82. Lorsque l’avantage est accordé par une entreprise publique, il est moins évident que la mesure devrait être imputée à l’État ( 112 ). Dans de tels cas, il est nécessaire d’examiner si les autorités publiques peuvent être considérées comme ayant été impliquées, d’une manière ou d’une autre, dans l’adoption de la mesure. Le seul fait qu’une mesure soit prise par une entreprise publique ne suffit pas en soi pour qu’elle soit imputable à l’État ( 113 ). Toutefois, il n’y a pas lieu de démontrer que,
dans un cas donné, les autorités publiques ont incité concrètement l’entreprise publique à prendre la mesure en cause ( 114 ).

83. Étant donné que les relations entre l’État et les entreprises publiques sont nécessairement étroites, il existe un risque réel que des aides d’État soient octroyées par l’intermédiaire de celles-ci de façon peu transparente et en méconnaissance du régime des aides d’État prévu par le traité ( 115 ). En outre, précisément à cause des relations privilégiées qui existent entre l’État et les entreprises publiques, il sera, en règle générale, très difficile pour un tiers de démontrer dans un cas
concret que des mesures prises par une telle entreprise ont effectivement été adoptées sur instruction des autorités publiques ( 116 ).

84. Pour ces motifs, l’imputabilité à l’État d’une mesure prise par une entreprise publique peut être déduite d’un ensemble d’indices résultant des circonstances de l’espèce et du contexte dans lequel la mesure est intervenue ( 117 ).

85. En ce qui concerne l’utilisation de ressources d’État, en général, seuls des avantages accordés, directement ou indirectement, au moyen de ressources d’État peuvent constituer une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. La jurisprudence montre toutefois que des ressources d’organismes privés peuvent également, à certaines conditions, être considérées comme des ressources d’État aux fins de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. L’origine des ressources n’est pas pertinente à
condition qu’elles soient placées, avant d’être directement ou indirectement transférées aux bénéficiaires, sous contrôle public et soient donc à la disposition des autorités nationales ( 118 ). Il n’est pas nécessaire que les ressources deviennent la propriété de l’autorité publique ( 119 ).

86. Cela signifie-t-il que, lorsqu’une entreprise ou un organisme reçoit un financement à partir du budget de l’État et que ce financement intervient dans des conditions qui répondent à la définition d’une aide d’État selon l’article 107 TFUE, cela suffit à transformer le bénéficiaire en une émanation de l’État aux fins de l’effet direct vertical des directives ? Je ne le pense pas. Ainsi, il me semble qu’une banque privée ou une mine de charbon qui était le bénéficiaire d’une aide en vue de sa
restructuration ne deviendrait pas une émanation de l’État au sens de la jurisprudence Foster. À l’autre extrême, je ne peux pas non plus concevoir que le simple fait qu’une entreprise ou un organisme soit payé à partir de fonds publics pour fournir des biens ou des services la transformerait en une émanation de l’État. Ainsi, une entreprise chargée de la délivrance de fournitures de bureau à un ministère du gouvernement en vertu d’un contrat accordé après une procédure de passation de marchés
publics ne relèverait pas de la définition.

– SIEG

87. Les entreprises chargées de la fourniture de SIEG au sens de l’article 106, paragraphe 2, TFUE sont « soumises aux règles des traités, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie » ( 120 ). Pour autant qu’elles puissent prétendre à l’application de cette disposition, le fait que de telles entreprises reçoivent des fonds de l’État ou se voient
accorder des droits spéciaux ou exclusifs ne conduira pas à la conclusion que l’arrangement est une aide d’État (interdite). Les quatre conditions appliquées pour déterminer si une entreprise donnée fournit des SIEG ont été définies dans le célèbre arrêt Altmark ( 121 ).

88. La première condition fixée par l’arrêt Altmark (la seule des quatre qui soit pertinente pour la présente analyse) est que « l’entreprise bénéficiaire doit effectivement être chargée de l’exécution d’obligations de service public et ces obligations doivent être clairement définies ». À cette condition, le Tribunal a ajouté ultérieurement deux autres conditions : « la présence d’un acte de puissance publique investissant les opérateurs en cause d’une mission SIEG ainsi que [le] caractère
universel et obligatoire de cette mission » et la condition au titre de laquelle « l’État membre doit indiquer les raisons pour lesquelles il estime que le service en cause mérite, de par son caractère spécifique, d’être qualifié de SIEG et distingué d’autres activités économiques » ( 122 ).

89. Cette jurisprudence, prise en combinaison avec la pratique de la Commission relative aux entreprises prétendant exercer des SIEG ( 123 ), montre que de tels services impliquent des activités relevant de la mission publique de l’État que l’État a décidé, pour une raison quelconque, de confier à un tiers. Pour aborder la question sous un angle légèrement différent : les autorités publiques des États membres (au niveau national, régional ou local, selon la répartition des compétences en droit
national) considèrent les services à fournir comme étant d’intérêt général et les soumettent, par conséquent, à des obligations de service public spécifiques. Le terme « SIEG » désigne à la fois des activités économiques et la fourniture de services non économiques ( 124 ).

90. La caractéristique essentielle d’une entreprise fournissant un SIEG est qu’une prestation est fournie, dont la fourniture sert l’intérêt général, mais qui ne serait pas exécutée (ou qui ne serait exécutée qu’à des conditions différentes en termes de qualité, de sécurité, d’accessibilité, d’égalité de traitement ou d’accès universel) par le marché libre en l’absence d’intervention de l’État (ce qu’on appelle le « critère de la défaillance du marché ») ( 125 ). Un exemple évident serait
l’exploitation d’une pharmacie dans une zone rurale isolée. La Cour a, dès lors, jugé que les SIEG sont des services qui présentent des caractères spécifiques par rapport à ceux que revêtent d’autres activités de la vie économique ( 126 ). Selon une jurisprudence constante, les autorités publiques des États membres disposent d’un large pouvoir d’appréciation lorsqu’il s’agit de définir ce qu’ils considèrent comme des SIEG et la définition de ces services par un État membre ne peut être remise en
question par la Commission qu’en cas d’erreur manifeste ( 127 ). Il mérite d’être noté (mais cela n’est pas surprenant) que l’étendue et l’organisation des SIEG varient considérablement d’un État membre à l’autre, en fonction de l’histoire et de la culture de l’intervention publique dans chaque État membre. Les SIEG sont, par conséquent, très divers. Les besoins et les préférences des utilisateurs différeront selon les environnements géographiques, sociaux et culturels. Il appartient, dès lors,
(raisonnablement) aux autorités publiques de chaque État membre de déterminer la nature et l’étendue de ce qu’elles qualifient de service d’intérêt général.

91. Fournir le SIEG exigera du prestataire d’accepter certaines contraintes ou missions spécifiques qui ne vaudraient pas s’il fournissait des services similaires sur une base commerciale. Une énumération non exhaustive de celles-ci peut inclure : fournir les services sur une base universelle à toute personne qui les demande (plutôt qu’être libre de choisir ses clients) ; toujours avoir à fournir ces services (plutôt qu’être libre de choisir si, quand et où les fournir) ; et avoir à fournir le
service indépendamment du point de savoir si cela a du sens commercial de fournir ce service à un client donné ou dans des circonstances données. En contrepartie, l’entreprise fournissant le SIEG bénéficiera habituellement de l’attribution d’un certain type de droits exclusifs et recevra de l’État un paiement qui excède le prix qui serait payé à des conditions normales de marché pour le service fourni.

92. La fourniture du SIEG peut, dans certains cas, également comporter une attribution de pouvoirs exorbitants au sens de la jurisprudence Foster (par exemple, le pouvoir d’appliquer des mesures coercitives à des individus) mais ne le fera pas nécessairement. Je reviendrai sur ce point important plus loin ( 128 ).

– Marchés publics

93. En droit des marchés publics de l’Union, la notion d’« État » et ses émanations est voisine de la notion de « pouvoir adjudicateur ». Cela détermine, à son tour, si un contrat doit être attribué selon les règles de passation des marchés publics ou peut être attribué selon une autre procédure ( 129 ).

94. L’article 2, paragraphe 1, de la directive 2014/24 définit un « pouvoir adjudicateur » comme « l’État, les autorités régionales ou locales, les organismes de droit public ou les associations formées par une ou plusieurs de ces autorités ou un ou plusieurs de ces organismes de droit public ». En vertu de l’article 2, paragraphe 1, sous 4), on entend par « organisme de droit public » « tout organisme présentant toutes les caractéristiques suivantes : a) il a été créé pour satisfaire spécifiquement
des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial ; b) il est doté de la personnalité juridique ; et c) soit il est financé majoritairement par l’État, les autorités régionales ou locales ou par d’autres organismes de droit public, soit sa gestion est soumise à un contrôle de ces autorités ou organismes, soit son organe d’administration, de direction ou de surveillance est composé de membres dont plus de la moitié sont désignés par l’État, les autorités
régionales ou locales ou d’autres organismes de droit public » ( 130 ).

95. Ces conditions cumulatives ( 131 ) concernent non seulement le statut juridique (personnalité juridique) de l’organisme et son lien organique avec l’État (par financement ou contrôle), mais également la mission publique du pouvoir adjudicateur (satisfaire des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial).

96. À première vue, il peut sembler que cette définition est plus étroite que le critère classique de l’arrêt Foster. En pratique toutefois, la Cour l’a interprétée de manière large, flexible et compte tenu des circonstances spécifiques de chaque cas.

97. Ainsi, dans son arrêt University of Cambridge, la Cour a jugé que « si le mode de financement d’un organisme donné peut être révélateur d’une dépendance étroite de cet organisme par rapport à un autre pouvoir adjudicateur, force est toutefois de constater que ce critère n’a pas une portée absolue. Tous les versements effectués par un pouvoir adjudicateur n’ont pas pour effet de créer ou d’approfondir un lien spécifique de subordination ou de dépendance. Seules les prestations qui financent ou
soutiennent, au moyen d’une aide financière versée sans contre-prestation spécifique, les activités de l’entité concernée peuvent être qualifiées de “financement public” » ( 132 ). Il en résultait que l’expression « “financée […] par [un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs]”, visée à l’article 1er, sous b), deuxième alinéa, troisième tiret, des directives 92/50, 93/36 et 93/37, doit être interprétée en ce sens qu’elle comprend les bourses ou les subventions accordées par un ou plusieurs pouvoirs
adjudicateurs aux fins de promouvoir les travaux de recherche ainsi que les bourses destinées aux étudiants versées aux universités par les autorités régionales en charge de l’enseignement et couvrant les frais de scolarité d’étudiants nommément désignés. Ne constituent pas, en revanche, un financement public au sens desdites directives les versements effectués par un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs soit dans le cadre d’un contrat de prestations de services comprenant des travaux de
recherche, soit en contrepartie de la prestation d’autres services, tels qu’une expertise ou l’organisation de conférences » ( 133 ).

98. Dans son arrêt Mannesmann Anlagenbau, la Cour a jugé qu’une entité telle que l’Österreichische Staatsdruckerei, dont l’activité était l’impression en roto « heatset », qui était établie par la loi et exerçait des activités qui étaient dans l’intérêt général mais également de nature commerciale devait être considérée comme un organisme de droit public et donc comme un pouvoir adjudicateur : en conséquence, les marchés de travaux passés par cette entité, quelle que soit leur nature, étaient à
considérer comme des marchés publics de travaux ( 134 ). En substance, la Cour a jugé qu’à partir du moment où un organisme exerce une partie de ses missions dans l’intérêt public, cet organisme relève de la directive sur les marchés publics pour tous ses appels d’offres.

99. Dans son arrêt Adolf Truley, la Cour a souligné que la notion de « besoins d’intérêt général » devait trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme et devait être interprétée à la lumière du contexte et de l’objectif poursuivi par la directive ( 135 ). La Cour a développé plus avant sa position dans son arrêt Commission/Espagne, indiquant que « l’existence ou l’absence d’un besoin d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial doit être appréciée en
prenant en compte l’ensemble des éléments juridiques et factuels pertinents, tels que les circonstances ayant présidé à la création de l’organisme concerné et les conditions dans lesquelles il exerce son activité, en ce compris, notamment, l’absence de concurrence sur le marché, l’absence de poursuite d’un but lucratif à titre principal, l’absence de prise en charge des risques liés à cette activité ainsi que le financement public éventuel de l’activité en cause » ( 136 ).

