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14/06/1990 | CJUE | N°C-140/88

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 14 juin 1990., G. C. Noij contre Staatssecretaris van Financiën., 14/06/1990, C-140/88


Avis juridique important

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61988C0140

Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 14 juin 1990. - G. C. Noij contre Staatssecretaris van Financiën. - Demande de décision préjudicielle: Hoge Raad - Pays-Bas. - Sécurité sociale - Détermination de la législation applicable. - Affaire C-140/88.
Recue

il de jurisprudence 1991 page I-00387

Conclusions de l'avocat général

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Avis juridique important

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61988C0140

Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 14 juin 1990. - G. C. Noij contre Staatssecretaris van Financiën. - Demande de décision préjudicielle: Hoge Raad - Pays-Bas. - Sécurité sociale - Détermination de la législation applicable. - Affaire C-140/88.
Recueil de jurisprudence 1991 page I-00387

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . M . Noij, qui réside aux Pays-Bas au moins depuis 1979, a travaillé pendant vingt-cinq ans comme mineur de fond en Belgique . A ce titre, il a bénéficié dès l' année 1979 d' une pension de retraite belge alors qu' il n' avait, à l' époque, que 52 ans . Comme il existe aux Pays-Bas un système d' assurances généralisées auquel sont obligatoirement affiliées toutes les personnes qui résident dans le royaume, même si elles n' exercent pas d' activité professionnelle, M . Noij a été assujetti au
paiement de cotisations de sécurité sociale dont le niveau était calculé notamment en fonction de celui de sa pension de retraite belge . Ces cotisations, qui s' élevaient à un montant égal à 23 % de cette pension, étaient perçues au titre des régimes généraux suivants : assurance vieillesse, incapacité de travail, pensions des veuves et orphelins, allocations familiales, frais de maladie exceptionnels .

2 . Devant les juridictions nationales, M . Noij a fait valoir qu' il n' était pas nécessaire pour lui d' être assuré au titre du régime général d' assurance vieillesse puisqu' il bénéficiait déjà d' une pension belge; que, dans l' hypothèse de son décès, sa veuve aurait droit à une pension égale à 80 % de sa propre pension; qu' il avait droit, à la charge de l' État belge, à tous les avantages découlant de la loi néerlandaise sur les caisses de maladie et de la loi portant régime général des frais
exceptionnels de maladie; qu' avant la mise en oeuvre d' un régime particulier entre les Pays-Bas et la Belgique il avait droit à des allocations familiales au titre de la législation belge; qu' une prestation périodique pour cause d' invalidité ou d' incapacité de travail au titre du régime néerlandais afférent était tout aussi superflue étant donné qu' il jouit d' une rente de vieillesse et que les deux prestations ne peuvent être cumulées; que le seul motif pour maintenir l' assurance au titre du
régime général en matière d' incapacité de travail serait qu' en vertu de ce régime certaines prestations peuvent être octroyées en vue de faciliter les conditions de vie et de travail alors que le régime belge analogue est lié à la résidence sur le territoire de cet État membre . Mais il résulte implicitement des positions adoptées par M . Noij qu' il n' estime pas non plus avoir besoin de ces dernières prestations .

3 . Un arrêté néerlandais du 7 juillet 1982 produisant ses effets au 1er janvier 1982 a modifié la législation en ce sens que les anciens mineurs percevant une pension au titre de la législation belge, pour autant qu' ils n' exercent pas une activité professionnelle et ne perçoivent pas une prestation au titre d' un régime néerlandais, ne sont pas considérés comme assurés au sens des différents régimes néerlandais susmentionnés .

4 . Cette disposition ne règle cependant pas la situation de M . Noij pour ce qui est de l' année 1979, ni celle des personnes bénéficiant d' une pension belge à un autre titre que celui d' ancien mineur ou d' une préretraite en vertu de la législation d' un autre État membre .

