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21/01/2004 | CJUE | N°T-217/03

CJUE | CJUE, Ordonnance du président du Tribunal de première instance du 21 janvier 2004., Fédération nationale de la coopération bétail et viande (FNCBV) contre Commission des Communautés européennes., 21/01/2004, T-217/03


Affaire T-217/03 R

Fédération nationale de la coopération bétail et viande (FNCBV)
contre

...

Affaire T-217/03 R

Fédération nationale de la coopération bétail et viande (FNCBV)
contre
Commission des Communautés européennes

«Procédure de référé – Concurrence – Paiement d'amende – Garantie bancaire – Fumus boni juris – Urgence – Mise en balance des intérêts – Sursis partiel et conditionnel»

Ordonnance du président du Tribunal du 21 janvier 2004

Sommaire de l'ordonnance

1.
Référé – Sursis à exécution – Mesures provisoires – Conditions d’octroi – «Fumus boni juris» – Urgence – Caractère cumulatif – Mise en balance de l’ensemble des intérêts en cause
(Art. 242 CE et 243 CE; règlement de procédure du Tribunal, art. 104, § 2)

2.
Référé – Sursis à exécution – Conditions d’octroi – «Fumus boni juris» – Compétence du juge des référés – Détermination des conditions permettant, pour déterminer le plafond à respecter lors de la fixation du montant d’une amende pour violation des règles de concurrence infligée à une association d’entreprises, de tenir compte des chiffres d’affaires de ses membres – Exclusion
(Art. 242 CE; règlement de procédure du Tribunal, art. 104, § 2; règlement du Conseil nº 17, art. 15, § 2)

3.
Référé – Sursis à exécution – Sursis à l’exécution de l’obligation de constituer une garantie bancaire comme condition de non-recouvrement immédiat d’une amende – Conditions d’octroi – Circonstances exceptionnelles
(Art. 242 CE)

4.
Référé – Sursis à exécution – Sursis à l’exécution de l’obligation de constituer une garantie bancaire comme condition de non-recouvrement immédiat d’une amende – Conditions – Préjudice grave et irréparable – Association d’entreprises – Prise en compte de la situation financière de ses membres – Condition – Confusion des intérêts objectifs de l’association et de ceux de ses membres
(Art. 242 CE)

5.
Référé – Sursis à exécution – Sursis à l’exécution de l’obligation de constituer une garantie bancaire comme condition de non-recouvrement immédiat d’une amende infligée pour violation des règles de concurrence – Mise en balance de l’ensemble des intérêts en cause
(Art. 242 CE; règlement de procédure du Tribunal, art. 104, § 2)

6.
Référé – Sursis à exécution – Mesures provisoires – Modification ou rapport – Condition – Changement de circonstances – Notion
(Règlement de procédure du Tribunal, art. 108)

1.
L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal prévoit qu’une demande en référé doit spécifier les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue (fumus boni juris) l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elle conclut. Ces conditions sont cumulatives, de sorte qu’une demande de sursis à exécution doit être rejetée dès lors que l’une d’elles fait défaut. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la
mise en balance des intérêts en présence.

(cf. point 13)

2.
La détermination des conditions permettant de tenir compte, s’agissant d’une amende pour violation des règles de concurrence infligée à une association d’entreprises, des chiffres d’affaires réalisés par ses membres aux fins de l’application du plafond de 10 % fixé à l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 mérite un examen approfondi et une appréciation du seul juge du fond.

(cf. point 59)

3.
Une demande de sursis à l’exécution de l’obligation de constituer une garantie bancaire comme condition du non-recouvrement immédiat du montant d’une amende ne peut être accueillie qu’en présence de circonstances exceptionnelles. En effet, la possibilité d’exiger la constitution d’une garantie financière est expressément prévue pour les procédures en référé par les règlements de procédure de la Cour et du Tribunal et correspond à une ligne de conduite générale et raisonnable de la
Commission.

L’existence de telles circonstances exceptionnelles peut, en principe, être considérée comme établie lorsque la partie qui demande à être dispensée de constituer la garantie bancaire requise apporte la preuve qu’il lui est objectivement impossible de constituer cette garantie.

(cf. points 69-70)

4.
Le juge des référés saisi d’une demande de sursis à l’exécution de l’obligation de constituer une garantie bancaire comme condition du non-recouvrement immédiat d’une amende infligée à une association d’entreprises est tenu d’apprécier le préjudice de cette association en prenant en considération la situation financière de ses membres, lorsque les intérêts objectifs de l’association ne présentent pas un caractère autonome par rapport à ceux des entreprises qui y adhèrent. Afin d’évaluer le
degré d’autonomie que présentent les intérêts objectifs d’une association par rapport à ceux de ses membres, l’existence de règles internes permettant à l’association d’engager ses membres peut être prise en considération. Cependant, l’existence d’une confusion des intérêts objectifs de l’association et de ceux de ses membres peut résulter d’autres circonstances indépendamment de l’existence ou de l’absence de telles règles.

(cf. points 77, 80)

5.
Lorsqu’il détermine les modalités du sursis à l’exécution de l’obligation imposée à une association d’entreprises de constituer une garantie bancaire comme condition du non-recouvrement immédiat d’une amende infligée pour violation des règles de concurrence, il appartient au juge des référés de mettre en balance l’intérêt de l’association à éviter, à défaut de pouvoir constituer une garantie bancaire, qu’il ne soit procédé au recouvrement immédiat de l’amende avec l’intérêt financier de la
Communauté à pouvoir en recouvrer le montant ainsi que, plus généralement, l’intérêt public lié à la préservation de l’effectivité des règles communautaires de la concurrence et de la portée dissuasive des amendes prononcées par la Commission.

(cf. point 92)

6.
La faculté est donnée au juge des référés par l’article 108 du règlement de procédure du Tribunal de modifier ou de rapporter à tout moment l’ordonnance de référé à la suite d’un changement de circonstances. Par «changement de circonstances», le juge des référés entend, en particulier, des circonstances de nature factuelle susceptibles de modifier l’appréciation du juge des référés. En outre, cette possibilité traduit le caractère fondamentalement précaire en droit communautaire des mesures
octroyées par le juge des référés.

