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12/12/1990 | CJUE | N°C-344/89

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 12 décembre 1990., Manuel Martínez Vidal contre Gemeenschappelijke Medische Dienst., 12/12/1990, C-344/89


Avis juridique important

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61989C0344

Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 12 décembre 1990. - Manuel Martínez Vidal contre Gemeenschappelijke Medische Dienst. - Demande de décision préjudicielle: Arrondissementsrechtbank Amsterdam - Pays-Bas. - Sécurité sociale - Reconnaissance d'une incapacité

de travail. - Affaire C-344/89.
Recueil de jurisprudence 1991 page I-032...

Avis juridique important

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61989C0344

Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 12 décembre 1990. - Manuel Martínez Vidal contre Gemeenschappelijke Medische Dienst. - Demande de décision préjudicielle: Arrondissementsrechtbank Amsterdam - Pays-Bas. - Sécurité sociale - Reconnaissance d'une incapacité de travail. - Affaire C-344/89.
Recueil de jurisprudence 1991 page I-03245

Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . M . Martínez Vidal, ressortissant espagnol, a travaillé, de 1963 à 1979, comme marin au service d' employeurs néerlandais .

2 . Le 29 avril 1979, il a dû cesser le travail en raison d' une pathologie dorsale et il n' a plus repris le travail depuis . Peu après le début de sa maladie, il est retourné en Espagne . Il a d' abord bénéficié d' une prestation pour cause de maladie et, depuis le 25 avril 1980, il perçoit, au titre de la législation néerlandaise, une prestation pour cause d' incapacité de travail, calculée selon un taux d' incapacité de 80 à 100 %.

3 . Selon un rapport de l' Instituto nacional de seguridad social ( ci-après "INSS "), M . Martínez Vidal a été opéré, en janvier 1980, d' une hernie discale en Espagne . Cet organisme a gardé M . Martínez Vidal sous contrôle médical et a fourni ultérieurement des rapports complémentaires .

4 . Par lettre du 17 avril 1989, le Gemeenschappelijke Medische Dienst ( ci-après "GMD ") a convoqué M . Martínez Vidal aux Pays-Bas pour y subir un examen médical de contrôle .

5 . M . Martínez Vidal n' a pas prétendu que son état de santé s' opposait à ce qu' il effectue le déplacement aux Pays-Bas, mais il s' est refusé à donner suite à cette convocation et a saisi la juridiction néerlandaise compétente, en lui demandant de dire pour droit qu' il n' est pas tenu de retourner aux Pays-Bas pour y subir un contrôle médical .

6 . C' est dans ce contexte que l' arrondissementsrechtsbank d' Amsterdam a posé à la Cour deux questions préjudicielles dont la première se lit ainsi :

"L' institution débitrice de la prestation d' invalidité - ou l' instance compétente pour procéder au contrôle médical - peut-elle, lorsqu' elle fait usage de la compétence, énoncée à l' article 51, paragraphe 1, du règlement ( CEE ) n 574/72, de faire procéder au contrôle du bénéficiaire d' une prestation d' invalidité par un médecin de son choix, inviter le bénéficiaire en question à se rendre de l' État membre du lieu de résidence ou de séjour dans l' État membre de l' institution débitrice afin
de s' y soumettre à un examen médical, et le bénéficiaire est-il tenu de répondre à cette invitation?"

7 . La disposition visée est libellée comme suit :

"Lorsqu' un bénéficiaire, notamment de :

a ) prestations d' invalidité

...

...

...

séjourne ou réside sur le territoire d' un État membre autre que celui où se trouve l' institution débitrice, le contrôle administratif et médical est effectué, à la demande de cette institution, par l' institution du lieu de séjour ou de résidence du bénéficiaire selon les modalités prévues par la législation que cette dernière institution applique . Toutefois, l' institution débitrice conserve la faculté de faire procéder au contrôle du bénéficiaire par un médecin de son choix ."

