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31/01/1991 | CJUE | N°C-244/89

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour du 31 janvier 1991., Commission des Communautés européennes contre République française., 31/01/1991, C-244/89


Avis juridique important

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61989J0244

Arrêt de la Cour du 31 janvier 1991. - Commission des Communautés européennes contre République française. - Pêche - Gestion des quotas - Obligations à la charge des États membres. - Affaire C-244/89.
Recueil de jurisprudence 1991 page I-00163

Sommaire
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Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

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Avis juridique important

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61989J0244

Arrêt de la Cour du 31 janvier 1991. - Commission des Communautés européennes contre République française. - Pêche - Gestion des quotas - Obligations à la charge des États membres. - Affaire C-244/89.
Recueil de jurisprudence 1991 page I-00163

Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés

++++

1 . Pêche - Conservation des ressources de la mer - Régime de quotas de pêche - Captures dans les eaux norvégiennes et dans les eaux des îles Féroé - Répartition entre les États membres du volume des prises disponibles - Mesures de contrôle du respect des quotas - Applicabilité - Épuisement imminent du quota attribué à un État membre - Obligation de l' État membre concerné d' interdire provisoirement la pêche - Difficultés pratiques empêchant de prévoir l' épuisement imminent - Absence d' incidence

( Règlements du Conseil n 2057/82, art . 6, 9, 10, § 2, et 14, et n s 3730/85 et 3732/85 )

2 . Recours en manquement - Examen par la Cour - Constatation d' un manquement à une règle spécifique - Nécessité d' examiner le bien-fondé du grief de manquement à une règle plus générale - Absence

Sommaire

1 . Même si les règlements n 3730/85, répartissant certains quotas entre les États membres pour les navires pêchant dans la zone économique de la Norvège et dans la zone de pêche située autour de Jan Mayen, et n 3732/85, répartissant les quotas de capture entre les États membres pour les navires pêchant dans les eaux des îles Féroé, ne font pas expressément référence à l' article 10 du règlement n 2057/82, établissant certaines mesures de contrôle à l' égard des activités de pêche exercées par les
bateaux des États membres, le respect de cette disposition ne s' en impose pas moins aux États membres en tant que règle générale indispensable pour assurer l' efficacité de tout régime de conservation et de gestion des ressources de pêche fondé sur la répartition, sous forme de quotas alloués aux États membres, du volume des prises disponibles pour la Communauté .

Un État membre ne saurait se dispenser de l' obligation qui lui incombe, en vertu du paragraphe 2 dudit article 10, d' interdire provisoirement la pêche par les bateaux battant son pavillon ou enregistrés sur son territoire à partir de la date à laquelle les captures soumises à quota effectuées par ces bateaux sont réputées avoir épuisé le contingent national, en invoquant des difficultés pratiques qui l' auraient empêché de prévoir l' épuisement imminent des quotas . En effet, les mesures de
contrôle visées par le règlement n 2057/82, et notamment par ses articles 6 et 9, qui prévoient que toutes les mises à terre doivent être déclarées et enregistrées, doivent, si elles sont mises en oeuvre correctement, fournir aux autorités nationales suffisamment d' éléments d' information pour leur permettre de prévoir l' épuisement des quotas et d' agir en conséquence . De plus, si l' État membre considère ces mesures comme insuffisantes, il a la faculté de prévoir, en application de l' article 14
du règlement n 2057/82, des règles supplémentaires allant au-delà des exigences minimales de ce règlement .

2 . Une disposition d' ordre général n' a vocation à s' appliquer de façon autonome que dans des situations pour lesquelles le droit communautaire n' a pas prévu de règles plus spécifiques . Il en résulte que, lorsqu' une disposition à caractère général a été mise en oeuvre par une règle particulière et que la Cour a constaté un manquement d' un État membre à cette obligation spécifique, il n' est plus nécessaire d' examiner si cet État a, en outre, violé la disposition générale sur laquelle cette
obligation se fonde .

