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11/10/1989 | CJUE | N°353/88

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 11 octobre 1989., Briantex Sas et Antonio Di Domenico contre Communauté économique européenne et Commission des Communautés européennes., 11/10/1989, 353/88


Avis juridique important

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61988C0353

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 11 octobre 1989. - Briantex Sas et Antonio Di Domenico contre Communauté économique européenne et Commission des Communautés européennes. - Responsabilité non contractuelle du fait d'informations erronées. - Affaire 353/8

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Recueil de jurisprudence 1989 page 03623

Conclusions de l'avocat géné...

Avis juridique important

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61988C0353

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 11 octobre 1989. - Briantex Sas et Antonio Di Domenico contre Communauté économique européenne et Commission des Communautés européennes. - Responsabilité non contractuelle du fait d'informations erronées. - Affaire 353/88.
Recueil de jurisprudence 1989 page 03623

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Dans la présente procédure, l' entreprise de textiles italienne Briantex SAS ( ci-après "Briantex ") et M . Di Domenico, son directeur général, demandent, au titre de l' article 215, alinéa 2, du traité, la condamnation de la CEE et de la Commission à la réparation du préjudice qu' ils auraient subi du fait de la communication d' informations erronées .

2 . Du 29 février au 4 mars 1988, une semaine commerciale CEE-Chine a eu lieu à Bruxelles sous l' égide de la Commission . Elle était organisée par Price Waterhouse Belgium ( ci-après "Price Waterhouse "), en vertu d' un contrat conclu avec la Commission . Aux termes de ce contrat, en date du 18 juin 1987, Price Waterhouse s' engageait, entre autres, à assurer la promotion de la semaine commerciale en fournissant des informations aux milieux intéressés ainsi qu' à participer à l' élaboration d' un
programme détaillé, ce qui incluait l' organisation de rencontres individuelles entre hommes d' affaires . Ces tâches devaient être accomplies sur la base de directives générales définies par les fonctionnaires compétents de la Commission et d' une étroite concertation avec ceux-ci .

3 . Par une lettre type datée du 29 décembre 1987, l' Institut italien pour le commerce extérieur, établi à Bruxelles, a adressé aux milieux d' affaires italiens des informations sur la semaine commerciale, accompagnées d' une brochure et d' un formulaire d' inscription . La lettre annonçait la présence, à la semaine commerciale, de dix organismes chinois d' import-export avec des représentants de régions et de provinces "disposant de pouvoirs de décision ". La lettre invitait également les
entreprises italiennes intéressées par les rencontres bilatérales à remplir le questionnaire joint à la brochure et à le retourner directement à l' agence chargée de l' organisation de la semaine commerciale .

4 . Après réception de cette lettre, M . Di Domenico s' est inscrit à la semaine commerciale . Dans sa réponse au questionnaire accompagnant le formulaire d' inscription, il a déclaré que le principal secteur d' activité de sa société portait sur les nappes brodées, les dentelles et les mouchoirs, et qu' il souhaitait avoir une rencontre bilatérale avec des représentants de la China National Arts and Craft Import and Export Corporation ( ci-après "CNART "), organisme chargé du commerce des produits
textiles . Une rencontre a été organisée comme prévu par Price Watherhouse pour le 29 février 1988, et M . Di Domenico s' y est rendu dans l' espoir de conclure un contrat pour l' importation de mouchoirs brodés . Toutefois, selon les requérants, les responsables chinois ont informé M . Di Domenico, au cours de cette rencontre, qu' il leur était impossible de traiter avec lui, car le quota d' importation de l' Italie pour le type de marchandises en question était déjà épuisé . A cet égard, il y a
lieu de mentionner que l' accord entre la Communauté économique européenne et la république populaire de Chine sur le commerce des produits textiles, paraphé le 18 juillet 1979 et approuvé par la décision 86/669/CEE du Conseil ( JO 1986, L 389, p . 1 ), prévoit, dans son article 3, la fixation par la Chine de quotas annuels pour l' exportation vers la Communauté des produits énumérés à l' annexe III . L' exportation de ces produits ( parmi lesquels les mouchoirs de coton ) fait l' objet d' un
système de double contrôle par le pays exportateur et le pays importateur, dont les modalités sont précisées dans le protocole A de l' accord .

