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20/01/1989 | CJUE | N°100/87,

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 20 janvier 1989., Rosa Basch et autres contre Commission des Communautés européennes., 20/01/1989, 100/87,


Avis juridique important

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61987C0100

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 20 janvier 1989. - Rosa Basch et autres contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Procédure de concours - Non-admission aux épreuves. - Affaires jointes 100/87, 146/87 et 153/87.
Recueil de juri

sprudence 1989 page 00447

Conclusions de l'avocat général

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Mons...

Avis juridique important

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61987C0100

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 20 janvier 1989. - Rosa Basch et autres contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Procédure de concours - Non-admission aux épreuves. - Affaires jointes 100/87, 146/87 et 153/87.
Recueil de jurisprudence 1989 page 00447

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Les affaires jointes qui nous occupent aujourd' hui mettent en jeu un nouveau litige relatif aux décisions du jury du concours interne COM2/82 . Ce concours a été organisé en vue de la constitution d' une réserve d' assistants adjoints, d' assistants de secrétariat adjoints et d' assistants techniques adjoints des grades 5 et 4 de la catégorie B . A l' occasion des affaires 293/84, Sorani e.a./Commission ( Rec . 1986, p . 967 ) et 294/84, Adams e.a./Commission ( Rec . 1986, p . 977 ), la Cour a
annulé les décisions par lesquelles le jury de ce concours avait refusé d' admettre aux épreuves les requérants desdites affaires . Dans l' affaire Sorani, les requérants étaient au nombre de onze au total, et ils étaient cinquante-trois dans l' affaire Adams . Les décisions avaient été annulées au motif que les candidats n' avaient pas eu la possibilité de prendre position sur les avis exprimés à leur égard par leurs supérieurs hiérarchiques ( attendus 17 à 18 de l' arrêt dans l' affaire 293/84, et
attendus 22 à 24 de l' arrêt dans l' affaire 294/84 ).

Après le prononcé de ces arrêts, le jury a repris la procédure du concours, à l' égard des intéressés, à partir de l' étape à laquelle la Cour avait estimé qu' il avait agi irrégulièrement . Il a d' abord convoqué tous les candidats à des entretiens individuels, qui ont eu lieu en juin et en juillet 1986, et au cours desquels il leur a posé les mêmes questions qui avaient été posées à leurs supérieurs hiérarchiques respectifs . Cette procédure a débouché sur une lettre circulaire du 11 juillet 1986,
indiquant aux candidats que les informations qu' ils avaient apportées n' avaient pas amené le jury à modifier sa décision du 15 juin 1984 . A la suite de réclamations introduites par certains des requérants contre l' insuffisance de cette réponse - réclamations manifestement fondées selon nous -, le jury a convoqué les candidats à de nouveaux entretiens en décembre 1986, au cours desquels il leur a demandé de présenter leurs observations sur les avis exprimés par leurs supérieurs hiérarchiques . Le
jury a cherché, par ce moyen, à se conformer aux arrêts de la Cour, mais avec de maigres résultats . Les requérants des présentes affaires ont tous reçu une lettre du 12 février 1987, adressée à tous dans les mêmes termes, indiquant que les renseignements qu' ils avaient ainsi fournis au jury n' avaient pas amené ce dernier à modifier sa position, et confirmant donc en pratique qu' ils n' étaient pas admis aux épreuves . Les requérants des affaires qui nous occupent aujourd' hui se pourvoient tous
contre cette décision . Il y a vingt-six requérants dans l' affaire 100/87 et un seul dans les affaires 146 et 153/87 .

