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07/12/1988 | CJUE | N°307/87

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 7 décembre 1988., Marion Klein contre Commission des Communautés européennes., 07/12/1988, 307/87


Avis juridique important

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61987C0307

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 7 décembre 1988. - Marion Klein contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Dégagement volontaire, droit à l'allocation de foyer. - Affaire 307/87.
Recueil de jurisprudence 1989 page 00125
>Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs ...

Avis juridique important

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61987C0307

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 7 décembre 1988. - Marion Klein contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Dégagement volontaire, droit à l'allocation de foyer. - Affaire 307/87.
Recueil de jurisprudence 1989 page 00125

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Mme Klein était fonctionnaire de grade LA 4 à la Commission et son conjoint, M . Lorentzen, fonctionnaire de grade LA 5 au Conseil . N' ayant pas d' enfants à charge et percevant chacun un traitement supérieur au traitement de base spécifié, ils ne remplissaient pas, à l' origine, les conditions d' octroi de l' allocation de foyer définies à l' article 67 et à l' article 1er, paragraphe 3, de l' annexe VII du statut . La Commission a admis Mme Klein au bénéfice d' une pension d' invalidité au titre
de l' article 78 du statut; à la suite de cette décision, son époux a eu droit à une allocation de foyer, qui lui fut versée - ainsi qu' il convenait - par le Conseil à compter de cette date .

Avec effet au 1er octobre 1986, M . Lorentzen a été autorisé - dans les conditions prévues par le règlement n° 3518/85, du 12 décembre 1985, instituant, à l' occasion de l' adhésion de l' Espagne et du Portugal, des mesures particulières concernant la cessation définitive de fonctions de fonctionnaires des Communautés européennes ( JO L 335, p . 56 ) - à cesser ses fonctions auprès du Conseil . Ce règlement autorisait les institutions communautaires "à prendre des mesures de cessation définitive de
fonctions" à

l' égard de certains de leurs fonctionnaires ( article 1er ) et prévoyait que les fonctionnaires ayant fait l' objet d' une telle mesure auraient "droit à une indemnité mensuelle égale à 70 % du traitement de base afférent au grade et à l' échelon détenus par l' intéressé lors de son départ du service" ( article 4, paragraphe 1 ). Aux termes de l' article 4, paragraphe 5, du règlement, "dans les conditions énoncées à l' article 67 du statut et aux articles 1er, 2 et 3 de l' annexe VII du statut, les
allocations familiales sont ... versées au bénéficiaire de l' indemnité prévue au paragraphe 1 ... le montant de l' allocation de foyer étant calculé sur la base de cette indemnité ".

D' autre part, l' article 81 du statut dispose que "le titulaire d' une pension d' invalidité ... a droit, dans les conditions prévues à l' annexe VII, aux allocations familiales visées à l' article 67; l' allocation de foyer est calculée sur la base de la pension du bénéficiaire ". Cette situation conduisait à s' interroger sur le point de savoir si l' allocation de foyer devait continuer à être versée au mari sur la base de l' indemnité à laquelle il a droit en vertu du règlement n° 3518/85 ou si
ce paiement devait être interrompu et l' allocation de foyer versée à l' épouse sur la base du montant de sa pension d' invalidité . La dernière solution aurait conduit au versement d' une allocation sensiblement plus élevée .

Par une lettre du 1er novembre 1986, Mme Klein a demandé que le paiement de l' allocation de foyer soit effectué à son nom par la Commission à partir du 1er octobre 1986 . La Commission a rejeté cette demande, par lettre du 17 décembre 1986 . Mme Klein a réitéré sa demande en adressant une réclamation en application de l' article 90, paragraphe 2, du statut, parvenue, semble-t-il, à la Commission le 4 mars 1987; par décision adoptée le 1er juillet 1987 et notifiée à la requérante par lettre du 10
juillet 1987, la Commission a rejeté cette réclamation . Mme Klein a introduit un recours devant la Cour le 8 octobre 1987, ayant pour objet l' annulation de la décision de la Commission du 17 décembre 1986 refusant le transfert de l' allocation de foyer à son nom et, en tant que de besoin, l' annulation de la décision du 1er juillet 1987 rejetant sa réclamation, ainsi que la condamnation de la défenderesse à l' ensemble des dépens .

