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20/02/1990 | CJUE | N°C-62/89

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 20 février 1990., Commission des Communautés européennes contre République française., 20/02/1990, C-62/89


Avis juridique important

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61989C0062

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 20 février 1990. - Commission des Communautés européennes contre République française. - Pêche - Gestion des quotas - Obligations à charge des Etats membres - Affaire C-62/89.
Recueil de jurisprudence 1990 page I-00

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Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Me...

Avis juridique important

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61989C0062

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 20 février 1990. - Commission des Communautés européennes contre République française. - Pêche - Gestion des quotas - Obligations à charge des Etats membres - Affaire C-62/89.
Recueil de jurisprudence 1990 page I-00925

Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Dans la présente affaire, engagée en application de l' article 169 du traité instituant la Communauté économique européenne, la Commission soutient que la République française a omis en 1985 de prendre les mesures nécessaires pour assurer le respect des quotas pour certains stocks de poissons .

2 . Le règlement ( CEE ) n° 170/83 instituant un régime communautaire de conservation et de gestion des ressources de pêche ( JO L 24, p . 1 ) prévoit qu' un total admissible des captures ( ci-après "TAC ") par stocks ou groupes de stocks, pour lesquels il s' avère nécessaire de limiter le volume des captures, est établi chaque année et que le volume des prises disponibles pour la Communauté est réparti entre les États membres ( articles 3 et 4 ). En vertu de l' article 5, paragraphe 1, les États
membres peuvent échanger tout ou partie des quotas qui leur ont été attribués pour une espèce ou un groupe d' espèces . Selon l' article 5, paragraphe 2, les États membres déterminent, en conformité avec les dispositions communautaires applicables, les modalités d' utilisation des quotas qui leur ont été attribués .

3 . Le règlement ( CEE ) n° 2057/82 du Conseil a établi certaines mesures de contrôle à l' égard des activités de pêche exercées par les bateaux des États membres ( JO L 220, p . 1 ). En vertu de l' article 1er, paragraphes 1 et 2, les États membres sont tenus d' inspecter les bateaux de pêche, afin d' assurer le respect des mesures de conservation et de contrôle et d' intenter une action pénale ou administrative contre les capitaines si, à l' issue d' une inspection, il s' avère qu' un bateau de
pêche ne respecte pas la réglementation en vigueur . Les articles 6 à 9 imposent un certain nombre d' obligations aux États membres et aux capitaines de bateaux de pêche en ce qui concerne le contrôle des captures . Ainsi l' article 6, paragraphe 2, impose aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour vérifier l' exactitude des déclarations faites par les capitaines en ce qui concerne les quantités débarquées et le lieu de capture pour chaque stock ou groupe de stocks soumis à un TAC .
Les articles 7 et 8 exigent que le capitaine d' un bateau de pêche qui transborde des quantités de captures de stock ou groupes de stocks soumises à un TAC, ou qui met à terre de telles quantités hors du territoire de la Communauté, informe l' État membre dont son bateau bat pavillon des quantités en question et du lieu des captures . Conformément à l' article 9, les États membres doivent veiller à ce que toutes les mises à terre de stock ou groupes de stocks soumises à un TAC soient enregistrées (
paragraphe 1 ) et notifier à la Commission, avant le 15 de chaque mois, les quantités de ces stocks qui ont été mises à terre au cours du mois précédent, en indiquant le lieu des captures ( paragraphe 2 ).

4 . Conformément à l' article 10, paragraphe 1, du règlement n° 2057/82, toutes les captures d' un stock ou d' un groupe de stocks soumises à quota effectuées par les bateaux de pêche battant pavillon d' un État membre ou enregistrés dans un État membre sont imputées sur le quota applicable, pour le stock ou groupe de stocks en question, à cet État, quel que soit le lieu de la mise à terre . Aux termes de l' article 10, paragraphe 2 :

"Chaque État membre fixe la date à laquelle les captures d' un stock ou d' un groupe de stocks soumises à quota, effectuées par les bateaux de pêche battant son propre pavillon ou enregistrés sur son territoire, sont réputées avoir épuisé le quota qui lui est applicable pour ce stock ou groupe de stocks . Il interdit provisoirement, à compter de cette date, la pêche de poissons de ce stock ou de ce groupe de stocks ..."

