La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/06/1979 | CJUE | N°32/78,

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Warner présentées le 12 juin 1979., BMW Belgium SA et autres contre Commission des Communautés européennes., 12/06/1979, 32/78,


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. JEAN-PIERRE WARNER,

PRÉSENTÉES LE 12 JUIN 1979 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Introduction

Les présents recours sont formés par BMW Belgium NV («BMW Belgium») ainsi que par 47 concessionnaires BMW en Belgique contre une décision de la Commission datée du 23 décembre 1977 (78/115/CEE, JO no L 46 du 17. 2. 1978, p. 33). A l'article 1 de cette décision la Commission déclare que les requérants ont violé l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE en souscrivant,

sur la base de deux circulaires datées du 29 septembre 1975, à une interdiction générale d'exporter et en ma...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. JEAN-PIERRE WARNER,

PRÉSENTÉES LE 12 JUIN 1979 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Introduction

Les présents recours sont formés par BMW Belgium NV («BMW Belgium») ainsi que par 47 concessionnaires BMW en Belgique contre une décision de la Commission datée du 23 décembre 1977 (78/115/CEE, JO no L 46 du 17. 2. 1978, p. 33). A l'article 1 de cette décision la Commission déclare que les requérants ont violé l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE en souscrivant, sur la base de deux circulaires datées du 29 septembre 1975, à une interdiction générale d'exporter et en maintenant celle-ci en
vigueur du 29 septembre 1975 au 20 février 1976. Par l'article 2 de la même décision, des amendes ont été infligées du chef de l'infraction indiquée à l'article 1 à concurrence de 150000 unités de compte (soit 7500000 FB) dans le cas de BMW Belgium et à concurrence de 2000, 1500 ou 1000 unités de compte (soit, respectivement, 100000, 75000 et 50000 FB) dans le cas des concessionnaires.

Vous avez à trancher deux questions principales:

1. La Commission a-t-elle correctement interprété les deux circulaires du 29 septembre 1975, considérées ensemble avec la circonstance que leurs termes ont été acceptés par les 47 concessionnaires en question, en tant qu'elles constituent un accord interdisant toute réexportation de nouvelles voitures BMW au départ de la Belgique? Les requérants concèdent (croyons-nous comprendre) qu'un tel accord constituerait une infraction à l'article 85, paragraphe 1; ils soutiennent que les circulaires visaient
seulement les ventes aux revendeurs non agréés, opérées en violation de contrats conclus par les concessionnaires BMW de Belgique avec BMW Belgium.

2. Si la réponse à la première question est affirmative, les amendes infligées aux requérants sont-elles adéquates?

BMW Belgium est filiale à 100 % de la société bien connue Bayerische Motoren Werke AG de Munich, que nous désignerons, pour suivre l'exemple des parties, du nom de «BMW Munich».

Les contrats type dans le cadre desquels BMW Munich livre ses produits aux concessionnaires allemands ont fait l'objet d'une décision de la Commission datée du 13 décembre 1974 (75/73/CEE, JO no L 29 du 2. 2. 1975, p. 1) déclarant l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, inapplicable à ces contrats pendant une période déterminée, conformément à l'article 85, paragraphe 3. Par ces contrats, BMW maintient un système de distribution sélective par l'intermédiaire de concessionnaires agréés. Une des
caractéristiques essentielles du système tient dans le fait qu'il est interdit aux concessionnaires agréés de revendre des produits BMW à des revendeurs non agréés. Il leur est toutefois loisible de revendre à d'autres concessionnaires agréés ou à des consommateurs non seulement à l'intérieur de leur propre zone concédée, mais aussi partout ailleurs dans le Marché commun; des achats peuvent être faits pour le compte de consommateurs (et, supposons-nous, bien que cela n'apparaisse pas formellement du
dossier de l'affaire, pour le compte d'autres concessionnaires agréés) par l'intermédiaire de revendeurs non agréés agissant en tant que simples intermédiaires. Les contrats, tels qu'ils avaient été notifiés à l'origine à la Commission par BMW Munich, prévoyaient, à charge des concessionnaires BMW, une interdiction générale d'exporter vers d'autres États membres. La Commission a subordonné l'octroi de l'exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, à la suppression de cette interdiction (voir
paragraphes 11, 12 et 34 de la décision).

Les produits BMW sont importés en Belgique par la société BMW Belgium et distribués par l'intermédiaire d'un réseau similaire de concessionnaires agréés. La forme type du contrat conclu avec les concessionnaires belges correspond largement à celle des contrats conclus avec les concessionnaires allemands. Elle ne contient aucune interdiction d'exporter. L'article 1 prévoit ce qui suit:

«… Le concessionnaire s'interdit toutefois toute vente à des revendeurs de véhicules ou de pièces détachées non agréés pour la distribution des produits contractuels, sauf l'hypothèse de pièces de rechange et équipement d'origine demandés aux fins de réparation …»

Le 13 janvier 1975, BMW Belgium a notifié le contrat type à la Commission et demandé une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3. Aucune décision n'a été prise à ce jour sur cette demande. La Commission nous a expliqué qu'après avoir clarifié sa position de principe relativement aux systèmes de distribution sélective en accordant l'exemption temporaire pour les contrats conclus par BMW avec les concessionnaires allemands, elle procède actuellement à un examen global du système de
distribution des produits BMW dans l'ensemble du Marché commun. Certains des contrats dont il s'agit (notamment ceux qui sont en vigueur en France et au Royaume-Uni) ne lui ont pas été notifiés avant 1977 et 1978. La Commission est particulièrement inquiète de constater la persistance de différences de prix pour les voitures, les motocyclettes et les pièces détachées BMW entre divers États membres. Elle espère toutefois pouvoir mener son enquête à terme peu de temps après l'aboutissement de la
présente procédure.

