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11/03/1999 | CJUE | N°T-145/94

CJUE | CJUE, Arrêt du Tribunal de première instance, Unimétal - Société française des aciers longs SA contre Commission des Communautés européennes., 11/03/1999, T-145/94


Avis juridique important

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61994A0145

Arrêt du Tribunal de première instance (deuxième chambre élargie) du 11 mars 1999. - Unimétal - Société française des aciers longs SA contre Commission des Communautés européennes. - Traité CECA - Concurrence - Accords entre entreprises, décisions d'associations d'entrepri

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Avis juridique important

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61994A0145

Arrêt du Tribunal de première instance (deuxième chambre élargie) du 11 mars 1999. - Unimétal - Société française des aciers longs SA contre Commission des Communautés européennes. - Traité CECA - Concurrence - Accords entre entreprises, décisions d'associations d'entreprises et pratiques concertées - Fixation des prix - Répartition des marchés - Systèmes d'échange d'information. - Affaire T-145/94.
Recueil de jurisprudence 1999 page II-00585
Pub.RJ page Pub ext

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

1 CECA - Ententes - Entreprise - Notion - Unité économique

(Traité CECA, art. 65, § 1; traité CE, art. 85, § 1)

2 CECA - Ententes - Interdiction - Infraction commise par une filiale - Assistance administrative de la société mère - Imputation à la filiale

(Traité CECA, art. 65, § 1)

3 CECA - Ententes - Amendes - Montant - Détermination - Fixation de l'amende par le juge communautaire - Pouvoir de pleine juridiction

(Traité CECA, art. 36, alinéa 2)

Sommaire

1 A l'instar de l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, du traité CE, celle de l'article 65, paragraphe 1, du traité CECA s'adresse, notamment, à des «entreprises». Or, la notion d'entreprise, au sens de l'article 85 du traité CE, doit être comprise comme désignant une entité économique consistant en une organisation unitaire d'éléments personnels, matériels et immatériels, poursuivant de façon durable un but économique déterminé, organisation pouvant concourir à la commission d'une infraction
visée par cette disposition. Il en va de même au sens de l'article 65 du traité CECA.

2 Selon la jurisprudence, en considération de l'unité du groupe économique formé par une société mère et ses filiales, les agissements des filiales peuvent, dans certaines circonstances, être imputés à la société mère, notamment lorsque la filiale, bien qu'ayant une personnalité juridique distincte, ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l'essentiel les instructions qui lui sont imparties par la société mère. De même, la société responsable de la
coordination de l'action d'un groupe de sociétés peut se voir imputer la responsabilité des infractions commises par les sociétés du groupe, même si celles-ci ne sont pas des filiales au sens juridique du terme.

Eu égard au concept fondamental d'unité économique qui sous-tend cette jurisprudence, celle-ci peut, dans certaines circonstances, être appliquée à la situation inverse. La Commission est ainsi fondée à imputer le comportement de la société mère à sa filiale, lorsqu'il apparaît que cette dernière est le principal auteur et bénéficiaire des infractions commises, tandis que sa société mère s'est cantonnée dans un rôle accessoire d'assistance administrative qui a facilité la perpétration des
infractions commises par la filiale, sans avoir de poids décisionnel ou une liberté d'initiative.

3 Par nature, la fixation d'une amende par le Tribunal, dans le cadre de l'exercice de son pouvoir de pleine juridiction, n'est pas un exercice arithmétique précis. Par ailleurs, le Tribunal n'est pas lié par les calculs de la Commission, mais doit effectuer sa propre appréciation, en tenant compte de toutes les circonstances de l'espèce.