100. De manière générale, les besoins d’intérêt général, cruciaux pour définir si un organisme a une mission publique, sont des besoins qui « d’une part, sont satisfaits d’une manière autre que par l’offre de biens ou de services sur le marché, et que, d’autre part, pour des raisons liées à l’intérêt général, l’État choisit de satisfaire lui-même ou à l’égard desquels il entend conserver une influence déterminante » ( 137 ).

101. Arrêtons-nous un moment pour faire le point et nous interroger : tous les organismes ou entreprises investis d’une mission publique correspondant à la première condition fixée par l’arrêt Altmark, ou chargés de la fourniture d’un SIEG doivent-ils être considérés comme des émanations de l’État ? Si la réponse à l’une ou l’autre des propositions est « oui » (et, comme on pourrait le soutenir, indépendamment du point de savoir si cela est une condition suffisante ou simplement nécessaire pour
relever de la définition), une autre condition devrait‑elle alors être que cette mission publique soit clairement définie comme telle dans le cadre législatif ou réglementaire en cause ? Une telle exigence additionnelle pourrait jouer un rôle utile pour accroître la sécurité juridique, tant pour l’organisme ou l’entreprise en question que pour l’individu cherchant à se prévaloir du principe de l’effet direct vertical des directives. En outre, dès qu’un organisme est une émanation de l’État pour
certaines des activités qu’il exerce, devrait-il être considéré comme une émanation de l’État pour toutes ses activités ou cela est-il « ratisser trop large » ?

102. Deux illustrations peuvent aider, à ce stade, à mettre en évidence les questions pratiques qui se posent lorsque l’on applique le critère Foster, tel qu’il existe actuellement.

103. Dans mon premier exemple, X est une société fournissant des services de sécurité. Elle a deux contrats. L’un est conclu avec un important cabinet privé d’avocats qui souhaite faire en sorte que soient en place des arrangements adéquats en matière de sécurité pour ses bureaux. L’autre est conclu avec le gouvernement central, qui a « externalisé » certaines obligations de garde dans une prison de sécurité moyenne. Envisagés de manière objective, les services effectués en pratique dans les deux
cadres sont virtuellement identiques. Le premier contrat est un contrat de droit privé ordinaire entre deux entités privées. Le second contrat exige que X exécute une mission publique qui lui est conférée par l’État. X exerce, par délégation, la propre autorité de l’État et jouit en pratique de pouvoirs exorbitants (notamment le pouvoir de détention).

104. Dans mon second exemple, Y est une société fournissant des services de transbordeur. Elle opère sur deux routes. Une route est une route populaire avec de nombreux clients potentiels, tant pour le fret que pour les passagers. Deux autres sociétés sont en concurrence avec Y sur cette route, mais il existe encore des opportunités lucratives et Y peut choisir, en fonction de la demande, l’intensité avec laquelle fournir les services de transbordeur. La route est une proposition commerciale saine.
L’autre route existe entre le continent et une petite île, isolée. Le service de transbordeur est la voie de communication vitale de l’île vers le monde extérieur. Il était autrefois exploité sous le contrôle direct du gouvernement local ; mais l’autorité gouvernementale locale a, à présent, soumis le contrat à un appel d’offres pour désigner un prestataire (unique) de services. Cette route est le contraire d’une proposition commerciale saine. L’autorité adjudicatrice a stipulé que le service
de transbordeur doit être exploité toute l’année, par tous les temps et indépendamment du nombre de passagers ou de la quantité de fret qui sera à bord d’un quelconque navire donné pour une quelconque traversée donnée. Y soumissionne et se voit attribuer le marché. Lorsqu’il opère sur la première route, Y est un opérateur commercial ordinaire. Lorsqu’il opère sur la seconde route, Y exerce une mission d’intérêt public. Les services de transbordeur vers l’île entrent clairement dans la catégorie
d’un SIEG. Aux conditions désirées par l’autorité locale, le contrat n’est pas très attractif d’un point de vue purement commercial. Bien que Y puisse s’être efforcé d’obtenir un certain type de traitement préférentiel, d’exclusivité ou de pouvoirs exorbitants, de tels éléments ne sont pas essentiels à l’exécution du SIEG et peuvent ne pas avoir été accordés.

105. Il ressort de ces deux illustrations que, en fonction des circonstances précises, le même organisme peut être une émanation de l’État pour certaines de ses activités et ne pas être une émanation de l’État pour d’autres activités. Il est important de souligner que cette distinction n’est pas tirée de la qualité en laquelle l’organisme agit. Il ressort clairement de l’arrêt Marshall et de l’arrêt Foster que cela est dénué de pertinence ; et effectivement, X et Y agissent chacun en la même qualité
dans les deux situations mises en avant dans chacun de mes deux exemples. La différence principale dans chaque exemple est, plutôt, que dans une situation, l’organisme agit purement commercialement tandis que dans l’autre situation, le même organisme a une mission publique. Ces deux illustrations montrent également que, alors que X possède des « pouvoirs exorbitants » lorsqu’il exerce sa mission publique, Y n’en possède pas.

106. Dans ce contexte, je reviens à présent à la deuxième question de la juridiction de renvoi.

107. Premièrement, il me semble que le principe central sous-jacent ressort clairement d’une jurisprudence constante. Il s’agit du principe selon lequel un particulier peut se prévaloir de dispositions précises et inconditionnelles d’une directive à l’encontre de l’État, indépendamment de la qualité en laquelle agit l’État, étant donné qu’« il convient d’éviter que l’État ne puisse tirer avantage de sa méconnaissance du droit [de l’Union] » ( 138 ).

108. Deuxièmement, je fais observer (peut-être une évidence) que conférer des droits à des particuliers va souvent de pair avec un coût. Ainsi, pour ne prendre qu’un seul exemple, l’octroi de droits protégés en matière d’emploi oblige un employeur à conserver le travailleur concerné ou à lui payer une indemnité pour violation du contrat de travail.

109. Troisièmement, la notion d’émanation de l’État aux fins de l’effet direct vertical doit être une notion autonome de droit de l’Union. Cette notion gouverne directement la question de savoir qui peut et qui ne peut pas invoquer des droits d’effet direct conférés par une directive qui n’a pas été dûment mise en œuvre en temps voulu par un État membre. L’exigence fondamentale que le droit de l’Union soit appliqué de manière uniforme sur tout le territoire de l’Union ( 139 ) fait obstacle à
l’adoption d’une quelconque définition dont la portée peut varier en fonction des différentes définitions consacrées dans les divers systèmes juridiques nationaux quant à ce qui constitue un « service public » ou des « pouvoirs exorbitants » ou ce qui est qualifié d’« État » selon le droit constitutionnel national.

110. Quatrièmement, précisément parce qu’il existe une telle diversité de terminologie et de définitions nationales, la définition en droit de l’Union de ce qui constitue une émanation de l’État doit nécessairement être exprimée en des termes abstraits.

111. Cinquièmement, bon nombre de changements sont intervenus depuis que la Cour a rendu son arrêt Foster, en 1990. De nombreux États membres ont considérablement augmenté le nombre de missions qu’ils n’exercent plus en interne. La nature des entités auxquelles ils confient ces missions est également devenue plus diverse. Tandis que le processus de privatisation de biens de l’État et, avec eux, de responsabilités précédemment confiées à l’État (comme c’était le cas dans l’affaire Marshall) n’a en
aucune manière cessé, il est à présent également possible que ces responsabilités soient transférées à un « partenariat public-privé » par voie d’« externalisation » (« contractorisation ») ou par concession.

112. Commençons par préciser ce qui n’importe pas aux fins de cette définition.

113. Tout d’abord, il ressort clairement de l’arrêt Foster lui-même et de la jurisprudence ultérieure (notamment de l’arrêt Rieser Internationale Transporte et de l’ordonnance Sozialhilfeverband Rohrbach) que la forme juridique du défendeur est dénuée de pertinence ( 140 ).

114. Ensuite, il est également clair qu’il n’est pas nécessaire que l’« État » se trouve dans une situation dans laquelle il exerce un contrôle ou une direction journalière des opérations de cet organisme ( 141 ). Dans cette mesure, la référence dans le critère antérieur à un organisme qui est « sous le contrôle de l’État » me semble, à présent, dépassée.

115. Il est, de même, clair que si l’État détient ou contrôle l’organisme en question, cet organisme sera compté parmi les émanations de l’État ( 142 ). Cela me semble totalement légitime : il est ainsi requis de l’État de payer pour le respect des droits conférés par la directive qu’il aurait dû transposer en droit national.

116. De manière similaire, toute partie de l’« appareil étatique » – autorités municipales, régionales ou locales et assimilées – est, de manière presque évidente, une émanation de l’État. Organiquement, en effet, ces autorités peuvent simplement être considérées comme une partie de l’État – elles devraient, par conséquent, être traitées comme telle sans autre examen ( 143 ).

117. Je considère, de même, que la référence « soumis à l’autorité de l’État » figurant dans le critère antérieur ne nécessite pas davantage d’éclaircissements à ce stade. Il me semble clair, sur la base de la jurisprudence postérieure à l’arrêt Foster, que cette formule devrait être comprise comme signifiant que l’État a créé le cadre et les arrangements en vertu desquels cet organisme peut agir.

118. Enfin, la question du financement est dénuée de pertinence. Il n’est pas requis qu’un organisme soit financé par l’État pour en être une émanation ( 144 ).

119. Les autres éléments centraux du faisceau qui constituent ensemble le critère pour déterminer si un organisme donné est, ou n’est pas, une émanation de l’État aux fins de l’effet direct vertical des directives s’approchent de cette question d’un point de vue fonctionnel (« l’organisme en question exerce-t-il des fonctions qui sont en un certain sens analogues à celles de l’État ? ») ( 145 ). Ces éléments me semblent être – à tout le moins dans la mesure où il s’agit des critères notés dans
l’arrêt Foster et dans la jurisprudence ultérieure – i) la question de savoir si l’État a confié à l’organisme en question la tâche d’exercer une mission publique que l’État lui-même pourrait, autrement, décider d’exercer directement ; et ii) la question de savoir si l’État a doté cet organisme d’une certaine forme de pouvoirs additionnels pour lui permettre de remplir sa mission de manière effective (il s’agit simplement d’une manière différente de dire « pouvoirs exorbitants par rapport à
ceux qui résultent des règles applicables dans les relations entre particuliers »). Le premier élément englobe de nombreuses formes différentes de missions publiques, allant de l’exploitation d’hôpitaux et d’établissements d’enseignement à la gestion de prisons en vue d’assurer des services essentiels dans des parties isolées du territoire national. Le deuxième élément est souvent le corollaire naturel de la mission publique qui est confiée à un tel organisme.

120. Je suggère, dès lors, à la Cour de dire pour droit, en réponse à la deuxième question, que la juridiction nationale doit prendre en considération les critères suivants lorsqu’elle détermine si un défendeur donné est une émanation de l’État aux fins de l’effet direct vertical des directives :

1) la forme juridique de l’organisme en question est dénuée de pertinence ;

2) il n’est pas nécessaire que l’État soit en mesure d’exercer un contrôle ou une direction journalière des opérations de cet organisme ;

3) si l’État détient ou contrôle l’organisme en question, cet organisme devrait être considéré comme une émanation de l’État, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si d’autres critères sont remplis ;

4) toute autorité municipale, régionale ou locale ou tout organisme équivalent doit automatiquement être considérée comme une émanation de l’État ;

5) il n’est pas requis que l’organisme en question soit financé par l’État ;

6) si l’État a, à la fois, confié à l’organisme en question la mission d’exercer un service public que l’État lui-même pourrait, autrement, devoir exercer directement, et doté cet organisme d’une forme de pouvoirs additionnels pour lui permettre de remplir sa mission de manière effective, l’organisme en question doit, en toute hypothèse, être considéré comme une émanation de l’État.