5 . Au cours de l' audience, ni le gouvernement néerlandais ni la Commission n' ont contesté que, dans des situations de ce type, la perception de cotisations au titre des différents régimes néerlandais était inéquitable . Ils ont signalé que des échanges de vues étaient en cours au sein de la "commission administrative pour la sécurité sociale des travailleurs migrants" en vue d' élaborer un texte modifiant le règlement ( CEE ) n 1408/71 ( 1 ) afin d' éviter à l' avenir ce genre de situation .

6 . En attendant, le problème relatif aux cotisations payées par le requérant au principal au titre de l' année 1979 subsiste . Sa solution dépend notamment du point de savoir si les règles de détermination de la législation applicable, prévues à l' article 13 du règlement n 1408/71, continuent à s' appliquer aux anciens travailleurs frontaliers qui s' abstiennent d' exercer un nouvel emploi dans leur pays de résidence . En cas de réponse positive à cette question, M . Noij continuerait en effet à
relever de la seule législation belge, et aucune cotisation de sécurité sociale ne pourrait lui être réclamée aux Pays-Bas . Une certaine interprétation de l' arrêt de la Cour du 12 juin 1986, Ten Holder ( 302/84, Rec . p . 1821 ), pourrait donner à penser que tel serait le cas . Dans le dispositif de cet arrêt, la Cour a en effet constaté ce qui suit :

"L' article 13, paragraphe 2, sous a ), du règlement n 1408/71 doit être interprété en ce sens qu' un travailleur qui cesse ses activités exercées sur le territoire d' un État membre et qui n' est pas allé travailler sur le territoire d' un autre État membre reste soumis à la législation de l' État membre de son dernier emploi, quel que soit le temps qui s' est écoulé depuis la cessation des activités en question et la fin de la relation de travail ."

7 . Jusqu' à sa modification intervenue en 1981, l' article 13, précité, prévoyait ce qui suit :

"1 ) Le travailleur auquel le présent règlement est applicable n' est soumis qu' à la législation d' un seul État membre . Cette législation est déterminée conformément aux dispositions du présent titre .

2 ) Sous réserve des dispositions des articles 14 à 17 :

a ) le travailleur occupé sur le territoire d' un État membre est soumis à la législation de cet État, même s' il réside sur le territoire d' un autre État membre ou si l' entreprise ou l' employeur qui l' occupe a son siège ou son domicile sur le territoire d' un autre État membre ."

8 . Afin d' être en mesure de trancher le litige dont il est saisi, le Hoge Raad der Nederlanden a soumis à la Cour les questions suivantes :

"1 ) Les règles de droit communautaire européen dans le domaine de la sécurité sociale ayant pour objet la réalisation de la libre circulation des travailleurs à l' intérieur de la Communauté, en particulier les règles relatives à la détermination de la législation nationale applicable figurant au titre II du règlement ( CEE ) n 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, s' opposent-elles à ce qu' une personne qui réside sur le territoire d' un État membre ( ci-après 'État de résidence' ) et qui, depuis
la cessation de l' activité qu' elle exerçait en qualité de travailleur salarié sur le territoire d' un autre État membre, jouit, par suite de cette activité, d' une pension de retraite au titre de la législation sociale de cet autre État membre se voie réclamer, entre autres en raison de cette pension de retraite, des cotisations d' assuré obligatoire au titre de la législation de son État de résidence :

a ) si, après la cessation de l' activité qu' elle avait exercée sur le territoire de cet autre État membre, elle n' a plus exercé aucune autre activité;

b ) si, après la cessation de cette activité, elle a exercé une activité pendant un certain temps sur le territoire de son État de résidence :

- soit en qualité de travailleur salarié,

- soit en qualité de travailleur indépendant?

2 ) Faut-il répondre d' une manière différente à la question 1, si l' activité exercée dans l' État de résidence visé sous b ) ne constitue qu' une activité d' importance secondaire?"