(cf. point 97)

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL
21 janvier 2004(1)

«Procédure de référé – Concurrence – Paiement d'amende – Garantie bancaire – Fumus boni juris – Urgence – Mise en balance des intérêts – Sursis partiel et conditionnel»

Dans l'affaire T-217/03 R,

Fédération nationale de la coopération bétail et viande (FNCBV), établie à Paris (France), représentée par M^es R. Collin et M. Ponsard, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

soutenue parRépublique française, représentée par MM. G. de Bergues et F. Million, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie intervenante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. P. Oliver et M^me O. Beynet, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande tendant à la dispense de l'obligation de constituer une garantie bancaire imposée pour éviter le recouvrement de l'amende de 480 000 euros infligée par la décision 2003/600/CE de la Commission, du 2 avril 2003, relative à une procédure d'application de l'article 81 du traité CE (Affaire COMP/C.38.279/F3 – Viandes bovines françaises) (JO L 209, p. 12),

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

rend la présente

Ordonnance

Faits et procédure

1
Par décision 2003/600/CE, du 2 avril 2003, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE (Affaire COMP/C.38.279/F3 – Viandes bovines françaises) (JO L 209, p. 12, ci-après la «Décision»), la Commission a constaté que la requérante avait enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE en participant, avec la Fédération nationale de l’industrie et des commerces en gros des viandes (FNICGV), représentant comme elle les abatteurs du secteur de la viande bovine, ainsi que quatre
fédérations représentant les exploitants agricoles, à savoir la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), la Fédération nationale bovine (FNB), la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) et les Jeunes agriculteurs (JA), à une entente ayant pour objet de suspendre les importations de viande bovine en France et de fixer un prix minimal pour certaines catégories de viande bovine (article 1^er de la Décision).

2
Il ressort de la Décision que, le 24 octobre 2001, dans une situation de crise de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), dite «crise de la vache folle», la requérante et la FNICGV, d’une part, et la FNSEA, la FNB, la FNPL et les JA, d’autre part, ont conclu un accord, par lequel ils déterminaient des prix minimaux et s’engageaient à suspendre ou du moins à limiter les importations de viandes bovines en France. À la fin du mois de novembre et au début du mois de décembre 2001, ces mêmes
fédérations auraient conclu oralement un accord ayant un objet semblable.

3
Dans la Décision, la Commission considère que la conclusion de ces deux accords (ci-après les «accords litigieux») constitue une violation grave de l’article 81 CE. Elle impose une amende de 480 000 euros à la requérante (article 3 de la Décision).

4
L’article 4 de la Décision dispose que cette amende est payable dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision. Dans la lettre de notification, du 9 avril 2003, il était précisé que, si la requérante introduisait un recours devant le Tribunal, la Commission ne procéderait à aucune mesure de recouvrement, pour autant que la créance produise des intérêts à partir de la date d’expiration du délai de paiement et qu’une garantie bancaire acceptable soit constituée au plus
tard à cette date.

5
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 juin 2003, la requérante a introduit, en vertu de l’article 230, quatrième alinéa, CE, un recours visant à l’annulation de la Décision et, subsidiairement, à la suppression ou à la réduction de l’amende qui lui a été imposée.

6
Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 2 juillet 2003, la requérante a introduit une demande de mesures provisoires visant à obtenir une dispense de l’obligation de constituer la garantie bancaire imposée comme condition du non-recouvrement immédiat du montant de l’amende infligée par la Décision.

7
La Commission a présenté ses observations écrites sur la demande en référé le 17 juillet 2003.

8
Par acte déposé au greffe le 7 octobre 2003, la République française a introduit une demande d’intervention au soutien des conclusions de la requérante. Par ordonnance du 14 octobre 2003, le président du Tribunal a admis l’intervention de la République française et l’a invitée à présenter ses observations lors de l’audition.

9
À la suite des observations de la Commission, le président du Tribunal a autorisé la requérante à produire certains documents supplémentaires, lesquels ont été déposés au greffe du Tribunal le 16 octobre 2003.

10
L’audition devant le juge des référés s’est déroulée le 17 octobre 2003.

11
Lors de l’audition, les parties se sont engagées à examiner la possibilité d’un échelonnement concerté du paiement de l’amende imposée et à communiquer au président du Tribunal le résultat de leurs discussions. Les parties ont communiqué le résultat de ces discussions ainsi que certains documents y afférents le 7 novembre 2003.

En droit

12
En vertu des dispositions combinées des articles 242 CE et 243 CE, d’une part, et de l’article 225, paragraphe 1, CE, d’autre part, le Tribunal peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution de l’acte attaqué ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

13
L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal prévoit qu’une demande en référé doit spécifier les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue (fumus boni juris) l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elle conclut. Ces conditions sont cumulatives, de sorte qu’une demande de sursis à exécution doit être rejetée dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK
et FNK/Commission, C-268/96 P(R), Rec. p. I-4971, point 30]. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (ordonnance du président de la Cour du 23 février 2001, Autriche/Conseil, C-445/00 R, Rec. p. I-1461, point 73).

Arguments des parties

Sur le fumus boni juris

14
Pour démontrer que la condition relative au fumus boni juris est remplie, la requérante invoque deux moyens de procédure et quatre moyens de fond qui devraient conduire à l’annulation de la Décision.

15
S’agissant des moyens de procédure, la requérante invoque une violation des droits de la défense et une violation des formes substantielles en raison d’un défaut de motivation, d’une part, dans la communication des griefs et, d’autre part, dans la Décision, en ce qui concerne le non-dépassement du plafond de 10 % du chiffre d’affaires pour déterminer le montant de l’amende.

16
S’agissant des moyens de fond, la requérante fait valoir, en premier lieu, que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation, n’ayant pas démontré l’existence d’un accord vertical entre les différentes fédérations d’éleveurs et d’abatteurs après le 30 novembre 2001. La Commission se serait uniquement fondée sur les déclarations des fédérations d’éleveurs sans produire de pièces provenant de fédérations d’abatteurs confirmant leur adhésion à ce prétendu accord. La Commission se
serait, en outre, abstenue d’analyser l’évolution des prix sur le marché postérieurement au 30 novembre 2001.

17
En deuxième lieu, la requérante soutient que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en estimant que les accords litigieux avaient un effet quantifiable sur la concurrence. En effet, la Commission aurait elle-même reconnu l’absence d’un tel effet pendant la période de l’accord écrit du 24 octobre 2001 et ne démontrerait pas l’existence d’effets postérieurement à la cessation de cet accord. En outre, l’analyse de la Commission selon laquelle l’accord du 24 octobre avait un
objet anticoncurrentiel ferait abstraction du contexte de crise dans lequel l’accord a été conclu.

