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02/04/1987 | CJUE | N°40/86

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Cruz Vilaça présentées le 2 avril 1987., Georges Kolivas contre Commission des Communautés européennes., 02/04/1987, 40/86


Avis juridique important

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61986C0040

Conclusions de l'avocat général Vilaça présentées le 2 avril 1987. - Georges Kolivas contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaire - Jury de concours - Pouvoir d'appréciation des épreuves - Limites - Secret des travaux. - Affaire 40/86.
Recueil de juris

prudence 1987 page 02643

Conclusions de l'avocat général

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Monsie...

Avis juridique important

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61986C0040

Conclusions de l'avocat général Vilaça présentées le 2 avril 1987. - Georges Kolivas contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaire - Jury de concours - Pouvoir d'appréciation des épreuves - Limites - Secret des travaux. - Affaire 40/86.
Recueil de jurisprudence 1987 page 02643

Conclusions de l'avocat général

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Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1 . Le requérant, M . Georges Kolivas, fonctionnaire de la Commission, entend obtenir par le présent recours l' annulation des décisions des jurys des concours COM/LA/4/84 et COM/LA/5/84 qui, compte tenu des notations des épreuves écrites, ont refusé de l' admettre aux épreuves orales .

I - Résumé des faits

2 . Le requérant s' est soumis en 1984 aux épreuves des concours internes cités, organisés en vue de la constitution d' une réserve, d' une part, de traducteurs principaux et, d' autre part, de réviseurs de langue grecque . Les épreuves écrites ont été initialement corrigées par deux assesseurs externes, professeurs d' université en Grèce .

3 . Le jury a ultérieurement décidé à la majorité de ne pas accepter les notations proposées par les deux assesseurs et, à l' unanimité, il a fait effectuer une troisième correction par un expert externe, M . P . Yannopoulos .

4 . Devant le retard intervenu dans la correction des épreuves, la décision du jury de procéder à une troisième correction a été communiquée aux services de la traduction grecque dans le but d' apaiser le personnel, à Bruxelles par M.*A . Christoyannopoulos, alors chef de la division de "traduction grecque", et à Luxembourg par M . D . Stefanidis, alors chef du service de "traduction grecque ". Le premier était membre des jurys de concours et le second était son suppléant dans ces jurys .

5 . Le requérant a été informé, le 13 novembre 1985, de ce que, compte tenu des résultats des épreuves écrites, le jury ne l' admettait pas aux épreuves orales .

6 . Il a introduit le présent recours le 12 février 1986 .

II - Examen des moyens du recours

A - Premier moyen

7 . Le premier moyen invoqué par le requérant à l' appui de son recours est pris de la violation de l' article 5, alinéas 3 et 4, de l' annexe III du statut des fonctionnaires .

8 . Invoquant l' arrêt de la Cour dans l' affaire 21/65, Morina/Parlement européen ( 1 ) et les conclusions de l' avocat général M . Carl Otto Lenz dans l' affaire 143/84, Vlachou/Cour des comptes ( 2 ), le requérant estime pouvoir en déduire que, dans le cas des concours sur titres et épreuves, le jury doit établir les critères d' appréciation retenus avant de procéder à la correction des épreuves écrites et à la tenue des épreuves orales .

9 . Or, dans le cas d' espèce, le jury avait fait corriger les épreuves par deux assesseurs indépendants et ce n' est qu' après avoir pris connaissance des résultats qu' il a décidé de faire effectuer une troisième correction par un autre assesseur, sans donner la moindre information sur l' appréciation qu' il avait portée sur les premières corrections, même après que le requérant l' en eut prié . Dans ces conditions, les garanties nécessaires d' objectivité et d' absence d' arbitraire ne seraient
donc pas réunies .

10 . C' est là le point essentiel de l' argumentation présentée par le requérant pour fonder le premier moyen de son recours .

11 . Avant tout, il importe de dire que l' argument d' ordre analogique que le requérant prétend tirer de l' article 5, alinéas 3 et 4, de l' annexe III du statut ne nous paraît pas pertinent .

