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28/04/1988 | CJUE | N°35/87

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 28 avril 1988., Thetford Corporation et autres contre Fiamma SpA et autres., 28/04/1988, 35/87


Avis juridique important

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61987C0035

Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 28 avril 1988. - Thetford Corporation et autres contre Fiamma SpA et autres. - Demande de décision préjudicielle: Court of Appeal (England) - Royaume-Uni. - Protection de la propriété industrielle et commerciale - Brevets -

Libre circulation de produits importés. - Affaire 35/87.
Recueil de ju...

Avis juridique important

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61987C0035

Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 28 avril 1988. - Thetford Corporation et autres contre Fiamma SpA et autres. - Demande de décision préjudicielle: Court of Appeal (England) - Royaume-Uni. - Protection de la propriété industrielle et commerciale - Brevets - Libre circulation de produits importés. - Affaire 35/87.
Recueil de jurisprudence 1988 page 03585

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Le litige faisant l' objet du présent renvoi préjudiciel est une action en contrefaçon de brevets intentée par la Thetford Corporation ( États-Unis ) et la Thetford ( Aqua ) Products Ltd ( Royaume-Uni ) ( ci-après "Thetford ") contre les fabricants italiens, Fiamma SpA et les importateurs au Royaume-Uni, Fiamma UK ( ci-après "Fiamma "), de toilettes portables brevetées par Thetford dans cet État membre et dans celui-là seulement . Thetford, dont Fiamma ne possède aucune licence, que ce soit au
Royaume-Uni, en Italie ou ailleurs, s' appuie, notamment, sur un brevet ( ci-après "brevet 235 ") délivré sous l' empire du Patents Act de 1949, qui continue à régir sa validité, malgré le remplacement de cette loi par le Patents Act de 1977 .

2 . La cour d' appel d' Angleterre et du pays de Galles, saisie du litige au principal, nous demande de tenir pour acquis les faits suivants :

a ) le brevet 235 est un brevet valide en vertu du droit britannique;

b ) le brevet 235 ne serait pas valide en vertu des législations des autres États membres, à l' exception peut-être de l' Irlande, en raison de sept descriptions de brevets publiées plus de cinquante ans avant la date du dépôt de la demande de brevet, mais ignorées au Royaume-Uni en vertu de la section 50 de la loi de 1949;

c ) l' exclusion des descriptions vieilles de cinquante ans en vertu de la section 50 de la loi de 1949 ne s' applique pas aux brevets délivrés au titre du Patents Act de 1977;

d ) les demanderesses n' ont cherché à obtenir aucun brevet correspondant dans aucun autre État membre;

e ) les articles prétendument contrefaits ont été fabriqués en Italie et importés et vendus au Royaume-Uni .

Quant à la première question

3 . La première des deux questions que nous pose la Court of Appeal est libellée comme suit :

"1 ) Un brevet encore en vigueur, qui avait été délivré au Royaume-Uni en vertu des dispositions du Patents Act de 1949, pour une invention qui, sans les dispositions de la section 50 de cette loi, aurait été antériorisée ( absence de nouveauté ) en raison de l' existence d' une description telle que décrite dans les paragraphes a ) ou b ) de la section 50(1 ) de la loi en question, constitue-t-il une propriété industrielle ou commerciale susceptible d' être protégée au titre de l' article 36 du
traité de Rome?"

4 . La section 50(1 ) du Patents Act de 1949 prévoit que :

"Nulle invention revendiquée dans un fascicule complet ne sera considérée comme ayant été anticipée pour la seule raison qu' elle a été publiée dans le Royaume-Uni :

a ) dans un fascicule déposé à l' appui d' une demande faite dans le Royaume-Uni et datée de plus de 50 ans avant la date du dépôt dudit fascicule complet;

b ) dans un fascicule exposant l' invention pour les effets d' une demande de protection faite dans un pays autre que le Royaume-Uni 50 ans au moins avant cette date .

c ) ..."

5 . Ainsi, en droit britannique, il n' est pas possible de fonder une action en révocation de brevet sur un fascicule, britannique ou autre, datant de plus de 50 ans .

6 . La première question de la Court of Appeal porte donc sur le point de savoir si la dérogation aux articles 30 à 34 du traité CEE figurant dans la première phrase de l' article 36 s' applique nécessairement à tout brevet ou si, au contraire, elle ne joue pas en faveur des brevets qui, en l' absence des dispositions de la section 50(1 ) du Patents Act de 1949, pourraient être révoqués, c' est-à-dire les brevets accordés en vertu du principe de la nouveauté relative .

