La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/02/1990 | CJUE | N°C-109/89

CJUE | CJUE, Conclusions jointes de l'avocat général Jacobs présentées le 7 février 1990., Augusto Pian contre Office national des pensions., 07/02/1990, C-109/89


Avis juridique important

|

61989C0108

Conclusions jointes des l'Avocat général Jacobs présentées le 7 février 1990. - Augusto Pian contre Office national des pensions. - Affaire C-108/89. - Office national des pensions contre Ernesto Bianchin. - Affaire C-109/89. - Demandes de décision préjudicielle: Cour du travai

l de Liège - Belgique. - Sécurité sociale - Règlement no 1408/71 - Légis...

Avis juridique important

|

61989C0108

Conclusions jointes des l'Avocat général Jacobs présentées le 7 février 1990. - Augusto Pian contre Office national des pensions. - Affaire C-108/89. - Office national des pensions contre Ernesto Bianchin. - Affaire C-109/89. - Demandes de décision préjudicielle: Cour du travail de Liège - Belgique. - Sécurité sociale - Règlement no 1408/71 - Législation nationale belge de sécurité sociale.
Recueil de jurisprudence 1990 page I-01599

Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Le problème soulevé dans ces affaires est celui de savoir si les règles anticumul belges s' opposent à l' octroi d' une pension de retraite anticipée belge à deux anciens travailleurs migrants italiens bénéficiant déjà d' une pension d' invalidité italienne .

2 . M . Pian est né le 9 juin 1922 . Il a travaillé en Belgique de 1947 à 1951 en qualité de mineur de fond et il y a occupé, de 1951 à 1971, d' autres emplois salariés . Après être retourné travailler en Italie, il a obtenu, le 1er mars 1974, une pension d' invalidité italienne . A compter du 1er mars 1978, ayant atteint l' âge de retraite des mineurs, qui est de 55 ans, il s' est vu octroyer une pension de retraite belge sur la base de ses périodes d' emploi en tant que mineur de fond . Toutefois,
sa demande du 4 juin 1982 visant à obtenir une pension de retraite anticipée sur la base de ses autres périodes d' assurance accomplies en Belgique a été rejetée par l' Office national des pensions ( ci-après : "Office national ").

3 . M . Bianchin est né le 20 février 1920 . Il a travaillé en Belgique de 1955 à 1961, puis est retourné en Italie où, après une nouvelle période d' emploi, il a obtenu une pension d' invalidité le 1er janvier 1975 . Le 25 mars 1983, il a sollicité de l' Office national l' octroi d' une pension de retraite anticipée sur la base des périodes d' assurance accomplies en Belgique . Sa demande a été rejetée par décision du 23 mars 1984 .

4 . Pour rejeter ces demandes de pensions de retraite anticipée, l' Office national s' est fondé sur les dispositions combinées de l' article 25 de l' arrêté royal n° 50 du 24 octobre 1967 relatif à la pension de retraite et de survie des travailleurs salariés et de l' article 64 bis, premier alinéa, de l' arrêté royal du 21 décembre 1967 portant règlement général du régime de pension de retraite et de survie des travailleurs salariés, pris en exécution de l' article 25 de l' arrêté royal n° 50 .
Selon l' Office national, il résultait de ces dispositions que l' existence d' une pension d' invalidité italienne s' opposait à l' octroi d' une pension de retraite anticipée .

5 . Le recours introduit par M . Pian contre la décision de l' Office national a été rejeté par jugement du Tribunal du travail de Liège du 9 mai 1985 . Le même tribunal a fait droit au recours de M . Bianchin le 11 juin 1986 . La Cour du travail de Liège, saisie des appels formés contre les jugements rendus en première instance, a déféré les questions suivantes à la Cour :

1 . Lorsqu' un travailleur migrant a acquis dans un État membre le droit à une pension d' invalidité personnelle, sans application des règlements communautaires et qu' il fait valoir dans un autre État membre des droits à une prestation du chef de son activité sans application des règlements communautaires, est-il compatible avec les articles 48 et 51 du traité de Rome que l' institution de ce second État, qui accorde la pension de retraite, prenne en considération la pension d' invalidité accordée
par le premier État, comme elle prend en considération les prestations d' invalidité accordées par sa propre législation, pour appliquer les règles anti-cumul de sa législation nationale?

2 . Dans l' affirmative, lorsque la législation d' un État membre règle de manière différente les cumuls de la pension de retraite qu' il accorde avec une prestation d' invalidité ou une prestation de vieillesse, comment faut-il considérer la pension d' invalidité non transformable en pension de vieillesse attribuée par un autre État membre : faut-il la considérer comme une prestation d' invalidité ou comme une prestation de vieillesse?

Faut-il éventuellement distinguer la situation suivant que le bénéficiaire de la pension d' invalidité a ou non atteint l' âge de la retraite ou bénéficie d' une prestation de vieillesse?

Faut-il distinguer selon que la pension de retraite est postulée à l' âge normal ou est demandée par anticipation ( avec réduction du montant )?

