Avis juridique important
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61996J0144
Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 2 octobre 1997. - Office national des pensions (ONP) contre Maria Cirotti. - Demande de décision préjudicielle: Cour du travail de Bruxelles - Belgique. - Sécurité sociale - Articles 46 et 51 du règlement (CEE) nº 1408/71. - Affaire C-144/96.
Recueil de jurisprudence 1997 page I-05349
Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
Mots clés
Sécurité sociale des travailleurs migrants - Assurance vieillesse et décès - Prestations - Adaptation - Nouveau calcul de la fraction d'une prestation de vieillesse versée, en application de la législation nationale, au conjoint séparé en cas de revalorisation de la prestation d'invalidité perçue par l'intéressé au titre de la législation d'un autre État membre - Inadmissibilité
(Règlement du Conseil n_ 1408/71, art. 3, § 1, 46 et 51, § 1)
Sommaire
Les dispositions des articles 46 et 51, paragraphe 1, du règlement n_ 1408/71, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement n_ 2001/83, doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent à ce que la part d'une prestation de vieillesse d'un travailleur salarié accordée, en vertu de la
législation applicable dans un État membre, à son conjoint séparé soit recalculée à la baisse en fonction des revalorisations résultant de l'évolution générale de la situation économique et sociale dont a fait l'objet une prestation d'invalidité perçue par ledit conjoint au titre de la législation d'un autre État membre.
D'une part, en effet, l'article 51, paragraphe 1, s'applique non seulement dans l'hypothèse où la prestation qu'il est question de réduire en raison d'augmentations liées à l'indexation d'une autre prestation a été liquidée en application de l'article 46, mais aussi dans celle où la liquidation a été effectuée selon les dispositions nationales.
D'autre part, dès lors que la prestation accordée au conjoint séparé ne participe pas d'un régime visant à compenser l'insuffisance des ressources de l'intéressé, pour lui permettre de disposer d'un minimum légal garanti, l'application de l'article 51, paragraphe 1, n'apporte aucune perturbation dans le fonctionnement d'un tel régime.
Enfin, l'application de l'article 51, paragraphe 1, ne saurait, au motif qu'elle peut avantager l'intéressé, dont la prestation ne peut être recalculée, se voir opposer l'article 3, paragraphe 1, du règlement n_ 1408/71, lequel ne prévoit pas l'égalité de traitement entre conjoints ni ne s'oppose à l'application d'une législation nationale qui défavoriserait les travailleurs non migrants par rapport aux travailleurs migrants.
Parties
Dans l'affaire C-144/96,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, par la cour du travail de Bruxelles et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre
Office national des pensions (ONP)
et
Maria Cirotti,
une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 46 et 51 du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté (JO L 149, p. 2), dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CEE) no 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983 (JO L 230, p. 6),
LA COUR
(sixième chambre),
composée de MM. G. F. Mancini, président de chambre, J. L. Murray (rapporteur), P. J. G. Kapteyn, G. Hirsch et H. Ragnemalm, juges,
avocat général: M. F. G. Jacobs,
greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,
considérant les observations écrites présentées:
- pour l'Office national des pensions (ONP), par M. Gabriel Perl, administrateur général,
- pour Mme Cirotti, par Mes Jules Raskin, avocat au barreau de Liège, et Franco Agostini, avocat au barreau de Rome,$
- pour la Commission des Communautés européennes, par Mme Maria Patakia et M. Peter Hillenkamp, membres du service juridique, en qualité d'agents,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les observations orales de l'Office national des pensions, représenté par M. Jean-Paul Lheureux, conseiller adjoint, de Mme Cirotti, représentée par Me Jules Raskin, et de la Commission, représentée par Mme Maria Patakia, à l'audience du 6 février 1997,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 20 mars 1997,
rend le présent
Arrêt
Motifs de l'arrêt
1 Par un arrêt du 25 avril 1996, parvenu à la Cour le 3 mai suivant, la cour du travail de Bruxelles a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE, une question préjudicielle sur l'interprétation des articles 46 et 51 du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté (JO L 149, p. 2), dans sa version
modifiée et mise à jour par le règlement (CEE) no 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983 (JO L 230, p. 6, ci-après le «règlement no 1408/71»).