7 . Le défendeur au principal ( Fiamma ) estime, en effet, que la liberté reconnue aux États membres par la Cour ( 1 ) de définir les conditions d' existence des droits de propriété intellectuelle et commerciale doit nécessairement comporter des limites et ne pas dépasser une certaine marge d' appréciation . Ainsi, l' on ne saurait admettre, selon lui, que constitue un brevet, susceptible à ce titre de bénéficier de la protection de l' article 36, un droit accordé par le législateur national alors
que certaines conditions fondamentales ne sont pas remplies . En particulier ne pourrait être considéré comme une propriété industrielle et commerciale un "brevet" accordé en l' absence de nouveauté ou d' activité inventive .

8 . Il s' avère cependant que dans son arrêt Keurkoop ( 2 ) la Cour a clairement indiqué qu' en l' état actuel du droit communautaire elle se refusait à examiner les conditions précises auxquelles les législations nationales subordonnent l' octroi d' un droit intellectuel . Il s' agissait de savoir en l' occurrence si les dispositions de l' article 36 du traité permettent l' application d' une loi nationale qui, comme la loi uniforme Benelux en matière de dessins ou modèles, accorde un droit
exclusif au premier déposant d' un modèle, sans que des personnes autres que le créateur ou ses ayants droit puissent, pour contester ce droit exclusif ou s' opposer à une action en interdiction intentée par le titulaire de ce droit, faire valoir que le déposant n' est pas le créateur du modèle, son commettant ou son employeur . La Cour a déclaré

"que, en l' état du droit communautaire et en l' absence d' une unification dans le cadre de la Communauté ou d' un rapprochement des législations, la fixation des conditions et des modalités de la protection des dessins et modèles relève de la règle nationale ( point 18 de l' arrêt )".

9 . Par ailleurs, malgré le fait que la loi uniforme Benelux protège les produits qui n' ont joui d' aucune notoriété de fait dans le milieu industriel ou commercial intéressé du territoire Benelux au cours des cinquante années précédant le dépôt du dessin ou du modèle ( point 15 de l' arrêt ), la Cour a dit pour droit que,

"en l' état actuel de son développement, le droit communautaire ne fait pas obstacle à l' édiction de dispositions nationales du type de celles contenues dans la loi uniforme Benelux, telles que décrites par la juridiction nationale" ( point 1 du dispositif ).

10 . Fiamma fait cependant encore valoir que, contrairement au domaine des dessins et modèles, en cause dans l' affaire Keurkoop, l' harmonisation des législations nationales en matière de brevets aurait connu des progrès significatifs et que sur le plan communautaire il y aurait même accord sur les dispositions substantielles du droit des brevets, en ce compris la nouveauté . Il faudrait donc tenir compte de cette évolution .

11 . Or, que constatons-nous en réalité? La convention de Luxembourg de 1975 relative au brevet européen pour le marché commun ( convention sur le brevet communautaire ) n' est toujours pas entrée en vigueur .

12 . S' il est vrai que la convention de Strasbourg de 1963 sur l' unification de certains éléments du droit des brevets d' invention et celle de Munich de 1973 sur la délivrance des brevets européens ( convention sur le brevet européen ) incorporent elles aussi le principe de la nouveauté absolue, il est cependant un fait que ces conventions ne font pas partie de l' ordre juridique communautaire .

13 . Elles ne sont d' ailleurs entrées en vigueur qu' après l' octroi du brevet en cause à la société Thetford ( la convention de Strasbourg, le 1er août 1980, et la convention de Munich, pour le Royaume-Uni, le 7 octobre 1977 ).

14 . Enfin, tant la convention de Munich que la convention de Luxembourg laissent subsister les brevets nationaux à côté des brevets européens . Le brevet de Thetford, n' ayant pas été demandé au titre de la convention de Munich, est un brevet purement national et continue à être régi par les dispositions du droit britannique .

15 . En résumé, j' estime donc que l' arrêt Keurkoop constitue bien un précédent pertinent et qu' il n' y a pas de raison pour ne pas appliquer dans le cadre de la présente affaire votre jurisprudence constante selon laquelle la définition des conditions d' existence des droits de propriété industrielle et commerciale relève des États membres 1, même si la disparité des législations nationales qui en résulte entraîne des entraves à la libre circulation des marchandises . Ainsi, dans les affaires
Parke Davis et Deutsche Gramophon ( 3 ), les droits néerlandais et allemand prévoyaient des droits de propriété industrielle ou commerciale inconnus respectivement en Italie et en France . La Cour n' a cependant pas remis en cause le droit pour les États membres d' octroyer librement des droits de propriété industrielle ou commerciale au sens de l' article 36, droits dont la disparité était pourtant à l' origine d' une entrave potentielle à la libre circulation des marchandises .