18
En troisième lieu, la Commission aurait commis une erreur d’appréciation en concluant à l’inapplicabilité en l’espèce de l’article 2 du règlement n^o 26 du Conseil, du 4 avril 1962, portant application de certaines règles de concurrence à la production et au commerce des produits agricoles (JO 1962, 30, p. 993). En effet, contrairement à ce que prétendrait la Commission, l’accord ne serait pas contraire aux objectifs de l’article 33 CE, puisqu’il a permis, notamment, d’assurer un niveau de
vie équitable à la population agricole et de stabiliser les marchés.

19
En dernier lieu, la Commission aurait violé l’article 15, paragraphe 2, du règlement n^o 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81] et [82] du traité (JO 1962, 13, p. 204), en ce qu’elle n’aurait pas donné d’éléments d’informations sur les chiffres d’affaire retenus pour déterminer l’amende imposée et n’aurait pas vérifié si le montant de l’amende prononcée restait dans la limite de 10 % du chiffre d’affaires réalisé par la requérante.

20
À titre subsidiaire, la requérante soutient que l’amende imposée devrait être annulée ou réduite. Elle relève à cet égard, d’abord, que la Commission a violé le point 5, sous b), des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n^o 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA (JO 1998, C 9, p. 3). En outre, la Commission aurait violé l’article 15, paragraphe 2, du règlement n^o 17, en fixant l’amende de la
requérante à 480 000 euros. Enfin, elle aurait commis une erreur manifeste d’appréciation et de droit, premièrement, dans la qualification du comportement de la requérante d’infraction «très grave», deuxièmement, lors de la prise en compte de circonstances atténuantes, troisièmement, dans son analyse du caractère secret de l’accord et, quatrièmement, dans la détermination de la durée de l’accord, celui-ci ayant cessé le 30 novembre 2001 au lieu du 11 janvier 2002.

21
La Commission considère qu’aucun des moyens présentés par la requérante n’est de nature à satisfaire la condition relative au fumus boni juris.

22
Elle relève que le moyen relatif au défaut de motivation dans la communication des griefs ainsi que les moyens visant à l’annulation ou à la réduction de l’amende sont exposés de manière trop sommaire et ne peuvent être compris qu’à la lumière des arguments développés dans la requête au principal. Dès lors qu’ils ne satisfont pas aux critères énoncés dans l’ordonnance du président du Tribunal du 7 mai 2002, Aden e.a./Conseil et Commission (T‑306/01, Rec. p. II‑2387, point 52), ils devraient
être rejetés comme irrecevables.

23
Quant aux autres moyens, ils seraient non fondés en droit.

Sur l’urgence

24
La requérante estime que la condition relative à l’urgence est satisfaite en l’espèce. Elle relève que sa situation financière est telle qu’il lui est impossible de fournir une garantie bancaire du montant de l’amende, augmenté d’intérêts.

25
La requérante fait observer, d’abord, que, conformément à l’article 2 de ses statuts, elle a pour mission, notamment, la défense morale et professionnelle de sociétés d’intérêt collectif agricoles, coopératives, groupements de producteurs de bétail et de viande et des filiales de ces organismes ainsi que la représentation de ses adhérents, tant auprès des pouvoirs publics que des diverses organisations professionnelles ou interprofessionnelles. Ainsi, elle n’exercerait, à titre principal,
aucune activité susceptible de générer des revenus et, conformément à l’article 6 de ses statuts, ses ressources financières seraient constituées par les cotisations de ses membres et par des subventions qui lui sont accordées, notamment par l’État, les départements ou les communes.

26
En 2002, elle aurait dégagé un produit d’exploitation de 1,84 million d’euros. Ce produit proviendrait principalement des cotisations de ses membres (716 987 euros), des diverses subventions reçues (331 408 euros), de la perception de la taxe d’apprentissage (140 099 euros) et des conventions d’études annuelles (321 292 euros). Elle relève que les charges d’exploitation de 2002 se seraient chiffrées à 1,84 million d’euros, ce qui lui aurait permis de générer, pendant l’exercice 2002, un
résultat d’exploitation de 3 306 euros et un résultat net de 921 euros.

27
Il ressortirait également du bilan relatif à l’exercice 2002 que la requérante détient des fonds propres d’un montant de 162 980 euros. Pour 2003, le budget prévisionnel envisagerait un résultat d’exploitation négatif de 197 000 euros, ce qui aurait pour conséquence de diminuer ses capitaux propres.

28
La requérante produit également deux lettres émanant de deux banques françaises, des 11 et 13 juin 2003, par lesquelles ces dernières notifient leur refus de constituer une garantie bancaire. La lettre du 13 juin 2003 préciserait que le montant sollicité excède largement le montant des capitaux propres de la requérante et que les résultats annuels des trois derniers exercices ne laissent pas envisager la possibilité de leur renforcement à moyen terme.

29
La gravité de la situation financière de la requérante serait également confirmée par deux lettres de son commissaire aux comptes, des 26 mai et 19 juin 2003. Il en ressortirait que, au vu de l’incertitude sur la continuité de l’exploitation de la requérante, le commissaire aurait été amené à déclencher le premier stade d’une «procédure d’alerte», conformément au Code de commerce français.

30
Son impossibilité de fournir la garantie bancaire requise serait d’autant plus évidente qu’elle est une fédération organisée sous la forme d’une association. À la différence d’un groupe de sociétés, il n’existerait pas de liens capitalistiques entre elle et ses membres. Sa situation serait donc différente de celle ayant donné lieu à la jurisprudence du Tribunal relative à la faculté d’une société du même groupe de pallier l’impossibilité pour la société incriminée de fournir une garantie
bancaire en lieu et place de cette dernière.

31
En outre, ses statuts ne lui permettant pas d’engager ses adhérents, ces derniers ne sauraient répondre de ses agissements.

32
La Commission estime que la requérante n’a pas démontré à suffisance de droit que la condition relative à l’urgence était satisfaite en l’espèce.

33
Elle fait observer, d’abord, que les documents fournis par la requérante pour justifier de ses difficultés financières ont une faible valeur probante. En effet, la liasse fiscale afférente à ses comptes pour l’exercice 2002 serait une simple déclaration fiscale et non un compte certifié par le commissaire aux comptes. Quant au budget de 2003, il serait présenté sur papier libre, sans aucune signature de son auteur ni aucun visa du commissaire aux comptes.

