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27/10/1988 | CJUE | N°280/87

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 27 octobre 1988., André Hecq contre Commission des Communautés européennes., 27/10/1988, 280/87


Avis juridique important

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61987C0280

Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 27 octobre 1988. - André Hecq contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaire - Réduction des fonctions. - Affaire 280/87.
Recueil de jurisprudence 1988 page 06433

Conclusions de l'avocat généra

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Par votre arrêt d...

Avis juridique important

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61987C0280

Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 27 octobre 1988. - André Hecq contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaire - Réduction des fonctions. - Affaire 280/87.
Recueil de jurisprudence 1988 page 06433

Conclusions de l'avocat général

++++

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Par votre arrêt du 23 mars 1988, vous avez rejeté le recours introduit par M . A . Hecq, assistant technique de grade B 3, à l' encontre de la décision prise par la Commission des Communautés européennes de le "sortir" du secteur "immeubles", où il dirigeait une équipe de techniciens, et de le charger d' assumer seul la responsabilité, dans les domaines thermie et sanitaire, de cinq nouveaux immeubles occupés ou à occuper par les services de la Commission ( affaire 19/87 ).

Les présentes conclusions concernent le second recours introduit par M . Hecq, qui vise à faire annuler "la décision, de date inconnue et d' auteur inconnu, de lui retirer la responsabilité en matière de thermie-sanitaire du bâtiment de la Commission situé au Square Frère Orban à Bruxelles" ( l' un des cinq immeubles dont la responsabilité lui avait été confiée au début de l' année 1986 ), ainsi que "la décision implicite de rejet de sa réclamation administrative au titre de l' article
90,.paragraphe 2, du Statut des fonctionnaires ".

En réponse à une question posée par la Cour, la Commission a fait savoir que la décision de retirer le bâtiment "Orban" de la responsabilité de M . Hecq a été prise le 27 janvier 1987 par le chef du service spécialisé "immeubles" de la direction générale Personnel et administration . Le chef du secteur "immeubles" a mis cette décision à exécution le jour même . Il est par ailleurs constant que cette décision a été portée oralement à la connaissance du requérant .

Pour un exposé plus détaillé des faits, nous nous permettons de nous référer au rapport d' audience . Nous vous proposons d' examiner successivement les trois séries de moyens par lesquels le requérant motive son recours en annulation .

I - Quant à la violation du principe de l' équivalence entre le grade et l' emploi et l' incompétence du fonctionnaire ayant pris la décision incriminée

L' article 5, paragraphe 4, du statut prévoit que "la correspondance entre les emplois types et les carrières est établie au tableau figurant à l' annexe I . Sur la base de ce tableau, chaque institution arrête, ... la description des fonctions et attributions que comporte chaque emploi type ".

Aux termes de l' article 7, paragraphe 1, alinéa 1, "l' autorité investie du pouvoir de nomination affecte, par voie de nomination ou de mutation, dans le seul intérêt du service et sans considération de nationalité, chaque fonctionnaire à un emploi de sa catégorie ou de son cadre correspondant à son grade ".

Dans la requête, le requérant avait estimé que "les actes attaqués dans le présent recours sont des actes-conséquence des actes attaqués dans le recours 19/87 ". Ils participeraient à la même illégalité ( violation du principe de l' équivalence entre le grade et l' emploi ) et celle-ci entraînerait, par voie de conséquence, l' illégalité des actes présentement attaqués . Or, puisque par votre arrêt du 23 mars 1988 vous avez rejeté le premier recours de M . Hecq, les décisions qui en faisaient l'
objet ne sauraient, par conséquent, être considérées comme illégales . Aussi le requérant a-t-il retiré ce moyen au cours de la procédure orale .

Pour la suite de notre raisonnement, il est cependant nécessaire que nous examinions si la décision de la Commission attaquée dans le cadre du présent recours ne constitue pas, en elle-même, une violation des deux dispositions précitées du statut .

A cet égard nous estimons que les principes sur lesquels vous avez fondé votre premier arrêt s' appliquent également en ce qui concerne la diminution des attributions de M . Hecq intervenue le 27 janvier 1987 .

Aux points 6 et 7 de l' arrêt du 23 mars 1988, vous avez déclaré ce qui suit à propos du moyen tiré de la violation des articles 5 et 7 du statut des fonctionnaires :

"... il convient de rappeler que la jurisprudence de la Cour a reconnu aux institutions de la Communauté un large pouvoir d' appréciation dans l' organisation de leurs services en fonction des missions qui leur sont confiées et dans l' affectation en vue de celles-ci du personnel qui se trouve à leur disposition, à la condition cependant que cette affectation se fasse dans l' intérêt du service et dans le respect de l' équivalence des emplois ( arrêt du 23 juin 1984, Lux, 69/83, Rec . p . 2447 ).

