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13/03/1991 | CJUE | N°C-170/89

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 13 mars 1991., Bureau européen des unions de consommateurs contre Commission des Communautés européennes., 13/03/1991, C-170/89


Avis juridique important

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61989C0170

Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 13 mars 1991. - Bureau européen des unions de consommateurs contre Commission des Communautés européennes. - Procédure anti-dumping - Droit de prendre connaissance du dossier non confidentiel de la Commission. - Affaire C-17

0/89.
Recueil de jurisprudence 1991 page I-05709
édition spéciale s...

Avis juridique important

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61989C0170

Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 13 mars 1991. - Bureau européen des unions de consommateurs contre Commission des Communautés européennes. - Procédure anti-dumping - Droit de prendre connaissance du dossier non confidentiel de la Commission. - Affaire C-170/89.
Recueil de jurisprudence 1991 page I-05709
édition spéciale suédoise page I-00495
édition spéciale finnoise page I-00525

Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Le recours introduit par le Bureau européen des unions de consommateurs ( ci-après "BEUC "), sur lequel portent les présentes conclusions, vise à l' annulation d' une lettre de la Commission du 15 mars 1989 dont il me semble utile de rappeler le contenu intégral :

"En réponse à votre lettre télécopiée en date du 13 mars 1989, je regrette de devoir vous informer que, conformément à l' article 7, paragraphe 4, sous a ), du règlement ( CEE ) n 2423/88 du Conseil, le droit de prendre connaissance du dossier de la Commission et de tous les renseignements fournis par toute partie concernée est réservé aux plaignants, aux importateurs et aux exportateurs notoirement concernés, ainsi qu' aux représentants des pays exportateurs . En conséquence, je ne puis accéder à
votre demande .

Toutefois, il pourrait s' avérer utile que votre organisation fasse connaître aux services de la Commission le point de vue des consommateurs dans cette procédure; à cette fin, nous sommes disposés à tenir compte de toute déclaration écrite de votre part et à vous donner la possibilité d' être entendue oralement ."

2 . La disposition expressément visée par la Commission, à savoir l' article 7, paragraphe 4, point a ), du règlement n 2423/88 du Conseil, du 11 juillet 1988, relatif à la défense contre les importations qui font l' objet d' un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne ( ci-après "règlement de base ") ( 1 ), est libellée comme suit :

"Le plaignant et les importateurs et exportateurs notoirement concernés, ainsi que les représentants du pays exportateur, peuvent prendre connaissance de tous les renseignements fournis à la Commission par toute partie concernée par l' enquête, à l' exception des documents internes établis par les autorités de la Communauté ou de ses États membres, pour autant que ces renseignements soient pertinents pour la défense de leurs intérêts, qu' ils ne soient pas confidentiels au sens de l' article 8 et
qu' ils soient utilisés par la Commission dans l' enquête . Les personnes concernées adressent, à cet effet, une demande écrite à la Commission en indiquant les renseignements sollicités ."

3 . La lettre de la Commission constitue la réponse à une demande écrite que le BEUC avait introduite, en date du 13 mars 1989, à la suite de la publication de l' avis d' ouverture d' une procédure antidumping concernant certaines importations de cassettes sonores et de bandes pour cassettes sonores originaires du Japon, de la république de Corée et de Hong-kong ( 2 ), dans lequel la Commission, conformément à l' article 7, paragraphe 1, point a ), du règlement de base, avait invité les parties
intéressées à faire connaître leur point de vue par écrit et à demander, le cas échéant, à être entendues oralement au plus tard 30 jours après la date de publication de l' avis .

4 . Le BEUC affirme que l' article 7, paragraphe 4, point a ), du règlement de base, n' interdirait pas à la Commission de donner suite à sa demande de consulter les documents non confidentiels et, d' autre part, s' il le faisait, serait illégal et devrait dès lors être déclaré inapplicable conformément à l' article 184 du traité . A l' appui de sa thèse il invoque, à titre principal, l' existence d' un principe fondamental du droit communautaire qui exigerait que

"avant l' adoption de toute mesure ou décision individuelle qui est de nature à affecter directement les intérêts d' une personne particulière, celle-ci a le droit d' être entendue par l' autorité responsable",

et dont ferait partie intégrante une règle qui voudrait que,

"pour lui permettre d' exercer effectivement ce droit, la personne concernée a le droit d' être informée des faits et des considérations sur la base desquels l' autorité entend agir ".