I - Quant à la question 1, sous a )

9 . Le gerechtshof de Bois-le-Duc, saisi de l' affaire en première instance, a estimé que le règlement n 1408/71 ne s' appliquait pas du tout à M . Noij parce que celui-ci n' exerçait plus aucune activité salariée .

10 . Or, comme le gouvernement espagnol l' a fait remarquer à juste titre, la Cour a dit pour droit, dans son arrêt du 22 mai 1980, Walsh, point 6 ( 143/79, Rec . p . 1639, 1652 ), qu' il

"résulte de certaines dispositions du règlement n 1408/71 que celui-ci est applicable à certains groupes de personnes qui, au moment de la survenance du risque, n' ont pas la qualité de 'travailleur salarié' au sens du droit du travail . Il serait contraire à l' esprit de ces dispositions et à l' un des objectifs essentiels du règlement, qui est d' assurer aux travailleurs se déplaçant à l' intérieur de la Communauté les droits et avantages acquis, d' exclure du champ d' application du règlement -
en donnant à la définition du terme 'travailleur' une interprétation restrictive - tout autre cas où, d' après la législation en cause, l' assurance continue de couvrir les risques de l' assuré, même si celui-ci n' est plus tenu de verser des cotisations ".

11 . Il résulte pareillement de votre arrêt du 31 mai 1979, Pierik, point 4 ( 182/78, Rec . p . 1977, 1993 ), que

"les titulaires d' une pension ou d' une rente dues au titre de la législation d' un ou de plusieurs États membres, même s' ils n' exercent pas une activité professionnelle, relèvent, du fait de leur affiliation à un régime de sécurité sociale, des dispositions du règlement concernant les 'travailleurs' , à moins qu' ils ne fassent l' objet de dispositions particulières édictées à leur égard ".

12 . Il ne saurait donc être nié que le règlement n 1408/71 en tant que tel s' applique également aux personnes qui n' exercent plus d' activité professionnelle .

13 . Le gouvernement néerlandais, le gouvernement espagnol et la Commission partagent cette façon de voir et ils admettent également que les règles de détermination de la législation applicable figurant au paragraphe 2 de l' article 13 continuent à jouer en ce qui concerne les personnes momentanément inactives, mais susceptibles de se remettre au travail à un moment ultérieur, tels les demandeurs ou les bénéficiaires de prestations de maladie visés dans les arrêts du 12 janvier 1983, Coppola, point
11 ( 150/82, Rec . p . 43 ), et du 12 juin 1986, Ten Holder, précité .

14 . Le gouvernement néerlandais et la Commission attirent cependant l' attention sur les termes dans lesquels le paragraphe 2 de l' article 13 est rédigé . Cette disposition établit en effet le principe que c' est la "lex loci laboris" qui doit l' emporter sur la loi du pays où le travailleur a sa résidence . Elle suppose donc un travailleur actif qui exerce sa profession dans un État membre autre que celui d' où il est originaire ou que celui où il réside . Il est dès lors exclu que cette
disposition puisse s' appliquer aux personnes qui ont définitivement cessé toute activité professionnelle ( les "ex-actifs ").

15 . Le gouvernement néerlandais et la Commission mettent également en évidence les inconvénients que l' interprétation contraire pourrait entraîner pour les retraités eux-mêmes, ainsi que les conséquences financières qui pourraient en résulter pour ceux des États membres où existe un régime d' assurance généralisée .

16 . En ce qui concerne les retraités eux-mêmes, il serait inéquitable qu' un "ex-actif" qui ne bénéficierait, au titre de la législation du pays dans lequel il a été occupé en dernier lieu, que d' une préretraite insuffisante ne puisse pas profiter de la possibilité d' acquérir de nouveaux droits à pension dans son pays de résidence lorsque la législation de ce pays ne subordonne pas une telle acquisition à l' exercice d' une activité professionnelle et lorsqu' il ne doit pas payer de cotisations à
cet effet ou lorsque le niveau de celles-ci lui semble supportable .