Le premier point que la Cour est appelée à examiner est la demande en interprétation des arrêts rendus dans les affaires 293 et 294/84, demande présentée dans l' affaire 100/87 en application de l' article 40 du protocole sur le statut de la Cour et de l' article 102 du règlement de procédure . Selon la thèse soutenue à cet égard, les arrêts en question impliquent que les requérants auraient dû être admis aux épreuves sans autres formalités . Toutefois, comme nous l' avons indiqué, le moyen retenu
dans lesdits arrêts était tiré du fait que le jury avait irrégulièrement privé les candidats de la possibilité de présenter leurs observations sur l' avis exprimé par leurs supérieurs . C' est la raison pour laquelle la décision du jury a été annulée . Toutes les parties conviennent que les arrêts en question ont entraîné cette conséquence . A notre avis, il n' y a là aucune ambiguïté . Le point sur lequel porte la controverse entre les parties est l' application de ces arrêts à un certain ensemble
de faits, en l' espèce la situation des requérants à la suite du prononcé desdits arrêts . La Cour a constamment affirmé que les demandes en interprétation portant en réalité sur l' exécution d' un arrêt étaient irrecevables ( voir, en particulier, affaire 110/63 bis, Williame/Commission, Rec . 1966, p . 287, et affaire 206/81 bis, Alvarez/Parlement européen, Rec . 1983, p . 2865 ). Comme l' a déclaré l' avocat général VerLoren van Themaat dans cette seconde affaire ( p . 2877 ), "de par sa nature,
l' annulation d' une décision ... a pour conséquence de rétablir le statu quo ante ". L' annulation des décisions du jury dans les affaires 293 et 294/84 a rétabli les requérants dans la situation dans laquelle ils se trouvaient avant lesdites décisions, c' est-à-dire que leurs candidatures étaient toujours examinées par le jury . Cela correspond aussi à l' avis de l' avocat général Sir Gordon Slynn, qui déclarait à la fin de ses conclusions dans l' affaire 294/84 : "... tous les cas qui font l'
objet de cette affaire doivent être réexaminés ... aux fins de déterminer si certains des candidats peuvent être admis aux épreuves" ( souligné par nous ). Il ne se pose aucune question d' interprétation; nous concluons, dès lors, que la demande en interprétation présentée dans l' affaire 100/87 doit être rejetée comme étant irrecevable .

Pour les mêmes raisons, nous pensons que, dans les affaires 146 et 153/87, il y a lieu de rejeter les arguments des requérants tendant à faire valoir que la Commission a manqué à son obligation d' exécuter correctement les arrêts antérieurs en ne les admettant pas sur le champ aux épreuves .

Nous en venons maintenant au fond de l' affaire : la demande d' annulation de la décision contenue dans la lettre du 12 février 1987, portant refus d' admettre les requérants aux épreuves .

Cette lettre était rédigée dans les termes suivants :

"Le jury a examiné avec la plus grande attention les prises de position que vous avez été en mesure de lui faire connaître sur les avis donnés par les supérieurs consultés, ainsi que sur les informations que vous lui avez communiquées à cette occasion soit verbalement, soit par écrit .

Je voudrais vous rappeler que les différents entretiens auxquels il a été procédé ne sont qu' une partie des éléments à prendre en considération dans l' examen global de votre dossier de candidature .

Compte tenu de l' ensemble des éléments en sa possession, le jury n' a pas constaté qu' il y avait lieu de revenir sur sa décision prise à votre égard précédemment et qui vous a été communiquée en date du 11 juillet 1986 ."

Nous rappelons que cette décision confirmait la décision antérieure du 15 juin 1984 .

Les requérants des trois affaires en cause avancent des arguments différents que nous examinerons tour à tour . En premier lieu, dans les affaires 100 et 146/87, ils invoquent le défaut ou l' insuffisance de motivation de la lettre en question . Il faut naturellement - et c' est là une exigence fondamentale du droit communautaire - que les décisions indiquent les motifs sur lesquels elles se fondent . Ce principe fondamental trouve un exemple d' application à l' article 25 du statut, dont les
passages pertinents en la matière sont libellés comme suit :

"Le fonctionnaire peut saisir l' autorité investie du pouvoir de nomination de son institution d' une demande .

Toute décision individuelle prise en application du présent statut doit être communiquée par écrit, sans délai, au fonctionnaire intéressé . Toute décision faisant grief doit être motivée ..."

En ce qui concerne l' application de ce principe aux décisions rejetant des candidatures à des concours, il existe déjà une jurisprudence importante qui remonte à l' affaire 44/71, Marcato/Commission ( Rec . 1972, p . 427 ), à l' affaire 37/72, Marcato contre Commission ( Rec . 1973, p . 361 ) et à l' affaire 31/75, Costacurta/Commission ( Rec . 1975, p . 1563 ). A l' occasion des affaires jointes 4, 19 et 28/78, Salerno e.a./Commission ( Rec . 1978, p . 2403 ), la Cour a affirmé qu' un jury de
concours est tenu de motiver sa décision de refuser des candidatures et que, s' il est permis d' avoir recours à des motivations sommaires au vu du grand nombre de candidats, le fait de déclarer simplement que le candidat ne remplit pas une condition comportant plusieurs éléments différents ne saurait satisfaire à l' exigence de motivation, étant donné, notamment, qu' une telle affirmation n' est pas de nature à fournir à l' intéressé une indication suffisante pour savoir si le refus est bien fondé
. Dans la ligne de sa jurisprudence Kobor ( affaire 112/78, Kobor/Commission, Rec . 1979, p . 1573 ) et Bonu ( affaire 89/79, Bonu/Conseil Rec . 1980, p . 553 ), la Cour a dit pour droit dans l' arrêt Verzyck ( affaire 225/82, Verzyck contre Commission, Rec . 1983, p . 1991 ) que l' ampleur de la motivation exigée pouvait varier suivant le type et le niveau du concours . Dans le cas d' un concours à participation nombreuse, la tâche de l' administration serait alourdie de manière intolérable, si
celle-ci devait fournir pour chaque refus des explications détaillées; en conséquence, un exposé général des motifs doit obligatoirement être fourni, mais, à moins de demandes expresses d' explications individuelles, il peut être formulé de façon sommaire . En tout état de cause, il demeure impératif d' indiquer sommairement les motifs et, dans l' affaire précitée, la décision contestée a été annulée sur ce fondement, en dépit du fait que le requérant n' avait pas expressément demandé des
explications . Les mêmes principes sont applicables au concours qui nous occupe en l' espèce, même si le nombre des candidats est exceptionnellement élevé .