Parties

Dans l'affaire T-145/94,

Unimétal - Société française des aciers longs SA, ayant son siège social à Rombas (France) représentée par Mes Antoine Winckler, avocat au barreau de Paris, et Caroline Levi, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Mes Elvinger et Hoss, 15, Côte d'Eich,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par MM. Julian Currall, membre du service juridique, et Géraud de Bergues, fonctionnaire national détaché auprès de la Commission, puis par MM. Jean-Louis Dewost, directeur général du service juridique, Julian Currall, et Guy Charrier, fonctionnaire national détaché auprès de la Commission, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet principal une demande d'annulation de la décision 94/215/CECA de la Commission, du 16 février 1994, relative à une procédure d'application de l'article 65 du traité CECA concernant des accords et pratiques concertées impliquant des producteurs européens de poutrelles (JO L 116, p. 1),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

(deuxième chambre élargie),

composé de MM. C. W. Bellamy, faisant fonction de président, A. Potocki et J. Pirrung, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale des 23, 24, 25, 26 et 27 mars 1998,

rend le présent

Arrêt (1)

Motifs de l'arrêt

Faits à l'origine du recours

A - Observations liminaires

1 Le présent recours tend à l'annulation de la décision 94/215/CECA de la Commission, du 16 février 1994, relative à une procédure d'application de l'article 65 du traité CECA concernant des accords et pratiques concertées impliquant des producteurs européens de poutrelles (JO L 116, p. 1, ci-après «Décision»), par laquelle elle a constaté la participation de 17 entreprises sidérurgiques européennes et d'une de leurs associations professionnelles à une série d'accords, de décisions et de pratiques
concertées de fixation des prix, de répartition des marchés et d'échange d'informations confidentielles sur le marché communautaire des poutrelles, en violation de l'article 65, paragraphe 1, du traité CECA, et a infligé des amendes à quatorze entreprises de ce secteur pour des infractions commises entre le 1er juillet 1988 et le 31 décembre 1990.

2 D'après la Décision, Unimétal - Société française des aciers longs SA (ci-après «Unimétal») est le plus important fabricant de produits longs du groupe français Usinor Sacilor, dont elle est filiale à 100 %. En 1990, son chiffre d'affaires était de 6 896 millions de FF, dont 1 164 millions, soit 168 millions d'écus, pour les ventes de poutrelles dans la Communauté. Usinor Sacilor SA (ci-après «Usinor Sacilor») est un holding d'État qui coiffe la majorité des sociétés françaises productrices
d'acier, et le deuxième producteur d'acier au monde. En 1990, son chiffre d'affaires consolidé était de 96 053 millions de FF.

[...]

D - Décision

3 La Décision, qui est parvenue à la requérante le 3 mars 1994, sous couvert d'une lettre de M. Van Miert datée du 28 février 1994 (ci-après «lettre»), comporte le dispositif suivant:

«Article premier

Les entreprises suivantes ont pris part, dans la mesure décrite dans la présente décision, aux pratiques anticoncurrentielles indiquées sous leur nom, qui empêchaient, restreignaient et faussaient le jeu normal de la concurrence dans le marché commun. Lorsque des amendes sont infligées, la durée de l'infraction est indiquée en mois, sauf dans le cas de l'harmonisation des suppléments, où la participation à l'infraction est indiquée par `X'.

[...]

Unimétal

a) Échange d'informations confidentielles par l'intermédiaire de la commission poutrelles (30)

b) Fixation des prix à la commission poutrelles (30)

c) Fixation des prix sur le marché italien (6)

d) Fixation des prix sur le marché danois (16)

e) Répartition des marchés, `Système Traverso' (3+3)

f) Répartition des marchés, France (3)

g) Répartition des marchés, Italie (3)

h) Harmonisation des suppléments (x)

i) Fixation des prix sur le marché français

[...]

Article 4

Pour les infractions décrites à l'article 1er commises après le 30 juin 1988 (après le 31 décembre 1989 (2) dans le cas d'Aristrain et d'Ensidesa), les amendes suivantes sont infligées:

[...]

Unimétal SA 12 300 000 écus

[...]

Article 6

Sont destinataires de la présente décision:

[...]

- Unimétal

[...]»

[...]

Sur la demande principale tendant à l'annulation de la Décision

[...]