34
À supposer même que les données présentées par elle soient exactes, la requérante n’aurait aucunement examiné la possibilité pour ses membres de lui apporter le soutien nécessaire à la constitution de la garantie bancaire. Or, il ressortirait des estimations fournies par la requérante à la Commission que le chiffre d’affaires réalisé par les entreprises adhérentes appartenant au secteur bovin serait de 1,475 milliard d’euros. Il serait donc évident que, avec l’aide de ses adhérents, la
requérante serait en mesure de payer l’amende ou de constituer la garantie bancaire nécessaire.

35
S’agissant des liens financiers entre la requérante et de ses membres et de l’argument selon lequel la requérante n’aurait aucune possibilité d’engager ses membres, la Commission fait référence à l’article 16 des statuts de la requérante, lequel prévoirait que, en cas de liquidation, si un passif net apparaît, ce dernier sera réparti entre les membres associés au prorata des cotisations versées ou restant à verser des cinq dernières années. Ainsi, en cas de non-paiement de l’amende et de
liquidation de la requérante, la Commission pourrait se tourner vers ses membres pour obtenir le paiement de l’amende. Par conséquent, la requérante ne pourrait légitimement soutenir que ses membres ne sont pas concernés par ses dettes.

36
En outre, il serait évident que la requérante n’existe que dans l’intérêt de ses membres et qu’elle a conclu les accords litigieux pour le compte et dans l’intérêt de ses membres.

37
Si les membres de la requérante décidaient de ne pas constituer la garantie bancaire et si le recouvrement judiciaire de l’amende devait, le cas échéant, conduire à sa disparition, cette conséquence ne découlerait pas de l’obligation imposée par la Commission, mais de la décision de ces membres. Dans ces circonstances, il n’y aurait pas de lien de causalité direct et nécessaire entre cette disparition et l’action de la Commission [ordonnance du président du Tribunal du 4 juin 1996, SCK et
FNK/Commission, T-18/96 R, Rec. p. II‑407, confirmée sur pourvoi par ordonnance du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, précitée; ordonnance du président du Tribunal du 14 décembre 2000, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, T‑5/00 R, Rec. p. II‑4121, confirmée sur pourvoi par ordonnance du président de la Cour du 23 mars 2001, FEG/Commission, C‑7/01 P(R), Rec. p. I‑2559].

Sur la mise en balance des intérêts

38
La Commission fait valoir, d’abord, que, selon le budget pour l’exercice 2003 présenté par la requérante, son patrimoine est en train de diminuer, de sorte que le risque financier pour la Communauté devient de plus en plus grand. En outre, étant donné que la continuité de l’activité de la requérante dépend de la volonté de ses adhérents, il y aurait le risque que ces derniers diminuent leurs cotisations afin que la Commission ne puisse recouvrer l’amende. Dans le cas où la requérante serait
mise en liquidation, la Commission devrait tenter de recouvrer l’amende auprès de chaque membre au prorata de ses cotisations, ce qui représenterait des coûts, des délais et des risques accrus.

39
À titre plus général, la Commission fait valoir que, si les associations d’entreprises, du fait de leurs faibles moyens financiers propres, pouvaient être dispensées de la constitution d’une garantie bancaire sans que les moyens financiers de leurs membres soient pris en compte, les entreprises envisageant des comportements anticoncurrentiels auraient toujours intérêt à constituer une association d’entreprises pour conclure des accords contraires au droit de la concurrence.

40
Enfin, la nécessité de sauvegarder l’efficacité des règles communautaires de la concurrence et leur impact dissuasif serait d’autant plus importante en l’espèce que la requérante a participé à une infraction très grave aux règles communautaires de la concurrence (ordonnance du président du Tribunal du 28 juin 2000, Cho Yang Shipping/Commission, T‑191/98 R II, Rec. p. II‑2551, point 54).

Appréciation du juge des référés

Sur le fumus boni juris

41
Il convient de reconnaître qu’au moins certains des moyens invoqués par la requérante apparaissent, à première vue, pertinents et, en tout cas, non totalement dépourvus de fondement. Il en est ainsi, d’une part, du moyen selon lequel la Commission a fixé une amende dépassant le seuil de 10 % du chiffre d’affaires de la requérante et, d’autre part, du moyen selon lequel la motivation de la Décision relative audit plafond fait défaut.

42
Concernant le premier de ces deux moyens, il convient de relever que, en vertu de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n^o 17, les amendes infligées par la Commission aux entreprises et aux associations d’entreprises en vertu des articles 81 CE et 82 CE ne peuvent en aucun cas dépasser 10 % du chiffre d’affaires réalisé au cours de l’exercice social précédent.

43
S’agissant d’une association d’entreprises, le chiffre d’affaires à prendre en considération doit être calculé, le cas échéant, par rapport au chiffre d’affaires réalisé par l’ensemble de ses entreprises membres, à tout le moins lorsque, en vertu de ses règles internes, elle peut engager ses membres (arrêts du Tribunal du 23 février 1994, CB et Europay/Commission, T‑39/92 et T‑40/92, Rec. p. II-49, point 136; du 21 février 1995, SPO e.a./Commission, T-29/92, Rec. p. II‑289, point 385; du 22
octobre 1997, SCK et FNK/Commission, T‑213/95 et T‑18/96, Rec. p. II‑1739, point 252; du 14 mai 1998, Finnboard/Commission, T‑338/94, Rec. p. II‑1617, point 270, confirmé sur pourvoi par arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Finnboard/Commission, C‑298/98 P, Rec. p. I‑10157, point 66).

44
Il convient de constater que, en l’espèce, le montant de l’amende imposée à la requérante représente approximativement 25 % de son produit d’exploitation, lequel s’est élevé à 1,84 million d’euros en 2002 (voir point 26 ci-dessus). À supposer que le chiffre d’affaires de la requérante soit constitué exclusivement par ce produit d’exploitation, le montant de l’amende imposée dépasse ainsi considérablement le plafond de 10 % prévu par le règlement n^o 17.

45
Lors de l’audition, la Commission a fait observer que les statuts de la requérante, et notamment leurs articles 2, 4, 5, 12 et 16, démontraient que celle-ci avait le pouvoir d’engager ses membres et que, de ce fait, la prise en compte des chiffres d’affaires réalisés par l’ensemble des entreprises adhérentes de la requérante était justifiée.