17 . Par ailleurs, le rattachement exclusif des personnes ayant cessé toute activité professionnelle à la législation du pays du dernier emploi pourrait conduire à des abus aux dépens des États membres où existe un régime d' assurances généralisées, qu' il soit financé par des cotisations ou par l' impôt . Certaines personnes pourraient en effet, vers la fin de leur carrière, aller travailler dans un tel pays pendant une période limitée, puis retourner dans leur pays d' origine en cessant toute
activité, tout en profitant sans retenue du régime du pays de leur ancien emploi sans y payer ni cotisations ni impôts .

18 . Tout en partageant ces arguments du gouvernement néerlandais et de la Commission, nous voudrions tout particulièrement souligner les points suivants .

19 . a ) En règle générale, toute personne est soumise à la législation du pays dans lequel elle réside, qui est aussi, normalement, celui où se trouve son occupation professionnelle . L' article 13 du règlement ne vise qu' à résoudre les conflits de législation susceptibles de se produire lorsque le lieu de résidence et celui de l' occupation ne se situent pas dans le même pays ou dans le cas d' autres situations tout à fait particulières énumérées par cet article . A partir du moment où l' une des
situations visées à l' article 13 prend fin définitivement, et notamment à partir du moment où l' intéressé renonce à toute activité professionnelle, le principe de l' application de la législation du pays de résidence devrait, à notre avis, reprendre ses droits . Si cette législation subordonne une telle affiliation à l' exercice d' une activité professionnelle, rien ne se passera pour autant que la personne en question reste inactive . Si, par contre, cette législation prévoit l' affiliation
obligatoire de tous les résidents, et donc aussi des "ex-actifs", à la sécurité sociale, cette affiliation interviendra automatiquement .

20.b ) A notre avis, on ne saurait tirer un argument en sens contraire du paragraphe 1 de l' article 13, selon lequel "le travailleur auquel le présent règlement est applicable n' est soumis qu' à la législation d' un seul État membre ". D' une part, ce passage ne saurait être lu isolément du paragraphe 2 du même article, dans lequel la portée de ce principe est précisée .

21 . D' autre part, dans vos arrêts Perenboom ( 2 ), Luijten ( 3 ) et Ten Holder ( point 15 ), vous avez interprété le paragraphe 1 de l' article 13 en ce sens qu' il vise à éviter qu' une personne ne soit soumise

"pour une même période à l' assurance en vertu des dispositions des législations de plusieurs États membres ".

Or, une personne qui cesse de travailler dans un autre pays que celui où elle réside entame manifestement une "nouvelle période" et le problème que l' article 13 a pour objet de résoudre ne se pose donc plus à son égard .

22 . Enfin, dans votre récent arrêt Kits van Heijningen ( 4 ), vous vous êtes exprimés comme suit :

"... il y a lieu de relever que l' article 13, paragraphe 2, sous a ), du règlement n 1408/71 a pour seul objet ( 5 ) de déterminer la législation nationale applicable aux personnes exerçant une activité salariée () sur le territoire d' un État membre . En tant que telle, elle n' a pas pour objet de déterminer les conditions de l' existence du droit ou de l' obligation de s' affilier à un régime de sécurité sociale ou à telle ou telle branche de pareil régime . Ainsi que la Cour l' a indiqué à
plusieurs reprises, il appartient à la législation de chaque État membre de déterminer ces conditions ( voir, notamment, arrêt du 23 septembre 1982, Koks, 275/81, Rec . p . 3013 )."

23 . Nous déduisons de tout cela que, à partir du moment où aucune des situations visées à l' article 13 du règlement n 1408/71 ne se trouve plus réalisée, cette disposition cesse de s' appliquer .

24 . Si la personne ayant travaillé auparavant dans un autre État membre réside ou établit sa nouvelle résidence sur le territoire d' un État membre dont la législation en matière de sécurité sociale prévoit l' affiliation obligatoire de tous les résidents, qu' ils exercent ou non une activité professionnelle, le droit communautaire, en son état actuel, ne saurait empêcher cette législation de s' appliquer .

