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29/01/1981 | CJUE | N°25/80

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Reischl présentées le 29 janvier 1981., Alain de Briey contre Commission des Communautés européennes., 29/01/1981, 25/80


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. GERHARD REISCHL,

PRÉSENTÉES LE 29 JANVIER 1981 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Le requérant dans la procédure sur laquelle nous nous prononçons aujourd'hui est entré au service de la Commission comme agent temporaire au grade A 3, sur la base d'un contrat de deux ans signé le 14 juillet 1975 avec effet au 15 août 1975. Il a d'abord été affecté au Centre commun de recherche nucléaire d'Ispra en qualité de chef de la division «Administration et personnel». A partir du 16 mars 1977, il

a exercé les fonctions de chef de la division «Administration et infrastructure» du Centre...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. GERHARD REISCHL,

PRÉSENTÉES LE 29 JANVIER 1981 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Le requérant dans la procédure sur laquelle nous nous prononçons aujourd'hui est entré au service de la Commission comme agent temporaire au grade A 3, sur la base d'un contrat de deux ans signé le 14 juillet 1975 avec effet au 15 août 1975. Il a d'abord été affecté au Centre commun de recherche nucléaire d'Ispra en qualité de chef de la division «Administration et personnel». A partir du 16 mars 1977, il a exercé les fonctions de chef de la division «Administration et infrastructure» du Centre
commun de recherche nucléaire de Petten. Son contrat d'engagement initial a été remplacé le 26 mai 1977 par un contrat conclu pour une durée indéterminée, en application des dispositions combinées de l'article 2, lettre d), et de l'article 8 du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes, contrat qui a pris effet au 1er novembre 1976. Il stipulait à l'article 5 la possibilité d'une résiliation dans les conditions prévues aux articles 47 à 50 du régime applicable aux autres agents
et à laquelle devait s'appliquer un délai de préavis fixé en fonction de la période de service accomplie — un mois par année de service —, avec un minimum de trois mois et un maximum de dix mois. Étant donné que le fils du requérant, âgé de douze ans, qui était atteint d'une grave maladie de coeur, devait subir aux États-Unis une opération des suites de laquelle il est décédé quelques mois plus tard, le requérant a été détaché avec effet au 15 février 1978 à la délégation de la Commission à
Washington, ce qui lui a permis de se trouver auprès de son enfant. Au cours de cette période — en avril 1978 — il a été victime d'une aggression et grièvement blessé par balle. Il en est résulté une invalidité permanente partielle pour laquelle il a été indemnisé conformément à l'article 73 du statut — sur la base, d'abord, d'un taux de 20 %, ensuite de 27 %.

Au début du mois de septembre 1978, le requérant a repris son service à Petten. Après qu'au cours de cette année, plusieurs notes portant une appréciation ciritque sur l'exercice de ses fonctions lui avaient déjà été adressées, la résiliation du contrat d'engagement a été prononcée avec effet au 15 mai 1979 par une lettre du directeur général du Centre commun de recherche du 1er février 1979. Cette résiliation a ensuite pris effet le 15 août 1979 parce que le délai de préavis avait, pour cause de
maladie du requérant, commencé à courir plus tard en application de l'article 47, paragraphe 2, lettre a), du régime applicable aux autres agents.

Le requérant a introduit le 27 avril 1979 une réclamation contre la décision de résiliation. Cette réclamation a été rejetée par décision du 17 octobre 1979, notifiée au requérant le 25 octobre 1979.

Là-dessus, le requérant a saisi la Cour de justice le 16 janvier 1980. Ses conclusions, telles qu'elles sont énoncées dans la réplique, sont libellées comme suit:

1. annuler la décision de licenciement notifiée par lettre datée du 1er février 1979, émanant du directeur général du Centre commun de recherche;

2. à titre subsidiaire,

décider qu'il doit être sursis à l'exécution de la décision de licenciement jusqu'à ce que le Conseil de ministres ait statué sur une proposition de la Commission visant à protéger les agents temporaires licenciés des institutions des Communautés européennes contre des risques tels que le chômage et l'assurance maladie-invalidité ou, à tout le moins, jusqu'à ce que la couverture de ces risques ait été organisée par la défenderesse dans le chef du requérant, le contrat de celui-ci reprenant dans
l'entre-temps vigueur avec effet rétroactif au 15 août 1979;

3. à titre plus subsidiaire,

condamner la défenderesse à prendre toutes mesures nécessaires pour que le requérant bénéficie à partir de la date d'expiration de son contrat d'une protection sociale conforme à celle prévue en faveur des agents temporaires dans la proposition de la défenderesse, modifiant le régime applicable aux autres agents ou, à tout le moins, condamner la défenderesse à prendre les mesures nécessaires pour que le requérant bénéficie à partir de la date d'expiration de son contrat de la protection sociale
telle qu'elle serait prévue en faveur des agents temporaires dans le règlement qui, suite à ladite proposition, serait adopté par le Conseil;

4. à titre très subsidiaire,

décider que la durée de préavis qui eût dû être notifiée au requérant est de dix mois; en conséquence, condamner la défenderesse à payer au requérant une indemnité compensatoire d'un montant égal à la rémunération qu'il eût promérité pendant six mois et demi, indemnité à augmenter des intérêts moratoires au taux de 8 % l'an à compter du 15 août 1979;

5. en tout état de cause:

annuler les décisions implicite et explicite de rejet de la réclamation introduite par le requérant le 27 avril 1979.

La Commission conclut au rejet du recours.

Les arguments exposés par les parties appellent de notre part les conclusions suivantes:

1.  Il n'est pas contesté qu'il a été mis fin au contrat d'engagement du requérant parce que son supérieur était parvenu à la conclusion que les qualités professionnelles du requérant étaient insuffisantes pour l'exercice des fonctions qui lui étaient confiées.