16 . Voilà les observations qu' il me semblait nécessaire de faire au titre de la première phrase de l' article 36 qui, selon l' opinion des agents du Royaume-Uni et de Thetford, serait la seule à laquelle aurait entendu se référer la Court of Appeal .

17 . Je crois cependant que ce serait faire une analyse incomplète du problème que de passer sous silence la deuxième phrase de l' article 36 . La juridiction nationale ne demande en effet pas seulement si un brevet accordé dans les conditions décrites constitue une propriété industrielle ou commerciale, mais s' il s' agit d' une propriété industrielle ou commerciale susceptible d' être protégée au titre de l' article 36 du traité de Rome .

18 . Or, tel ne serait pas le cas si l' interdiction ou la restriction d' importation fondée sur l' existence du brevet constituait un moyen de discrimination arbitraire ou une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres au sens de la deuxième phrase de l' article 36 .

19 . Il se pourrait, en effet, qu' une injonction interdisant l' importation d' un produit, prononcée en raison de l' existence d' un brevet, puisse constituer une telle discrimination ou restriction du simple fait que le brevet aurait été accordé dans des conditions telles qu' une intention protectionniste puisse en être déduite .

20 . Dans le cas qui nous occupe, il ne s' agit donc pas d' examiner, comme nous le demande Fiamma, si un brevet tel que celui délivré à Thetford constitue bien un véritable brevet ( il résulte en effet de la législation britannique que tel est le cas ), mais si, compte tenu des conditions dans lesquelles il a été accordé ( c' est-à-dire malgré l' existence de fascicules datant de plus de cinquante ans ), l' interdiction d' importer des produits de ce type ne constitue pas une discrimination
arbitraire ou une restriction déguisée du commerce .

21 . C' est sous cet angle que l' exemple cité par Fiamma de l' octroi d' un brevet à un simple ballon de football peut nous aider . Si un État membre accordait effectivement un brevet à un tel objet d' usage courant, il le ferait sans aucun doute pour réserver une situation de monopole à un producteur national, et il se livrerait donc à une restriction déguisée du commerce au sens de la deuxième phrase de l' article 36 .

22 . C' est d' ailleurs aussi sur la base de la deuxième phrase de l' article 36 que la Cour, dans l' affaire Sekt-Weinbrand ( 4 ) citée à l' appui de sa thèse par Fiamma, a constaté une violation de l' article 30 du traité, parce que le droit allemand accordait la protection prévue pour les indications de provenance à des dénominations n' ayant, au moment où cette protection était accordée, que la nature de dénominations génériques .

23 . Est-ce que le fait de protéger un produit breveté contre des importations en provenance d' un autre État membre nonobstant la nouveauté relative de l' invention pourrait, de façon analogue, constituer une discrimination arbitraire ou une restriction déguisée du commerce?

24 . Il est certain qu' en vertu de la jurisprudence constante de la Cour l' objet spécifique des brevets est

"l' octroi à l' inventeur d' un droit exclusif de la première mise en circulation du produit en cause, en vue de lui permettre d' obtenir la récompense de son effort d' inventeur" ( 5 ).

25 . Dès lors, lorsqu' il n' y a aucun effort à récompenser, une interdiction d' importation ne saurait guère être autre chose que l' expression d' une attitude discriminatoire ou protectionniste ( exemple du ballon de football ).

26 . Le Royaume-Uni et la Commission font valoir qu' en l' occurrence il y a récompense d' un effort, à savoir celui de l' auteur de la "redécouverte", qui remet à la disposition du pays une invention oubliée . Ce raisonnement me semble valable, et cela d' autant plus que ce sont uniquement les descriptions de brevets vieilles de plus de 50 ans qui sont exclues de l' état de la technique par la section 50 du Patents Act de 1949 . En d' autres termes, des publications sous des formes autres que des
descriptions de brevets ainsi que les usages antérieurs remontant à plus de 50 ans peuvent être exploités en vue d' obtenir la révocation d' un brevet . ( Rappelons-nous que ce n' est qu' à titre d' hypothèse de travail que la juridiction nationale nous demande de tenir pour acquis que le brevet de Thetford est valide en droit britannique .) L' antériorité n' est ignorée que lorsque l' invention ancienne n' a plus d' autre existence que sous la forme de vieux documents entreposés au Patent Office .
Dans ce contexte, il me paraît possible de parler de redécouverte et de récompenser celle-ci, soit que le nouvel inventeur ait tout ignoré des anciennes descriptions et fait une invention tout à fait indépendante de celles-ci, soit qu' il les ait découvertes sur les rayons de l' Office des brevets et développé, à partir de là, un produit moderne .