En 1975, les prix des voitures BMW neuves étaient nettement plus bas en Belgique que dans les autres États membres, cette situation étant due, pour partie à tout le moins, à un blocage des prix imposé par le gouvernement belge entre le 5 mai et le 1er novembre 1975.

Le niveau des prix appliqués en Belgique a entraîné une augmentation marquée des réexportations de véhicules BMW à partir de ce pays. Certaines de ces réexportations ont été effectuées pour des représentants non agréés, agissant pour leur compte propre.

BMW Belgium a réagi en adressant à certains concessionnaires belges un certain nombre de lettres leur rappelant les termes de l'article 1 de leur contrat (voir les lettres de mai et juin 1975 à l'annexe 5 au mémoire en défense dans l'affaire 32/78). Elle a aussi envoyé un certain nombre de circulaires à tous les concessionnaires BMW de Belgique. Ces circulaires jouant un rôle essentiel dans la présente affaire, il nous faudra en donner lecture intégralement. Elles ont été rédigées en français et en
néerlandais et nous en donnerons lecture en langue française. La concordance exacte des deux versions n'a pas été contestée.

La première circulaire portait la date du 4 juillet 1975 et était libellée dans les termes suivants:

«Ventes à l'étranger

Messieurs,

Nous devons vous faire savoir que nos usines de Munich nous ont communiqué le fait que plusieurs concessionnaires ont vendu des voitures BMW aux Pays-Bas ou en Allemagne.

Un fait qui est difficilement compréhensible pour nous dans une période pendant laquelle nous devons fournir nos voitures par des contingents limités.

De l'autre côté nous devons attirer votre attention sur le fait que chaque concessionnaire BMW s'est obligé en signant le contrat de concession BMW de ne pas fournir des produits BMW à des revendeurs non agréés pour la vente des produits contractuels BMW.

Des concessionnaires qui vendent des voitures par l'intermédiaire de tels revendeurs en Belgique ou à l'étranger, ont commis une infraction grave contre les articles du contrat de concessionnaire BMW.

Nous devons vous faire savoir que nous sommes tenus de réagir sévèrement et si nécessaire de résilier le contrat de concession BMW au cas où de telles infractions seront commises.»

Vous noterez, Messieurs, que BMW Belgium exprimait déjà dans cette circulaire l'inquiétude qu'elle ressentait du fait qu'il y avait des réexportations à partir de la Belgique, quelles qu'elles fussent.

Mais il ne fait aucun doute que l'accent y était mis sur l'interdiction des ventes aux revendeurs non agréés.

En dépit de la circulaire, les réexportations de Belgique se poursuivirent, y compris les ventes aux revendeurs non agrées. Au dossier de l'affaire figurent des copies d'un certain nombre de lettres adressées par BMW Belgium à des concessionnaires belges relativement à de telles réexportations en juillet, août et septembre 1975 (voir annexe 5 au mémoire en défense ainsi que annexes 7 et 8 à la duplique dans l'affaire 32/78). Certaines de ces lettres visaient à obtenir plus qu'un simple arrêt des
ventes aux revendeurs non agréés. D'aucunes étaient libellées de manière à laisser entendre que même les ventes faites par l'intermédiaire de tels revendeurs (agissant en qualité d'intermédiaire) à des consommateurs étaient interdites et certaines allaient même jusqu'à faire comprendre qu'il ne devrait y avoir absolument aucune vente à l'étranger. Au vu des termes d'une de ces lettres dont elle avait reçu copie, BMW Munich, consciente sans nul doute de ses obligations au titre du droit
communautaire, s'est alarmée de cette attitude et a écrit à BMW Belgium le 22 juillet 1975 en attirant son attention «une fois de plus» («noch einmal») sur le fait qu'une réexportation ne constitue pas en soi une violation du contrat de concession et lui demandant de s'occuper exclusivement des ventes abusives aux revendeurs (annexe 10 à la duplique dans l'affaire 32/78).

Les deux circulaires sur la base desquelles la Commission a estimé que l'article 85 du traité avait été enfreint, ont été expédiées le 29 septembre 1975. BMW Belgium avait soumis les projets de ces circulaires, pour rédaction du texte définitif, à son avocat conseil (celui-ci ne figurait pas au nombre des avocats qui ont plaidé devant nous). En retournant les projets remaniés par lui à BMW Belgium le 26 septembre 1975, cet avocat écrivit ceci (annexe à la réplique):

«Messieurs,

BMW/Vente étranger/ref. 27466

J'ai examiné les documents qui m'ont été remis par M. Thyssen lors de notre dernier entretien.

J'ai eu l'occasion à ce moment de lui faire part des différentes remarques et modifications qui, à mon avis, devaient être apportées à ce texte afin d'éviter qu'il ne soit en contradiction trop flagrante avec les dispositions de l'article 85 du traité de Rome.

J'y ai supprimé dans toute la mesure du possible toute mention relative à des mesures de rétorsion qui pourraient être prises par BMW AG à l'encontre du marché belge dans son ensemble.

Il me paraît, quant à moi, que le simple fait d'annoncer lesdites menaces, sans même passer le cas échéant à leur exécution, constitue déjà une infraction à la législation communautaire et pourrait être utilisé par un concessionnaire ou par toute personne désireuse de nuire à BMW.

A fortiori si des mesures devaient être effectivement prises, l'infraction à la législation communautaire serait évidente.