12 . En effet, l' alinéa 3 exige seulement la fixation préalable de critères d' appréciation des titres des candidats en cas de concours sur titres .

13 . Le concours litigieux qui a donné lieu à l' arrêt Morina était dans ce cas .

14 . Il ne fait pas de doute à nos yeux que la disposition évoquée de l' alinéa 3 est applicable aux concours sur titres et épreuves pour ce qui est de l' établissement de critères d' appréciation des titres des candidats .

15 . Pourtant, le requérant invoque de façon pressante les conclusions de l' avocat général M . Carl Otto Lenz dans l' affaire Vlachou/Cour des comptes .

16 . Il y préconise, en effet, l' application par analogie de l' alinéa 3 à l' appréciation des conditions d' admission au concours en vue de l' élaboration de la liste à laquelle se réfère l' article 5, alinéa 1, lorsqu' il est nécessaire de compléter le critère d' admission fixé dans l' avis de concours dans des termes tels que le jury doit porter un jugement de valeur sur les qualifications professionnelles alléguées .

17 . Il n' est pourtant pas évident que l' on puisse transposer automatiquement cette exigence à la nécessité hypothétique que le jury fixe préalablement les critères d' appréciation des épreuves écrites, à moins que le respect de l' objectivité de la correction et du principe d' égalité des candidats en dépende .

18 . A cela s' ajoute que l' article 1er, paragraphe 1, sous e ), de l' annexe III du statut exige seulement, pour les concours sur épreuves, que l' avis de concours mentionne "la nature des examens et leur cotation respective", condition intégralement respectée dans le cas d' espèce .

19 . En tout état de cause, la garantie essentielle d' objectivité et d' absence d' arbitraire réside dans le choix de correcteurs compétents et impartiaux et dans le fait que la correction des épreuves se déroule dans des conditions assurant une application correcte des "règles de l' art ".

20 . Indépendamment de cela, il est vrai que la Commission nous a communiqué en annexe de son mémoire en défense une copie du document remis par elle à tous les correcteurs contenant "les critères essentiels fixés par le jury en ce qui concerne les corrections ". L' essentiel de l' argumentation du requérant s' effondre donc .

21 . Les autres arguments invoqués à ce propos par le requérant se rattachent plutôt au troisième moyen du recours ( violation du principe de la confiance légitime et du principe d' équité ); nous les examinerons cependant dès maintenant, suivant l' ordre que leur a attribué le requérant .

22 . Voyons, d' abord, dans quelle mesure le fait que le jury ait résolu de faire effectuer une nouvelle correction par un troisième assesseur peut affecter la validité des décisions de ce jury .

23 . Le requérant allègue que la réalisation de cette troisième correction serait contraire à l' engagement précédemment souscrit par l' administration d' organiser les concours incriminés "aux mêmes conditions" que d' autres concours antérieurs, c' est-à-dire avec seulement une double correction des épreuves effectuée par des assesseurs externes indépendants des supérieurs hiérarchiques des candidats .

24 . Examinons cet argument .

25 . Disons d' emblée que les travaux du jury se sont déroulés d' une manière qui n' est en rien contraire aux termes de l' avis de concours, ce que le requérant ne conteste pas, invoquant seulement une note du 6*janvier 1984 du directeur général du personnel et de l' administration à l' attention du président du comité central du personnel, qui se référait à une décision antérieure de l' administration .

26 . Or, comme la Cour l' a établi dès l' arrêt Campogrande, "la décision d' organisation des concours revêt sa forme juridique et définitive dans les avis de concours portés à la connaissance du personnel" ( 3 ). Et elle ajoute, dans le même arrêt, que "les délibérations de l' organe compétent telles qu' elles ressortent des procès-verbaux ne sauraient prévaloir contre le texte clair de la décision concernée sauf si elles font apparaître avec évidence que la décision formelle est incompatible avec
ce qui a, réellement, été arrêté au terme des délibérations" ( 4 ).