46
En réponse, la requérante a contesté que ses statuts lui permettent d’engager ses membres. Elle a également fait observer, lors de l’audition, que plusieurs accords locaux ont été conclus, ce qui démontrerait l’absence de caractère contraignant de l’accord du 24 octobre 2001. S’agissant de l’article 16 des statuts, la requérante a souligné que cette disposition concernait uniquement le cas où la dissolution ou la liquidation de l’association étaient décidées par l’assemblée générale et ne
s’appliquait, dès lors, pas en cas de dissolution de l’association dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire.

47
Il convient de constater que, conformément à l’article 2 des statuts de la requérante, celle-ci a pour objet, notamment, d’assurer la défense morale et professionnelle de ses adhérents (paragraphe 1), de représenter ses adhérents auprès des pouvoirs publics et des diverses organisations professionnelles ou interprofessionnelles (paragraphe 2), de promouvoir le développement d’un secteur coopératif pour l’organisation de la production, la préparation et la vente du bétail, de la viande, de
leurs produits et sous-produits, dans le cadre de l’organisation générale du marché de la viande (paragraphe 3), de servir d’arbitre en cas de contestation sur les zones d’influence respectives de ses organisations internes (paragraphe 4), de faciliter par ses conseils ou la mise à la disposition des adhérents d’experts qualifiés l’organisation et le fonctionnement des sociétés et les unions (paragraphe 5), et de faciliter et d’aider la création de fédérations ou d’unions régionales ou
départementales (paragraphe 6).

48
En outre, l’article 4 des statuts dispose que «l’adhésion à la [FNCBV] comporte engagement de se conformer aux présents statuts ainsi qu’à tout règlement intérieur qui sera établi par le conseil d’administration».

49
Aux termes de l’article 5 des statuts, «le conseil d’administration peut prononcer l’exclusion de toute coopérative ou groupement ne se conformant pas aux présents statuts ou dont l’activité est de nature à nuire aux intérêts de la [FNCBV]».

50
L’article 12 des statuts prévoit:

«Le conseil d’administration représente la [FNCBV] vis-à-vis des tiers […] Il représente les organisations adhérentes vis-à-vis des [p]ouvoirs [p]ublics et des [o]rganisations [p]rofessionnelles en ce qui concerne les positions économiques et sociales ayant fait l’objet d’un accord préalable des groupements adhérents. Lesdits groupements ne seront engagés que dans la mesure où, préalablement, ils n’auront pas fait opposition.»

51
Enfin, aux termes de l’article 16 des statuts:

«La dissolution, la liquidation et la fusion avec une autre association ne peuvent être décidées que par une assemblée générale au sein de laquelle les deux tiers au moins des membres associés seront présents ou représentés […] Si la liquidation fait apparaître un actif net positif, il est dévolu obligatoirement à une œuvre nationale d’intérêt coopératif agricole. En cas de passif, ce dernier est réparti entre les membres associés au prorata des cotisations versées ou restant à verser des
cinq dernières années.»

52
Il convient de rappeler, en outre, que, dans les arrêts CB et Europay/Commission, précité, et du 14 mai 1998, Finnboard/Commission, précité, il a été précisé que les associations en cause pouvaient engager leurs membres à l’égard de parties tierces, par exemple en concluant des accords de vente pour le compte de leurs membres, et que ces derniers étaient, en vertu des statuts desdites associations, conjointement et solidairement responsables des engagements pris par elles à l’égard des
tiers. Dans ces conditions, la Commission était fondée à prendre en compte les chiffres d’affaires réalisés par les membres des associations aux fins du calcul du plafond de 10 % (arrêts CB et Europay/Commission, précité, point 138, et du 14 mai 1998, Finnboard/Commission, précité, points 275 et 280, confirmé sur pourvoi par arrêt du 16 novembre 2000, Finnboard/Commission, précité, point 66).

53
Dans l’arrêt SCK et FNK/Commission, précité, le Tribunal a précisé que l’association en cause pouvait, en vertu de ses statuts, adopter des décisions liant ses membres et radier les membres qui ne respectaient pas ces décisions. Dans son analyse, le Tribunal a considéré que la Commission était fondée à tenir compte des chiffres d’affaires des membres, en soulignant que les statuts de l’association permettaient expressément à celle-ci d’engager ses membres (arrêt SCK et FNK/Commission,
précité, point 253).

54
Il convient également de relever que, dans l’ordonnance Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, précitée (point 56), le juge des référés a estimé, dans le cadre de son appréciation de l’urgence, que les statuts de l’association en cause contenaient des dispositions permettant à celle-ci d’engager ses membres. Il a constaté, à cet égard, d’abord, que les membres étaient, aux termes des statuts de l’association, tenus de se conformer
scrupuleusement aux dispositions des statuts, du règlement intérieur et aux décisions du conseil d’administration et de l’assemblée, ensuite, qu’un membre pouvait être radié de l’association s’il ne remplissait plus les conditions fixées par les statuts ou par le règlement intérieur et, enfin, qu’un membre pouvait se voir infliger une réprimande, une suspension ou une amende pouvant s’élever jusqu’à 10 000 florins néerlandais si le conseil d’administration estimait qu’il avait agi au mépris
des statuts, du règlement intérieur ou des décisions valablement adoptées par l’association.

55
En l’espèce, il ressort de l’article 4 des statuts de la requérante que son conseil d’administration peut adopter un règlement intérieur auquel les membres doivent se conformer. Au regard de l’arrêt SCK et FNK/Commission, précité, il ne peut être exclu que cette possibilité suffise pour considérer que la requérante peut engager ses membres et que la prise en compte des chiffres d’affaires réalisés par ces derniers est justifiée.

56
Toutefois, à la différence de l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, l’article 12 des statuts de la requérante disposent que «les membres ne seront engagés que dans la mesure où, préalablement, ils n’auront pas fait opposition». Il paraît possible d’en déduire que les statuts de la requérante ne lui permettent pas d’engager ses adhérents contre leur volonté.

57
Il convient également de préciser que les statuts de la requérante prévoient que le conseil d’administration peut expulser les membres uniquement lorsque ces derniers agissent contrairement aux statuts ou lorsque leurs activités sont «de nature à nuire aux intérêts de la [FNCBV]» (article 5). Or, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt SCK et FNK/Commission, précité, les statuts permettaient à l’association de radier les membres qui ne se conformaient pas aux «décisions» du conseil
d’administration.