Le requérant considère avant tout cette appréciation comme inexacte. Étant donné que la Commission — à qui incomberait la charge de la preuve à cet égard — n'aurait pas fourni de preuve appropriée, la décision de licenciement ne serait pas fondée. La note critique rédigée par son supérieur hiérarchique en janvier 1978, à laquelle on aurait apparemment attribué une importance particulière, ne suffirait en aucun cas. Dans un mémorandum du mois de février 1978, le requérant aurait réfuté dans le
détail les critiques qui lui étaient faites sans que ce mémorandum n'ait jamais été rejeté. En outre, la note précitée aurait été rédigée un an avant le licenciement, alors qu'une chance supplémentaire avait à est égard été accordée au requérant. Cela résulterait de la dernière phrase de la note qui est libellée comme suit: «Par conséquent, je vous prie avec instance de prendre la division en main et de vous occuper d'une façon efficace des problèmes réels». On ne saurait donc invoquer cette
note pour justifier le licenciement et il eût, au contraire, été nécessaire de démontrer que les prestations du requérant n'avaient pas non plus donné satisfaction à des dates ultérieures. Une note du 5 octobre 1978 ne suffirait pas non plus à cet égard car elle ne comporterait pas d'autres explications; en outre, à cette date le requérant n'aurait été de retour des États-Unis que depuis un mois, ce qui ne saurait être considéré comme une période d'essai suffisante. Le requérant critique enfin
également la note du mois de janvier 1978 du point de vue de sa cohérence. Dans la mesure où un manque d'autorité lui serait reproché dans cette note, on ne saurait ignorer le fait que son supérieur hiérarchique y aurait lui-même largement contribué en évitant fréquemment le requérant pour traiter directement avec ses subordonnés. Lorsque, d'autre part, il serait question dans la note des carences du requérant du point de vue des qualités requises d'un manager, il y aurait lieu de se demander
pourquoi l'autorité investie du pouvoir de nomination n'a pas fait inscrire le requérant — ce qui aurait été conforme à son devoir d'assistance — aux cours de formation professionnelle appropriés.

a) L'examen de ce point litigieux appelle d'abord la constatation générale qu'un droit de résiliation est explicitement prévu — tant dans le régime applicable aux autres agents (article 47) que dans les contrats eux-mêmes — pour les engagements comme celui qu'il s'agit d'apprécier en l'espèce. Cela pourrait laisser à penser que la résiliation est à considérer comme la forme normale que revêt la cessation de tels engagements et qu'à cet égard, il y aurait lieu non seulement de n'exiger aucune
motivation — cas qui s'est déjà présenté dans la jurisprudence (affaire 25/68, André Schertzer/Parlement, arrêt du 18 octobre 1977, Recueil 1977, p. 1729) — mais également de renoncer à toute justification objective.

Toutefois, ce point de vue ne nous semble pas défendable. A ce propos, il faut d'abord tenir compte du fait qu'en 1976, le régime statutaire des emplois permanents rémunérés sur les crédits de recherches et d'investissement a été remplacé dans une large mesure par le régime contractuel de l'article 2, lettre d), du régime applicable aux autres agents. En conséquence, il est nécessaire de reconnaître une certaine stabilité à de tels engagements, notamment par rapport à des postes dans
l'administration qui sont moins affectés par la modification des programmes de recherches, et, partant, de considérer leur résiliation comme une exception. Par ailleurs, nous sommes également convaincu par le point de vue que l'avocat général Warner a exposé sur cette question dans ses conclusions dans l'affaire 110/75 (John Mills/Banque européenne d'investissement, Recueil 1976, p. 971 et 980) au regard du droit national et d'une recommandation de l'Organisation internationaie du travail du
5 juin 1963. Il en résulte qu'il est également reconnu en droit communautaire que la cessation d'un engagement doit, même lorsqu'il s'agit d'une procédure régulière, être examinée en ce qui concerne la question de savoir s'il n'y a pas eu licenciement injustifié. Il ne saurait en être question que si le licenciement est justifié par des raisons valables; de telles raisons peuvent être liées soit aux capacités, soit à la conduite de l'agent ou être fondées sur les exigences de service de
l'administration. Ces considérations ont apparemment été admises aussi dans la jurisprudence. A cet égard, nous songeons dans une moindre mesure au cas examiné dans l'affaire 25/68, Schertzer (Recueil 1977, p. 1729 et 1743), qui avait trait à un recrutement pour des tâches de caractère essentiellement politique et où l'on pouvait de ce fait affirmer à propos de la résiliation de l'engagement qui dès le départ apparaissait à l'évidence comme précaire, que, compte tenu des caractéristiques
particulières de son activité, l'agent devait être conscient des facteurs politiques et des risques. Il est cependant intéressant d'observer que dans l'affaire 110/75, John Mills/Banque européenne d'investissement, arrêt du 17 novembre 1976 (Recueil 1976, p. 1613, 1623 et suiv.), la Cour a jugé utile de contrôler les motifs invoqués pour justifier la résiliation du contrat d'engagement à la Banque européenne d'investissement, en retenant à ce sujet que la réduction du personnel était
justifiée par la diminution du travail et qu'il était possible de prendre en considération à cet égard les mérites des personnes concernées et leur comportement dans le service. Bien que l'exercice du droit de licencier ne soit pas explicitement subordonné à des conditions particulières, il ne suffit donc pas, semble-t-il, que l'administration se contente d'invoquer globalement à cette fin les intérêts du service. Il est au contraire nécessaire de montrer dans le détail et concrètement que
des raisons objectives et raisonnables, c'est-à-dire précisément des raisons «valables», plaident en faveur de la résiliation de l'engagement.

Toutefois, dans un tel cas, l'administration est seulement tenue d'exposer d'une façon cohérente les motifs du licenciement. Si la validité des motifs indiqués s'avère litigieuse, la charge de la preuve n'incombe pas à l'administration mais à l'agent concerné qui conteste la légalité de la décision de licenciement. Nous pouvons à cet égard renvoyer aux arrêts rendus par la Cour dans les affaires 19 et 65/63 (Satya Prakash/Commission Euratom, arrêt du 8 juillet 1965, Recueil 1965, p. 718 et
743) et 29/70 (Antonio Marcato/Commission, arrêt du 17 mars 1971, Recueil 1971, p. 243 et 247). A ce propos, il est également intéressant de noter que dans l'affaire 110/75 (Mills), la Cour n'a pas suivi la thèse de l'avocat général Warner selon laquelle il appartiendrait, en droit communautaire comme dans les divers ordres juridiques nationaux, à l'employeur (l'administration) de prouver l'existence de motifs de licenciement. Cela ne devrait cependant pas non plus constituer une charge
insupportable pour les intéressés. Étant donné que de tels rapports contractuels relèvent du droit public (voir arrêt rendu dans l'affaire 44/59, Rudolf Pieter Marie Fiddelaar/Commission, arrêt du 16 décembre 1960, Recueil 1960, p. 1119 et 1133), l'administration a certainement l'obligation — et cela prive le principe précité d'une grande partie de sa rigueur — de contribuer à la clarification d'une situation de fait litigieuse. En outre, il est possible que dans de tels cas, il y ait lieu de
faire jouer au cours de l'instance le principe selon lequel la Cour peut, le cas échéant, ordonner d'office l'administration de certaines preuves.