2 Cette question a été soulevée dans le cadre d'un litige opposant Mme Cirotti à l'Office national des pensions (ci-après l'«ONP») à propos du calcul de la part de la pension de retraite de travailleur salarié de son mari à laquelle la législation belge lui donne droit.
3 Mme Cirotti est de nationalité italienne. Elle est titulaire d'une pension d'invalidité en Italie. A partir du mois de juillet 1981, elle a obtenu en Belgique une part de la pension de retraite de travailleur salarié de son mari dont elle était séparée de fait, sur le fondement de l'article 74, paragraphe 2, de l'arrêté royal belge du 21 décembre 1967 portant règlement général du régime de pension de retraite et de survie des travailleurs salariés, tel que modifié par l'arrêté royal du 3 décembre
1970 (Moniteur belge du 23 décembre 1970).
4 Dans sa version en vigueur au 1er juillet 1981, cette disposition prévoyait:
«L'épouse séparée de corps ou de fait peut obtenir le paiement d'une part de la pension de retraite de son mari pour autant:
a) qu'elle n'ait pas été déchue de la puissance paternelle ni condamnée pour avoir attenté à la vie de son époux;
b) que sa résidence éventuelle à l'étranger ne fasse pas obstacle au paiement de la pension de travailleur salarié;
c) qu'elle ait cessé toute activité professionnelle autre que celle autorisée au sens de l'article 64 et qu'elle ne jouisse pas d'une indemnité pour cause de maladie, d'invalidité ou de chômage involontaire par application d'une législation belge ou étrangère de sécurité sociale, à l'exception de celle relative aux estropiés et mutilés;
d) qu'elle ne jouisse pas d'une pension de retraite ou de survie belge ou étrangère ou d'un avantage en tenant lieu ou d'une allocation d'estropiée ou de mutilée d'un montant tel que l'application du paragraphe 4 n'aboutisse à aucun prélèvement en sa faveur sur la pension du mari.»
5 Tel que modifié par l'arrêté royal du 21 mai 1991 (Moniteur belge du 27 juin 1991), cet article dispose:
«Le conjoint séparé de corps ou de fait peut obtenir le paiement d'une part de la pension de retraite de son conjoint pour autant:
a) qu'il n'ait pas été déchu de la puissance paternelle ni condamné pour avoir attenté à la vie de son conjoint;
b) que sa résidence à l'étranger ou l'application de l'article 70 ne fasse pas obstacle au paiement de la pension de travailleur salarié;
c) qu'il ait cessé toute activité professionnelle autre que celle qui est autorisée au sens de l'article 64 et qu'il ne jouisse pas d'une indemnité pour cause de maladie, d'invalidité ou de chômage involontaire par application d'une législation belge ou étrangère de sécurité sociale ni d'une allocation pour cause d'interruption de carrière ou de réduction des prestations de travail;
d) qu'il ne jouisse pas d'une pension de retraite ou de survie ou d'un avantage en tenant lieu, en vertu d'un régime belge, en vertu d'un régime d'un pays étranger ou en vertu d'un régime applicable au personnel d'une institution de droit international public, d'un montant tel que l'application des paragraphes 3 et 4 n'aboutisse à aucun prélèvement en sa faveur sur la pension de son conjoint.»
6 Il ressort du dossier que, par une décision du 21 décembre 1988, l'ONP a réduit le montant des prestations versées à Mme Cirotti en vertu des dispositions précitées afin de tenir compte des augmentations dont sa pension italienne avait fait l'objet depuis 1981, lesquelles augmentations sont apparemment liées à l'indexation.