A titre subsidiaire, le BEUC fait valoir que, en lui refusant l' accès aux documents non confidentiels, la Commission aurait manqué à son obligation de respecter le principe d' une bonne administration et celui d' une application cohérente des règles et procédures communautaires .

Quant à la recevabilité

5 . La Commission s' oppose d' abord à la recevabilité du recours au motif que sa lettre du 15 mars 1989 ne constituerait pas une décision susceptible de faire l' objet d' un recours en annulation, mais une simple communication d' informations sur la situation juridique existante . Elle renvoit à la jurisprudence de la Cour selon laquelle un acte n' est attaquable au titre de l' article 173 du traité que s' il constitue

"une mesure qui produit des effets juridiques et qui est de nature à modifier de façon caractérisée la situation juridique du requérant et à affecter ainsi ses intérêts" ( 3 ).

6 . Force est, toutefois, de constater que la question de savoir si la lettre attaquée a produit des effets juridiques affectant les intérêts du BEUC en modifiant la situation juridique de celui-ci est indissociablement liée à l' examen de la portée exacte de la disposition de droit communautaire en cause : si la thèse du BEUC devait s' avérer exacte, il ne saurait y avoir de doutes que la lettre de la Commission a produit des effets juridiques à son égard en ce qu' elle lui a refusé le bénéfice d'
un droit prévu par le droit communautaire . Dans ces conditions, j' estime qu' il convient de passer à l' examen du fond .

Quant au respect des droits de la défense

7 . Il est clairement apparu au cours de l' audience que le principe fondamental sur lequel le BEUC a entendu s' appuyer est celui du respect des droits de la défense que la Cour a considéré comme un principe fondamental de l' ordre juridique communautaire ( 4 ).

8 . Dans ses arrêts du 10 juillet 1986, Belgique/Commission, respectivement point 27 et point 28 ( 234/84, Rec . p . 2263 et 40/85, Rec . p . 2321 ), la Cour a rappelé que

"le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l' encontre d' une personne et susceptible d' aboutir à un acte faisant grief à celle-ci constitue un principe fondamental de droit communautaire et doit être assuré même en l' absence de toute réglementation concernant la procédure en cause ".

Elle a ajouté que

"il est de jurisprudence constante que le respect des droits de la défense exige que la personne contre laquelle la Commission a entamé une procédure administrative ait été mise en mesure, au cours de cette procédure, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués et sur les documents retenus par la Commission à l' appui de son allégation quant à l' existence d' une violation du droit communautaire ".

9 . Or, en l' espèce, la procédure antidumping n' est pas ouverte "à l' encontre" du BEUC et n' est pas susceptible d' aboutir à un acte "faisant grief" à celui-ci . Il n' existe dès lors pas de documents que la Commission puisse envisager de retenir à l' appui d' une quelconque allégation relative à l' existence d' une violation du droit communautaire que le BEUC aurait commise . Il faut donc conclure, d' une part, que le BEUC ne saurait utilement se prévaloir du respect des droits de la défense,
au sens propre de cette notion, et, d' autre part, que l' article 7, paragraphe 4, point a ), du règlement de base ne viole pas les droits de la défense du fait qu' il n' oblige pas la Commission à communiquer les documents non confidentiels à des groupements tels que le BEUC .

10 . Il faut également noter que l' argumentation du BEUC suit une logique qui lui est particulière . En effet, après avoir indiqué d' une façon non équivoque, au point 24 de sa requête, que le principe fondamental dont il se prévaut, qu' il a emprunté aux conclusions de l' avocat général M . Warner dans l' affaire 113/77, NTN Toyo Bearing/Conseil ( Rec . 1979, p . 1212, 1261 ), a été mis en oeuvre par l' article 7, paragraphe 4, point b ), du règlement de base qui, dans le cadre d' une procédure
antidumping, réserve aux exportateurs et aux importateurs le droit d' être

"informés des principaux faits et considérations sur la base desquels il est envisagé de recommander l' imposition de droits définitifs ou la perception définitive des montants garantis par un droit provisoire",

il fait valoir, plus loin, au point 28 de sa requête, que

"le droit d' une personne d' être informée de ce qui lui est reproché ne peut se limiter à l' information quant aux éléments définitivement retenus contre elle par la Commission à l' issue de l' enquête",

pour conclure finalement, au point 31 de sa requête, que toute partie intéressée, et non seulement le plaignant, les importateurs et exportateurs, devrait avoir le droit, prévu à l' article 7, paragraphe 4, point a ), du règlement de base, de consulter tout document, quel qu' il soit, versé au dossier non confidentiel à n' importe quel moment de la procédure .