Je suppose que vous ne manquerez pas d'attirer l'attention de votre société mère sur ce point.

Je tiens également à attirer votre attention sur le fait que des retards trop importants de livraison ou des non-livraisons qui trouveraient leur origine dans de telles mesures, entraîneraient très probablement de nombreux litiges entre votre firme et vos concessionnaires ainsi qu'entre vos concessionnaires et leurs clients.

J'attire enfin votre attention sur le fait que le texte des circulaires telles qu'elles ont été rédigées et revues par moi, constituent incontestablement le maximum au-delà duquel on ne peut aller sans prendre de risques certains.

Déjà dans leur forme actuelle et édulcorée, ces circulaires se situent incontestablement à la limite de ce qui ne doit pas être franchi.

Je reste bien entendu à votre entière disposition pour tous renseignements complémentaires».

La première des deux circulaires datées du 29 septembre 1975, était adressée par BMW Belgium à tous les concessionnaires BMW belges. Elle était libellée dans les termes suivants:

«Vente de nouvelles voitures BMW à l'étranger

Messieurs,

En dehors de lettres individuelles à certains concessionnaires nous avons déjà au 4 juillet 1975 attiré l'attention de vous tous aux stipulations du contrat de concession BMW concernant la vente des produits BMW.

Néanmoins nous devons constater que nous recevons toujours des rapports de la part de nos usines de Munich et de l'importateur des Pays-Bas, concernant des ventes de voitures BMW dans ces pays par les concessionnaires belges et malheureusement nous devons en tirer la conclusion que ceux-ci ne peuvent ou ne veulent pas voir les conséquences de leurs actions.

Au cours d'une réunion extraordinaire du conseil consultatif des concessionnaires, nous avons exposé ce qui suit:

1. Un certain nombre de concessionnaires livrent des voitures en Allemagne et aux Pays-Bas, ceci c'est un fait constaté.

2. Il y a deux raisons pour ce phénomène:

1o La différence de prix;

2o Très vraisemblablement le fait que certains concessionnaires disposent d'un stock trop important ou mal assorti.

3. Chacun comprendra facilement que les usines BMW de Munich peuvent en tirer seulement deux conclusions:

a) les prix en Belgique sont trop bas;

b) les concessionnaires belges ont trop de stock.

Et les conséquences en seront:

a) nos prix vont être adaptés aussi vite que possible aux prix des pays environnants;

b) la livraison de voitures neuves pour la Belgique sera diminuée à partir du mois d'octobre 1975.

4. Vous créez pour vous-mêmes déjà des désavantages énormes par le fait que vous vendez, dans une période où l'on n'a pas assez de voitures, à des clients qui:

a) n'apparaîtront jamais dans votre atelier;

b) auxquels vous ne pourrez jamais vendre des pièces détachées ou des accessoires;

c) qui ne vous donneront pas la possibilité de faire un profit additionnel par la revente de leur voiture d'occasion;

d) qui ne vous achèteront jamais une deuxième ou troisième BMW comme le font en général les clients de votre propre région.

5. En dehors de tout cela vous créez des difficultés énormes pour vous-mêmes et vos collègues en vue des mesures que BMW Munich serait logiquement amenée à prendre, cela veut dire, une réduction importante des quantités de voitures prévues principalement pour la Belgique.

Nous croyons donc que dans cette situation il y ait seulement une solution: aucun concessionnaire BMW en Belgique ne vendra à l'avenir des voitures à l'étranger ou à des firmes qui fourniraient des voitures à l'étranger.

C'est une question de solidarité et de sauvegarde du réseau belge.

Cette solidarité absolue du réseau complet BMW et le respect de cette politique de vente seront les seuls arguments qui permettront de renouveler la confiance au réseau BMW belge.

Veuillez bien donner votre accord avec ces propositions en signant la copie de la lettre ci-jointe pour accord.

Vous trouverez en annexe une déclaration des membres du conseil consultatif des concessionnaires qui sont unanimes dans leur accord avec nos arguments et qui expliqueront leur point de vue personnellement au cours des réunions régionales.»

La seconde circulaire du 29 septembre 1975 était adressée à tous les concessionnaires BMW belges par le conseil consultatif des concessionnaires. Il s'agit ici, semble-t-il, d'un organe composé de membres élus par les concessionnaires et chargé d'opérer la liaison entre ces derniers et BMW Belgium. Il comptait à l'époque huit membres, lesquels étaient soit propriétaires de sociétés ayant la qualité de concessionnaire BMW, soit des dirigeants de telles sociétés. Nous avons entendu que ces personnes
avaient simplement apposé leur signature au bas d'un document qui leur avait été soumis pour le compte de BMW Belgium. Ce document était rédigé dans les termes suivants:

«Ventes à l'étranger

Cher Collègue,

Comme membres du conseil consultatif des concessionnaires nous sommes tous d'accord avec les faits exposés par BMW Belgium dans la lettre du 29 septembre 1975.

Nous le trouvons vraiment regrettable que le réseau complet des concessionnaires devra souffrir des conséquences désavantageuses qui ont leur origine dans le fait qu'un certain nombre de concessionnaires n'a pas suivi les conseils de l'importateur du 4 juillet 1975 et qui ont continué à livrer des voitures à l'étranger.

Nous avons demandé qu'on nous fasse connaître les noms de ces concessionnaires de sorte que nous, votre conseil consultatif des concessionnaires, soyons à même de faire savoir à vous tous lesquels de vos collègues sont responsables pour une réduction éventuelle des quantités des voitures 2-portes et 518 pour la Belgique.