L' État membre est tenu de notifier l' interdiction provisoire à la Commission, et, conformément à l' article 10, paragraphe 3, la Commission, suite à une notification ou de sa propre initiative, fixe définitivement, sur base des informations disponibles, la date à laquelle le quota est réputé avoir été épuisé . Les bateaux de pêche battant pavillon de l' État membre concerné doivent cesser la pêche de poissons de ce stock ou de ce groupe de stocks à la date à laquelle le quota est réputé avoir été
épuisé .

5 . Le règlement ( CEE ) n° 2241/87 du Conseil ( JO L 207, p . 1 ), qui a abrogé et remplacé le règlement n° 2057/82 avec effet au 30 juillet 1987, contient des dispositions analogues à celles que nous venons d' exposer .

6 . Pour 1985, le règlement ( CEE ) n° 6/85 du Conseil ( JO L 1, p . 62 ) a réparti les quotas de capture entre les États membres pour les bateaux pêchant dans les eaux féringiennes, c' est-à-dire les eaux relevant de la juridiction en matière de pêche des îles Féroé, qui constituent un territoire autonome faisant partie intégrante du royaume du Danemark et auquel le traité CEE ne s' applique pas conformément aux dispositions de l' article 227, paragraphe 5, sous a ), du traité . Le règlement n°
6/85 a été arrêté conformément aux arrangements conclus entre la Communauté et les îles Féroé dans le cadre de l' accord sur la pêche entre la Communauté économique européenne, d' une part, et le gouvernement du Danemark et le gouvernement local des îles Féroé, d' autre part, qui figure en annexe au règlement ( CEE ) n° 2211/80 du Conseil ( JO L 226, p . 11 ).

7 . L' article 1er du règlement n° 6/85 prévoyait que les captures sont limitées aux quotas fixés à l' annexe, et l' article 2 exigeait des États membres, ainsi que des capitaines des bateaux de pêche, qu' ils se conforment, en ce qui concerne la pêche dans les eaux concernées, aux dispositions des articles 3 à 9 du règlement n° 2057/82 . L' annexe au règlement n° 6/85 a attribué à la France un quota fixé à 450 tonnes pour la rascasse ( ou sébaste ) et à 160 tonnes pour les poissons plats . La durée
de validité de ce règlement qui, initialement, n' était applicable que jusqu' au 20 janvier 1985, a été prorogée jusqu' au 31 décembre 1985 par le règlement ( CEE ) n° 97/85 du Conseil ( JO L 13, p . 5 ).

8 . Le quota français pour la rascasse a été porté à 970 tonnes par voie d' échanges réalisés en novembre 1985, mais les bateaux battant pavillon de la France ont capturé au total 984,7 tonnes de rascasse dans les eaux féringiennes en 1985 . En ce qui concerne les poissons plats, le volume total des captures effectuées par des bateaux de pêche français dans les eaux féringiennes s' est élevé à 708,4 tonnes .

9 . Il résulte du tableau des débarquements que le secrétariat d' État français chargé de la mer a communiqué à la Commission, par lettre du 6 février 1986, et qui a été produit en annexe à la requête présentée en l' espèce, que le quota initial pour la rascasse a été épuisé le 7 juillet 1985 et que le quota augmenté a déjà été épuisé dès le début du mois d' octobre 1985 . Il résulte du même tableau que le quota pour les poissons plats était épuisé dès le 21 juin 1985 .

10 . Le 8 novembre, les pêcheurs français étaient avisés par les autorités françaises de ce qu' ils avaient à cesser la pêche de rascasse et de poissons plats dans les eaux féringiennes . Par règlement ( CEE ) n° 3220/85, entré en vigueur le 16 novembre 1985, la Commission, agissant de sa propre initiative conformément aux dispositions de l' article 10, paragraphe 3, du règlement n° 2057/82, a interdit toutes nouvelles captures de rascasses par les navires battant pavillon de la France ( JO L 303, p
. 43 ). Par règlement ( CEE ) n° 3448/85, entré en vigueur le 7 décembre 1985, la Commission, agissant de nouveau de sa propre initiative, a ordonné l' arrêt de la pêche des poissons plats ( JO L 328, p . 20 ).

11 . Dans la requête présentée en l' espèce, la Commission conclut à ce qu' il plaise à la Cour constater que, en n' assurant pas le respect des quotas qui lui avaient été attribués pour l' année 1985, pour les captures de rascasses et de poissons plats dans les eaux des îles Féroé, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions de l' article 5, paragraphe 2, du règlement n° 170/83, et des articles 1er, paragraphes 1 et 2, 6 à 9 et 10, paragraphes 1 et
2, du règlement n° 2057/82, en liaison avec l' article 1er du règlement n° 6/85 .