11 . On peut d' ailleurs s' interroger si ce n' est pas parce que le BEUC a pressenti que sa situation n' est pas couverte par les droits de la défense au sens strict qu' il a essayé d' élargir le débat et a fait valoir que, afin de pouvoir invoquer le principe fondamental, il doit établir que l' adoption d' une mesure antidumping visant les importations de cassettes sonores et de bandes pour cassettes sonores à partir du Japon, de la république de Corée et de Hong-kong serait une mesure
individuelle susceptible de porter atteinte directement à ses intérêts . A cette fin, il s' est surtout basé sur les articles 11, paragraphe 1, et 12, paragraphe 1, du règlement de base, qui subordonnent l' institution de droits antidumping provisoires ou définitifs à la condition que "les intérêts de la Communauté nécessitent une action" et il a affirmé que, puisque les intérêts des consommateurs font partie des intérêts de la Communauté, la Commission ne pourrait pas valablement déterminer l'
intérêt communautaire sans leur permettre de présenter et de défendre leurs intérêts légitimes au cours de la procédure .

12 . Or, même si, dans le présent contexte qui n' est pas celui de la recevabilité d' un recours introduit par une personne physique ou morale à l' encontre d' une décision dont elle n' est pas le destinataire, on veut faire abstraction de la jurisprudence de la Cour selon laquelle une organisation constituée pour la défense des intérêts collectifs d' une catégorie de justiciables ne saurait être considérée comme concernée individuellement par un acte affectant les intérêts généraux de cette
catégorie ( 5 ), force est de constater que l' argumentation du BEUC relative à l' affectation directe de ses intérêts est une argumentation circulaire ( 6 ). Le BEUC base, en effet, son prétendu droit à intervenir dans la procédure et à avoir accès aux documents sur une jurisprudence de la Cour qui fait précisément de l' existence d' un tel droit dans le chef d' une personne ou du fait que celle-ci a joué un rôle déterminant dans la procédure, une condition essentielle de l' affectation directe des
intérêts légitimes de celle-ci . Dans son arrêt du 28 janvier 1986, Cofaz/Commission, points 23 et 24 ( 169/84, Rec . p . 391 ), la Cour a rappelé cette jurisprudence dans les termes suivants :

"..., la Cour a itérativement jugé que, dans les cas où un règlement accorde aux entreprises plaignantes des garanties procédurales les habilitant à demander à la Commission de constater une infraction aux règles communautaires, ces entreprises doivent disposer d' une voie de recours destinée à protéger leurs intérêts légitimes ( arrêts du 25 octobre 1977, Metro/Commission, 26/76, Rec . p . 1875; du 5 octobre 1983, Fediol/Commission, 191/82, Rec . p . 2913; du 11 octobre 1983, Demo-Studio
Schmidt/Commission, 210/81, Rec . p . 3045 ).

A cet égard, il y a lieu de rappeler que la Cour, dans son arrêt du 20 mars 1985 ( Timex Corporation/Conseil et Commission, 264/82, Rec . p . 849 ), a précisé qu' il y a lieu d' examiner dans cette perspective le rôle joué par l' entreprise dans le cadre de la procédure précontentieuse . Elle a admis, comme éléments établissant que l' acte en question concerne l' entreprise au sens de l' article 173, deuxième alinéa, du traité, le fait que cette entreprise a été à l' origine de la plainte ayant
donné lieu à l' ouverture de la procédure d' enquête, qu' elle a été entendue en ses observations et que le déroulement de la procédure a été largement déterminé par ses observations ."

13 . Indépendamment de ce que le BEUC n' a pas la qualité d' un plaignant, j' estime qu' il ne saurait donc se prévaloir de cette jurisprudence pour revendiquer le droit de participer activement à la procédure antidumping .

14 . Il en va de même pour ce qui concerne l' arrêt du 2 février 1988, Van der Kooy et autres/Commission ( 67/85, 68/85 et 70/85, Rec . p . 219 ), invoqué par le BEUC à l' appui de sa thèse selon laquelle,

"dans certaines circonstances, ... une association représentant les intérêts collectifs peut être concernée directement et individuellement par une procédure qui oblige la Commission à mettre en balance les intérêts des diverses parties" ( voir le dernier alinéa à la page 10 de la version ronéotypée du rapport d' audience )".