Au surplus, dans une autre affaire ayant pour origine le même concours, l' affaire 206/85 Beiten/Commission ( arrêt du 16 décembre 1987 ), la décision de ne pas admettre la requérante aux épreuves a été annulée en raison de l' absence d' explications détaillées malgré la demande expresse de cette dernière . L' arrêt a été rendu après les décisions qui sont critiquées en l' espèce, mais il ne s' agit que d' une application de la jurisprudence antérieure . En ce qui concerne les deux précédents arrêts
auxquels ce concours a donné lieu, Adams et Sorani, nous relevons que le défaut de motivation n' a pas été retenu dans l' arrêt Adams, et que les décisions du jury ont été annulées dans les deux affaires en question sur la base d' un autre moyen, comme nous l' avons déjà mentionné . Toutefois, il était manifeste que ces décisions auraient, en tout état de cause, été entachées d' irrégularité pour insuffisance de motifs, comme l' a expressément déclaré l' avocat général Sir Gordon Slynn dans l'
affaire Sorani . Sir Gordon Slynn s' est exprimé dans les termes suivants : "quant à l' insuffisance des motifs, il convient de garder à l' esprit que, dans un concours de ce genre, avec tant de candidats, il peut suffire, dans un premier temps, d' invoquer des raisons générales . Cependant, si un candidat demande des raisons spécifiques et le réexamen de son cas, le jury doit, selon nous, identifier les facteurs précis qui lui sont applicables ...". Il a ajouté que chacun des candidats était en
droit de savoir quels critères il ne remplissait pas aux fins de pouvoir apprécier si, en tirant cette conclusion, le jury n' avait pas commis une erreur de droit, par exemple en tenant compte de considérations sans aucune pertinence .

Compte tenu de ces observations et de la jurisprudence antérieure que nous avons mentionnée, il aurait dû être manifeste pour la Commission que toute nouvelle décision portant refus d' admettre des candidats à des épreuves devrait être motivée .

La Commission n' a pas abordé ces problèmes . Elle soutient simplement ( toute son argumentation se limitant à une seule phrase ) que la décision contenue dans la lettre ne constituait que la confirmation d' une décision antérieure, et que le seul élément nouveau devant être pris en considération par le jury était la prise de position des candidats sur les avis exprimés par leurs supérieurs hiérarchiques . Elle affirme que le fait d' indiquer que le seul élément nouveau n' avait pas amené le jury à
modifier sa position constitue une motivation suffisante .

Cet argument ne saurait, selon nous, être retenu . Indépendamment du fait qu' il aurait fallu, si la décision résultant de la lettre du 12 février 1987 constituait la confirmation d' une décision antérieure, que ladite décision antérieure fût elle-même régulièrement motivée ( ce qu' elle n' était manifestement pas ), nous sommes d' avis que, même à titre sommaire, la lettre du 12 février 1987 était insuffisamment motivée . Elle n' indique nullement que les cas des requérants ont été examinés
individuellement . Il s' agit de la dernière d' une série de lettres standard, dont la première remonte à juin 1984, à la suite desquelles aucun des requérants n' a finalement été informé des raisons du rejet de sa candidature, qu' il ne connaît toujours pas .

La Commission n' a pas tenté de s' appuyer sur l' arrêt de la Cour dans les affaires jointes 64, 71-73 et 78/86, Sergio e.a./Commission ( arrêt du 8 mars 1988 ), et cette jurisprudence ne lui serait d' aucun secours, selon nous, en l' espèce . Là encore, la Cour avait relevé un défaut de motivation . Néanmoins, dans les affaires en question, la Cour avait estimé que les éléments produits pendant la procédure démontraient que le jury avait attentivement examiné chaque candidature - et, au cours de la
procédure orale, chaque candidat avait eu l' occasion de présenter ses observations sur les procédures suivies par le jury et sur ses appréciations . La Cour avait été en mesure de constater elle-même que le jury avait suivi les procédures adéquates et que, par conséquent, le défaut de motivation relevé dans lesdites affaires ne cachait pas une irrégularité de procédure justifiant l' annulation de ses décisions .