58
Il est constaté que, en l’espèce, la requérante et la Commission n’ont apporté aucun exemple ni aucune explication permettant au juge des référés de déterminer avec précision la portée des différentes dispositions des statuts de la requérante. Dans ces circonstances, et sans procéder à des mesures d’instruction qui sortent du cadre d’une procédure en référé, il n’est pas possible de déterminer avec certitude si la requérante peut engager ses membres au sens de la jurisprudence applicable et
si, en particulier, cela a été le cas dans le cadre de la conclusion des accords litigieux.

59
En tout état de cause, il résulte de ce qui précède que le présent moyen n’est pas dépourvu de tout fondement. En outre, le juge des référés estime que la détermination des conditions permettant de tenir compte des chiffres d’affaires réalisés par les membres d’une association aux fins de l’application du plafond de 10 % prévu par l’article 15, paragraphe 2, du règlement n^o 17 mérite un examen approfondi et une appréciation du seul juge du fond.

60
Concernant le second moyen, tiré du défaut de motivation relative au plafond des amendes, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son
contrôle (arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C-367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63). La portée de l’obligation de motivation imposée par l’article 253 CE dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté (arrêts de la Cour du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C‑350/88, Rec. p. I‑395, points 15 et 16, et arrêt Commission/Sytraval et Brink’s France, précité, point 63).

61
Pour ce qui est d’une décision infligeant, comme en l’espèce, des amendes à plusieurs entreprises pour une infraction aux règles communautaires de la concurrence, la portée de l’obligation de motivation doit être notamment déterminée à la lumière du fait que la gravité des infractions doit être établie en fonction d’un grand nombre d’éléments tels que, notamment, les circonstances particulières de l’affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu’ait été établie une
liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (ordonnance de la Cour du 25 mars 1996, SPO e.a./Commission, C‑137/95 P, Rec. p. I‑1611, point 54).

62
Il y a lieu d’observer que les considérants 162 à 186 de la Décision sont consacrés à l’application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n^o 17.

63
Au considérant 170 de la Décision, la Commission estime que le montant des cotisations annuelles perçues par chacune des entreprises destinataires de la Décision peut être un critère objectif de l’importance relative des différentes fédérations agricoles et de leur degré de responsabilité dans la commission de l’infraction constatée. La Commission, au vu de cet élément, a fixé le montant de base de l’amende de la FNSEA à 20 millions d’euros et celui de la FNCBV à 1/10^e de ce montant.

64
En revanche, aucun considérant de la Décision n’est consacré à l’examen de l’éventuel dépassement du plafond de 10 % ni, a fortiori, à l’appréciation de la possibilité de prendre en considération les chiffres d’affaires des membres de la requérante.

65
La Décision ne permet donc pas, à première vue, aux intéressés et au juge communautaire de connaître les raisons pour lesquelles la Commission a estimé approprié de tenir compte de ces chiffres d’affaires.

66
Il est rappelé à cet égard que, la portée de l’obligation de motivation dépendant de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté (voir point 60 ci-dessus), la Commission doit développer son raisonnement d’une manière explicite lorsqu’elle prend dans le cadre de sa pratique décisionnelle une décision qui va sensiblement plus loin que les décisions précédentes (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 26 novembre 1975, Fabricants de papier peints/Commission, 73/74,
Rec. p. 1491, point 31, et arrêt SCK et FNK/Commission, précité, point 226). Elle le doit d’autant plus lorsque, ainsi que cela semble être le cas dans la présente affaire (voir points 55 à 57 ci-dessus), elle va au-delà de la jurisprudence.

67
Dans ces circonstances, et contrairement à ce que soutient la Commission, il ne peut être exclu, à première vue, que, en l’espèce, la Commission aurait dû exposer les éléments dont elle a tenu compte pour déterminer le chiffre d’affaires à prendre en considération afin d’apprécier si l’amende imposée ne dépassait pas le plafond de 10 %.

68
Les considérations qui précèdent suffisent à conclure qu’au moins une partie des moyens avancés par la requérante n’est pas totalement dépourvue de fondement et mérite un examen approfondi par le juge du fond. Dans ces conditions, il convient de reconnaître en l’espèce l’existence d’un fumus boni juris.

Sur l’urgence

69
Selon une jurisprudence constante, une demande de sursis à l’exécution de l’obligation de constituer une garantie bancaire imposée comme condition du non-recouvrement immédiat du montant d’une amende ne peut être accueillie qu’en présence de circonstances exceptionnelles (ordonnances du président de la Cour du 6 mai 1982, AEG/Commission, 107/82 R, Rec. p. 1549, point 6, et FEG/Commission, précitée, point 44). En effet, la possibilité d’exiger la constitution d’une garantie financière est
expressément prévue pour les procédures en référé par les règlements de procédure de la Cour et du Tribunal et correspond à une ligne de conduite générale et raisonnable de la Commission (ordonnance du président du Tribunal du 5 août 2003, IRO/Commission, T‑79/03 R, non encore publiée au Recueil, point 25).

70
L’existence de telles circonstances exceptionnelles peut, en principe, être considérée comme établie lorsque la partie qui demande à être dispensée de constituer la garantie bancaire requise apporte la preuve qu’il lui est objectivement impossible de constituer cette garantie (ordonnance IRO/Commission, précitée, point 26).

71
S’agissant du patrimoine de la requérante, celle-ci fait valoir que, compte tenu de sa situation financière, la constitution de la totalité de la garantie bancaire, avec les frais y afférents, entraînerait sa disparition. Au soutien de cette affirmation, elle se réfère à la situation de son patrimoine à la date du 31 décembre 2002 (voir points 26 et 27 ci‑dessus). En outre, elle produit deux lettres émanant de deux banques françaises qui refusent de lui fournir la garantie bancaire requise,
eu égard, en particulier, à l’insuffisance de son patrimoine.

72
La Commission s’est limitée a fait valoir que les documents comptables fournis par la requérante n’avaient pas de valeur probante dès lors qu’ils n’avaient pas été dûment signés et certifiés.

73
Il convient de relever, d’abord, que, au vu des observations écrites de la Commission, le Tribunal a autorisé la requérante à produire son rapport général du commissaire aux comptes sur les comptes de l’exercice 2002 ainsi que son projet de budget 2003, signé par le représentant légal de la requérante. Ces documents ont été déposés au greffe du Tribunal le 16 octobre 2003 et confirment les données exposées aux points 26 et 27 ci-dessus.

74
Lors de l’audition, la requérante a répondu à une série de questions quant à son patrimoine et a expliqué divers postes de son bilan. À la suite de l’audition, la requérante s’est engagée à examiner la possibilité d’un échelonnement concerté du paiement de l’amende et à faire une proposition à cet égard à la Commission.