25 . Telle étant la portée de l' article 13, force est de conclure, avec le gouvernement néerlandais et la Commission, que, dans l' arrêt Ten Holder, vous n' avez pu viser que les personnes qui "cessent" leurs activités sur le territoire d' un autre État qu' à titre temporaire, par exemple pour cause de maladie, de maternité ou de chômage .

26.c ) Le fait que le paragraphe 1 de l' article 13 vise "le travailleur auquel le présent règlement est applicable" ( ou, selon la version actuelle du règlement n 1408/71, "les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ") n' est, à notre avis, pas de nature à mettre en cause notre interprétation de cet article .

Il est certain que, pour qu' une disposition du règlement n 1408/71 puisse jouer à l' égard d' une personne, il est nécessaire que celle-ci fasse partie de la catégorie des personnes auxquelles s' applique le règlement . Mais cela n' est pas une condition suffisante : il faut encore que la personne se trouve dans la situation visée par la disposition en cause . Or, en ce qui concerne l' article 13, paragraphe 2, sous a ), cette situation est celle d' une personne qui réside dans un État membre tout
en exerçant une activité dans un autre État membre .

27.d ) L' interprétation selon laquelle un travailleur titulaire d' une pension peut, en principe, être soumis à la législation de son État de résidence est confirmée par un amendement au règlement n 1408/71 introduit par le Conseil le 18 juillet 1989, c' est-à-dire à une date postérieure à l' arrêt Ten Holder . Il s' agit du nouveau paragraphe 2 qui a été ajouté à l' article 33 et qui est libellé comme suit:(6 )

"Lorsque, dans les cas visés à l' article 28 bis, le titulaire d' une pension ou d' une rente est soumis, du fait de sa résidence, à cotisations ou retenues équivalentes pour la couverture des prestations de maladie et de maternité en vertu de la législation de l' État membre sur le territoire duquel il réside, ces cotisations ne sont pas exigibles ."

28 . Cette disposition implique nécessairement qu' aux yeux du Conseil le bénéficiaire d' une pension au titre de la législation de l' État membre A est en principe soumis à la législation de l' État membre B où il réside, lorsque cette dernière a le caractère d' une assurance généralisée à laquelle sont soumis d' office tous les résidents . En effet, si tel n' était pas le cas, le problème du paiement de cotisations dans le pays de résidence ne pourrait même pas se poser . Nous estimons dès lors
pouvoir tirer du nouveau paragraphe 2 de l' article 33 la conclusion que le législateur communautaire lui-même considère que le principe figurant à l' article 13, selon lequel les personnes auxquelles le règlement s' applique ne sont soumises qu' à la seule législation de l' État membre où elles exercent une activité salariée ou non salariée, même si elles résident sur le territoire d' un autre État membre, ne s' applique plus à partir du moment où ces personnes cessent définitivement d' exercer
toute activité professionnelle .

29 . En résumé, nous vous proposons donc une première conclusion consistant à admettre qu' en son état actuel le droit communautaire ne s' oppose pas à ce qu' un travailleur qui cesse toute activité professionnelle à l' étranger et qui ne commence pas une nouvelle activité dans son pays de résidence soit soumis à la législation de son pays de résidence lorsque celle-ci est fondée sur le principe de l' assurance obligatoire de tous les résidents, et cela bien entendu sans préjudice des droits à
pension et, le cas échéant, des devoirs concomitants qui découlent pour lui de la législation du pays de son dernier emploi ( par exemple, retenue de cotisations au titre de l' assurance maladie ).

30 . Mais ce principe implique-t-il nécessairement que ce travailleur doive payer des cotisations au titre des divers régimes de sécurité sociale de son pays de résidence même lorsqu' il estime être suffisamment couvert par les droits acquis par lui au titre de la législation du pays de son dernier emploi?