8 . Dans votre arrêt du 12 mars 1987, Rindone ( 22/86, Rec . p . 1339 ), vous avez eu à répondre à une question substantiellement identique . Il s' agissait alors de la question de savoir si un travailleur tombé malade au moment où il séjourne dans un autre pays que celui de l' institution débitrice compétente peut être obligé de retourner dans le pays de cette institution pour s' y soumettre à un contrôle médical . La disposition à interpréter était l' article 18 du même règlement, dont les
paragraphes 4 et 5 prévoient ce qui suit :

"4 . L' institution du lieu de résidence procède ultérieurement, en tant que de besoin, au contrôle administratif ou médical de l' intéressé comme s' il était assuré auprès d' elle . Dès qu' elle constate que l' intéressé est apte à reprendre le travail, elle l' en avertit sans délai, ainsi que l' institution compétente, en indiquant la date à laquelle prend fin l' incapacité de travail . Sans préjudice des dispositions du paragraphe 6, la notification à l' intéressé est présumée valoir décision
prise pour le compte de l' institution compétente .

5 . L' institution compétente conserve en tout cas la faculté de faire procéder au contrôle de l' intéressé par un médecin de son choix ."

9 . Dans l' arrêt Rindone, vous avez dit pour droit, à propos du paragraphe 5, que

"cette disposition ne peut être interprétée en ce sens que l' intéressé peut être obligé de retourner dans l' État de l' institution compétente pour s' y soumettre à un contrôle médical, alors même qu' il est incapable de travailler pour cause de maladie . Une telle obligation serait incompatible avec le respect dû à l' état de santé du travailleur . Le contrôle en question peut être effectué par l' institution compétente, soit par l' envoi d' un médecin pour examiner l' intéressé dans l' État du
lieu de résidence, soit par le recours aux services d' un médecin de ce dernier État" ( point 21, p . 1365 et 1366 ).

10 . Nous estimons que ce raisonnement est également valable en ce qui concerne le bénéficiaire d' une prestation d' invalidité, lorsque le déplacement doit être considéré comme incompatible avec son état de santé .

11 . Mais, comme dans l' arrêt Rindone, la Cour s' est exclusivement basée sur le "respect dû à l' état de santé du travailleur", et non pas sur la finalité de l' article 18, ni sur le système instauré par les règlements ( CEE ) n 1408/71 et ( CEE ) n 574/72 ( 1 ), cet arrêt ne nous fournit pas d' éléments pour trancher le problème qui nous est posé dans l' hypothèse où l' état de santé de l' ex-travailleur lui permet de faire un long voyage .

12 . Le gouvernement espagnol et la Commission considèrent qu' il apparaît déjà, à la simple lecture de l' article 51, que le contrôle médical en question doit être effectué dans l' État de résidence du travailleur . Pour notre part, nous ne pensons cependant pas que le libellé de la dernière phrase du paragraphe 1 de cette disposition permette de tirer une conclusion dans un sens ou dans l' autre . D' ailleurs, si les choses étaient aussi simples, la Cour, lorsqu' il s' agissait d' interpréter,
dans l' arrêt Rindone, la phrase identique de l' article 18, ne se serait pas basée sur une considération non exprimée dans ce texte, à savoir le "respect dû à l' état de santé" de la personne concernée .

13 . De son côté, l' arrondissementsrechtbank d' Amsterdam estime que l' arrêt Rindone ne permet pas de répondre à la question posée parce que

"les prescriptions en matière de contrôle inscrites à l' article 51 sont ... moins détaillées que la réglementation du contrôle médical figurant aux articles 18 et 61 ( 2 ) susvisés; en outre, l' article 51 s' écarte également des articles 18 et 61 en ce sens que, dans le premier cas, le contrôle est effectué par l' institution étrangère à la demande de ( 3 ) l' institution compétente ".