Parties

Dans l' affaire C-244/89,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM . R . C . Fischer, conseiller juridique, et par P . Hetsch, membre du service juridique, en qualité d' agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M . G . Berardis, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie requérante,

contre

République française, représentée par Mme E . Belliard, sous-directeur à la direction des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères, en qualité d' agent, et par M . M . Giacomini, secrétaire des affaires étrangères au même ministère, en qualité d' agent suppléant, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l' ambassade de France, 9, boulevard Prince-Henri,

partie défenderesse,

ayant pour objet de faire constater que la République française, en n' assurant pas le respect des quotas qui lui avaient été attribués, pour l' année 1986, pour les captures d' "autres espèces ( captures accessoires )" dans les eaux norvégiennes et de rascasses dans les eaux des îles Féroé, a manqué, notamment, aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions de l' article 5, paragraphe 2, du règlement ( CEE ) n 170/83 du Conseil, du 25 janvier 1983, instituant un régime communautaire de
conservation et de gestion des ressources de pêche ( JO L 24, p . 1 ), et de l' article 10, paragraphe 2, du règlement ( CEE ) n 2057/82 du Conseil, du 29 juin 1982, établissant certaines mesures de contrôle à l' égard des activités de pêche exercées par les bateaux des États membres ( JO L 220, p . 1 ), en liaison avec l' article 1er des règlements ( CEE ) n 3730/85 du Conseil, du 20 décembre 1985, répartissant certains quotas entre les États membres pour les navires pêchant dans la zone économique
de la Norvège et dans la zone de pêche située autour de Jan Mayen ( JO L 361, p . 66 ), et n 3732/85 du Conseil, du 20 décembre 1985, répartissant les quotas de capture entre les États membres pour les navires pêchant dans les eaux des îles Féroé ( JO L 361, p . 76 ),

LA COUR,

composée de MM . O . Due, président, G . F . Mancini, T . F . O' Higgins et J . C . Moitinho de Almeida, présidents de chambre, C . N . Kakouris, F . A . Schockweiler, F . Grévisse, M . Zuleeg et P . J . G . Kapteyn, juges,

avocat général : M . F . G . Jacobs

greffier : M . J . A . Pompe, greffier adjoint

vu le rapport d' audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l' audience du 20 novembre 1990,

ayant entendu l' avocat général en ses conclusions à l' audience du 10 janvier 1991,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 2 août 1989, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l' article 169 du traité CEE, un recours visant à faire constater que la République française, en n' assurant pas le respect des quotas qui lui avaient été attribués, pour l' année 1986, pour les captures d' "autres espèces ( captures accessoires )" dans les eaux norvégiennes et de rascasses dans les eaux des îles Féroé, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des
dispositions de l' article 5, paragraphe 2, du règlement ( CEE ) n 170/83 du Conseil, du 25 janvier 1983, instituant un régime communautaire de conservation et de gestion des ressources de pêche ( JO L 24, p . 1 ), et de l' article 10, paragraphe 2, du règlement ( CEE ) n 2057/82 du Conseil, du 29 juin 1982, établissant certaines mesures de contrôle à l' égard des activités de pêche exercées par les bateaux des États membres ( JO L 220, p . 1 ), en liaison avec l' article 1er des règlements ( CEE )
n 3730/85 du Conseil, du 20 décembre 1985, répartissant certains quotas entre les États membres pour les navires pêchant dans la zone économique de la Norvège et dans la zone de pêche située autour de Jan Mayen ( JO L 361, p . 66 ), et n 3732/85 du Conseil, du 20 décembre 1985, répartissant les quotas de capture entre les États membres pour les navires pêchant dans les eaux des îles Féroé ( JO L 361, p . 76 ).

2 Le règlement n 3730/85, précité, dont l' applicabilité a été prorogée jusqu' au 31 décembre 1986 par le règlement ( CEE ) n 114/86 du Conseil, du 20 janvier 1986 ( JO L 17, p . 4 ), a prévu que, pour l' année 1986, les captures effectuées, dans le cadre de l' accord sur les droits réciproques de pêche en 1986 entre la Communauté et la Norvège, par les navires battant pavillon d' un État membre dans les eaux situées au nord de 62 nord et relevant de la zone économique de la Norvège ainsi que dans
la zone de pêche située autour de Jan Mayen étaient limitées aux quotas fixés à son annexe I, soit, en ce qui concerne la France, 65 tonnes pour les "autres espèces ( captures accessoires )".

