CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. PEDRO CRUZ VILLALÓN
présentées le 6 juillet 2010 (1)
Affaire C‑306/09
I. B.
contre
Conseil des ministres
[demande de décision préjudicielle formée par la Cour constitutionnelle (Belgique)]
«Coopération policière et judiciaire en matière pénale – Mandat d’arrêt européen – Motifs de non-exécution facultatifs et garanties à fournir par l’État membre d’émission – Possibilité, pour l’État membre d’exécution, de subordonner la remise d’une personne résidant sur son territoire à la condition que cette personne, après avoir été entendue dans l’État membre d’émission du mandat d’arrêt, soit renvoyée dans l’État membre d’exécution afin d’y subir la peine ou la mesure privatives de liberté qui
pourrait être prononcée à son encontre – Incidence éventuelle, sur la décision à prendre par les autorités judiciaires de l’État membre d’exécution, d’un risque d’atteinte aux droits fondamentaux de la personne concernée et, notamment, au respect de sa vie privée et familiale»
1. Cette affaire soulève une question d’interprétation de la décision-cadre 2002/584/JAI relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (2) en ce qui concerne l’exécution de décisions rendues par défaut dans l’État membre d’émission. La Cour constitutionnelle (Belgique) demande, en substance, si une personne condamnée par défaut doit être remise par les autorités judiciaires d’un État membre d’exécution en qualifiant la demande de mandat d’arrêt aux fins
de poursuite ou de mandat d’arrêt aux fins d’exécution d’une peine. Le choix de la qualification a une importance décisive, dès lors que, au vu du texte de la décision-cadre citée, un type de mandat autorise l’État membre d’exécution à subordonner la remise à un éventuel retour de la personne pour, le cas échéant, purger sa peine dans ledit État, alors que l’autre type de mandat ne l’autorise pas.
I – Le cadre juridique
A – Le droit de l’Union
2. La décision-cadre 2002/584/JAI, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (ci-après: la «décision-cadre»), souligne dans ses cinquième, dixième et douzième considérants la finalité de cet instrument, ainsi que l’importance de garantir la protection des droits fondamentaux:
«(5) L’objectif assigné à l’Union de devenir un espace de liberté, de sécurité et de justice conduit à supprimer l’extradition entre États membres et à la remplacer par un système de remise entre autorités judiciaires. Par ailleurs, l’instauration d’un nouveau système simplifié de remise des personnes condamnées ou soupçonnées, aux fins d’exécution des jugements ou de poursuites en matière pénale, permet de supprimer la complexité et les risques de retard inhérents aux procédures d’extradition
actuelles. Aux relations de coopération classiques qui ont prévalu jusqu’ici entre États membres, il convient de substituer un système de libre circulation des décisions judiciaires en matière pénale, tant présentencielles que définitives, dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice.
[…]
(10) Le mécanisme du mandat d’arrêt européen repose sur un degré de confiance élevé entre les États membres. La mise en œuvre de celui-ci ne peut être suspendue qu’en cas de violation grave et persistante par un des États membres des principes énoncés à l’article 6, paragraphe 1, [UE], constatée par le Conseil en application de l’article 7, paragraphe 1, [UE] avec les conséquences prévues au paragraphe 2 du même article.
[…]
(12) La présente décision-cadre respecte les droits fondamentaux et observe les principes reconnus par l’article 6 [UE] et reflétés dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, notamment son chapitre VI. Rien dans la présente décision-cadre ne peut être interprété comme une interdiction de refuser la remise d’une personne qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt européen s’il y a des raisons de croire, sur la base d’éléments objectifs, que ledit mandat a été émis dans le but de
poursuivre ou de punir une personne en raison de son sexe, de sa race, de sa religion, de son origine ethnique, de sa nationalité, de sa langue, de ses opinions politiques ou de son orientation sexuelle, ou qu’il peut être porté atteinte à la situation de cette personne pour l’une de ces raisons.
La présente décision-cadre n’empêche pas un État membre d’appliquer ses règles constitutionnelles relatives au respect du droit à un procès équitable, à la liberté d’association, à la liberté de la presse et à la liberté d’expression dans d’autres médias.»
3. L’article 1^er de la décision-cadre définit le mandat d’arrêt européen et souligne une nouvelle fois combien il est important de sauvegarder les droits fondamentaux des personnes qu’elle concerne:
«1. Le mandat d’arrêt européen est une décision judiciaire émise par un État membre en vue de l’arrestation et de la remise par un autre État membre d’une personne recherchée pour l’exercice de poursuites pénales ou pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté.
2. Les États membres exécutent tout mandat d’arrêt européen, sur la base du principe de reconnaissance mutuelle et conformément aux dispositions de la présente décision-cadre.
3. La présente décision-cadre ne saurait avoir pour effet de modifier l’obligation de respecter les droits fondamentaux et les principes juridiques fondamentaux tels qu’ils sont consacrés par l’article 6 [UE].»