27 . D' autres arguments tendent à prouver qu' on ne se trouve pas dans l' une des situations visées par la deuxième phrase de l' article 36 . Tout d' abord, la section 50 du Patents Act de 1949, en ses lettres a ) et b ), ne fait pas de distinction entre les fascicules exposant une invention déposés en vue d' une demande de brevet dans le Royaume-Uni ou dans un autre pays : dans les deux cas, les fascicules datant de plus de 50 ans ne sont pas pris en considération . ( Il n' a d' ailleurs pas été
contesté que les fascicules relatifs aux demandes de brevets faites à l' étranger sont disponibles au Patent Office britannique .)

28 . Il est constant aussi que les ressortissants étrangers qui demandent un brevet au Royaume-Uni jouissent des mêmes droits que les ressortissants britanniques par rapport à la règle des 50 ans . Ainsi, si Fiamma avait déposé une demande de brevet avant Thetford et si son produit n' était décrit dans aucune publication disponible au Royaume-Uni, Fiamma aurait obtenu un brevet britannique . Ce brevet, elle aurait pu le faire respecter tant à l' égard des importations ( sauf celles de ses propres
produits mis dans le commerce avec son consentement dans les autres États membres ) qu' à l' égard d' éventuels contrefacteurs établis sur le territoire britannique .

29 . Il est donc possible de conclure qu' une interdiction ou une restriction d' importer, accordée en vue de la protection des droits exclusifs du détenteur d' un brevet délivré pour une invention dont la nouveauté aurait pu être contestée en l' absence de la règle des 50 ans, ne revêtirait pas le caractère d' une discrimination arbitraire ou d' une restriction déguisée dans le commerce entre États membres au sens de la deuxième phrase de l' article 36 .

30 . Il me reste à dire un mot au sujet d' un problème connexe soulevé par la Commission dans sa réponse aux questions posées par la Cour, à savoir le fait qu' en vertu du Patents Act de 1949 il était possible d' obtenir un brevet au Royaume-Uni pour une invention qui était librement utilisée ou publiée ( et pouvait donc être librement utilisée ) dans un autre État membre à la date de la demande . Comme la Commission, je suis d' avis que, si une telle législation subsistait à l' heure actuelle, une
interdiction d' importer accordée en vue de protéger un brevet obtenu sur cette base constituerait une discrimination arbitraire ou une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres . Quant à la question de savoir si on pourrait aujourd' hui invoquer le traité pour priver le titulaire d' un brevet accordé valablement en 1969, c' est-à-dire avant l' entrée du Royaume-Uni dans la Communauté, du droit de s' opposer à des importations, elle pose à mon avis des problèmes très complexes
ayant trait à des notions telles que celles de période transitoire, de sécurité juridique, de confiance légitime et de droits acquis . Il ne saurait être question de les résoudre pour ainsi dire en passant, alors que la Court of Appeal ne nous a même pas interrogés à ce sujet .

31 . Pour toutes les raisons exposées ci-dessus, je vous propose dès lors de donner la réponse suivante à la première question :

" Un brevet encore en vigueur, qui avait été délivré au Royaume-Uni en vertu des dispositions du Patents Act de 1949 pour une invention qui, sans les dispositions de la section 50 de cette loi, aurait été antériorisée ( absence de nouveauté ) en raison de l' existence d' une description telle que décrite dans les lettres a ) ou b ) de la section 50(1 ) de la loi en question, constitue une propriété industrielle ou commerciale susceptible d' être protégée au titre de l' article 36 du traité de Rome
."

Quant à la seconde question

32 . A travers sa seconde question, la Court of Appeal voudrait savoir si, à supposer qu' un brevet tel que celui de Thetford puisse bénéficier de la protection de l' article 36, la seule réparation autorisée au titre de cet article serait, comme l' a soutenu Fiamma, une décision ordonnant le versement de redevances raisonnables ( ou une autre réparation pécuniaire ), mais pas une injonction .