27 . Tel n' est pas le cas dans le présent litige .

28 . En effet : a ) aucun procès-verbal concernant la moindre délibération relative aux modalités d' organisation des concours n' a été présenté; b ) les propos du directeur général du personnel auxquels il est fait référence évoquent seulement, en termes généraux, une certaine décision d' organiser un second train de concours "aux mêmes conditions", sans autre précision; c ) les avis de concours n' indiquent pas quelles modalités de correction seront appliquées; d ) il ressort des instructions
fournies aux correcteurs que c' est le jury des concours qui, "pour garantir l' indispensable objectivité de la correction *... a décidé de faire appel à des correcteurs extérieurs ( deux pour chaque épreuve du candidat )".

29 . On ne peut donc dénier au jury le pouvoir d' appréciation et la liberté lui permettant de décider, devant les résultats des deux corrections, qu' une troisième correction était nécessaire .

30 . On ne saurait, en effet, mettre en cause l' indépendance du jury dans l' organisation de ses travaux, notamment lorsqu' il est question d' apprécier les aptitudes ou les capacités des candidats en les soumettant à des épreuves écrites .

31 . La jurisprudence de la Cour a mis l' accent de façon constante sur l' indépendance et sur le large pouvoir d' appréciation dont disposent les jurys de concours, dès lors qu' ils se fondent sur des éléments objectifs et ne révèlent aucune violation évidente des règles qui président à leurs travaux ( 5 ).

32 . C' est ainsi que la Cour a jugé, dans l' arrêt Hoyer ( 6 ), que : "Le jury de concours peut, à bon droit, dans le cadre du pouvoir d' appréciation dont il dispose, compte tenu des termes mêmes de l' avis de concours, de la nature du poste à pourvoir et du lieu d' affectation, estimer que de 'bonnes' connaissances de la langue française étaient indispensables, bien que l' avis de concours n' ait contenu aucune indication de niveau à cet égard ."

33 . La Cour a également déjà jugé ( 7 ) - dans une affaire mettant en cause l' organisation par la Commission de différents concours destinés à pourvoir au même emploi d' administrateur, quoique pour l' exercice de fonctions distinctes - que, puisqu' il appartient au jury de chaque concours de "concilier l' opportunité d' harmoniser dans une certaine mesure les conditions des épreuves et la nécessité de juger, suivant des critères appropriés, des connaissances des candidats", "pareille conciliation
relève, dans le cadre de l' avis de concours, de la responsabilité propre de chaque jury et est garantie par son indépendance et le secret des délibérations imposé par le statut"; dans ces conditions, poursuit la Cour dans l' arrêt cité, "des différences d' appréciation, d' un concours à l' autre, sont non seulement inévitables, mais légitimes, même en ce qui concerne les épreuves communes, l' évaluation de l' importance de ces dernières pouvant varier, aux yeux des différents jurys, en fonction des
aptitudes diverses que suppose l' accomplissement de fonctions distinctes ".

34 . L' impossibilité supposée de ne modifier aucune condition que ce soit par rapport aux concours antérieurs créerait sans doute des difficultés évidentes pour l' organisation du nouveau concours, par exemple du point de vue de l' élaboration des épreuves écrites, même si l' on n' allait pas jusqu' à la conclusion absurde que les candidats de tous les concours devraient répondre aux mêmes questions .

35 . On observe, certes, un décalage entre la réponse de la Commission et le procès-verbal des réunions du jury du concours COM/LA/4/84 sur les motifs qui ont incité le jury à décider de faire effectuer une troisième correction .

36 . En effet, il est indiqué dans le mémoire en défense de la Commission - à l' exemple, semble-t-il, de ce que l' un des membres du jury a déclaré lors d' une réunion d' information avec le personnel - que cette décision a été prise après qu' on eut "constaté un écart important entre les évaluations effectuées par les deux correcteurs externes", alors qu' il ressort du procès-verbal du jury que la raison plus précise en est dans le fait que "les correcteurs avaient noté les épreuves 'de façon
généreuse' et ne correspondant pas aux critères qualitatifs en usage à la CCE ".