7 Par requête du 17 janvier 1989, Mme Cirotti a contesté cette décision de l'ONP devant le tribunal du travail de Bruxelles qui, par jugement du 17 juin 1993, lui a donné raison en transposant dans le présent cas l'interprétation dégagée par la Cour dans l'arrêt du 20 mars 1991, Cassamali (C-93/90, Rec. p. I-1401). Dans cet arrêt, la Cour a dit pour droit que, lorsque, en vertu de règles anticumul nationales, la pension versée à un travailleur par un État membre a été liquidée à un montant tel que,
cumulé avec celui d'une prestation, quelle qu'en soit la nature, versée par un autre État membre, il ne dépasse pas un certain plafond, ni l'article 51, paragraphe 1, du règlement no 1408/71 ni aucune disposition du droit communautaire ne permettent de modifier le montant de cette pension en vue de ne pas dépasser le plafond, en cas de variations ultérieures de l'autre prestation intervenues en raison de l'évolution générale de la situation économique et sociale.
8 Par requête du 9 juillet 1993, l'ONP a interjeté appel de ce jugement devant la cour du travail de Bruxelles. Dans le cadre de ce recours, l'organisme belge reproche au juge de première instance d'avoir procédé à un raisonnement par analogie. En effet, selon l'ONP, le droit du conjoint à une part de la pension de retraite octroyée au travailleur salarié, qui fait l'objet du litige au principal, s'apparente non à une pension de survie personnelle, mais à un revenu garanti. Cette part devrait par
conséquent être évaluée en tenant compte de l'évolution des ressources du conjoint et varier en fonction des autres avantages de sécurité sociale perçus, le cas échéant, dans un autre État membre.
9 L'ONP ajoute que l'application par analogie de la solution retenue dans l'arrêt Cassamali engendrerait une inégalité de ressources entre conjoints, le bénéficiaire de la quote-part de la pension de retraite voyant ses ressources globalement augmenter en cas de majoration de la prestation qu'il perçoit, à titre personnel, dans un autre État membre. Ce résultat serait contraire à l'article 3, paragraphe 1, du règlement no 1408/71.
10 Cette disposition prévoit:
«Les personnes qui résident sur le territoire de l'un des États membres et auxquelles les dispositions du présent règlement sont applicables sont soumises aux obligations et sont admises au bénéfice de la législation de tout État membre dans les mêmes conditions que les ressortissants de celui-ci, sous réserve de dispositions particulières contenues dans le présent règlement.»
11 Quant à l'article 46 du règlement no 1408/71, relatif à la liquidation des pensions de vieillesse, il énonce pour sa part:
«1. L'institution compétente de chacun des États membres à la législation desquels le travailleur salarié ou non salarié a été soumis et dont les conditions requises pour l'ouverture du droit aux prestations sont satisfaites sans qu'il soit nécessaire de faire application des dispositions de l'article 45 et/ou de l'article 40, paragraphe 3, détermine, selon les dispositions de la législation qu'elle applique, le montant de la prestation correspondant à la durée totale des périodes d'assurance ou de
résidence à prendre en compte en vertu de cette législation.
Cette institution procède aussi au calcul du montant de prestation qui serait obtenu par application des règles prévues au paragraphe 2, sous a) et b). Le montant le plus élevé est seul retenu.
2. L'institution compétente de chacun des États membres à la législation desquels le travailleur salarié ou non salarié a été assujetti applique les règles suivantes si les conditions requises pour l'ouverture du droit aux prestations ne sont remplies que compte tenu de l'article 45 et/ou de l'article 40, paragraphe 3:
a) l'institution calcule le montant théorique de la prestation à laquelle l'intéressé pourrait prétendre si toutes les périodes d'assurance et de résidence accomplies sous les législations des États membres auxquelles a été soumis le travailleur salarié ou non salarié avaient été accomplies dans l'État membre en cause et sous la législation qu'elle applique à la date de la liquidation de la prestation. Si, selon cette législation, le montant de la prestation est indépendant de la durée des périodes
accomplies, ce montant est considéré comme le montant théorique visé au présent alinéa;
b) l'institution établit ensuite le montant effectif de la prestation sur la base du montant théorique visé à l'alinéa précédent, au prorata de la durée des périodes d'assurance ou de résidence accomplies avant la réalisation du risque sous la législation qu'elle applique, par rapport à la durée totale des périodes d'assurance et de résidence accomplies avant la réalisation du risque sous les législations de tous les États membres en cause;
c) si la durée totale des périodes d'assurance et de résidence accomplies, avant la réalisation du risque, sous les législations de tous les États membres en cause est supérieure à la durée maximale requise par la législation d'un de ces États pour le bénéfice d'une prestation complète, l'institution compétente de cet État prend en considération cette durée maximale au lieu de la durée totale desdites périodes pour l'application des dispositions du présent paragraphe; cette méthode de calcul ne peut
avoir pour effet d'imposer à ladite institution la charge d'une prestation d'un montant supérieur à celui de la prestation complète prévue par la législation qu'elle applique;
d) pour l'application des règles de calcul visées au présent paragraphe, les modalités de prise en compte des périodes qui se superposent sont fixées dans le règlement d'application visé à l'article 98.