Le conseil consultatif des concessionnaires considère sa tâche la plus importante de donner au réseau BMW des bons conseils. Dans ce cas ce conseil peut uniquement être le suivant: “plus aucune vente en dehors de la Belgique!”

Vous serez invités dans les prochains jours à des réunions régionales au cours desquelles nous voudrions vous donner des informations plus détaillées concernant ce problème important.»

Quarante-sept concessionnaires sur 90, soit les 47 concessionnaires requérants dans la présente procédure, ont accédé à l'invitation, contenue dans la première circulaire, de signer une copie de celle-ci pour accord.

Des réunions régionales ont été tenues les 13 et 31 octobre 1975, ainsi qu'il avait été annoncé dans les circulaires, mais il ne semble pas qu'il s'y soit révélé quoi que ce soit d'une importance particulière.

Les avocats de BMW Belgium ont souligné l'importance d'une autre circulaire, datée cette fois du 2 octobre 1975 et traitant spécifiquement des activités d'une firme dénommée Pentacom NV, à Anvers (annexe 1 aux réponses de BMW aux questions de la Cour). Cette circulaire était libellée comme suit:

«Messieurs,

Nous venons d'apprendre que la firme susdite agit comme intermédiaire pour des importateurs allemands et même pour des concessionnaires BMW allemands pour acheter chez des concessionnaires belges des voitures destinées pour l'Allemagne.

Dans un cas bien précis il nous a été communiqué que la firme Pentacom aurait commandé des voitures, soit-disant pour la Belgique, et les a expédiées par après en Allemagne.

Nous le croyons donc utile d'attirer votre attention sur l'article du contrat de concession BMW s'y référant qui ne vous permet pas de vendre des voitures via des revendeurs non agréés».

Ils ont soutenu que cette circulaire montre que le véritable souci de BMW Belgium était d'obtenir que soit respectée la clause contenue dans les contrats conclus avec les concessionnaires BMW et interdisant à ces derniers de vendre à des revendeurs non agréés. Les termes de cette circulaire nous paraissent cependant équivoques. Pourquoi, si tel était le seul objectif visé, contient-elle les mots «et même pour des concessionnaires BMW allemands»? Et pourquoi aussi y est-il question de commandes
passées par la firme Pentacom «soit-disant pour la Belgique»? Si Pentacom n'était pas un revendeur agréé, les ventes effectuées à cette firme constituaient une infraction au contrat, même si les voitures en question étaient destinées au marché belge. Il importait peu que la destination véritable des voitures était le marché belge. Il importait peu que la destination véritable des voitures était le marché allemand. De surcroît, la dernière phrase était positivement de nature à jeter la confusion: les
ventes «via» un revendeur non agréé étaient permises lorsque ce dernier agissait en tant qu'intermédiaire pour le compte d'un client ou d'un autre concessionnaire agréé.

Après avoir été informée par BMW Belgium de la teneur des circulaires du 29 septembre 1975, BMW Munich écrivit à cette dernière le 17 octobre 1975, la félicitant d'avoir pris l'initiative de freiner les ventes aux revendeurs non agréés, mais poursuivant dans les termes suivants:

«Comme nous l'avons déjà indiqué les 17 janvier, 23 juin et 22 juillet 1975, il nous faut vous demander de nouveau, pour toutes mesures prises, de ne pas perdre de vue que:

— rien ne peut être entrepris contre vos concessionnaires au simple motif qu'ils ont réexporté des voitures; des avertissements ne peuvent être donnés que dans l'hypothèse où un concessionnaire est suspecté de vendre des voitures à des revendeurs non agréés en violation de ses obligations contractuelles,

— vous ne pouvez menacer vos concessionnaires d'entreprendre une action contre eux à moins que cela ne se révèle nécessaire du fait d'une violation prouvée de leurs contrats.

Les présentes instructions doivent également être respectées dans le cadre de toutes correspondances échangées entre BMW Belgium SA et le réseau de distribution belge.»

Le dossier de l'affaire contient également des copies de quelques lettres adressées par BMW à certains de ses concessionnaires belges en octobre 1975. Elles sont libellées en des termes identifiant virtuellement toute exportation à une violation du contrat de concession (voir annexe 5 au mémoire en défense de l'affaire 32/78).

Une grande partie des preuves produites devant nous et des arguments qui nous ont été présentés a trait aux activités de deux firmes allemandes, Automobilimporte C. Heuer, à Dillingen («Heuer») et MGH Motorgesellschaft mbH, à Herford («MGH»). Il s'agit de deux revendeurs non agréés et les preuves qui nous ont été présentées nous inclinent à admettre l'allégation de BMW Belgium qu'ils n'ont jamais fait commerce de voitures BMW si ce n'est pour leur propre compte, quoiqu'ils aient pu faire
relativement à d'autres marques. Il en découle que toute vente effectuée par un concessionnaire BMW à l'un d'eux l'a été en violation de son contrat de concession. Il apparaît qu'il y a eu un certain nombre de ventes de ce genre.

Il nous semble cependant que les activités de Heuer et de MGH intéressent seulement la présente espèce sous deux aspects et sous ces deux aspects uniquement parce qu'ils font partie de la genèse de l'affaire.

Tout d'abord, c'est à la suite de plaintes déposées par Heuer et MGH les 24 novembre et 9 décembre 1975 respectivement, sur la base de l'article 3 du règlement no 17, que la Commission a ouvert la procédure qui a abouti à sa décision du 23 décembre 1977. BMW Belgium a soulevé brièvement la question de savoir si ces procédures pourraient être non valides puisque ni Heuer ni MGH ne pouvaient prétendre avoir un intérêt légitime à agir. Il s'agit ici, selon nous, d'un mauvais argument. La Commission
était parfaitement en droit de poursuivre la procédure «d'office», quelle que pouvait être la qualité de Heuer ou de MGH.

