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12/11/1998 | CJUE | N°C-352/96

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour, République italienne contre Conseil de l'Union européenne., 12/11/1998, C-352/96


Avis juridique important

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61996J0352

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 12 novembre 1998. - République italienne contre Conseil de l'Union européenne. - Recours en annulation - Règlement (CE) nº 1522/96 - Ouverture et mode de gestion de certains contingents tarifaires d'importation de riz et de brisures de riz.

- Affaire C-352/96.
Recueil de jurisprudence 1998 page I-06937

S...

Avis juridique important

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61996J0352

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 12 novembre 1998. - République italienne contre Conseil de l'Union européenne. - Recours en annulation - Règlement (CE) nº 1522/96 - Ouverture et mode de gestion de certains contingents tarifaires d'importation de riz et de brisures de riz. - Affaire C-352/96.
Recueil de jurisprudence 1998 page I-06937

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

Tarif douanier commun - Contingents tarifaires communautaires - Contingents d'importation de riz ouverts en compensation de l'augmentation de certains taux suite à l'adhésion de nouveaux États membres - Règlement n_ 1522/96 - Légalité à la lumière des règles du GATT pertinentes ainsi que des principes de proportionnalité et d'obligation de motivation - Détournement de pouvoir - Absence

(Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, art. XXIV, § 6; mémorandum d'accord sur l'interprétation de l'article XXIV, points 5 et suiv.; règlement du Conseil n_ 1522/96, art. 3, 4 et 9)

Sommaire

Dans le cadre du règlement n_ 1522/96 relatif à certains contingents tarifaires de riz et de brisures de riz, qui a été adopté en application des accords conclus avec l'Australie et la Thaïlande à la suite des négociations menées sur la base de l'article XXIV, paragraphe 6, du GATT, les articles 3 et 4 prévoient que les certificats d'importation sont délivrés uniquement aux opérateurs titulaires d'un certificat d'exportation obtenu dans le pays d'origine, tandis que l'article 9 énonce les critères
d'intervention en cas de risque pour le secteur communautaire du riz, en fixant, notamment, un seuil quantitatif concernant certains produits. Étant précisé que, en adoptant cette réglementation, la Communauté a entendu mettre en oeuvre une obligation particulière assumée dans le cadre du GATT, à savoir de convenir avec les pays tiers concernés de compensations mutuelles satisfaisantes pour tenir compte de l'augmentation de certains droits de douane résultant de l'application par les nouveaux États
membres du tarif douanier commun, cette obligation doit être considérée comme remplie et ne peut donc pas servir de base pour apprécier la légalité du règlement, dès lors que la Communauté et les pays tiers sont parvenus aux accords prémentionnés.

Il n'apparaît, par ailleurs, pas que le système de gestion prévu par les articles 3 et 4 ou le régime d'intervention prévu à l'article 9 du règlement ont méconnu le principe de proportionnalité, pas plus que le régime d'intervention est entaché d'un défaut de motivation ou constitutif d'un détournement de pouvoir.

Parties

Dans l'affaire C-352/96,

République italienne, représentée par M. le professeur Umberto Leanza, chef du service du contentieux diplomatique du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, assisté de M. Danilo Del Gaizo, avvocato dello Stato, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade d'Italie, 5, rue Marie-Adélaïde,

partie requérante,

contre

Conseil de l'Union européenne, représenté par M. Antonio Tanca, conseiller juridique, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Alessandro Morbilli, directeur général de la direction des affaires juridiques de la Banque européenne d'investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer,

partie défenderesse,

ayant pour objet l'annulation du règlement (CE) no 1522/96 du Conseil, du 24 juillet 1996, portant ouverture et mode de gestion de certains contingents tarifaires d'importation de riz et de brisures de riz (JO L 190, p. 1), et, en particulier, des articles 3, 4 et 9 dudit règlement,

LA COUR

(sixième chambre),

composée de MM. P. J. G. Kapteyn, président de chambre, J. L. Murray (rapporteur), H. Ragnemalm, R. Schintgen et K. M. Ioannou, juges,

avocat général: M. J. Mischo,

greffier: M. R. Grass,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 28 avril 1998,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 25 octobre 1996, la République italienne a, en vertu de l'article 173, premier alinéa, du traité CE, demandé l'annulation des articles 3, 4 et 9 du règlement (CE) no 1522/96 du Conseil, du 24 juillet 1996, portant ouverture et mode de gestion de certains contingents tarifaires d'importation de riz et de brisures de riz (JO L 190, p. 1, ci-après le «règlement»).