4. L’article 4 de la décision-cadre contient les motifs de non-exécution facultatifs qui sont à la disposition du juge de l’État membre d’exécution, parmi lesquels il convient de souligner le motif contenu au point 6 de cet article:
«L’autorité judiciaire d’exécution peut refuser d’exécuter le mandat d’arrêt européen:
[…]
6) si le mandat d’arrêt européen a été délivré aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté, lorsque la personne recherchée demeure dans l’État membre d’exécution, en est ressortissante ou y réside, et que cet État s’engage à exécuter cette peine ou mesure de sûreté conformément à son droit interne».
5. L’article 5 de la décision-cadre prévoit les garanties qui doivent être respectées par l’État membre d’émission et qui, si elles ne le sont pas, peuvent justifier le refus de la remise. En ce qui concerne la présente procédure, il est nécessaire de souligner la garantie relative aux décisions rendues par défaut, qui dispose:
«L’exécution du mandat d’arrêt européen par l’autorité judiciaire d’exécution peut être subordonnée par le droit de l’État membre d’exécution à l’une des conditions suivantes:
1) lorsque le mandat d’arrêt européen a été délivré aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté prononcées par une décision rendue par défaut et si la personne concernée n’a pas été citée personnellement ni informée autrement de la date et du lieu de l’audience qui a mené à la décision rendue par défaut, la remise peut être subordonnée à la condition que l’autorité judiciaire d’émission donne des assurances jugées suffisantes pour garantir à la personne qui fait l’objet du mandat
d’arrêt européen qu’elle aura la possibilité de demander une nouvelle procédure de jugement dans l’État membre d’émission et d’être jugée en sa présence;
[…]
3) lorsque la personne qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt européen aux fins de poursuite est ressortissante ou résidente de l’État membre d’exécution, la remise peut être subordonnée à la condition que la personne, après avoir été entendue, soit renvoyée dans l’État membre d’exécution afin d’y subir la peine ou la mesure de sûreté privatives de liberté qui serait prononcée à son encontre dans l’État membre d’émission.»
B – Le droit national
6. Le Royaume de Belgique a transposé la décision-cadre dans son ordre juridique national au moyen de la loi du 19 décembre 2003 relative au mandat d’arrêt européen, son objet est défini à l’article 2, paragraphe 3, de cette dernière:
«Le mandat d’arrêt européen est une décision judiciaire émise par l’autorité judiciaire compétente d’un État membre de l’Union européenne, appelée autorité judiciaire d’émission, en vue de l’arrestation et de la remise par l’autorité judiciaire compétente d’un autre État membre, appelée autorité d’exécution, d’une personne recherchée pour l’exercice de poursuites pénales ou pour l’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté».
7. L’article 4 de cette loi introduit un motif de non-exécution basé sur la protection des droits fondamentaux et dispose comme suit:
«L’exécution d’un mandat d’arrêt européen est refusée dans les cas suivants:
[...]
5° s’il y a des raisons sérieuses de croire que l’exécution du mandat d’arrêt européen aurait pour effet de porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne concernée, tels qu’ils sont consacrés par l’article 6 [UE].»
8. Parmi les motifs facultatifs de non-exécution, l’article 6 de ladite loi cite, entre autres, le suivant:
«L’exécution peut être refusée dans les cas suivants:
[...]
4° si le mandat d’arrêt européen a été délivré aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté, lorsque la personne concernée est belge ou réside en Belgique et que les autorités belges compétentes s’engagent à exécuter cette peine ou mesure de sûreté conformément à la loi belge.
[…]»
9. La procédure de renvoi dans l’État membre d’exécution est contenue à l’article 18, paragraphe 2, de la loi du 23 mai 1990 sur le transfèrement interétatique des personnes condamnées, la reprise et le transfert de la surveillance de personnes condamnées sous condition ou libérées sous condition ainsi que la reprise et le transfert de l’exécution de peines et de mesures privatives de liberté, qui dispose:
«La décision judiciaire prise en application de l’article 6, 4°, de la loi du 19 décembre 2003 relative au mandat d’arrêt européen emporte la reprise de l’exécution de la peine ou de la mesure privatives de liberté visée dans ladite décision judiciaire. La peine ou la mesure privatives de liberté est exécutée conformément aux dispositions de la présente loi.»
10. L’article 18 de la loi du 23 mai 1990 est inclus dans le chapitre VI, intitulé «[s]ur l’exécution en Belgique de peines et de mesures privatives de liberté prononcées à l’étranger». Il doit être lu à la lumière de l’article 25 de la même loi, qui dispose:
«Les dispositions des chapitres V et VI ne sont pas applicables aux condamnations pénales par défaut, sauf dans les cas visés par l’article 18, § 2, lorsqu’il s’agit d’une condamnation par défaut ayant acquis force de chose jugée.»
11. L’article 25 de la loi du 23 mai 1990 rend l’article 6, 4°, de la loi de 2003 inapplicable à une procédure d’exécution d’un mandat d’arrêt européen aux fins d’exécution d’une peine prononcée par défaut, mais contre laquelle le condamné dispose encore d’une possibilité de recours à laquelle il n’a pas renoncé.