b) Parce que le motif principal de la cessation du contrat d'engagement résidait en l'espèce dans l'inaptitude du requérant au poste qui lui était confié, il faut en principe encore souligner qu'il s'agit là d'un domaine dans lequel les possibilités du contrôle juridictionnel sont limitées puisqu'une telle appréciation comporte nécessairement des jugements de valeur complexes.

Nous rappelons à cet égard l'arrêt rendu dans les affaires 19 et 65/63 (Satya Prakash, Recueil 1965, p. 718 et 741), dans lequel la Cour a souligné qu'en cas de jugement de valeur global, la Cour ne saurait substituer son appréciation à celle de l'administration et qu'il importerait donc uniquement de vérifier si les faits retenus sont matériellement exacts et logiquement compatibles avec le jugement de valeur émis. Des constatations analogues figurent dans les arrêts rendus dans les affaires
35/62 et 16/63 (André Leroy/Haute Autorité de la CECA, arrêt du 5 décembre 1963, Recueil 1963, p. 429 et 445) et 27 et 30/64 (Fulvio Fonzi/Commission de l'Euratom, arrêt du 8 juillet 1965, Recueil 1965, p. 652 et 676). L'arrêt rendu dans l'affaire 29/70 (Antonio Marcato/Commission, arrêt du 17 mars 1971, Recueil 1971, p. 243 et 247) revêt à cet égard également de l'intérêt dans la mesure où la Cour y a souligné que, dans le cas de l'appréciation des aptitudes professionnelles d'un
fonctionnaire, seules des erreurs manifestes sur les faits peuvent être invoquées au cours de la procédure. En ce sens, la Cour a enfin affirmé dans l'arrêt rendu dans l'affaire 122/75 (Berthold Küster/Parlement, arrêt du 25 novembre 1976, Recueil 1976, p. 1685 et 1692) qu'aux fins du contrôle de rapports de notation, il importerait uniquement d'établir dans le cadre de la procédure juridictionnelle si l'adoption de ces rapports est entachée d'erreurs manifestes ou de détournement des
pouvoirs d'appréciation.

c) Compte tenu des principes précités, la question de la validité du licenciement en l'espèce appelle les constatations suivantes :

aa) Parce qu'il comporte des reproches très détaillés, le mémorandum du supérieur hiérarchique du requérant du mois de janvier 1978 revêt apparemment une importance particulière. Il y était fait grief au requérant de ne pas posséder les qualités de manager requises pour diriger une division comme celle qui lui avait été confiée; cela supposerait en effet qu'il connaisse les problèmes de la division, qu'il les discute avec les chefs de groupe et donne des directives aux fins de leur solution.
Il aurait, au contraire, été nécessaire de soumettre presque toutes les affaires de la division «Infrastructures» au directeur du Centre de recherche. En outre, il était reproché au requérant de s'être occupé d'affaires d'importance secondaire et de négliger les affaires importantes telles que, par exemple, les affaires relevant du domaine budgétaire et financier ainsi que les problèmes des rapports avec le Centre néerlandais de recherche nucléaire et les problèmes de la protection
physique.

En ce qui concerne ces griefs, ils ne peuvent certainement pas être considérés comme réfutés au motif que la réponse du requérant du 8 février 1978 n'a pas immédiatement fait l'objet d'une réaction exhaustive. Cela trouve simplement une explication dans la demande, exprimée par le requérant dans cette note, «de ne plus rien faire qui puisse encore m'acca-ler davantage». Le supérieur du requérant a respecté cette demande — comme cela ressort d'un mémorandum du 28 février 1978 — tout en se
réservant de revenir ultérieurement sur le mémorandum.

A notre avis, on peut même déduire du mémorandum du requérant du 8 février 1978, dans lequel il tente de démontrer qu'il est intervenu activement dans divers domaines importants, qu'une partie, à tout le moins, des reproches formulés dans le mémorandum du mois de janvier n'était pas injustifiée. Nous songeons à cet égard aux assertions qui donnent assurément l'impression que dans le domaine de la protection et du réacteur HFR, le requérant a, dans une large mesure, compté sur l'initiative
d'un subordonné. Nous pensons par ailleurs — en ce qui concerne les relations avec le Centre néerlandais de recherche nucléaire (ECN) — à la déclaration du requérant selon laquelle il n'aurait pas pu s'en occuper parce qu'il n'avait pas été présenté au Comité de contact déterminant, ce qui a révélé de sa part une attitude qui n'est certainement pas opportune pour un agent de son grade et qui devait éveiller le soupçon que son abstention était imputable à un manque des connaissances
spécialisées nécessaires en matière de droit financier. Enfin, le requérant ne conteste pas résolument le manque d'autorité qui lui est reproché, mais il expose à cet égard que son supérieur aurait sapé son autorité en prenant directement contact avec les subordonnés du requérant. Sur ce point, le requérant n'a d'abord pas été en mesure d'établir qu'il s'agissait de manœuvres systématiques visant à le mettre à l'écart. Dans la mesure où il se peut qu'elles se soient parfois produites et
que le directeur général du Centre de recherche lui-même les ait éventuellement critiquées — ce qui n'a cependant pas été prouvé —, cela semble plutôt s'expliquer, compte tenu de la surcharge de travail incontesté du supérieur du requérant qui a, pour cette raison, attaché une grande importance à ce que le poste du requérant soit rapidement pourvu, par le fait qu'une telle intervention était indispensable, ce qui permet de conclure à un manque d'initiative et d'autorité du requérant.