2 Après l'adhésion de la république d'Autriche, de la république de Finlande et du royaume de Suède à la Communauté européenne, cette dernière a mené des négociations avec des pays tiers au titre de l'article XXIV, paragraphe 6, de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (ci-après le «GATT»), et, en particulier, des points 5 et suivants du mémorandum d'accord sur l'interprétation de l'article XXIV de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (ci-après le
«mémorandum d'accord»), afin de convenir avec ces pays de certaines compensations requises en raison de l'augmentation de certains taux des droits de douane résultant de l'application, par les trois pays adhérents, du tarif douanier commun.

3 Le point 5 du mémorandum d'accord prévoit, notamment, que

«Ces négociations seront engagées de bonne foi en vue d'arriver à des compensations mutuellement satisfaisantes...»

4 Suite auxdites négociations, la Communauté a conclu des accords avec le Commonwealth d'Australie et le royaume de Thaïlande, lesquels ont été approuvés par la décision 95/592/CE du Conseil, du 22 décembre 1995 (JO L 334, p. 38). Le règlement a été adopté en application des accords précités.

5 En vertu de l'article 1er, paragraphe 1, sous a), du règlement et conformément aux accords précités, les contingents tarifaires annuels de 63 000 tonnes de riz blanchi ou semi-blanchi sont ouverts à l'importation dans la Communauté à droit zéro. Pour ce qui est de l'Australie et de la Thaïlande, l'article 1er, paragraphe 3, du règlement prévoit que ce contingent est ventilé à raison de, respectivement, 1 019 tonnes et 21 455 tonnes.

6 S'agissant de ces deux pays, un régime de gestion desdits contingents est établi par les articles 3 et 4 du règlement. L'article 3 prévoit que les certificats d'importation de riz et de brisures de riz sont délivrés aux opérateurs en possession d'un certificat d'exportation obtenu dans le pays d'origine. Le premier paragraphe de cet article dispose que:

«Lorsque la demande du certificat d'importation porte sur le riz et les brisures de riz originaires de Thaïlande, ainsi que sur le riz originaire d'Australie dans le cadre des quantités visées à l'article 1er, elle doit être accompagnée d'un certificat pour l'exportation établi conformément au modèle figurant respectivement aux annexes I et II et délivré par l'organisme compétent des pays indiqué dans les mêmes annexes.»

7 L'article 4 prévoit les modalités selon lesquelles lesdits certificats d'importation sont octroyés par les autorités compétentes de l'État membre concerné.

8 L'article 9 dispose que:

«1. La Commission contrôle les quantités de marchandises importées au titre du présent règlement afin d'établir notamment:

- dans quelle mesure les flux traditionnels des échanges, en termes de volume et de présentation, vers la Communauté élargie ont été sensiblement modifiés

et

- s'il y a subvention croisée entre les exportations bénéficiant directement du présent règlement et les exportations soumises aux droits qui s'appliquent normalement à l'importation.

2. Si l'un ou l'autre des critères énoncés au paragraphe 1 est rempli, et notamment si les importations de riz en paquets de cinq kilogrammes ou moins sont supérieures au chiffre de 33 428 tonnes, et en tout cas sur une base annuelle, la Commission soumet au Conseil un rapport accompagné, le cas échéant, de propositions appropriées afin d'éviter une désorganisation dans le secteur communautaire du riz.»

9 La République italienne estime que les articles 3 et 4 du règlement sont contraires à l'article XXIV, paragraphe 6, du GATT, à l'accord conclu avec le Commonwealth d'Australie et à la décision 95/592 portant approbation de celui-ci, à l'article 43 du traité CE, ainsi qu'au principe général de proportionnalité. Elle estime également que l'article 9 n'est pas suffisamment motivé et qu'il est, en outre, contraire à l'article XXIV, paragraphe 6, du GATT, à l'article 43 du traité, ainsi qu'au principe
général de proportionnalité, et, enfin, qu'il constitue un détournement de pouvoir.