75
Le 7 novembre 2003, la requérante et la Commission ont communiqué le résultat de leurs discussions. Il en ressort que la requérante a offert la constitution immédiate d’une garantie bancaire de 60 000 euros et le paiement au 31 décembre 2003 d’un montant de 140 000 euros. Cette proposition a été rejetée par la Commission.

76
À la lumière des explications fournies par la requérante ainsi que du contenu de son offre, le juge des référés estime suffisamment étayées ses affirmations selon lesquelles son propre patrimoine ne lui permet pas de dégager des fonds supplémentaires par rapport à ceux proposés dans le cadre de la présente procédure.

77
Toutefois, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, le préjudice d’une association d’entreprises doit être apprécié en prenant en considération la situation financière de ses membres, lorsque les intérêts objectifs de l’association ne présentent pas un caractère autonome par rapport à ceux des entreprises qui y adhèrent [ordonnances du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, précitée, points 35 à 38, et du 14 décembre 1999, HFB e.a./Commission, C‑335/99 P(R), Rec.
p. I‑8705, point 63].

78
Il convient, dès lors, d’examiner si, en l’espèce, la situation financière de la requérante doit être appréciée en prenant en considération celle de ses membres.

79
Lors de l’audition, la requérante a fait observer que, puisque, en vertu de ses statuts, elle ne peut pas engager ses membres, il serait impossible de considérer que ses intérêts se confondent avec ceux de ses membres.

80
Or, s’il est vrai que, en l’espèce, il existe des doutes quant à la possibilité pour la requérante d’engager ses membres au sens de la jurisprudence applicable (voir points 55 à 58 ci-dessus), cette circonstance ne conduit pas automatiquement à conclure que les actions de la requérante dans le cadre de la crise bovine en 2001 ne répondaient pas aux intérêts objectifs de ses adhérents. En effet, il ressort de la jurisprudence précitée (voir, en particulier, ordonnance du 14 octobre 1996, SCK
et FNK/Commission, précitée, point 37) que, afin d’évaluer le degré d’autonomie que présentent les intérêts objectifs d’une association par rapport à ceux de ses membres, l’existence de règles internes permettant à l’association d’engager ses membres peut être prise en considération. Cependant, l’existence d’une confusion des intérêts objectifs de l’association et de ses membres peut résulter d’autres circonstances indépendamment de l’existence ou de l’absence de telles règles.

81
Dans sa demande en référé, la requérante n’a exposé aucun argument de nature à démontrer que ses actions ne répondaient pas aux intérêts objectifs de ses membres et, en particulier, des membres actifs dans la production bovine.

82
En réponse à une question posée par le juge des référés lors de l’audition à ce sujet, la requérante a fait valoir que les organismes actifs dans le secteur de l’abattage, qui ne représentent que 30 de ses quelques 330 adhérents, n’avaient aucun intérêt à la conclusion des accords litigieux.

83
Or, cet argument n’est étayé par aucune explication permettant au juge des référés d’en apprécier sa pertinence et semble, par ailleurs, à première vue, non fondé. Le juge des référés constate, à cet égard, que la requérante ne conteste pas avoir conclu l’accord du 24 octobre 2001 en tant que représentant de ses membres actifs dans le secteur de l’abattage. La requérante ne conteste pas non plus avoir eu l’appui nécessaire de ses membres pour conclure cet accord. Par ailleurs, il semblerait
inconcevable qu’une fédération nationale ayant, aux termes de ses statuts, pour objet la défense morale et professionnelle de ses adhérents (voir point 47 ci-dessus) prétende avoir agi à l’encontre des intérêts de ces derniers.

84
Ces circonstances suffisent pour conclure que les intérêts objectifs de la requérante ne peuvent pas être considérés comme présentant un caractère autonome par rapport à ceux de ses membres. Il s’ensuit que, selon la jurisprudence citée au point 77 ci-dessus, il faut apprécier le risque de préjudice grave et irréparable qui résulterait de la constitution de la garantie bancaire en considérant la taille et la puissance économique des entreprises adhérant à la fédération requérante.

85
Il convient de relever, à cet égard, que la requérante n’a pas allégué ni, a fortiori, démontré que l’ensemble de ses adhérents n’avaient pas la capacité financière d’apporter le soutien financier nécessaire au paiement de l’amende ou à la constitution de la garantie bancaire, compte tenu des propositions faites dans le cadre de la présente procédure.

86
En réponse à une question posée par le juge des référés, la requérante a reconnu qu’il serait possible, en vertu de ses statuts, d’augmenter les cotisations de ses adhérents, à titre exceptionnel, en vue du paiement de l’amende ou de la constitution de la garantie bancaire. Toutefois, pour ce faire, il faudrait d’abord, en vertu de l’article 6 de ses statuts, que le conseil d’administration soit convoqué et qu’il vote une telle augmentation, ce qui prendrait un certain temps. En outre, il
serait peu vraisemblable que ses adhérents soient prêts à payer des montants dépassant ceux de leurs cotisations annuelles habituelles.

87
S’agissant du risque d’un éventuel refus par les membres de fournir l’assistance financière nécessaire à la survie de la requérante, il y a lieu d’observer que la volonté unilatérale des membres d’une association est sans incidence sur l’appréciation de leur situation financière et que, dès lors, la possibilité d’un refus unilatéral de leur part ne saurait affecter une telle appréciation (voir, en ce sens, ordonnance FEG/Commission, précitée, point 46). Par ailleurs, aucun élément du dossier
ne permet de penser qu’il serait inconcevable que le conseil d’administration vote une modification partielle des cotisations des membres les plus concernés par les accords litigieux, à savoir les entreprises actives dans le secteur bovin.

88
S’agissant des modalités relatives à une augmentation des cotisations des adhérents, la requérante n’a fourni aucune explication relative aux délais nécessaires pour permettre au conseil d’administration de se réunir, voter l’augmentation des cotisations des adhérents et mettre en oeuvre celle-ci.

89
Or, il ressort de l’article 6 des statuts de la requérante que «le montant et les modalités de versement des cotisations sont fixés chaque année par le conseil d’administration». Aux termes de l’article 11, «[l]e conseil d’administration fédéral se réunit au moins trois fois par an, sur convocation de son [p]résident, ou en son absence d’un vice-président» et «[i]l est, en outre, réuni sur demande écrite du tiers des administrateurs». Ainsi, les statuts ne semblent pas imposer de délais
relatifs à la convocation du conseil d’administration.