Les conditions d' octroi de l' allocation de foyer à chacun des deux conjoints sont régies par l' article 1er de l' annexe VII du statut, applicable à l' épouse en vertu de l' article 81 du statut et au mari en vertu de l' article 4, paragraphe 5, du règlement n° 3518/85 . Selon l' article 1er, paragraphe 3, de l' annexe VII :

"Dans le cas où son conjoint exerce une activité professionnelle lucrative donnant lieu à des revenus professionnels supérieurs au traitement de base annuel d' un fonctionnaire du grade C 3 au troisième échelon, affectés du coefficient correcteur fixé pour le pays dans lequel le conjoint exerce son activité professionnelle, avant déduction de l' impôt, le fonctionnaire ayant droit à l' allocation de foyer ne bénéficie pas de cette allocation, sauf décision spéciale de l' autorité investie du pouvoir
de nomination ..."

Aux termes de l' article 1er, paragraphe 4, de l' annexe VII :

"Lorsque, en vertu des dispositions ci-dessus, deux conjoints employés au service des Communautés ont tous deux droit à l' allocation de foyer, celle-ci n' est versée qu' au conjoint dont le traitement de base est le plus élevé ."

Se référant mutatis mutandis à l' article 1er, paragraphe 4, en ce qui concerne sa situation et celle de son conjoint, Mme Klein fait valoir que - sa pension d' invalidité étant plus élevée que l' indemnité perçue par son mari en application du règlement n° 3518/85 - l' allocation de foyer devrait être versée au nom de la requérante sur la base de sa pension d' invalidité, à compter du 1er octobre 1986, date à laquelle son époux a été admis au bénéfice d' une indemnité au titre du règlement n°
3518/85 .

A l' opposé, la Commission soutient en substance que M . Lorentzen doit être considéré comme "exerçant une activité professionnelle lucrative" au sens de l' article 1er, paragraphe 3, de l' annexe VII, de sorte que Mme Klein n' a pas droit, en vertu de l' article 1er, paragraphe 3, à l' allocation de foyer . Le problème en l' espèce réside par conséquent dans la question de savoir s' il est possible d' assimiler le fait de percevoir une indemnité en application du règlement n° 3518/85 à l' exercice
d' une "activité professionnelle lucrative" au sens de l' article 1er, paragraphe 3, de l' annexe VII du statut .

La Commission convient - à juste titre, selon nous - de ce que son interprétation n' est pas conforme à la formulation expresse de l' article 1er, paragraphe 3 . L' article 1er, paragraphe 3, du règlement n° 3518/85 prévoit des mesures "concernant la cessation définitive de fonctions" de certains fonctionnaires . Si l' on procède à une interprétation littérale, il paraît impossible d' apparenter la situation d' un fonctionnaire dont les fonctions ont pris fin de la sorte à l' hypothèse de l'
"exercice d' une activité professionnelle lucrative ."

La Commission fait cependant valoir que l' article 1er, paragraphe 3, vise à subordonner le droit d' un fonctionnaire à l' allocation de foyer à la condition de l' absence de perception par le conjoint du fonctionnaire de revenus professionnels supérieurs à un certain montant . Elle relève que, conformément à cet objectif, l' article 1er, paragraphe 3, doit faire l' objet d' une interprétation extensive de manière à englober - au-delà des revenus découlant de l' exercice effectif d' une activité
actuelle - les revenus liés à une activité professionnelle, bien que n' en résultant pas directement, tels que les prestations de sécurité sociale versées pour cause de maladie, le traitement maintenu pendant le congé de maladie, les prestations de chômage, les indemnités de licenciement, les pensions de préretraite ou les allocations allouées aux fonctionnaires dans le cadre de mesures particulières concernant la cessation définitive de fonctions de fonctionnaires à l' occasion de l' adhésion de
nouveaux États membres . L' intention véritable du législateur était de supprimer l' allocation de foyer des fonctionnaires n' ayant pas d' enfants à charge, au cas où le conjoint dispose de revenus professionnels supérieurs à un certain montant . L' expression "exerce une activité professionnelle lucrative" se rapporte à l' hypothèse la plus fréquente, laquelle correspond à des revenus découlant d' une activité; mais elle ne tend pas à exclure les cas - plus rares - tels que les prestations de
maladie, la pension de préretraite ou les indemnités telles que celles prévues par le règlement n° 3518/85 . Une interprétation littérale de l' article 1er, paragraphe 3, conduirait à des résultats contraires à l' intention du législateur et au principe d' égalité . A titre d' exemple, selon une interprétation littérale, un couple de fonctionnaires mariés de la catégorie A n' ayant pas d' enfants à charge n' aurait pas droit à une allocation de foyer pendant que tous deux exercent une activité
professionnelle, mais y aurait droit si l' un d' eux bénéficiait d' une indemnité au titre du règlement n° 3518/85, alors que les revenus du couple excéderaient largement ceux d' un couple de fonctionnaires du grade C 4 ou d' un couple où l' un des époux percevrait, dans le secteur privé, un salaire légèrement supérieur au seuil défini à l' article 1er, paragraphe 3 .