Sur les moyens invoqués à l'encontre des articles 3 et 4

10 En vertu des articles 3 et 4 du règlement, les certificats d'importation sont délivrés uniquement aux opérateurs titulaires d'un certificat d'exportation obtenu dans le pays d'origine, ceux-ci devant joindre ce certificat à la demande d'obtention du titre d'importation.

11 Le gouvernement italien soutient qu'une solution mutuellement satisfaisante, au sens de l'article XXIV, paragraphe 6, du GATT, ne peut exister lorsque, comme en l'espèce, les pays tiers tirent de l'élargissement de la Communauté des avantages particuliers sans que des compensations adéquates existent.

12 Par ailleurs, selon le gouvernement italien, le mode de gestion des contingents tarifaires visé par les articles 3 et 4 n'ayant pas été prévu dans l'accord conclu avec le Commonwealth d'Australie, et ce contrairement à l'accord conclu avec le royaume de Thaïlande, il n'est donc pas justifié en ce qui concerne l'Australie et le règlement est, de ce fait, contraire à la décision 95/592 approuvant ces accords.

13 En outre, le gouvernement italien fait valoir qu'un tel système de gestion attribue aux pays en question un avantage qui est contraire au principe général de proportionnalité puisque les exportateurs du pays tiers se voient reconnaître le pouvoir de gérer l'exportation du contingent tarifaire convenu. Il considère aussi que ledit avantage indique que le Conseil n'a manifestement pas cherché à prendre une mesure appropriée par rapport aux exigences de la politique agricole commune.

14 Le Conseil rappelle, tout d'abord, en ce qui concerne l'article XXIV, paragraphe 6, du GATT, que, en principe, les particularités du GATT s'opposent à ce que la Cour prenne en considération les dispositions de celui-ci pour apprécier la légalité d'un règlement dans le cadre d'un recours introduit par un État membre au titre de l'article 173, premier alinéa, du traité (voir arrêt du 5 octobre 1994, Allemagne/Conseil, C-280/93, Rec. p. I-4973, points 106 à 109).

15 A titre subsidiaire, il soutient que l'article XXIV, paragraphe 6, du GATT, disposition qui impose l'obligation de négocier de bonne foi afin de parvenir à une solution mutuellement satisfaisante, n'établit aucun autre critère en vertu duquel il conviendrait d'apprécier le résultat des négociations.

16 Quant à l'argument selon lequel le mode de gestion visé par cette disposition serait injustifié en ce qui concerne le Commonwealth d'Australie, dès lors qu'il n'a pas été prévu par l'accord conclu avec ce pays, le Conseil souligne que la Communauté exerce un pouvoir discrétionnaire dans la gestion des contingents tarifaires. Par ailleurs, le mode de gestion incriminé ne pourrait être contraire ni à l'article XXIV, paragraphe 6, du GATT ni à l'accord conclu avec le Commonwealth d'Australie dans la
mesure où ceux-ci ne prévoient aucune disposition pour le cas où l'une des parties, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, souhaiterait accorder à l'autre des avantages supplémentaires par rapport à ceux prévus par l'accord convenu.

17 S'agissant de la prétendue violation du principe de proportionnalité, le Conseil fait observer que l'octroi aux exportateurs australiens d'un avantage identique à celui réservé aux exportateurs thaïlandais est motivé par la nécessité de ne pas assurer aux premiers un traitement moins favorable que celui accordé aux exportateurs thaïlandais, cette nécessité découlant du cadre général des relations avec ce pays. Il s'ensuit que la mesure en cause semble parfaitement adéquate pour atteindre
l'objectif en vue duquel elle a été adoptée.

18 Enfin, en ce qui concerne la violation de l'article 43 du traité, le Conseil considère que la partie requérante ne fournit aucune argumentation à l'appui de la thèse selon laquelle le règlement contesté violerait cette disposition.

19 A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, lorsque la Communauté a entendu donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre du GATT ou que l'acte communautaire renvoie expressément à des dispositions précises du GATT, la Cour est tenue de contrôler la légalité de cet acte à la lumière desdites règles (voir, notamment, arrêt du 5 octobre 1994, Allemagne/Conseil, précité, point 111).

20 Il convient, en outre, de souligner que, en adoptant le règlement en application des accords conclus avec des pays tiers à la suite des négociations menées sur la base de l'article XXIV, paragraphe 6, du GATT, la Communauté a entendu mettre en oeuvre une obligation particulière assumée dans le cadre du GATT.