31 . A cet égard, nous partageons tout d' abord l' opinion de la Commission, selon laquelle M . Noij ne saurait être soumis au versement de cotisations en vertu de la loi néerlandaise sur les frais de maladie exceptionnels ( Algemene Wet Bijzondere Ziektekosten - AWBZ ). Il résulte en effet de l' arrêt de renvoi que le requérant au principal a droit, à la charge de l' organisme belge compétent, aux avantages découlant de cette loi . Or, comme l' indique aussi la Commission, on peut déduire de l'
arrêt rendu par la Cour le 28 mars 1985, Commission/Belgique ( 275/83, Rec . p . 1097 ), à propos de l' article 33 du règlement n 1408/71, que, lorsque les prestations servies dans le pays de résidence conformément à l' article 28 bis sont à la charge de l' organisme d' un autre État membre, cet organisme est seul habilité à opérer des retenues de cotisations, aucune cotisation ne pouvant être perçue dans le pays de résidence .

32 . Le nouveau paragraphe 2 de l' article 33, introduit en 1989, ne fait qu' affirmer explicitement ce principe que la Cour avait déjà déduit de l' article 33 dans sa version résultant du règlement ( CEE ) n 2864/72 du Conseil, du 19 décembre 1972 ( JO L 306, p . 1 ). Or, si ce principe découlait déjà de l' article 33 tel qu' il était rédigé depuis 1972, il était donc applicable en 1979, année à propos de laquelle M . Noij estime que des cotisations lui ont été réclamées à tort .

33 . Reste à savoir ce qu' il en est des cotisations mises à charge du requérant au titre des autres régimes de sécurité sociale néerlandais .

34 . Faut-il conclure de l' absence, dans les autres domaines, de dispositions analogues à l' article 33 qu' en son état actuel le droit communautaire ne s' oppose pas à la perception de telles cotisations? Ou peut-on déduire des articles 48 à 51 du traité un principe général qui interdirait cela?

35 . Dans ce contexte, on pourrait penser au principe maintes fois affirmé par la Cour, et notamment dans l' arrêt de Rijke ( 7 ), suivant lequel

"le but des articles 48 à 51 ne serait pas atteint si, par suite de l' exercice de leur droit de libre circulation, les travailleurs devaient perdre des avantages de sécurité sociale que leur assure la législation d' un État membre ".

36 . A notre avis, il résulte cependant de la jurisprudence en question que cette règle ne joue que lorsque c' est l' application d' une disposition du règlement n 1408/71 elle-même qui est susceptible d' entraîner la conséquence indiquée . Or, en l' espèce, les avantages que la législation belge assure à M . Noij demeurent intacts de jure . C' est seulement parce que la législation de son pays de résidence lui impose des cotisations destinées, au moins en théorie, à lui procurer de nouveaux
avantages qu' il perd, de facto, une partie de sa pension belge .

37 . Il reste que, lorsqu' un travailleur en préretraite estime bénéficier, au titre de la législation de l' État dans lequel il a travaillé précédemment, d' une pension suffisante et de toutes les garanties sociales souhaitables ( assurance maladie, allocations familiales, pension éventuelle pour sa veuve ) et lorsque les cotisations qu' il doit payer dans son pays de résidence constituent pour lui une charge très lourde qui est sans rapport avec l' avantage que la pension additionnelle, à laquelle
il pourrait avoir droit à l' âge de 65 ans, pourrait lui apporter, il serait inéquitable de lui imposer le paiement de ces cotisations . Il existe donc de bonnes raisons pour modifier le règlement n 1408/71 afin de permettre à cet ancien travailleur d' être libéré, à sa demande, de l' application de la législation sociale de son pays de résidence .

38 . Il n' en demeure pas moins qu' en l' état actuel des textes il n' est pas possible de répondre au Hoge Raad que le droit communautaire s' oppose à la perception obligatoire des cotisations prévues par les régimes nationaux de sécurité sociale d' un pays connaissant un système d' assurances généralisées, sauf, le cas échéant, les cotisations qui concernent l' assurance maladie .