12 . L' action de la Commission se fonde en substance sur la carence alléguée de la République française qui n' aurait pas interdit provisoirement la pêche pour les stocks concernés dès que l' épuisement des quotas paraissait imminent, comme l' exige l' article 10, paragraphe 2, du règlement n° 2057/82 .

13 . A cet égard, la Commission fait valoir que l' article 10, paragraphe 2, oblige tout État membre à fixer, sur la base des informations disponibles en ce qui concerne le niveau des captures, la date prévisible de l' épuisement du quota et à prendre en temps utile des mesures appropriées visant à interdire la pêche à compter de cette date . Selon la Commission, l' avis du 8 novembre 1985 était manifestement inadéquat en tant qu' il est intervenu près de quatre mois après que les quotas en question
ont été épuisés et qu' en tout état de cause il n' était pas juridiquement contraignant .

14 . Avant d' examiner les arguments que la France oppose à cette allégation, nous relèverons que, alors que l' article 2 du règlement n° 6/85 fait expressément référence aux articles 3 à 9 du règlement n° 2057/82, l' article 10 n' est pas mentionné . Toutefois, il a été supposé en l' espèce que l' article 10 s' appliquait en ce qui concerne les quotas répartis conformément aux dispositions du règlement n° 6/85, et cette supposition nous paraît exacte . Dès lors que la Communauté conclut avec des
pays tiers des accords relatifs à l' accès et à la conservation des ressources halieutiques, établissant une limitation des captures pour les pêcheurs de la Communauté dans les eaux maritimes de pays tiers, et que, par conséquent, des quotas sont fixés pour les États membres, il s' ensuit que les règles pertinentes tendant à assurer le respect des quotas doivent s' appliquer même en l' absence de référence expresse dans le règlement répartissant les quotas de capture . Nous ajouterons que dans l'
arrêt rendu le 14 novembre 1989 dans l' affaire 6/88, Espagne/Commission, et dans l' affaire 7/88, France/Commission, la Cour a admis, à propos d' eaux maritimes de pays tiers, que certains accords conclus entre la Communauté et des pays tiers au sujet des droits de pêche réciproques et de la gestion des ressources biologiques communes sont exécutés par la voie du règlement n° 170/83 et, partant, par le règlement n° 2241/87, qui a remplacé le règlement n° 2057/82 ( voir point 20 de l' arrêt ).

15 . Cela étant précisé, examinons maintenant les arguments que la France a avancés pour réfuter l' allégation selon laquelle elle aurait enfreint l' article 10, paragraphe 2, du règlement n° 2057/82 . Ces arguments sont au nombre de quatre .

16 . En premier lieu, la France soutient qu' elle a agi en temps utile et de manière appropriée pour prévenir l' épuisement des quotas, en particulier en négociant un relèvement substantiel du quota de rascasse par voie d' échanges . Elle affirme également que l' avis de cessation d' activité doit être considéré comme une mesure efficace, puisque aucun débarquement de captures des espèces concernées n' a été effectué après le 30 octobre, cette cessation d' activité étant donc bien antérieure à l'
adoption des deux règlements de la Commission .

17 . En second lieu, elle fait valoir que la conception stricte défendue par la Commission en ce qui concerne les obligations qui incombent aux États membres en vertu de l' article 10, paragraphe 2, ne tient pas compte des difficultés pratiques considérables que comporte la prévision de l' épuisement imminent d' un quota, notamment en raison du manque d' informations fiables à l' époque considérée sur le niveau des captures . Elle observe qu' en 1985 la réglementation communautaire relative à la
conservation des ressources halieutiques était encore nouvelle et non éprouvée et que le règlement ( CEE ) n° 2807/83 de la Commission ( JO L 276, p . 1 ), relatif aux journaux de bord uniformisés qui doivent être tenus par les capitaines de bateaux de pêche pour enregistrer les captures, n' est entré en vigueur que le 1er avril 1985 . Les niveaux erratiques des captures ont également constitué une source de complication, en particulier lorsque, comme dans le cas des poissons plats, le quota était
de faible importance . A cet égard, la France fait valoir qu' une brusque augmentation du volume de poissons plats débarqués en juin et juillet 1985, faisant suite aux faibles niveaux de captures antérieurs, avait abouti en pratique à l' imprévisibilité de la date d' épuisement du quota .