Dans le cas des affaires dont la Cour est actuellement saisie, la Commission a produit le procès-verbal des réunions du jury, accompagné d' exemples de tableaux établis par le jury et indiquant les réponses des candidats . Ces procès-verbaux ne fournissent pas les mêmes certitudes que dans l' affaire Sergio . Les dossiers sont incomplets et ne fournissent, quant à eux, aucune indication permettant de savoir pourquoi les réponses données par les candidats n' ont pas été acceptées . En outre, ils ne
concernent naturellement que la dernière étape de la procédure . Dans ces conditions, nous ne pensons pas qu' il soit possible d' appliquer, en l' espèce, l' exception très limitée apportée au principe général par l' arrêt Sergio .

Les décisions sont donc irrégulières pour défaut de motivation . Dans l' affaire 153/87, la requérante n' a pas expressément invoqué le défaut de motivation à titre de moyen d' annulation dans sa requête . Elle a cependant joint à ladite requête, en annexe 6, la photocopie d' une demande très complète, du 12 décembre 1987, qu' elle avait adressée au président et aux membres du jury et qui visait manifestement à obtenir des explications sur les raisons du rejet de sa candidature : demande à laquelle
elle n' a pas véritablement reçu de réponse . Il y a donc lieu, dans toutes les présentes affaires, d' annuler la décision sur ce fondement . Nous pouvons, dès lors, nous contenter d' examiner de façon assez brève les autres moyens invoqués par les requérants .

Dans les affaires Sorani, Adams et Beiten, un grand nombre de critiques visaient la conduite des opérations du concours; en l' espèce, les requérants reprennent un certain nombre de ces critiques et en avancent d' autres, comme ils en ont le droit . Dans l' affaire 100/87, les requérants contestent la légalité de la procédure, au motif que les supérieurs hiérarchiques consultés initialement étaient les assistants des divers directeurs généraux, au lieu du supérieur hiérarchique immédiat de chacun
des candidats . Bien que les avantages manifestes de cette procédure, dans un concours qui a attiré 860 candidatures, soient visibles, l' argument selon lequel les assistants des directeurs généraux ne pouvaient avoir une connaissance précise des connaissances de tous les candidats semble constituer un argument de poids . Toutefois, il faut accorder à la Commission une très grande latitude en ce qui concerne l' organisation d' un concours de ce genre, et nous ne pensons pas que la méthode utilisée,
et expressément annoncée dans l' avis de concours, était anormale au point de rendre le concours irrégulier .

Les requérants des affaires 100 et 153/87 font également valoir que les supérieurs hiérarchiques - tout comme les candidats eux-mêmes lors des entretiens ultérieurs - ont été interrogés sur le point de savoir si le candidat avait ou non rempli des fonctions de niveau B et soutiennent qu' il était illégal de tenir compte de ce critère, dans la mesure où il ne figurait ni dans l' avis de concours, ni dans d' autres documents . C' est là un argument que nous rejetons aussi, car le fait de savoir si un
candidat donné a exercé, en pratique, des fonctions du niveau du grade auquel il demande à être promu est un élément qui présente nécessairement de l' intérêt pour tout jury . C' est donc un élément implicite dans tous les concours de ce genre, à titre d' élément pertinent, mais non à titre de condition impérative, pour une promotion . Le jury ne semble pas avoir considéré cet élément comme une condition impérative .