12. S’agissant des garanties devant être observées par l’État membre d’émission, le législateur belge, dans la loi de 2003 citée, a disposé comme suit:
«Lorsque le mandat d’arrêt européen a été délivré aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté prononcées par une décision rendue par défaut, et si la personne concernée n’a pas été citée personnellement ni informée autrement de la date et du lieu de l’audience qui a mené à la décision rendue par défaut, la remise peut être subordonnée à la condition que l’autorité judiciaire d’émission donne des assurances jugées suffisantes pour garantir à la personne qui fait l’objet du mandat
d’arrêt européen qu’elle aura la possibilité de demander une nouvelle procédure de jugement dans l’État membre d’émission et d’être jugée en sa présence.
L’existence d’une disposition dans le droit de l’État membre d’émission qui prévoit un recours et l’indication des conditions d’exercice de ce recours desquelles il ressort que la personne pourra effectivement l’exercer doivent être considérées comme des assurances suffisantes au sens de l’alinéa premier.»
13. L’article 8 de la loi de 2003 contient une clause de remise sous conditions applicable aux mandats d’arrêt aux fins de poursuite:
«Lorsque la personne qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt européen aux fins de poursuite est belge ou réside en Belgique, la remise peut être subordonnée à la condition que la personne, après avoir été jugée, soit renvoyée en Belgique pour y subir la peine ou la mesure de sûreté qui serait prononcée à son encontre dans l’État membre d’émission.»
II – Les faits au principal et la procédure devant les tribunaux belges
14. Au mois de juin 2000, le tribunal de Bucarest a condamné I. B., ressortissant roumain, à une peine de quatre ans d’emprisonnement pour la commission d’un délit de trafic de matériel nucléaire et radioactif. Il a été décidé que l’arrêt, confirmé en appel au mois d’avril 2001, serait exécuté sous le régime de la liberté surveillée. Le 15 janvier 2002, la Cour suprême de justice roumaine a confirmé la peine infligée à I. B., mais a décidé que cette peine serait purgée en prison. La décision de
la haute juridiction a été rendue par défaut, sans que I. B. ait été informé personnellement de la date et du lieu de l’audience ayant donné lieu à l’arrêt.
15. I. B. considère que les décisions judiciaires successives ont été rendues en violation grave des garanties procédurales. Selon I. B., c’est pour cela qu’il a été obligé de fuir son pays et de s’installer en Belgique, où il a résidé sans interruption jusqu’à ce jour et sans jamais avoir purgé la peine à laquelle il avait été condamné.
16. Le 14 février 2006, I. B. a obtenu des autorités belges un permis de séjour de plus de trois mois. En outre, il ressort du dossier que I. B. réside en Belgique depuis l’année 2002 en compagnie de son épouse et de ses trois enfants. Conformément à l’ordonnance de renvoi, l’épouse de I. B. est une travailleuse indépendante établie en Belgique.
17. Le 11 décembre 2007, I. B. a été arrêté par la police belge et emprisonné à la suite d’un signalement Interpol du 10 février 2006. Le signalement avait pour objet l’arrestation et la remise de I. B. à la Roumanie, aux fins d’exécution de l’arrêt cité, rendu par la Cour suprême dudit pays. Après avoir été entendu par le juge d’instruction, I. B. a été mis en liberté conditionnelle le 12 décembre dans l’attente de l’adoption d’une décision définitive sur sa remise.
18. Le 13 décembre 2007, le tribunal de Bucarest a délivré un mandat d’arrêt européen à l’encontre de I. B. en vue de l’exécution de la peine de quatre ans d’emprisonnement prononcée à son encontre en Roumanie.
19. Le 19 décembre 2007, I. B. a déposé une demande d’asile auprès de l’Office des étrangers, accueillie le 11 mars 2008. Cependant, le 7 juillet de la même année, le Commissariat général aux réfugiés et apatrides a rejeté sa demande [d’obtention du statut de réfugié]. I. B. a introduit un recours contre cette dernière décision devant le Conseil d’État, recours qui est actuellement pendant devant ladite juridiction.
20. Le 29 février 2008, le procureur du Roi a demandé au tribunal de première instance de Nivelles (Belgique) de déclarer exécutoire le mandat d’arrêt européen délivré par la juridiction roumaine. Ce tribunal, le 22 juillet de la même année, a déclaré que le mandat remplissait toutes les conditions prescrites par la loi. Cependant, il a observé que la remise se fondait sur l’exécution d’une décision judiciaire rendue par défaut qui n’était pas encore définitive. Au vu de ces circonstances,
ledit tribunal a estimé que, en vertu du droit procédural roumain, I. B. était titulaire du droit, dès lors qu’il avait été condamné par défaut, à être jugé une nouvelle fois par la juridiction qui avait été saisie du litige en première instance.
21. Le tribunal de première instance de Nivelles a été pris de doutes sur la qualification à donner au mandat d’arrêt émis par le tribunal roumain. D’une part, il pourrait être qualifié de mandat délivré aux fins d’exécution d’une peine, concrètement la peine prononcée en 2002 et qui a postérieurement été confirmée par la Cour suprême de Roumanie. D’autre part, dans la mesure où I. B. est titulaire du droit à être rejugé dès lors qu’il a été condamné par défaut, la demande pourrait être
qualifiée de mandat délivré aux fins de poursuite. Le choix entre les deux qualifications a des conséquences importantes, à savoir, s’il s’agissait d’un mandat délivré aux fins d’exécution d’une peine, I. B. ne pourrait pas demander à la purger en Belgique, dès lors qu’ils ne s’agirait pas de l’exécution d’une décision définitive. En revanche, s’il s’agissait d’un mandat délivré aux fins de poursuite, les autorités belges pourraient subordonner la remise au renvoi ultérieur de I. B. vers la
Belgique, son pays de résidence.