En outre, des notes des anciens supérieurs du requérant à Ispra du 6 septembre et du 13 octobre 1978 présentent à cet égard de l'intérêt. Il en ressort — et cela milite en faveur du bien-fondé des principaux griefs contenus dans le mémorandum du mois de janvier 1978 — que l'on avait également été amené à reprocher au requérant, au cours de son activité à Ispra, ses faibles capacités de jugement ainsi qu'un manque de talent d'organisation et d'autorité. Cela se serait traduit par des
difficultés dans la collaboration avec ses subordonnés. C'est pourquoi la période d'essai du requérant aurait dû être prolongée et finalement il se serait avéré nécessaire de lui chercher un nouveau domaine d'activités — précisément celui de Petten — où une nouvelle chance devait lui être donnée.

bb) Lorsque le requérant estime, par ailleurs, qu'il y aurait lieu de ne pas tenir compte en l'espèce de la note du mois de janvier 1978 en raison de sa dernière phrase précitée aux termes de laquelle une nouvelle chance devait lui être donnée, ou qu'il eût été nécessaire, à tout le moins, de prouver qu'il n'avait pas fourni des prestations satisfaisantes en automne 1978 après son retour des USA, nous ne pensons pas non plus pouvoir le suivre dans cette voie.

A cet égard, la Commission a fait valoir, à juste titre, au regard de la jurisprudence relative au licenciement de fontionnaires pour insuffisance professionnelle (affaire 101/79, Franco Vecchioli/Commission, arrêt du 21 octobre 1980) qu'aux fins de telles mesures, c'est l'appréciation de toute la carrière qui importe. Il ne faut pas non plus négliger le fait que la phrase mentionnée n'exprimait qu'une incitation du supérieur direct du requérant et qu'il appartenait au directeur général
du Centre de recherche, en tant qu'autorité investie du pouvoir de nomination, de statuer sur la prolongation de l'engagement du requérant.

Il est enfin également déterminant de relever qu'un laps de temps non négligeable s'est écoulé entre le retour du requérant des USA en septembre 1978 et son licenciement du service de la Commission, et que cette période a également fait l'objet d'une appréciation négative dont le requérant n'a pas pu démontrer qu'elle était manifestement erronée. Nous ne songeons pas, à cet égard, à la note du supérieur du requérant du mois d'août 1978 qui — avant même la reprise de ses fonctions par le
requérant à Petten, c'est-à-dire avant même le début d'une dernière période d'essai — réitère en des termes différents les constatations faites dans la note du mois de janvier 1978 et souligne qu'il serait impossible aux chefs de groupe de Petten de collaborer avec le requérant. En effet, dans des notes du 5 octobre et du 13 novembre 1978, qui avaient été précédées d'entretiens avec le requérant, il est également question d'un manque d'autorité, de capacité d'organisation et d'initiative
du requérant.

De plus, quelques remarques du requérant lui-même peuvent à ce propos également présenter de l'intérêt. Cela vaut, par exemple, pour sa note du 16 novembre 1978 qui suggère d'utiliser différemment le requérant, parce qu'il serait particulièrement doué pour la confection de rapports, et de l'affecter à des activités de conseil et d'études, ce qui — de même qu'une série imposante de publications du requérant — semble plutôt révéler des aptitudes théoriques. Nous songeons également à une
note du requérant du 24 novembre 1978, adressée au directeur général du Centre de recherche, dans laquelle le requérant, après avoir constaté que lui-même et le destinataire de la note ont, en ce qui concerne la situation du requérant, des analyses et des appréciations divergentes, conclut en exprimant sa conviction que le directeur général du Centre de recherche respectera les positions du requérant. Cela reflète cependant de la & art du requérant un certain manque de exibilité
assurément critiquable et un degré d'incompréhension surprenant. Enfin, relevons dans ce contexte également le caractère significatif de la note du requérant du 5 janvier 1979 dans laquelle il sollicite son affectation à un autre emploi, au motif qu'il ne disposerait plus de la confiance de son directeur et qu'il lui serait impossible de continuer d'exercer les activités qui lui étaient confiées dans un tel climat de défiance.

cc) Étant donné qu'il est dès lors difficile d'affirmer que le requérant est parvenu à ébranler l'appréciation négative de ses supérieurs à l'égard de ses capacités professionnelles et, partant, à faire apparaître l'absence de motifs valables justifiant la résiliation de son engagement, un dernier point de sa critique — manque de cohérence des allégations de ses supérieurs — n'appelle guère d'autres commentaires.

Au regard de tout ce qui a été porté à notre connaissance sur ce sujet, il ne saurait être question d'un prétendu sapement de l'autorité du requérant par le fait que son supérieur l'ait systématiquement évité lors de ses contacts avec les subordonnés du requérant. Mais lorsque le requérant critique en outre le fait que l'on aurait, à tort, omis de le faire participer à des cours appropriés de formation au «management», cela n'aurait pas non plus permis de créer une situation satisfaisante
— étant donné que d'autres carences lui sont également reprochées. En outre, nous partageons entièrement l'opinion de la Commission dans la mesure où elle affirme qu'en recrutant une personne à un grade élevé à la suite d'un concours et notamment lorsqu'il s'agissait de l'ancien chef du personnel d'un établissement important, elle était en droit d'attendre que cette personne possède les qualités requises de manager. En revanche, elle ne pouvait pas être tenue de veiller elle-même au
perfectionnement de ses qualités et de n'envisager une résiliation de l'engagement qu'après l'échec de tentatives correspondantes.

d) La décision de licenciement ne peut donc certainement pas être annulée au motif que des raisons valables, susceptibles d'être prises en considération dans l'intérêt du service, lui faisaient défaut.

2.  Le requérant soutient ensuite également — sans, il est vrai, y revenir encore une fois dans son deuxième mémoire — que, parce qu'il a été mis fin à l'engagement pour insuffisance professionnelle, il eût été nécessaire de tenir compte de l'article 51 du statut qui dispose que les raisons qui motivent cette mesure doivent être communiquées et que l'intéressé doit avoir l'occasion de présenter toutes observations à cet égard. En outre, la décision de licenciement n'aurait dû intervenir qu'après
respect de la procédure disciplinaire instituée dans l'annexe IX du sutut, notamment avec l'intervention du conseil de discipline. Cette démarche aurait dû être envisagée à tout le moins parce que le système de l'article 2, lettre d), du régime applicable aux autres agents aurait remplacé celui du statut et parce que de tels agents remplissent dans une large mesure — cela s'appliquerait en tout cas au requérant — les mêmes fonctions sans limitation de temps que les fonctionnaires de la
Communauté.