37 . La différence observée entre les versions - qui ne sont pas nécessairement incompatibles et que l' agent de la Commission a tenté de concilier à l' audience - peut paraître étrange et révéler un certain flottement, mais elle n' est toutefois pas de nature à affecter "rétroactivement" la validité de la décision du jury de faire effectuer une troisième correction .

38 . Quelle qu' en soit la raison, elle a été suffisante pour que le jury estime n' être pas en mesure de classer les candidats et juge qu' une nouvelle correction était nécessaire . On ne saurait lui dénier ce pouvoir d' appréciation .

39 . Au cours de l' opération, le jury a convenu d' adopter les notations accordées par le troisième correcteur, ce qui n' est pas surprenant puisqu' il avait jugé que les résultats des premières corrections n' étaient pas fiables .

40 . Là encore, il est demeuré à l' intérieur de sa marge de libre appréciation, qu' il convient de respecter .

41 . Les notations résultant de la dernière correction étant celles que le jury a retenues pour fonder sa décision d' admettre ou de ne pas admettre les candidats à l' épreuve orale, c' est celles-ci que l' administration a communiquées au requérant, et il ne nous paraît pas qu' il aurait dû en être de même pour les notations des premiers correcteurs, qui ont simplement fait partie du processus de prise de décision du jury . Le requérant n' allègue du reste pas à l' appui de son recours que la
décision aurait été insuffisamment fondée .

42 . Le requérant fait également valoir que la troisième correction aurait eu lieu en présence de ou des membres du jury, donc sans garanties d' indépendance et d' objectivité . Le requérant affirme plus précisément dans sa réplique que "le troisième correcteur - et donc le jury - semble *... avoir violé les principes d' égalité de traitement en acceptant de corriger les épreuves de certains candidats en présence de membres du jury et de corriger celles d' autres candidats hors de leur présence" (
c' est nous qui soulignons ).

43 . Cette affirmation que le requérant finit par avancer en termes dubitatifs n' est cependant accompagnée d' aucun élément de preuve et nous ne pouvons donc considérer qu' elle est démontrée .

44 . Les épreuves ont, du reste, été numérotées de manière à assurer l' anonymat des candidats; la Commission affirme, dans des termes non contestés par le requérant, que l' anonymat n' a été levé qu' après la troisième correction, avant laquelle a été effectuée, sur proposition du représentant du comité du personnel et pour une plus grande garantie de confidentialité, une nouvelle numérotation des épreuves qui, toutes ( à l' exception de l' allemand ), ont été recorrigées par le nouveau correcteur
.

45 . Le requérant n' avance d' ailleurs pas le moindre élément de preuve indiquant que les épreuves ou la correction des épreuves n' auraient pas eu lieu dans les mêmes conditions pour tous les candidats, ce qui aurait été contraire aux exigences du principe d' égalité ( 8 ).

46 . Cette conclusion n' est en rien altérée par le fait que, selon ce qui ressort du procès-verbal du jury joint au dossier, un groupe d' épreuves (( les épreuves visées sous III.1.a )*)) ont été corrigées en collaboration avec le nouvel assesseur, alors que les épreuves de l' autre groupe (( les épreuves visées sous III.I.c )*)) ont été corrigées par celui-ci . En effet, le jury peut avoir estimé qu' il devait s' assurer de cette manière de la pertinence des critères de correction, sans qu' il en
résulte, à l' intérieur de chaque groupe, une différence dans le traitement des épreuves des divers candidats .

47 . Le requérant émet cependant des doutes sur l' impartialité du troisième correcteur, s' agissant d' un enseignant lié par contrat à la Commission pour des actions de formation, dont la femme se trouvait dans une situation identique et dont on aurait déjà su, à l' époque, qu' il serait amené, à l' avenir, à travailler sous la dépendance directe de M . A . Christoyannopoulos, membre du jury ultérieurement transféré à la division de la formation .