22. Le tribunal a estimé qu’il s’agissait d’un mandat délivré aux fins d’exécution d’une peine et il n’a, par conséquent, pas trouvé de base légale pour rejeter son exécution ou pour la subordonner à un retour ultérieur.
23. Ces doutes, basés sur l’interprétation systématique de la loi belge, fondent la question d’inconstitutionnalité posée par le tribunal de première instance de Nivelles à la Cour constitutionnelle, ainsi formulée:
«L’article 8 de la loi du 19 décembre 2003 relative au mandat d’arrêt européen, interprété comme ne s’appliquant qu’au mandat d’arrêt européen délivré aux fins de poursuite par opposition à celui délivré aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu’il empêcherait que la remise à l’autorité judiciaire d’émission d’une personne de nationalité belge ou d’une personne résidant en Belgique et faisant
l’objet d’un mandat d’arrêt européen aux fins d’exécution d’une peine prononcée par une décision rendue par défaut à son égard soit subordonnée à la condition qu’après avoir exercé le recours et bénéficié de la nouvelle procédure de jugement sur lesquels l’autorité judiciaire d’émission aura fourni des assurances considérées comme suffisantes au sens de l’article 7 de ladite loi, cette personne soit renvoyée en Belgique pour y subir la peine ou la mesure de sûreté qui serait prononcée à son encontre
dans l’État membre d’émission?»
24. La Cour constitutionnelle a estimé que la question portait sur une matière qui, en substance, requérait l’interprétation de la décision-cadre. Une fois les parties entendues et au cours de ladite procédure incidente de constitutionnalité, cette juridiction a décidé de poser une question préjudicielle à la Cour.
III – La procédure devant la Cour
25. Le 31 juillet 2009 a été enregistrée au greffe de la Cour l’ordonnance de renvoi de la Cour constitutionnelle soulevant les questions suivantes:
«1) Le mandat d’arrêt européen délivré aux fins de l’exécution d’une condamnation rendue par défaut sans que la personne condamnée n’ait été informée du lieu ou de la date de l’audience et contre laquelle celle-ci dispose encore d’un recours doit-il être considéré, non comme un mandat d’arrêt aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté, au sens de l’article 4, point 6, de la décision-cadre […], mais comme un mandat d’arrêt aux fins de poursuite, au sens de
l’article 5, point 3, de la même décision-cadre?
2) En cas de réponse négative à la première question, les articles 4, point 6, et 5, point 3, de la même décision-cadre doivent-ils être interprétés comme ne permettant pas aux États membres de subordonner la remise aux autorités judiciaires de l’État membre d’émission d’une personne résidant sur leur territoire, qui fait l’objet, dans les circonstances décrites dans la première question, d’un mandat d’arrêt aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté, à la
condition que cette personne soit renvoyée dans l’État membre d’exécution afin d’y subir la peine ou la mesure de sûreté privatives de liberté qui serait prononcée définitivement à son encontre dans l’État membre d’émission?
3) En cas de réponse positive à la deuxième question, ces mêmes articles violent-ils l’article 6, paragraphe 2, du traité sur l’Union européenne et, plus spécifiquement, le principe d’égalité et de non-discrimination?
4) En cas de réponse négative à la première question, les articles 3 et 4 de la même décision-cadre doivent-ils être interprétés comme s’opposant à ce que les autorités judiciaires d’un État membre refusent l’exécution d’un mandat d’arrêt européen s’il y a des raisons sérieuses de croire que son exécution aurait pour effet de porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne concernée, tels qu’ils sont consacrés par l’article 6, paragraphe 2, du traité sur l’Union européenne?»
26. I. B., les gouvernements belge, allemand, autrichien, polonais, suédois et du Royaume-Uni ont présenté des observations écrites, ainsi que le Conseil et la Commission européenne.
27. Lors de l’audience qui s’est tenue le 11 mai 2010, les gouvernements belge et suédois, ainsi que la Commission, ont présenté des observations orales.
IV – Analyse préliminaire
28. Est soulevée dans cette affaire une question préjudicielle en interprétation de la décision-cadre 2002/584. La Cour constitutionnelle souligne que la décision‑cadre citée peut être interprétée de telle manière qu’une personne condamnée par défaut dans un État membre peut être privée de la possibilité que l’État membre d’exécution subordonne sa remise à un retour ultérieur, afin qu’elle purge sa peine sur son territoire.