Nous estimons cependant, comme la Commission, que le requérant ne peut pas non plus être suivi sur ce point et que la procédure de licenciement ne saurait être déclarée comme entachée d'erreur au regard des dispositions précitées.

Une application directe des dispositions invoquées n'est certainement pas concevable. Elles sont — comme le montrent leurs termes — très clairement destinées aux fonctionnaires. Le régime applicable aux autres agents se réfère certes, dans l'article 11, à certains égards au statut des fonctionnaires. Mais l'article 51 du statut n'est pas mentionné ici, de même qu'il n'est pas fait référence dans l'article 49 du régime applicable aux autres agents — en cas de résiliation pour motifs
disciplinaires — à la procédure de l'annexe IX du statut.

Une application par analogie — sur la base du principe de l'égalité de traitement — n'entre pas non plus en ligne de compte. Peu importe, en effet, que certains agents et fonctionnaires exercent des fonctions semblables; l'élément déterminant réside plutôt dans le fait que la situation des fonctionnaires est fondée sur le principe de la stabilité d'emploi qui n'existe pas dans le cas des agents et que cette situation différente permet un traitement différencié au moment de la cessation de
l'engagement.

Mais dans la mesure où il s'agit en l'espèce simplement de la question de savoir si les droits de la défense du requérant ont été respectés, c'est-à-dire de savoir si l'on a tenu compte d'un principe qui, d'après la jurisprudence, exige une application générale, en tout cas lorsqu'il s'agit, d'examiner une violation grave d'intérêts individuels, nous ne trouvons, à cet égard également, guère matière à critique. Ainsi, dès la fin de l'année 1977 et au début de l'année 1978, l'attention du
requérant a été attirée sur le niveau insatisfaisant de ses prestations (voir, en particulier, la note du mois de janvier 1978 que nous avons déjà examinée en détail) et les notes critiques du 5 octobre et du 13 novembre lui sont elles aussi encore parvenues dans le courant de l'année 1978. A cet égard, le requérant a eu l'occasion de faire valoir son point de vue lors de plusieurs entretiens avec ses supérieurs mais également dans plusieurs notes que nous avons déjà évoquées. Il est donc clair
qu'il a été suffisamment informé des carences qui lui étaient reprochées pour lui permettre de se défendre, et que la procédure précédant le licenciement s'est donc déroulée de façon régulière.

3.  Dans un troisième moyen présenté à l'appui des conclusions de son recours, le requérant se prévaut enfin encore de certains principes généraux du droit tels que le principe du devoir d'assistance, le principe d'équité et de sécurité sociale, et il invoque une faute de service de la Commission ainsi qu'un abus du droit de licencier.

A son avis — cette idée est déjà apparue dans un autre contexte —, la résiliation de l'engagement au motif d'une prétendue insuffisance des qualités de manager devrait être considérée comme illégale parce que la Commission aurait manqué à son devoir d'assistance en s'abstenant d'inscrire le requérant à un cours spécial de formation au «management». En tout état de cause, le délai de préavis aurait été trop court parce qu'il n'aurait été fixé qu'au minimum prévu par l'article 47 du régime
applicable aux autres agents. Enfin, le licenciement n'aurait pu être prononcé ou, à tout le moins, prendre effet qu'après l'organisation d'un régime assurant, également pour la Communauté, une couverture des risques de chômage, de maladie et d'invalidité après la cessation d'un engagement. La Commission serait à tout le moins tenue de prendre, dans son cas concret, des mesures tendant à le protéger contre les risques précités.

a) A la lumière de ce que nous avons déjà exposé dans un autre contexte, il est clair que l'on ne saurait suivre le requérant sur le premier point. A cet égard, il n'est pas nécessaire d'examiner dans le détail la question de la portée du principe du devoir d'assistance invoqué à ce propos, principe qui s'applique en vertu de l'article 24 du statut et dont l'application est également requise en vertu de l'article 11 du régime applicable aux autres agents dans le cadre des engagements qu'il
régit. En effet, à supposer même que l'on veuille admettre que ce principe engendre l'obligation de l'administration de promouvoir la formation professionnelle, il importerait néanmoins de constater ici qu'il s'agissait dans le cas du requérant, non seulement de lui donner une formation supplémentaire, mais de commencer par créer les conditions de l'exercice de certaines fonctions que son grade l'appelait à remplir. Or, l'administration ne saurait avoir pour obligation de veiller à ce que les
conditions fondamentales de l'exécution d'un contrat d'engagement soient d'abord créées. Elle est au contraire en droit d'attendre qu'une personne qui pose sa candidature à un poste déterminé et qui a été considérée comme apte à l'issue d'un premier examen dispose, en substance, des capacités nécessaires et ne doive pas commencer par les acquérir par des mesures de formation particulières. En outre, le requérant s'est vu reprocher non seulement l'absence des qualitées requises d'un manager
mais également d'autres insuffisances. En conséquence, même une participation à des cours de «management» n'aurait sans doute pas apporté la garantie que le requérant s'acquitte d'une manière satisfaisante de ses obligations de service.

Il ne peut donc certainement pas être question d'un exercice abusif du droit de licencier en raison d'une violation du devoir d'assistance.

b) L'article 47 du régime applicable aux autres agents dispose, aux fins de la détermination du délai de préavis, que l'engagement, pour un contrat à durée indéterminée — il s'agit d'un tel contrat en l'espèce —, prend fin à l'issue de la période de préavis prévue au contrat. En ce qui concerne l'agent visé à l'article 2, sous d), le préavis ne peut être inférieur à un mois par année de service accomplie avec un minimum de trois mois et un maximum de dix mois. En conséquence, l'article 5,
paragraphe 2, du contrat signé avec le requérant le 26 mai 1977 stipule: «Le délai de préavis est fixé à un mois par année de service accomplie avec un minimum de trois mois et un maximum de dix mois.»