Lorsqu’elle se livre à son analyse, la juridiction nationale devrait prendre en considération le principe fondamental sous-jacent selon lequel un particulier peut invoquer des dispositions précises et inconditionnelles d’une directive à l’encontre de l’État, indépendamment de la qualité en laquelle l’État agit, étant donné qu’il convient d’éviter que l’État ne puisse tirer avantage de sa propre méconnaissance du droit de l’Union.

121. J’aborde dans ma réponse à la troisième question ci-dessous le point de savoir si, lorsque la mission consistant à exercer un service public a été confiée à un organisme de la manière exposée au point 120, sous 6), des présentes conclusions, il est nécessaire que cela s’accompagne de l’octroi de « pouvoirs exorbitants » par l’État.

La troisième question

122. Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande si le transfert par un État membre d’une part importante de responsabilité à un organisme (tel que le MIBI) dans le but manifeste de remplir des obligations au titre du droit de l’Union suffit à ce que cet organisme soit qualifié d’émanation de l’État aux fins de l’effet direct vertical. À titre subsidiaire, est-il nécessaire qu’un tel organisme se soit vu accorder i) des pouvoirs exorbitants ou ii) opère sous le contrôle ou la
supervision directe de l’État membre pour qu’un particulier puisse invoquer une disposition d’effet direct d’une directive à l’encontre de cet organisme ?

123. À titre d’argument liminaire, je note que les directives se retrouvent sous toutes formes et dimensions. Certaines – comme les diverses directives en matière d’emploi – créent des droits et imposent des responsabilités générales pour tous les travailleurs et tous les employeurs, sous réserve seulement de certaines exceptions limitées spécifiques ( 146 ). D’autres précisent les paramètres dans les limites desquels certains droits tirés du droit de l’Union doivent être exercés ( 147 ) ou la
manière dont certains secteurs de l’économie doivent être régulés ( 148 ). D’autres encore exigent que l’État membre confie à un organisme spécifique certaines tâches qui doivent être exécutées en conséquence d’obligations créées et de droits conférés par la directive.

124. C’est le cas en l’espèce. Il est clair que l’obligation de veiller à ce que les conducteurs soient assurés pour le risque qui était à l’origine de l’accident de Mme Farrell doit être trouvée directement dans le droit de l’Union, à savoir à l’article 1er de la troisième directive sur l’assurance automobile. L’article 1er, paragraphe 4, premier alinéa, de la deuxième directive sur l’assurance automobile avait précédemment exigé que les États membres établissent un mécanisme pour régler
l’éventualité dans laquelle un conducteur qui n’était pas assuré pour un risque pour lequel il était obligatoirement requis d’avoir une assurance causerait un accident. Les deux obligations, prises ensemble, imposaient à l’Irlande de veiller à ce que la responsabilité d’un conducteur à l’égard d’un passager dans la situation de Mme Farrell soit prise en charge soit par le propre assureur de ce conducteur, soit (si le conducteur était non identifié ou non assuré) par l’organisme chargé par
l’Irlande de procéder aux indemnisations dans le cadre de telles demandes.

125. En tant qu’État membre, l’Irlande aurait pu choisir entre plusieurs voies possibles de mise en œuvre de cette dernière obligation. Ainsi, elle aurait pu charger une branche du gouvernement lui-même (telle que le ministère des Transports) de procéder aux indemnisations dans le cadre des demandes impliquant des victimes de conducteurs non assurés. Elle aurait pu créer un nouvel organisme de droit public, distinct, et lui confier cette responsabilité. Ou elle pouvait faire ce qu’elle a finalement
fait en pratique : prendre un organisme de droit privé existant ayant des responsabilités pertinentes apparentées et confier à cet organisme de droit privé les nouvelles responsabilités additionnelles résultant de l’article 1er de la troisième directive sur l’assurance automobile.

126. Deuxièmement, il s’agit – comme la Commission le souligne correctement – d’une affaire inhabituelle dans la mesure où la raison d’être du MIBI inclut, précisément, de connaître des demandes formées par des victimes de conducteurs non assurés. C’est dans ce contexte spécifique que se pose la question de savoir s’il est également tenu de procéder à l’indemnisation dans le cadre de cette demande particulière nonobstant le fait que l’Irlande avait manqué, à l’époque des faits, de transposer
correctement en droit national toutes ses obligations au titre du droit de l’Union et n’avait pas (encore) confié au MIBI la responsabilité de cette intervention particulière. À cet égard, la présente affaire diffère de situations telles que celle qui a donné lieu à l’arrêt Marshall ( 149 ), où le défendeur devait pour d’autres raisons, dans un contexte totalement différent, être considéré comme une émanation de l’État et était, dès lors, tenu de donner effet aux droits en matière d’emploi
d’effet direct que Mme Marshall pouvait tirer de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 76/207. En l’espèce, le droit d’effet direct que Mme Farrell cherche à faire valoir (indemnisation pour des dommages corporels subis en tant que passager voyageant dans un véhicule automoteur) au titre de l’article 1er de la troisième directive sur l’assurance automobile est précisément le type de droit dont l’Irlande avait déjà conféré la responsabilité résiduelle, lorsque le conducteur est non
identifié ou non assuré, au MIBI.

127. Cela étant, la troisième question est une question d’une pertinence générale pour l’application du droit de l’Union sur tout le territoire de l’Union. Je prie, dès lors, la grande chambre de ne pas y répondre de manière étroite (notamment, par renvoi au fait que tous les assureurs automobiles en Irlande sont tenus d’être membres du MIBI, ce qui pourrait être considéré comme une variante sur le thème des pouvoirs exorbitants ( 150 )), mais plutôt d’aborder la question (majeure) de principe
soulevée par la juridiction de renvoi.

128. Comme je l’ai indiqué dans ma réponse à la deuxième question, l’octroi de pouvoirs exorbitants ou la présence d’un contrôle ou d’une supervision directe par l’État membre suffira à faire de l’organisme en question une émanation de l’État. Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande si l’un ou l’autre de ces éléments est une composante indispensable à prendre en compte. Ou est-il suffisant que la responsabilité d’exécuter des obligations qui, autrement, auraient été exécutées par
l’État membre lui-même ait été confiée à l’organisme concerné ?

129. Dans ce contexte, la notion de « pouvoirs exorbitants » devient particulièrement pertinente. Pour comprendre la fonction que cette notion a à jouer, il convient de revenir à l’arrêt Foster.

130. Comme je l’ai noté au point 52 des présentes conclusions, l’intention de la Cour n’y était pas d’exposer un critère exhaustif et permanent. Elle a plutôt créé une formulation à partir de la jurisprudence existante.

131. Ainsi, la Cour a noté au point 18 de l’arrêt Foster qu’elle avait jugé, dans une série d’affaires, que l’effet direct vertical pouvait intervenir lorsque des organisations ou organismes étaient « soumis à l’autorité ou au contrôle de l’État ou […] disposaient de pouvoirs exorbitants » ( 151 ). Elle a cité quatre affaires au point 19. Trois de ces affaires impliquaient des organismes (les autorités fiscales, les collectivités locales ou régionales et un établissement hospitalier public) qui
étaient soumis à l’autorité ou au contrôle de l’État. Ils remplissaient le critère sur la base de ces motifs. Tandis que les deux premiers auraient également pu remplir le critère sur la base des pouvoirs dont ils disposaient à l’évidence, on ne peut pas en dire autant de l’établissement hospitalier public. La quatrième affaire (Johnston) concernait une autorité constitutionnellement indépendante chargée du maintien de l’ordre et de la sécurité publique. Elle s’était, dans les faits, vu
accorder des pouvoirs exorbitants à cette fin.

132. Il me semble que, en faisant référence à l’arrêt Johnston, la Cour choisissait une affaire qui remplissait le critère que la Cour venait de fixer, non (comme dans le cas des trois autres exemples) sur la base de ce que l’organisme en question était « soumis à l’autorité ou au contrôle de l’État », mais sur la base de ce qu’il disposait de « pouvoirs exorbitants ». Ce faisant, la Cour soulignait ce qui était un élément essentiel de cette affaire particulière.

133. Dans ce contexte, il est intéressant de noter que l’arrêt dans l’affaire Johnston n’utilise en fait pas l’expression « pouvoirs exorbitants ». La Cour s’y réfère plutôt à « une autorité publique, chargée par l’État du maintien de l’ordre et de la sécurité publique » ( 152 ). Elle a ajouté qu’un tel organisme « ne peut pas tirer avantage de la méconnaissance du droit [de l’Union] par l’État dont [il] émane ».

134. Plusieurs autres points devraient être notés à ce stade.

135. Premièrement, il n’y a pas de définition dans l’arrêt Foster (ou même dans la jurisprudence ultérieure) quant à ce que la notion de « pouvoirs exorbitants » signifie effectivement. Il nous est seulement indiqué que de tels pouvoirs « sont exorbitants par rapport à ceux qui résultent des règles applicables dans les relations entre particuliers ». Étant donné que le critère fixé dans l’arrêt Foster doit être appliqué de manière uniforme sur tout le territoire de l’Union, le terme – s’il doit être
retenu comme étant un élément du critère – doit recevoir une signification autonome en droit de l’Union. Cependant, vingt ans après l’arrêt Foster, un terme emprunté à un système juridique national ( 153 ) n’a toujours pas acquis une signification claire autonome en droit de l’Union.

136. Deuxièmement, mon analyse de la jurisprudence postérieure à l’arrêt Foster ( 154 ) n’a pas révélé l’existence d’une procédure cohérente d’examen et d’identification des pouvoirs exorbitants présents dans une affaire donnée. Des organismes chargés de la construction d’autoroutes ou de l’exécution de services de fourniture d’énergie ( 155 ), le cessionnaire exclusif de services de télécommunications à l’usage du public ( 156 ), la société privée exploitant des autoroutes nationales ( 157 ), des
organisations d’aide sociale ( 158 ), un établissement hospitalier du secteur public ( 159 ), un office régional en matière de sécurité sociale ( 160 ) et les services postaux d’un État membre ( 161 ), tous avaient des missions publiques. Il ressort nettement moins clairement des éléments de fait disponibles, tels que notés dans les arrêts, qu’ils disposaient également nécessairement de pouvoirs exorbitants. Dans son arrêt Portgás ( 162 ), la Cour a expressément indiqué que le fait de
bénéficier de droits spéciaux et exclusifs en vertu d’un contrat de concession n’impliquait pas que l’organisme concerné disposait nécessairement de pouvoirs exorbitants et elle a renvoyé cette question spécifique à la juridiction nationale en vue d’un plus ample examen ( 163 ).

137. Troisièmement, tandis qu’un certain type de pouvoirs additionnels peut souvent être requis pour exercer une mission publique, il n’est pas clair qu’ils seront toujours requis. La présence de tels pouvoirs apparaît peut-être le plus clairement dans le contexte des SIEG. Dans de nombreux secteurs de l’économie (tels que, notamment, les télécommunications, l’eau, le gaz et l’électricité), l’État peut aujourd’hui accorder des droits spéciaux ou exclusifs ( 164 ).

138. Je conclus qu’exiger que l’organisme en question dispose également de « pouvoirs exorbitants » pour être une émanation de l’État n’est pas nécessaire et est, par conséquent, injustifié.

139. Il est important, toutefois, de préciser que toute personne ou tout organisme exerçant des activités dans l’intérêt public ne sera pas une émanation de l’État. Je fais valoir les arguments suivants à cet égard.

140. Premièrement, il doit exister un « organisme », terme par lequel j’entends une personne morale. Une personne physique ne saurait être une émanation de l’État.

141. Deuxièmement, lorsqu’un organisme exerce une variété de fonctions, dont certaines sont une mission qui lui a été confiée par l’État et d’autres ne le sont pas, ce n’est qu’en rapport avec la première catégorie d’activités qu’il peut être une émanation de l’État. Ici, l’approche que je défends diffère, par conséquent, de celle adoptée par la Cour dans des affaires de passation de marchés publics ( 165 ). Tandis qu’un organisme qui est un « pouvoir adjudicateur » aux fins des règles sur les
marchés publics doit, par conséquent, toujours suivre et respecter ce domaine spécifique du droit de l’Union ( 166 ), un organisme qui est une émanation de l’État aux fins de l’effet direct vertical des directives a, potentiellement, une quantité bien plus grande et moins clairement définie de dispositions de droit de l’Union qui peuvent lui être opposées par un particulier. Il semble, dès lors, inapproprié d’adopter ici une approche « une fois pris, toujours pris » (« once caught, always
caught »).