3 Suivant la procédure prévue par l' accord sur la pêche entre la CEE, d' une part, et le gouvernement du Danemark et le gouvernement local des îles Féroé, d' autre part, qui figure en annexe au règlement ( CEE ) n 2211/80 du Conseil, du 27 juin 1980 ( JO L 226, p . 11 ), un arrangement sur les droits réciproques de pêche en 1986 a été conclu entre la Communauté et les îles Féroé . Le règlement n 3732/85, précité, a prévu que, pour l' année 1986, les captures effectuées, dans le cadre de cet
arrangement, par les navires battant pavillon d' un État membre dans les eaux relevant de la juridiction en matière de pêche des îles Féroé étaient limitées aux quotas fixés à son annexe, soit, en ce qui concerne la France, 440 tonnes pour la rascasse .

4 Il ressort du tableau annuel des captures que la République française a communiqué à la Commission le 29 janvier 1987 et qui a été produit en annexe à la réplique, que les quotas alloués à la France pour l' année 1986 furent épuisés au cours du mois de septembre 1986 en ce qui concerne les captures accessoires effectuées dans les eaux norvégiennes et au cours du mois de mai 1986 en ce qui concerne les rascasses pêchées dans les eaux des îles Féroé .

5 Pour ce qui est des captures accessoires effectuées dans les eaux norvégiennes, le total concernant la France a atteint, pour l' année 1986, 105 tonnes, la surpêche étant de 40 tonnes .

6 Il est constant que la République française n' a, à aucun moment, pris d' autres mesures que celle consistant à fournir à la Commission les informations sur les captures communiquées par ses pêcheurs, de sorte que ce n' est que par le règlement ( CEE ) n 3465/86 ( JO L 319, p . 29 ), entré en vigueur le 14 novembre 1986, que la Commission a pu, conformément à l' article 10, paragraphe 3, du règlement n 2057/82, précité, interdire la pêche des captures accessoires dans les eaux norvégiennes au nord
de 62 nord par les navires battant pavillon de la France .

7 En ce qui concerne les rascasses provenant des eaux féringiennes, les autorités françaises ont, par télex du 12 mai 1986, informé la Commission que le quota français était atteint et lui ont demandé de procéder à la fermeture de la pêche de cette espèce dans ce secteur . A la suite d' un échange de quotas opéré entre la France et le Royaume-Uni, conformément à l' article 5, paragraphe 1, du règlement n 170/83, précité, et notifié à la Commission par télex du 2 juin 1986, le quota de capture de la
France pour les rascasses dans les eaux féringiennes a été porté à 510 tonnes . Ce quota augmenté, qui était pratiquement atteint à la fin du mois de septembre 1986 ( 506 tonnes ), a été dépassé au cours du mois de novembre 1986, aucune capture n' ayant eu lieu en octobre . Pour l' année 1986, les captures totales de rascasses déclarées par la France dans les eaux des îles Féroé se sont élevées à 617 tonnes, soit une surpêche de 107 tonnes .

8 La République française n' ayant pris aucune mesure destinée à interdire provisoirement à ses navires la pêche des rascasses dans ce secteur, la Commission a, par le règlement ( CEE ) n 1601/86 ( JO L 140, p . 22 ), entré en vigueur le 27 mai 1986, sur la base des informations qui lui avaient été communiquées par les autorités françaises par le télex du 12 mai 1986 et conformément à l' article 10, paragraphe 3, du règlement n 2057/82, précité, procédé à cette interdiction .

9 La Commission a déduit des dépassements de quotas constatés que la République française avait omis de prendre, pour l' année 1986, les mesures nécessaires pour assurer le respect des quotas qui lui avaient été attribués pour les captures accessoires dans les eaux norvégiennes et pour les rascasses dans les eaux des îles Féroé .