Dans l' affaire 146/87, le requérant fait valoir que, ayant été inscrit à deux reprises 15 ans auparavant sur des listes d' aptitude à concourir pour le passage au grade B, il doit bénéficier du même droit actuellement, en l' absence de motifs justifiant de façon suffisamment claire la différence d' appréciation . Il s' appuie sur l' affaire 112/78, Kobor/Commission ( Rec . 1979, p . 1573 ). Tant cette affaire que l' affaire 108/84 ( De Santis/Cour des comptes, Rec . 1985, p . 947 ), dans laquelle
le même principe a été appliqué, avaient trait à l' expérience acquise par le candidat considéré . Dans les deux cas, la Cour a estimé que, sauf motifs justifiant la conclusion opposée, l' expérience pratique ou professionnelle d' un candidat, si elle a été considérée suffisante pour l' admettre aux épreuves à un concours, doit être considérée comme suffisante pour l' admettre à un autre concours pour lequel le même niveau d' expérience est exigé . Le requérant n' indique pas si c' était uniquement
en raison de son expérience qu' il avait été admis aux épreuves des concours antérieurs, mais il laisse entendre que son admission s' expliquait par les bons rapports de notation établis à son égard par ses supérieurs . Dans ces conditions, nous ne pensons pas qu' un jury est lié par des rapports de notation qui ont été établis, à l' égard d' un candidat, 15 ans auparavant et davantage, et qui ont précédemment été jugés bons par un autre jury . Ce sont les derniers rapports qui importent .
Néanmoins, les arguments du requérant sur ce point, s' ils ne peuvent être retenus selon nous, font cependant partie d' un moyen plus large, à savoir qu' aucun motif adéquat n' a été fourni pour justifier le refus de l' admettre aux épreuves, et ce moyen plus large nous paraît fondé pour les raisons précédemment indiquées .

Enfin, les requérants des trois affaires font valoir que le jury était incapable, en l' absence de documents écrits, de se souvenir des avis exprimés par les supérieurs hiérarchiques des candidats au moment où, quelque trois ans plus tard, il a interrogé les candidats sur lesdits avis . Les candidats estiment que le jury aurait dû demander à nouveau l' avis des supérieurs hiérarchiques pour être en pleine possession de l' ensemble des éléments . La Commission émet l' idée que les membres du jury
pouvaient se fier à leurs propres notes sur les déclarations des supérieurs hiérarchiques ainsi qu' à leur mémoire,, et elle attire l' attention sur les procès-verbaux des réunions du jury, procès-verbaux dans lesquels figurent des détails desdites déclarations des supérieurs en question . Se fier à des notes et à des souvenirs personnels éventuellement incomplets pour des avis exprimés trois ans plus tôt au sujet d' un très grand nombre de candidats nous paraît être une solution qui ne constituait
peut-être pas la meilleure façon de procéder . Toutefois, cette façon de procéder ne nous paraît pas impropre au point d' imposer l' annulation de la décision sur la base de ce motif . Néanmoins, pour les raisons que nous avons déjà indiquées, il y a lieu d' annuler les décisions dans l' ensemble des affaires de l' espèce .

Dans la mesure où la Commission ne semble pas avoir compris les conséquences des arrêts antérieurs de la Cour, il est peut-être utile de préciser bien clairement quelles sont, selon nous, les conséquences de l' annulation en l' espèce . Ces conséquences sont les suivantes : dans la mesure où les décisions sont nulles pour défaut de motivation, il faut désormais fournir aux requérants des explications individuelles indiquant, pour chacun d' eux, les raisons du refus de l' admettre aux épreuves . L'
explication doit concerner la décision dans son ensemble, sans se limiter à indiquer les raisons pour lesquelles les informations complémentaires fournies à un stade ultérieur n' ont pas amené le jury à changer d' avis . L' explication doit aussi indiquer, pour chacun des requérants, la condition qu' il n' a pas remplie .

Les requérants de l' affaire 100/87 demandent aussi des dommages-intérêts de 200 000 BFR chacun pour le préjudice matériel et moral qu' ils ont subi . Les requérants des affaires 146 et 153/87 n' en réclament pas . Nous estimons qu' il y a lieu de rejeter la demande de dommages-intérêts . Nous en sommes venu à conclure qu' il fallait fournir aux requérants des explications individuelles indiquant les raisons pour lesquelles ils n' avaient pas pu être admis aux épreuves . Si ces raisons sont
valables, les requérants n' ont subi aucun préjudice matériel, étant donné qu' ils n' auraient pas été admis aux épreuves en tout état de cause . Il subsiste la question du préjudice moral; à cet égard, nous estimons que l' annulation des décisions constitue une réparation adéquate de tout préjudice moral que les requérants peuvent avoir subi, comme dans l' affaire 128/84, van der Stijl/Commission ( Rec . 1985, p . 3281 ).

En conséquence, nous pensons qu' il y a lieu :

1 ) d' annuler les décisions du jury portant refus d' admettre aux épreuves chacun des requérants;

2 ) de condamner la Commission aux dépens .

(*) Langue originale : l' anglais .


Synthèse
Numéro d'arrêt : 100/87,
Date de la décision : 20/01/1989
Type d'affaire : Demande d'interprétation d'arrêt - fondée
Type de recours : Recours de fonctionnaires

Analyses

Fonctionnaires - Procédure de concours - Non-admission aux épreuves.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Rosa Basch et autres
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Jacobs
Rapporteur ?: Koopmans

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1989:26

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