142. Troisièmement, la mission ainsi confiée doit être l’activité centrale de l’organisme en question ou, si cela est pertinent, de la partie de l’organisme en question.

143. Quatrièmement, l’organisme en question doit exercer une activité qui est entreprise dans l’intérêt public. Elle doit constituer une mission qui lui a été confiée par l’État membre en question et qui, si elle n’était pas exercée par cet organisme, serait, autrement, exécutée par l’État lui-même.

144. À cet égard, la notion de « mission » couvre des activités qui sont entreprises dans un but autre qu’un but purement commercial. Il doit, en d’autres termes, exister un certain élément de service public. Ainsi, la fourniture d’un service postal national, avec une obligation de distribuer le courrier à toute adresse nationale, relèverait de cette catégorie. Offrir un service de distribution locale purement en vue de réaliser des profits n’en relèverait pas.

145. Je dois ajouter que ce qui peut constituer une mission exercée dans l’intérêt public peut varier d’un État membre à l’autre ( 167 ). Ainsi, par exemple, un État membre peut considérer qu’il est de son devoir de veiller à ce que tous ses citoyens soient connectés à un réseau à large bande de fibre optique tandis qu’un autre peut décider que cela relève pleinement des forces du marché. Dans le premier cas, un organisme chargé de cette mission sera une émanation de l’État. Dans le second cas,
l’entreprise du secteur privé fournissant le même service ne le sera pas.

146. Il me semble que, dans l’intérêt de la sécurité juridique tant pour l’organisme concerné que pour les particuliers qui peuvent souhaiter introduire une action à l’encontre de celui-ci, la mission publique doit être clairement définie comme telle par le cadre législatif ou réglementaire applicable.

147. Par conséquent, je suggère à la Cour de répondre à la troisième question que les critères exposés dans la réponse à la question 2 s’appliquent également lorsqu’un État membre a transféré une part importante de responsabilité à un organisme dans le but apparent de remplir des obligations au titre du droit de l’Union. Il n’est pas nécessaire que cet organisme possède des pouvoirs exorbitants par rapport à ceux qui résultent des règles applicables dans les relations entre particuliers.

Observations finales

148. Le processus de préparation des présentes conclusions et de proposition d’une réponse aux trois questions déférées s’est inévitablement déroulé dans le contexte de la question (épineuse) de savoir si la Cour, dans l’affaire Faccini Dori ( 168 ), a, à bon droit, décidé de ne pas admettre d’effet direct horizontal ( 169 ), contre la recommandation de l’avocat général Lenz dans cette affaire ( 170 ) et le raisonnement avancé par deux autres avocats généraux dans des affaires antérieures ( 171 ).
Mon hypothèse de travail a été que la Cour ne considérera pas qu’il s’agit du lieu approprié pour rouvrir ce débat.

149. Toutefois, je juge nécessaire de faire observer que, dans la mesure où la forme juridique du défendeur est dénuée de pertinence – et cela, depuis l’arrêt Foster lui-même – pour la question de savoir si ce défendeur est une émanation de l’État, la Cour a déjà admis qu’un organisme régi par le droit privé peut être tenu de donner effet à des droits d’effet direct contenus dans une directive à la requête d’un autre particulier. Ce faisant, la Cour a, en réalité, déjà admis une forme limitée
d’effet direct horizontal.

150. Il existe – en substance – trois approches qui peuvent être (et ont été) utilisées pour combler la lacune créée par l’absence d’effet direct horizontal général : i) adopter une approche large quant à ce qui constitue une émanation de l’État ; ii) étendre à l’extrême le principe de l’interprétation conforme et iii) en dernière extrémité, retenir une responsabilité de l’État donnant lieu à indemnisation. Sous l’angle de l’octroi d’une protection effective aux droits individuels, la présente
situation est moins que satisfaisante. Elle crée une complexité pour les demandeurs et une insécurité pour les défendeurs. Je voudrais me joindre aux avocats généraux précédents et inviter la Cour à réexaminer et à revoir, de manière critique, les justifications avancées dans l’arrêt Faccini Dori ( 172 ) pour rejeter l’effet direct horizontal ( 173 ).

Conclusion

151. À la lumière de toutes les considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre comme suit aux questions soulevées par la Supreme Court (Cour suprême, Irlande) :

1) Le critère fixé dans l’arrêt Foster e.a. ( 174 ) quant à ce qui constitue une émanation de l’État aux fins de l’effet direct vertical des directives peut être trouvé au point 18, et non au point 20, de l’arrêt dans cette affaire. Les éléments du critère y étant formulé ne doivent être lus ni cumulativement ni indépendamment les uns des autres. Le critère contient plutôt une liste non exhaustive des éléments qui peuvent être pertinents pour une telle appréciation.

2) Lorsqu’il s’agit de déterminer si un défendeur donné est une émanation de l’État aux fins de l’effet direct vertical des directives, la juridiction nationale devrait prendre en considération les critères suivants :

i) la forme juridique de l’organisme en question est dénuée de pertinence ;

ii) il n’est pas nécessaire que l’État soit en mesure d’exercer un contrôle ou une direction journalière des opérations de cet organisme ;

iii) si l’État détient ou contrôle l’organisme en question, cet organisme devrait être considéré comme une émanation de l’État, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si d’autres critères sont remplis ;

iv) toute autorité municipale, régionale ou locale ou tout organisme équivalent doit automatiquement être considérée comme une émanation de l’État ;

v) il n’est pas requis que l’organisme en question soit financé par l’État ;

vi) si l’État a, à la fois, confié à l’organisme en question la mission d’exercer un service public que l’État lui-même pourrait, autrement, devoir exercer directement, et doté cet organisme d’une forme de pouvoirs additionnels pour lui permettre de remplir sa mission de manière effective, l’organisme en question doit, en toute hypothèse, être considéré comme une émanation de l’État.

Lorsqu’elle se livre à son analyse, la juridiction nationale devrait prendre en considération le principe fondamental sous-jacent selon lequel un particulier peut invoquer des dispositions précises et inconditionnelles d’une directive à l’encontre de l’État, indépendamment de la qualité en laquelle l’État agit, étant donné qu’il convient d’éviter que l’État ne puisse tirer avantage de sa propre méconnaissance du droit de l’Union.

3) Les critères exposés dans la réponse à la question 2 s’appliquent également lorsqu’un État membre a transféré une part importante de responsabilité à un organisme dans le but apparent de remplir des obligations au titre du droit de l’Union. Il n’est pas nécessaire que cet organisme dispose de pouvoirs exorbitants par rapport à ceux qui résultent des règles applicables dans les relations entre particuliers.

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( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) Arrêt du 12 juillet 1990 (C‑188/89, EU:C:1990:313).

( 3 ) Voir, pour l’évolution de l’assurance de la responsabilité civile des véhicules automoteurs dans l’Union, arrêt du 11 juillet 2013, Csonka e.a. (C‑409/11, EU:C:2013:512, points 26 à 38, et jurisprudence citée).

( 4 ) Directive du 24 avril 1972 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs, et au contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité (JO 1972, L 103, p. 1), telle que modifiée par la troisième directive du Conseil du 14 mai 1990 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation
des véhicules automoteurs (ci-après la « troisième directive sur l’assurance automobile ») (JO 1990, L 129, p. 33).

( 5 ) Deuxième directive du Conseil du 30 décembre 1983 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs (JO 1984, L 8, p. 17), telle que modifiée ultérieurement par la troisième directive sur l’assurance automobile.

( 6 ) Voir troisième considérant.

( 7 ) Voir sixième considérant.

( 8 ) Troisième considérant.

( 9 ) Quatrième considérant.

( 10 ) Cinquième considérant.

( 11 ) Voir, en particulier, huitième, neuvième, dixième et douzième considérants.

( 12 ) Le premier alinéa de l’article 2, paragraphe 1, indique que toute disposition légale ou clause contractuelle qui vise à exclure de l’assurance l’utilisation ou la conduite de véhicules par certaines catégories de personnes est, pour l’application de l’article 3, paragraphe 1, de la première directive sur l’assurance automobile, réputée sans effet en ce qui concerne le recours des tiers victimes d’un sinistre. Toutefois, le deuxième alinéa indique que « la disposition ou la clause visée [au
premier alinéa] peut être opposée aux personnes ayant de leur plein gré pris place dans le véhicule qui a causé le dommage, lorsque l’assureur peut prouver qu’elles savaient que le véhicule était volé ». À ma connaissance, rien ne permet de penser que cette disposition est pertinente pour les faits de la procédure au principal.

( 13 ) La couverture obligatoire de la responsabilité ne s’étendait pas aux parties de véhicules qui n’étaient pas équipées pour les passagers.

( 14 ) Voir point 19 des présentes conclusions.

( 15 ) La description qui suit est tirée, partiellement, de la décision de renvoi et des observations écrites des parties et, partiellement, des réponses données à l’audience aux questions de la Cour.

( 16 ) Selon la décision de renvoi, l’acte constitutif et les statuts du MIBI datent du mois de juin 1946. Ce qui est arrivé entre cette date et sa « création » au mois de novembre 1954 n’est pas clair, mais il est peu probable que cela ait une incidence sur la présente procédure. Je note également que le MIBI semble avoir été constitué le 26 octobre 1955.

( 17 ) Dans cet accord, le Minister for Transport (ministre des Transports) a remplacé le Minister for Local Government (ministre des Collectivités locales) en tant que partie étatique à l’accord. L’accord de 1988 était applicable à l’époque de l’accident de Mme Farrell.

( 18 ) À ma connaissance, rien dans les faits ne donne à penser que cette disposition présente une quelconque pertinence pour la procédure au principal.

( 19 ) En vertu de l’article 1er de l’accord principal du 10 mars 1955 entre le Department of Local Government (département des Collectivités locales) et les compagnies d’assurance automobile opérant en Irlande proposant des assurances automobiles obligatoires en Irlande, ces assureurs se sont engagés à instituer un organisme dénommé le « Motor Insurers’ Bureau of Ireland », à en devenir membres et à continuer à fournir à cet organisme tous les fonds nécessaires pour lui permettre de remplir ses
obligations.

( 20 ) L’article 16A(2) du European Communities (Non-Life Insurance) (Amendment) (No 2) Regulations, 1991 [règlement de 1991 adopté dans le cadre des Communautés européennes (assurance non-vie) (amendement) (no 2)], tel qu’inséré par l’article 10 du European Communities (Non-Life Insurance) (Amendment) Regulations 1992 [règlement de 1992 adopté dans le cadre des Communautés européennes (assurance non-vie) (amendement)], impose aux membres du MIBI de financer cet organisme et le fonds de garantie
institués en vertu de l’article 1er, paragraphe 4, de la deuxième directive sur l’assurance automobile en proportion de leurs revenus bruts des primes. Ces articles sont, à présent, en substance, reproduits par l’article 34(2) et (3) du European Communities (Non-Life Insurance) Framework Regulations 1994 [règlement-cadre de 1994 adopté dans le cadre des Communautés européennes (assurance non-vie)].

( 21 ) L’article 78 de la loi de 1961 a été inséré par l’article 9 du European Communities (Road Traffic) (Compulsory Insurance) Regulations 1992 [règlement de 1992 adopté dans le cadre des Communautés européennes (Circulation routière) (Assurance obligatoire)], avec effet à compter du 20 novembre 1992. Certaines « personnes exemptées » (principalement des autorités instituées par la loi) doivent fournir un engagement de connaître des demandes de tiers à des conditions similaires à celles convenues
entre le MIBI et le Minister.

( 22 ) Arrêt du 19 avril 2007 (C‑356/05, EU:C:2007:229, ci-après l’arrêt « Farrell I »).

( 23 ) Arrêt du 19 avril 2007, Farrell I (C‑356/05, EU:C:2007:229, point 44).