10 A l' appui de son recours, la Commission soutient, essentiellement, que les dépassements de quotas sont la conséquence d' un manquement de la République française aux obligations qui incomberaient aux États membres, en vertu de l' article 10, paragraphe 2, du règlement n 2057/82, précité, de procéder en temps utile à la fermeture provisoire de la pêche .

11 Par ailleurs, la Commission fait valoir que ces dépassements résultent du fait que la République française a omis de prendre, conformément à l' article 5, paragraphe 2, du règlement n 170/83, précité, les mesures nécessaires pour déterminer les modalités d' utilisation des quotas de pêche qui lui étaient attribués .

12 Pour un plus ample exposé des faits, du déroulement de la procédure ainsi que des moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d' audience . Ces éléments du dossier ne sont repris ci-après que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour .

Sur le grief tiré de la fermeture tardive de la pêche

13 Par ce grief, la Commission reproche à la République française d' avoir manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l' article 10, paragraphe 2, du règlement n 2057/82, précité, en omettant d' interdire provisoirement la pêche pour les stocks de poissons concernés dès que l' épuisement des quotas paraissait imminent .

14 Afin d' apprécier le bien-fondé de la thèse de la Commission, il convient de rappeler, d' abord, que, aux termes de l' article 10, paragraphe 2, du règlement n 2057/82, précité, "chaque État membre fixe la date à laquelle les captures d' un stock ou d' un groupe de stocks soumises à quota, effectuées par les bateaux de pêche battant son propre pavillon ou enregistrés sur son territoire, sont réputées avoir épuisé le quota qui lui est applicable pour ce stock ou groupe de stocks . Il interdit
provisoirement, à compter de cette date, la pêche de poissons de ce stock ou de ce groupe de stocks par lesdits bateaux, aussi bien que la conservation à bord, le transbordement et le débarquement, pour autant que les captures aient été effectuées après cette date, et fixe une date jusqu' à laquelle les transbordements et les débarquements ou les dernières notifications sur les captures sont permis . Cette mesure est notifiée sans délai à la Commission, qui en informe les autres États membres ".

15 Il y a lieu de relever, ensuite, que l' article 10 du règlement n 2057/82, précité, n' est pas expressément mentionné parmi les dispositions à respecter lors de la gestion des quotas de capture répartis entre les États membres pour les navires pêchant dans la zone économique de la Norvège et dans la zone de pêche située autour de Jan Mayen, ainsi que dans les eaux des îles Féroé . En effet, l' article 2 des règlements n s 3730/85 et 3732/85, précités, prévoit seulement que les États membres et
les capitaines des navires battant pavillon des États membres doivent se conformer, en ce qui concerne la pêche dans les eaux visées, aux dispositions des articles 3 à 9 du règlement n 2057/82, précité .

16 A cet égard, il convient de rappeler que, ainsi que la Cour l' a jugé dans l' arrêt du 20 mars 1990, Commission/France, point 14 ( C-62/89, Rec . p . I-925 ), même si les règlements n s 3730/85 et 3732/85, précités, ne font pas expressément référence à l' article 10 du règlement n 2057/82, précité, le respect de cette disposition, dont l' applicabilité en l' espèce n' a d' ailleurs pas été contestée par la République française, ne s' en impose pas moins aux États membres en tant que règle
générale indispensable pour assurer l' efficacité de tout régime de conservation et de gestion des ressources de pêche fondé sur la répartition, sous forme de quotas alloués aux États membres, du volume des prises disponibles pour la Communauté . Dans ces conditions, l' article 10 du règlement n 2057/82, précité, est applicable en l' espèce .

17 En ce qui concerne, plus particulièrement, le grief invoqué par la Commission, il y a lieu de rappeler que, dans l' arrêt du 20 mars 1990, Commission/France, précité, la Cour a déjà dit pour droit qu' il résulte de l' article 10, paragraphe 2, du règlement n 2057/82, précité, que les États membres sont tenus de prendre en temps utile toutes les mesures nécessaires pour prévenir le dépassement des quotas en cause afin d' assurer le respect des quotas alloués aux États membres dans le but de la
conservation des ressources de la pêche ( point 17 ).