A - Sur la violation des droits de la défense de la partie requérante

Sur la limitation de l'accès au dossier de la Commission [...]

Appréciation du Tribunal

[...]

4 Quant au reproche fait à la Commission d'avoir refusé de mettre à la disposition de la requérante un résumé non confidentiel de certains documents classés comme non accessibles, après avoir dans un premier temps offert de le faire, il convient de relever que la demande de la requérante portait sur la quasi-totalité des documents ainsi classés (soit plusieurs centaines, et non pas une vingtaine, comme elle le soutient dans ses écritures), en invoquant pour seule justification son «souhait de
démontrer sa non-participation à certaines pratiques incriminées». Le Tribunal estime que la Commission a refusé à bon droit d'accéder à une telle demande, dont la motivation est rédigée en des termes tellement généraux qu'elle équivaut à une absence de motivation.

5 Force est de constater, en outre, que ces documents n'ont pas été retenus à la charge de la requérante et ne contiennent aucun élément à sa décharge, ce que la requérante n'a d'ailleurs pas mis en cause après y avoir eu accès dans le cadre de la procédure judiciaire, à la suite de l'ordonnance du 19 juin 1996.

6 Le Tribunal estime que, dans ces circonstances, la requérante n'a pas établi qu'elle n'a pas été mise en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur les documents invoqués à sa charge dans la communication des griefs.

[...]

Sur la demande subsidiaire tendant à l'annulation de l'amende ou, à tout le moins, à la réduction de son montant

[...]

Sur la majoration de l'amende sanctionnant le comportement d'Usinor Sacilor

7 Il ressort des explications détaillées fournies en cours d'instance par la Commission que l'amende infligée à la requérante au titre de l'harmonisation des suppléments a été majorée de 10 % pour tenir compte du fait que sa société mère, Usinor Sacilor, avait proposé cette harmonisation.

8 Force est de constater que cette circonstance aggravante ne se trouve mentionnée nulle part dans la Décision et qu'elle a été pour la première fois évoquée dans la réponse de la partie défenderesse du 19 janvier 1998 aux questions écrites du Tribunal. La Décision est, dès lors, entachée d'un défaut total de motivation sur ce point.

9 Il s'ensuit que l'article 4 de la Décision doit être annulé dans la mesure où il inflige à la requérante une majoration de l'amende sanctionnant le rôle de promoteur joué par Usinor Sacilor dans l'harmonisation des suppléments.

10 Il ressort, par ailleurs, des explications détaillées fournies par la défenderesse en cours d'instance que l'amende infligée à la requérante au titre de l'échange d'informations confidentielles a été majorée de 10 % au motif qu'Usinor Sacilor a organisé le secrétariat de la commission poutrelles, fait non contesté au demeurant par la requérante.

11 Vu les considérations développées au point 321 de la Décision, dans lequel la Commission indique que «les amendes infligées à Unimétal tiennent compte du comportement de sa société mère dans la mesure où celle-ci a fourni une assistance administrative à la commission poutrelles», la Décision ne saurait être considérée comme entachée d'un défaut de motivation sur ce point. Par ces considérations, en effet, la requérante a été mise en mesure de comprendre que la Commission lui imputait le
comportement adopté par sa société mère, consistant à faciliter, par la tenue du secrétariat, la perpétration des infractions commises au sein de la commission poutrelles, et que son amende était majorée de ce chef. Dans son recours, la requérante a d'ailleurs contesté cette imputation et cette majoration de l'amende en faisant valoir un certain nombre d'arguments de fond (voir points 561 et 562 ci-dessus).