Or, comme le BEUC l' a reconnu lui-même, dans l' arrêt Van der Kooy et autres/Commission, la Cour a pu constater que le Landbouwschap était directement et individuellement concerné par une décision de la Commission prise sur la base de l' article 93 du traité parce que cet organisme avait négocié les tarifs du gaz naturel dans l' intérêt des horticulteurs, participé activement à la procédure en vertu de l' article 93, paragraphe 2, du traité, et signé l' accord ayant établi le tarif contesté par la
Commission .

15 . Le BEUC n' a pas établi qu' il se trouvait en l' occurence dans une situation substantiellement identique . Pour ce qui est en particulier de sa participation à la procédure, il ne fait que revendiquer un rôle comparable à celui effectivement exercé par le Landbouwschap, car il n' a nullement exercé un tel rôle .

16 . On peut donc conclure, en ce qui concerne l' article 7, paragraphe 4, point a ), que cette disposition n' oblige pas la Commission de permettre à une organisation ayant les caractéristiques du BEUC "de prendre connaissance du dossier non confidentiel de la Commission et des informations communiquées par toute partie" dans une procédure antidumping .

17 . Mais, je suis d' accord avec le BEUC que la disposition en question n' interdit pas à la Commission de lui communiquer des pièces non confidentielles . Aussi la Commission ne saurait-elle être critiquée d' avoir communiqué au BEUC une copie non confidentielle de la plainte, ainsi que ce dernier nous le signale au point 10 de sa requête .

Quant au droit d' être entendu et aux conséquences qui en découlent

18 . Dans son mémoire en réplique, le BEUC a également fait valoir qu' il aurait le droit d' être entendu et, partant, de se voir communiquer les documents du dossier, au titre de l' article 7, paragraphe 5, du règlement de base, qui dispose ce qui suit :

"La Commission peut entendre les parties intéressées . Celles-ci doivent être entendues lorsqu' elles l' ont demandé par écrit dans le délai fixé par l' avis publié au Journal officiel des Communautés européennes, en démontrant qu' elles sont effectivement des parties intéressées susceptibles d' être concernées par le résultat de la procédure et qu' il existe des raisons particulières de les entendre oralement ."

Le BEUC a, toutefois, confirmé à l' audience qu' il continue à fonder son recours sur le principe fondamental invoqué et qu' il ne s' est, en fait, reporté sur l' article 7, paragraphe 5, qu' en réponse à une affirmation faite par la Commission dans son mémoire en défense, selon laquelle la requérante est tout au plus une "partie intéressée", au sens de la première phrase de cette disposition, que la Commission peut entendre .

19 . Il faut effectivement constater que les conclusions formelles du BEUC ne portent que sur la communication des documents telle qu' elle est prévue par l' article 7, paragraphe 4, point a ), du règlement de base, et non sur une quelconque obligation de communication qui découlerait du droit d' être entendu au titre de l' article 7, paragraphe 5 .

20 . A titre subsidiaire, j' estime de toute façon que le BEUC n' a pas réussi à démontrer au cours de la présente procédure qu' il aurait dû être considéré comme une "partie intéressée susceptible d' être concernée par le résultat de la procédure" et qu' il existait des "raisons particulières de l' entendre oralement ".

21 . En premier lieu, l' argument que le BEUC ferait partie de la catégorie des parties visées à l' article 7, paragraphe 5, parce qu' il serait individuellement et directement concerné par la procédure antidumping ne peut être retenu pour les motifs indiqués ci-avant .

22 . En outre, le fait que, en vertu de l' article 2 de ses statuts, l' objet du BEUC, qu' il s' est donné à lui-même, est de faire valoir le point de vue de ses membres ( organisations nationales de consommateurs ) et que son existence même procède de sa capacité à représenter efficacement les intérêts des consommateurs auprès des institutions communautaires n' est pas de nature à démontrer qu' il est concerné par le résultat d' une procédure antidumping entreprise par la Commission . Le fait que
des représentants du BEUC siègent au comité consultatif des consommateurs créé par la décision 73/306/CEE de la Commission du 25 septembre 1973 ( JO L 283, p . 18 ), modifiée notamment par la décision 80/1087/CEE du 16 octobre 1980 ( JO L 320, p . 33 ) n' y change rien : ce comité, dont les membres sont nommés par la Commission et qui se réunit sur convocation de celle-ci,

"a pour tâche de représenter les intérêts des consommateurs auprès de la Commission et donner des avis à la Commission sur tous les problèmes relatifs à la conception et à la mise en oeuvre de la politique et des actions en matière de protection et d' information des consommateurs" ( article 2 ),

dont ne font pas partie les mesures que la Commission prend dans le cadre de la réglementation antidumping qui relève de la politique commerciale .