14 . Pour ce qui est du caractère plus détaillé des dispositions de l' article 18, nous ne pensons pas qu' on puisse en tirer une conclusion a contrario par rapport à l' article 51 . Nous partageons l' avis de la Commission selon lequel cette différence s' explique par le fait que la situation visée à l' article 18 et l' objet de la procédure instaurée par cette disposition sont tout autres . S' agissant d' une personne qui tombe malade au cours d' un séjour dans un autre État membre que celui où
elle est assurée, il est évident qu' un rôle dominant doit incomber à l' institution du pays de séjour, car il importe de faire constater le plus rapidement possible le début de la maladie . Comme celle-ci pourrait n' être que de courte durée, il est aussi nécessaire que l' institution du pays de séjour "procède ultérieurement ... au contrôle administratif ou médical de l' intéressé", afin de ne pas manquer le moment où ce dernier est rétabli .

15 . L' article 51, par contre, vise le cas où une personne s' est déjà vu accorder une prestation d' invalidité et où il s' agit uniquement de vérifier si le degré d' invalidité a connu une évolution dans un sens ou dans l' autre .

16 . En second lieu, la juridiction de renvoi pense qu' il convient d' attacher de l' importance au fait que, dans le cadre de l' article 51, l' institution du lieu de résidence de l' intéressé n' effectue des contrôles qu' à la demande de l' institution débitrice de la prestation . La juridiction néerlandaise considère peut-être que, si l' institution débitrice ne demande pas l' intervention de l' institution du pays de résidence, elle reste entièrement libre d' opérer le contrôle comme elle le
veut, y compris en faisant venir l' intéressé auprès d' elle . Dans cette hypothèse, le règlement n' aurait créé qu' une facilité dont l' institution débitrice serait libre de profiter ou non .

17 . A cela, la Commission objecte que la présence, dans l' article 51, des termes "à la demande" s' explique par le caractère périodique du contrôle médical, qui n' a lieu que si l' institution compétente le juge nécessaire, compte tenu de l' application de sa propre législation, contrairement à la procédure de l' article 18, qui fait intervenir automatiquement l' institution du lieu de résidence .

18 . Cette explication nous semble plausible et nous estimons, dès lors, que la présence de l' expression "à la demande" n' est pas de nature à trancher le débat .

19 . La Commission fait aussi valoir que,

"si l' expression 'médecin de son choix' devait également désigner un médecin effectuant, au nom de l' institution compétente, des contrôles médicaux dans l' État où se trouve cette institution, l' article 51 aurait à n' en pas douter ( été ) rédigé autrement . Il aurait sans doute indiqué que l' institution compétente peut soit faire procéder au contrôle dans son propre pays, soit confier ce contrôle à l' institution du lieu de résidence . L' article 51 n' étant pas rédigé ainsi et ne comportant
même aucun élément qui aille dans ce sens, il y a lieu de considérer que le 'médecin de son choix' ne saurait être le 'propre médecin' de l' institution compétente effectuant le contrôle dans son propre pays, où le bénéficiaire serait donc tenu de se rendre ".

20 . Cette observation n' est cependant pas convaincante à nos yeux . Le fait que le texte ne soit pas rédigé comme l' indique la Commission, mais qu' il dise, d' une part : "le contrôle ... est effectué ... par l' institution du lieu de séjour ou de résidence", et, d' autre part : "toutefois, l' institution débitrice conserve la faculté" prouve, à notre avis, que le Conseil n' a pas entendu établir une alternative, mais une règle générale ainsi qu' une possibilité additionnelle . La règle générale
( ou le principe ), c' est que le contrôle s' effectue, d' abord, par l' institution du pays de résidence ou de séjour . La possibilité additionnelle, c' est la faculté pour l' institution débitrice de faire effectuer, quand même, un examen par un médecin de son choix si, au vu du rapport de la première institution, elle conserve des doutes au sujet du taux d' invalidité qu' il convient désormais de retenir . Le texte laisse ouverte la question de savoir en quel endroit cet examen doit avoir lieu .