48 . Ainsi aurait été violé un engagement précédemment conclu par l' administration de ne pas soumettre les épreuves des candidats à des fonctionnaires de la Commission .

49 . On ne trouve cependant pas cet engagement formel dans les documents invoqués par le requérant, qui évoquent simplement le fait qu' on a prévu pour assurer un maximum de garanties que "les jurys envisagent la nomination d' assesseurs externes pour procéder à la double correction des épreuves en faisant appel, éventuellement, à des collègues linguistes d' autres institutions pour maintenir les références nécessaires au 'style communautaire' " ( c' est nous qui soulignons ).

50 . On peut voir dans cette citation que l' administration a défini à proprement parler une obligation de moyen - et non de résultat - confiée aux jurys et qui fait ressortir, selon ses propres termes, la nécessaire capacité d' adaptation des jurys aux difficultés qu' ils pourraient rencontrer, en fonction des caractéristiques des concours, dans l' exercice de leur mission .

51 . La Cour a déjà admis à plusieurs reprises qu' un jury est libre de se faire légitimement assister par des assesseurs à titre consultatif, dès lors qu' il "garde le contrôle des opérations et se réserve le pouvoir d' appréciation en dernier ressort" ( 9 ).

52 . Cette condition a été respectée en l' espèce : le jury a communiqué à tous les correcteurs les critères de correction, il a assuré l' anonymat par la double numérotation des épreuves et a décidé par un vote intervenu en son sein d' adopter les notations du troisième correcteur .

53 . Quant aux autres circonstances invoquées par le requérant concernant la situation du troisième assesseur, il s' agit de simples suppositions qui ne peuvent, à nos yeux, légitimement fonder la conclusion qu' il aurait été dans l' incapacité de procéder en toute indépendance à la correction des épreuves couvertes par l' anonymat, sous le contrôle d' un jury collégial .

54 . Il ressort, du reste, du procès-verbal du jury que le choix du troisième assesseur a été décidé à l' unanimité, sur proposition du représentant du comité du personnel .

55 . Si, dans l' absolu, les décisions prises par le jury peuvent n' être pas considérées comme la façon la plus adéquate de surmonter les difficultés rencontrées, elles ne peuvent cependant être tenues pour des indices suffisants d' une absence d' impartialité ou d' objectivité, ou les causes d' une violation du principe de l' égalité des différents candidats dans des conditions préjudiciables au requérant .

56 . Celui-ci fait valoir qu' il est le seul des candidats de Bruxelles qui n' ait été reçu à aucun des deux concours . Ce seul fait ne suffit pas en soi à démontrer l' existence d' une inégalité de traitement par rapport aux autres candidats : les résultats étaient différents et on ignore même si le requérant aurait ou non été admis au vu des deux premières corrections .

57 . En raison de ce qui a été exposé, nous sommes d' avis que ce moyen doit être rejeté .

B - Deuxième moyen

58 . Le requérant soutient que l' article 6 de l' annexe III du statut à été violé dans la mesure où deux membres du jury, MM . A . Christoyannopoulos et D . Stefanidis, auraient violé le secret des travaux en informant leur personnel de ce qu' il avait été décidé à l' unanimité de procéder à une troisième correction .

59 . Nous estimons que ce moyen doit, lui aussi, être jugé non fondé .

60 . La Cour a déjà établi que le "secret des travaux du jury de concours *... a été institué *... en vue de garantir l' indépendance des jurys de concours et l' objectivité de leurs travaux, en les mettant à l' abri de toutes ingérences et pressions extérieures, qu' elles proviennent de l' administration communautaire elle-même, des candidats intéressés ou de tiers" ( 10 ).

61 . On ne voit pas que le fait de donner une information sur la décision de procéder à une troisième correction ait pu mettre en cause ces valeurs .