23 . Par ailleurs, la considération que les consommateurs individuels sont trop faibles pour pouvoir représenter leurs intérêts devant les institutions communautaires ne me semble pas constituer une "raison particulière" au sens de l' article 7, paragraphe 5, du règlement de base, justifiant que le BEUC ait le droit d' être entendu en l' espèce : j' estime que ne constitue une "raison particulière" au sens de cette disposition qu' une raison qui soit particulière à la procédure antidumping en cause
et non des raisons tout à fait générales valables pour toute procédure, quel que soit son objet .

24 . Finalement, je suis convaincu que le droit d' être entendu au sens de l' article 7, paragraphe 5, ne comporte pas l' accès à l' ensemble du dossier non confidentiel dont dispose la Commission et tel que le revendique le BEUC . D' abord, l' article 7, paragraphe 4, point a ), dont aurait voulu bénéficier le BEUC, ne prévoit lui-même la communication que de ceux des documents non confidentiels qui sont pertinents pour la défense des intérêts des personnes concernées et qui sont utilisés par la
Commission dans l' enquête et l' article 7, paragraphe 5, ne saurait ouvrir des droits encore plus étendus . Aucun argument en sens contraire ne saurait être tiré de l' arrêt du 20 mars 1985, Timex Corporation/Conseil et Commission ( 264/82, Rec . p . 849 ). S' il est vrai que dans cet arrêt, la Cour a donné une interprétation large de l' article 7, paragraphe 4, point a ), et a conclu que

"tous les renseignements non confidentiels, qu' ils soient fournis par un opérateur communautaire ou une entreprise d' un pays tiers, ... doivent être mis à la disposition du plaignant qui en fait la demande",

elle n' en a pas moins précisé qu' il faut qu' il s' agisse de renseignements

"qui ont été utilisés par la Commission lors de l' enquête et qui ont déterminé sa décision au regard du droit antidumping" ( point 25 ).

Dans l' arrêt Timex, il ne s' agissait d' ailleurs pas de déterminer les parties qui peuvent avoir accès aux documents en question, mais de définir quelles sont les "parties concernées par l' enquête" dont les renseignements fournis doivent être communiqués aux premières, et en particulier aux plaignants : c' est afin de s' assurer que ceux-ci puissent utilement faire valoir leur point de vue que la Cour a déclaré qu' ils doivent également avoir accès à des renseignements fournis par des opérateurs
établis dans un pays tiers contre lesquels l' enquête n' est pas dirigée .

25 . Enfin, dans le présent contexte il n' est peut-être pas inutile de faire une brève incursion dans le domaine du droit de la concurrence, bien que la procédure d' enquête instituée par le règlement n 17 du Conseil ( 7 ) ne soit pas à tous égards comparable à la procédure antidumping . Dans son arrêt du 17 janvier 1984, VBVB et VBBB/Commission, point 25 ( 43/82 et 63/82, Rec . p . 19 ), la Cour a expressément déclaré que

"si le respect des droits de la défense exige que l' entreprise intéressée ( en l' espèce, il s' agissait des entreprises contre lesquelles la procédure avait été dirigée ) ait été en mesure de faire connaître utilement son point de vue sur les documents retenus par la Commission dans les constatations qui sont à la base de sa décision, il n' y a pas de dispositions prescrivant à la Commission l' obligation de divulguer son dossier aux parties intéressées ".

En outre, il résulte de l' arrêt de la Cour du 17 novembre 1987, BAT et Reynolds/Commission, ( 142/84 et 156/84, Rec . p . 4487 ), qu' une enquête menée par la Commission dans l' exercice de la mission de veiller au respect des règles de concurrence n' est pas une procédure contradictoire entre, d' une part, les plaignants et, d' autre part, les entreprises contre lesquelles la procédure est engagée ( voir le point 19 ). La Cour a rappelé ensuite dans cet arrêt ( point 20 ) que

"les droits procéduraux des plaignants ne sont pas aussi étendus que le droit de la défense des entreprises contre lesquelles la Commission dirige son enquête"

et que

"de toute manière, ils trouvent leurs limites dans la mesure où ils mettent en cause ce droit de la défense ".