En second lieu, il est apparu lors de la procédure devant la Cour qu'il est constant que c'est à la suite d'une action formée par MGH contre BMW Belgium devant le tribunal de commerce d'Anvers que cette dernière a encore adressé, le 20 février 1976, une nouvelle circulaire aux concessionnaires BMW en Belgique. Cette circulaire était rédigée dans les termes suivants:

«Vente de voitures BMW neuves à des revendeurs non agrées

Messieurs,

Par notre lettre du 29 septembre 1975 nous avons attiré votre attention sur la nouvelle situation du marché belge suite à la vente de voitures BMW neuves à des revendeurs situés à l'étranger au cours de l'année 1975.

Nous vous avions à l'époque formulé à ce sujet différents conseils et nous avions attiré votre attention sur ce qui nous a semblé et qui nous semble toujours être votre intérêt personnel.

Contrairement à notre propos il nous a été rapporté que cette circulaire ainsi que son annexe avaient été considérées par des tiers comme pouvant être des directives de l'importateur à son réseau de distributeurs.

Si tel a pu être le cas nous entendons par la présente mettre fin à toute confusion à ce sujet.

Il n'a jamais été et il n'est toujours pas de notre intention ni de celle du conseil consultatif des concessionnaires de vous donner des directives précises ou de vous formuler des interdictions de réexportation. En toute hypothèse nous vous demandons de bien vouloir considérer notre circulaire du 29 septembre 1975, en tant qu'elle pourrait être interprétée comme une interdiction à la réexportation, comme nulle et non avenue.

Le but de notre lettre du 29 septembre 1975 consistait à vous rappeler qu'en vertu du contrat de concession signé par vous, la vente de voitures BMW à des revendeurs non agréés tant à l'intérieur du pays qu'à l'étranger est interdite.

En aucun cas nous n'avons voulu et ne voulons empêcher le concessionnaire BMW de négocier avec un intermédiaire du client particulier, mais nous nous opposons à ce que les concessionnaires négocient avec les revendeurs.

En accord avec le conseil consultatif des concessionnaires nous aimerions attirer votre attention encore une fois sur le fait que votre intérêt financier personnel n'est pas limité seulement à la vente de voitures BMW neuves.

Un client qui s'adresse à vous également pour l'entretien de sa BMW est acquéreur de pièces détachées et d'accessoires et utilisateur de prestations de services, ce qui offre aussi une source de bénéfices appréciables.

Cette considération vaut également lors de la reprise éventuelle de voitures d'occasion.

En conclusion un client satisfait vous achètera aussi sa prochaine BMW.

Nous espérons que ces précisions écarteront les doutes éventuels que vous pourriez ressentir concernant les droits et les devoirs des concessionnaires BMW autorisés en Belgique.»

C'est évidemment en raison de cette circulaire que la Commission a considéré que l'infraction à l'article 85, paragraphe 1, a pris fin le 20 février 1976.

L'interprétation des circulaires du 29 septembre 1975

Nous pourrons être relativement bref au sujet de l'interprétation qu'il convient de donner aux circulaires du 29 septembre 1975.

L'affirmation figurant dans la circulaire de BMW Belgique, disant «nous croyons donc que dans cette situation il y ait seulement une solution: aucun concessionnaire BMW en Belgique ne vendra à l'avenir des voitures à l'étranger ou à des firmes qui fourniraient des voitures à l'étranger» et celle figurant dans la circulaire du conseil consultatif des concessionnaires, disant que «… ce conseil peut uniquement être le suivant: plus aucune vente en dehors de la Belgique!», sont absolument sans équivoque
et ne sont susceptibles que d'une seule interprétation. De surcroît, la teneur tout entière des circulaires renforce encore cette même interprétation. C'est le cas de l'en-tête de chacune d'elles. C'est le cas aussi des arguments qui y sont développés: ce sont des arguments dirigés contre l'exportation et non pas seulement des arguments contre la vente aux revendeurs non agréés. C'est le cas, enfin, des sanctions comminatoires qui sont indiquées: augmentation des prix belges, réduction des
livraisons aux concessionnaires belges en général, mais non pas résiliation des contrats des concessionnaires vendant aux revendeurs non agréés. Les requérants se sont fondés largement sur la première phrase de la circulaire de BMW Belgium où celle-ci se réfère à sa circulaire du 4 juillet 1975, mais cette phrase est beaucoup trop faible pour contredire la suite du texte et, en tout état de cause, ainsi que nous l'avons signalé plutôt, la circulaire du 4 juillet 1975 exprimait déjà le souci que
causait à BMW Belgium la réexportation de voitures à partir de la Belgique.

Les arguments que les requérants tirent de facteurs étrangers au texte des circulaires proprement dites ne nous impressionnent pas davantage.

Il a été dit tout d'abord que BMW Belgium doit être présumée avoir cherché à agir conformément aux voeux de BMW Munich qui se limitaient à l'interdiction d'exporter en faveur de revendeurs non agréés. Un passage de nos conclusions dans les affaires 6 et 7/73 Commercial Solvents contre Commission, (Recueil 1974, p. 264) a été cité dans ce contexte. Nous pouvons brièvement répondre que BMW Belgium a clairement outrepassé les instructions qu'elle avait reçues de BMW Munich ainsi qu'il ressort des
lettres mêmes de cette dernière société.

