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09/04/1981 | CJUE | N°152/80

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Reischl présentées le 9 avril 1981., Debayser SA, Sucre-Union SA et Jean Lion SA contre Directeur du Fonds d'intervention et de régularisation du marché du sucre, ministre de l'agriculture et ministre du budget., 09/04/1981, 152/80


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. GERHARD REISCHL,

PRÉSENTÉES LE 9 AVRIL 1981 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Les sociétés Dabayser, Sucre-Union et Jean Lion vous avaient saisis aux mois de janvier et février 1977 de recours directs en réparation du préjudice découlant de l'omission ou du refus de la Commission — illégaux, selon elles — d'appliquer son règlement n° 1608/74 du 26 juin 1974, relatif à des dispositions particulières en matière de montants compensatoires (JO L 170 du 27. 6. 1974, p. 38) à des exporta

tions de sucre effectuées sur la base de contrats conclus de façon ferme après le 13 mars 1976...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. GERHARD REISCHL,

PRÉSENTÉES LE 9 AVRIL 1981 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Les sociétés Dabayser, Sucre-Union et Jean Lion vous avaient saisis aux mois de janvier et février 1977 de recours directs en réparation du préjudice découlant de l'omission ou du refus de la Commission — illégaux, selon elles — d'appliquer son règlement n° 1608/74 du 26 juin 1974, relatif à des dispositions particulières en matière de montants compensatoires (JO L 170 du 27. 6. 1974, p. 38) à des exportations de sucre effectuées sur la base de contrats conclus de façon ferme après le 13 mars 1976.

Par arrêt du 2 mars 1978 (Recueil 1978, p. 553 et suiv.), vous avez jugé ces recours irrecevables.

Ces mêmes sociétés ont alors attaqué, en mai 1978, devant le tribunal administratif de Paris le rejet implicite qu'avait opposé le Fonds d'intervention et de régularisation du marché du sucre (FIRS) à leur demande de remboursement des majorations de montants compensatoires monétaires appliquées à partir du 23 juillet 1976 au sucre qu'elles avaient exporté de France vers des pays tiers sur la base de contrats conclus de façon ferme après le 15 mars 1976, date à laquelle le gouvernement français avait
décidé de laisser «flotter» le franc en dehors des limites du «serpent», et exécutés après le 25 juillet 1976.

Par jugement du 17 juin 1980, cette juridiction vous interroge sur la validité de l'article 2, alinéa 1er, du règlement n° 1608/74, qui limite l'application de la clause d'équité prévue par ce texte aux importations et exportations effectuées «en vertu de contrats conclus de façon ferme avant la mesure monétaire» en question.

Ce problème avait déjà été soulevé à l'occasion des affaires jointes 12, 18 et 21/77 précitées. Sans aborder le fond, vous vous êtes bornés, dans votre arrêt précité du 2 mars 1978, à juger ces recours irrecevables, en soulignant notamment que le règlement n° 1608/74 «a attribué aux États membres une marge d'appréciation qui leur permet de juger de l'application à chaque cas d'espèce de la clause d'équité, y compris les circonstances de nature à justifier l'octroi ou le refus de l'exonération visée
à l'article 1 du règlement» (Recueil p. 568)

Pour ne pas abuser de votre temps, nous nous permettrons, en commençant, de nous référer aux conclusions supplémentaires que M. l'avocat général Mayras a prononcées le 1er février 1978 (Recueil p. 576) après que vous aviez décidé de joindre au fond l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Commission.

Comme vous vous en souviendrez, il avait analysé la nature du pouvoir d'appréciation dont jouissait la Commission pour arrêter des dispositions transitoires; en particulier, il avait examiné la légalité du règlement n° 1608/74 au regard des griefs de violation de l'interdiction de discrimination et de méconnaissance du principe de protection de la confiance légitime, soulevés par les requérantes. La conclusion à laquelle il est parvenu — négative pour les requérantes — nous paraît parfaitement
convaincante. C'est pourquoi nous estimons que les arguments, identiques pour l'essentiel, qui ont été développés par les requérantes au principal dans le cadre de la présente procédure n'appellent pas une nouvelle discussion du point de vue qu'elles exposent à propos de la validité du règlement n°1608/74.