29. Ce résultat est le fruit de l’interprétation suivante.
30. L’article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584 autorise l’autorité judiciaire d’exécution à refuser l’exécution d’un mandat d’arrêt européen lorsque ce dernier a été émis dans l’État membre d’émission «aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté» et que la personne condamnée est ressortissante, réside ou demeure dans l’État membre d’exécution. Dans ce cas et si l’État membre d’exécution s’engage à exécuter lui-même la peine ou la mesure de sûreté,
le tribunal chargé d’appliquer le mandat peut refuser de le faire. Il s’agit, dans les termes employés dans la décision-cadre, d’un «motif de non-exécution facultatif».
31. D’autre part, l’article 5 de la décision-cadre contient une série de garanties que doivent respecter les tribunaux d’émission s’ils souhaitent que leurs décisions soient exécutées conformément aux procédures contenues dans la décision-cadre 2002/584. Entre autres, il convient de souligner la garantie prévue au paragraphe 1, qui permet de subordonner la remise au respect de certaines conditions, lorsque, la décision de condamnation de l’accusé ayant été rendue par défaut, il n’existe pas de
garanties pour assurer que la personne faisant l’objet du mandat aura la possibilité de demander un nouveau procès (3). De même, le paragraphe 3 ajoute qu’il est également possible de subordonner la remise à conditions lorsque est émis un mandat d’arrêt aux fins de poursuite et que la personne concernée est ressortissante ou résidente de l’État membre d’exécution. Dans ce cas, la remise peut seulement être subordonnée à la condition que l’État membre d’émission s’engage à renvoyer la personne dans
l’État membre d’exécution afin d’y subir la peine ou la mesure de sûreté qui serait prononcée à son encontre dans l’État membre d’émission.
32. De ce fait, la décision-cadre 2002/584 protège d’une part les ressortissants ou les résidents de l’État membre d’exécution, afin de sauvegarder les liens qu’ils entretiennent avec un territoire donné. Il s’agit, en définitive, d’une sorte d’exception au mandat d’arrêt, basée sur la protection de certains liens affectifs qu’entretient une personne avec son entourage le plus proche et qui vise en outre à faciliter son éventuelle réinsertion. D’autre part, elle protège également les personnes
qui ont été jugées par défaut dans l’État membre d’émission, en permettant que ces personnes ne soient renvoyées que s’il leur est garanti qu’elles pourront être rejugées.
33. Cependant, ainsi que l’a constaté la Cour constitutionnelle, la conjonction de ces deux objectifs entraîne un résultat incohérent. C’est le cas lorsqu’il s’avère nécessaire de protéger une personne qui se trouve simultanément dans les deux situations. C’est précisément le cas de I. B.: ressortissant roumain qui réside légalement et qui a constitué un noyau familial dans l’État membre d’exécution, la Belgique, il doit néanmoins revenir en Roumanie pour l’exécution d’une condamnation rendue
par défaut, dont il va attaquer les effets en réclamant un nouveau procès auquel il a droit. Dans ces circonstances, quel type de mandat ont émis les autorités d’émission roumaines? S’agit-il d’un mandat aux fins d’exécution d’une peine ou d’un mandat aux fins de poursuite? Il pourrait s’agir du premier type de mandat, mais dans ce cas les tribunaux belges ne seraient pas autorisés expressément, ni par la décision-cadre ni par leur législation nationale, à subordonner la remise de I. B. à la
condition qu’il soit éventuellement renvoyé en Belgique pour y purger sa peine.
34. Cette impossibilité pour les tribunaux belges de subordonner sa remise à un retour ultérieur de I. B. pour qu’il purge sa peine dans son État de résidence est précisément la raison pour laquelle tant le tribunal de première instance de Nivelles que la Cour constitutionnelle ont soulevé la question préjudicielle.
V – Sur la première et la deuxième question préjudicielle
35. Dans sa première question, la Cour constitutionnelle demande à la Cour de dire si le mandat délivré aux fins de l’exécution d’une condamnation rendue par défaut et encore susceptible de recours constitue un mandat d’arrêt aux fins d’exécution d’une peine ou un mandat d’arrêt aux fins de poursuite. D’autre part, elle demande dans la deuxième question si, à supposer que le mandat délivré par les autorités roumaines soit un mandat aux fins d’exécution d’une peine, le tribunal de première
instance de Nivelles est habilité par la décision-cadre à subordonner la remise de I. B. à la condition qu’il soit renvoyé dans l’État membre d’exécution pour y effectuer la peine ou la mesure de sûreté privatives de liberté qui serait prononcée définitivement à son encontre dans l’État membre d’émission.
36. Bien que les deux questions concernent des sujets apparemment différents, j’estime qu’elles peuvent être traitées de manière conjointe. Ainsi que cela sera exposé ci-après, le noyau central de cette affaire réside dans l’interprétation de l’article 4, point 6, et de l’article 5, point 3, de la décision-cadre, lorsqu’un mandat d’arrêt vise à ce qu’une personne retourne dans l’État membre d’émission et y soit nouvellement jugée. La qualification concrète du mandat est une question secondaire,
dans la mesure où, ainsi que je le démontrerai ci-après, la décision‑cadre peut être interprétée de telle sorte qu’elle assure en tout état de cause aux personnes le bénéfice des garanties contenues dans les dispositions citées, que la remise soit refusée ou qu’elle soit subordonnée à conditions, indépendamment de la forme prise par le mandat d’arrêt.