39 . Nous vous proposons dès lors de répondre de la manière suivante à la question 1, sous a ), posée par le Hoge Raad :

"En leur état actuel, les règles de droit communautaire dans le domaine de la sécurité sociale ne s' opposent pas à ce qu' une personne qui réside sur le territoire d' un État membre et qui, depuis la cessation de l' activité qu' elle exerçait en qualité de travailleur salarié sur le territoire d' un autre État membre, jouit, par suite de cette activité, d' une pension de retraite au titre de la législation sociale de cet autre État membre se voie réclamer, entre autres en raison de cette pension de
retraite, des cotisations d' assuré obligatoire au titre de la législation sociale de son État de résidence si, après la cessation de l' activité qu' elle avait exercée sur le territoire de l' autre État membre, elle n' a plus exercé aucune activité . Cette perception doit cependant avoir lieu conformément aux dispositions du titre III du règlement n 1408/71 relatives aux titulaires de pensions ou de rentes ."

II - Quant à la lettre b ) de la première question et quant à la seconde question

40 . La réponse que nous avons donnée à la question 1, sous a ), rend, à notre avis, sans objet les questions 1, sous b ), et 2 . Voyons tout de même si une personne bénéficiant d' une pension "étrangère" qui se met à exercer une nouvelle activité professionnelle dans le pays où elle réside doit payer les cotisations prévues par la législation sociale de ce pays .

41 . Rappelons encore une fois que, à partir du moment où une personne exerce une activité dans le pays où elle réside, elle est soumise à la législation de ce pays . A notre avis, il n' est pas nécessaire de se référer aux règles de détermination de l' article 13 pour constater cela : c' est l' évidence même . Une telle personne doit dès lors aussi payer toutes les cotisations prévues par cette législation .

42 . La situation ne serait différente qu' en cas d' application de l' article 14 quinquies, paragraphe 3, du règlement n 1408/71, qui dispose ce qui suit :

"Les dispositions de la législation d' un État membre qui prévoient que le titulaire d' une pension ou d' une rente exerçant une activité professionnelle n' est pas assujetti à l' assurance obligatoire du chef de cette activité s' appliquent également au titulaire d' une pension ou d' une rente acquise au titre de la législation d' un autre État membre, à moins que l' intéressé demande expressément à être assujetti à l' assurance obligatoire ..."

43 . Dans les pays où l' assujettissement à l' assurance obligatoire ne dépend pas de l' exercice d' une activité professionnelle, cette disposition ne s' applique évidemment pas, mais, au cas où les titulaires d' une pension "nationale" seraient exonérés de l' affiliation obligatoire, les titulaires d' une pension "étrangère" devraient être traités de la même façon .

44 . Que se passe-t-il maintenant à partir du moment où une telle personne cesse définitivement de travailler? Nous estimons qu' elle reste soumise à la législation de son pays de résidence dans les mêmes conditions que les autres "ex-actifs" qui y résident .

45 . Le problème que nous avons rencontré à propos de la première question en ce qui concerne les cotisations pour l' assurance maladie ne nous semble pas devoir se poser dans ce cas, puisque l' affiliation au régime du pays de l' exercice de la dernière activité aura probablement entre-temps remplacé l' affiliation au régime de l' État débiteur de la pension . De toute façon, la réponse proposée à cet égard à propos de la question 1, sous a ), est de nature à couvrir les deux hypothèses .

46 . En ce qui concerne le problème abordé dans la seconde question, il suffit de rappeler votre arrêt Kits van Heijningen, précité, où vous avez constaté que

"rien dans les termes de l' article 1er, sous a ), ou de l' article 2, paragraphe 1, du règlement n 1408/71 ne permet d' exclure du champ d' application du règlement certaines catégories de personnes en raison du temps qu' elles consacrent à l' exercice de leur activité . Par conséquent, une personne doit être considérée comme entrant dans le champ d' application du règlement n 1408/71 si elle satisfait aux conditions posées par les dispositions combinées de l' article 1er, sous a ), et de l'
article 2, paragraphe 1, du règlement, indépendamment du temps qu' elle consacre à l' exercice de son activité" ( point 10 ).