Il doit en être a fortiori ainsi lorsque ne sont pas en cause des plaignants, mais de simples parties intéressées ( en supposant que tel soit le cas pour le BEUC ).

26 . J' estime, par ailleurs, qu' il n' y a pas de raison de ne pas appliquer ces principes également à une procédure du type de celle instituée par le règlement n 2423/88, qui est généralement déclenchée par des plaignants . Or, abstraction faite de ce que des parties intéressées autres que les plaignants ne peuvent, pas plus que ceux-ci, avoir accès à des documents qui contiennent des secrets d' affaires, et ce en vertu d' un principe général applicable pendant tout le déroulement d' une procédure
administrative ( 8 ), il me semble qu' on peut à tout le moins déduire desdits principes que ce n' est pas violer un quelconque droit de la défense ni d' éventuels intérêts légitimes que de refuser à une partie intéressée l' accès à l' ensemble des documents non confidentiels de l' enquête, y compris ceux qui ne seraient éventuellement pas en rapport avec les intérêts de celle-ci .

27 . Je déduis de tout ce qui précède qu' à supposer même que le BEUC ait dû être considéré comme une "partie intéressée susceptible d' être concernée par le résultat de la procédure", au sens de l' article 7, paragraphe 5, du règlement de base, il n' aurait pu en tirer le droit, tel qu' il le revendique dans ses conclusions,

"de prendre connaissance du dossier non confidentiel de la Commission et des informations communiquées par toute partie dans la procédure antidumping relative aux importations de cassettes sonores et de bandes pour cassettes sonores originaires du Japon, de la république de Corée et de Hong-kong ".

28 . Compte tenu du fait que nous nous trouvons dans le cadre d' un recours direct et que les conclusions du BEUC sont libellées comme je viens de le rappeler, il n' est pas nécessaire que vous tranchiez la question de savoir si une partie intéressée qui a le droit d' être entendue a, de ce fait, également le droit de prendre connaissance de l' une ou de l' autre pièce individuelle du dossier de la Commission ( par opposition à l' ensemble du dossier non confidentiel ).

29 . C' est donc uniquement à titre tout à fait subsidiaire que je voudrais faire les quelques observations qui suivent .

30 . Il doit y avoir une différence entre les parties visées à l' article 7, paragraphe 4, point a ) et celles visées à l' article 7, paragraphe 5 . Les premières sont les plaignants et les importateurs et exportateurs notoirement concernés . Ceux-ci n' ont le droit de prendre connaissance que des renseignements pertinents pour la défense de leurs intérêts . Il en découle, à mon avis, que les importateurs et les exportateurs non notoirement concernés n' ont pas ce droit, sans doute parce que leurs
intérêts ne sont pas aussi directement affectés . Or, les organisations de défense des consommateurs sont encore moins immédiatement concernées que ces derniers . Elles ne sauraient donc avoir plus de droits qu' eux .

31 . Certes, pour que la consultation des "parties susceptibles d' être concernées par le résultat de la procédure" soit aussi utile que possible, la Commission peut trouver opportun de leur soumettre un document . C' est ce que la Commission a fait dans le cas d' espèce . Mais, à mon avis, elle a agi en vertu d' un pouvoir discrétionnaire .

32 . Notons en passant que la plainte constituait probablement le document sur lequel une organisation de défense des intérêts des consommateurs était la mieux qualifiée pour présenter des observations . C' est, en effet, normalement dans la plainte que l' on trouve les données sur l' évolution des prix et des ventes des produits fabriqués dans la Communauté et sur la situation concurrentielle sur le marché de celle-ci, qui sont les points sur lesquels le BEUC a déclaré dans sa requête ( points 11 à
14 ) être en mesure d' apporter des contributions importantes à l' enquête . Il n' est, en effet, a priori guère probable qu' une telle organisation soit en mesure d' apporter des précisions sur l' existence d' un dumping, c' est-à-dire sur le point de savoir si le prix à l' exportation vers la Communauté du produit considéré est inférieur à la valeur normale d' un produit similaire ( article 2, paragraphe 2, du règlement de base ). Contrairement à ce que le BEUC semble croire ( point 13 de la
requête ), la comparaison à faire ne porte, en effet, pas sur le "prix de l' importateur", d' une part, et le "prix du producteur communautaire", d' autre part .