18 La République française entend justifier sa carence en invoquant quatre séries d' arguments .

19 En premier lieu, elle fait état de difficultés pratiques qui l' auraient empêchée de prévoir l' épuisement imminent des quotas en cause . A cet égard, la République française soutient, d' abord, que les eaux concernées par la présente procédure sont très éloignées, de sorte que les informations en matière de captures avaient des chances d' être déjà dépassées au moment où elles étaient reçues, et insiste sur le caractère saisonnier des pêches en cause . Dans le cas des quotas relatifs aux
captures accessoires dans les eaux norvégiennes, ces difficultés auraient encore été aggravées par le fait que le quota français était peu élevé, alors que les capacités des navires pêchant dans ces eaux étaient très importantes . En outre, la République française fait valoir que le règlement ( CEE ) n 2807/83 de la Commission, du 22 septembre 1983, définissant les modalités particulières de l' enregistrement des informations relatives aux captures de poissons par les États membres ( JO L 276, p . 1
), qui prévoit la mise en place d' un journal de bord communautaire, n' était pas applicable avant le 1er avril 1986 et que l' établissement d' un système de traitement des données portées sur les journaux de bord a nécessité une période d' adaptation .

20 Cet argument de la République française ne saurait être retenu . En effet, il est de jurisprudence constante ( voir, par exemple, arrêt du 20 mars 1990, Commission/France, précité, point 23 ) qu' un État membre ne saurait invoquer des difficultés pratiques pour justifier le défaut de mise en oeuvre de mesures de contrôle appropriées . Au contraire, il appartient aux États membres chargés de l' exécution des réglementations communautaires dans le cadre de l' organisation commune des marchés dans
le secteur des produits de la pêche de surmonter ces difficultés en prenant les mesures appropriées .

21 A cet égard, il y a lieu de souligner, ainsi que l' avocat général l' a exposé au point 12 de ses conclusions, que les mesures de contrôle visées par le règlement n 2057/82, précité, et notamment par ses articles 6 et 9, qui prévoient que toutes les mises à terre doivent être déclarées et enregistrées, auraient dû, si elles avaient été mises en oeuvre correctement, fournir aux autorités françaises suffisamment d' éléments d' information pour leur permettre de prévoir l' épuisement des quotas et
d' agir en conséquence . De plus, si la République française considérait ces mesures comme insuffisantes, elle avait la faculté de prévoir, en application de l' article 14 du règlement n 2057/82, précité, des règles supplémentaires allant au-delà des exigences minimales de ce règlement . Ainsi, c' est à juste titre que la Commission a souligné que la République française aurait pu exiger des capitaines des navires qu' ils transmettent par radio les informations dont ils disposaient sur les captures
ou introduire un système de licence par lequel les navires seraient autorisés par avance à capturer une certaine quantité de poissons soumis aux quotas .

22 En ce qui concerne la prétendue nécessité d' une période d' adaptation pour mettre en place un système permettant de rassembler et de traiter l' information fournie par les journaux de bord, il convient de rappeler, ainsi que la Cour l' a déjà jugé dans l' arrêt du 20 mars 1990, Commission/France ( précité, point 25 ), que le règlement n 2807/83, précité, qui est entré en vigueur le 1er avril 1985, n' a fait que prescrire un modèle uniformisé de journal de bord . Par contre, l' obligation de
tenir un tel journal indiquant les quantités de chaque espèce capturées ainsi que la date et le lieu de ces captures était déjà prévue à l' article 3 du règlement n 2057/82, précité, qui est entré en vigueur le 1er janvier 1983 . Dans ces conditions, il n' était pas déraisonnable de s' attendre que, en 1986, la République française ait mis en place un système lui permettant d' exploiter de manière efficace les informations fournies par les journaux de bord .