12 A ce dernier égard, il convient tout d'abord de relever l'absence de contradiction entre les points 321 et 285 de la Décision. En effet, la Commission n'affirme aucunement, au point 285 de la Décision, que la contribution d'Usinor Sacilor aux activités du groupe Eurofer/Scandinavie, dont elle assurait le secrétariat, n'a pas été constitutive d'une participation à une infraction à l'article 65, paragraphe 1, du traité. Tout au plus indique-t-elle que cette contribution n'a pas été suffisamment
«substantielle et individuelle» pour justifier l'adoption d'une décision distincte de celle adressée à sa filiale Unimétal. Par ailleurs, le point 321 de la Décision doit être lu à la lumière du point 319, qui indique que, dans le cas où plus d'une société d'un groupe a pris part aux infractions, ce sont les entreprises de production qui sont destinataires de la Décision, étant donné que ce sont elles qui ont le plus à gagner d'informations anticipées sur les prix et les volumes. Le point 321 de la
Décision fait application de ce principe au cas particulier d'Unimétal, identifiée comme étant la filiale d'Usinor Sacilor productrice de poutrelles, tout en précisant que les amendes infligées à Unimétal tiennent compte du comportement de sa société mère dans la mesure où celle-ci a fourni une assistance administrative à la commission poutrelles.

13 En tout état de cause, il convient de relever que le point 285 de la Décision concerne uniquement les activités du groupe Eurofer/Scandinavie, et vise donc la seule infraction de fixation de prix sur le marché danois, tandis que le point 321 de la Décision vise les activités de la commission poutrelles. Or, il ressort des explications fournies par la Commission en cours d'instance que la majoration de 10 % infligée à Unimétal, à titre de circonstance aggravante, pour tenir compte du comportement
d'Usinor Sacilor, ne concerne que la fraction de l'amende imposée au titre de l'échange d'informations confidentielles au sein de la commission poutrelles.

14 Quant à la régularité de l'imputation ainsi opérée, il convient de relever tout d'abord que, à l'instar de l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, du traité CE, celle de l'article 65, paragraphe 1, du traité CECA s'adresse, notamment, à des «entreprises». Or, il ressort de la jurisprudence du Tribunal (voir arrêt Shell/Commission, précité, point 311) que la notion d'entreprise, au sens de l'article 85 du traité CE, doit être comprise comme désignant une entité économique consistant en une
organisation unitaire d'éléments personnels, matériels et immatériels poursuivant de façon durable un but économique déterminé, organisation pouvant concourir à la commission d'une infraction visée par cette disposition (voir également arrêt de la Cour du 12 juillet 1984, Hydrotherm, 170/83, Rec. p. 2999, point 11, et arrêt du Tribunal du 12 janvier 1995, Viho/Commission, T-102/92, Rec. p. II-17, point 50, confirmé par arrêt de la Cour du 24 octobre 1996, Viho/Commission, C-73/95 P, Rec. p. I-5457,
points 15 à 18). Le Tribunal estime qu'il en va de même au sens de l'article 65 du traité CECA.

15 En l'espèce, Usinor Sacilor et sa filiale à 100 % Unimétal doivent être considérées comme constituant une seule et même entreprise au sens de cette dernière disposition.

16 Il y a également lieu de relever que, selon la jurisprudence de la Cour, en considération de l'unité du groupe économique formé par une société mère et ses filiales, les agissements des filiales peuvent, dans certaines circonstances, être imputés à la société mère, notamment lorsque la filiale, bien qu'ayant une personnalité juridique distincte, ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l'essentiel les instructions qui lui sont imparties par la société
mère (voir arrêt ICI/Commission, précité, points 132 à 135). De même, il ressort de la jurisprudence du Tribunal que la société responsable de la coordination de l'action d'un groupe de sociétés peut se voir imputer la responsabilité des infractions commises par les sociétés du groupe, même si celles-ci ne sont pas des filiales au sens juridique du terme (voir arrêt Shell/Commission, précité, points 312 à 315).

17 Eu égard au concept fondamental d'unité économique qui sous-tend cette jurisprudence, le Tribunal estime que celle-ci peut être appliquée à la situation inverse, telle qu'elle se présente dans les circonstances de l'espèce.