37. Comme point de départ, il est nécessaire de souligner que la décision-cadre a pour objet de remplacer le système d’extradition multilatéral entre États membres par un système de remise entre autorités judiciaires de personnes condamnées ou soupçonnées aux fins d’exécution de jugements ou de poursuites fondé sur le principe de reconnaissance mutuelle (4). À cette fin, l’article 1, point 2, de la décision-cadre dispose que les États membres exécutent tout mandat d’arrêt européen, sur la base
du principe de reconnaissance mutuelle et conformément aux dispositions de la présente décision-cadre.
38. Cette prémisse a permis à la Cour de déclarer que toute disposition nationale limitant les motifs de non-exécution «ne fait que renforcer le système de remise instauré par cette décision-cadre en faveur d’un espace de liberté, de sécurité et de justice» (5). Dès lors, plus la marge d’appréciation que les législateurs nationaux attribuent à leurs juridictions pour décider de ne pas exécuter un mandat d’arrêt est limitée, plus cela renforce le système de coopération créé par la
décision-cadre. Selon le texte de l’arrêt, «en limitant les situations dans lesquelles l’autorité judiciaire d’exécution peut refuser d’exécuter un mandat d’arrêt européen, une telle législation ne fait que faciliter la remise des personnes recherchées, conformément au principe de reconnaissance mutuelle édicté à l’article 1, paragraphe 2, de la décision-cadre 2002/584[…], lequel constitue la règle essentielle instaurée par cette dernière» (6).
39. La lecture du peu de jurisprudence qui existe à ce jour porte par conséquent à conclure que les États membres doivent se livrer à une interprétation stricte des motifs facultatifs prévus à l’article 4 de la décision-cadre ainsi que des garanties exigibles contenues dans son article 5. De cette manière, toute interprétation extensive conduisant à étendre aux mandats délivrés aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté, une condition de non-exécution telle que celle contenue à
l’article 5, paragraphe 3, cité de la décision-cadre pour les mandats émis aux fins de poursuite, devrait être écartée.
40. Cet argument est renforcé par le texte de l’article 5, paragraphe 1, de la décision-cadre, qui permet à la juridiction d’exécution de subordonner la remise au fait que la personne condamnée par défaut ait le droit à un nouveau procès. Cet article suit la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme en la matière (7), et selon lui, les garanties seraient considérées comme respectées pour une personne telle que I. B., dès lors que la possibilité d’être jugé une nouvelle fois lui
est assurée dans le respect de toutes ces garanties.
41. Bien que cette interprétation jouisse de l’autorité que lui confère son lien étroit avec le texte de la décision-cadre, je ne saurais la partager. J’estime au contraire que l’on ne saurait établir d’exception au droit de purger la peine dans l’État de résidence lorsqu’un second procès est demandé.
42. En premier lieu, il est important de souligner que la Cour n’a jamais affirmé dans sa jurisprudence que les motifs de non-exécution et les conditions prévues respectivement aux articles 4 et 5 de la décision-cadre devaient faire l’objet d’une interprétation stricte. Bien au contraire, l’arrêt Wolzenburg, précité, est très explicite, précisément en ce qu’il se refuse à imposer une interprétation donnée de ces dispositions, y compris en reconnaissant que «[l]es États membres disposent
nécessairement, lors de la mise en œuvre [d’une disposition telle que l’article 4] d’une marge d’appréciation certaine» (8). Ainsi, la Cour a non seulement évité de parler d’interprétation stricte, mais elle n’a pas non plus reconnu que les États membres disposaient d’une marge d’appréciation importante. Au contraire, leur marge d’appréciation est «certaine», mais pas du tout importante.
43. En deuxième lieu et en lien avec ce qui précède, j’estime que l’interprétation qu’il convient d’effectuer du contenu et des objectifs de la décision-cadre doit prendre en considération tous les objectifs poursuivis par ce texte. S’il est vrai que la reconnaissance mutuelle est un instrument qui renforce l’espace de sécurité, de liberté et de justice, il n’en est pas moins vrai que la protection des droits et des libertés fondamentales constitue un préalable qui rend légitime l’existence et
le développement de cet espace. La décision-cadre l’exprime ainsi à plusieurs reprises dans ses dixième et douzième à quatorzième considérants ainsi que dans son article 1^er, paragraphe 3. Par conséquent, bien que l’article 5, paragraphe 1, de la décision-cadre contienne une garantie reconnue par la Cour européenne des droits de l’homme en ce qui concerne les décisions rendues par défaut, il convient aussi de souligner que les articles 4, paragraphe 6, et 5, paragraphe 3, de la décision-cadre
reflètent également une exigence contenue dans la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (9). La possibilité pour la personne condamnée d’effectuer la peine là où elle entretient des liens personnels et affectifs constitue une garantie qui découle de l’article 8 de ladite convention que la décision-cadre a souhaité refléter. De même, il s’agit
d’exceptions qui ont également pour objet de «permettre à l’autorité judiciaire d’exécution d’accorder une importance particulière à la possibilité d’accroître les chances de réinsertion sociale de la personne recherchée à l’expiration de la peine à laquelle cette dernière a été condamnée» (10), une valeur qui dans certains États membres constitue la finalité même du droit pénal (11).