3 . En fonction de 1 et 2, cet âge de la retraite doit-il être

a ) celui prévu par la législation dont relève la disposition relative au cumul ou

b ) celui de la législation dont relève la prestation non transformable dont le cumul est réglementé?"

6 . Par sa première question, la juridiction nationale demande en réalité si, dans le cas où le droit à une pension de vieillesse est acquis selon la législation d' un seul État membre, le droit communautaire autorise l' application des dispositions anticumul de cet État membre . La deuxième et la troisième questions ont principalement pour but de savoir si le droit communautaire, s' il autorise l' application de dispositions anticumul, autorise également, aux fins de l' application de celles-ci, l'
application de règles nationales relatives à la classification des prestations résultant du droit d' un autre État membre ainsi qu' à l' âge d' ouverture du droit à une pension de retraite .

7 . Bien que ces questions soient posées au regard des articles 48 et 51 du traité CEE, il est clair qu' il y a lieu d' y répondre sur la base des textes adoptés en application de l' article 51, notamment le règlement ( CEE ) n° 1408/71 du Conseil ( JO 1971 n° L 149, p . 2; version unifiée : JO 1983 n° L 230, p . 8 ).

8 . Selon une jurisprudence constante, lorsqu' un travailleur reçoit une pension en vertu de la seule législation nationale, les dispositions du règlement ( CEE ) n° 1408/71 ne font pas obstacle à ce que cette législation lui soit appliquée intégralement, y compris les règles anticumul nationales ( voir les affaires jointes 116, 117, 119, 120 et 121/80, ONPTS/Celestre, Rec . 1981, p . 1737, point 9 des motifs; affaire 197/85 ONPTS/Stefanutti, Rec . 1987, p . 3855, point 10 des motifs; affaire
128/88, Di Felice/INASTI, arrêt du 18 avril 1989, point 9 des motifs ).

9 . Toutefois, cette position de la Cour a toujours été accompagnée d' une réserve importante, selon laquelle si l' application de la seule législation nationale se révèle moins favorable au travailleur que celle du régime de l' article 46 du règlement ( CEE ) n° 1408/71, les dispositions de cet article doivent être appliquées ( voir les arrêts : Celestre, précité, point 9 des motifs; Stefanutti, précité, point 11 des motifs; Di Felice, précité, point 9 des motifs ). Il appartient donc à la
juridiction nationale de déterminer si c' est l' application de la seule législation nationale ou l' application des dispositions de l' article 46 qui aboutira au résultat le plus favorable pour M . Pian et pour M . Bianchin .

10 . Lorsqu' elle applique la législation nationale, la juridiction nationale est à l' évidence en droit de l' appliquer intégralement, y compris, comme on l' a vu, les règles anticumul, mais aussi les dispositions relatives à la classification des prestations obtenues au titre d' une législation étrangère ou les conditions visant l' âge d' ouverture du droit à une pension de retraite . Ces questions étant ici régies par la loi nationale, aucun problème ne se pose au regard du droit communautaire .

11 . Il convient d' examiner ensuite le cas de l' application de l' article 46 . Si, comme en l' espèce, le droit d' une personne à une prestation est acquis sans qu' il lui soit nécessaire d' avoir recours à des périodes d' assurance accomplies dans d' autres États membres, on distingue deux étapes principales pour l' application dudit article . La juridiction nationale doit d' abord déterminer, selon sa propre législation, "le montant de la prestation correspondant à la durée totale des périodes
d' assurance ou de résidence à prendre en compte en vertu de cette législation" ( article 46, paragraphe 1, premier alinéa ). Puis, elle doit également procéder au calcul de la prestation qui serait due par application du système de totalisation et de proratisation prévu à l' article 46, paragraphe 2, sous a ) et b ). Seul le plus élevé des deux montants calculés de cette façon doit être retenu ( article 46, paragraphe 1, deuxième alinéa ).

12 . En faisant application de la législation belge aux fins du premier alinéa de l' article 46, paragraphe 1, la juridiction nationale est naturellement en droit de rechercher si les conditions d' octroi d' une pension de retraite ou d' une pension de retraite anticipée sont remplies .

13 . La Cour a toutefois estimé, dans une jurisprudence constante, que dans le cas où les dispositions de l' article 46 sont appliquées, il ressort de la dernière phrase de l' article 12, paragraphe 2 du règlement que les règles anticumul nationales ne sont pas d' application lorsque l' intéressé bénéficie de prestations de même nature d' invalidité, de vieillesse ou de décès ( voir les arrêts : Celestre, point 12 des motifs; Stefanutti, point 12 des motifs ). Dès lors que les prestations sont de
même nature, les règles anticumul nationales se trouvent exclues, même en cas d' application du premier alinéa de l' article 46, paragraphe 1 . Or, dans l' arrêt Di Felice, qui a été rendu après le renvoi des présentes affaires, la Cour a jugé, au point 16 des motifs, qu' une pension de retraite anticipée acquise au titre de la législation d' un État membre et une pension d' invalidité acquise au titre de la législation d' un autre État membre sont à considérer comme des prestations de même nature,
au sens de l' article 12, paragraphe 2 du règlement ( CEE ) n° 1408/71 .