23 Par son deuxième argument, la République française fait valoir qu' en l' espèce la réalité ou l' importance du dépassement des deux quotas en cause n' est pas établie avec certitude . A cet égard, la République française insiste, d' abord, sur l' absence d' harmonisation au niveau communautaire des coefficients de conversion que les États membres appliquent aux captures débarquées, constituées de poissons vidés, pour calculer le tonnage des captures en poids vif . La République française
soutient, également, que certaines eaux dans lesquelles les captures de rascasses ont été effectuées font l' objet de contestations de juridiction entre le Royaume-Uni et les îles Féroé .

24 Quant à la prétendue marge d' incertitude résultant de l' application du coefficient de conversion, il convient de constater, comme la Cour l' a déjà souligné, en réponse au même argument, dans l' arrêt du 20 mars 1990, Commission/France ( précité, point 28 ), que les autorités françaises ont elles-mêmes fait usage de ce coefficient pour déterminer les chiffres de capture communiqués à la Commission . Dans ces conditions, la République française n' est pas fondée à contester la fiabilité de ce
mode de calcul . De plus, même à supposer qu' une marge d' incertitude existe, elle est, de toute façon, limitée et ne saurait certainement pas expliquer des dépassements de quotas aussi considérables que ceux constatés en l' espèce, en l' occurrence 21 %, s' agissant du quota augmenté pour la rascasse, et 60 %, s' agissant du quota pour les captures accessoires .

25 En ce qui concerne ensuite les prétendues contestations de juridiction entre le Royaume-Uni et les îles Féroé, il importe de rappeler que la Cour a déjà dit pour droit ( arrêt du 20 mars 1990, Commission/France, précité, point 30 ) que, en vertu de l' article 2, sous b ), de l' accord sur la pêche entre la CEE, d' une part, et le gouvernement du Danemark et le gouvernement local des îles Féroé, d' autre part, les autorités féringiennes déterminent annuellement "les parts attribuées aux navires de
pêche de la Communauté ainsi que les zones relevant de leur juridiction à l' intérieur desquelles ces parts peuvent être pêchées ". La liste des parts et des zones de pêche est transmise à la Commission, et cet élément d' information sert de base à la répartition des quotas entre les États membres . En l' absence de toute réserve dans cet accord en ce qui concerne une prétendue contestation de juridiction entre le Royaume-Uni et les îles Féroé et à défaut de toute contestation à propos de la zone
indiquée par les autorités féringiennes de la part de l' État membre prétendument intéressé, la République française n' a pas réussi à mettre en cause le fait que l' ensemble des captures retenues par la Commission dans le cadre de la présente procédure a été pêché dans la zone relevant de la juridiction en matière de pêche des îles Féroé . Dans ces conditions, la République française n' est pas fondée à invoquer cet argument pour justifier l' inobservation du quota en l' espèce .

26 En troisième lieu, la République française fait observer que, en tout état de cause, le quota global dont la Communauté bénéficiait dans les eaux norvégiennes et féringiennes pour les stocks en question n' a pas été épuisé en 1986 et que, par conséquent, le dépassement des quotas français n' a pas lésé d' autres États membres et n' a mis en cause ni les objectifs de conservation visés par la législation communautaire ni les accords passés par la Communauté avec les pays tiers concernés .

27 Sur ce point, il suffit de relever, comme la Cour l' a déjà jugé dans l' arrêt du 20 mars 1990, Commission/France ( précité, point 32 ), que le total des quantités communautaires capturées en 1986 dans les eaux concernées, dont le chiffre n' est apparu qu' après la fin de l' année en cause, n' est pas de nature à affecter les obligations qu' avait un État membre de prendre en temps utile les mesures nécessaires pour prévenir l' épuisement du quota national qui lui avait été attribué .