21 Il s'ensuit que la Cour est tenue de contrôler la légalité du règlement en cause au regard des règles du GATT dont la partie requérante allègue la violation. Il s'agit, dans le cas d'espèce, de l'article XXIV, paragraphe 6, du GATT et des points 5 et suivants du mémorandum d'accord.

22 Comme il ressort du libellé même du point 5 du mémorandum d'accord, les parties sont tenues de parvenir à des «compensations mutuellement satisfaisantes». La notion de «compensations mutuellement satisfaisantes» ne constitue pas en elle-même un critère objectif et l'obligation de parvenir à un accord mutuellement satisfaisant doit être considérée comme remplie dès lors qu'un accord comportant une solution est conclu par les parties concernées.

23 Il s'ensuit que, dès lors que les mêmes parties sont parvenues à un accord sur la question des compensations mutuellement satisfaisantes, l'obligation visée par l'article XXIV, paragraphe 6, du GATT doit être considérée comme remplie et ne peut donc pas servir de base pour apprécier la légalité du règlement. Il y a donc lieu de rejeter cet argument.

24 S'agissant de l'argument selon lequel, en ce qui concerne le Commonwealth d'Australie, le mode de gestion des contingents tarifaires visé par le règlement serait contraire à l'accord conclu avec ce pays et à la décision 95/592 approuvant cet accord, il importe de relever que, même si celui-ci n'imposait pas au Conseil de prévoir la mise en place du système des certificats d'exportation, il ne l'interdisait pas non plus. Par ailleurs, il ressort du sixième considérant du règlement que le système
de gestion attaqué a été introduit notamment en vue d'assurer l'efficacité de la mise en oeuvre dudit accord en ce qui concerne certains contingents tarifaires d'importation de riz et de brisures de riz. Dès lors, le système de gestion visé par le règlement ne viole ni l'accord avec le Commonwealth d'Australie ni la décision portant approbation de celui-ci.

25 En ce qui concerne la prétendue violation du principe général de proportionnalité par les articles 3 et 4 du règlement en cause, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence constante de la Cour, afin d'établir si une disposition de droit communautaire est conforme à ce principe, il importe de vérifier si les moyens qu'elle met en oeuvre sont aptes à réaliser l'objectif visé et s'ils ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre (voir, notamment, arrêt du 9 novembre 1995,
Allemagne/Conseil, C-426/93, Rec. p. I-3723, point 42).

26 Il convient de relever que, ainsi qu'il ressort des premier, huitième et neuvième considérants, l'objectif du règlement est d'assurer le maintien des flux traditionnels de commerce vers la Communauté élargie tout en évitant des subventions croisées entre les exportations bénéficiant directement du règlement contesté et celles soumises aux droits ordinaires. En outre, le but du régime de gestion attaqué, selon les troisième et sixième considérants, est de régler la gestion des contingents accordés
à la suite des accords avec les pays tiers en question en tenant compte des fournisseurs traditionnels.

27 Il y a donc lieu d'apprécier si le système de gestion mis en oeuvre s'accorde avec l'objectif ainsi décrit et s'il est nécessaire pour l'atteindre.

28 A cet égard, il ne fait pas de doute que les autorités du pays d'exportation sont les mieux placées pour déterminer quels étaient, dans ces pays, les fournisseurs traditionnels de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède, et pour veiller à ce que ceux-ci reçoivent les certificats d'exportations nécessaires au maintien du courant d'échange traditionnel.

29 Il importe également d'observer que ledit système de gestion se situe dans le cadre d'un système communautaire de surveillance et de contrôle visé par l'article 9 du règlement.

30 Par ailleurs, comme M. l'avocat général l'a relevé à juste titre au point 32 de ses conclusions, l'avantage accordé ne saurait être considéré comme ayant une importance telle que les articles 3 et 4 du règlement seraient disproportionnés par rapport à l'objectif poursuivi, à savoir celui de régler la gestion des contingents tarifaires accordés par les accords conclus avec les pays tiers en question.

31 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que le système de gestion prévu par les articles 3 et 4 du règlement ne saurait être considéré comme ayant méconnu le principe général de proportionnalité.