Partant, il est clair que le délai de préavis constitue une donnée déterminée avec précision. Lorsqu'il est également question dans la clause précitée du contrat — conformément à l'article 47 du régime applicable aux autres agents — d'un délai minimal et d'un délai maximal, cela revêt seulement la signification d'une délimitation du délai de préavis dans l'hypothèse où le calcul de la durée de service ferait entrer en ligne de compte un délai de préavis inférieur à trois mois ou supérieur à
dix mois; mais cela ne vise en aucun cas à créer un cadre discrétionnaire qui permettrait de tenir compte des particularités du cas d'espèce.

Or, étant donné qu'il est en l'espèce incontestable que le délai a été calculé correctement sur la base de la clause contractuelle précitée et que le requérant n'a pas non plus été en mesure de prouver — par exemple, au regard de critères du droit national — qu'un tel calcul pouvait en principe être contesté — sa référence à l'arrêt rendu dans l'affaire 12/66, Alfred Willame/Commission Euratom, arrêt du 22 juin 1967, Recueil 1967, p. 204, 220 n'est manifestement pas pertinente dans l'espèce
présente —, il n'y a certainement pas lieu de faire droit à sa conclusion subsidiaire et de constater qu'un délai de préavis de dix mois aurait dû être respecté.

c) Le troisième point, qui a trait à la sécurité sociale (assurance maladie-invalidité; assurance chômage) du requérant — qui, apparemment, est resté jusqu'à présent sans emploi — après la cessation de son engagement auprès de la Commission, est, en revanche, plus problématique.

De l'avis du requérant, il y aurait lieu, en tout cas, de ne pas tenir compte, dans ce cadre, de l'indemnité qu'il a perçue en application de l'article 73 du statut au titre de l'invalidité permanente partielle résultant d'une agression dont il a été victime aux États-Unis, ainsi que de l'allocation de départ qui lui a été versée en vertu de l'article 39, paragraphe 2, du régime applicable aux autres agents. Ces prestations auxquelles la Commission s'est référée à l'appui de sa défense
n'auraient, en effet, manifestement pas pour objet de fournir une compensation à l'absence d'une sécurité sociale. Dans le cas contraire, la règle de l'article 28, paragraphe 4, du régime applicable aux autres agents devrait être considérée comme tout à fait insuffisante puisqu'il y serait seulement question de prestations au titre du régime de couverture des risques de maladie pendant une période maximale de soixante jours après l'expiration d'un contrat. Il serait en tout cas significatif
que la Commission ait soumis au Conseil en juin 1979 des propositions qui tendent à modifier le régime applicable aux autres agents dans le sens d'un renforcement de la protection sociale (voir JO C 191 du 30 juillet 1979, p. 9 et suiv.), modification en vertu de laquelle les deux articles suivants devaient être insérés dans le régime applicable aux autres agents.

«Article 28bis:

L'ancien agent temporaire qui, après l'expiration de son contrat, remplit les conditions requises pour l'octroi de l'indemnité de chômage ou qui les remplirait s'il n'était pas atteint d'une incapacité de travail, est couvert contre les risques de maladie-maternité auprès du régime obligatoire de sécurité sociale du pays des Communautés dans lequel il fixe sa résidence pour ce qui concerne:

— les indemnités prévues par ce régime en cas d'incapacité de travail,

— les prestations autres que les indemnités susvisées et prévues par ce régime en cas de maladie ou de maternité.

Au cas où l'ancien agent temporaire a droit aux prestations prévues au deuxième tiret de l'alinéa précédent, les personnes à sa charge bénéficient des mêmes avantages.

Les modalités de contrôle, de paiement et de remboursement sont analogues à celles de l'article 28ter, deuxième phrase.»

«Article 28ter:

Pour la couverture des risques de chômage, l'ancien agent temporaire bénéficie des prestations du régime obligatoire de couverture de chômage du pays des Communautés dans lequel il fixe sa résidence.

Il est soumis aux modalités de contrôle et de paiement prévues par ce régime auquel l'institution reverse le montant des prestations payées à l'intéressé.»

A cet égard, il convient d'abord de constater que les arguments du requérant au sujet de l'indemnité visée à l'article 73 du statut et de la nature de l'allocation de départ sont pertinents. Au reste, il y a lieu de distinguer les éléments suivants :

aa) Si nous avons bien compris, la thèse principale du requérant est qu'un droit de licencier ne saurait être exercé ou, à tout le moins, les effets d'un licenciement ne sauraient provisoirement se produire tant qu'un régime de protection sociale approprié des agents des Communautés après la cessation de leurs fonctions ferait défaut.

Pour différentes raisons, cette thèse nous semble cependant soulever de graves réserves.

Par sa généralité, la thèse précitée va assurément trop loin. Elle paralyserait la possibilité de résilier des engagements même dans les cas où des exigences de sécurité sociale, telles que le requérant les conçoit, n'existent pas parce l'intéressé peut immédiatement conclure un nouvel engagement. En tout cas, il serait intolérable de subordonner l'efficacité de l'exercice d'un droit légalement et contractuellement prévu à la question de savoir si et quand l'agent concerné trouve un nouvel
engagement comportant une assurance sociale adéquate.

En outre, le requérant n'a pas été en mesure de prouver le bien-fondé de sa thèse. A cet égard, ses références aux principes très généraux de l'équité, du devoir d'assistance et de la sécurité sociale ne sont, en fait, guère suffisants. Le fait que les engagements qui font l'objet de la thèse précitée se fondent sur un régime qui ne prévoit pas un tel lien entre le droit de licencier et la sécurité sociale semble également revêtir de l'importance. Celui qui a contracté un tel engagement l'a
fait en ayant connaissance de cette circonstance — considérée par le requérant comme une lacune — et il semble donc difficilement défendable d'admettre que cette «lacune» soit invoquée dans le but d'exclure la résiliation un tel rapport contractuel.

bb) Par ailleurs, il n'y a pas lieu, à notre avis, de discuter de l'exigence de suspendre les effets du licenciement en attendant que la défenderesse ait organisé une couverture des risques invoqués par le requérant, voire de condamner la défenderesse à des mesures comme celles qui sont prévues dans sa proposition de règlement.