5 . Briantex et M . Di Domenico ont immédiatement intenté devant le tribunal de première instance de Bruxelles des actions en réparation au titre de l' article 1382 du code civil belge contre Price Waterhouse et contre la CEE et la Commission . Peu de temps après, ils ont aussi introduit le présent recours en responsabilité contre la CEE et la Commission, tendant à obtenir le paiement de 96 380 BFR pour les frais de déplacement et de séjour de M . Di Domenico, de 200 000 BFR pour la perte de quatre
jours de travail à Bruxelles et de 500 000 BFR pour la non-réalisation du volume d' affaires envisagé .

6 . Dans la présente procédure, les requérants font valoir, pour l' essentiel, que la Commission a commis une faute en fournissant, par l' intermédiaire de son mandataire Price Waterhouse, des informations erronées laissant croire que les responsables chinois étaient en mesure de conclure des affaires alors qu' en réalité ils ne l' étaient pas, en raison de l' épuisement du quota applicable . Puisque ( selon les requérants ) la Commission était responsable de la surveillance des quotas relatifs au
commerce des textiles avec la Chine, elle aurait été tenue de connaître la situation réelle et d' en informer les requérants .

7 . La Commission considère le recours comme irrecevable pour autant qu' il est dirigé contre elle-même, au motif qu' il aurait seulement pu l' être contre la CEE, représentée par la Commission . Elle en conteste également la recevabilité dans la mesure où il est formé par M . Di Domenico, celui-ci n' ayant pas, à son avis, d' intérêt à agir en son nom propre . Quant à la procédure, la Commission invoque le principe de litispendance pour soutenir que la Cour devrait surseoir à statuer dans l'
attente du résultat des actions parallèles intentées par les mêmes requérants contre les mêmes défenderesses devant les tribunaux belges . Selon la Commission, le sursis à statuer est également nécessaire compte tenu de l' action nationale connexe engagée contre Price Waterhouse .

8 . Quant au fond, la Commission fait valoir que l' organisation de la semaine commerciale était placée sous la responsabilité de Price Waterhouse, agissant pour son propre compte en vertu d' un contrat d' entreprise, et non pas en tant que mandataire de la Commission : les actes ou omissions de Price Waterhouse ne seraient donc pas imputables à la Communauté . En tout état de cause, la Commission conteste l' affirmation selon laquelle des informations inexactes auraient été fournies aux requérants
: personne n' aurait jamais laissé entendre à ceux-ci qu' ils auraient la possibilité effective de conclure des contrats lors de la semaine commerciale . La Commission ajoute que, même si elle avait été interrogée en temps utile sur la disponibilité du quota, elle n' aurait pas été en mesure de fournir une réponse précise . La raison en serait que, selon l' accord susmentionné entre la CEE et la Chine sur le commerce des produits textiles, il incombe aux autorités compétentes de la Chine et des
États membres de vérifier, en vue de l' octroi de licences d' exportation ou d' autorisations d' importation relatives à des marchandises soumises à contingentement, si le quota n' a pas été dépassé . Les contrôles exercés par la Commission le seraient a posteriori, sur la base des renseignements communiqués par les autorités des États membres . En outre, selon la Commission, les requérants, qui sont des opérateurs expérimentés dans le secteur des textiles, auraient dû savoir qu' il existait des
quotas et se renseigner eux-mêmes sur les conditions du commerce avec la Chine .

9 . En ce qui concerne la recevabilité du recours contre elle-même, la Commission est sans nul doute fondée, d' un point de vue formel, à considérer qu' un recours au titre de l' article 215 du traité devrait être en principe dirigé contre la Communauté visée, représentée par la ou les institutions à qui le fait générateur de responsabilité est reproché ( voir les affaires jointes 63 à 69/72, Werhahn/Conseil, Rec . 1973, p . 1229, attendus 6 et 7 ). En pratique, toutefois, la Cour a admis, dans ces
affaires, la recevabilité de recours dirigés directement contre la ou les institutions concernées . S' il y a erreur en l' espèce, c' est une erreur de pure forme, qui n' a pas d' incidence sur le fond de l' affaire, et il n' y a pas lieu, selon nous, de déclarer quelque partie que ce soit du recours irrecevable pour ce motif .