21 . S' agissant toujours du libellé de l' article 51, un autre passage de cette disposition nous semble revêtir de l' importance, à savoir le fait que l' institution du lieu de séjour ou de résidence du bénéficiaire effectue le contrôle "selon les modalités prévues par la législation que cette dernière institution applique ".

22 . C' est sans doute à cause du fait que l' institution du lieu de séjour ou de résidence n' applique pas nécessairement tout à fait les mêmes critères que l' institution débitrice qu' on a prévu la possibilité d' un contrôle par cette dernière .

23 . Or, les différences entre les législations des États membres sont particulièrement prononcées en matière d' invalidité . Il suffit, à cet égard, de rappeler l' article 40, paragraphe 4, du règlement n 1408/71, précité ( le règlement de base ), selon lequel

"la décision prise par l' institution d' un État membre au sujet de l' état d' invalidité ne s' impose à l' institution de tout autre État membre concerné qu' à condition que la concordance des conditions relatives à l' état d' invalidité entre les législations de ces États soit reconnue à l' annexe V ".

24 . Certes, cette disposition ne s' applique pas dans le cas d' espèce, et cela pour deux raisons . Elle se trouve, en effet, dans la section 2 ( du chapitre 2, relatif à l' invalidité ), qui traite des cas où des travailleurs ont été soumis soit exclusivement à des législations selon lesquelles le montant de la prestation d' invalidité dépend de la durée des périodes d' assurance ou de résidence, soit à des législations de ce type et du type visé à la section 1, c' est-à-dire des législations
selon lesquelles le montant des prestations d' invalidité est indépendant de la durée des périodes d' assurance . Or, le gouvernement néerlandais nous signale que sa législation est du dernier type . De plus, il semble que, dans le cas de M . Martínez Vidal, une rente ait été accordée exclusivement sur la base de la législation néerlandaise . En second lieu, l' article 40, paragraphe 4, vise uniquement la constatation initiale de l' état d' invalidité ( 4 ), alors qu' ici nous nous trouvons dans l'
hypothèse du contrôle ultérieur . Mais il est intéressant de noter que le système mis en place par le règlement n 1408/71 ne prévoit pas, dans tous les cas de figure, une reconnaissance automatique des constatations relatives à l' état initial d' invalidité effectuées dans un autre État membre .

25 . Accessoirement, l' article 40, paragraphe 4, du règlement de base prouve aussi que l' arrêt du 11 mars 1986, Deghillage ( 28/85, Rec . p . 999 ), qui a été évoqué dans le cadre de la présente affaire, est sans pertinence en l' espèce . Cet arrêt a interprété l' article 57, paragraphe 2, du règlement de base, relatif aux maladies professionnelles, qui prévoit précisément une reconnaissance automatique .

26 . Mais revenons au problème de savoir si le contrôle peut se faire dans le pays de l' institution débitrice .

27 . Dans leurs observations, le gouvernement néerlandais et le GMD ont mis en évidence les particularités du système néerlandais d' évaluation de l' incapacité de travail, qui comporte une comparaison entre les revenus gagnés autrefois et ceux que l' intéressé pourrait encore gagner dans des fonctions convenables . Ces revenus sont déterminés non seulement sur la base de l' état de santé de l' intéressé, mais aussi sur la base de ses aptitudes . Le gouvernement des Pays-Bas a signalé que, dans cet
État membre, cette appréciation comporte non seulement l' intervention d' un médecin, mais aussi celle d' un technicien du travail et d' un technicien du droit .

28 . Mais nous n' avons pas à prendre une décision axée sur la situation néerlandaise . Il est clair, de toute façon, que, pour l' institution débitrice, qui doit évaluer la situation de l' intéressé sur la base de sa propre législation, la solution la plus pratique consiste à faire venir l' intéressé auprès d' elle, de telle sorte qu' elle puisse procéder comme à l' accoutumée, avec la participation de tous ses experts, et en ayant à sa disposition tous ses appareils .