Deuxièmement, il a été dit que les circulaires doivent être lues à la lumière des lettres que BMW Belgium a envoyées aux concessionnaires pendant la période de mai à octobre 1975. Mais ces lettres, comme nous l'avons indiqué, n'étaient pas uniformément compatibles avec un désir de BMW Belgium de se limiter à empêcher les seules ventes aux revendeurs non agréés. Ces lettres ne pouvaient pas non plus, en tout état de cause, avoir une incidence sur le sens que les circulaires revêtiraient pour les
concessionnaires qui ne les avaient pas reçues.

Troisièmement, il a été dit que les activités de revendeurs non agréés, en particulier celles de Heuer et de MGH, étaient tellement notoires à l'époque que les concessionnaires destinataires des circulaires devaient en conclure automatiquement qu'elles visaient le problème posé par ces activités. Cela se peut, mais à la lecture des circulaires, on est porté à conclure que la solution du problème devait être une interdiction totale d'exporter.

Enfin, il a été dit que le comportement qui fut celui des parties après que les circulaires avaient été expédiées, montrait qu'elles ne les comprenaient pas comme une interdiction totale d'exporter, étant donné que les exportations se sont poursuivies après cette date et que BMW Belgium n'a soulevé d'objections que dans les cas de ventes à des revendeurs non agréés. Nous estimons que cette argumentation n'emporte pas la conviction. Selon les chiffres qui ont été fournis par BMW Belgium en réponse à
une des questions de la Cour, cette société a eu connaissance, entre octobre 1975 et février 1976, de 59 cas de réexportations de voitures neuves effectuées par des concessionnaires BMW belges. Elle a été en mesure d'établir l'identité des acheteurs dans 28 cas seulement. Dans 2 cas, l'acheteur était un concessionnaire BMW; dans 8 cas, il s'agissait d'un particulier et, dans 18 cas, l'acheteur était un revendeur non agréé. Quelles que soient les conclusions que l'on puisse tirer de ces chiffres, il
n'en résulte pas que les destinataires des circulaires ont compris celles-ci comme leur interdisant uniquement d'exporter au profit de revendeurs non agréés. En ce qui concerne le comportement prétendu de BMW Belgium (au sujet duquel il n'y a pas de preuves valables pour la période postérieure à octobre 1975), il pourrait s'expliquer comme étant la conséquence de la lettre de BMW Munich du 17 octobre 1975.

Nous estimons donc que c'est avec pertinence que la Commission a interprété les circulaires du 29 octobre 1975 comme visant à imposer une interdiction totale d'exporter. Cela étant, il y a clairement eu violation de l'article 85, paragraphe 1, du traité par BMW Belgium, par les membres du conseil consultatif des concessionnaires et par les autres concessionnaires qui ont signé la première circulaire, peu importe ce qu'ont pu être les effects réels de leurs agissements voir affaire 19/77, Miller
contre Commission, Recueil 1978, p. 131).

Les amendes

Nous en venons maintenant à la question de savoir si les amendes infligées par la Commission aux requérants sont adéquates.

Nous croyons, à cet égard, qu'il est important de garder présente à l'esprit la teneur de l'article 15, paragraphe 2, du règlement no 17, pour autant qu'il intéresse la présente affaire. Cette disposition se lit comme suit:

«La Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises … des amendes de 1000 unités de compte au-moins et de 1000000 d'unités de compte au plus, le dernier montant pouvant être porté à 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent pour chacune des entreprises ayant participé à l'infraction, lorsque, de propos délibérés ou par négligence … elles commettent une infraction aux dispositions de l'article 85, paragraphe 1 ou de l'article 86 du traité …

Pour déterminer le montant de l'amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l'infraction, la durée de celle-ci.»

Dans l'affaire Miller (Recueil 1978, p. 161), nous avons souligné (entre autres choses) que le pouvoir discrétionnaire dont dispose la Commission pour déterminer le montant d'une amende devrait dès lors être considéré comme se situant entre 0 % et 10 % du chiffre d'affaires de l'entreprise en cause; qu'une amende égale à 10 % du chiffre d'affaires peut être considérée comme adéquate dans le cas d'une infraction commise intentionnellement, de la nature la plus grave et d'une durée considérable, alors
que à l'autre bout de l'échelle des peines, l'infraction commise par simple négligence, d'une nature tout à fait vénielle et uniquement de courte durée, mérite une amende inférieure à 1 % du chiffre d'affaires au cas où les circonstances imposent néanmoins qu'une amende soit infligée. Nous avons également exprimé l'opinion que la limite inférieure de 1000 unités de compte doit être entendue en ce sens qu'aucune amende ne doit être infligée si l'infraction mérite une amende inférieure à ce montant.

L'article 17 du règlement no 17 confère à la Cour compétence de pleine juridiction pour contrôler les décisions par lesquelles la Commission a infligé une amende; la Cour peut, en vertu de cet article, supprimer, réduire ou majorer l'amende. Il ne s'ensuit pas toutefois, selon nous, que la Cour doive, dans toute affaire dont elle est saisie, substituer sa propre évaluation de l'amende adéquate à celle de la Commission.

Nous sommes d'avis que la Cour ne doit modifier le montant de l'amende imposée par la Commission que si elle a la conviction qu'en fixant l'amende, cette dernière a commis une erreur significative de droit ou de fait. Une telle erreur peut naturellement être soit implicite soit explicite dans la décision de la Commission dont il s'agit.

Sur deux autres points d'interprétation des articles 15 et 17 du règlement no 17, les parties se sont référées aux conclusions de M. l'avocat général Mayras dans l'affaire 26/75, General Motors contre Commission (Recueil 1975, p. 1389 à 1391).