Nous n' estimons pas qu' une interprétation littérale de l' article 1er, paragraphe 3, impliquerait une violation du principe d' égalité, comme le prétend la Commission . Tel serait le cas si des situations analogues étaient traitées de manière différente, mais, dans les exemples cités par la Commission, les situations sont différentes : qu' il s' agisse d' un fonctionnaire ou du secteur privé, le conjoint exerce - dans les exemples cités - une activité professionnelle, tandis que la mesure adoptée
en application du règlement n° 3518/85 - à propos du conjoint dans la présente espèce - porte sur la cessation définitive de fonctions .

Bien que l' argument selon lequel l' article 1er, paragraphe 3, tend à appréhender certaines formes de revenus autres que les revenus provenant de l' exercice effectif d' une activité actuelle présente, selon nous, une certaine force, nous estimons qu' une interprétation aussi extensive que celle préconisée par la Commission est incompatible avec les termes clairs de cette disposition . L' article 3, paragraphe 1, vise, dans la version anglaise, une personne "gainfully employed" et, dans la version
française, une personne qui "exerce une activité professionnelle lucrative ". Ces expressions mettent, selon nous, l' accent de manière claire et exclusive sur l' exercice actuel et effectif d' une activité professionnelle à l' origine des revenus . Les termes sont trop clairs pour faire l' objet d' une interprétation extensive semblable à celle avancée par la Commission .

Même à admettre que l' article 1er, paragraphe 3, doive être entendu de manière à inclure les "revenus de remplacement" - pour reprendre la formule de la Commission -, le domaine auquel devrait s' appliquer une telle extension demeure entièrement flou . Bien qu' il puisse être possible de considérer des prestations de maladie servies de manière temporaire pendant la durée de la maladie comme un "revenu de remplacement", parce que la relation de travail subsiste, d' autres sources de revenus
soulèvent davantage de difficultés . Ainsi, tout en admettant, apparemment, que les pensions de vieillesse et d' invalidité sont exorbitantes du champ d' application de l' article 1er, paragraphe 3, la Commission soutient que des pensions de préretraite doivent être réputées comme en faisant partie; or, on distingue difficilement les raisons pour lesquelles les pensions de vieillesse devraient être exclues alors que celles de préretraite seraient englobées . En outre, il n' est pas certain que les
pensions de préretraite allouées en application du droit national puissent être assimilées à une indemnité octroyée en vertu du règlement n° 3518/85, notamment en raison de leur finalité différente . Il a été tiré argument dans la présente espèce de possibles similitudes ou différences entre les pensions de vieillesse et les allocations de préretraite dans le cadre, respectivement, du droit national et du règlement n° 1408/71; toutefois, la pertinence de telles comparaisons dans un contexte
différent, tel que celui du statut, reste à établir . Ces difficultés font apparaître, selon nous, qu' une redéfinition du domaine d' application de l' article 1er, paragraphe 3, - si elle s' avère appropriée -, est du ressort de la loi plutôt que de la jurisprudence, en raison du degré inacceptable d' insécurité juridique qui pourrait résulter d' une résolution jurisprudentielle du problème .