47 . Nous vous proposons en conséquence de répondre à la question 1, sous b ), et à la question 2 que

"la situation est la même si, après la cessation de son activité sur le territoire de l' État membre débiteur de la pension de retraite, la personne en question a exercé pendant un certain temps une activité sur le territoire de son État de résidence, soit en qualité de travailleur salarié, soit en qualité de travailleur indépendant, et même si cette activité n' a revêtu qu' une importance secondaire ".

Conclusion

48 . Les réponses que nous proposons de donner aux questions posées par le Hoge Raad sont donc les suivantes :

"1 ) En leur état actuel, les règles de droit communautaire dans le domaine de la sécurité sociale ne s' opposent pas à ce qu' une personne qui réside sur le territoire d' un État membre et qui, depuis la cessation de l' activité qu' elle exerçait en qualité de travailleur salarié sur le territoire d' un autre État membre, jouit, par suite de cette activité, d' une pension de retraite au titre de la législation sociale de cet autre État membre se voie réclamer, entre autres en raison de cette
pension de retraite, des cotisations d' assuré obligatoire au titre de la législation sociale de son État de résidence si, après la cessation de l' activité qu' elle avait exercée sur le territoire de l' autre État membre, elle n' a plus exercé aucune activité . Cette perception doit cependant avoir lieu conformément aux dispositions du titre III du règlement ( CEE ) n 1408/71 qui concernent les titulaires de pensions ou de rentes .

2 ) La situation est la même si, après la cessation de son activité sur le territoire de l' État membre débiteur de la pension de retraite, la personne en question a exercé pendant un certain temps une activité sur le territoire de son État de résidence, soit en qualité de travailleur salarié, soit en qualité de travailleur indépendant, et même si cette activité n' a revêtu qu' une importance secondaire ."

(*) Langue originale : le français .

( 1 ) Règlement relatif à l' application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l' intérieur de la Communauté ( JO L 149 du 5.7.1971 ), mis à jour par le règlement ( CEE ) n 2001/83 ( JO L 230 du 22.8.1983 ) et modifié en dernier lieu par le règlement ( CEE ) n 2332/89 ( JO L 224 du 2.8.1989 ).

( 2 ) Arrêt du 5 mai 1977, Perenboom/Inspecteur des contributions directes de Nimègue, point 11 ( 102/76, Rec . p . 815, 822 ).

( 3 ) Arrêt du 10 juillet 1986, Luijten/Raad van Arbeid, point 15 ( 60/85, Rec . p . 2365, 2373 ).

( 4 ) Arrêt du 3 mai 1990, Bestuur van de Sociale Verzekeringsbank/Héritiers et/ou ayants droit de M . G . J . Kits van Heijningen, point 19 ( C-2/89, Rec . p . I-1755 ).

( 5 ) Non souligné dans l' original .

( 6 ) Règlement ( CEE ) n 2332/89 du Conseil, du 18 juillet 1989, modifiant le règlement ( CEE ) n 1408/71 ( JO L 224 du 2.8.1989, p . 1 ).

( 7 ) Arrêt du 24 septembre 1987, Sociale Verzekeringsbank/De Rijke, point 14 ( 43/86, Rec . p . 3611, 3529 ).


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-140/88
Date de la décision : 14/06/1990
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Hoge Raad - Pays-Bas.

Sécurité sociale - Détermination de la législation applicable.

Sécurité sociale des travailleurs migrants


Parties
Demandeurs : G. C. Noij
Défendeurs : Staatssecretaris van Financiën.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mischo
Rapporteur ?: Moitinho de Almeida

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1990:252

Source

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