Elles ont soutenu tout d'abord que M. l'avocat général Mayras a défini avec autorité ce qui constitue, aux fins de l'article 15, une infraction à l'article 85, paragraphe 1, ou à l'article 86 du traité commise «de propos délibéré» et ce qui, en revanche, ne constitue qu'une infraction commise par négligence. Nous ne comprenons cependant pas l'opinion qu'il a exprimée sur ce point comme visant à donner une définition exhaustive de ces concepts. L'avocat général Mayras entendait, croyons-nous,
analyser uniquement les faits de l'affaire dont il s'agissait et montrer, en particulier, pourquoi General Motors n'avait pas, selon lui, enfreint l'article 86 du traité de propos délibéré. Quoi qu'il en soit, ses conclusions dans cette affaire sont maintenant dépassées par suite de l'arrêt de la Cour dans l'affaire Miller. La Cour y a décidé que celui qui a adopté ou accepté une clause dont il doit avoir su qu'elle avait pour objet de restreindre la concurrence à l'intérieur du Marché commun, doit
être réputé avoir commis intentionnellement un acte interdit par le traité, qu'il ait eu conscience ou non d'enfreindre l'interdiction de l'article 85 (voir 18e attendu de l'arrêt).

En second lieu, il a été souligné que M. l'avocat général Mayras avait exprimé dans ses conclusions l'opinion que si la Commission a infligé une amende à une entreprise motif pris de ce que celle-ci a enfreint l'article 85, paragraphe 1, ou l'article 86 du traité «de propos délibéré», la Cour ne peut pas, si elle estime que l'entreprise a seulement agi de manière «négligente», modifier le montant de l'amende en conséquence, mais doit la supprimer purement et simplement. En ce qui nous concerne, nous
croyons devoir exprimer respectueusement une opinion divergente. Les pouvoirs conférés à la Cour pa l'article 17 du règlement no 17 sont des plus larges et ils suffisent, selon nous, à lui permettre de faire en toute hypothèse ce qu'elle considère être de bonne justice.

Dans la présente affaire, la Commission a décidé que BMW Belgium et les huit membres du conseil consultatif des concessionnaires avaient violé l'article 85, paragraphe 1, de propos délibéré et que les autres concessionnaires ayant signé une copie de la première circulaire avaient été, ce faisant, «à tout le moins négligents».

Comme nous l'avons indiqué d'entrée de jeu, la Commission a infligé à BMW Belgium une amende de 150000 unités de compte, soit 7500000 FB. Cette amende se révèle être inférieure à ½ % du chiffre d'affaires réalisé par BMW Belgium au cours de l'exercice financier clôturé le 30 septembre 1975 (voir annexe 6 au mémoire en défense dans l'affaire 32/78) et elle se situe dès lors au bas de l'échelle des peines prévues par l'article 15 du règlement no 17. Néanmoins, BMW Belgium cherche à obtenir la
suppression de l'amende ou, subsidiairement, la réduction de celle-ci.

Les arguments avancés par BMW Belgium à l'appui de sa demande de suppression ou de réduction de l'amende sont brodés sur la même trame que ceux qu'elle avance à propos de l'interprétation à donner aux circulaires. Le seul but de BMW Belgium, est-il dit, était de stopper les ventes aux revendeurs non agréés. Si cependant la Commission a eu raison, comme nous le croyons, d'estimer que les circulaires avaient, selon leur libellé, pour objet d'imposer une interdiction totale d'exporter et que c'était ce
fait qui était essentiellement constitutif de l'infraction à l'article 85, paragraphe 1, c'est à cela que doit être rapporté le montant de l'amende.

BMW Belgium a présenté trois moyens spécifiques sur ce point.

Tout d'abord, il a soutenu que l'amende avait été infligée en violation de l'article 15, paragraphe 5, du règlement no 17, lequel interdit d'infliger une amende pour, entre autres, «des agissements postérieurs à la notification à la Commission et antérieurs à la décision par laquelle elle accorde ou refuse l'application de l'article 85, paragraphe 3 du traité, pour autant qu'ils restent dans les limites de l'activité décrite dans la notification». L'immunité conférée par cette disposition ne pouvait
toutefois s'étendre à l'interdiction d'exporter, contenue dans les circulaires, interdiction qui n'a jamais fait l'objet d'une notification à la Commission et à propos de laquelle aucune exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, n'a jamais été demandée. La Commission ne conteste pas que l'immunité s'étendait à l'interdiction de vendre à des revendeurs non agréés, prévue par l'article 1 du contrat conclu avec chaque concessionnaire, mais ce n'est pas de ce chef que l'amende a été infligée.

BMW Belgium a soutenu ensuite que si elle a enfreint l'article 85, paragraphe 1, elle l'a fait non pas de propos délibéré mais tout au plus par négligence, étant donné que son intention véritable a été uniquement de mettre fin aux ventes aux revendeurs non agréés. Elle s'est référée au fait qu'elle a pris la précaution de consulter son avocat-conseil sur le texte des circulaires. A la lumière des éléments du dossier et de l'arrêt de la Cour dans l'affaire Miller, nous croyons que cet argument ne
saurait emporter la conviction. BMW Belgium a délibérément mis en circulation des documents libellés en termes restrictifs de la concurrence à l'intérieur du Marché commun; et elle ne saurait valablement soutenir ne pas avoir eu conscience de la portée évidente de ces documents. Il importe peu que BMW Belgium n'ait pas eu les termes de l'article 85 présents à l'esprit. En fait, son avocat-conseil s'est formellement référé à cet article. Dans l'affaire Miller, la Cour a estimé (contrairement à
l'opinion que nous avions exprimée) que l'avis du conseiller juridique de Miller ne pouvait pas être une circonstance atténuante. Ici, l'opinion de l'avocat-conseil était, croyons-nous, plutôt une circonstance aggravante. Elle permettait de considérer que celui-ci avait jugé les circulaires contraires à l'article 85, mais espéré que leur incompatibilité avec cette disposition du traité ne serait pas «trop flagrante» après les modifications qu'il y avait apportées.