29 . Cela n' est pas possible dans le cas des solutions alternatives, à savoir celle de la délégation de pouvoirs donnée à un médecin établi dans le pays de résidence ou de séjour de l' intéressé, ou celle de l' envoi en mission d' un médecin de l' institution dans ce pays . Un tel envoi en mission reviendrait, d' ailleurs, fort cher, puisque au coût de déplacement viendraient s' ajouter les heures de travail perdues du fait du voyage .

30 . Reste à savoir si l' intéressé peut tirer du droit communautaire un droit de ne pas donner suite à une invitation de se rendre dans le pays où se trouve l' institution débitrice .

31 . Ainsi que la Cour l' a déjà jugé à de multiples reprises, les règlements pris pour l' application de l' article 51 du traité CEE doivent être interprétés à la lumière de l' objectif poursuivi par ce texte qui est d' assurer l' établissement d' une liberté aussi complète que possible de la circulation des travailleurs à l' intérieur du marché commun ( 5 ).

32 . Or, nous ne voyons pas pourquoi cet objectif s' opposerait précisément à ce que le bénéficiaire d' une prestation d' invalidité "circule" pour se soumettre à un contrôle administratif et médical, pour autant que sa santé ne soit pas susceptible d' en souffrir et que les frais de ce déplacement ne soient pas à sa charge .

33 . Si la Cour retenait le principe qu' un tel devoir existe, nous ne croyons pas que cela soit de nature à dissuader une personne d' aller exercer un emploi dans un autre État membre, ni à la dissuader, si elle était un jour déclarée invalide dans le pays d' emploi, de retourner vivre dans son pays d' origine . En effet, à partir du moment où l' obligation de se soumettre à un contrôle auprès de l' institution débitrice ne peut pas être imposée à un ex-travailleur, dans des conditions qui soient
intolérables du point de vue physique ou financier, la simple éventualité d' un tel contrôle ne saurait exercer un effet restrictif sur la libre circulation des travailleurs .

34 . Mais, pour être tout à fait complet, nous vous proposons d' examiner encore si le principe se heurterait à l' un des objectifs du règlement de base, tels qu' ils sont exprimés dans les dispositions et dans les cinquième, sixième et septième considérants de celui-ci . Ces derniers sont libellés comme suit :

"considérant que les règles de coordination des législations nationales de sécurité sociale s' inscrivent dans le cadre de la libre circulation des travailleurs ressortissants des États membres et doivent, à ce titre, contribuer à l' amélioration de leur niveau de vie et des conditions de leur emploi, en garantissant à l' intérieur de la Communauté, d' une part, à tous les ressortissants des États membres l' égalité de traitement au regard des différentes législations nationales et, d' autre part,
aux travailleurs et à leurs ayants droit le bénéfice des prestations de sécurité sociale, quel que soit le lieu de leur emploi ou de leur résidence;

considérant que ces objectifs doivent être atteints, notamment par la totalisation de toutes les périodes prises en compte par les différentes législations nationales pour l' ouverture et le maintien du droit aux prestations, de même que pour le calcul de celles-ci, ainsi que par le service de prestations aux différentes catégories de personnes couvertes par le règlement, quel que soit le lieu de leur résidence à l' intérieur de la Communauté;

considérant que les règles de coordination prises pour l' application des dispositions de l' article 51 du traité doivent assurer aux travailleurs qui se déplacent à l' intérieur de la Communauté les droits et avantages acquis, sans qu' elles puissent entraîner des cumuls injustifiés ".

35 . Dans la présente affaire, le principe de la totalisation des périodes d' affiliation et celui du paiement des prestations sur le territoire de tout État membre autre que celui où se trouve l' institution débitrice ne sont pas en cause . Tout au plus peut-on se demander si le principe de l' égalité de traitement pourrait être concerné .

36 . Aux termes de l' article 3 du règlement n 1408/71,

"les personnes qui résident sur le territoire de l' un des États membres et auxquelles les dispositions du présent règlement sont applicables sont soumises aux obligations et sont admises au bénéfice de la législation de tout État membre dans les mêmes conditions que les ressortissants de celui-ci, sous réserve des dispositions particulières contenues dans le présent règlement ".