33 . Or, nous savons que, selon une jurisprudence constante de la Cour ( 6 ):

"la substance du droit de brevet réside essentiellement dans l' octroi à l' inventeur d' un droit exclusif de première mise en circulation du produit en cause, en vue de lui permettre d' obtenir la récompense de son effort d' inventeur . Permettre au titulaire du brevet de s' opposer à l' importation et à la commercialisation des produits fabriqués dans le cadre d' une licence obligatoire est donc nécessaire pour lui assurer la substance des droits exclusifs découlant de son brevet" ( point 26 de l'
arrêt ).

34 . Une telle conclusion s' impose a fortiori lorsqu' il n' y a même pas eu licence obligatoire dans le pays de fabrication, ni aucune forme de consentement à la mise sur le marché de la part du breveté ( voir Merck/Stephar ( 7 ) et Centrafarm/Sterling ).

35 . L' interdiction d' importer constitue donc la manière normale de protéger l' objet spécifique du droit du breveté et il n' y a pas de place pour des considérations fondées sur le principe de la proportionnalité . Il serait d' ailleurs paradoxal d' imposer au droit britannique de tolérer l' importation des produits fabriqués à l' étranger sans le consentement du breveté, alors que, s' ils l' étaient au Royaume-Uni, une injonction permettrait de mettre fin à l' activité du fabricant .

36 . La situation serait par contre toute différente si, toutes choses étant égales par ailleurs, un contrefacteur établi dans le pays en question ne pourrait être condamné qu' au paiement de redevances, mais ne pourrait pas être frappé d' une injonction de cesser la fabrication . Dans ce cas, une injonction adressée aux seuls importateurs constituerait une discrimination arbitraire au sens de la deuxième phrase de l' article 36 . C' est ce qui résulte de votre arrêt du 3 mars 1988 ( affaire 434/85,
Allen and Handburys Ltd/Generics Ltd ), où vous avez dit pour droit que

"les articles 30 et 36 du traité doivent être interprétés en ce sens qu' ils s' opposent à ce que les juridictions d' un État membre délivrent une injonction interdisant d' importer d' un autre État membre un produit qui contrefait un brevet revêtu de la mention 'licence de droit' à l' encontre d' un importateur qui s' est engagé à prendre une licence dans les conditions prévues par la loi, alors que pareille injonction est exclue, dans les mêmes conditions, à l' encontre d' un contrefacteur qui
fabrique sur le territoire national" ( point 23 de l' arrêt; voir aussi point 22 ).

37 . Pour toutes ces raisons, je propose la réponse suivante à la seconde question :

" L' article 36 permet aux juridictions d' un État membre de délivrer une injonction interdisant l' importation et la commercialisation d' un produit, qui contrefait un produit breveté dans cet État, dès lors que, dans la même situation, le contrefacteur qui fabriquerait le produit sur le territoire national serait également frappé d' une injonction ."

( 1 ) Voir, notamment, arrêt du 31 octobre 1974, affaire 15/74, Centrafarm/Sterling Drug, Rec . p . 1147, 1162, point 7 .

( 2 ) Arrêt du 14 septembre 1982, affaire 144/81, Keurkoop/Nancy Kean Gifts, Rec . p . 2853 .

( 3 ) Arrêt du 29 février 1968, affaire 24/67, Parke Davis et autres, Rec . p . 82, 109; arrêt du 8 juin 1971, affaire 78/70, Deutsche Gramophon/Metro, Rec . p . 487 .

( 4 ) Arrêt du 20 février 1975, affaire 12/74, Commission/Allemagne, Rec . p . 181, 200, point 16 .

( 5 ) Voir, en dernier lieu, arrêt du 9 juillet 1985, affaire 19/84, Pharmon/Hoechst, Rec . p . 2281, 2298 .

( 6 ) Voir arrêt Pharmon/Hoechst, précité .

( 7 ) Arrêt du 14 juillet 1981, affaire 187/80, Rec . p . 2063 .


Synthèse
Numéro d'arrêt : 35/87
Date de la décision : 28/04/1988
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Court of Appeal (England) - Royaume-Uni.

Protection de la propriété industrielle et commerciale - Brevets - Libre circulation de produits importés.

Libre circulation des marchandises

Propriété intellectuelle, industrielle et commerciale

Brevets

Mesures d'effet équivalent

Restrictions quantitatives


Parties
Demandeurs : Thetford Corporation et autres
Défendeurs : Fiamma SpA et autres.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mischo
Rapporteur ?: Bosco

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1988:218

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