18 Dans la mesure où, par son activité administrative de secrétariat, Usinor Sacilor a facilité la perpétration des infractions commises au sein de la commission poutrelles, la Commission était, en effet, fondée à prendre cette assistance en compte afin de mesurer l'implication et le rôle exacts de l'entreprise en cause dans les pratiques litigieuses.

19 La Commission était, par ailleurs, fondée à imputer le comportement d'Usinor Sacilor à sa filiale Unimétal, plutôt que l'inverse, dans la mesure où il apparaît que, dans les circonstances particulières de l'espèce, la requérante, en tant que filiale responsable de la production de poutrelles au sein du groupe Usinor Sacilor, est le principal auteur et bénéficiaire des infractions commises, tandis que sa société mère s'est cantonnée dans un rôle accessoire d'assistance administrative. Il convient
de relever, à cet égard, que dans ses écritures la requérante a souligné qu'Usinor Sacilor n'avait aucun poids décisionnel et aucune liberté d'initiative lorsqu'elle assumait les fonctions de secrétariat administratif de la commission poutrelles.

20 Il résulte de ce qui précède que les arguments de la requérante en rapport avec la majoration de l'amende du chef de l'assistance administrative apportée par Usinor Sacilor au fonctionnement de la commission poutrelles doivent être rejetés comme non fondés.

[...]

Sur l'exercice par le Tribunal de son pouvoir de pleine juridiction

21 Il convient de rappeler que le Tribunal a déjà annulé l'article 1er de la Décision en ce qu'il constate la participation de la requérante à un accord de répartition du marché italien (voir point 403 ci-dessus). L'amende infligée par la Commission pour cette infraction a été évaluée à 70 600 écus.

22 Pour les raisons exposées au point 422 (3) ci-dessus, il y a par ailleurs lieu d'exclure la période comprise entre le 1er juillet et le 31 décembre 1988 aux fins du calcul de l'amende relative à l'infraction de fixation de prix sur le marché danois, ce qui implique, dans le cas de la requérante, une réduction de l'amende de 16 800 écus, selon la méthodologie suivie par la Commission.

23 Le Tribunal a également annulé la majoration de l'amende infligée à la requérante pour le caractère prétendument récidiviste de son comportement, chiffré par la Commission à un montant de 3 074 200 écus, pour les raisons exposées ci-dessus (points 581 et suivants) (4).

24 De même, le Tribunal a annulé la majoration de l'amende infligée à la requérante au titre du rôle de promoteur joué par Usinor Sacilor dans l'harmonisation des suppléments (point 595 ci-dessus). Cette majoration a été chiffrée par la Commission à un montant de 84 000 écus.

25 Enfin, pour les raisons exposées ci-dessus (points 615 à 621) (5), le Tribunal estime qu'il y a lieu de réduire de 15 % le montant total de l'amende infligée pour les accords et pratiques concertées de fixation de prix, en raison du fait que la Commission a, dans une certaine mesure, exagéré les effets anticoncurrentiels des infractions constatées. En tenant compte de la réduction déjà évoquée en ce qui concerne les accords de prix sur le marché danois, cette réduction s'élève à 777 800 écus,
selon la méthode de calcul utilisée par la Commission.

26 En application de la méthodologie de la Commission, l'amende infligée à la requérante devrait donc être réduite de 4 023 400 écus.

27 Par nature, la fixation d'une amende par le Tribunal, dans le cadre de l'exercice de son pouvoir de pleine juridiction, n'est pas un exercice arithmétique précis. Par ailleurs, le Tribunal n'est pas lié par les calculs de la Commission, mais doit effectuer sa propre appréciation, en tenant compte de toutes les circonstances de l'espèce.