Quant au principe de bonne administration

33 . A titre subsidiaire, le BEUC a invoqué le moyen d' une violation du principe de bonne administration et du principe d' une application cohérente des règles et procédures communautaires .

34 . Pour ce qui concerne le premier principe, il suffit de constater que l' argumentation du BEUC est basée sur une prémisse dont il est resté en défaut de prouver le bien-fondé même en invoquant un principe fondamental du droit communautaire, à savoir qu' il devrait avoir le même droit d' accès aux informations que les exportateurs, importateurs et plaignants étant donné qu' il aurait le même droit de contester devant la Cour le résultat de la procédure .

35 . En invoquant le second principe, le BEUC vise le fait qu' en sa qualité d' intervenant dans un litige devant la Cour, il pourrait avoir accès aux documents non confidentiels présentés par les parties principales à l' instance . Or, il me semble qu' il n' y a rien d' illogique ou d' incohérent à ce que dans deux procédures de nature différente, ayant lieu devant deux institutions différentes, le droit d' accès au dossier d' une même personne ne soit pas identique, d' autant plus que les dossiers
mêmes ne sont pas nécessairement identiques . En outre, le fait que le BEUC avait été admis à intervenir à l' appui des conclusions de la Commission dans le cadre des affaires jointes 228/82 et 229/82 R ainsi que 228/82 et 229/82, Ford/Commission ( Rec . 1982, p . 3091, 3097 et Rec . 1984, p . 1129, 1137 ), portant sur l' annulation d' une décision de la Commission relative à une procédure au titre de l' article 85 du traité, ne signifie pas qu' il devrait nécessairement être admis à intervenir dans
un litige survenu dans le contexte d' une procédure antidumping . Le rôle du BEUC dans les deux types de procédures n' est pas le même : en tant qu' organe représentatif des intérêts des consommateurs, il n' est, en effet, pas exclu qu' il puisse faire partie des "personnes physiques ou morales qui font valoir un intérêt légitime" qui, au titre de l' article 3, paragraphe 2, point b ), du règlement n 17, précité, sont expressément habilités à adresser une plainte à la Commission . D' ailleurs, l'
ordonnance par laquelle la Cour avait admis son intervention dans les affaires 228/82 et 229/82 est notamment basée sur le fait qu' il était déjà intervenu dans les phases antérieures du litige . Il y avait, à mon avis, joué un rôle proche de celui d' un plaignant .

36 . Le moyen subsidiaire soulevé par le BEUC ne peut donc pas non plus être accueilli .

37 . Dès lors, je propose à la Cour de rejeter son recours et de condamner la partie requérante aux dépens, à l' exclusion de ceux du Conseil, qui est intervenu à l' appui des conclusions de la Commission mais qui, dans son mémoire en intervention, n' a pas conclu sur les dépens .

(*) Langue originale : le français .

( 1 ) JO L 209, p . 1 .

( 2 ) JO 1989, C 11, p . 9 .

( 3 ) Voir notamment l' arrêt du 24 juin 1986, AKZO/Commission, point 16 ( 53/85, Rec . p . 1965 ).

( 4 ) Voir notamment les arrêts du 21 septembre 1989, Hoechst/Commission, point 14 ( 46/87 et 227/88, Rec . p . 2859 ) et du 18 octobre 1989, Orkem/Commission, point 32 ( 374/87, Rec . p . 3283 ).

( 5 ) Voir notamment l' ordonnance du 5 novembre 1986, UFADE/Conseil et Commission, point 12 ( 117/86, Rec . p . 3256 ).

( 6 ) Cela apparaît très clairement aux points 60 et 62 de sa requête .

( 7 ) Règlement du 6 février 1962 ( JO 1962, 13, p . 204 ).

( 8 ) Voir, en ce sens, le point 21 de l' arrêt du 17 novembre 1987, précité, qui renvoit à l' arrêt du 24 juin 1986, AKZO/Commission, point 28 ( 53/85, Rec . p . 1965 ).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-170/89
Date de la décision : 13/03/1991
Type de recours : Recours en annulation - non fondé

Analyses

Procédure anti-dumping - Droit de prendre connaissance du dossier non confidentiel de la Commission.

Dumping

Politique commerciale

Relations extérieures


Parties
Demandeurs : Bureau européen des unions de consommateurs
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mischo
Rapporteur ?: Sir Gordon Slynn

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1991:112

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