( 24 ) Les détails de cette indemnisation n’ont pas été communiqués à la juridiction de renvoi et ils sont dénués de pertinence pour les questions déférées.

( 25 ) Arrêt du 5 février 1963, van Gend & Loos (26/62, EU:C:1963:1) : « la Communauté constitue un nouvel ordre juridique de droit international au profit duquel les États ont limité, bien que dans des domaines restreints, leurs droits souverains, et dont les sujets sont non seulement les États membres, mais également leurs ressortissants ; partant, le droit communautaire, indépendant de la législation des États membres, de même qu’il crée des charges dans le chef des particuliers, est ainsi
destiné à engendrer des droits qui entrent dans leur patrimoine juridique. Ces droits naissent non seulement lorsqu’une attribution explicite en est faite par le traité, mais aussi en raison d’obligations que le traité impose d’une manière bien définie tant aux particuliers qu’aux États membres et aux institutions communautaires » (p. 23). La théorie particulière de l’effet direct, telle que façonnée par la Cour, n’a toutefois pas été saluée par un enthousiame unanime. Dans un article ancien célèbre
[« The Doctrine of “Direct Effect” : an Infant Disease of Community Law » : réimprimé dans European Law Review, 2015, 40(2), p. 135-153], le juge Pierre Pescatore a défendu la thèse selon laquelle « les règles juridiques, par leur nature même, ont un objectif pratique. Toute règle juridique est conçue pour produire ses effets de manière effective (la formule consacrée, en français, est celle d’“effet utile”). Si elle ne produit pas ses effets, il ne s’agit pas d’une règle de droit. […]. Produire ses
effets en pratique pour tous les intéressés, ce qui n’est rien d’autre que l’“effet direct”, doit être considéré comme la condition normale de toute règle de droit. […] En d’autres termes, l’“effet direct” doit être présumé, il ne doit pas être établi a priori » (voir p. 135).

( 26 ) Voir, notamment, arrêt du 12 juillet 1990, Foster (C‑188/89, EU:C:1990:313, point 16 et jurisprudence citée).

( 27 ) Arrêt du 12 juillet 1990, Foster (C‑188/89, EU:C:1990:313, point 17 et jurisprudence citée).

( 28 ) Ainsi, dans l’affaire Marshall (arrêt du 26 février 1986, 152/84, EU:C:1986:84), il n’était pas suggéré que les autorités hospitalières portaient la moindre responsabilité pour l’absence de mise en œuvre de la directive en cause dans cette affaire.

( 29 ) Souvent, il y aura eu une initiative législative qui aura donné lieu à une mise en œuvre partielle ou imparfaite. Même si cela n’est pas le cas, il peut y avoir une législation préexistante dans le domaine couvert par la directive qui peut être lue à la lumière des exigences de la directive.

( 30 ) Dans un souci de concision, j’utiliserai l’expression française dans les développements qui suivent.

( 31 ) Pour une énonciation du principe de l’interprétation conforme presque contemporaine de l’arrêt Foster, voir arrêt du 13 novembre 1990, Marleasing (C‑106/89, EU:C:1990:395, points 8 à 14) [l’arrêt Marleasing lui-même s’appuie sur l’affaire 14/83 (arrêt du 10 avril 1984, von Colson et Kamann, EU:C:1984:153, point 26)]. Pour un examen minutieux de la portée exacte de cette obligation ainsi que des limitations à cette obligation, voir arrêt ultérieur du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a. (C‑397/01
à C‑403/01, EU:C:2004:584, points 107 à 119). La Cour a précisé, sans le moindre doute, dans l’affaire Dominguez (arrêt du 24 janvier 2012, Dominguez, C‑282/10, EU:C:2012:33) que « l’obligation pour le juge national de se référer au contenu d’une directive lorsqu’il interprète et applique les règles pertinentes du droit interne est limitée par les principes généraux du droit et elle ne peut pas servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national » (point 25 et jurisprudence
citée).

( 32 ) Le principe d’une telle indemnisation trouve sa genèse dans l’arrêt Francovich e.a. (arrêt du 19 novembre 1991, C‑6/90 et C‑9/90, EU:C:1991:428). Dans cette affaire, les dispositions de la directive 89/987/CEE étaient inconditionnelles et suffisamment précises quant au contenu de la garantie pour le paiement de créances impayées concernant la rémunération, mais pas quant à l’identité du débiteur de la garantie ; et la Cour est, dès lors, passée à l’examen du point de savoir s’il pouvait y
avoir responsabilité de l’État donnant lieu à indemnisation. Elle a jugé qu’une responsabilité pouvait exister par principe et a fixé trois conditions (aux points 39 à 41) pour engager une telle responsabilité. Le critère, tel qu’il y est mentionné, semblait impliquer une responsabilité objective si ces conditions étaient remplies. Dans son arrêt du 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et Factortame (C‑46/93 et C‑48/93, EU:C:1996:79), la Cour a précisé que, tandis qu’il s’agissait du critère lorsqu’un
État membre était obligé de prendre dans un certain délai toutes les mesures nécessaires pour atteindre le résultat prescrit par une directive (point 46), le critère dans des circonstances dans lesquelles l’État membre disposait d’une large marge d’appréciation était celui de savoir si la violation était « suffisamment caractérisée » (point 51), critère défini comme « celui de la méconnaissance manifeste et grave par un État membre […] des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation »
(point 55).

( 33 ) Comme l’avocat général Jacobs l’a noté avec pertinence, aux points 30 et 31 de ses conclusions dans l’affaire Vaneetveld (C‑316/93, EU:C:1994:32) :

« 30. La possibilité pour le particulier, selon l’arrêt Francovich, de réclamer des dommages à l’État membre dans lequel la directive n’a pas été correctement appliquée ne peut, selon nous, remplacer de manière satisfaisante la mise à exécution directe de la directive. Le plaignant serait fréquemment obligé d’engager deux procédures judiciaires distinctes, soit simultanément soit successivement, l’une contre la partie défenderesse privée et l’autre contre les pouvoirs publics, ce qui ne serait guère
compatible avec la nécessité d’une voie de recours efficace.

31. Selon nous, il ne peut être objecté qu’imposer des obligations aux particuliers compromettrait la sécurité juridique. Au contraire, le trait le plus marquant de la jurisprudence existante à cet égard est peut-être qu’elle a engendré l’insécurité. Elle a conduit, en premier lieu, à une interprétation très large de la notion d’État membre de sorte que l’exécution des directives peut être invoquée même contre des entreprises commerciales dans lesquelles il existe un élément particulier de
participation ou de contrôle étatique, nonobstant le fait que ces entreprises ne sont pas responsables du manquement des États membres et qu’elles peuvent être en concurrence directe avec des entreprises du secteur privé contre lesquelles l’exécution des mêmes directives ne peut être invoquée. De plus, il a engendré une grande insécurité en ce qui concerne la portée de la législation nationale, compte tenu de l’obligation imposée aux juridictions nationales d’étendre à l’extrême le sens des
termes de la législation nationale, de manière à donner effet aux directives qui n’ont pas été correctement mises en œuvre. En outre, là où la législation nationale a été interprétée extensivement de manière à donner effet à une directive, il peut en résulter que les particuliers se voient imposer des obligations qu’ils n’auraient pas eues en l’absence de la directive. Ainsi, des directives qui n’ont pas été correctement mises en œuvre peuvent déjà donner naissance à des obligations pour les
particuliers. Dans ce contexte, il ne semble pas que l’idée suivant laquelle invoquer directement contre des particuliers l’exécution des directives mette en péril la sécurité juridique soit une critique fondée. Au contraire, il se pourrait que la sécurité juridique en soit finalement renforcée et que le système finisse par gagner en cohérence, si l’exécution des dispositions d’une directive était tenue pour susceptible, le cas échéant, d’être invoquée contre des particuliers. »

( 34 ) Arrêt du 8 octobre 1996 (C‑178/94, C‑179/94 et C‑188/94 à C‑190/94, EU:C:1996:375, points 16 et 19 à 29) : une conclusion logique de ce que la Cour avait déjà indiqué dans son arrêt du 19 novembre 1991, Francovich e.a. (C‑6/90 et C‑9/90, EU:C:1991:428, points 39 à 41) et confirmé dans son arrêt du 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et Factortame (C‑46/93 et C‑48/93, EU:C:1996:79, point 46). La nature binaire de ce choix peut expliquer pourquoi il a, heureusement, déjà été payé à Mme Farrell
une indemnisation pour ses blessures (voir point 25 des présentes conclusions).

( 35 ) Mis en italique par mes soins.

( 36 ) Mis en italique par mes soins : l’absence de toute conjonction avant le terme « et » implique nécessairement que les divers éléments énumérés jusqu’à ce point doivent être lus cumulativement.

( 37 ) Je suis aidée dans cette tâche par un curieux hasard de l’histoire : j’étais le référendaire en charge du dossier Foster aux côtés de Sir Gordon Slynn, faisant fonction de président de la Cour pour cette affaire et principal rédacteur de l’arrêt.

( 38 ) Directive du 9 février 1976 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (JO 1976, L 39, p. 40).

( 39 ) Les observations qui suivent sont tirées des points 3 à 7 de l’arrêt Foster.

( 40 ) Arrêt du 19 janvier 1982 (8/81, EU:C:1982:7). Le défendeur dans l’affaire Becker était le bureau de l’administration fiscale municipale. D’un point de vue organique, il faisait partie de l’État, était sous l’autorité ainsi que sous le contrôle de l’État et disposait des « pouvoirs exorbitants » d’imposer et de percevoir des taxes pour faciliter les dépenses publiques convenues.

( 41 ) Arrêt du 26 février 1986 (152/84, EU:C:1986:84). Le défendeur dans l’affaire Marshall était la Southampton and South-West Hampshire Health Authority (l’organisation responsable, à l’époque des faits, des hôpitaux et services médicaux dans sa zone géographique particulière désignée). D’un point de vue organique, elle ne faisait pas partie de l’État, mais elle était sous l’autorité et le contrôle de l’État. L’arrêt n’indique pas si elle possédait des « pouvoirs exorbitants » et rien ne donne à
penser qu’elle possédait effectivement de tels pouvoirs (voir, en outre, point 49 des présentes conclusions). Elle avait clairement une mission au service de l’intérêt public en fournissant des soins de santé publics adaptés dans sa zone désignée. D’un point de vue fonctionnel, dès lors, elle pouvait être considérée comme agissant pour le compte de l’État.

( 42 ) Mis en italique par mes soins.

( 43 ) Mis en italique par mes soins. Arrêt du 19 janvier 1982 (8/81, EU:C:1982:7).

( 44 ) Arrêt du 22 février 1990 (C‑221/88, EU:C:1990:84). La Cour y a jugé que, en l’absence de toute mesure nationale de transposition, la Communauté européenne du charbon et de l’acier (la « CECA ») pouvait (à l’expiration du délai fixé pour la transposition de la recommandation) se prévaloir de celle-ci à l’encontre d’un État membre qui ne l’avait pas transposée ; toutefois, la reconnaissance du caractère privilégié des créances de la CECA ne pouvait avoir d’effet que vis-à-vis de cet État en
mettant éventuellement la CECA en concours avec lui. Ainsi, elle ne réduisait pas les droits des créanciers autres que l’État tels qu’ils résulteraient de l’application des règles nationales régissant les concours de créanciers en l’absence de la recommandation. Voir point 30 et point 1) du dispositif.

( 45 ) Arrêt du 22 juin 1989 (103/88, EU:C:1989:256). Le défendeur dans l’affaire Costanzo était le conseil exécutif communal d’une commune italienne. D’un point de vue organique, il faisait partie de l’État, participant aux fonctions organiques étatiques d’autorité et de contrôle, possédant les pouvoirs étatiques habituels (tels que le pouvoir réglementaire) et exerçant ses activités au service de l’intérêt public.