28 Le Tribunal estime que l'approche générale retenue par la Commission pour déterminer le niveau des amendes (points 548 et suivants ci-dessus) (6) est justifiée par les circonstances de l'espèce. En effet, les infractions consistant à fixer des prix et à répartir des marchés, qui sont expressément interdites par l'article 65, paragraphe 1, du traité, doivent être considérées comme particulièrement graves, dès lors qu'elles comportent une intervention directe dans les paramètres essentiels de la
concurrence sur le marché concerné. De même, les systèmes d'échange d'informations confidentielles reprochés à la requérante ont eu un objet analogue à une répartition des marchés selon les flux traditionnels. Toutes les infractions prises en compte aux fins de l'amende ont été commises, après la fin du régime de crise, après que les entreprises eurent reçu des avertissements pertinents. Comme le Tribunal l'a constaté, l'objectif général des accords et pratiques en cause était précisément d'empêcher
ou de fausser le retour au jeu normal de la concurrence, qui était inhérent à la disparition du régime de crise manifeste. En outre, les entreprises avaient connaissance de leur caractère illégal et les ont sciemment cachés à la Commission.

29 Compte tenu de tout ce qui précède, d'une part, et de la prise d'effet, à compter du 1er janvier 1999, du règlement (CE) n_ 1103/97 du Conseil, du 17 juin 1997, fixant certaines dispositions relatives à l'introduction de l'euro (JO L 162, p. 1), d'autre part, le montant de l'amende doit être fixé à 8 300 000 euros.

[...]

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens 664 Aux termes de l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Le recours n'ayant été que partiellement accueilli, le Tribunal fera une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la partie requérante supportera ses propres dépens et la moitié des dépens de la partie défenderesse.

Dispositif

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL

(deuxième chambre élargie)

déclare et arrête:

1) L'article 1er de la décision 94/215/CECA de la Commission, du 16 février 1994, relative à une procédure d'application de l'article 65 du traité CECA concernant des accords et pratiques concertées impliquant des producteurs européens de poutrelles, est annulé pour autant qu'il retient à la charge de la requérante sa participation à un accord de répartition du marché italien d'une durée de trois mois.

2) Le montant de l'amende infligée à la requérante par l'article 4 de la décision 94/215/CECA est fixé à 8 300 000 euros.

3) Le recours est rejeté pour le surplus.

4) La partie requérante supportera ses propres dépens ainsi que la moitié des dépens de la partie défenderesse. La partie défenderesse supportera la moitié de ses propres dépens.

(1) - Ne sont reproduits que les points des motifs du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile. Les autres points sont largement identiques ou semblables à ceux de l'arrêt du Tribunal du 11 mars 1999, Thyssen/Commission (T-141/94, Rec. p. II-0000), à l'exception des points 413 à 422 qui n'ont pas d'équivalent dans le présent arrêt. De même, les infractions à l'article 65, paragraphe 1, du traité reprochées à la requérante sur certains marchés nationaux ne sont pas identiques à
celles reprochées à la requérante dans l'affaire Thyssen/Commission. En l'espèce, l'annulation partielle de l'article 1er de la Décision est motivée, en substance, par l'absence de preuve de la participation de la requérante à l'infraction visée au point 1 du dispositif du présent arrêt.

(2) - Date mentionnée dans les versions française et espagnole de la Décision. Les versions allemande et anglaise indiquent la date du 31 décembre 1988.

(3) - Voir arrêt Thyssen/Commission, point 451.

(4) - Voir arrêt Thyssen/Commission, points 614 et suivants.

(5) - Voir arrêt Thyssen/Commission, points 640 et suivants.

(6) - Voir arrêt Thyssen/Commission, points 577 et suivants.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre élargie
Numéro d'arrêt : T-145/94
Date de la décision : 11/03/1999
Type de recours : Recours en annulation - non fondé, Recours en annulation - fondé

Analyses

Traité CECA - Concurrence - Accords entre entreprises, décisions d'associations d'entreprises et pratiques concertées - Fixation des prix - Répartition des marchés - Systèmes d'échange d'information.

Ententes et concentrations

Matières CECA


Parties
Demandeurs : Unimétal - Société française des aciers longs SA
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:T:1999:49

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