Il résulte des articles 5 et 7 du statut qu' un fonctionnaire a droit à ce que les fonctions qui lui sont attribuées soient, dans leur ensemble, conformes à l' emploi correspondant au grade qu' il détient dans la hiérarchie . Toutefois, pour qu' une mesure de réorganisation des services porte atteinte à ce droit, il ne suffit pas qu' elle entraîne un changement et même une diminution quelconque des attributions du fonctionnaire, mais il faut que ses nouvelles attributions restent, dans leur
ensemble, nettement en deçà de celles correspondant à ses grade et emploi, compte tenu de leur nature, de leur importance et de leur ampleur" ( 1 ).

Or, il est manifeste que la modification intervenue dans les fonctions du requérant n' est pas suffisamment profonde pour entraîner la non-conformité des nouvelles attributions, dans leur ensemble, avec le grade que le requérant détient dans la hiérarchie .

Le retrait d' un immeuble du domaine de compétence du requérant, d' une part, n' est pas un acte aussi incisif que la modification de ses fonctions dont il était question dans l' affaire 19/87 et, d' autre part, n' enlève rien au fait qu' il porte seul la responsabilité des bâtiments qui lui restent confiés et qu' il peut toujours être considéré comme ayant la charge d' une section de l' unité administrative dont il relève . Dans une note qu' il avait adressée le 11 mars 1986 au directeur de l'
administration générale, le requérant avait, par ailleurs, rappelé que quatre immeubles constituaient de l' avis du directeur et de lui-même un nombre maximal au-delà duquel il ne lui "aurait plus été raisonnablement possible d' effectuer un travail consciencieux et impeccable ".

Il est donc permis de conclure que les tâches qui restent ainsi confiées au requérant correspondent toujours aux fonctions d' assistant technique, de grade B 2 ou B 3, telles qu' elles sont décrites dans la décision de la Commission portant description des fonctions et attributions que comportent les emplois types, prévue à l' article 5, paragraphe 4 ( 2 ), du statut, et qu' il n' a pas été porté atteinte à sa position statutaire .

Au cours de la procédure orale, le requérant a cependant présenté un nouveau moyen, qu' il a qualifié de "moyen d' office", à savoir que la personne qui a pris la décision incriminée n' aurait pas été compétente pour ce faire . Seul le directeur de l' administration générale, et non pas le chef du service spécialisé dont relève M . Hecq, aurait pu lui retirer la responsabilité sur un immeuble .

A cet égard, nous voudrions faire trois remarques . Tout d' abord, à notre avis, la Cour ne saurait soulever d' office que les moyens ayant trait à sa propre incompétence ou à celle de l' institution dont émane l' acte en cause . Or, en l' occurrence, la compétence de la Commission, en tant qu' institution, d' organiser ses services, ne saurait être mise en doute .

En second lieu, nous sommes d' avis que les compétences normales d' un chef de division ou d' un chef de service spécialisé comportent le pouvoir de répartir entre ses différents collaborateurs le travail dont une telle unité administrative est chargée . Dans votre arrêt Albertini et Montagnani ( arrêt du 17 mai 1984, affaire 338/82, Rec . p . 2144 et 2145 ), vous étiez également en présence d' un ordre de service émanant d' un chef de division . Vous avez estimé qu' un tel ordre relevait de l'
exercice normal du pouvoir hiérarchique du moment qu' aucune atteinte n' était portée à la position statutaire du requérant . Or, nous avons vu que tel est le cas en l' espèce .

Enfin, le fait que, lors de la réattribution de fonctions qui a fait l' objet de l' affaire 19/87, la décision ait été prise par le directeur ne saurait constituer un argument en sens contraire . Le principe du parallélisme des formes ne saurait, à notre avis, jouer que si une décision antérieure, prise à l' échelon supérieur, devait être rapportée . En l' occurrence, nous sommes seulement en présence d' une réduction partielle des attributions qui avait déjà été envisagée auparavant, comme une
possibilité ultérieure, par le directeur .

Pour toutes ces raisons, le chef du service spécialisé était en droit de prendre cette décision, et ce moyen doit dès lors être rejeté .

II - Quant au non-respect de l' intérêt du service et à l' absence de motivation de la décision litigieuse

Le requérant allègue que l' article 7, paragraphe 1, alinéa 1, du statut des fonctionnaires aurait été violé en ce sens que la décision incriminée ne serait nullement fondée sur l' intérêt du service . Il serait, par ailleurs, impossible de constater quel a été le véritable objet de la décision, étant donné que celle-ci n' a pas été motivée, parce qu' implicite . Or, tout acte administratif faisant grief à un fonctionnaire doit être motivé en vertu de l' article 25 du statut .

Il nous semble indiqué d' examiner d' abord le problème de la motivation .

D' après l' article 25, alinéa 2, du statut

"Toute décision individuelle prise en application du présent statut doit être communiquée par écrit, sans délai, au fonctionnaire intéressé . Toute décision faisant grief doit être motivée ."

En ce qui concerne l' absence de communication par écrit, nous voudrions nous référer à votre jurisprudence constante selon laquelle

"étant donné que la communication est un acte postérieur à la décision et qu' elle n' exerce, partant, aucune influence sur le contenu de celle-ci, cette violation ne saurait ... entraîner l' annulation de la décision attaquée" ( voir, notamment, arrêt du 29 octobre 1981, affaire 125/80, Arning/Commission, Rec . p . 2539, 2552, point 20 ).