( 46 ) Arrêt du 15 mai 1986 (222/84, EU:C:1986:206). Le défendeur dans l’affaire Johnston était le Chief Constable de la Royal Ulster Constabulary : le fonctionnaire titulaire responsable des services de police en Irlande du Nord. L’arrêt décrit les services de police (en la personne de son Chief Constable) comme une autorité publique indépendante exerçant l’autorité et le contrôle de l’État, possédant des « pouvoirs exorbitants » (étant donné que l’État a le monopole de l’usage légal de la force)
et chargée du maintien de l’ordre et de la sécurité publique.

( 47 ) Arrêt du 26 février 1986 (152/84, EU:C:1986:84). J’ai déjà décrit la nature du défendeur dans cette affaire (voir note en bas de page 42 des présentes conclusions). En ce qui concerne l’absence de toute indication que le défendeur disposait dans cette affaire de « pouvoirs exorbitants », voir, en outre, point 49 des présentes conclusions.

( 48 ) En effet, la Cour avait précédemment (au point 15) souligné qu’elle était « compétente pour déterminer, à titre préjudiciel, les catégories de sujets de droit à l’encontre desquels les dispositions d’une directive peuvent être invoquées » tandis qu’il incombait « en revanche, aux juridictions nationales de décider si une partie à un litige qui leur est soumis entre dans une des catégories ainsi définies ».

( 49 ) Il n’est pas inconcevable pour la Cour de faire clairement comprendre à une juridiction de renvoi ce que devrait probablement être le résultat de l’application des indications abstraites qu’elle vient de donner. Un exemple frappant, quelque six années après l’arrêt Foster, peut être trouvé dans la « troisième affaire Factortame » [arrêt du 5 mars 1996, Brasserie du pêcheur et Factortame (C‑46/93 et C‑48/93, EU:C:1996:79)]. Au point 51 de cet arrêt, la Cour a formulé le critère permettant de
déterminer quand une indemnisation est ouverte à l’encontre d’un État membre pour violation du droit de l’Union et, au point 56, elle a indiqué en des termes généraux « les éléments que la juridiction compétente peut être amenée à prendre en considération ». Ensuite, aux points 58 à 64 dudit arrêt, la Cour a donné des indications aux deux juridictions de renvoi – respectivement le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) et la High Court of Justice, Queen’s Bench Division, Divisional Court
(Haute Cour de justice, division du Queen’s Bench, chambre divisionnaire) – quant aux réponses probables (« Elle estime néanmoins utile de rappeler certaines circonstances dont les juridictions nationales pourraient tenir compte »). Les divers facteurs défavorables identifiés aux points 61 à 64 concernant la promulgation par le gouvernement du Royaume-Uni du Merchant Shipping Act 1988 (loi de 1988 sur la marine marchande) laissaient tous augurer la conclusion que la responsabilité devrait être
engagée dans cette affaire. Après une résistance farouche de ce gouvernement lorsque l’affaire est revenue devant les juridictions nationales, cela a effectivement été le résultat.

( 50 ) La Cour semble avoir fondé sa conclusion selon laquelle la BGC avait des pouvoirs exorbitants sur le fait qu’elle disposait d’un monopole de distribution du gaz (point 3).

( 51 ) Mis en italique par mes soins.

( 52 ) Voir, en outre, points 62, 79 à 105, 114 et 120, sous 1), des présentes conclusions.

( 53 ) Voir note en bas de page 50 des présentes conclusions.

( 54 ) Arrêt du 26 février 1986 (152/84, EU:C:1986:84).

( 55 ) Étant donné que le renvoi préjudiciel provenait d’une juridiction du Royaume-Uni, la version de l’arrêt en langue anglaise était le texte « faisant foi » et la traduction proposée a, par conséquent, été revue par le juge du Royaume-Uni (Sir Gordon Slynn) et son référendaire principal (moi‑même) avec le chef, en fonction à ce moment, du service de traduction anglaise de la Cour. Nous étions conscients du fait que la formule « special powers » ne rendait pas l’intégralité des nuances du projet
français, mais personne n’a pu avancer une meilleure proposition à l’époque. Un examen de certaines autres versions linguistiques de l’arrêt montre que l’expression a été traduite en espagnol par « poderes exorbitantes », en allemand par « besondere Rechte », en italien par « poteri » (sans référence au fait que les pouvoirs étaient « exorbitants »), en néerlandais par « bijzondere bevoegdheden » et en portugais par « poderes exorbitantes ». Cela tend à indiquer que la traduction, dans certaines
langues, était un exercice nettement plus simple que dans d’autres.

( 56 ) Tribunal des conflits du 8 février 1873, 00012, publié au recueil Lebon (le texte en français peut être trouvé sur https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000007605886).

( 57 ) L’affaire Blanco concernait une demande en indemnisation formée pour le compte d’une mineure qui avait été blessée à la suite de l’intervention de travailleurs employés par l’administration des tabacs à Bordeaux. La partie clef de la (courte) décision est libellée comme suit : « Considérant que la responsabilité, qui peut incomber à l’État, pour les dommages causés aux particuliers par le fait des personnes qu’il emploie dans le service public, ne peut être régie par les principes qui sont
établis dans le Code civil, pour les rapports de particulier à particulier ; Que cette responsabilité n’est ni générale, ni absolue ; qu’elle a ses règles spéciales qui varient suivant les besoins du service et la nécessité de concilier les droits de l’État avec les droits privés ; Que, dès lors, […] l’autorité administrative est seule compétente pour en connaître ».

( 58 ) Arrêt du 23 mars 1983, Conseil d’État, SA Bureau Véritas et autres, no 33803, 34462. L’affaire Bureau Veritas concernait un recours en cassation introduit par Bureau Veritas et l’État français dans le cadre d’une demande en indemnisation formée par une compagnie aérienne à l’encontre de Bureau Veritas, en tant qu’organisme chargé de la délivrance de certificats de navigabilité, du fait du retard de celui-ci dans la délivrance d’un tel certificat. Il a été jugé que Bureau Veritas avait été
investi par l’État de l’exécution d’un service public et exerçait des prérogatives de puissance publique à cette fin. À titre de corollaire, l’État lui-même a été jugé non responsable du dommage causé.

( 59 ) Voir points 129 et suiv. des présentes conclusions.

( 60 ) Arrêt du 4 décembre 1997 (C‑253/96 à C‑258/96, EU:C:1997:585).

( 61 ) Arrêt du 4 décembre 1997, Kampelmann e.a (C‑253/96 à C‑258/96, EU:C:1997:585, point 12).

( 62 ) Point 17 de l’arrêt.

( 63 ) Directive du 14 octobre 1991 relative à l’obligation de l’employeur d’informer le travailleur des conditions applicables au contrat ou à la relation de travail (JO 1991, L 288, p. 32).

( 64 ) Point 45 de l’arrêt.

( 65 ) « En revanche, [une directive] peut être invoquée à l’encontre d’organismes ou d’entités soumis à l’autorité ou au contrôle de l’État ou qui disposent de pouvoirs exorbitants par rapport à ceux qui résultent des règles applicables dans les relations entre particuliers, tels que des collectivités territoriales ou des organismes qui, quelle que soit leur forme juridique, ont été chargés en vertu d’un acte de l’autorité publique d’accomplir, sous le contrôle de cette dernière, un service
d’intérêt public » (point 46). Curieusement, ce point de l’arrêt ne se réfère ni au point 18 ni au point 20 de l’arrêt Foster, mais au point 19 de celui-ci ainsi qu’au point 31 de l’arrêt Costanzo [arrêt du 22 juin 1989 (103/88, EU:C:1989:256)] (« […] lorsque sont remplies les conditions requises par la jurisprudence de la Cour pour que les dispositions d’une directive puissent être invoquées par les particuliers devant les juridictions nationales, tous les organes de l’administration, y compris les
autorités décentralisées, telles les communes, sont tenus de faire application de ces dispositions »).

( 66 ) Point 47 de l’arrêt et point 2 du dispositif.

( 67 ) Arrêt du 14 septembre 2000 (C‑343/98, EU:C:2000:441).

( 68 ) Voir points 7 à 9 de l’arrêt.

( 69 ) Voir points 10 à 13 de l’arrêt.

( 70 ) Directive du 14 février 1977 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transferts d’entreprises, d’établissements ou de parties d’établissements (JO 1977, L 61, p. 26).

( 71 ) Point 19 de l’arrêt.

( 72 ) Voir points 20 à 25 de l’arrêt. L’utilisation par la Cour du point 20 de l’arrêt Foster (avec sa mention qu’un organisme qui remplit les critères énumérés « figure en tout cas » au nombre des organismes qui peuvent se voir opposer les dispositions d’une directive susceptibles d’avoir des effets directs) pourrait être lue comme une discrète indication à la juridiction nationale de ce que Telecom Italia était effectivement une émanation de l’État aux fins de l’effet direct vertical.

( 73 ) Arrêt du 5 février 2004 (C‑157/02, EU:C:2004:76).

( 74 ) Voir points 20 et 21 de l’arrêt.

( 75 ) Arrêt du 19 janvier 1982 (8/81, EU:C:1982:7, points 23 à 25).

( 76 ) Arrêt du 26 février 1986 (152/84, EU:C:1986:84, point 49).

( 77 ) Arrêt du 12 juillet 1990 (C‑188/89, EU:C:1990:313, points 16 et 17).

( 78 ) Arrêt du 14 septembre 2000 (C‑343/98, EU:C:2000:441, point 23).

( 79 ) Voir points 25 et 26 de l’arrêt.

( 80 ) Point 27 de l’arrêt. Toutefois, en ce qui concerne l’élément des « pouvoirs exorbitants » du critère, voir, en outre, points 130 et suiv. des présentes conclusions.

( 81 ) Voir point 28 de l’arrêt.

( 82 ) Ordonnance du 26 mai 2005 (C‑297/03, EU:C:2005:315).

( 83 ) Pour un exposé des faits sur lesquels la décision de la Cour s’est fondée, voir points 11 et 12 de l’ordonnance motivée. L’analyse succincte par la Cour de la question 1 (la question pertinente aux présentes fins) peut être trouvée aux points 27 à 30 de cette ordonnance. Elle ne contient aucune mention de « pouvoirs exorbitants ».

( 84 ) Arrêt du 7 septembre 2006 (C‑180/04, EU:C:2006:518).

( 85 ) Point 24 de l’arrêt.

( 86 ) Voir points 26 et 27 de l’arrêt.

( 87 ) Arrêt du 19 avril 2007, Farrell I (C‑356/05, EU:C:2007:229, points 40 et 41).

( 88 ) Arrêt du 24 janvier 2012 (C‑282/10, EU:C:2012:33).

( 89 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail (JO 2003, L 299, p. 9).

( 90 ) Point 36 de l’arrêt.

( 91 ) Points 39 et 40 de l’arrêt.

( 92 ) Arrêt du 12 décembre 2013 (C‑361/12, EU:C:2013:830).

( 93 ) Tous les éléments qui suivent concernant cette affaire sont tirés des points 29 à 31 de l’arrêt.

( 94 ) Il est intéressant de noter que la Cour n’a pas cité l’arrêt Foster directement, mais s’est fondée sur l’arrêt du 12 septembre 2013, Kuso (C‑614/11, EU:C:2013:544) (une affaire qui a été jugée sans conclusions), qui cite le point 20 de l’arrêt Foster. Il ne semble pas non plus y avoir une constatation spécifique en ce qui concerne l’élément des « pouvoirs exorbitants » du critère de l’arrêt Foster.

( 95 ) Arrêt du 12 décembre 2013 (C‑425/12, EU:C:2013:829).

( 96 ) Directive du 14 juin 1993 portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications (JO 1993, L 199, p. 84), telle que modifiée par la directive 98/4/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 1998 (JO 1998, L 101, p. 1).

( 97 ) Voir point 35 de ses conclusions et note en bas de page 16. Il apparaîtra clairement de ce que j’ai déjà indiqué que je considère le point 18 comme le point clé dans l’arrêt Foster, et non le point 20. En rapport avec cela, je note que (au point 43 de ses conclusions), l’avocat général Wahl cite les conclusions de l’avocat général van Gerven dans l’affaire Foster (C‑188/89, EU:C:1990:188) comme (seule) autorité pour la proposition selon laquelle « la circonstance selon laquelle une entreprise
privée est chargée d’accomplir, en tant que concessionnaire exclusif, un service d’intérêt public ne suffit pas pour pouvoir lui opposer les dispositions d’une directive non transposée dans l’ordre interne. Il doit être constaté que ladite entreprise dispose de pouvoirs exorbitants et est soumise au contrôle des autorités publiques ». Étant donné que la Cour n’a fait aucun usage, dans l’arrêt Foster, de cette suggestion particulière, il est difficile de comprendre en quoi la jurisprudence
permettrait d’aller plus loin sur cette question.