18 . Ensuite, la France tire argument de l' incertitude quant à l' appréciation de l' importance du dépassement des deux quotas ou à la réalité même du dépassement . A cet égard, la France attire l' attention sur l' absence d' harmonisation au niveau communautaire des coefficients de conversion que les États membres appliquent aux captures débarquées ( poissons vidés ) pour calculer le tonnage de captures en poids vif . La France, tout en concédant que la marge d' incertitude est certes limitée,
soutient que celle-ci pourrait suffire à expliquer le faible dépassement du quota majoré de rascasse . Elle soutient également qu' une part importante des captures de rascasse et l' essentiel des captures de poissons plats ont été effectuées dans des eaux qui font l' objet de contestations de juridiction entre le Royaume-Uni et les îles Féroé : il ne serait donc pas certain que ces prises aient effectivement eu lieu dans les eaux féringiennes .

19 . Finalement, la France fait observer qu' en toute hypothèse le quota global dont la Communauté bénéficiait dans les eaux féringiennes pour les stocks en question n' a pas été épuisé en 1985 .

20 . Nous estimons que ces arguments ne sauraient être accueillis . Il résulte clairement du libellé de l' article 10, paragraphe 2, du règlement n° 2057/82, ainsi que de l' économie et de la finalité de la réglementation communautaire, que les États membres sont obligés de prévenir l' épuisement du quota et de prendre les mesures nécessaires pour interdire provisoirement toute activité de pêche avant même que le quota ne soit épuisé . L' exigence énoncée à l' article 10, paragraphe 2, que chaque
État membre fixe la date à laquelle les captures effectuées par ses bateaux de pêche "sont réputées avoir épuisé le quota ..." ( c' est nous qui soulignons ) indique qu' il faut prévenir l' épuisement du quota . L' utilisation du terme "interdit" à l' article 10, paragraphe 2, et le libellé impératif du deuxième alinéa de l' article 10, paragraphe 3 (" les bateaux de pêche ... cessent de pêcher ..."), révèlent que les mesures prises pour arrêter provisoirement la pêche doivent avoir un caractère
contraignant . Il résulte, en outre, de l' économie de la réglementation que l' obligation imposée aux États membres en vertu de l' article 10, paragraphe 2, est essentielle pour assurer le respect des quotas : cette obligation est donc nécessairement d' interprétation stricte . Une interprétation de l' article 10, paragraphe 2, qui permettrait aux États membres d' attendre que le quota soit épuisé pour réagir, ou d' adopter des mesures de caractère non contraignant, serait difficilement conciliable
avec le caractère contraignant des quotas . Elle compromettrait également l' objectif fondamental des quotas, à savoir la conservation de ressources de pêche rares .

21 . L' avis à la flottille de pêche, du 8 novembre 1985, est manifestement intervenu trop tard pour prévenir le dépassement des quotas et n' avait, de toute façon, pas de caractère contraignant . En outre, comme le souligne la Commission, les États membres ne sauraient se fonder sur la perspective aléatoire d' échanges de quotas pour justifier leur carence au regard de l' article 10, paragraphe 2 . Étant donné que l' échange peut, le cas échéant, ne pas intervenir, un État membre qui tarde à agir
pour interdire provisoirement la pêche, en attendant l' aboutissement de négociations sur les échanges, s' expose au risque d' un dépassement irrémédiable des quotas concernés, résultat qui est de nouveau incompatible avec le caractère contraignant des quotas et avec la finalité du régime des quotas . Il s' ensuit que tout accord conclu avec un autre État membre en vue du relèvement d' un quota doit intervenir avant que le quota initial soit épuisé ou après que l' interdiction provisoire de la pêche
a été édictée .