Notons d'abord, à ce propos, que la Commission n'est pas en mesure d'organiser une telle couverture. Il lui faut, à cette fin, une base légale qui manque jusqu'à présent et qu'elle ne saurait créer elle-même parce que son adoption relève de la compétence du Conseil. Ensuite se pose la question différente de savoir si l'on peut à cet égard reprocher à la Commission une faute de service parce qu'elle a omis de présenter plus tôt, notamment à l'occasion de l'institution du système de l'article
2, lettre d), du régime applicable aux autres agents, une proposition semblable à celle qu'elle vient de soumettre. Toutefois, cela n'aurait sans doute pas pour conséquence de suspendre les effets d'un licenciement prononcé en 1979, mais se traduirait tout au plus — avec le maintien des effets du licenciement — par l'octroi d'une certaine indemnité.

D'autre part, il nous semble également évident qu'il n'est pas possible de condamner la défenderesse à des mesures telles que celles que prévoit sa proposition de règlement. Un projet, dont il n'est pas encore sûr qu'il sera adopté sous cette forme, ne constitue pas encore une règle de droit et ne saurait donc fonder des prestations quelles qu'elles soient. Or, si le requérant cherche à obtenir cette conséquence juridique, en quelque sorte comme une restitution à nature, en se prévalant
d'une faute de service de la Commission, force lui est d'admettre qu'il n'a pas assez clairement démontré que la protection sociale qu'il estime indispensable après la cessation d'engagements relevant du droit communautaire ne pourrait intervenir précisément que sous la seule forme qu'elle revêt dans la proposition de règlement de la Commission.

cc) On ne peut pas non plus faire droit à la conclusion subsidiaire introduite dans la réplique et tendant à ce que la Commission soit condamnée à prendre toutes mesures nécessaires pour que le requérant bénéficie à partir de la date d'expiration de son contrat d'une protection sociale conforme à celle qui sera prévue un jour dans le futur règlement du Conseil — indépendamment de la question de savoir si une telle conclusion supplémentaire est recevable dans la réplique.

On peut déjà douter qu'une telle condamnation «conditionnelle», qui est prononcée au regard de dispositions éventuellement adoptées dans l'avenir et qui ne permettrait pas une exécution actuelle, soit en fait concevable. En tout cas, un intérêt légitime manque à cet égard. En effet, si une réglementation telle que celle que le requérant envisage est un jour adoptée et si le requérant satisfait aux conditions d'octroi des prestations qu'elle prévoit, on peut assurément supposer qu'il en
bénéficiera sans que la Cour ait besoin d'exhorter à cette in les organes communautaires chargés de la mise en œuvre de cette réglementation.

dd) Il ne reste ainsi qu'à examiner la question déjà mentionnée de savoir si l'on peut faire grief à la Commission d'avoir commis une faute de service parce qu'elle ne s'est pas attachée plus tôt à compléter le régime applicable aux autres agents dans le sens de sa proposition de 1979, et s'il est possible, sur cette base, d'accorder au requérant une indemnité qui le placerait, en substance, dans la même situation que celle qu'il occuperait si l'on avait institué en temps utile une protection
sociale à l'expiration d'engagements, protection que des principes impératifs rendent indispensable.

A cet égard, il y a lieu de retenir en principe qu'une telle condamnation semble possible, même en l'absence d'une conclusion explicite en ce sens. D'une part, on peut en effet estimer qu'une telle demande résulte déjà tacitement des conclusions formulées expressis verbis. Il faut, en outre, rappeler que la Cour a déjà procédé ainsi à plusieurs reprises en vertu du principe selon lequel, dans des litiges de caractère pécuniaire conférant à la Cour une compétence de pleine juridiction, une
indemnisation peut également être accordée d'office. A cet égard, nous renvoyons, par exemple, à l'arrêt rendu dans l'affaire 23/69 (Anneliese Fiehn/Commission, arrêt du 9 juillet 1970, Recueil 1970, p. 547 et 560) ou à l'arrêt rendu dans l'affaire 24/79 (Dominique Noëlle Oberthur/Commission, arrêt du 5 juin 1980).

En ce qui concerne le problème fondamental qui nous intéresse ici — c'est-à-dire la question de savoir si une certaine protection sociale après la cessation d'engagements non stables, telle que le requérant la conçoit, doit être considérée comme une exigence impérative —, les arguments exposés à cet égard par le requérant ne nous semblent pas particulièrement utiles et convaincants. Cela vaut pour sa référence au principe très général de l'équité dont il n'a pas été prouvé qu'il jouait un rôle
précisément dans le omaine qui nous occupe ici. Cela s'applique également au principe du devoir d'assistance qui, même en allant au-delà des termes de l'article 24 du statut, ne s'est encore jamais vu reconnaître en droit communautaire des conséquences aussi étendues dans le domaine de la sécurité sociale, et dont n'a pas non plus été prouvé — en ce qui concerne le droit national — qu'il avait reçu une telle interprétation. Cela vaut, par ailleurs, pour le principe de la sécurité sociale au
regard auquel le requérant s'est borné à

affirmer que la sécurité sociale existait dans tous les États membres et que la Communauté avait pour but d'assurer le progrès social, alors que l'on aurait été en droit d'attendre qu'il montre — au moyen d'une étude exhaustive de droit comparé — qu'il est possible d'établir qu'une certaine protection sociale après la cessation d'engagements non stables constitue un principe général commun aux ordres juridiques des États membres ou, à tout le moins, des plus progressistes d'entre eux.

Si l'on n'en tient pas compte et si l'on s'efforce de cerner soi-même la question, il semble d'abord nécessaire de constater que le droit du travail des États membres ne paraît pas comporter le principe selon lequel l'employeur serait tenu d'assurer la couverture des risques de maladie et d'invalidité, au-delà également de la durée du rapport de travail. Cela semble, en général, devoir être du ressort du travailleur lui-même, abstraction faite des cas dans lesquels l'assurance chômage ou
l'assistance sociale interviennent.

En revanche, une réponse différente semble s'appliquer à l'assurance contre le risque de chômage. Les ordres juridiques nationaux ne comportent certes aucun principe général en vertu duquel tout demandeur d'emploi devrait être assuré à cette fin et bénéficier d'une aide en cas d'échec de ses recherches. Les ordres juridiques de tous les États membres prévoient cependant — conformément au Code européen de sécurité sociale du 16 avril 1964 — que les travailleurs salariés soient assurés de cette
manière et bénéficient sous certaines conditions au terme de leur engagement d'une protection qui leur garantit, pendant une certaine période, un revenu approprié. Cela vaut d'ailleurs également pour les agents de la fonction publique dans la mesure où les situations administratives manquent de stabilité. Dans les États membres de la Communauté, ils se voient appliquer en partie le régime général d'assurance chômage ou certaines parties de celui-ci ou encore un régime aménagé d'une manière
analogue.