( 98 ) Voir point 45 des conclusions. L’avocat général Wahl cite « notamment, arrêts […] Collino et Chiappero (point 24) ; Farrell (point 41), ainsi que Dominguez (point 40) » à l’appui de ce qu’il décrit comme « l’approche traditionnellement retenue ». Il se peut que l’avocat général ait simplement entendu par cette formule « laisser l’appréciation des faits à la juridiction nationale » (comme la Cour l’a effectivement fait dans l’ensemble des trois affaires qu’il a citées). S’il voulait,
toutefois, dire qu’il existe une « approche traditionnelle » consistant à exiger la présence cumulative de tous les éléments énumérés au point 20 de l’arrêt Foster pour qu’un organisme puisse être considéré comme une émanation de l’État, il apparaîtra clairement de ce que j’ai mentionné ci-dessus (aux points 43 à 54) que je ne considère pas qu’une telle approche aurait délibérément et systématiquement été reprise dans la jurisprudence de la Cour.

( 99 ) Voir points 62 à 66 des conclusions de l’avocat général Wahl.

( 100 ) Voir points 19 et 20 de l’arrêt.

( 101 ) Voir mon analyse détaillée de chacune de ces affaires exposée ci-dessus. Les points particuliers cités au point 24 de l’arrêt Portgás citent le point 20 de l’arrêt Foster (et ils comportent tous une formulation qui précise qu’un organisme qui remplit tous les critères qui y sont exposés est inclus dans la catégorie des « émanations de l’État »). Les autorités citées n’appuient pas, selon moi, la proposition selon laquelle le point 20 de l’arrêt Foster constitue une définition définitive
englobant tous les organismes qui sont des émanations de l’État.

( 102 ) Arrêt du 14 juillet 1994 (C‑91/92, EU:C:1994:292, points 19 à 25) (en particulier, points 24 et 25).

( 103 ) Voir point 25 de l’arrêt.

( 104 ) Voir points 61 à 63 des présentes conclusions.

( 105 ) Mis en italique par mes soins.

( 106 ) Une version légèrement modifiée de cette reformulation apparaît ensuite au deuxième point du dispositif. En ce qui concerne l’élément des « pouvoirs exorbitants » du critère, voir, en outre, points 129 et suiv. des présentes conclusions.

( 107 ) Les universitaires se sont depuis lors efforcés de comprendre si ce dernier problème est véritablement sans lien avec la question de l’effet direct (vertical ou horizontal) des directives, comme tant l’avocat général que la Cour semblaient le suggérer (mettant l’accent plutôt sur l’obligation de l’État membre de veiller à ce que la directive soit respectée). Voir, notamment, Albors-Llorens, A., « The Direct Effect of EU Directives : Fresh Controversy or a Storm in a Teacup ? Comment on
Portgás », European Law Review, 2014, p. 851.

( 108 ) Voir points 58, 60, 65, 66 et 67 des présentes conclusions.

( 109 ) Voir communication de la Commission relative à la notion d’« aide d’État » visée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE (la « Communication de la Commission sur les aides d’État »). Cette communication a été mise à jour, en dernier lieu, en juin 2016 (JO 2016, C 262, p. 1).

( 110 ) Arrêt du 16 mai 2002, France/Commission (C‑482/99, EU:C:2002:294, point 23).

( 111 ) Arrêts du 16 mai 2002, France/Commission (C‑482/99, EU:C:2002:294, point 23 et jurisprudence citée), et du 20 novembre 2003, GEMO (C‑126/01, EU:C:2003:622, point 23). Voir, en outre, arrêt du 12 décembre 1996, Air France/Commission (T‑358/94, EU:T:1996:194, point 62). Voir, enfin, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire UTECA (C‑222/07, EU:C:2008:468, point 124).

( 112 ) Voir, en ce sens, arrêt du 16 mai 2002, France/Commission (C‑482/99, EU:C:2002:294, point 24). Une définition utile de ce qui constitue une entreprise publique peut être trouvée dans la directive 2006/111/CE de la Commission, du 16 novembre 2006, relative à la transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques ainsi qu’à la transparence financière dans certaines entreprises (JO 2006, L 318, p. 17). L’article 2, sous b), de cette directive indique que
par « entreprise publique » on entend « toute entreprise sur laquelle les pouvoirs publics peuvent exercer directement ou indirectement une influence dominante du fait de la propriété, de la participation financière ou des règles qui la régissent ».

( 113 ) Arrêt du 16 mai 2002, France/Commission (C‑482/99, EU:C:2002:294, point 52). Voir, également, arrêt du 26 juin 2008, SIC/Commission (T‑442/03, EU:T:2008:228, points 93 à 100).

( 114 ) Arrêt du 16 mai 2002, France/Commission (C‑482/99, EU:C:2002:294, point 53). Il n’y a, en outre, pas lieu de démontrer que, dans un cas donné, le comportement de l’entreprise publique aurait été différent si elle avait agi de manière autonome : voir arrêt du 25 juin 2015, SACE et Sace BT/Commission (T‑305/13, EU:T:2015:435, point 48).

( 115 ) Arrêt du 16 mai 2002, France/Commission (C‑482/99, EU:C:2002:294, point 53).

( 116 ) Arrêt du 16 mai 2002, France/Commission (C‑482/99, EU:C:2002:294, point 54).

( 117 ) Arrêt du 16 mai 2002, France/Commission (C‑482/99, EU:C:2002:294, point 55) (mis en italique par mes soins). Les indices possibles d’imputabilité sont énumérés à la section 3.1.1 de la communication de la Commission sur les aides d’État. Ils comprennent l’intégration de l’entreprise publique dans les structures de l’administration publique, le fait que l’entreprise par l’intermédiaire de laquelle l’aide avait été accordée devait tenir compte de directives émanant des organismes publics, la
nature des activités de l’entreprise publique et la question de savoir si elle opérait sur le marché dans des conditions normales de concurrence avec des opérateurs privés.

( 118 ) Voir, notamment, arrêts du 17 juillet 2008, Essent Netwerk Noord e.a. (C‑206/06, EU:C:2008:413, point 70), et du 16 mai 2000, France/Ladbroke Racing et Commission (C‑83/98 P, EU:C:2000:248, point 50).

( 119 ) Voir arrêt du 12 décembre 1996, Air France/Commission (T‑358/94, EU:T:1996:194, points 65 à 67), concernant une aide accordée par la Caisse des dépôts et consignations qui était financée par des dépôts volontaires de citoyens privés qui pouvaient être retirés à tout moment. Étant donné que la Caisse des dépôts et consignations pouvait utiliser les surplus produits par les dépôts par rapport aux retraits comme s’ils étaient définitivement à sa disposition, il a été jugé que ces fonds étaient
des ressources d’État. Voir également arrêt du 16 mai 2000, France/Ladbroke Racing et Commission (C‑83/98 P, EU:C:2000:248, point 50).

( 120 ) Cette disposition couvre également les entreprises « présentant le caractère d’un monopole fiscal ». Cette dernière catégorie est, selon moi, sans pertinence pour la présente analyse.

( 121 ) Arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415, points 89 et suiv., ci-après l’arrêt « Altmark »).

( 122 ) Voir arrêt du 12 février 2008, BUPA e.a./Commission (T‑289/03, EU:T:2008:29, point 172) (mis en italique par mes soins). Voir également arrêt du 10 décembre 1991, Merci convenzionali porto di Genova (C‑179/90, EU:C:1991:464, point 27).

( 123 ) Voir document de travail des services de la Commission du 29 avril 2013« Guide relatif à l’application aux services d’intérêt économique général, et en particulier aux services sociaux d’intérêt général, des règles de l’Union européenne en matière d’aides d’État, de “marchés publics” et de “marché intérieur” » [SWD(2013) 53 final/2]. Voir également communication de la Commission, « Encadrement de l’Union européenne applicable aux aides d’État sous forme de compensations de service public
(2011) » (JO 2012, C 8, p. 15).

( 124 ) Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et sociale européen et au Comité des régions, « Un cadre de qualité pour les services d’intérêt général en Europe » [COM(2011) 900 final], p. 3.

( 125 ) Idem, p. 3. Voir également communication de la Commission sur les services d’intérêt général en Europe (JO 2001, C 17, p. 4), point 14, qui indique que « si les pouvoirs publics estiment que certains services sont d’intérêt général et que les mécanismes du marché pourraient ne pas être à même d’assurer une fourniture satisfaisante de ces services, ils peuvent établir un certain nombre de prestations de services spécifiques destinées à répondre à ces besoins sous forme d’obligations de
services d’intérêt général ». Voir, plus spécifiquement, dans le cadre d’aides d’État dans le secteur des réseaux de communications à haut débit, communication de la Commission, « Lignes directrices de l’UE pour l’application des règles relatives aux aides d’État dans le cadre du déploiement rapide des réseaux de communication à haut débit » (JO 2013, C 25, p. 1), point 20, qui indique que « la Commission estime que, dans les zones où des investisseurs privés ont déjà investi dans une infrastructure
de réseau haut débit (ou sont en train d’étendre encore leur réseau) et fournissent déjà des services compétitifs d’accès au haut débit avec une couverture appropriée, la mise en place d’une infrastructure haut débit parallèle, compétitive et financée par des fonds publics ne saurait être qualifiée de SIEG au sens de l’article 106, paragraphe 2, […] TFUE ». Voir également arrêt du 16 septembre 2013, Colt Télécommunications France/Commission (T‑79/10, non publié, EU:T:2013:463, point 154), où le
Tribunal a jugé que « l’existence d’une défaillance du marché constitue un préalable à la qualification d’une activité de SIEG ».

( 126 ) Arrêts du 10 décembre 1991, Merci convenzionali porto di Genova (C‑179/90, EU:C:1991:464, point 27) ; du 17 juillet 1997, GT-Link (C‑242/95, EU:C:1997:376, point 53), et du 18 juin 1998, Corsica Ferries France (C‑266/96, EU:C:1998:306, point 45).

( 127 ) Voir, par exemple, conclusions de l’avocat général Tizzano dans l’affaire Ferring (C‑53/00, EU:C:2001:253, point 51). Voir, également, arrêt du 15 juin 2005, Olsen/Commission (T‑17/02, EU:T:2005:218, point 216 et jurisprudence citée) ; voir, en outre, communication de la Commission relative à l’application des règles de l’Union européenne en matière d’aides d’État aux compensations octroyées pour la prestation de services d’intérêt économique général (JO 2012, C 8, p. 4), point 46.

( 128 ) Voir points 129 et suiv. des présentes conclusions.

( 129 ) Voir article 1er, paragraphe 1, de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JO 2014, L 94, p. 65). L’article 1er, paragraphe 4, souligne que « [l]a présente directive ne porte pas atteinte à la faculté des États membres de définir, conformément au droit de l’Union, ce qu’ils entendent par [SIEG], la manière dont ces services devraient être organisés et financés conformément aux
règles relatives aux aides d’État et les obligations spécifiques auxquelles ils devraient être soumis. De même, la présente directive n’a pas d’incidence sur le droit qu’ont les pouvoirs publics de décider si, comment et dans quelle mesure ils souhaitent assumer eux‑mêmes certaines fonctions publiques conformément à l’article 14 [TFUE] et au protocole no 26 ».

( 130 ) Mis en italique par mes soins.

( 131 ) La Cour a confirmé la nature cumulative des trois conditions dans son arrêt du 15 janvier 1998, Mannesmann Anlagenbau Austria e.a. (C‑44/96, EU:C:1998:4, point 21). Voir, en outre, arrêt du 16 octobre 2003, Commission/Espagne (C‑283/00, EU:C:2003:544, point 69).