62 . Il est certain, comme la Cour l' a également déclaré, que "le respect de ce secret s' oppose *... tant à la divulgation des attitudes prises par les membres individuels des jurys qu' à la révélation de tout élément ayant trait à des appréciations de caractère personnel ou comparatif concernant les candidats" ( 11 ).

63 . Ce dernier aspect n' est pas en cause ici; mais il est certain que, en révélant que la décision de procéder à une troisième correction avait été prise à l' unanimité, les deux membres du jury en cause ont donné une indication implicite sur le sens du vote de tous les autres, y compris le représentant du comité du personnel .

64 . On ne voit pas, en l' espèce, en quoi cela a pu affecter l' indépendance du jury et la validité de ses délibérations .

65 . Il s' agissait, en effet, de la communication d' un simple fait objectif lié à la procédure suivie par le jury, qui affectait également tous les candidats et qui n' avait rien à voir avec les appréciations de caractère personnel ou comparatif de leurs mérites respectifs .

66 . Or, comme la Cour l' a également déclaré, "on ne saurait *... étendre la portée de ce secret au point de refuser la communication de données objectives ..." ( 12 ).

67 . En tout état de cause, le fait allégué dans le cadre de ce deuxième moyen n' a en rien porté préjudice aux intérêts du requérant, et ce fait n' est pas non plus susceptible de l' affecter d' une façon particulière par rapport aux autres candidats .

68 . Nous estimons donc que ce deuxième moyen doit également être rejeté .

C - Troisième moyen

69 . Le requérant soutient encore qu' il y a eu violation du principe de la confiance légitime et du principe de l' équité .

70 . La violation du principe de la confiance légitime résulterait du fait que, contrairement à l' avis n°*2/76 de la commission paritaire du 26 avril 1976 et à l' engagement qui aurait été souscrit dans ce sens par l' administration, deux supérieurs hiérarchiques des candidats ont été désignés pour faire partie des jurys, l' un comme titulaire ( M . A . Christoyannopoulos ), l' autre comme suppléant ( M . D . Stefanidis ).

71 . Or, en premier lieu, l' avis n°*2/76 recommande seulement que l' autorité investie du pouvoir de nomination ( l' AIPN ) ne fasse pas partie des jurys de concours et que les membres des services exclusivement concernés par les concours ne soient pas désignés pour les présider .

72 . Au contraire des concours antérieurs ( dans lesquels des supérieurs hiérarchiques des candidats avaient présidé les jurys ), les concours litigieux se sont conformés à ces recommandations .

73 . Il faut d' ailleurs tenir compte des difficultés particulières que présente la composition des jurys dans le cadre linguistique, notamment dans la section grecque, difficultés qui avaient déjà incité certains membres de la commission paritaire à souligner les difficultés d' application dans l' immédiat du principe selon lequel la présidence ne serait pas confiée à des membres du service ou de la direction générale en cause .

74 . On ne trouve, d' autre part, dans le dossier aucune preuve de l' existence de l' engagement invoqué par le requérant .

75 . Au contraire, dans une note adressée le 13 avril 1983 au président du comité central du personnel, le directeur du personnel de la Commission met clairement en doute "que l' on ait décidé la constitution des jurys dans des conditions si radicales" et indique au contraire qu' à son sens "il serait logique que, sur les trois membres ( président inclus ), ( l' )un puisse relever des structures internes des unités de traduction grecque ".

76 . Les autres notes du directeur général du personnel citées par le requérant font seulement ressortir l' engagement d' engager des conversations sur les modalités d' organisation des concours .

77 . Le requérant n' allègue du reste aucun fait substantiel qui serait susceptible de fonder le doute qu' il jette sur deux membres du jury ou démontrerait quelque animosité particulière à son égard .

78 . On ajoutera encore, comme la Cour l' a établi ( 13 ), que l' article 3, alinéa 3, de l' annexe III du statut exige seulement, lorsque les membres du jurys sont des fonctionnaires, qu' ils aient un grade au moins égal à celui de l' emploi à pourvoir, et non pas qu' ils appartiennent nécessairement à un service différent .