10 . Quant à l' intérêt à agir de M . Di Domenico, nous estimons, comme la Commission, qu' il n' a pas d' intérêt individuel au recours . Il est constant qu' il a participé à la semaine commerciale en qualité de directeur général de Briantex, et non pas pour son propre compte, et c' est donc Briantex qui est visée par tout préjudice résultant de cette participation . Cet argument nous paraît mieux fondé que le précédent et nous proposons donc de déclarer le recours irrecevable dans la mesure où il
est introduit par M . Di Domenico .

11 . Selon nous, il n' y a pas lieu pour la Cour de se prononcer sur la demande de la Commission visant à ce qu' il soit sursis à statuer dans la présente procédure dans l' attente d' une décision des tribunaux belges sur l' action parallèle intentée contre la CEE et la Commission ou sur l' action connexe visant Price Waterhouse . En effet, l' affaire peut être aisément tranchée quant au fond .

12 . Nous n' estimons pas non plus nécessaire d' examiner la question préliminaire qui se pose quant au fond de l' affaire, c' est-à-dire celle de savoir si Price Waterhouse, en se chargeant de l' organisation de la semaine commerciale, agissait en tant que mandataire de la Commission et si, par conséquent, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres visés par l' article 215, alinéa 2, du traité, ses actes ou omissions sont imputables à la Communauté . La question de l'
imputabilité ne se pose que s' il existe, en premier lieu, un acte illégal ou une omission fautive, et les requérants, à notre avis, n' ont pas démontré que ce soit le cas .

13 . Selon nous, au vu des faits de l' espèce, un acte illégal aurait été commis uniquement si Price Waterhouse ( agissant au nom de la Commission ) avait affirmé aux requérants qu' ils auraient à coup sûr la possibilité de conclure des contrats pour l' achat de quantités précises des marchandises qui les intéressaient dans le cadre de cette semaine commerciale . Or, aucune assurance ne leur a été donnée en ce sens . Les informations diffusées par l' Institut italien pour le commerce extérieur, qui
ont amené les requérants à participer à la semaine commerciale ( et dont il n' est pas contesté qu' elles émanaient de Price Waterhouse ), présentaient un caractère général et ne contenaient aucune affirmation particulière de cette sorte . Il n' est pas davantage utile aux requérants d' analyser le comportement allégué en une omission fautive, en ce sens qu' il aurait fallu les avertir ou leur signaler que le quota visé était déjà épuisé . Le fait que les requérants ont indiqué, dans le formulaire
d' inscription, qu' ils étaient intéressés par les produits textiles ( parmi lesquels les mouchoirs ) et qu' ils ont demandé une rencontre avec les représentants de la CNART n' était pas suffisant pour faire savoir aux organisateurs de la semaine commerciale que les requérants s' attendaient à conclure des contrats fermes pour l' importation de quantités précises de mouchoirs . Rien ne prouve non plus que, dans le cas où le quota n' aurait pas été déjà épuisé, les requérants auraient été certains de
pouvoir conclure le contrat souhaité avec leurs homologues chinois, ces derniers demeurant libres du choix de leurs cocontractants . En réalité, il ressort du dossier que les représentants de la CNART ont indiqué à M . Di Domenico qu' ils étaient liés par un accord à long terme prévoyant l' exportation, à destination d' une autre entreprise de textiles italienne, de la quantité totale de mouchoirs correspondant au quota italien .

14 . Nous souhaitons ajouter que les requérants ont été invités, par une lettre de la Cour, à produire tout élément de preuve, autre que la lettre type de l' Institut italien pour le commerce extérieur, susceptible de les avoir amenés à penser qu' ils pourraient à coup sûr conclure des contrats avec les responsables chinois lors de la semaine commerciale . Or, les requérants n' ont produit aucune preuve à cet égard .

15 . Nous proposons donc à la Cour :

1 ) de déclarer le recours irrecevable dans la mesure où il est introduit par M . Di Domenico;

2 ) pour le surplus, de rejeter le recours comme non fondé;

3 ) de condamner les requérants aux dépens de l' instance .

(*) Langue originale : l' anglais .


Synthèse
Numéro d'arrêt : 353/88
Date de la décision : 11/10/1989
Type de recours : Recours en responsabilité - non fondé, Recours en responsabilité - irrecevable

Analyses

Responsabilité non contractuelle du fait d'informations erronées.

Responsabilité non contractuelle


Parties
Demandeurs : Briantex Sas et Antonio Di Domenico
Défendeurs : Communauté économique européenne et Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Jacobs
Rapporteur ?: Koopmans

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1989:372

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