( 132 ) Arrêt du 3 octobre 2000, University of Cambridge (C‑380/98, EU:C:2000:529, point 21).

( 133 ) Arrêt du 3 octobre 2000, University of Cambridge (C‑380/98, EU:C:2000:529, point 26). La Cour a poursuivi en jugeant que la qualification d’un organisme tel que the University of Cambridge de « pouvoir adjudicateur » devait être effectuée sur une base annuelle et que l’exercice budgétaire au cours duquel la procédure de passation d’un marché déterminé est lancée devait être considéré comme la période la plus appropriée pour le calcul du mode de financement de cet organisme (points 40 et 41).

( 134 ) Arrêt du 15 janvier 1998, Mannesmann Anlagenbau Austria e.a. (C‑44/96, EU:C:1998:4, point 35).

( 135 ) Arrêt du 27 février 2003, Adolf Truley (C‑373/00, EU:C:2003:110, points 33 à 40).

( 136 ) Arrêt du 16 octobre 2003, Commission/Espagne (C‑283/00, EU:C:2003:544, point 81).

( 137 ) Arrêt du 10 mai 2001, Agorà et Excelsior (C‑223/99 et C‑260/99, EU:C:2001:259, point 37).

( 138 ) Voir, notamment, arrêts du 26 février 1986, Marshall (152/84, EU:C:1986:84, point 49) ; du 12 juillet 1990, Foster (C‑188/89, EU:C:1990:313, point 17), et du 14 septembre 2000, Collino et Chiappero (C‑343/98, EU:C:2000:441, point 23). Dans ses conclusions du 18 septembre 2013 dans l’affaire Portgás (C‑425/12, EU:C:2013:623, point 30), l’avocat général Wahl a considéré (citant l’arrêt Marshall, point 47) que « la reconnaissance de l’effet direct des directives repose, en définitive, sur deux
objectifs complémentaires : la nécessité de garantir efficacement les droits que les particuliers peuvent tirer de ces actes ainsi que le souhait de sanctionner les autorités nationales qui ont omis de respecter l’effet obligatoire et d’assurer une application effective de ceux-ci ». Je suis totalement d’accord avec la première branche de cette proposition. Toutefois, dans la mesure où non seulement les décisions ultérieures, mais également l’arrêt Marshall lui-même, précisent que des organismes qui
étaient totalement étrangers au défaut de transposition de la directive par l’État (et incapables d’avoir une influence à cet égard) devront quand même se conformer aux dispositions d’effet direct de cette directive au titre de la théorie de l’effet direct vertical s’ils sont considérés comme une émanation de l’État, je crains de ne pas pouvoir pleinement faire mienne la seconde branche de cette proposition.

( 139 ) Voir, notamment, arrêts du 21 mai 1985, Schul Douane-Expediteur (47/84, EU:C:1985:216, point 17) ; du 3 juillet 2012, UsedSoft (C‑128/11, EU:C:2012:407, point 40) ; du 9 novembre 2016, Wathelet (C‑149/15, EU:C:2016:840, point 29), et du 2 mars 2017, J. D. (C‑4/16, EU:C:2017:153, point 24).

( 140 ) Voir, en particulier, points 35, 49 et 62 des présentes conclusions.

( 141 ) Voir point 65 des présentes conclusions.

( 142 ) Voir point 68 des présentes conclusions.

( 143 ) La jurisprudence antérieure à l’arrêt Foster citée au point 19 de l’arrêt Foster montrait déjà que certains organismes qui faisaient structurellement partie de l’État devaient être traités comme l’État lui-même : notamment, les autorités fiscales (arrêts du 19 janvier 1982, Becker, 8/81, EU:C:1982:7, et du 22 février 1990, Busseni, C‑221/88, EU:C:1990:84), et les collectivités locales (arrêt du 22 juin 1989, Costanzo, 103/88, EU:C:1989:256).

( 144 ) Voir points 61 et 62 des présentes conclusions.

( 145 ) Au point 19 de l’arrêt Foster, la Cour a identifié deux organismes qui étaient, d’un point de vue fonctionnel, des émanations de l’État : des autorités constitutionnellement indépendantes chargées du maintien de l’ordre et de la sécurité publique (arrêt du 15 mai 1986, Johnston, 222/84, EU:C:1986:206) et des autorités publiques assurant des services de santé publique (arrêt du 26 février 1986, Marshall, 152/84, EU:C:1986:84).

( 146 ) Voir, notamment, directive 2002/73/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 septembre 2002, modifiant la directive 76/207/CEE du Conseil relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (JO 2002, L 269, p. 15).

( 147 ) Voir, notamment, la directive sur les qualifications professionnelles [directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 septembre 2005, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles (JO 2005 L 255, p. 22)], telle que récemment modifiée par la directive 2013/55/UE du Parlement européen et du Conseil, du 20 novembre 2013, modifiant la directive 2005/36 et le règlement (UE) no 1024/2012 concernant la coopération administrative par l’intermédiaire du système
d’information du marché intérieur (« règlement IMI ») (JO 2013, L 354, p. 13). Des informations générales sur le fonctionnement de ce système de reconnaissance mutuelle peuvent être trouvées à l’adresse http://ec.europa.eu/growth/single-market/services/free-movement-professionals_fr.

( 148 ) Voir, notamment, directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (JO 2002, L 108, p. 33), telle que modifiée par le règlement (CE) no 544/2009 et par la directive 2009/140/CE.

( 149 ) Arrêt du 26 février 1986 (152/84, EU:C:1986:84).

( 150 ) Il y a également les arrangements (quelque peu inhabituels) permettant au MIBI de négocier avec les parties blessées et de mener le litige même lorsqu’il n’a pas de contrat ou mandat spécifique l’autorisant à le faire. Il convient de noter que le fait que tous les assureurs de véhicules automoteurs doivent être membres du MIBI, d’une part, garantit des conditions de concurrence équitables en termes de droit de la concurrence et, d’autre part, implique que le MIBI ne se retrouvera jamais,
dans la durée, « en manque de fonds » s’il doit procéder à des indemnisations dans le cadre de demandes additionnelles pour lesquelles il n’a pas anticipé son intervention. Il se bornera à ajuster les contributions qu’il exige de ses membres ; et ses membres, de façon similaire, ajusteront le montant additionnel qu’ils facturent aux contrats d’assurance individuels émis par eux en vue de financer leur contribution au MIBI.

( 151 ) Arrêt du 12 juillet 1990 (C‑188/89, EU:C:1990:313) (mis en italique par mes soins).

( 152 ) Arrêt du 15 mai 1986 (222/84, EU:C:1986:206, point 56).

( 153 ) Voir point 54 des présentes conclusions.

( 154 ) Voir points 58 et suivants des présentes conclusions.

( 155 ) Voir arrêt du 4 décembre 1997, Kampelmann e.a. (C‑253/96 à C‑258/96, EU:C:1997:585) et point 58 des présentes conclusions.

( 156 ) Voir arrêt du 14 septembre 2000, Collino et Chiappero (C‑343/98, EU:C:2000:441) et points 59 et 60 des présentes conclusions.

( 157 ) Voir arrêt du 5 février 2004, Rieser Internationale Transporte (C‑157/02, EU:C:2004:76) et points 61 à 63 des présentes conclusions. Le point 12 de l’arrêt indique qu’Asfinag était autorisée, en vertu du contrat conclu entre elle-même et l’État autrichien (décrit, de manières diverses, comme un « usufruit » et comme un « contrat »), « à prélever, en son nom propre et pour son propre compte, des péages et droits d’utilisation afin de couvrir ses frais ». La suite de l’analyse de la Cour s’est
concentrée sur le contrôle de l’État (point 25) et sur le fait qu’Asfinag « n’est pas autorisée à fixer de sa propre autorité le montant du péage à prélever. Ce montant est fixé par la loi » (point 26). La Cour a immédiatement conclu qu’Asfinag était une émanation de l’État, sans identifier les pouvoirs exorbitants dont elle disposait (point 27).

( 158 ) Voir ordonnance du 26 mai 2005, Sozialhilfeverband Rohrbach (C‑297/03, EU:C:2005:315) et point 64 des présentes conclusions.

( 159 ) Voir arrêt du 7 septembre 2006, Vassallo (C‑180/04, EU:C:2006:518) et point 65 des présentes conclusions.

( 160 ) Voir arrêt du 24 janvier 2012, Dominguez (C‑282/10, EU:C:2012:33) et point 67 des présentes conclusions.

( 161 ) Voir arrêt du 12 décembre 2013, Carratù (C‑361/12, EU:C:2013:830) et point 68 des présentes conclusions.

( 162 ) Arrêt du 12 décembre 2013, Portgás (C‑425/12, EU:C:2013:829). Voir, en outre, points 69 à 76 des présentes conclusions.

( 163 ) Arrêt du 12 décembre 2013, Portgás (C‑425/12, EU:C:2013:829, points 30 et 31).

( 164 ) Voir point 112 des présentes conclusions.

( 165 ) Voir point 98 des présentes conclusions.

( 166 ) Voir, à cet égard, arrêt du 3 octobre 2000, University of Cambridge (C‑380/98, EU:C:2000:529, point 40).

( 167 ) Voir point 90 des présentes conclusions.

( 168 ) Arrêt du 14 juillet 1994 (C‑91/92, EU:C:1994:292).

( 169 ) Pour quelques exemples parmi les nombreuses études critiques sur cette jurisprudence, voir Tridimas, T., « Black, White and Shades of Grey : Horizontality Revisited », Yearbook of European law, 2002, vol. 21, p. 327 ; Dashwood, A., « From Van Duyn to Mangold via Marshall : Reducing Direct Effect to Absurdity », Cambridge Yearbook of European Legal Studies, 2006-2007, vol. 9, p. 81 ; Dougan, M., « When Worlds Collide ! Competing Visions of the Relationship Between Direct Effect and
Supremacy », Common Market Law Review, 2007, vol. 44, p. 931 ; Craig, P., « The Legal Effects of Directives : Policy, Rules and Exceptions », European Law Review, 2009, vol. 34, p. 349 ; et de Moi, M., « Dominguez : A Deafening Silence », European Constitutional Law Review, 2012, vol. 8, p. 280.

( 170 ) Conclusions du 9 février 1994 (C‑91/92, EU:C:1994:45, point 47).

( 171 ) Voir conclusions de l’avocat général Van Gerven dans l’affaire Marshall II (C‑271/91, EU:C:1993:30, point 12), et conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire Vaneetveld (C‑316/93, EU:C:1994:32, points 15 et suiv.). Plus récemment, l’avocat général Trstenjak a réexaminé les questions sous-jacentes en divers endroits dans ses conclusions dans l’affaire Dominguez (C‑282/10, EU:C:2011:559).

( 172 ) Arrêt du 14 juillet 1994 (C‑91/92, EU:C:1994:292).

( 173 ) À cet égard, j’adopte, dans leur intégralité, les observations de l’avocat général Jacobs aux points 30 et 31 de ses conclusions dans l’affaire Vaneetveld (C‑316/93, EU:C:1994:32) cités intégralement à la note en bas de page 33 des présentes conclusions.

( 174 ) Arrêt du 12 juillet 1990 (C‑188/89, EU:C:1990:313).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-413/15
Date de la décision : 22/06/2017
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle, introduite par la Supreme Court (Irlande).

Renvoi préjudiciel – Rapprochement des législations – Assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs – Directive 90/232/CEE – Article 1er – Responsabilité en cas de dommages corporels causés à tous les passagers autres que le conducteur – Assurance obligatoire – Effet direct – Directive 84/5/CEE – Article 1er, paragraphe 4 – Organisme chargé d’indemniser les dommages matériels ou corporels causés par un véhicule non identifié ou non assuré – Invocabilité d’une directive à l’encontre d’un État – Conditions dans lesquelles un organisme de droit privé peut être considéré comme une émanation de l’État et se voir opposer les dispositions d’une directive susceptibles d’avoir un effet direct.

Libre prestation des services

Rapprochement des législations


Parties
Demandeurs : Elaine Farrell
Défendeurs : Alan Whitty e.a.

Composition du Tribunal
Avocat général : Sharpston

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2023
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:2017:492

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