28 Enfin, par son quatrième argument, la République française met en cause les critères appliqués par la Commission pour évaluer la gestion et le contrôle des quotas par les États membres . A cet égard, la République française soutient, en premier lieu, que la Commission, lorsqu' elle décide ou non d' engager une procédure en application de l' article 169 du traité pour dépassement des quotas, ne doit pas tenir compte de l' importance des surpêches par rapport au quota global, mais a l' obligation
de se référer à la valeur absolue de ces surpêches, c' est-à-dire au tonnage qu' elles atteignent . Ainsi, la Commission devrait comparer la marge de dépassement des quotas concernés avec celle des autres quotas, dont elle a estimé qu' elle était insignifiante et qu' elle n' a, dès lors, pas retenue; elle devrait également prendre en considération les capacités des navires qui utilisent les quotas . En second lieu, la République française prétend que, lors de l' appréciation de la gravité du retard
intervenu entre la date d' épuisement des quotas et la date de fermeture de la pêche, la Commission doit tenir compte des délais fixés par la législation communautaire, qui impose aux capitaines des navires de communiquer aux autorités nationales les informations contenues dans leurs journaux de bord au moins tous les 15 jours et, en tout état de cause, dans les 48 heures du débarquement et qui donne aux États membres un délai de 15 jours pour communiquer à la Commission leur déclaration mensuelle
de capture .

29 S' agissant du premier point, il convient de relever, ainsi que la Commission l' a souligné à juste titre, qu' une évaluation de l' importance du dépassement d' un quota par référence à sa valeur absolue, c' est-à-dire en termes de tonnage, est dépourvue d' intérêt, puisque les quotas attribués aux États membres varient considérablement en quantité . Par contre, une évaluation en termes de pourcentage de surpêches permet d' indiquer s' il y a eu ou non une gestion et un contrôle efficaces des
quotas . Comme la Commission l' a encore souligné, le fait que les capacités de capture des navires français fréquentant les eaux en cause étaient importantes constituait un facteur dont l' existence imposait aux autorités françaises une vigilance d' autant plus grande, mais qui ne diminuait en aucune manière leur obligation d' assurer le respect des quotas .

30 Quant au second point, il y a lieu de constater que la Commission a relevé à bon droit qu' un État membre ne saurait invoquer les exigences minimales de la législation communautaire pour se décharger de ses responsabilités en matière de respect des quotas de pêche qui lui ont été attribués . En ce qui concerne le délai de 15 jours pour communiquer les captures, il convient de rappeler que les États membres ont la faculté d' exiger que ces informations soient communiquées de manière plus rapide,
par exemple par radio . D' autre part, le délai de 15 jours pour la communication à la Commission des chiffres mensuels de capture ne saurait en aucun cas excuser le non-respect, par la République française, de l' obligation qui lui incombe de prendre les mesures nécessaires pour interdire provisoirement toute activité de pêche dès que l' épuisement du quota apparaît imminent .

31 Aucun argument avancé par la République française à l' encontre du grief formulé par la Commission n' ayant pu être retenu, il en résulte qu' il y a lieu de constater que la République française, en n' assurant pas le respect des quotas qui lui avaient été attribués, pour l' année 1986, pour les captures accessoires dans les eaux norvégiennes et celles de rascasses dans les eaux des îles Féroé, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions de l' article 10, paragraphe 2, du
règlement n 2057/82, précité, en liaison avec l' article 1er des règlements n s 3730/85 et 3732/85, précités .

Sur le grief accessoire

32 Dans sa requête, la Commission reproche également à la République française d' avoir manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l' article 5, paragraphe 2, du règlement n 170/83, précité, aux termes duquel "les États membres déterminent, en conformité avec les dispositions communautaires applicables, les modalités d' utilisation des quotas qui leur ont été attribués ".