3. L'intéressé a droit, dans la limite du plus élevé des montants théoriques de prestations calculées selon les dispositions du paragraphe 2, sous a), à la somme des prestations calculées conformément aux dispositions des paragraphes 1 et 2.
Pour autant que le montant visé à l'alinéa précédent soit dépassé, chaque institution qui applique le paragraphe 1 corrige sa prestation d'un montant correspondant au rapport entre le montant de la prestation considérée et la somme des prestations déterminées selon les dispositions du paragraphe 1.
4. Lorsque, en matière de pensions ou rentes d'invalidité, de vieillesse ou de survie, la somme des prestations due par deux ou plusieurs États membres en application des dispositions d'une convention multilatérale de sécurité sociale visée à l'article 6, sous b), est inférieure à la somme qui serait due par ces États membres en application des dispositions des paragraphes 1 à 3, l'intéressé bénéficie des dispositions du présent chapitre.»
12 L'article 51 du règlement no 1408/71 prévoit:
«1. Si, en raison de l'augmentation du coût de la vie, de la variation du niveau des salaires ou d'autres causes d'adaptation, les prestations des États concernés sont modifiées d'un pourcentage ou montant déterminé, ce pourcentage ou montant doit être appliqué directement aux prestations établies conformément à l'article 46, sans qu'il y ait lieu de procéder à un nouveau calcul selon ledit article.
2. Par contre, en cas de modification du mode d'établissement ou des règles de calcul des prestations, un nouveau calcul est effectué conformément à l'article 46.»
13 Estimant que la solution du litige pendant devant elle dépendait de l'interprétation du règlement no 1408/71, et en particulier de ses articles 46 et 51, la juridiction nationale a décidé de surseoir à statuer pour poser à la Cour la question préjudicielle suivante:
«Les articles 46 et 51 du règlement (CEE) no 1408/71 doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils sont applicables en cas de cumul d'une prestation d'invalidité liquidée en vertu de la législation d'un État membre et d'une prestation de vieillesse accordant au conjoint séparé de fait une part de la prestation de vieillesse de travailleur salarié due au conjoint dont il est séparé et liquidée en vertu de la législation d'un autre État membre, cette application fût-elle de nature à avantager le
travailleur migrant par rapport au travailleur qui ne l'est pas, alors que l'article 3, paragraphe 1, du règlement précité prévoit l'égalité de traitement de tous les ressortissants des États membres?»
14 Par sa question, la juridiction de renvoi cherche en substance à savoir si les dispositions des articles 46 et 51, paragraphe 1, du règlement no 1408/71 doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent à ce que la part d'une prestation de vieillesse d'un travailleur salarié octroyée, en vertu de la législation applicable dans un État membre, à son conjoint séparé soit recalculée en fonction des revalorisations résultant de l'évolution générale de la situation économique et sociale dont a
fait l'objet une prestation d'invalidité perçue par ledit conjoint au titre de la législation d'un autre État membre.
15 Il convient, à titre liminaire, d'observer qu'il ressort du dossier que la prestation dont le calcul est en cause dans l'affaire au principal consiste en une part de la pension de vieillesse d'un travailleur salarié qui est octroyée à son conjoint séparé de fait de celui-ci et qu'elle n'est en outre accordée que moyennant respect de conditions analogues à celles qui régissent l'octroi des pensions de vieillesse personnelles et notamment à la condition que le conjoint dont émane la demande ait,
sous certaines réserves, cessé toute activité professionnelle.