14 . Il s' ensuit que, pour le calcul du montant des prestations auxquelles M . Pian et M . Bianchin auraient droit au titre de l' article 46, paragraphe 1, premier alinéa, la juridiction nationale ne doit pas tenir compte des règles anticumul de l' article 25 de l' arrêté royal n° 50 du 24 octobre 1967 et de l' article 64, paragraphe 1 de l' arrêté royal du 21 décembre 1967 . Le montant à prendre en considération au titre de cette disposition est donc celui auquel ils auraient droit selon la
législation belge s' ils ne bénéficiaient pas d' une pension d' invalidité italienne ( affaire 296/84, Sinatra/FNROM, Rec . 1986, p . 1047; arrêt Celestre, point 12 des motifs ). Puisque seule la législation belge entre en ligne de compte et que l' application des règles anticumul nationales est exclue, les autres problèmes soulevés par la juridiction nationale, à savoir celui de l' âge de retraite applicable et celui de la classification des prestations étrangères, ne se posent pas .

15 . Comme on l' a déjà mentionné, la juridiction nationale doit ensuite passer à l' application de l' article 46, paragraphe 2, sous a ) et b ) et retenir le plus élevé des deux montants résultant respectivement de l' application de ces dispositions ou de celle de l' article 46, paragraphe 1, premier alinéa . Si nécessaire, le montant obtenu doit être réduit conformément à l' article 46, paragraphe 3, lequel fixe un plafond pour le montant dont peut bénéficier un travailleur au titre de l' article
46, plafond correspondant au plus élevé des montants théoriques de prestations calculées selon l' article 46, paragraphe 2, sous a ). L' article 46, paragraphe 3 est applicable à l' exclusion des règles anticumul nationales ( voir l' affaire 238/81, Raad van Arbeid/Van der Bunt-Craig, Rec . 1983, p . 1385, point 15 des motifs; arrêt Di Felice, point 9 des motifs ).

16 . Enfin, la juridiction nationale doit procéder à une comparaison entre la prestation qui serait due au titre de la législation belge dans son intégralité, y compris les règles anticumul, et celle qui serait due au titre des dispositions de l' article 46 . Si cette dernière est plus favorable pour M . Pian et M . Bianchin, c' est à celle-ci qu' ils ont droit . Étant donné que l' application de la législation belge dans son intégralité, y compris les règles anticumul, aboutirait à leur refuser le
bénéfice d' une pension de retraite anticipée belge, l' application de l' article 46, qui exclut celle desdites règles, se révèlera sans doute plus favorable pour eux .

17 . En conséquence, nous proposons de répondre comme suit aux questions déférées par la juridiction nationale :

1 . Lorsqu' une personne a droit à une pension en vertu de la seule législation nationale, les dispositions du règlement ( CEE ) n° 1408/71 ne font pas obstacle à ce que cette législation lui soit appliquée intégralement, y compris les règles anticumul nationales et les règles nationales relatives à la classification des prestations qu' elle reçoit selon la législation d' un autre État membre ou visant l' âge d' ouverture du droit à la retraite . Si toutefois l' application de cette législation
nationale se révèle moins favorable pour elle que l' application du régime prévu à l' article 46 du règlement ( CEE ) n° 1408/71, ce sont les dispositions de cet article qui s' appliquent . Dans ce dernier cas, l' article 46, paragraphe 3 est applicable à l' exclusion des règles anticumul de la législation nationale .

2 . Une pension de retraite anticipée acquise au titre de la législation d' un État membre et une pension d' invalidité acquise au titre de la législation d' un autre État membre sont à considérer comme des prestations de même nature, au sens de l' article 12, paragraphe 2 du règlement ( CEE ) n° 1408/71 . En conséquence, aux fins de la détermination du montant visé au premier alinéa de l' article 46, paragraphe 1 du règlement ( CEE ) n° 1408/71, l' application des règles anticumul nationales est
exclue .

(*) Langue originale : l' anglais .


Synthèse
Numéro d'arrêt : C-109/89
Date de la décision : 07/02/1990
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Cour du travail de Liège - Belgique.

Sécurité sociale - Règlement n. 1408/71 - Législation nationale belge de sécurité sociale.

Affaire C-108/89.

Office national des pensions contre Ernesto Bianchin.

Demande de décision préjudicielle: Cour du travail de Liège - Belgique.

Sécurité sociale - Règlement no 1408/71 - Législation nationale belge de sécurité sociale.

Sécurité sociale des travailleurs migrants


Parties
Demandeurs : Augusto Pian
Défendeurs : Office national des pensions.

Composition du Tribunal
Avocat général : Jacobs
Rapporteur ?: Moitinho de Almeida

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1990:56

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award