37 . Le principe est, donc, l' assimilation des travailleurs migrants aux travailleurs du pays d' emploi, tant en ce qui concerne les avantages qu' en ce qui concerne les obligations . Le travailleur migrant n' a donc pas un droit de se soustraire au contrôle à effectuer par l' institution débitrice dans l' État membre où elle a son siège . Toutefois, afin qu' il ne soit pas pénalisé par le fait d' être retourné dans son pays d' origine, ce qu' on ne saurait lui interdire, il faut qu' il n' ait pas
à supporter des frais de déplacement plus élevés que ceux qui incomberaient à un ex-travailleur résidant dans le pays de l' institution débitrice .

38 . De surcroît, l' article 51 du règlement n 574/72 vise à lui éviter si possible le déplacement, en prévoyant, en substance, que, sauf décision contraire expresse de l' institution débitrice, le contrôle administratif et médical effectué par l' institution du pays de résidence est considéré comme suffisant . L' article 51 conserve donc un très large effet utile, même si l' on admet le principe que l' intéressé peut être convoqué auprès de l' institution débitrice .

39 . On peut, d' ailleurs, raisonnablement s' attendre à ce qu' une telle convocation reste l' exception . Ainsi, il est peu probable que l' institution débitrice convoque l' intéressé si l' institution du lieu de résidence lui annonce une "date de la fin probable" d' une invalidité temporaire assez rapprochée ( rubrique C.11 du formulaire E 213 ) ou, au contraire, lorsqu' elle conclut "que l' intéressé se trouve dans un état permanent d' incapacité totale de travail" ( rubrique 5.1 . de la partie
III "Conclusions" du formulaire E 213 ).

Comme l' ont montré les déclarations du gouvernement néerlandais et du GMD, le problème est surtout celui de la fixation du "taux d' invalidité pour tout autre travail en rapport avec les aptitudes de l' intéressé", à propos duquel la rubrique correspondante du formulaire E 213 ( point 3 de la partie III "Conclusions ") ne doit même pas être remplie par l' institution du lieu de séjour si l' institution débitrice se trouve en République fédérale d' Allemagne, en Irlande, aux Pays-Bas ou au
Royaume-Uni .

40 . M . Martínez Vidal a encore invoqué le droit de tout invalide d' être interrogé dans sa propre langue . Or, même si un médecin du pays de l' institution débitrice venait examiner l' intéressé dans son pays de séjour, l' entretien avec celui-ci devrait se faire par l' intermédiaire d' un interprète si ce médecin ne connaissait pas la langue de l' intéressé .

41 . Pour toutes les raisons exposées ci-avant, nous vous proposons de répondre comme suit à la première question :

"L' institution débitrice de la prestation d' invalidité - ou l' instance compétente pour procéder au contrôle médical - peut, lorsque, après avoir obtenu le rapport de l' institution du pays de séjour ou de résidence de l' intéressé, elle fait usage de la compétence, énoncée à l' article 51, paragraphe 1, du règlement ( CEE ) n 574/72, de faire procéder au contrôle du bénéficiaire d' une prestation d' invalidité par un médecin de son choix, inviter le bénéficiaire en question à se rendre de l' État
membre du lieu de résidence ou de séjour dans l' État membre de l' institution débitrice afin de s' y soumettre à un examen médical . Le bénéficiaire est tenu de répondre à cette invitation, à condition qu' il soit établi qu' il est à même d' effectuer ce voyage sans nuire à sa santé et à condition que les frais de déplacement et de séjour ne soient pas à sa charge ."