En troisième lieu, BMW Belgium a soutenu que l'amende était trop élevée eu égard au bref laps de temps pendant lequel l'interdiction a été en vigueur et au fait qu'elle a eu peu d'effet. Or, la Commission a expressément tenu compte de ces facteurs lorsqu'elle a dit, au paragraphe 26 de sa décision que: «Les amendes à infliger à BMW Belgium et aux huit entreprises doivent être fixées en tenant compte du fait que l'accord n'a existé que pendant une période relativement courte et que ces incidences ne
peuvent être exactement quantifiées.»

Aussi croyons-nous qu'il convient de rejeter entièrement la demande de BMW Belgium tendant à obtenir la suppression de l'amende ou la réduction de son montant.

Venons- en maintenant aux montants des amendes infligées aux concessionnaires.

La Commission a infligé à cinq des huit membres du conseil consultatif une amende de 2000 unités de compte ou 100000 FB chacun; aux trois autres, elle a infligé une amende de 1500 unités de compte ou 75000 FB chacun. Le chiffre d'affaires respectif des cinq premiers se situait en 1975 à l'intérieur d'une fourchette de 39842000 FB et 79913367 FB, tandis que le chiffre d'affaires des trois derniers se situait entre 12202675 FB et 22213431 FB (voir annexe 5 à la requête dans l'affaire 42/78). Ce qui
explique la différence dans le montant des amendes qui leur ont été infligées.

Aux 39 concessionnaires qui n'étaient pas membres du conseil consultatif, mais qui ont signé la première circulaire, la Commission a infligé l'amende minimale de 1000 unités de compte, soit 50000 FB. Aucun renseignement n'a été fourni à la Cour quant au montant du chiffre d'affaires respectif de ceux-ci, mais leurs avocats n'ont présenté aucun moyen à cet égard.

En ce qui concerne ces 39 concessionnaires, le seul problème qui puisse se poser est celui de savoir s'il était permis, au demeurant, à la Commission de les condamner à une amende quelconque. L'amende ne saurait être réduite. Leurs avocats n'ont d'ailleurs pas cherché à soutenir que la Commission n'avait pas le pouvoir de leur infliger une amende ou qu'elle avait commis une erreur en exerçant ce pouvoir à leur égard. Il a été dit que la présente affaire était la seule dans laquelle la Commission
avait infligé des amendes à des concessionnaires auxquels leur fournisseur avait imposé une restriction, au lieu d'infliger une amende seulement à ce fournisseur lui-même. La Commission a répondu que cette affaire présentait des caractéristiques inexistantes dans d'autres affaires. Quoi qu'il en soit, la Cour ne saurait considérer que si la Commission n'a pas infligé d'amendes à des concessionnaires dans d'autres affaires, elle ne peut le faire en aucun cas — cela équivaudrait à une annulation
partielle du règlement no 17.

Tous les concessionnaires ont insisté sur le fait qu'ils se trouvent sous la dépendance économique de BMW Belgium, si bien qu'il leur était difficile de résister aux pressions venant de cette société. La Commission a pleinement tenu compte de cette circonstance en fixant le montant des amendes qu'elle leur a infligées. Mais nous croyons qu'eux-mêmes, et d'autres se trouvant dans une position similaire, pourront à l'avenir résister plus aisément aux pressions abusives d'un fournisseur s'ils peuvent
se prévaloir de la présente affaire et démontrer, ce faisant, qu'en cédant à de telles pressions, ils risquent d'encourir une amende.

Il a été dit pour le compte des membres du comité consultatif que la Commission était dans l'erreur en estimant qu'ils avaient enfreint l'article 85 de propos délibéré plutôt que par négligence. Nous ne le croyons pas. Les membres du conseil consultatif, fût-ce sur l'injonction de BMW Belgium, ont signé la seconde circulaire en connaissant parfaitement sa teneur. Ils ne peuvent pas l'avoir fait dans un moment de distraction. Ici aussi l'arrêt de la Cour dans l'affaire Miller importe. Mais à supposer
même que leurs agissements doivent être considérés comme de pure négligence, nous ne voyons pas comment les amendes qui leur ont été infligées pourraient être adéquatement réduites. Ils ont joué un rôle beaucoup plus actif que les 39 autres concessionnaires et leur qualité de membres du conseil consultatif leur imposait des responsabilités accrues. Ce qu'ils ont fait visait à faire rentrer leurs collègues concessionnaires BMW dans le rang. La circulaire qu'ils ont signée contenait même une menace à
l'adresse de ceux qui refuseraient d'obtempérer.

Conclusion

Par conséquent, nous concluons au rejet des requêtes et à ce que les requérants soient condamnés aux dépens.

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

( 1 ) Traduit de l'anglais.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 32/78,
Date de la décision : 12/06/1979
Type de recours : Recours contre une sanction - non fondé, Recours en annulation - non fondé

Analyses

Interdiction d'exportation.

Concurrence

Ententes


Parties
Demandeurs : BMW Belgium SA et autres
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Warner
Rapporteur ?: Bosco

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1979:149

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award