16 Par suite, une telle prestation doit être considérée comme une «prestation de vieillesse» au sens du règlement no 1408/71 et les droits de son bénéficiaire doivent, selon l'article 44 de ce règlement, être établis conformément aux dispositions du chapitre 3 du titre III du règlement, dont font partie les articles 46 et 51.
17 Il y a lieu ensuite de souligner que, pour calculer le montant de prestations de vieillesse dues à un travailleur qui a été soumis à la législation de deux ou plusieurs États membres, l'institution compétente de chacun de ces États doit établir une comparaison entre le montant dû en vertu de la seule législation nationale, y compris ses règles anticumul, et celui résultant de l'application de l'article 46 du règlement no 1408/71. Pour la liquidation de chacune des prestations, le travailleur doit
bénéficier de celui des deux régimes qui lui est le plus favorable (voir, notamment, arrêt du 21 mars 1990, Ravida, C-85/89, Rec. p. I-1063, point 18).
18 Ainsi que la Cour l'a relevé dans l'arrêt du 2 février 1982, Sinatra (7/81, Rec. p. 137, point 8), toute modification ultérieure de l'une des prestations impliquerait en principe de procéder, pour chacune des prestations, à une nouvelle comparaison entre le régime national et le régime communautaire, afin de déterminer lequel serait, à la suite de la modification intervenue, le plus favorable au travailleur.
19 Toutefois, la Cour a précisé dans le même arrêt, points 9 et 10, que, en vue de réduire la charge administrative que représenterait le réexamen de la situation du travailleur pour toute modification des prestations perçues, l'article 51, paragraphe 1, du règlement no 1408/71 exclut de procéder à un nouveau calcul des prestations conformément à l'article 46 et donc à une nouvelle comparaison entre le régime national et le régime communautaire lorsque la modification procède d'événements étrangers
à la situation individuelle du travailleur et est la conséquence de l'évolution générale de la situation économique et sociale.
20 L'ONP soutient néanmoins que l'article 51, paragraphe 1, du règlement no 1408/71 ne saurait s'appliquer dans un cas tel que celui de l'espèce au principal au motif que le montant de la pension de vieillesse du travailleur salarié, dont une part est accordée à son conjoint séparé de fait, a été calculé sur la seule base de la législation belge plus favorable que l'article 46, paragraphe 2.
21 A cet égard, il suffit de relever qu'il résulte de l'arrêt Cassamali, précité, point 20, que l'article 51, paragraphe 1, trouve à s'appliquer même dans l'hypothèse où la prestation qu'il est question de réduire en raison d'augmentations liées à l'indexation d'une autre prestation a été liquidée en application des dispositions nationales et non selon l'article 46.
22 Pour contester l'application de l'article 51, paragraphe 1, l'ONP invoque également l'arrêt du 22 avril 1993, Levatino (C-65/92, Rec. p. I-2005), prononcé dans le cadre d'un litige portant sur la prise en considération des revalorisations d'une pension italienne liées à l'évolution du coût de la vie pour le calcul du revenu garanti aux personnes âgées institué par la législation belge.
23 Dans cette affaire, la Cour a considéré que, si les dispositions des articles 46 et 51, paragraphe 2, du règlement no 1408/71 étaient applicables à la détermination et à l'adaptation du montant d'une prestation telle que le revenu garanti aux personnes âgées, il en allait différemment pour celles de l'article 51, paragraphe 1.
24 Selon l'ONP, la même conclusion s'impose à l'égard des droits des conjoints séparés institués par la législation belge.
25 Comme l'a relevé M. l'avocat général au point 24 de ses conclusions, le raisonnement suivi par la Cour dans l'arrêt Levatino est fondé sur les particularités du revenu garanti aux personnes âgées et n'est dès lors pas transposable à la prestation en cause dans l'affaire au principal.