Le seul argument quelque peu nouveau allégué par les requérantes au principal est tiré de la possibilité, ultérieurement instaurée par le règlement n° 243/78 de la Commission, du 1er février 1978, de préfixer les montants compensatoires monétaires lorsque le montant de la restitution est lui-même fixé à l'avance par le certificat d'exportation, compte tenu de ce que «le montant compensatoire ne correspond pas toujours aux relations monétaires qui se trouvent à la base des contrats commerciaux».

Comme ce règlement n'est entré en vigueur qu'à partir du 3 avril 1978 et qu'il n'a pas de portée rétroactive, les sociétés requérantes en déduisent que, pour la période antérieure à sa publication, l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 1608/74 serait illégal dans la mesure où il ne leur serait pas appliqué dans le sens qu'elles souhaitent.

S'il est exact que la majoration des montants compensatoires monétaires créait une situation économique nouvelle appelant une modification appropriée de la législation, il n'en résulte cependant pas que ce changement des circonstances économiques entraînait nécessairement l'obligation d'infléchir l'application du règlement d'équité dans le sens souhaité par les requérantes au principal.

Contrairement à ce qu'elles soutiennent, la situation, à cet égard, n'est pas comparable à l'hypothèse où un règlement nouveau vient bouleverser, par son application immédiate, les rapports de droit créés sous l'empire de la réglementation antérieure.

Dans ses conclusions précitées du 1er février 1978, M. l'avocat général Mayras, tout en reconnaissant que, au plan de l'opportunité, il paraissait en effet très désirable que le règlement n° 1608/74 fût amendé, constatait que la Commission n'avait pas de compétence liée à cet égard (Recueil p. 578), et il ajoutait:

«le ‘respect des anciens contrats’, revendiqué par les requérantes, reviendrait, dans les circonstances de l'espèce, à reconnaître aux contrats conclus une garantie équivalant à celle qui leur serait normalement accordée par la fixation à l'avance du montant compensatoire.

Or une telle fixation à l'avance n'est pas possible dans l'état actuel de la réglementation communautaire et cette impossibilité constitue en elle-même un avertissement pour les opérateurs commerciaux.

En sens contraire, d'ailleurs, une préfixation de ces montants qui ne serait pas assortie de certaines précautions pourrait s'accompagner de spéculations importantes aux dépens du budget de la Communauté...» (Recueil p. 582).

La conviction, dans laquelle les sociétés requérantes prétendent avoir opéré, que le champ d'application du règlement d'équité, étant donné son objet, devait être étendu pour couvrir les majorations excessives des montants compensatoires susceptibles d'être perçus en raison de la sortie du franc français du «serpent monétaire» ne saurait entraîner que ce règlement devrait être interprété conformément à leurs aspirations sous peine d'être illégal.

Nous concluons à ce que vous disiez pour droit que l'examen de la question posée n'a pas révélé d'éléments de nature à affecter la validité de l'alinéa 1er de l'article 2 du règlement n° 1608/74 de la Commission des Communautés européennes du 26 juin 1974.

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( 1 ) Traduit de l'allemand.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 152/80
Date de la décision : 09/04/1981
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Tribunal administratif de Paris - France.

MCM: sucre.

Mesures monétaires en agriculture

Sucre

Agriculture et Pêche


Parties
Demandeurs : Debayser SA, Sucre-Union SA et Jean Lion SA
Défendeurs : Directeur du Fonds d'intervention et de régularisation du marché du sucre, ministre de l'agriculture et ministre du budget.

Composition du Tribunal
Avocat général : Reischl
Rapporteur ?: Bosco

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1981:92

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