32 Enfin, s'agissant de la prétendue violation de l'article 43 du traité, la partie requérante n'apporte aucune précision à l'appui du moyen selon lequel les dispositions en cause montreraient que le Conseil n'a manifestement pas cherché à prendre une mesure appropriée par rapport aux exigences de la politique agricole commune.

33 Il y a donc lieu de conclure que l'examen des articles 3 et 4 du règlement, au regard des moyens soulevés par le gouvernement italien, n'a pas révélé d'éléments mettant en cause sa validité.

Sur les moyens invoqués à l'encontre de l'article 9

34 S'agissant de l'article 9 du règlement en cause, le gouvernement italien soutient qu'il est dépourvu de la motivation nécessaire en ce qui concerne les critères et les données sur la base desquels le Conseil a estimé devoir fixer le seuil des importations de riz en paquets de 5 kilogrammes ou moins à 33 428 tonnes.

35 Le gouvernement italien considère, en outre, que la fixation du seuil précité est contraire à l'article XXIV, paragraphe 6, du GATT, ainsi qu'au principe général de proportionnalité. D'une part, la quantité fixée serait supérieure à celle qui aurait été nécessaire pour maintenir les flux traditionnels des échanges. D'autre part, elle dépasserait le niveau de ce qui aurait été nécessaire pour éviter de conférer un avantage concurrentiel indu aux exportateurs habituels de certains pays tiers par
rapport aux entreprises communautaires. Il ajoute que la disposition est le fruit d'un défaut de prise en considération du caractère adéquat de la mesure par rapport aux exigences de la politique agricole commune.

36 Le gouvernement italien soutient, par ailleurs, que le choix du chiffre des importations mentionné ci-dessus poursuit des fins différentes de celles liées à l'adoption du règlement, constituant de ce fait un détournement de pouvoir entachant le règlement.

37 En ce qui concerne le prétendu défaut de motivation, le Conseil considère que le raisonnement qui sous-tend l'édiction de l'article 9 apparaît clairement dans les considérants du règlement.

38 Les observations du Conseil relatives aux prétendues violations de l'article XXIV, paragraphe 6, du GATT, de l'article 43 du traité et du principe général de proportionnalité, déjà exposées aux points 14, 15, 17 et 18 du présent arrêt, à propos des articles 3 et 4 du règlement, sont également applicables à l'article 9. S'agissant du principe de proportionnalité, le Conseil ajoute que le seuil visé à l'article 9 constitue une garantie qui accroît la protection des opérateurs communautaires. Quant
au choix du seuil de 33 428 tonnes, le Conseil relève qu'il correspond à la somme, majorée de 10 %, des quantités de riz en paquets de 5 kilogrammes ou moins importées annuellement par les trois pays adhérents dans les années qui ont immédiatement précédé leur adhésion.

39 Enfin, le Conseil ne voit pas en quoi consiste le prétendu détournement de pouvoir. L'adoption du règlement a clairement pour objet d'appliquer les accords conclus avec les pays tiers concernés, alors que l'article 9 fournit une garantie en vue d'éviter une éventuelle désorganisation dans le secteur communautaire du riz.

40 S'agissant de l'insuffisance de motivation, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l'article 190 du traité doit être adaptée à la nature de l'acte en cause. Elle doit faire apparaître, d'une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l'institution communautaire, auteur de l'acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la Cour d'exercer son contrôle. Il résulte en outre de cette
jurisprudence que l'on ne saurait exiger que la motivation d'un acte spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents. En effet, la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 190 doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, en ce sens, les arrêts du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C-350/88, Rec. p. I-395, points 15 et
16, et du 5 mai 1998, Royaume-Uni/Commission, C-180/96, Rec. p. I-2265, point 70).

41 En l'espèce, il résulte des huitième et neuvième considérants du règlement que le Conseil a notamment motivé celui-ci par le désir de maintenir les courants d'échanges traditionnels vers la Communauté élargie, tout en estimant qu'il était nécessaire d'éviter des subventions croisées entre les exportations bénéficiant directement du règlement contesté et celles soumises aux droits ordinaires. Par ailleurs, comme M. l'avocat général l'a souligné au point 39 de ses conclusions, le Conseil n'était
pas tenu d'expliquer, dans les considérants, le mode de calcul utilisé pour obtenir le chiffre du seuil fixé à l'article 9. En fait, l'exigence de motivation des actes communautaires ne saurait aller si loin qu'elle obligerait le Conseil à préciser les modalités de calcul de chaque chiffre qu'il mentionne.