Quant à la seconde question

42 . La seconde question est rédigée comme suit :

"2 ) a ) La réponse à la première question sera-t-elle différente s' il est établi que, sans nuire à sa santé, le bénéficiaire est en état d' effectuer le voyage dans l' État membre de l' institution débitrice ou de l' instance compétente pour procéder au contrôle médical?

b ) Est-il important pour la réponse à la question 2, sous a ), que l' aptitude à effectuer le voyage ait été constatée par l' institution de l' État du lieu de résidence ou de séjour ou bien qu' elle l' ait été par l' institution débitrice ou l' instance compétente pour procéder au contrôle médical?"

43 . La réponse à la seconde question, sous a ), de cette question se trouve déjà dans la réponse proposée en ce qui concerne la première question .

44 . Quant à la réponse à donner à la seconde question, sous b ), il y a lieu d' observer que les gouvernements allemand, néerlandais, la Commission et le GMD acceptent ce que le bon sens impose, à savoir que la constatation de l' aptitude ou non de l' intéressé à effectuer le voyage doit être faite sans que ce dernier ait à se déplacer dans le pays de l' institution compétente . Ajoutons que le formulaire E 213 comporte, de toute façon, déjà une rubrique C.7 où le médecin doit indiquer si l'
intéressé est ou n' est pas "dans l' impossibilité absolue de se déplacer ".

45 . Mais si l' institution débitrice souhaitait envoyer un médecin sur place pour vérifier l' exactitude de la constatation faite, à cet égard, par l' institution du pays de séjour ou de résidence, on ne saurait lui dénier ce droit . Pour couvrir également cette hypothèse, nous vous proposons de répondre comme suit :

"L' aptitude de l' intéressé à effectuer le voyage doit être constatée dans le pays de résidence ou de séjour de celui-ci ."

Conclusion

46 . Les réponses proposées sont donc les suivantes :

"1 ) L' institution débitrice de la prestation d' invalidité - ou l' instance compétente pour procéder au contrôle médical - peut, lorsque, après avoir obtenu le rapport de l' institution du pays de séjour ou de résidence de l' intéressé, elle fait usage de la compétence, énoncée à l' article 51, paragraphe 1, du règlement ( CEE ) n 574/72 de faire procéder au contrôle du bénéficiaire d' une prestation d' invalidité par un médecin de son choix, inviter le bénéficiaire en question à se rendre de l'
État membre du lieu de résidence ou de séjour dans l' État membre de l' institution débitrice afin de s' y soumettre à un examen médical . Le bénéficiaire est tenu de répondre à cette invitation à condition qu' il soit établi qu' il est à même d' effectuer ce voyage sans nuire à sa santé et que les frais de déplacement et de séjour ne soient pas à sa charge .

2 ) L' aptitude de l' intéressé à effectuer le voyage doit être constatée dans le pays de résidence ou de séjour de celui-ci ."

(*) Langue originale : le français .

( 1 ) Règlement ( CEE ) n 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l' application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l' intérieur de la Communauté, et règlement ( CEE ) n 574/72 du Conseil, du 21 mars 1972, fixant les modalités d' application du règlement ( CEE ) n 1408/71, dans leur version issue du règlement ( CEE ) n 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983 ( JO L 230, p . 6 ).

( 2 ) L' article 61, qui concerne les accidents du travail et les maladies professionnelles, est identique à l' article 18 .

( 3 ) Souligné dans l' original .

( 4 ) Voir arrêt du 10 mars 1983, Baccini ( 232/82, Rec . p . 583 ).

( 5 ) Voir, en dernier lieu, l' arrêt du 14 novembre 1990, Ibrahim Buhari Haji, point 20 ( C-105/89, Rec . p . I-4211 ).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-344/89
Date de la décision : 12/12/1990
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Arrondissementsrechtbank Amsterdam - Pays-Bas.

Sécurité sociale - Reconnaissance d'une incapacité de travail.

Sécurité sociale des travailleurs migrants


Parties
Demandeurs : Manuel Martínez Vidal
Défendeurs : Gemeenschappelijke Medische Dienst.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mischo
Rapporteur ?: Moitinho de Almeida

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1990:461

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