44. En outre, la nécessité d’interpréter la décision-cadre à la lumière des droits fondamentaux est devenue impérieuse après l’entrée en vigueur de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, dont l’article 7 prévoit le droit à la vie privée et familiale (12). La jurisprudence que la Cour a rendue à ce jour sur cette question a fait référence de manière très spécifique à la libre circulation des personnes, mais elle ne s’est pas immiscée directement dans la relation entre ce droit
fondamental et la coopération judiciaire pénale. Le fait que les arrêts précités Kozłowski et Wolzenburg soient antérieurs à l’entrée en vigueur de cette charte est logiquement lié à ce résultat. Cependant, depuis le 1^er décembre 2009, l’interprétation des articles 4, point 6, et 5, point 3, de la décision-cadre doit impérativement se faire à la lumière de l’article 7 de ladite charte. Dans ces circonstances, la lecture stricte exposée aux points 38 à 40 de ces conclusions ne saurait prospérer.
45. En troisième lieu, la volonté du législateur européen ne saurait être interprétée dans un sens qui débouche sur un résultat incompatible avec les objectifs poursuivis. Je ne propose pas ici que la Cour se livre à une lecture conforme aux objectifs de la décision-cadre, mais je souhaite plutôt qu’elle évite d’effectuer une interprétation allant à l’encontre de ces derniers. Cette conclusion impliquerait de reconnaître que l’interprétation stricte qui a été exposée plus haut (et que je
propose d’écarter) serait incompatible avec la décision-cadre, mais également avec les droits fondamentaux que la réglementation en cause prétend refléter.
46. De même, les arguments qui viennent d’être exposés démontrent avec force que l’omission expresse dans la décision-cadre de la possibilité de subordonner à conditions l’exécution d’un mandat aux fins d’exécution d’une peine dans des circonstances comme celles de l’espèce ne reflète pas une décision législative expresse, fruit d’une volonté politique claire et précise. J’estime qu’il s’agit plutôt, au contraire, d’un silence résultant d’une technique de réglementation défaillante, dont la
solution peut et doit être recherchée dans l’interprétation, sans qu’il soit nécessaire de créer un nouveau motif de non-exécution.
47. Bien que l’interprétation que je viens d’effectuer permette de répondre directement à la question posée par la Cour constitutionnelle, on ne saurait nier qu’il existe une certaine ambiguïté en ce qui concerne la qualification du mandat d’arrêt dans des circonstances comme celles de l’espèce. À cet égard, tant le Royaume de Belgique que la République de Pologne ont affirmé que l’exécution d’une décision rendue par défaut, contre laquelle il existe un recours extraordinaire en révision,
constitue un mandat aux fins de poursuite au sens de l’article 5, paragraphe 3, de la décision-cadre. De leur côté, I. B., la République fédérale d’Allemagne, la République d’Autriche, le Royaume de Suède et la Commission sont d’accord pour considérer qu’il s’agit d’un mandat aux fins d’exécution d’une peine, au sens de l’article 4, paragraphe 6, de la décision-cadre.
48. À titre liminaire, j’avancerai que tous les intervenants ont en quelque sorte raison, dans la mesure où I. B. sera remis à la Roumanie pour effectuer une peine qui, ayant été décidée par défaut, sert de base à la tenue d’un second procès avec toutes les garanties qui ne lui avaient pas été initialement assurées. Cependant, je ne pense pas que le mandat délivré pour l’arrestation de I. B. doive forcément être qualifié d’une manière ou d’une autre. J’estime plutôt qu’un mandat tel que celui
de l’espèce se situe dans les deux catégories, selon le moment et la conduite de la personne concernée.
49. En effet, un mandat d’arrêt rendant effective une décision rendue par défaut sera toujours délivré dans l’État membre d’émission comme un mandat aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté privatives de liberté. Étant donné le caractère transnational du mandat d’arrêt, cela se produira en de nombreuses occasions et il en a été tenu compte dans la décision-cadre, qui contient les garanties prévues à son article 5, paragraphe 1, précisément pour éviter la privation de toute
possibilité de recours qu’entraînent les décisions rendues par défaut. Dès lors que le mandat d’arrêt est délivré, il est évident que l’État membre d’émission l’adopte aux fins d’exécuter une peine, et il ne saurait en être différemment, dans la mesure où l’on ignore encore si la personne concernée s’opposera ou non à la remise, ou si elle souhaitera la tenue d’un nouveau procès. Cela dépendra précisément de la personne qui, au moment où le mandat lui sera notifié, pourra recourir à la procédure
contenue aux articles 11 et 13 de la décision-cadre, et pourra également demander au tribunal de l’État membre d’exécution, s’il ne l’a pas déjà fait, de veiller au respect des garanties prévues aux articles 3 à 5 du texte cité.