42 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que le Conseil a suffisamment motivé l'article 9 du règlement attaqué.

43 En ce qui concerne le principe de proportionnalité, il importe, afin d'établir si une disposition de droit communautaire est conforme à ce principe, de vérifier si les moyens qu'elle met en oeuvre sont aptes à réaliser l'objectif visé et s'ils ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre.

44 A cet égard, il convient de rappeler que l'objectif du règlement mis en cause est de mettre en oeuvre des accords conclus avec les pays tiers pour maintenir les flux traditionnels des échanges vers la Communauté élargie, tout en évitant des subventions croisées entre les exportations bénéficiant directement du règlement contesté et celles soumises aux droits ordinaires (voir point 26 du présent arrêt).

45 Par ailleurs, il résulte des pièces versées au dossier par le Conseil, à la demande de la Cour, que le chiffre en cause correspond à la moyenne, augmentée de 10 %, des importations effectuées au sein des trois nouveaux États membres au cours des années qui ont précédé leur adhésion.

46 Enfin, il y a lieu de souligner que l'article 9 ne limite pas les possibilités d'intervention de la Commission à l'hypothèse où le seuil prévu serait atteint. En effet, il prévoit que la Commission peut exercer son contrôle même lorsque les quantités importées ne dépassent pas cette limite et, notamment, si l'un ou l'autre des critères énoncés au paragraphe 1 dudit article est rempli.

47 Il s'ensuit que la quantité de 33 428 tonnes fixée par le Conseil ne saurait être considérée comme disproportionnée par rapport aux flux traditionnels que le règlement vise à sauvegarder.

48 Quant à l'argument tiré de l'incompatibilité de l'article 9 du règlement avec l'article XXIV, paragraphe 6, du GATT et avec le mémorandum d'accord, il y a lieu, pour les raisons déjà énoncées aux points 22 et 23 du présent arrêt, de le rejeter.

49 S'agissant du moyen tiré de la violation prétendue de l'article 43 du traité, il y a lieu de l'écarter pour le même motif que celui mentionné au point 31 du présent arrêt.

50 Enfin, pour ce qui est du prétendu détournement de pouvoir, il y a lieu de rappeler que la jurisprudence de la Cour définit le détournement de pouvoir comme l'adoption, par une institution communautaire, d'un acte dans le but exclusif, ou, tout au moins, déterminant, d'atteindre des fins autres que celles excipées ou d'éluder une procédure spécialement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l'espèce (voir, notamment, arrêt du 13 juillet 1995, Parlement/Commission, C-156/93, Rec. p.
I-2019, point 31).

51 Or, il convient de souligner que, en l'espèce, aucun élément du dossier ne permet d'affirmer que, en adoptant la disposition en cause, le Conseil a poursuivi un but autre que celui avancé dans les considérants du règlement. Par ailleurs, la partie requérante n'a produit aucun élément qui permettrait d'infirmer ce constat.

52 Il y a donc lieu de conclure que l'examen de l'article 9 du règlement, au regard des moyens soulevés par le gouvernement italien, n'a pas révélé d'éléments mettant en cause sa validité.

53 Il résulte de l'ensemble des développements qui précèdent que, aucun des moyens de la partie requérante n'étant susceptible d'être accueilli, le recours doit être rejeté.

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

54 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Le Conseil a conclu à la condamnation de la République italienne aux dépens. Cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR

(sixième chambre)

déclare et arrête:

55 Le recours est rejeté.

56 La République italienne est condamnée aux dépens.


Synthèse
Formation : Sixième chambre
Numéro d'arrêt : C-352/96
Date de la décision : 12/11/1998
Type de recours : Recours en annulation - non fondé

Analyses

Recours en annulation - Règlement (CE) nº 1522/96 - Ouverture et mode de gestion de certains contingents tarifaires d'importation de riz et de brisures de riz.

Union douanière

Tarif douanier commun

Relations extérieures

Politique commerciale

Libre circulation des marchandises

Agriculture et Pêche

Riz


Parties
Demandeurs : République italienne
Défendeurs : Conseil de l'Union européenne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mischo
Rapporteur ?: Murray

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1998:531

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