En second lieu, la mesure qui fait l' objet du recours ne constitue ni une mutation ( transfert d' un fonctionnaire à un emploi vacant ) ni une réaffectation ( transfert d' un fonctionnaire avec son poste d' une unité administrative à une autre ). Il s' agit simplement d' une redistribution partielle des tâches à l' intérieur d' une unité administrative de base . Comme nous venons de le voir à propos du premier moyen, la mesure n' affecte pas la position statutaire de l' intéressé et ne viole pas le
principe de la correspondance entre le grade d' un fonctionnaire et l' emploi auquel il est affecté .

Or, comme vous l' avez déclaré notamment au point 46 de l' arrêt Albertini et Montagnani/Commission déjà cité

"on ne saurait considérer comme acte faisant grief au sens de l' article 25 du statut, soumis comme tel à une obligation de motivation de la part de l' autorité administrative, une mesure d' organisation interne qui n' est pas de nature à porter atteinte à la position statutaire des intéressés ou au respect du principe de la correspondance entre le grade des fonctionnaires et l' emploi auquel ils sont affectés ... Il relève de l' exercice normal du pouvoir hiérarchique à l' intérieur de l'
administration d' assigner, dans le respect du principe de correspondance susénoncé, leurs tâches aux fonctionnaires en tenant compte de leurs aptitudes particulières; les dispositions prises à cet effet n' ont pas à être spécialement justifiées ".

L' argumentation du requérant selon laquelle on serait néanmoins en présence d' une décision faisant grief en raison du simple fait que la Commission a répondu par écrit et quant au fond à sa réclamation ne saurait pas non plus être accueillie . Tout acte doit en effet être apprécié selon sa nature intrinsèque .

Nous pouvons donc conclure que le moyen tiré de l' absence de motivation doit être rejeté .

De plus, un acte qui ne fait pas grief et qui, de ce fait, "n' a pas à être spécialement justifié" ( selon l' expression utilisée dans l' arrêt Albertini et Montagnani ) est en quelque sorte présumé avoir été pris dans l' intérêt du service . Au cours de la procédure orale, le requérant a d' ailleurs confirmé qu' il ne considérait pas la décision en question comme une sanction disciplinaire déguisée .

Le grief tiré d' une prétendue violation de l' intérêt du service n' est donc pas non plus fondé, et le deuxième moyen doit être rejeté dans son ensemble .

III - Quant au moyen tiré de la violation du principe général de bonne administration et du devoir de sollicitude de l' administration vis-à-vis de ses fonctionnaires

Le requérant critique le fait qu' il n' aurait pas été entendu par l' autorité investie du pouvoir de nomination et qu' ainsi la décision aurait été adoptée sans prendre en considération son intérêt .

A propos de ce grief, il convient de constater qu' au cours des contacts qui ont eu lieu entre le requérant et le directeur de l' administration générale les 21 février, 5 et 20 mars 1986, ce dernier a eu l' occasion d' exprimer le souhait d' être chargé de quatre immeubles seulement . Le nombre des immeubles avait néanmoins été maintenu à cinq, mais dans des notes datées du 5 et du 24 mars 1986, le directeur avait rappelé qu' il avait été convenu que la charge de travail de M . Hecq serait
appréciée au fur et à mesure de la mise en location des nouveaux immeubles, et ajustée en cas de besoin .

M . Hecq ne pouvait donc ignorer que l' étendue de ses tâches n' avait pas été définitivement arrêtée et que des changements étaient susceptibles d' intervenir . L' administration pouvait même supposer que le requérant verrait plutôt d' un bon oeil la réduction du nombre des immeubles dont il avait la charge . Cette réduction ne pouvait, en tout état de cause, constituer pour lui un événement imprévisible et inexplicable .

Enfin, nous voudrions rappeler, ainsi que vous l' avez fait au point 20 du premier arrêt Hecq, qu' il

"ressort de la jurisprudence de la Cour que, si le statut comporte des garanties précises pour les droits statutaires des fonctionnaires, l' administration des institutions communautaires n' est pas obligée de prendre l' avis individuel des fonctionnaires sur des mesures de réorganisation qui peuvent affecter leur position ".

Par conséquent, le troisième moyen ne peut pas non plus être accueilli . Le recours doit dès lors être rejeté dans son ensemble .

Quant aux dépens, nous vous proposons d' appliquer l' article 70 du règlement de procédure .

( 1 ) Arrêt du 23 mars 1988, A . Hecq/Commission, 19/87, Rec . p . 1681, points 6 et 7 .

( 2 ) Décision du 28 mai 1973, modifiée par la suite et publiée dans le Courrier du personnel IA n° 373 du 9.7.1982 .


Synthèse
Numéro d'arrêt : 280/87
Date de la décision : 27/10/1988
Type de recours : Recours de fonctionnaires - non fondé

Analyses

Fonctionnaire - Réduction des fonctions.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : André Hecq
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mischo
Rapporteur ?: Koopmans

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1988:489

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