50. En raison de ce qui précède, il est observé qu’un mandat d’arrêt permettant à la personne accusée d’être rejugée dans l’État membre d’émission constitue formellement un mandat aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté, qui, dès lors que la personne concernée déclare vouloir être rejugée, se transforme matériellement en un mandat aux fins de l’exercice de poursuites. Ce changement ne saurait entraîner la perte du bénéfice d’aucune des garanties prévues dans la décision-cadre
pour toute personne faisant l’objet d’un mandat d’arrêt. Au contraire, l’intervention de l’article 5, paragraphe 1, cité de la décision-cadre, qui a pour objectif de résoudre le problème des décisions rendues par défaut, change la physionomie du mandat d’arrêt, mais n’affecte pas les droits conférés à la personne concernée par le droit de l’Union.
51. Je propose par conséquent à la Cour d’interpréter l’article 5, paragraphe 3, de la décision-cadre en ce sens que, les circonstances prévues à l’article 5, paragraphe 1, de la décision-cadre étant réunies, il permet à un État membre d’exécution de subordonner l’exécution d’un mandat aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté à la garantie par l’État membre d’émission que la personne concernée, ressortissant ou résident de l’État membre d’exécution, y soit renvoyée afin, le
cas échéant, d’effectuer sur son territoire la peine ou la mesure de sûreté prononcées.
VI – La troisième et la quatrième question préjudicielle
52. Étant donné les arguments développés au point précédent, les troisième et quatrième questions sont sans objet. Je considère que la réponse que je propose de donner aux deux premières questions est juste au vu des objectifs poursuivis par la décision-cadre, mais également si on l’interprète à la lumière des droits fondamentaux. J’estime par conséquent qu’il n’est pas nécessaire d’analyser les questions restantes posées par la Cour constitutionnelle.
VII – Conclusion
53. Au vu des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre de la manière suivante aux questions préjudicielles posées par la Cour constitutionnelle:
«L’article 5, paragraphe 3, de la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres, doit être interprété en ce sens que, les circonstances prévues à l’article 5, paragraphe 1, de cette décision-cadre étant réunies, il permet à un État membre d’exécution de subordonner l’exécution d’un mandat aux fins d’exécution d’une peine ou d’une mesure de sûreté à la garantie par l’État membre d’émission que la personne
concernée, ressortissant ou résident de l’État membre d’exécution, y soit renvoyée afin, le cas échéant, d’effectuer sur son territoire la peine ou la mesure de sûreté prononcées.»
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1 – Langue originale: l’espagnol.
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2 – Décision-cadre du Conseil de l’Union européenne 2002/584/JAI du 13 juin 2002 (JO L 190, p. 1, ci-après la «décision-cadre»).
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3 – Il convient de noter que cette disposition a été abrogée et qu’elle a été remplacée par un nouvel article 4 bis introduit par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009, portant modification des décisions-cadres 2002/584/JAI, 2005/214/JAI, 2006/783/JAI, 2008/909/JAI et 2008/947/JAI, renforçant les droits procéduraux des personnes et favorisant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions rendues en l’absence de la personne concernée lors du procès (JO L
81, p. 24).
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4 – Arrêt du 3 mai 2007, Advocaten voor de Wereld (C-303/05, Rec. p. I-3633, point 28).
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5 – Arrêt du 6 octobre 2009, Wolzenburg (C-123/08, non encore publié au Recueil, point 58).
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6 – Arrêt Wolzenburg, précité (point 59).
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7 – Voir, entre autres, arrêts Goddi c. Italie du 9 avril 2004, point 27; Ekbatani c. Suède du 26 mars 1998, point 25; Pfeifer et Plankl c. Autriche du 25 février 1992, point 37; Van Geyseghem c. Belgique du 21 janvier 1999, point 34, et Poitrimol c. France du 23 novembre 2003, point 31.
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8 – Arrêt Wolzenburg, précité (point 61) (c’est moi qui met en italique).
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9 – Voir, entre autres, Cour eur. D. H. arrêts Mehemi c. France du 26 septembre 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-VI, point 34; Dalia c. France du 19 février 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998-I, point 52; Boutif c. Suisse du 2 juillet 2001, Recueil des arrêts et décisions 2001-IX, points 39, 41 et 46; Sen c. Pays-bas du 21 décembre 2001, point 40; Amrollahi c. Danemark du 11 juillet 2002, points 33 à 44, ainsi que Slivenko c. Lituanie du 9 septembre 2003, point 94.
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10 – Arrêts du 17 juillet 2008, Kozłowski (C-66/08, Rec. p. I-6041, point 45), et Wolzenburg, précité (point 62).
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11 – Voir, par exemple, article 27, paragraphe 3, de la Constitution italienne et article 25, paragraphe 2, de la Constitution espagnole.
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12 – Voir, entre autres, arrêts du 11 juillet 2002, Carpenter (C-60/00, Rec. p. I-6279, point 38); du 25 juillet 2002, MRAX (C-459/99, Rec. p. I-6591, point 53); du 14 avril 2005, Commission/Espagne (C-157/03, Rec. p. I-2911, points 26 et 41); du 27 avril 2006, Commission/Allemagne (C-441/02, Rec. p. I-3449, point 109), ainsi que du 11 décembre 2007, Eind (C-291/05, Rec. p. I-10719, point 44).