90
Eu égard à ces dispositions, et en l’absence d’explications précises de la part des parties à cet égard, le juge des référés estime qu’un délai de deux mois devrait suffire pour permettre au conseil d’administration de la requérante de se réunir, de voter l’augmentation des cotisations des adhérents et de mettre en oeuvre celle-ci.

91
Il découle de ce qui précède que la requérante a établi à suffisance de droit l’existence de circonstances exceptionnelles en ce qu’elle risque de subir un préjudice grave et irréparable s’il n’est pas sursis à l’obligation de constituer la garantie bancaire requise pendant une période de deux mois à compter de la date de notification de la présente ordonnance.

Sur la mise en balance des intérêts

92
Il convient de mettre en balance l’intérêt de la requérante à éviter, à défaut de pouvoir constituer une garantie bancaire, qu’il ne soit procédé au recouvrement immédiat de l’amende avec l’intérêt financier de la Communauté à pouvoir en recouvrer le montant ainsi que, plus généralement, l’intérêt public lié à la préservation de l’effectivité des règles communautaires de la concurrence et de la portée dissuasive des amendes prononcées par la Commission (voir, en ce sens, ordonnance du
président de la Cour du 13 juin 1989, Publishers Association/Commission, 56/89 R, Rec. p. 1693, point 35 ; ordonnances du président du Tribunal du 16 juin 1992, Langnese-Iglo et Schöller Lebensmittel/Commission, T‑24/92 R et T‑28/92 R, Rec. p. II‑1839, point 28; du 15 juin 1994, Société commerciale des potasses et de l’azote et Entreprise minière et chimique/Commission, T-88/94 R, Rec. p. II-401, point 32, et Cho Yang Shipping/Commission, précitée, point 53).

93
S’agissant des intérêts financiers de la Communauté, il y a lieu de relever, d’abord, que, ainsi qu’il a été constaté ci-dessus, le patrimoine de la requérante ne lui permet pas de payer la totalité de l’amende ni de constituer la totalité de la garantie bancaire requise. En outre, au regard des explications de la requérante relative à l’article 16 de ses statuts (voir point 46 ci-dessus), il existe un doute quant à la possibilité pour la Commission de recouvrer le montant auprès des membres
de la requérante en cas de liquidation de cette dernière. En tout état de cause, ainsi que la Commission l’a reconnu elle-même dans ses observations écrites, une telle procédure de recouvrement représenterait des coûts, des délais et des risques accrus. Dans ces circonstances, il apparaît que les intérêts financiers de la Commission sont mieux protégés en accordant à la requérante le temps nécessaire pour solliciter le soutien financier volontaire de ses adhérents.

94
Ensuite, les intérêts financiers de la Commission sont également protégés par l’engagement de la requérante de constituer une garantie bancaire et de payer un montant couvrant une partie non négligeable de l’amende.

95
S’agissant de l’intérêt public qui s’attache à la préservation de l’effectivité des règles communautaires de concurrence et de la portée dissuasive des amendes prononcées par la Commission, il y lieu de constater que la Commission n’a pas démontré en quoi l’octroi d’un sursis partiel et limité dans le temps compromettrait, en l’espèce, cet intérêt.

96
Au vu de ces considérations, il apparaît approprié d’accorder à la requérante un sursis de deux mois à compter de la date de la notification de la présente ordonnance pour constituer la garantie bancaire requise à condition que, dans un délai de quatre semaines à compter de la même date, elle paie 140 000 euros à la Commission et elle constitue en faveur de celle-ci une garantie à concurrence de 60 000 d’euros ou, alternativement, elle constitue en faveur de la Commission une garantie
bancaire à concurrence de 200 000 euros. Il est précisé que, à l’expiration de la période du sursis, la requérante devra, dès lors, soit payer le solde de l’amende restant dû, majoré des intérêts, soit constituer une garantie bancaire couvrant ce montant.

97
Il y a lieu d’observer, au demeurant, que la faculté est donnée au juge des référés par l’article 108 du règlement de procédure de modifier ou de rapporter à tout moment l’ordonnance de référé à la suite d’un changement de circonstances [ordonnance du président du Tribunal du 4 avril 2002, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, T‑198/01 R, Rec. p. II-2153, point 123, confirmée sur pourvoi par ordonnance du président de la Cour du 18 octobre 2002, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau,
C‑232/02 P(R), Rec. p. I‑8977]. Il ressort de cette jurisprudence que, par «changement de circonstances», le juge des référés entend, en particulier, des circonstances de nature factuelle susceptibles de modifier l’appréciation en l’espèce du critère de l’urgence. En outre, selon la Cour, cette possibilité traduit le caractère fondamentalement précaire en droit communautaire des mesures octroyées par le juge des référés [ordonnance de la Cour du 14 février 2002, Commission/Artegodan,
C‑440/01 P(R), Rec. p. I‑1489].

98
Il appartiendra donc, le cas échéant, à la Commission de s’adresser au Tribunal au cas où elle estimerait qu’il y a eu un changement de circonstances de nature à modifier la présente décision.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne:

1)
Il est sursis, pendant une période de deux mois à compter de la date de la notification de la présente ordonnance, à l’obligation pour la requérante de constituer en faveur de la Commission une garantie bancaire pour éviter le recouvrement immédiat de l’amende qui lui a été infligée par l’article 3 de la décision 2003/600/CE de la Commission, du 2 avril 2003, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE (Affaire COMP/C.38.279/F3 – Viandes bovines
françaises), à condition que, dans un délai de quatre semaines à compter de la même date, elle paie 140 000 euros à la Commission et constitue en faveur de celle-ci une garantie à concurrence de 60 000 euros ou, alternativement, elle constitue en faveur de la Commission une garantie bancaire à concurrence de 200 000 euros.

2)
Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 21 janvier 2004.

Le greffier Le président

H. Jung B. Vesterdorf

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1 –
Langue de procédure: le français.


Synthèse
Numéro d'arrêt : T-217/03
Date de la décision : 21/01/2004
Type d'affaire : Demande en référé - fondé
Type de recours : Recours en annulation

Analyses

Procédure de référé - Concurrence - Paiement d'amende - Garantie bancaire - Fumus boni juris - Urgence - Mise en balance des intérêts - Sursis partiel et conditionnel.

Ententes

Concurrence


Parties
Demandeurs : Fédération nationale de la coopération bétail et viande (FNCBV)
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:2004:15

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