On était donc nécessairement amené à prévoir également un régime analogue pour les agents des Communautés dans la mesure où leurs contrats manquent de durabilité, et ce d'autant plus que les régimes nationaux — abstraction faite de l'aide sociale pure et simple qui ne nous intéresse pas ici en ce qu'elle n'est pas équivalente — ne couvrent généralement pas le chômage d'anciens agents des Communautés en raison de conditions particulières que ces régimes prévoient (emploi pendant une certaine
durée dans le cadre d'un rapport de travail national, cotisation à la sécurité sociale ou, en particulier, à l'assurance chômage). Le fait qu'une telle protection des agents des Communautés n'existe pas ne peut donc, à notre avis, être qualifié autrement que de lacune inadmissible. Il y aurait eu lieu de la combler à tout le moins depuis 1976 lorsque les engagements contractuels ont connu une extension considérable également dans des domaines où — comme dans l'administration — une telle
nécessité n'apparaît pas comme évidente. Si cela avait été entrepris en temps utile, une solution satisfaisante aurait sans doute pu être trouvée en dépit de toutes les difficultés techniques qui ont été évoquées au cours de l'audience. Compte tenu du niveau qu'atteint aujourd'hui le droit social dans tous les États membres, cette omission ne peut être qualifiée que de lacune grave et, partant, de faute de service des organes communautaires compétents à cet égard. A présent, il y a lieu d'en
tirer les conséquences qui s'imposent sous la forme de l'octroi d'indemnités appropriées aux fins du règlement des cas particuliers concrets qui se présentent.

Quant à son calcul dans le cas d'espèce présent — d'après ce que nous avons appris, le requérant serait toujours au chômage et il n'aurait pas non plus la possibilité de s'assurer volontairement contre le risque de chômage au titre de la législation belge entrant en ligne de compte —, la Cour dispose sans doute d'un certain pouvoir d'appréciation qui, en partant de la supposition qu'une réglementation communautaire s'inspirerait des principes généraux du droit national, peut se fonder sur
certains critères susceptibles d'être tirés de ces principes.

A cet égard, il importe, d'une part, que l'octroi de prestations soit subordonné à une certaine durée du rapport de travail ou à une certaine durée d'affiliation à l'assurance chômage. Or, les périodes entrant ici en ligne de compte — elles varient, en ce qui concerne la période de travail minimale, entre 75 et 600 jours et, pour ce qui est de l'affiliation à l'assurance sociale, entre 26 semaines et deux ans — permettent aisément de constater qu'en ayant accompli au sein de la Communauté une
période de service de trois ans et demi, le requérant ne saurait rester sans indemnité, même si auparavant il a été indépendant.

D'autre part, il est important de relever que les ordres juridiques de la plupart es États membres prévoient que l'assuré verse lui-même des cotisations, c'est-à-dire effectue des dépenses pour se protéger contre le chômage. On peut également s'attendre à de telles charges dans le cadre d'un futur régime communautaire; partant, il convient également d'en tenir compte lors du calcul de l'indemnité.

Enfin, il importe encore d'observer que le paiement de l'aide au chômage est limité à certaines périodes — elles varient entre six mois et un an et demi, mais s'étendent, dans la plupart des cas, à environ un an — et que le montant de l'aide est en général égal à un certain pourcentage des rémunérations antérieures — en république fédérale d'Allemagne, par exemple, 68 % de l'ancienne rémunération, au Luxembourg 80 % du dernier salaire brut avec certaines limites maximales, au Danemark 90 % du
dernier salaire. De tels facteurs doivent évidemnent être également pris en considération.

Compte tenu de ce qui précède, on pourrait envisager que dans le cas présent, où il s'agit d'un ancien agent A 3 ayant perçu des rémunérations relativement élevées, une indemnité égale à environ 80 % du dernier traitement de base

annuel serait appropriée. Pourtant nous hésitons à proposer dès à présent une condamnation en ce sens. La condition à cet égard est, en effet, que le requérant soit effectivement resté au chômage après la cessation de ses fonctions au sein des Communautés. Une autre condition est également qu'il se soit vainement efforcé de trouver un autre emploi, compte tenu notamment du fait qu'avant son entrée en fonctions auprès des Communautés, il exerçait les activités de conseiller d'entreprise
indépendant. La présente procédure n'a pas encore fourni de réponses suffisamment claires à ces questions. Ces questions devraient encore être clarifiées, ce qui permettrait peut-être d'aboutir à une solution amiable après la constatation de principe de l'existence d'une faute de service. En conséquence, nous proposons de ne rendre présentement qu'un jugement partiel et interlocutoire.

4.  En conséquence, nous concluons à ce que la Cour, d'une part, constate au'aucune des conclusions formulées par le requérant n'est fondée, mais, autre part, dise en principe également pour droit qu'il y a faute de service en ce que le droit communautaire n'a pas institué en temps utile un régime de couverture des risques de chômage après la cessation d'engagements contractuels. Il n'en résulte cependant une obligation de paiement d'une indemnité égale à 80 % du dernier traitement de base annuel du
requérant que s'il est indubitablement établi que le requérant est resté au chômage pendant au moins un an après la résiliation de son contrat et qu'il a vainement recherché un emploi approprié. Aux fins de l'administration de cette freuve, il y a lieu d'impartir un délai au requérant. A l'expiration de celui-ci, es parties seront invitées à rendre compte à la Cour de l'état de leur litige et, le cas échéant, d'un règlement amiable de la question de l'indemnité. Partant, il convient de réserver
provisoirement la décision sur les dépens.

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( 1 ) Traduit de l'allemand.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25/80
Date de la décision : 29/01/1981
Type de recours : Recours de fonctionnaires - non fondé

Analyses

Licenciement des agents temporaires.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Alain de Briey
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Reischl
Rapporteur ?: Due

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1981:25

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