22 . La France ne peut pas non plus se fonder sur la nouveauté ou les insuffisances alléguées du régime des quotas pour justifier sa carence . Le règlement n° 170/83 est entré en vigueur le 27 janvier 1983, bien avant que les événements litigieux ne se produisent, et le règlement n° 2057/82, qui détermine les moyens de contrôle adéquats, est entré en vigueur le 1er août 1982 . Ainsi que le souligne la Commission, les mesures de contrôle établies par le règlement n° 2057/82 et notamment par les
articles 6 à 9, si elles avaient été respectées et mises en oeuvre correctement, auraient dû fournir aux autorités françaises suffisamment d' informations pour leur permettre de prévoir l' épuisement des quotas et d' agir en conséquence . Certes, les journaux de bord sont incontestablement un moyen important de contrôle des captures, mais le règlement n° 2807/83 a simplement introduit un modèle uniformisé pour le journal de bord que les capitaines de bateaux de pêche doivent tenir; l' obligation de
tenir un journal de bord indiquant les quantités de chaque espèce capturées, ainsi que la date et le lieu de ces captures, est déjà énoncée à l' article 3 du règlement n° 2057/82 . En outre, ainsi que l' agent de la Commission l' a souligné à l' audience, s' il est vrai que le délai de 90 jours accordé conformément au règlement n° 2807/83 aux capitaines de bateaux de pêche pour se familiariser avec le journal de bord uniformisé n' est venu à expiration que le 1er avril 1985, il ressort cependant du
tableau des débarquements, mentionné ci-dessus au point 9, que les bateaux de pêche français n' ont pas mis à terre des rascasses ou des poissons plats avant le 14 mai 1985 .

23 . En tout état de cause, un État membre ne saurait invoquer des difficultés pratiques pour justifier le défaut de mise en oeuvre de mesures de contrôle appropriées . Au contraire, il appartient aux États membres, chargés de l' exécution des réglementations communautaires dans le cadre de l' organisation commune des marchés dans le secteur des produits de la pêche, de surmonter ces difficultés en prenant les mesures appropriées ( voir arrêt du 2 février 1989, Pays-Bas/Commission, point 15, 262/87
).

24 . En ce qui concerne le niveau prétendument erratique des captures de poissons plats de mai à juillet 1985, un examen du tableau des débarquements, mentionné ci-dessus au point 9, révèle que, alors que la quantité totale débarquée en juin 1985 ( 280,5 tonnes ) et en juillet 1985 ( 264,7 tonnes ) était en effet largement supérieure à celle débarquée en mai 1985 ( 8,2 tonnes ), les débarquements effectués en juin ont été réguliers du point de vue tant de leur rythme que des quantités mises à terre
. Il paraît donc concevable que les autorités françaises aient eu la possibilité de prévoir l' épuisement du quota le 21 juin 1985 ou à peu près à cette date .

25 . Même en cas d' application complète et efficace des mesures de contrôle et de surveillance prévues par la réglementation communautaire et par les dispositions nationales complémentaires, il n' est pas à exclure qu' une brusque augmentation des captures d' un stock particulier empêche objectivement qu' un État membre puisse prévenir l' épuisement d' un quota . Toutefois, dans un tel cas, l' État membre en question doit, de toute façon, intervenir immédiatement pour interdire toute activité de
pêche ultérieure dès qu' il apparaît que le quota a été épuisé .

26 . En ce qui concerne l' incertitude alléguée quant au point de savoir si les quotas ont été effectivement dépassés, un élément mineur d' incertitude résultant de l' application non harmonisée de facteurs de conversion ne saurait justifier une carence au regard de l' article 10, paragraphe 2 . En tout état de cause, un élément de ce genre ne saurait expliquer un dépassement substantiel du quota de poissons plats .

27 . En ce qui concerne les prétendues contestations de juridiction, notons que le préambule de l' accord sur la pêche entre la Communauté et le gouvernement du Danemark et le gouvernement local des îles Féroé, mentionné ci-dessus au point 6, énonce qu' il a été décidé d' établir autour des îles Féroé, à compter du 1er janvier 1977, une zone de pêche s' étendant à 200 milles nautiques de la côte et dans laquelle les îles Féroé exerceront des droits souverains aux fins de l' exploration, de l'
exploitation, de la conservation et de la gestion des ressources biologiques de ladite zone . En vertu de l' article 2, sous b ), du même accord, les autorités féringiennes déterminent chaque année les parts attribuées aux navires de pêche de la Communauté ainsi que les zones relevant de leur juridiction à l' intérieur desquelles ces parts peuvent être pêchées . La liste des parts et des zones de pêche est transmise à la Commission et cet élément d' information sert de base à la répartition des
quotas entre États membres . L' accord précité ne contient aucun élément autorisant à penser qu' il existe des contestations de juridiction entre le Royaume-Uni et le Danemark, et la France n' a produit aucun élément de preuve démontrant que, antérieurement à la présente procédure, les zones de pêche communiquées par les autorités féringiennes ont été contestées ou mises en doute par un État membre . Dans ces conditions, la France n' est manifestement pas fondée à invoquer cet argument pour
justifier l' inobservation des quotas .