79 . Le requérant voit également dans la décision de procéder à une troisième correction une violation du principe de la confiance légitime . Mais nous nous sommes déjà prononcé sur ce moyen du recours que nous estimons non fondé .

80 . Enfin, le requérant invoque une prétendue violation du principe de l' équité du fait qu' on n' a pas offert aux candidats la possibilité de répliquer à d' éventuelles observations de leurs supérieurs hiérarchiques lors de la correction des épreuves .

81 . Cet argument se fonde, lui aussi, sur une simple supposition et ne tient pas compte du fait que la correction des épreuves a préservé l' anonymat des candidats, sans que la preuve contraire ait été rapportée .

82 . Nous concluons donc que le troisième moyen du recours est également dépourvu de fondement .

III - 83 . Dans ces conditions, il nous reste à vous proposer de rejeter le présent recours, aucun de ses différents moyens n' étant fondé .

84 . Nous ajouterons qu' il ne nous paraît pas que les différences observées dans l' indication des moyens qui ont justifié la troisième correction aient été de nature à affecter la position du requérant dans la présente affaire, et que le comportement de la défenderesse, dont la mauvaise foi n' a pas été démontrée, ait entraîné des conséquences susceptibles de justifier l' application des dispositions de l' article 69, paragraphe 3, alinéa 2, du règlement de procédure de la Cour .

85 . En conclusion, nous vous proposons donc, en application de l' article 70 du règlement de procédure, de mettre à la charge de chacune des parties leurs dépenses respectives .

(*) Traduit du portugais .

( 1 ) Arrêt du 14 décembre 1965, Rec . p.*1279 .

( 2 ) Arrêt du 6 février 1986, Rec . p.*459, 473 .

( 3 ) Arrêt du 9 octobre 1974, Campogrande/Commission, Rec . p.*957, spécialement p.*983, point 66 .

( 4 ) Arrêt du 9 octobre 1974, op . cit ., point 67 .

( 5 ) Voir arrêt Campogrande, op . cit ., p.*981; arrêt du 14 juillet 1983 dans l' affaire 144/82, Detti/Cour de justice, Rec . p.*2421, spécialement p.*2436, point 27; arrêt du 23 octobre 1986 dans les affaires jointes 322 et 323/85, Hoyer/Cour des comptes, Rec . p.*3215, points 15 et 16 .

( 6 ) Op . cit ., point 15 des motifs .

( 7 ) Campogrande, op . cit ., Rec . 1974, p.*977 et 978 .

( 8 ) Voir l' arrêt du 27 octobre 1976 dans l' affaire 130/75, Prais/Conseil, Rec . p.*1589, spécialement p.*1599 .

( 9 ) Voir l' arrêt du 16 octobre 1975 dans l' affaire 90/74, Deboek/Commission, Rec . p.*1123, spécialement p.*1137; arrêt du 26 octobre 1978 dans l' affaire 122/77, Agneessens/Commission, Rec . p.*2085, spécialement p.*2097; arrêt du 30 novembre 1978 dans les affaires jointes 4, 19 et 28/78, Salerno/Commission, Rec . p.*2403, spécialement p.*2414 .

( 10 ) Arrêt du 28 février 1980 dans l' affaire 89/79, Bonu/Conseil, Rec . p.*553, spécialement p.*562 et 563 .

( 11 ) Bonu, op . cit ., p . 563 .

( 12 ) Bonu, op . cit ., p . 563 .

( 13 ) Deboeck, op . cit ., p . 1136 .


Synthèse
Numéro d'arrêt : 40/86
Date de la décision : 02/04/1987
Type de recours : Recours de fonctionnaires - non fondé

Analyses

Fonctionnaire - Jury de concours - Pouvoir d'appréciation des épreuves - Limites - Secret des travaux.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Georges Kolivas
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Cruz Vilaça
Rapporteur ?: Schockweiler

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1987:179

Source

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