26 Ainsi, après avoir constaté que l'objectif du revenu garanti est de compenser l'insuffisance des ressources de l'intéressé de manière à lui permettre d'atteindre le minimum de ressources garanti par la loi (point 34), la Cour a estimé que l'application des dispositions de l'article 51, paragraphe 1, conduirait à ne pas tenir compte de l'accroissement des ressources qui résulte pour l'intéressé de la revalorisation de sa pension étrangère et à faire bénéficier systématiquement celui-ci d'un
montant de ressources supérieur au revenu minimal garanti par la loi (point 35).
27 Dans le même arrêt, la Cour a ajouté que l'application de l'article 51, paragraphe 1, ne se bornerait pas à avantager le travailleur migrant, mais dénaturerait l'objet de la prestation du revenu garanti et bouleverserait le système de la législation nationale en cause (point 36).
28 Dans un cas tel que celui de l'espèce au principal, il ne saurait être soutenu que l'application de l'article 51, paragraphe 1, au calcul de la prestation en cause aurait pour effet d'en dénaturer l'objet et de bouleverser le système de la législation belge, celle-ci n'ayant pas pour but, à la différence du revenu garanti aux personnes âgées, de compenser l'insuffisance des ressources de l'intéressé de manière à lui permettre d'atteindre le minimum de ressources garanti par le droit belge.
29 Enfin, l'ONP affirme que l'application de l'article 51, paragraphe 1, engendrerait en l'espèce une violation de l'article 3, paragraphe 1, du règlement no 1408/71, du fait que l'un des conjoints séparés bénéficierait alors d'un montant de ressources supérieur à celui de l'autre conjoint.
30 A cet égard, il y a lieu d'observer qu'il ressort du libellé de l'article 3, paragraphe 1, que cette disposition ne vise pas à établir une égalité de traitement entre conjoints.
31 Relativement à la même disposition, le juge de renvoi se demande si l'application de l'article 51, paragraphe 1, à un cas tel que celui de l'espèce au principal ne serait pas de nature à avantager le travailleur migrant par rapport au travailleur national.
32 A cet égard, il convient d'observer, d'une part, que l'article 3, paragraphe 1, vise l'égalité entre les ressortissants d'un État membre et les ressortissants des autres États membres. En revanche, il ne s'oppose pas à l'application d'une législation nationale qui défavoriserait les travailleurs non migrants par rapport aux travailleurs migrants.
33 Par ailleurs, il résulte de l'arrêt du 13 octobre 1977, Mura (22/77, Rec. p. 1699), que l'argument, selon lequel l'application des règles communautaires relatives à la coordination des régimes de sécurité sociale conduirait à favoriser les travailleurs migrants par rapport aux travailleurs n'ayant jamais quitté leur pays, est dépourvu de pertinence, une discrimination ne pouvant être relevée lorsque des règles différentes sont appliquées dans des situations légales qui ne sont pas comparables. En
outre, de telles différences de traitement, lorsqu'elles existent, sont le résultat de l'absence de régime commun de sécurité sociale.
34 Il résulte de ce qui précède que les dispositions des articles 46 et 51, paragraphe 1, du règlement no 1408/71 doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent à ce que la part d'une prestation de vieillesse d'un travailleur salarié accordée, en vertu de la législation applicable dans un État membre, à son conjoint séparé soit recalculée en fonction des revalorisations résultant de l'évolution générale de la situation économique et sociale dont a fait l'objet une prestation d'invalidité
perçue par ledit conjoint au titre de la législation d'un autre État membre.
Décisions sur les dépenses
Sur les dépens
35 Les frais exposés par la Commission des Communautés européennes, qui a soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Dispositif
Par ces motifs,
LA COUR
(sixième chambre),
statuant sur la question à elle soumise par la cour du travail de Bruxelles, par arrêt du 25 avril 1996, dit pour droit:
Les dispositions des articles 46 et 51, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CEE) no 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983, doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent à ce que la part d'une prestation de
vieillesse d'un travailleur salarié accordée, en vertu de la législation applicable dans un État membre, à son conjoint séparé soit recalculée en fonction des revalorisations résultant de l'évolution générale de la situation économique et sociale dont a fait l'objet une prestation d'invalidité perçue par ledit conjoint au titre de la législation d'un autre État membre.