Quoi qu' il en soit, il ne nous semble pas acceptable de ranger l' indemnité versée au titre du règlement n° 3518/85 du Conseil dans la catégorie des "revenus de remplacement", telle que nous l' entendons . Ce règlement prévoit des "mesures de cessation définitive de fonctions", c' est-à-dire de cessation définitive de l' activité professionnelle, comme l' atteste de manière particulièrement nette la version française . Dans de telles circonstances, il ne peut être question de remplacer les revenus
du travail, étant donné que la relation de travail a cessé . Le fait qu' un fonctionnaire peut opter - en vertu de l' article 4, paragraphe 7, du règlement - pour la poursuite du versement de la contribution en vue d' acquérir de nouveaux droits à pension d' ancienneté n' affecte, selon nous, en rien cette conclusion .

La Commission suggère également que l' article 1er, paragraphe 3, de l' annexe VII ne saurait faire l' objet d' une interprétation littérale; en effet, sa rédaction est antérieure à l' adoption de mesures concernant la cessation définitive de fonctions de fonctionnaire à l' occasion de l' adhésion de nouveaux États membres ( telles que celles prévues par le règlement n° 3518/85 ), la règle énoncée à présent dans l' article 1er, paragraphe 3, ayant été introduite pour la première fois dans le statut
en 1962 . Toutefois, dans sa version actuelle, le statut a été modifié à environ 46 reprises . Dans le cas particulier, le libellé de l' article 1er, paragraphe 3, de l' annexe VII du statut résulte pour l' essentiel d' une modification introduite en 1973, à savoir par le règlement n° 558/73, du 26 février 1973 ( JO L 55, p . 1 ). Cette modification a été adoptée peu de temps après le premier élargissement des Communautés, alors qu' un règlement prévoyant des mesures particulières destinées à mettre
fin de manière définitive aux fonctions de fonctionnaires à la suite de l' adhésion de nouveaux États membres venait d' être arrêté pour la première fois : le règlement n° 2530/72, du 4 décembre 1972 ( JO L 272, p . 1 ). Il eût été parfaitement possible de prendre des dispositions face à cette situation dans le cadre de la modification apportée en 1973 à l' article 1er, paragraphe 3, ou de modifications ultérieures du statut, notamment à l' occasion des deux élargissements ultérieurs des Communautés
en 1981 et en 1986 . Une autre possibilité eût été que les règlements instaurant des mesures particulières concernant la cessation définitive de fonctions de fonctionnaires à l' occasion de l' adhésion de nouveaux États membres, notamment le règlement n° 3518/85 - en cause en l' espèce -, prévoient des dispositions spécifiques - si elles avaient été jugées nécessaires . Ni l' un ni l' autre de ces deux types de modification n' a été adopté, malgré les occasions nombreuses qui se sont présentées
depuis que des mesures concernant la cessation définitive de fonctions de fonctionnaires lors de l' adhésion de nouveaux États membres ont été introduites pour la première fois . Nous estimons, par conséquent, que l' argument de la Commission - fondé sur l' ancienneté de la règle litigieuse - est dépourvu de pertinence .

L' argument décisif réside, selon nous, dans le caractère clair et précis des termes utilisés à l' article 1er, paragraphe 3, de l' annexe VII et dans le fait que les fonctionnaires sont en droit de se fonder sur les termes clairs du statut - dans sa version actuelle . Nous sommes d' avis qu' un fonctionnaire tel que M . Lorentzen ne peut être traité - en raison de l' indemnité qui lui est allouée en application du règlement n° 3518/85 - comme exerçant une activité professionnelle lucrative, de
manière à relever du champ d' application de l' article 1er, paragraphe 3, de l' annexe VII . Cette disposition ne s' applique pas au cas d' espèce, qui relève, par conséquent, des dispositions de l' article 1er, paragraphe 4, de l' annexe, en vertu desquelles Mme Klein a droit à partir du 1er octobre 1986 à l' allocation de foyer calculée sur la base du montant de sa pension d' invalidité .

Pour ces motifs, nous concluons à l' annulation de la décision de la Commission du 17 décembre 1986 refusant d' allouer à la requérante le bénéfice de l' allocation de foyer et à la condamnation de la défenderesse à l' ensemble des dépens .

(*) Traduit de l' anglais .


Synthèse
Numéro d'arrêt : 307/87
Date de la décision : 07/12/1988
Type de recours : Recours de fonctionnaires - fondé

Analyses

Fonctionnaires - Dégagement volontaire, droit à l'allocation de foyer.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Marion Klein
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Jacobs
Rapporteur ?: Moitinho de Almeida

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1988:527

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