28 . Enfin, le fait que les quotas dont la Communauté bénéficie dans les eaux féringiennes pour les stocks en question n' ont pas été dépassés en 1985 ne revêt, à notre avis, aucune importance, puisque l' obligation essentielle mise à la charge des États membres par la réglementation communautaire consiste à garantir le respect de leurs quotas nationaux .

29 . Nous sommes donc amené à conclure que la Commission est parvenue à établir l' existence d' un manquement de la République française aux obligations qui lui incombent en vertu de l' article 10, paragraphe 2, du règlement n° 2057/82 .

30 . Dans sa requête, la Commission soutient également que le dépassement des quotas a pu résulter d' un manquement aux obligations de contrôle et d' enregistrement des captures, énoncées aux articles 6 à 9 du règlement n° 2057/82, d' un manquement aux obligations d' inspection et de sanction prévues à l' article 1er, paragraphes 1 et 2, dudit règlement ou encore d' un manquement à l' obligation d' imputer sur le quota applicable toutes les captures effectuées par les bateaux français, conformément
aux dispositions de l' article 10, paragraphe 1, du même règlement . En outre, la Commission fait valoir que le dépassement des quotas a pu résulter du fait que les autorités françaises n' ont pas pris les mesures nécessaires pour déterminer les modalités d' utilisation des quotas, ainsi que l' article 5, paragraphe 2, du règlement n° 170/83 le prescrit . En conséquence, les conclusions exposées par la Commission dans le cadre de la requête envisagent également un manquement à ces obligations
supplémentaires .

31 . Toutefois, les conclusions formulées par la Commission à la fin de sa réplique ont une portée nettement plus restreinte dans la mesure où elles font état uniquement de la violation alléguée de l' article 10, paragraphe 2, du règlement n° 2057/82, en liaison avec l' article 1er du règlement n° 6/85 . Il semble donc que la Commission ait décidé de ne pas maintenir ses allégations supplémentaires et que la Cour n' ait pas à tenir compte de ces allégations .

32 . Toutefois, si la Cour devait considérer que ces allégations continuent de faire partie des conclusions, nous serions d' avis qu' il y a lieu de les rejeter .

33 . En effet, la Commission ne fournit aucune précision dans le cadre de son argumentation en ce qui concerne les manquements allégués . Elle ne s' est pas non plus efforcée d' indiquer les mesures que la France aurait pu prendre pour améliorer l' efficacité de son système de contrôle et de surveillance des captures . Au lieu de cela, elle se borne à affirmer que la simple existence d' un dépassement des quotas démontre que les dispositions pertinentes n' ont pas été respectées . Or, selon une
jurisprudence constante de la Cour, qui a été récemment confirmée par l' arrêt de la Cour du 5 octobre 1989 dans l' affaire 290/87, Commission/Pays-Bas, la Commission, dans le cadre d' une procédure engagée au titre de l' article 169 du traité, ne peut pas se fonder sur une présomption quelconque pour établir l' existence du manquement d' un État membre aux obligations qui lui incombent .

34 . Quelle que soit l' analyse retenue en ce qui concerne les allégations subsidiaires, nous estimons que la Commission a le droit de se voir rembourser ses dépens, puisqu' elle obtient gain de cause pour l' essentiel .

35 . En conséquence, nous concluons en suggérant à la Cour de :

1 ) déclarer que, en ne prenant pas en temps utile les mesures nécessaires en vue d' interdire provisoirement la pêche de la rascasse et des poissons plats, effectuée par les bateaux battant pavillon de la France ou enregistrés en France, dans les eaux des îles Féroé, en 1985, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions de l' article 10, paragraphe 2, du règlement ( CEE ) n° 2057/82 du Conseil, en liaison avec l' article 1er du règlement ( CEE ) n°
6/85 du Conseil;

2 ) condamner la République française aux dépens .

(*) Langue originale : l' anglais .


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-62/89
Date de la décision : 20/02/1990
Type de recours : Recours en constatation de manquement - fondé, Recours en constatation de manquement - non fondé

Analyses

Pêche - Gestion des quotas - Obligations à charge des Etats membres

Agriculture et Pêche

Politique de la pêche


Parties
Demandeurs : Commission des Communautés européennes
Défendeurs : République française.

Composition du Tribunal
Avocat général : Jacobs
Rapporteur ?: Schockweiler

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1990:77

Source

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