33 En réponse à une question écrite de la Cour, par laquelle celle-ci a demandé à la Commission d' indiquer les éléments concrets qui établissent que la République française a violé l' article 5, paragraphe 2, du règlement n 170/83, précité, la Commission soutient, d' abord, que cette disposition a une portée générale, recouvrant toutes les modalités nécessaires pour garantir que les quotas sont utilisés en conformité avec les règles communautaires pertinentes et que, dès lors, tout cas de surpêche
imputable à un État membre constitue une violation de l' article 5, paragraphe 2 . Elle fait valoir, ensuite, que, puisque les dispositions du règlement n 2057/82, précité, y compris l' article 10, paragraphe 2, bien qu' adoptées antérieurement au règlement n 170/83, précité, ne font que définir de manière plus précise l' obligation générale figurant à l' article 5, paragraphe 2, toute violation de l' article 10, paragraphe 2, du règlement n 2057/82, précité, constitue, ipso facto, une violation de
l' article 5, paragraphe 2, du règlement n 170/83, précité . La Commission prétend, enfin, que la fermeture tardive de la pêche est due au fait que l' État membre en cause n' a pas pris les mesures nécessaires, outre celles exigées par le règlement n 2057/82, précité, en vue d' obtenir les informations sur les captures, destinées à le mettre en mesure de prévenir le dépassement des quotas, et que, par conséquent, cette carence dans la gestion des quotas doit également être considérée comme une
violation de l' article 5, paragraphe 2 .

34 Toutefois, ces arguments ne sauraient être retenus . En effet, une disposition d' ordre général n' a vocation à s' appliquer de façon autonome que dans des situations pour lesquelles le droit communautaire n' a pas prévu de règles plus spécifiques . Il en résulte que, lorsqu' une disposition à caractère général, tel l' article 5, paragraphe 2, du règlement n 170/83, précité, a été mise en oeuvre par une règle particulière, comme, en l' espèce, l' article 10, paragraphe 2, du règlement n 2057/82,
précité, et que la Cour a constaté un manquement d' un État membre à cette obligation spécifique, il n' est plus nécessaire d' examiner si cet État a, en outre, violé la disposition générale sur laquelle cette obligation se fonde .

35 De plus, il est de jurisprudence constante ( voir, par exemple, arrêt du 20 mars 1990, Commission/France, précité, point 37 ) que, dans le cadre d' une procédure engagée au titre de l' article 169 du traité, il incombe à la Commission d' établir l' existence du manquement allégué . En conséquence, il appartient à la Commission d' apporter, à l' appui de son recours, les éléments de fait et de droit nécessaires à la vérification par la Cour de l' existence de ce manquement . Or, il y a lieu de
constater qu' en l' espèce la Commission n' a avancé les arguments susmentionnés qu' en réponse à une question écrite posée par la Cour .

36 Dans ces conditions, le grief accessoire invoqué par la Commission doit être rejeté .

Décisions sur les dépenses

Sur les dépens

37 Aux termes de l' article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens . La République française ayant succombé dans l' essentiel de ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens .

Dispositif

Par ces motifs,

LA COUR

déclare et arrête :

1 ) La République française, en n' assurant pas le respect des quotas qui lui avaient été attribués, pour l' année 1986, pour les captures d' "autres espèces ( captures accessoires )" dans les eaux norvégiennes et de rascasses dans les eaux des îles Féroé, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions de l' article 10, paragraphe 2, du règlement ( CEE ) n 2057/82 du Conseil, du 29 juin 1982, établissant certaines mesures de contrôle à l' égard des activités de pêche exercées
par les bateaux des États membres, en liaison avec l' article 1er des règlements ( CEE ) n 3730/85 du Conseil, du 20 décembre 1985, répartissant certains quotas entre les États membres pour les navires pêchant dans la zone économique de la Norvège et dans la zone de pêche située autour de Jan Mayen, et n 3732/85 du Conseil, du 20 décembre 1985, répartissant les quotas de capture entre les États membres pour les navires pêchant dans les eaux des îles Féroé .

2 ) Le recours est rejeté pour le surplus .

3 ) La République française est condamnée aux dépens .


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-244/89
Date de la décision : 31/01/1991
Type de recours : Recours en constatation de manquement - fondé, Recours en constatation de manquement - non fondé

Analyses

Pêche - Gestion des quotas - Obligations à la charge des États membres.

Politique de la pêche

Agriculture et Pêche


Parties
Demandeurs : Commission des Communautés européennes
Défendeurs : République française.

Composition du Tribunal
Avocat général : Jacobs
Rapporteur ?: Schockweiler

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1991:35

Source

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